Le présent débat sur les aides internationales s'ancre dans une réalité terrible, celle de la situation à Gaza. Ce petit territoire marqué par des décennies de conflit et de restrictions sévères, avec une densité de population parmi les plus élevées au monde, connaît actuellement le conflit le plus meurtrier de ce siècle, qui conduit à une situation humanitaire absolument dramatique – j'y reviendrai.
Cette situation n'est malheureusement pas isolée. Elle reflète les failles systémiques de notre politique internationale et des aides qui y sont liées. Elle interroge l'efficacité de notre aide au développement et la nécessité de garantir que nos interventions humanitaires ne soient pas entravées par des considérations purement politiques ou stratégiques, comme c'est le cas au Sahel, dans différents pays tels que le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, où les peuples sont punis pour les fautes de leurs dirigeants.
En effet, les aides que nous leur délivrions ont été, pour la plupart, suspendues, du fait des coups d'État qui ont frappé ces pays. Pourtant, la situation au Sahel est critique : terrorisme, précarité extrême, réchauffement climatique. Selon différents scénarios, une augmentation de la température moyenne de 1,5 degré à 2 degrés pourrait toucher cette région et la rendre complètement invivable car les températures y excéderaient régulièrement 40 degrés. Cela entraînerait bien sûr des flux migratoires de grande ampleur, des millions de personnes étant contraintes de fuir ou de mourir.
Ces projections ne sont pas de simples hypothèses comme on l'entend encore parfois ; elles sont étayées par des données scientifiques robustes et devraient façonner notre politique d'aide internationale, en développant des stratégies d'adaptation et d'atténuation.
Un autre aspect crucial de notre politique d'aide internationale réside dans la compréhension du rôle des entreprises multinationales dans le modèle de développement actuel. Ces entités, de par leur taille et leurs ressources, influencent les décisions économiques, politiques et sociales des pays où elles opèrent. Elles peuvent dicter les termes des échanges commerciaux, modifier les normes de production et de travail et avoir un impact considérable sur les politiques nationales.
Ces géants économiques, qui peuvent être complices de pratiques néocoloniales, exploitent les ressources des pays en développement et entravent bien souvent leur véritable autonomie. Prenons l'exemple du projet mortifère de TotalEnergies en Ouganda, où 100 000 paysans ont été chassés de leurs terres pour qu'y passent des pipelines qui les souilleront à jamais, dans le seul but de continuer à maximiser les profits pétroliers, alors qu'il faudrait au contraire en finir avec les énergies fossiles.
Quand la guerre fait rage, la situation se complique davantage. Par exemple, l'entreprise Vinci bénéficie encore de marchés très importants en Russie, tout en cherchant à se positionner pour participer à la reconstruction en Ukraine. Carrefour, qui laisse mourir de faim les enfants gazaouis, s'implante en revanche dans les colonies israéliennes et soutient ainsi directement le nettoyage ethnique en cours en Palestine.
Madame la ministre déléguée, ces entreprises, c'est aussi l'image de la France. Notre engagement international doit embrasser une vision globale, qui questionne la responsabilité géopolitique des entreprises et où l'aide humanitaire, le développement et l'action de tous les acteurs internationaux sont intrinsèquement liés. Il est impératif de veiller à ce que l'aide publique au développement ne soit pas compromise par les pratiques néocoloniales, ou coloniales tout court dans le cas de la Palestine, de certaines entités économiques. Nous devons également nous assurer que notre présence contribue réellement à l'autonomie des nations bénéficiaires.
En juin dernier, le Président de la République a annoncé un « choc de financement public » significatif en faveur des pays les plus vulnérables. Cependant ces promesses semblent s'évaporer : le Gouvernement a récemment gelé ses efforts de solidarité pour 2024 et reporté à 2030 l'objectif d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en aide publique au développement. Cette révision représente un recul majeur dans nos engagements internationaux : le montant de l'aide pourtant cruciale ainsi perdue s'élèverait à environ 21,4 milliards d'euros. Cela affecte non seulement les pays destinataires de cette aide, mais aussi la crédibilité de la France sur la scène internationale. Il est en effet impossible de promouvoir une politique étrangère véritablement fondée sur l'humanisme et la solidarité, en abandonnant ainsi nos engagements financiers.
Ce n'est pas tout. La loi sur l'immigration que le gouvernement Borne a fait adopter avant les fêtes, sous la dictée et avec les voix du Rassemblement national,…