France Insoumise (NUPES)
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RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 188 à l'article 6.
En effet, le n° 190 est un amendement de repli. Alors que le présent projet de loi ouvre la possibilité de déposer plainte avec des moyens de télécommunication modernes grâce à la vidéo, ces amendements tendent à s'assurer que les forces de police ou de gendarmerie constatent avant le début de la déposition que la victime s'exprime dans un lieu sûr, que personne à proximité ne l'empêche de parler librement, ni ne la contraint. Il importe que ce dispositif neuf ne soit pas dévoyé et que les dépôts de plainte soient sécurisés.
Sur l'amendement n° 251 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en présentation groupée ?
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
Il fait suite à notre long débat d'hier sur les conditions de dépôt de plainte en ligne garantissant l'accompagnement le plus protecteur pour les victimes, notamment en cas d'atteinte à leur intégrité physique. Dans certains cas, ces atteintes s'accompagnent de pressions, qui pourraient avoir lieu au domicile au moment du dépôt de plainte en vidéoconférence.
Cet amendement de repli vise à s'assurer que ce n'est pas le cas, en prévoyant une visite de policiers ou de gendarmes au domicile de la victime dans les meilleurs délais après le dépôt de plainte, pour vérifier que celui-ci a eu lieu dans des conditions de sécurité et de protection optimales.
Cette question, qui sera bien sûr prise en considération dans le décret en Conseil d'État prévu par l'article, rejoint celle de la plainte hors les murs, dont le rapport annexé au présent texte prévoit la généralisation, je vous le rappelle. Mon avis est donc défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 34
Contre 40
L'amendement n° 251 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 688 .
Nous avons déjà longuement débattu de la question hier soir dans l'hémicycle, et auparavant en commission. Monsieur le rapporteur, dans ce cadre, vous aviez accepté de modifier la formulation initiale du texte, au profit de la phrase « la plainte […] ne peut être imposée à la victime ». À cette forme négative, nous en préférerions une affirmative, qui préciserait que le dépôt de plainte en visioconférence est « une option, à laquelle la victime doit consentir expressément ». Vous vous en doutez, il s'agit encore de se prémunir contre le risque évoqué hier que l'introduction de la forme dématérialisée ne vise simplement à désengorger les commissariats.
Cette option doit être au service des victimes, et ne doit être utilisée qu'avec leur consentement, quand elle est la plus pratique, – je pense aux cas d'atteinte aux biens –, ou quand elle est choisie par défaut par des personnes qui ne souhaitent pas se rendre au commissariat. Tel est le sens de cet amendement.
Cette option sera choisie d'emblée par certaines victimes qui iront directement en ligne, mais on ne peut l'imposer à celles qui se rendront d'abord au commissariat, au motif qu'il y a trop de monde sur place, par exemple. Disons le clairement, nous craignons que les choses basculent et qu'il soit demandé aux plaignants de rentrer chez eux, alors qu'ils auront fait la démarche de se déplacer.
Effectivement, comme vous vous en souvenez, nous avons substitué à la formule « toute victime [..] peut se voir proposer [le dépôt de plainte dématérialisé] » une autre, précisant qu'une telle option « ne peut être imposée à la victime ». Cela signifie que la victime, pour reprendre les termes de votre amendement, doit y « consentir expressément ». Votre amendement est donc satisfait ; avis défavorable.
Avis défavorable.
Monsieur le ministre, pour reprendre nos travaux sous de bons auspices et nous permettre de mieux réfléchir, de mieux amender l'article 6, pouvez-vous nous dire où en est votre réflexion sur l'organisation concrète de la prise en charge des plaintes en vidéoconférence au sein des services de police et de gendarmerie ? Un open space sera-t-il ouvert en région parisienne, avec des policiers et des gendarmes équipés d'un micro-casque, chacun travaillant derrière son ordinateur une fois réparties les plaintes parvenant par internet ? Ou alors la prise en charge aura-t-elle lieu dans les casernes et les commissariats existants, mais depuis une plateforme virtualisée, comme cela a été évoqué par le DGPN – directeur général de la police nationale ? S'agira-t-il simplement d'un équivalent numérique à l'accueil physique ? Chaque commissariat serait alors équipé d'un poste dédié à la vidéoconférence, avec une préaffectation des victimes sur le site internet selon le code postal ? Y avez-vous déjà réfléchi ?
Monsieur Bernalicis, si ce texte est adopté par le Parlement et si le Conseil constitutionnel valide notre démarche, nous prendrons un décret en Conseil d'État, comme le précise l'article. Ce décret sera évidemment soumis au président de la commission des lois, pour votre information et au cas où vous auriez des remarques.
Le dispositif pourrait être déployé en deux temps. Dans un premier temps, trois types d'organisation seraient expérimentés : la plateforme virtuelle évoquée par le directeur général de la police nationale ; une organisation territoriale reprenant le principe des centres de traitement des appels au 17 – je ne sais pas si vous en avez déjà visité –, mais en l'adaptant aux spécificités de la visioconférence ; un dispositif dédié aux enquêtes spécifiques. En effet, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la visioconférence doit éviter à nos concitoyens d'avoir à quitter leur village ou leur ville pour rencontrer un spécialiste de la police ou de la gendarmerie. Ce serait notamment utile dans le monde rural. J'ai déjà donné un exemple qui m'a beaucoup frappé : un habitant d'Avesnes-sur-Helpe, dans le Nord, doit parcourir 80 kilomètres pour se rendre à Lille, s'il veut rencontrer le spécialiste du contentieux du bois au sein de la gendarmerie nationale. C'est absurde !
De fait, dans certains cas particuliers, les victimes veulent bénéficier de conseils spécialisés lors du dépôt de plainte – c'est aussi le rôle des policiers et des gendarmes, et c'est pour cela que nous formons parmi eux des spécialistes de certaines infractions. Ainsi, des brigades particulières de spécialistes répondraient parfois depuis un commissariat de l'autre bout de la France à telle ou telle question et prendraient la plainte. L'article 15-3 du code de procédure pénale prévoit déjà qu'une plainte peut être déposée « dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents », lesquels doivent ensuite retransmettre la plainte. Il s'agirait de faire de même dans le monde virtuel.
Une fois que l'expérimentation aura permis de choisir la meilleure option – ce ne sera pas forcément la même dans les outre-mer et dans le Nord de la France –, la procédure sera généralisée.
Je ne pourrai faire droit à toutes les demandes de prise de parole sur ce sujet. Respectons le principe d'une limitation à deux prises de parole – une pour, une contre. Un député s'est déjà exprimé pour l'amendement ; Monsieur Schellenberger, êtes-vous contre celui-ci ?
Je vous remercie, madame la présidente, même si j'espère que les débats parlementaires ne se réduiront pas à terme à savoir si l'on est pour ou contre un amendement et qu'ils continueront de permettre d'élever le niveau de compréhension et celui des échanges.
Monsieur le ministre, vous reprenez l'exemple d'une infraction spécifique, technique, relevant du contentieux du bois, que vous avez déjà donné hier, en nous expliquant avoir constaté ce cas lors de l'un de vos déplacements. Mais comme hier soir, je souhaite savoir si vous faites référence à un acte de dépôt de plainte ou à un acte d'enquête ? Ce n'est pas la même chose !
Il s'agit ici des dépôts de plainte, c'est écrit dans le texte !
La possibilité de recourir à la vidéoconférence pour mener des enquêtes et échanger avec des spécialistes, y compris au sein de l'administration de la police ou de la gendarmerie, ne pose évidemment pas de problème. En revanche, celui qui veut porter plainte après avoir été dépouillé de son bois n'a pas besoin de consulter un spécialiste et peut se rendre dans un poste à proximité.
J'ai ainsi l'impression que vous justifiez l'instauration de la plainte en vidéoconférence – dont, encore une fois, je ne conteste pas le bien-fondé, même si j'éprouve certains doutes, à titre personnel –, avec des exemples d'actes d'enquête !
Monsieur le député, le texte précise que le dispositif concerne seulement le « dépôt de plainte » – et non les actes d'enquête, donc.
Permettez-moi de vous dire qu'il vaut mieux que les policiers et les gendarmes soient formés à la spécificité de l'infraction que la victime souhaite voir reconnaître.
S'agissant des violences intrafamiliales, il vaut mieux que les policiers et les gendarmes y soient formés. En effet, quand ils font bien leur métier, ils posent des questions pendant le dépôt de plainte, afin de caractériser au mieux l'infraction et d'éviter un classement sans suite par le parquet. Dans ce domaine, quand on a reçu une formation, on sait quelles questions poser ou ne pas poser, ou comment les formuler. Les médias en ont malheureusement offert des exemples.
Ainsi, lorsque vous déposez plainte, vous n'avez pas face à vous un robot, une instance neutre, mais un policier ou un gendarme, qui doit vous poser des questions. C'est un premier acte d'enquête. Certaines choses doivent être dites pour rendre possibles des actes d'enquête complémentaires ou des poursuites du procureur de la République. Donc il vaut mieux avoir face à soi un spécialiste de l'infraction qui vous concerne, formé dans ce domaine, que quelqu'un qui connaît mal cette infraction. Avouez que le code pénal, tel que le législateur l'a écrit, multiplie les infractions, donc les domaines de formation et de spécialisation de la police et de la gendarmerie.
L'amendement n° 688 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1118 rectifié .
Il vise à garantir que si, à l'issue de la plainte en visioconférence, une audition ultérieure est jugée utile, elle aura lieu physiquement, et non par un moyen de télécommunication. C'est une discussion que nous avions eue lors de l'examen en commission.
Avis favorable.
Si cet amendement est adopté, il fera tomber l'amendement n° 57 . Quelqu'un souhaite-t-il prendre la parole ?
L'amendement n° 1118 rectifié est adopté à l'unanimité ; en conséquence, l'amendement n° 57 tombe.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 56 .
Il est dommage que l'amendement n° 57 soit tombé car son objet n'était pas absolument identique à celui de l'amendement n° 1118 rectifié ; dans un souci de proximité, il visait à autoriser le policier ou le gendarme à se rendre directement chez la personne, si elle le demandait.
L'amendement n° 56 , quant à lui, tend à compléter l'alinéa 7. Celui-ci dispose que : « Si la nature ou la gravité des faits le justifie, le dépôt d'une plainte par la victime selon les modalités prévues au présent article ne dispense pas les enquêteurs de procéder à son audition. » Je propose que la personne qui dépose plainte et l'agent qui la reçoit conviennent le jour même d'une date de rencontre ultérieure, qui se ferait sans recours à un moyen de télécommunication.
Avis défavorable, pour une raison d'ordre pratique, dans la même perspective que celle évoquée par le ministre à l'instant. Selon les modalités d'application de la loi, on peut envisager que les officiers de police judiciaire qui auront procédé au dépôt de plainte par vidéoconférence ne soient pas ceux qui participeront à l'audition ultérieure. Il n'est pas assuré que les premiers disposent de l'agenda des seconds, ce qui rend difficile le choix immédiat d'une date.
C'est déjà le cas, même sans recours à la vidéoconférence. Dans certaines circonstances, la personne qui dépose plainte physiquement ne peut pas se voir proposer une date pour une audition ultérieure, parce que celle-ci n'aura pas lieu dans la même unité de gendarmerie ou dans le même commissariat, par exemple.
Je vous remercie pour vos explications, néanmoins je trouve que c'est dommage. Prenez presque n'importe quelle entreprise en France : pour simplifier les démarches, elle dispose d'un agenda partagé, qui permet à chaque collaborateur de connaître l'emploi du temps des autres, afin de prévoir des rendez-vous en cas de besoin.
Vous voulez investir dans le numérique, monsieur le ministre : avec les 15 milliards d'euros de crédits, je vous conseillerais d'investir peut-être aussi dans des outils qui simplifieront la vie des forces de police en général. Ce type de logiciel, peu coûteux, serait très pratique.
Les membres du groupe Socialistes et apparentés soutiendront cet amendement, car la recommandation est pertinente. Comme Roger Vicot me le disait à l'instant, le développement des outils numériques devrait permettre d'installer un logiciel de type Google agenda – ce n'est qu'un exemple, je ne veux pas faire de publicité – afin d'organiser des rencontres avec des personnes différentes. L'observation est excellente ; la mesure ne relève peut-être pas de la loi, mais il est possible de l'inscrire dans un décret.
Monsieur le ministre, vous voulez travailler dans la transparence et viser l'efficacité, en recueillant les propositions pertinentes des parlementaires. Je souhaite vraiment que nous soyons consultés pour l'élaboration des décrets en Conseil d'État, afin de pouvoir vous faire part de nos observations. Il ne s'agit pas d'être suspicieux, mais d'être efficaces et de faire preuve d'un esprit constructif, car nous avons des éléments positifs à apporter.
Pour marquer le coup, nous voterons le présent amendement.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 56
Contre 60
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Sur les amendements n° 880 rectifié et 379 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutins publics.
Sur l'article 6, je suis également saisie, par les groupes Renaissance et Rassemblement national, d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement n° 22 .
À titre personnel, je suis favorable à l'article 6. Il va dans le bon sens. La plainte en ligne, et non plus seulement une préplainte, constitue une avancée significative. Les moyens numériques que vous envisagez de déployer amélioreront considérablement l'accès à la justice et le fonctionnement des commissariats.
Le présent amendement concerne les interprètes. Le sujet peut sembler anecdotique, mais dans un territoire touristique, comme le mien, de nombreuses victimes sont de nationalité étrangère. Souvent l'interprète n'est pas disponible et ne peut se rendre au commissariat, ce qui constitue un frein au dépôt de plainte.
L'amendement tend donc à insérer un alinéa, afin d'autoriser le recours aux interprètes par un moyen de télécommunication audiovisuelle.
Avis défavorable. La suggestion est excellente, et vous avez raison de souligner cette difficulté, mais la rédaction de votre amendement pose problème. En effet, le dispositif ne concerne pas seulement les victimes qui entrent dans le champ de l'article 6, mais la totalité de la séquence pénale : les victimes, les témoins, les personnes entendues, suspectées ou poursuivies.
En revanche, le ministre le confirmera, il est prévu que le décret comporte des précisions relatives aux interprètes.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. En vertu de l'article 706-71 du code de procédure pénale : « En cas de nécessité, résultant de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer, l'assistance de l'interprète au cours d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation peut également se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunications. » Évidemment, cet article s'appliquera à la visioplainte.
Outre le recours aux interprètes, nous expérimentons les plateformes de traduction automatique, qui permettent également de gagner du temps. Vous l'avez autorisé dans la loi « sécurité globale ». Le décret reprendra l'intention de votre amendement.
À la lumière des explications du ministre, je retire l'amendement. Il s'agissait d'un amendement d'appel. J'insiste toutefois sur l'importance d'associer des interprètes au dépôt de plainte car, je le répète, dans des territoires très touristiques, l'indisponibilité des interprètes freine vraiment le dépôt de plainte. Cela altère parfois l'image de notre justice auprès des touristes, malheureusement nombreux, victimes d'infractions chez nous.
L'amendement n° 22 est retiré.
La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l'amendement n° 880 rectifié .
En l'état du droit, il est possible de porter plainte en ligne, à certaines conditions : on dépose une préplainte, qu'il faut ensuite signer au commissariat, et seuls certains petits délits sont concernés, ayant trait aux atteintes aux biens.
Le projet de loi prévoit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle. Comme je l'ai souligné hier soir, il s'agit d'une avancée. Néanmoins, que recouvre précisément cette désignation ? D'après ce que j'ai compris, il s'agira d'une visioconférence, et la victime sera, par ce moyen, face à un officier de police judiciaire. Ainsi, cette mesure ne résoudra pas le problème du manque d'effectifs dans la police. En effet, il arrive que les policiers renâclent à prendre la plainte si l'on ne dispose pas de preuves suffisantes, or c'est souvent parce qu'ils ne sont pas assez nombreux.
Je propose donc d'aller plus loin, dans l'intérêt des victimes, pour qui nous devons faciliter le dépôt de plainte – tout le monde ici s'accorde à le reconnaître. Le présent amendement vise à autoriser le dépôt de plainte en ligne, au moyen d'un ordinateur personnel, depuis chez soi, sur un site sécurisé créé par le Gouvernement, comme on fait sa déclaration d'impôt. En quelque lieu qu'il se trouve, chacun pourra porter plainte avec son ordinateur. Cette possibilité s'ajouterait aux autres, sans rien leur enlever ; elle lèverait les difficultés qu'éprouvent certaines personnes, pour diverses raisons, à entrer dans un commissariat ; elle résoudrait le problème du manque d'effectif chez les policiers.
Il s'agit donc d'une avancée et je ne comprendrais pas que cet amendement ne soit pas voté sur tous les bancs de cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai examiné attentivement votre amendement. Je pense qu'il y a une confusion. Il existe les préplaintes en ligne, qui concernent les atteintes aux biens et certaines discriminations. Il existe également la plainte en ligne, autorisée par l'article 15-3-1 du code de procédure pénale, et réservée à des escroqueries sur internet ; elle se fait au moyen de la plateforme Thesee (traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries).
Par ailleurs, nous voulons créer un nouveau dispositif, de vidéoplainte. Hier soir, le ministre l'a qualifié de « révolution numérique » dans le domaine de la procédure pénale – raison pour laquelle il faut l'encadrer.
Votre amendement tend à insérer dans l'article 6 un dispositif de plainte en ligne. Cela est sans rapport avec la vidéoplainte.
En revanche, vous soulignez la nécessité d'étendre le champ des infractions pouvant donner lieu à une plainte en ligne. L'article 15-3-1 donne le droit d'y recourir, mais il existe un décret qui limite cette possibilité aux escroqueries sur internet. Nous pouvons en débattre avec le Gouvernement, mais cela relève du domaine réglementaire.
M. le rapporteur a tout dit. Madame la députée, depuis le début de ce débat, ce n'est pas la première fois qu'un député de votre groupe convient que les moyens technologiques sont intéressants, tout en estimant qu'ils ne résoudront ni le problème de la procédure, ni celui du manque d'effectifs dans la police nationale. C'est tout l'intérêt du texte que de permettre de résoudre les deux : pas besoin de choisir entre fromage et dessert.
Outre les développements technologiques prévus, nous créons 8 500 postes de policiers et de gendarmes et nous simplifions la procédure pénale. Si vous opposez ainsi les articles de façon saucissonnée, nos compatriotes ne comprendront plus rien. Nous avons prévu de tout faire : plus de technologie, plus de moyens humains et plus de simplification de la procédure. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 141
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 45
Contre 96
L'amendement n° 880 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à Mme Julie Lechanteux, pour soutenir l'amendement n° 379 .
Grâce au dépôt de plainte par des moyens audiovisuels, il sera plus simple de porter plainte. Mais il est nécessaire que cette disposition soit rapidement applicable, tant la sécurité dans notre pays rend urgente toute avancée. Cet amendement vise à inscrire dans le projet de loi l'obligation pour la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) d'émettre rapidement son avis, afin que le dépôt de plainte par des moyens audiovisuels entre vite en vigueur.
La rédaction actuelle de l'article 6 ne fixant aucun délai, nous proposons d'y préciser qu'il sera de trois mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes d'accord avec vous sur la nécessaire rapidité de l'entrée en application du dispositif car notre objectif est la pluralité des prises en charge des victimes. Je l'avais déjà dit en commission : un décret en Conseil d'État doit être rédigé auquel, M. le ministre vient de l'annoncer, sera associée la commission des lois puisque le projet de décret sera transmis à son président.
Par ailleurs, votre amendement est satisfait : sans réponse de la Cnil après trois mois et demi, son avis est réputé conforme. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 46
Contre 105
L'amendement n° 379 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 528 rectifié .
Tout à l'heure, à la suite d'une question de mon collègue Bernalicis, vous avez expliqué comment se déroulerait, dans les commissariats et les gendarmeries, le dépôt de plainte par vidéoconférence. Nous nous sommes rendu compte que ce n'était pas tout à fait au point – vous l'avez vous-même reconnu. Est-ce que des espaces seront dédiés à ces vidéoconférences ou auront-elles lieu dans un open space ? Du personnel sera-t-il affecté à cette tâche ? Un grand nombre d'incertitudes persistent. Cet amendement de repli vise à intégrer une clause de revoyure dans deux ans, pour faire un point et déterminer si les dispositifs tiennent la route et s'ils ont besoin d'être enrichis ou repensés.
En réalité, vous souhaitez non pas une expérimentation, mais la suppression du dispositif – vous l'avez indiqué hier –, et pour des raisons que j'ai fortement contestées. Vous avez notamment instillé le doute quant à une prétendue volonté de privatiser la procédure pénale. Quoi qu'il en soit, une expérimentation de deux ans serait trop longue.
M. le ministre vient de répondre : l'État prendra évidemment la précaution d'expérimenter certains aspects du dispositif. De plus, le décret en Conseil d'État apportera toutes les précisions relatives à la mise en application. Certaines données réglementaires ne seront pas décidées dans l'hémicycle. C'est pourquoi je dis non à l'expérimentation, mais oui à l'application immédiate, encadrée et coordonnée dans le cadre de l'État de droit.
Je suis surprise par la façon dont vous balayez d'un revers de main la proposition d'expérimentation, dans la mesure où vous avez vous-même, monsieur le ministre, reconnu que le dispositif était encore tâtonnant. Comment sera-t-il organisé ? Sera-t-il disponible dans chaque commissariat ? Les agents seront-ils réunis dans un endroit spécifique ? Les agents spécialisés seront-ils les seuls concernés par le recueil de certaines preuves ?
C'est honnête de votre part de le reconnaître et il est naturel que tout ne soit pas prêt pour l'application d'un dispositif aussi complexe. C'est pourquoi je suis surprise que la proposition d'expérimentation soit ainsi balayée. Bien au contraire, vous devriez abonder dans notre sens puisque la forme du dispositif n'a pas été précisément définie. De surcroît, sans point d'étape prévu, il est certain que nous n'en reparlerons plus, quelle que soit la façon dont les choses s'organisent. J'insiste donc.
L'amendement n° 528 rectifié n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 175
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l'adoption 155
Contre 2
L'article 6, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 130 portant article additionnel après l'article 6.
Cet amendement est simple : il a pour objectif de faciliter le dépôt des plaintes des victimes de violences conjugales et familiales. En septembre 2019, le Grenelle sur les violences faites aux femmes avait souhaité généraliser le dépôt de plainte à l'hôpital, notamment dans les services d'urgence. L'objectif était de faciliter et d'accélérer les démarches pour les personnes ayant subi des violences et recevant des soins. Elles peuvent désormais déposer plainte en une unité de temps et de lieu et c'est très important puisque les victimes n'ont plus à se déplacer au commissariat ou à la gendarmerie, évitant ainsi le risque d'être suivies par leurs conjoints violents.
Néanmoins, cette possibilité reste soumise à la conclusion de conventions entre les centres hospitaliers, les procureurs et les forces de sécurité. Inscrire la possibilité de porter plainte à l'hôpital dans la loi permettrait de généraliser le dispositif et surtout, de gagner en efficacité en contournant la signature de conventions.
Cette possibilité est déjà ouverte par le code de procédure pénale : aucun lieu particulier n'étant indiqué, tous les lieux sont envisageables. Néanmoins, cette seule réponse ne saurait être satisfaisante.
Une circulaire du 25 novembre 2021, signée par le ministre de l'intérieur, le garde des sceaux et le ministre de la santé, permet la généralisation progressive du dépôt de plainte à l'hôpital, ce qui constitue bien l'objectif du Gouvernement. Le dispositif ne concerne pas uniquement les violences intrafamiliales, mais vise toutes les situations qui le nécessiteraient.
Non seulement il est inutile d'ajouter ce dispositif au texte législatif, mais je vous assure que la trajectoire, affirmée dans la circulaire, est confortée par le mécanisme de généralisation des plaintes hors les murs, lui-même confirmé dans le rapport annexé au projet de loi. Avis défavorable.
En somme, vous me dites que mon amendement est déjà satisfait. Il n'empêche que pour concrétiser ce dispositif, il est nécessaire de signer des conventions entre les hôpitaux, les services de sécurité et le procureur.
Si le dispositif est inscrit dans la loi, ces conventions ne seront plus nécessaires, ce qui permettra de gagner en efficacité. J'en parle en connaissance de cause : à Béziers, après le Grenelle contre les violences faites aux femmes, nous avons voulu instaurer une convention. Il nous a fallu près de deux ans pour que tous les partenaires la signent ! Certes, le covid nous a fait prendre du retard, mais cette signature a demandé beaucoup de temps. Faire figurer le dispositif noir sur blanc dans la loi permettrait d'éviter ces démarches. C'est pour ça que je fais cette proposition de bon sens et d'efficacité. Je ne nie pas que le dispositif existe déjà ; je souhaite simplement sauter la case « convention ».
L'amendement n° 130 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement déposé par Véronique Riotton et plusieurs autres collègues. Il a été élaboré avec Mmes Rachel Pardo et Karen Noblinski, avocates au barreau de Paris, à la suite du Grenelle des violences conjugales, conformément à la volonté de renforcer la protection des victimes de violences conjugales et sexuelles. Il vise à créer un droit effectif à l'assistance d'un avocat dès le dépôt de plainte, essentiel pour mieux garantir aux victimes le respect de leurs droits, pour améliorer l'efficacité de la procédure pénale et pour renforcer la confiance dans le système judiciaire.
Beaucoup a été fait au cours des dernières années, en particulier depuis le Grenelle des violences conjugales et depuis la réforme de 2021 permettant aux plaignantes d'être accompagnées par un ou une avocate. Il faut aller encore plus loin, pour mieux protéger les victimes et garantir l'effectivité de leurs droits.
La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir l'amendement n° 1053 .
Je tiens à rendre hommage aux avocates Pardo et Noblinski, qui nous accompagnent dans cette démarche. En septembre 2021, en réaction au témoignage d'une jeune femme dénonçant de mauvaises conditions de recueil de sa plainte, la création du hashtag #doublepeine a incité des milliers de victimes à s'exprimer sur la façon dont elles ont été reçues dans les commissariats et les gendarmeries. Depuis, beaucoup de choses ont été faites : les dépôts de plainte fonctionnent très bien dans plusieurs territoires, mais sont parfois plus compliqués, en raison du manque d'effectifs dans certains commissariats. Le présent projet de loi vise précisément à répondre aux besoins de recrutement.
Il est nécessaire d'expliquer la particularité des violences familiales et intrafamiliales, qui surviennent dans l'intimité. Il est parfois compliqué d'apporter des réponses déterminantes permettant à l'agent de police – ou de gendarmerie – de prendre en considération tous les besoins de la plaignante – ou du plaignant. En effet, ces violences concernent les couples homosexuels et hétérosexuels ; il est important de le rappeler.
Il s'agit de faire en sorte que les victimes soient accompagnées et conseillées dès le dépôt de plainte et que l'avocat joue pleinement son rôle dans la procédure pénale – ce qui n'était pas le cas jusque-là. Ce dernier pourra notifier, avant toute déposition auprès des policiers, des informations complémentaires pour que les victimes soient mieux accompagnées et représentées. Le nombre de vices de forme et de procédure dans les tribunaux en sera réduit.
En commission, nous avions examiné un amendement de M. Ugo Bernalicis dont le contenu se limitait à la première partie de vos amendements, à savoir la création d'un droit à l'assistance d'un avocat dès le dépôt de plainte. J'avais répondu qu'il était satisfait puisque cette disposition avait été introduite par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire grâce à notre collègue Alexandra Louis. Elle figure au 8° de l'article 10-2 du code de procédure pénale, qui dispose que les victimes ont le droit « d'être accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure, par leur représentant légal et par la personne majeure de leur choix, y compris par un avocat […] ».
L'intérêt de vos amendements réside en réalité dans leur seconde partie, qui précise le rôle de l'avocat dans la procédure. Pour cette raison, j'émets un avis favorable.
J'émets également un avis favorable sur ces amendements, sur lesquels je voudrais m'arrêter un instant.
Outre l'amélioration de la formation et l'augmentation des effectifs, il aura en effet suffit d'une simple précision dans un article du code de procédure pénale pour que nous parvenions, avec le garde des sceaux, à améliorer sensiblement l'accueil des victimes. Non seulement toute personne qui se présente dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie ne peut se voir refuser le droit de déposer plainte – nous en avons débattu hier –, mais, surtout, elle peut se faire accompagner par un adulte de son choix, y compris par un avocat. Cette dernière précision s'était avérée utile, tout le monde n'ayant pas compris que les mots : « la personne majeure de leur choix » pouvaient également désigner un avocat – les avocats, en effet, sont généralement des adultes…
Sourires sur les bancs du groupe RE.
La loi a donc été modifiée en ce sens l'année dernière, et j'ai également adressé à tous les services de police et de gendarmerie une instruction destinée à rappeler, d'une part, qu'en France, personne ne peut refuser une plainte, quel qu'en soit le motif – pas seulement en cas de violences intrafamiliales –, et d'autre part qu'une personne souhaitant déposer plainte peut se faire accompagner par tout adulte de son choix, y compris par un avocat.
Vous proposez que ce droit soit notifié. Les assistants d'enquête, dont l'article 10 prévoit la création, pourraient se voir confier cette tâche, mais il ne faudrait de toute façon pas beaucoup de temps à l'officier de police judiciaire pour rappeler ce droit en préambule de l'audition d'un plaignant.
Surtout, vous proposez que l'avocat puisse présenter des observations à l'issue de cette audition, ainsi qu'il peut le faire dans le cadre de l'enquête, notamment à l'issue de l'audition qui suit le dépôt de plainte. C'est un point très important : l'avocat peut ainsi révéler des éléments concourant à la manifestation de la vérité qu'il a appris au cours de son entretien avec son client ou sa cliente, afin d'éviter le classement sans suite de la procédure et d'appeler l'attention des enquêteurs sur un point particulier. En effet, le policier ou le gendarme n'aura peut-être pas posé les questions nécessaires à la manifestation de la vérité – nous sommes tous humains, donc tous faillibles –, ou la victime peut ne pas avoir su verbaliser ce qu'elle a pourtant dit dans un autre contexte à son avocate ou à son avocat. Pour ces deux raisons très motivées, j'émets un avis favorable.
Je suis sûr que les services de police et de gendarmerie comprennent qu'en renforçant les droits des victimes, on n'alourdit pas la procédure pénale, on contribue simplement à la manifestation de la vérité. Nous proposerons par ailleurs d'autres dispositions visant à alléger la procédure pénale, afin que les policiers et les gendarmes se concentrent sur ces aspects de leur travail.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je suis content car ces amendements, dans leur première partie, sont identiques à celui que nous avions déposé et sur lequel la commission avait émis un avis défavorable. Or quand une proposition vient de la majorité,…
Je n'étais pas là !
Tant mieux, c'est très bien. Je suis très content, je suis très favorable à ces amendements, nous les voterons.
C'est la deuxième partie du dispositif qui nous conduit à donner cet avis !
Dans ce cas, la prochaine fois, je déposerai des amendements plus longs…
L'article 10-2 du code de procédure pénale ne prévoit que l'information des victimes. Or, en réalité, de nombreux policiers ne savent pas que la loi a été modifiée, car on n'a pas vraiment communiqué sur le sujet. Selon les remontées du terrain, des policiers refuseraient à de nombreuses personnes d'être accompagnées de leur avocat au motif que la loi ne l'aurait pas prévu. À cet égard, écrire « Lorsque la victime est assistée par un avocat » est à la fois plus simple et plus compréhensible pour tout le monde.
Il en est de même de la faculté d'émettre des observations : elle se justifie par les remontées du terrain. Bien sûr, tout le monde ne peut pas être accompagné d'un avocat – je vous renvoie sur le débat relatif à l'aide juridictionnelle. Mais quand on en a la possibilité, ce dernier doit pouvoir être présent à tous les stades de l'enquête, notamment dès le dépôt de plainte. Cette précision est importante dans la mesure où dans les commissariats, on opposait aux victimes que la présence de l'avocat n'était pas prévue à ce stade de la procédure. Cette avancée démontre qu'il ne faut pas renoncer à ses convictions puisque des amendements les traduisant finissent parfois par être adoptés.
Mon amendement n° 28 , qui devait être examiné dans un instant, reprenait uniquement la première partie du dispositif proposé par ces amendements identiques. Je comprends de nos échanges que ces derniers sont plus complets et plus précis. Il importe que, dès le stade du dépôt de plainte, le droit à l'assistance d'un avocat soit notifié et effectif. La possibilité pour ce dernier de joindre des observations écrites et de poser des questions est également une disposition utile.
Je retire donc mon amendement au profit de ceux que nous examinons.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous considérons avec mon collègue Raphaël Schellenberger que, ce droit étant notifié, il n'a pas besoin d'être obligatoirement mentionné dans le texte de la plainte, ce qui serait de nature à alourdir, voire à fragiliser la procédure. Pouvez-vous préciser ce point ?
Je vous remercie, monsieur Bazin, de soutenir ces amendements. C'est justement parce que nous ne voulons pas inutilement alourdir la procédure que je donnerai un avis défavorable à l'amendement n° 878 d'Ugo Bernalicis, qui prévoit la remise d'un récépissé attestant que la victime s'est vu notifier ses droits. J'espère que vous nous suivrez également sur ce point pour éviter de surcharger la procédure.
En ma qualité d'avocat de femmes victimes de violences, je souhaite apporter un témoignage sur l'évolution du droit et des pratiques. Il y a dix-sept ans environ, j'ai été saisie par une de mes clientes qui avait été tabassée – je pèse mes mots – par son mari, ce qui lui avait valu vingt-cinq jours d'incapacité totale de travail – je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela signifie. Elle avait le bras et l'épaule cassés, deux yeux au beurre noir. Elle s'était alors rendue dans une brigade de gendarmerie à Dozulé où les gendarmes avaient pris sa plainte mais n'avaient pas convoqué son mari, qui n'a pas fait une seconde de garde à vue. Lorsque j'avais eu le gendarme au téléphone, il m'avait dit : « Voyons, maître, vu son état, elle a bien dû le chercher, d'une certaine façon. » C'était il y a dix-sept ans.
Depuis, comme l'a rappelé M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, la loi prévoit la possibilité pour les avocats d'accompagner les victimes de violences. C'est une avancée majeure, car le soutien d'un avocat peut aider les personnes qui ont du mal à aller déposer plainte à franchir le pas. Le dispositif proposé prévoit la notification de leurs droits aux victimes qui, informées, auront la possibilité d'être accompagnées jusqu'au bout de la procédure par un avocat, afin de verbaliser les faits et de déposer réellement plainte.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.
Il vient compléter les amendements qui viennent d'être adoptés. Dans sa rédaction en vigueur, le code de procédure pénale n'énonce pas clairement le droit pour une victime d'être assistée par un avocat lorsqu'elle se constitue partie civile, alors même qu'elle se retrouve confrontée aux personnes mises en cause lors de plusieurs actes de procédure, telles la reconstitution et l'identification.
Cet amendement vise à sécuriser la présence de l'avocat tout au long de la procédure, dès le dépôt de plainte, comme d'ailleurs c'est déjà le cas pour la personne mise en cause. Il s'agit d'accorder les mêmes droits aux victimes, mais pas pour les mêmes raisons.
Il vise à demander la remise à la victime d'un récépissé notifiant la communication des droits prévus à l'article 10-2 du code de procédure pénale. Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que vous n'y étiez pas favorable car il tendrait à alourdir la procédure.
Je le répète, nous nous fondons sur les observations remontant du terrain. Lorsqu'une personne dépose plainte ou est mise en cause, elle se voit remettre un document récapitulant les dispositions de l'article 10-2 du code de procédure pénale. Mais il s'agit plus d'expédier une formalité administrative que de rappeler solennellement les droits et obligations de toute personne impliquée dans une procédure pénale.
Le récépissé vise à formaliser l'information sur les droits figurant à l'article 10-2. Nous ne souhaitons pas qu'il incombe à l'assistant d'enquête de réaliser cette tâche – nous en reparlerons plus tard –, parce qu'il revient à l'officier de police judiciaire de rappeler ses droits à la victime ou à l'auteur de l'infraction. C'est important car nous sommes dans un État de droit dans lequel les enquêtes sont menées à charge et à décharge ; tous ces éléments relatifs à l'exercice des libertés publiques doivent rester en permanence à l'esprit de l'officier de police judiciaire.
Vous vous êtes abstenus de voter l'article 6 – vous considérez sans doute que c'est déjà un effort –, qui crée un véritable nouveau droit pour les victimes, soutenu par toutes les associations de lutte contre les violences faites aux femmes que nous avons auditionnées. Je regrette que la seule réponse que vous voulez apporter pour protéger les victimes soit un récépissé. C'est la république des paperasses, la république administrative
Ce n'est pas ce que nous voulons. L'objectif c'est de continuer à former et à informer – M. le ministre l'a indiqué. Je rejoins les propos de notre collègue Thibault Bazin qui s'inquiétait de l'alourdissement de la procédure. L'objectif est de mieux former nos agents, faire en sorte qu'ils informent mieux les victimes et que les conditions d'accompagnement, y compris par les avocats, soient garanties au-delà même du droit existant. Nous portons une attention aux victimes : la remise d'un récépissé administratif ne saurait être considérée comme une solution au problème.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à côté à la question posée par mon collègue Thibault Bazin. Il vous demandait si la notification du droit d'être accompagné d'un avocat devrait ou non figurer au procès-verbal du dépôt de plainte, mais vous avez répondu que l'officier de police judiciaire n'aurait pas à remettre de récépissé. À l'occasion de votre avis sur cet amendement, pourriez-vous nous indiquer si cette information figurera au procès-verbal ?
Il y a une notification des droits au début !
Mais est-ce que cela devra être précisé dans le procès-verbal de dépôt de plainte ?
Vous parlez de « république des paperasses », monsieur le rapporteur, mais c'est important, les papiers ! Nous-mêmes ici, vous-même, le Gouvernement, la loi en demandent. La paperasse, c'est un moyen de preuve, un moyen de conserver l'historique. Imagine-t-on fonctionner sans aucune trace écrite ?
Ce que nous souhaitons, c'est que les droits des victimes, mais aussi de la défense, soient effectifs ; nous voulons, ni plus ni moins, garantir l'application de l'article 10-2 du code de procédure pénale. Ce dispositif doit permettre aux usagers de se constituer partie civile, de saisir la commission d'indemnisation…
Il faut s'efforcer d'éviter les vices de procédure, qui coûtent encore plus cher lorsque les services de police doivent reprendre des affaires a posteriori.
Monsieur Schellenberger, je ne voudrais pas que vous soyez frustré, je réponds donc à votre question…C'est déjà le cas : si vous allez déposer plainte, le procès-verbal commence par un rappel des droits des victimes. Si nous créons ce droit supplémentaire, les procès-verbaux seront évidemment complétés. Pardonnez-moi si je n'ai pas bien répondu à la question de M. Bazin, mais j'avais compris qu'il souhaitait que ce droit soit notifié, mais qu'il souhaitait aussi que la charge de travail des policiers n'en soit pas alourdie.
Je voudrais aussi m'adresser au groupe La France insoumise. Vous avez un problème avec les récépissés… Vous voulez en mettre un peu partout dans l'action de la police et de la gendarmerie.
Exactement. C'est très intéressant ! Cette majorité donne des droits supplémentaires aux victimes, et c'est de cela que nous discutons ; et en quelques minutes, le groupe La France insoumise déplace le débat. Très vite, vous passez de « quels droits supplémentaires pour les victimes ? » à « comment contrôler davantage les policiers ? »
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chacun son interprétation du langage. J'ai la mienne et je l'extériorise : il paraît que les bons analystes disent qu'il faut savoir extérioriser ce que l'on ressent…
Sourires sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pardon de faire mon analyse devant vous, mais cette réflexion me semble frappée au coin du bon sens. Les faits sont graves et concordants, comme on dit, et vous devriez vous interroger : comment, d'un débat sur l'aide aux victimes, en vient-on à débattre du contrôle des policiers ? C'est inquiétant. Ce n'est pas seulement la notification des droits qui vous intéresse. Ce que vous voulez, c'est une surveillance accrue des policiers.
Je réitère donc mon avis défavorable.
L'amendement n° 878 n'est pas adopté.
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l'amendement n° 285 .
Je voudrais d'abord préciser, au nom du groupe Socialistes et apparentés, que certains d'entre nous n'ont pas pu être présents pour voter l'article 6, mais que nous soutenons l'élargissement qu'il prévoit des modalités de dépôt de plainte.
L'amendement n° 285 vise également à faciliter le dépôt de plainte. Il a été présenté en commission des lois, et il est soutenu par des nombreuses associations d'aide aux victimes. Il tend à permettre le dépôt de plainte depuis le domicile ou dans les locaux d'une association d'aide aux victimes. Nous proposons une expérimentation, afin d'adapter, d'évaluer, et le cas échéant d'améliorer le dispositif.
La commission des lois a entendu le directeur général de la police nationale, qui a indiqué que la police nationale souhaitait développer l'« aller vers ». C'est bien de cela qu'il s'agit : aller vers les victimes autant que nécessaire. Ce serait particulièrement utile dans la lutte contre les violences faites aux femmes, puisque les victimes ont souvent peur, peuvent être prostrées, n'osent pas se rendre au commissariat ou à la gendarmerie. Leur permettre de déposer plainte de chez elles, ou dans les locaux d'une association, faciliterait leur démarche.
C'est un sujet essentiel. À titre personnel, je suis très favorable – comme le Gouvernement, d'ailleurs – à la généralisation des plaintes hors les murs.
Il y a une difficulté, que j'avais signalée en commission des lois – je prends toutes les précautions oratoires nécessaires pour ne pas être mal compris : il ne faudrait pas que nous aboutissions à une forme de service à la demande. On peut craindre des dérives, du point de vue opérationnel, avec la mise à disposition d'officiers de police judiciaire, par exemple.
Mais, je l'ai dit à Mme Ménard à propos des hôpitaux, la trajectoire que vous préconisez est bien celle qui est fixée. Je ne peux pas dire à M. Vicot et au groupe Socialistes que l'amendement est satisfait parce que cela figure dans le rapport annexé – je sais trop bien ce que vous me répondriez.
La commission a rejeté l'amendement. Toutefois, considérant qu'une telle expérimentation mériterait de figurer dans la loi, après beaucoup de réflexion, et après les débats en commission des lois, j'émets à titre personnel un avis favorable.
Je suis également favorable à cet amendement. Peut-être, néanmoins, pourrions-nous le rectifier – dès à présent, ou plus tard en commission mixte paritaire – pour en élargir le champ. Aujourd'hui, le code de procédure pénale n'impose aucun lieu de dépôt de plainte, même si évidemment cela se fait en général dans les commissariats ou les gendarmeries. C'est pourquoi j'ai pu demander aux services d'expérimenter l'« aller vers » en prenant des plaintes à domicile, à l'hôpital, chez l'avocat, dans les locaux de l'association d'aide aux victimes, chez la voisine, chez la maman, chez le papa, à la ferme…
Sourires.
Je comprends l'intérêt de votre amendement, et j'entends bien généraliser cette démarche d'« aller vers », afin que la victime puisse faire venir les policiers ou les gendarmes chez elle. Cela devrait être possible grâce à des mesures que, je l'espère, vous adopterez dans quelques heures ou quelques jours.
Toutefois, si votre amendement était adopté, on préciserait un champ : le domicile ou les locaux d'une association. Cela pourrait donner l'impression que nous réduisons les possibilités, alors que le code, je le redis, ne prévoit aujourd'hui aucun lieu particulier. Je ne voudrais pas que l'on aille dans cette direction !
Peut-être, madame la présidente, pourrions-nous déposer un sous-amendement, mais cela prendrait un peu de temps. Vous pourriez aussi l'adopter, mais je veux être certain – je compte sur vous, monsieur le rapporteur – que la commission mixte paritaire en élargira le champ, afin que nous puissions expérimenter l'« aller vers » bien au-delà du domicile des victimes et des locaux des associations.
J'ajoute que la mention du domicile pourrait engendrer des discussions infinies : est-ce le domicile de la victime seulement, celui de son amie, celui qu'elle loue… ? Ces incertitudes pourraient fragiliser notre démarche.
Avis favorable, en espérant, je le redis, que la commission mixte paritaire saura élargir le champ de cet amendement.
Je suis content que le rapporteur et le ministre soient tous les deux favorables à l'amendement ; nous le sommes également.
Quand la police déploie ses efforts à l'extérieur du commissariat, quand on permet un dépôt de plainte depuis le domicile ou d'autres lieux – l'amendement n° 715 , qui suit, est également intéressant –, on règle des problèmes. En particulier, les femmes victimes de violences conjugales peuvent plus facilement déposer plainte.
L'amendement de M. Vicot ne parle pas seulement du domicile, mais aussi des locaux d'associations d'aides aux victimes. Le champ est donc déjà élargi, mais on pourrait y ajouter aussi les structures qui accueillent des femmes victimes de violences ; ce serait à mon sens l'endroit le plus adéquat pour ce type de plaintes.
S'agissant de l'amendement n° 715 , qui traite du même sujet…
Nous n'en sommes pas encore là, monsieur Léaument. C'est moi qui fixe les règles de la séance… Restons-en pour le moment à cet amendement n° 285 .
La parole est à M. le ministre.
Si l'auteur de l'amendement le permet, nous pourrions le rectifier de la façon suivante : supprimer, au premier alinéa, les mots « À titre expérimental », qui sont superflus ; modifier la fin de cette phrase en écrivant « au sein de son domicile, d'une association spécialisée d'aide aux victimes, ou de tout autre lieu ».
De cette façon, le champ des possibilités est large.
M. Mickaël Bouloux approuve.
Il faudrait également retirer de l'amendement les deux derniers alinéas, qui font référence à une expérimentation.
Le compte rendu des débats permettra de bien faire comprendre l'esprit qui anime le législateur en cette belle journée de mercredi.
Vous proposez donc de déposer un sous-amendement, monsieur le ministre ?
Oui, madame la présidente. C'est la solution la plus simple.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
Le sous-amendement n° 1315 , accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 285 , sous-amendé, est adopté.
Monsieur le ministre, vous souhaitez développer la stratégie de « l'aller vers » : cet amendement va dans ce sens. Il vise à créer, à titre expérimental, des brigades de gendarmes et de policiers mobiles ayant pour objectif de recueillir les plaintes des victimes de violences conjugales, notamment dans les territoires ruraux – territoires ruraux où réside 30 % de la population française, mais où ont lieu 50 % des féminicides.
Les femmes victimes de violences conjugales en territoire rural subissent une triple peine : l'isolement, le manque de structures associatives capables de travailler sur de telles distances, et la pression sociale liée à l'interconnaissance. Aussi, franchir la porte d'un commissariat peut se révéler encore plus difficile qu'en milieu urbain et l'absence de plaintes n'y est pas synonyme d'absence de violences.
Tel que le recommande le rapport d'information du Sénat sur la situation des femmes dans les territoires ruraux, nous proposons donc d'accentuer les expérimentations en cours – je crois qu'elles ont lieu dans la Vienne, monsieur le président de la commission des lois –, et d'accroître l'accessibilité des gendarmes grâce à leur caractère itinérant, afin de lutter au mieux contre les violences conjugales.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous partageons votre objectif. À cet égard, nous venons d'approuver l'adoption d'un amendement visant à davantage aller vers les victimes de violences conjugales, après que nous avons également adopté l'article 6, qui contient aussi des solutions dans ce domaine.
Cela étant, et je dirai la même chose à Sandra Regol s'agissant de son amendement n° 914 visant à créer des unités dédiées à l'accueil de femmes victimes de violences, vous ne définissez pas le périmètre d'action des brigades que vous proposez d'instaurer. Agiraient-elles à l'échelle du département, ou bien de la région ?
Votre proposition me semble même moins ambitieuse que celle que nous venons d'approuver, car vous ne précisez pas non plus combien de brigades seraient constituées par département ou par région. Ainsi, la portée de votre amendement apparaît moins importante que notre objectif, qui est d'aller autant que possible vers les victimes, partout sur le territoire, et non simplement par l'entremise d'une brigade dont, je le répète, vous ne définissez pas le périmètre d'action – lequel pourrait être également plus large que celui de l'expérimentation en cours et que celui de l'expérimentation qui découlera de l'amendement n° 285 déposé par Roger Vicot.
Pour ce motif, et ce motif uniquement, l'avis est défavorable.
Le groupe La France insoumise – NUPES est favorable à cet amendement. Monsieur le rapporteur, puisque vous trouvez son contenu intéressant, peut-être pourriez-vous vous engager à lui donner un avis favorable en nouvelle lecture si, d'ici là, le périmètre d'action des brigades mobiles était précisé. Il me semble que cet amendement est globalement en accord avec la philosophie de « l'aller vers », à laquelle nous adhérons tous, dans la mesure où il vise à permettre le dépôt d'une plainte hors des commissariats.
À cet égard, permettez-moi de vous faire part d'une inquiétude, dont nous devrions tenir compte dans le texte. Pour une femme victime de violences, porter plainte peut être dangereux lorsque l'époux ou le conjoint en est informé. À ce titre, le dispositif mobile est intéressant, car il permettrait à la victime de bénéficier d'un accompagnement de proximité et discret vis-à-vis de l'agresseur.
Nous sommes donc très favorables à cet amendement, que nous voterons par principe. Je le répète, si vous partagez l'objectif poursuivi, monsieur le rapporteur, et pourvu que nous apportions les précisions légitimes que vous avez demandées, pourriez-vous soutenir l'amendement de sorte qu'il soit adopté en nouvelle lecture ?
Je crains qu'il n'y ait pas de nouvelle lecture, monsieur Léaument : nous pensons en effet que la commission mixte paritaire parviendra à un accord. Et je m'en tiendrai à l'expérimentation proposée par le groupe Socialistes et apparentées que nous venons d'approuver et qui me semble être une bonne solution.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 63
Contre 59
L'amendement n° 715 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La question aura donc été réglée dès la première lecture, monsieur Léaument – du moins pour le moment. Je vous ai indiqué mes réserves sur cet amendement, dont la portée me semble inférieure à celui que nous avions précédemment adopté, mais je n'y reviens pas davantage : continuons le débat.
S'agissant du présent amendement, je vais le retirer au bénéfice du n° 909 de Sandra Regol, qui me paraît mieux rédigé que le mien. Je laisse donc à Mme Regol le soin de le présenter.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 1218 est retiré.
Entre l'amendement n° 285 de notre collègue Vicot et celui-ci, c'est une très belle séquence de coconstruction à laquelle nous assistons : nous en sommes ravis à la NUPES.
Je continuerai un instant dans l'autopromotion, car cet article 6 bis est le fruit de l'adoption d'un amendement défendu par les écologistes en commission. Le présent amendement vise à modifier et à renforcer la nouvelle disposition que l'article tend à ajouter au code de procédure pénale, en tenant compte du fait que tous les commissariats ne disposent pas d'un officier de liaison. Aussi souhaitons-nous que chaque commissariat soit au moins doté d'un agent référent ou d'une agente référente ayant reçu une formation spécifique et complète sur la prise en charge et l'accompagnement des victimes de discriminations – sachant que d'autres amendements à venir viseront à étendre cette formation à la prise en charge des personnes victimes de violences liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.
L'objectif est toujours le même : améliorer l'accueil et favoriser le dépôt de plainte des victimes, lesquelles – la Défenseure des droits a eu l'occasion de le rappeler – sont nombreuses à ne pas se rendre dans un commissariat de peur d'être mal prises en charge, d'être jugées, voire de subir de nouvelles discriminations dues à un manque de formation des personnes recueillant leur parole.
Cela étant, nous tenons à préciser que cette nécessaire évolution législative à laquelle nous souhaitons ici procéder ne doit en aucun cas dispenser l'État de former tous les agents des forces de l'ordre sur les discriminations et violences que subissent les minorités sexuelles, afin de favoriser les poursuites et les sanctions à l'encontre des auteurs des infractions.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Monsieur le rapporteur, je comprends que l'avis de la commission est favorable ?
Favorable également.
Nous pouvons aller jusqu'à dire que le dépôt de plainte a aussi des fonctions cathartique et maïeutique. Or pour que ces deux fonctions s'accomplissent, une prévenance maximale est nécessaire lors de l'accueil des victimes de violences, que nous nous accordons à considérer comme complexe et délicat. Le groupe La France insoumise – NUPES adhère donc tout à fait à l'introduction de référents, avec la réserve que Mme Regol a exprimée avec beaucoup de lucidité.
M. Benjamin Lucas applaudit.
L'amendement n° 909 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Clara Chassaniol, pour soutenir l'amendement n° 74 .
Dans la continuité de l'amendement qui vient d'être présenté, l'amendement de Raphaël Gérard entend briser le tabou des violences conjugales commises au sein des couples de même sexe, afin d'accompagner la libération de la parole des victimes.
Comme l'a mis en lumière le mouvement #MeToo lesbien ces dernières semaines, les violences sexuelles, physiques ou psychologiques, peuvent survenir dans toutes les configurations de couple, indépendamment de l'orientation sexuelle ou du sexe des victimes. À cet égard, l'étude nationale sur les morts violentes au sein des couples, publié par le ministère de l'intérieur recense chaque année des décès au sein des couples LGBT+. Toutefois, le nombre de signalements ou de plaintes liées à ces violences demeure très limité. Ce phénomène de sous-déclaration s'explique, d'une part, par la crainte de l'outing, car la révélation de ces violences s'accompagne nécessairement de la révélation de l'orientation sexuelle de la victime, ce qui peut l'exposer aux préjugés ; d'autre part, il apparaît qu'en dépit des importants efforts de formation déployés par le Gouvernement, les forces de l'ordre demeurent assez peu sensibilisées à ces violences, ce qui peut se traduire par des défauts de prise en charge.
Dans ce contexte, le présent amendement propose que les victimes de violences dans les couples de même sexe puissent être prises en charge, lorsque cela est possible, par un officier formé aux questions LGBT+, afin de faciliter le dépôt de plainte et de permettre un accompagnement approprié.
Nous avons en effet adopté en commission un amendement qui permet de s'assurer que chaque victime puisse être reçue, entendue et prise en charge par un officier de liaison – nous venons d'en changer le titre – formé à la prise en charge, au traitement et à l'accompagnement des personnes victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.
Vous élargissez son champ d'intervention à toutes les victimes de violences commises au sein d'un couple de même sexe, ce qui relève à nos yeux d'un problème différent. Ce que vous proposez n'est pas de même nature que la disposition que nous avons adoptée en commission et concerne en outre une catégorie d'infractions qui fait déjà l'objet d'une vigilance absolue de la part des agents publics, depuis maintenant plusieurs années. Aussi, d'une certaine manière, votre amendement est-il satisfait, au moins tendanciellement.
J'ajoute, en songeant à d'autres amendements à venir, que nous ne pourrons pas énumérer, à l'article 10-2 du code de procédure pénale, toutes les catégories de victimes, à moins non seulement de rendre le code totalement illisible mais de devoir également former des agents pour chacune de ces catégories. Si nous l'avons fait dans le cas retenu, c'est que cela nous paraissait particulièrement important, et que la commission des lois souhaitait envoyer un signal en ce sens.
J'émets donc un avis défavorable et, pour les mêmes raisons, je serai également défavorable à tous les amendements qui multiplient les cas – même justifiés – d'application de l'article 10-2 du code de procédure pénale.
Cet amendement part d'un bon sentiment et de l'idée qu'il faut également reconnaître les violences conjugales dans les couples de même sexe. Mais un couple de même sexe est un couple, et la violence conjugale ignore les typologies de couple, les identités de genre ou le type de sexualité. Votre proposition me semble aller trop loin et créer une différenciation inutile. Un couple de même sexe, je le répète, est un couple, et la violence conjugale, dans n'importe quel type de couple, reste de la violence conjugale.
M. Antoine Léaument applaudit.
L'amendement n° 74 n'est pas adopté.
Sur l'article 6 bis , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 734 .
Cet amendement de clarté dû à mon collègue Sébastien Chenu me conduit à aller à l'encontre de ce qu'a dit M. le rapporteur. En effet, il ne s'agit pas seulement de lutter contre les discriminations mais aussi contre les violences faites aux personnes en raison de leur genre ou de leur orientation sexuelle.
Nous sommes tombés d'accord en commission sur la mise en place d'un officier de liaison. C'est une avancée intéressante, mais allons plus loin : il ne doit pas seulement prendre en charge les discriminations mais également les faits de violence.
Cet amendement peut certes être considéré comme un amendement d'appel, mais il mériterait d'être adopté car il relève du bon sens.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 910 .
Toujours dans la perspective d'améliorer l'accueil des victimes de violences et de discriminations, cet amendement vise à compléter l'article, en ajoutant à la formation spécifique sur les discriminations liées à l'identité de genre et à l'orientation sexuelle des agents de police, un volet sur les violences liées à l'identité de genre et à l'orientation sexuelle. Il s'agit d'assurer la compréhension la plus complète possible des infractions touchant les personnes LGBT+ afin de permettre la prise en charge et l'accompagnement des victimes les plus appropriés. Chaque situation a sa spécificité, qui se doit d'être entendue et comprise. C'est ce à quoi nous souhaitons parvenir en complétant la formation.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Nous sommes favorables à cet élargissement. Toutefois, l'amendement n° 734 pose un problème de rédaction : l'usage de la conjonction de coordination « et », en suggérant un cumul, ferme la perspective, là où nous souhaitons plutôt l'ouvrir, avec la conjonction de coordination « ou ». Par conséquent, je vous demanderais, cher collègue, puisque nous visons le même objectif, de retirer votre amendement, au profit de l'amendement n° 910 , qui vient d'être présenté.
L'amendement n° 734 est retiré.
L'amendement n° 910 , accepté par le Gouvernement, est adopté à l'unanimité.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement n° 505 .
Cet amendement, auquel le rapporteur a malheureusement déjà indiqué qu'il s'opposerait,…
…propose de rajouter aux discriminations liées à l'orientation sexuelle celles liées à l'origine. Il est proposé par un député d'outre-mer, Jiovanny William, et procède sans doute d'une expérience vécue des discriminations ethniques, qui proviennent de la cohabitation, dans les territoires d'outre-mer de différentes ethnies – peut-être M. le ministre pourra-t-il le confirmer. C'est la raison pour laquelle il faut également former nos agents sur ces questions-là, qui méritent en tout cas que l'on s'y penche.
Je n'ai malheureusement pas changé d'avis depuis tout à l'heure, lorsque M. Hébrard, me semble-t-il, exposait des arguments similaires.
En l'occurrence, vous modifiez une disposition qui prévoit l'intervention d'un référent spécialisé dans un cas de figure très particulier, celui que nous avons indiqué en commission des lois. Vous souhaitez étendre l'intervention de ces agents aux discriminations en fonction de l'origine, mais j'appelle votre attention sur le fait que les officiers en question ne sont pas nécessairement formés à la question des discriminations liées à l'origine.
Par ailleurs je suis défavorable à ce que l'article 10-2 du code de procédure pénale comporte autant de catégories qu'il y a de victimes possibles – cela entraînerait des difficultés considérables.
L'effort doit consister à former les agents aux discriminations et aux violences intrafamiliales, domaine dans lequel nous avons considéré que, sur un point particulier, des avancées fortes et immédiates, un signal du législateur, étaient indispensables et justifiaient une exception. J'émets donc un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous avez compris que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer d'abord sur certaines parties du territoire et qu'elles ne concernaient pas forcément la métropole. Il s'agit que dans les territoires d'outre-mer, là où il est avéré que ce type de discriminations a cours, les agents puissent être formés en conséquence. Nous voulions ouvrir cette possibilité.
L'amendement n° 505 n'est pas adopté.
Conçu sur le modèle qui a présidé à la création de l'article 6 bis, cet amendement vise à compléter et à améliorer la prise en charge des personnes victimes de violences sexistes, sexuelles et conjugales.
Il s'agit de compléter et de renforcer le dispositif en informant les victimes de leur droit à être reçues, entendues et prises en charge par un personnel spécifiquement formé à ces questions. L'information est très importante pour l'efficacité du dispositif car trop nombreuses sont les personnes, particulièrement les femmes, qui ne vont pas porter plainte pour des raisons similaires à celles évoquées pour les minorités sexuelles.
Il est du devoir des représentants de la nation et de l'État de mettre en œuvre les moyens nécessaires à l'amélioration de la prise en charge des victimes de violences sexuelles et sexistes, et donc de mettre en œuvre les moyens nécessaires à la formation complète des agents de police. C'est seulement grâce à ces efforts que nous parviendrons à restaurer la confiance entre les plaignantes et les forces de l'ordre et à faire progresser réellement ce qui est une cause importante de ce quinquennat, si j'ai bien compris ce qui nous a été expliqué.
Cette demande ne vient pas de nulle part, elle est soutenue au sein même de la police, en particulier par l'association Flag ! qui accomplit un énorme travail sur les violences LGBTI, non seulement en interne mais également sur tout ce qui concerne la prise en charge des plaignants et la formation nécessaire de nos policiers.
Car, oui, nous avons pris du retard en la matière, et le journaliste qui a infiltré la police pour en tirer un livre – livre très contesté, j'imagine, par M. le ministre – a joué le rôle de lanceur d'alerte au sujet des comportements sexistes et homophobes au sein de la police nationale, déjà dénoncés par Flag !
Cela prouve qu'il est nécessaire d'élargir la focale sur la lutte contre les LGBTphobies au sein des forces de l'ordre. J'appelle à voter l'amendement de Sandra Regol.
L'amendement n° 911 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 172
Nombre de suffrages exprimés 172
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 169
Contre 3
L'article 6 bis , amendé, est adopté.
Nous ferons une présentation séparée. Je cède la parole à Mme Pochon pour présenter l'amendement n° 914 .
La lutte contre les violences sexuelles, sexistes et conjugales est un enjeu crucial et nous le verrons dans les rues avec la mobilisation du samedi 19 novembre. Afin de se donner les moyens d'en finir avec ces violences, nous proposons la création dans chaque commissariat d'unités consacrées à l'accueil des victimes.
La difficulté de la mise en place d'une telle mesure a été évoquée en commission. Nous en avons conscience, mais nous pensons que c'est faisable si on y consacre les moyens nécessaires. Or le budget du ministère de l'intérieur va croître de 15 milliards d'euros dans les prochaines années et le mantra « plus de bleus » ne cesse d'être répété. Il n'y a donc pas d'obstacle autre que politique pour que cette hausse de budget finance le déploiement des unités consacrées aux violences sexuelles, sexistes et conjugales.
Les écologistes font de cette lutte une priorité et demandent à l'Assemblée de les rejoindre.
Cet amendement part sans doute de bonnes intentions, mais il risque d'être contreproductif.
En effet, il existe un consensus sur tous les bancs sur la nécessité de former les forces de l'ordre à la réception des plaintes liées aux violences conjugales. Cet amendement prévoit toutefois que ces plaintes ne pourraient être reçues que par des unités leur étant consacrées. Or dans nos circonscriptions rurales, les gendarmeries risquent de ne pas recevoir de telles unités à moyen terme car elles sont dotées de petits effectifs. L'adoption de l'amendement tel qu'il est rédigé pose donc problème. Imaginons une femme qui, après avoir hésité, se décide à porter plainte et profite d'une rare occasion d'échapper à l'emprise d'un conjoint violent pour se rendre dans une gendarmerie ou un commissariat, où on lui dira finalement que sa plainte ne peut être déposée faute d'une telle unité, et qu'elle devra se rendre dans une autre gendarmerie ou dans un autre commissariat. Cet amendement risque donc de rendre le dépôt de plainte plus difficile au lieu de le faciliter.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le rapporteur, lors de nos discussions en commission, nous vous avons incité à prendre des engagements plus forts, dans cet article ou dans le rapport annexé, sur l'accueil des femmes victimes de violence et sur la formation des agents. Vous nous avez répondu que tous les efforts en ce sens étaient déjà faits et que l'accueil s'améliorait. Cela nous a quelque peu agacés.
Certes, des progrès ont été réalisés, mais ils sont, dans une large mesure, le résultat de la mobilisation féministe qui a pris beaucoup d'ampleur, particulièrement depuis la révolution #MeToo. Cette très grande libération de la parole des femmes a entraîné une écoute plus importante. C'est heureux, mais c'est encore loin d'être suffisant. Il faut entendre toutes les femmes qui s'expriment, notamment sous le hashtag #DoublePeine, pour dire qu'il y a encore des choses qui ne vont vraiment pas du tout, comme l'accueil des femmes victimes de violence, et pour dénoncer, plus généralement, la culture de notre société et de la police, qui reste profondément sexiste.
Il reste donc des moyens à engager et du travail à faire, notamment pour mieux évaluer l'amélioration de l'accueil après la formation des agents. Or je ne retrouve ni dans le texte initial ni dans le vote des amendements qui vous sont proposés un engagement à la hauteur de la libération de la parole en cours depuis quelques années dans ce pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter cet amendement est très simple : sa rédaction est moins-disante par rapport à l'engagement aujourd'hui réalisé. Il se contente de mentionner « une unité dédiée par un personnel formé à ces questions » sans préciser de périmètre. Nous pourrions l'accepter et ne mettre en place qu'une seule unité par région ou par département.
Le problème que vous posez est réel et nous en avons largement discuté avec, je pense, beaucoup d'humilité car les objectifs ne sont pas encore atteints et des efforts doivent être accomplis. Il faut être pragmatique et reconnaître que l'adoption de cet amendement nous conduirait, je le répète, à être moins-disant par rapport à ce que nous proposons par ailleurs. Prévoir « une unité dédiée par un personnel formé à ces questions », c'est trop large !
L'amendement n° 914 n'est pas adopté.
Monsieur le rapporteur, chez les écologistes, nous sommes très résilients et nous allons au bout des sujets. Vous avez trouvé que la rédaction du précédent amendement n'était pas satisfaisante. Je présente donc un amendement de repli prévoyant d'informer systématiquement les victimes de leur droit à être reçues. La question du périmètre ne se pose donc pas. La formulation de l'amendement est à la fois suffisamment précise et inclusive pour réaliser des avancées.
Monsieur Houssin, vous avez soulevé la question de l'adaptation aux territoires ruraux des dispositifs prévus par l'amendement n° 914 et donc également par celui-ci. Je vous rappelle que l'amendement n° 715 de Mme Pochon, prévoyant la mise en place de dispositifs de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans des zones rurales reculées et privées de services publics, a été adopté. Il s'agit d'un dispositif complet et la question de la ruralité ne se pose donc absolument pas.
L'adoption de cet amendement serait un premier pas, mais l'objectif est bien de former l'ensemble des policières et des policiers à la lutte contre les violences sexuelles, sexistes et conjugales afin d'améliorer encore l'accueil des victimes.
Je vous rassure, je ne prendrai plus la parole avant la discussion des prochains amendements sur ces questions essentielles.
Je reprends l'argument de M. le rapporteur pour dire que vos amendements, qui prévoient la mise en place d'unités spécialisées et la formation d'agents, feraient pire que mieux s'ils étaient adoptés. Il est bien sûr toujours bienvenu que les agents soient formés pour recevoir des plaintes pour violences intrafamiliales, qu'elles soient physiques ou psychologiques, parfois les deux. Toutefois, madame la députée, je pense qu'il ne faut pas confondre la réception de la plainte et l'enquête, car ce sont deux moments très différents.
La plainte doit pouvoir être reçue dès que la victime a envie de parler, que ce soit dans un commissariat, auprès d'une brigade de gendarmerie, en visioconférence depuis chez-elle ou chez son avocat, cela jour et nuit. Si votre amendement prévoyant, en anticipation des moyens, le dépôt de plainte auprès d'un référent spécialisé était adopté, une dame se présentant dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie, tard le soir ou tôt le matin alors que le référent est absent, ne pourrait déposer plainte car la loi l'interdirait. C'est très embêtant car après le dépôt de plainte, plusieurs actes peuvent être réalisés sans la participation de la victime : saisie à domicile par les policiers d'armes éventuellement détenues par l'auteur des violences présumées ou placement en garde à vue de celui-ci, ce qui est presque systématiquement le cas lors de violences physiques, vous connaissez la politique du parquet. Le risque est donc de perdre un temps précieux pour réaliser de tels actes.
Les unités spécialisées dans les violences intrafamiliales sont celles qui doivent pouvoir se concentrer sur l'enquête et ce qui compte, c'est, dans les jours qui suivent le dépôt de plainte, d'auditionner la victime présumée afin d'obtenir des précisions.
Ne voyez pas dans l'attitude du rapporteur et du Gouvernement un refus par principe de vos amendements. Dans un monde parfait, l'ensemble des policiers et des gendarmes seraient formés à toutes les infractions, qu'il s'agisse de violences intrafamiliales ou d'autres violences également très graves, mais l'adoption de vos amendements restreindrait l'action des services de police puisque, souvent, ce sont dans les quelques heures qui suivent le dépôt de plainte qu'il faut intervenir.
Je me permets donc de vous suggérer de retirer vos amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable car ils retireraient de la protection aux victimes de violences intrafamiliales.
Monsieur le ministre, nous débattons d'un projet de loi de programmation sur une période de cinq ans. Ce débat est l'occasion de fixer des objectifs de qualité d'accueil. Or nous ne retrouvons pas d'objectifs chiffrés et donc, selon vous, il est inutile de former des référents.
Monsieur le rapporteur, nous sommes tous fatigués et il reste encore de nombreuses heures de débat. Je vous remercie donc de ne pas parler en même temps que moi. Je vous le dis gentiment.
M. Benjamin Lucas applaudit. – Murmures sur les bancs du groupe RE.
Cet amendement répond à la nécessité de fixer des objectifs de qualité d'accueil. La réalité actuelle est que, dans certains commissariats, l'accueil est mauvais car il n'existe pas, ou alors pas assez, de personnels formés. Des associations, des avocats et des sites internet mettent d'ailleurs en garde les femmes contre ces commissariats pour leur éviter d'y déposer plainte et de s'y sentir jugées. Si vous niez cette réalité, cela signifie que vous ne mesurez pas l'ampleur du problème. C'est un fait : il y a des commissariats connus pour mal accueillir les femmes victimes de violence. À l'inverse, il existe aussi des commissariats où se trouvent des agents suffisamment formés pour bien recueillir les plaintes.
La seule chose qui se soit véritablement améliorée est que, désormais, et on a pu le constater dernièrement, les agents ayant commis de gros abus sont sanctionnés. C'est un progrès. Votre argument consistant à dire que cet amendement réduirait les capacités montre que vous n'êtes pas assez ambitieux concernant les objectifs d'une loi de programmation sur cinq ans. Vous semblez penser que les choses, faute de pouvoir les améliorer, resteront en l'état, même si vous ne vous en satisfaites pas.
Je comprends très bien cet amendement. Nous venons de débattre de l'accompagnement par un avocat, un psychologue, un membre d'une association ou tout autre adulte, d'une personne déposant plainte pour violence, d'origine intrafamiliale ou autre. Prévoir que seul un référent spécialisé au sein du commissariat ou de la brigade de gendarmerie pourra recevoir une telle plainte, c'est mettre la victime en difficulté car elle ne pourra pas déposer plainte en son absence et il n'est pas certain qu'elle reviendra le lendemain ou le surlendemain. Si une victime ne dépose pas plainte le jour même, elle risque de ne plus le faire après. C'est important de le rappeler, comme il est important de rappeler que tout agent de police et de gendarmerie a vocation à prendre en considération les plaintes et les besoins des victimes, pas des victimes potentielles, mais bien des victimes réelles.
L'ensemble des mesures en vigueur et de celles prévues dans la Lopmi apportent davantage de réponses aux victimes que cet amendement qui risque, lui, de créer plus de problèmes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 915 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à Mme la Première ministre.
La transition énergétique est un sujet clé, qui se trouve au croisement d'enjeux fondamentaux pour notre pays et nos compatriotes : la lutte contre le dérèglement climatique, le pouvoir d'achat, notre souveraineté ou encore la compétitivité de nos entreprises.
Nous sommes bien conscients du défi énergétique, et nous le sommes depuis longtemps :…
…dès 2018, le Président de la République a chargé Réseau de transport d'électricité (RTE) d'étudier les différents scénarios pour mener notre transition énergétique. En février dernier, à Belfort, il a présenté une stratégie, dont le cap est la sortie des énergies fossiles et la neutralité carbone d'ici à 2050.
Quelques jours plus tard, la Russie a attaqué l'Ukraine, changeant l'ordre du monde.
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de cette guerre et de ses conséquences pour notre pays. Il est clair que Vladimir Poutine est prêt à toutes les violations du droit international, toutes les exactions et tous les cynismes. Ainsi, Moscou a notamment décidé de faire de l'énergie un objet de chantage. L'arrêt quasi-total des livraisons de gaz russe vers l'Europe crée des risques de pénurie et accentue l'explosion des prix de l'énergie constatée depuis la reprise post-covid.
D'autres tensions conjoncturelles s'ajoutent à cette situation, comme le refus des pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) d'augmenter leur production de pétrole pour pallier les conséquences de la guerre en Ukraine, ou encore l'arrêt pour maintenance d'une part importante de notre parc nucléaire, qui affecte notre production d'électricité –…
…j'aurai l'occasion d'y revenir. Des changements structurels sont également à l'œuvre : je pense en particulier au dérèglement climatique dont il faut anticiper les conséquences sur notre production d'électricité.
Il faut donc accélérer notre transition écologique, sortir au plus vite des énergies fossiles, conquérir une plus grande indépendance énergétique, et décarboner nos modes de vie et notre économie. Nous avons tous un rôle à jouer : c'est ensemble que nous réussirons.
Face à une situation critique, nous tenons notre cap : protéger les Français.
Notre premier défi est de faire en sorte que nous traversions l'hiver sans difficulté.
Dès avant l'été, nous avons pris des mesures pour sécuriser nos approvisionnements en gaz. Nous avons ainsi décidé de remplir nos stocks de gaz à 100 % – un objectif désormais atteint – et diversifié nos approvisionnements, en nous tournant notamment vers la Norvège, l'Algérie et les États-Unis.
Nous avons également augmenté les capacités de nos terminaux méthaniers et, avec le Parlement, levé les verrous pour installer rapidement un nouveau terminal méthanier au Havre – les travaux sont en cours.
Ces décisions nous protègent ; elles vont également nous permettre de faire vivre la solidarité européenne. Quelques-uns ont la vue courte et veulent tourner le dos à l'Europe par pur dogmatisme : ils oublient que le gaz, que nous exportons désormais à nos voisins, nous permet de recevoir en retour l'électricité dont nous avons besoin. Ne pas jouer la solidarité, ce serait risquer de manquer d'électricité.
Une fois de plus, les prétendues solutions des nationalistes se retourneraient contre les Français.
Nous agissons donc pour disposer du gaz nécessaire et, dans le même temps, nous mettons tout en œuvre pour rétablir notre production d'électricité. L'indisponibilité de notre parc nucléaire est exceptionnelle et conjoncturelle.
Elle s'explique en particulier par le rattrapage d'opérations de maintenance qui n'ont pas pu avoir lieu durant la crise du covid-19…
…mais également par un problème dit de corrosion sous contrainte, détecté il y a un an, et qui a causé l'arrêt de douze réacteurs pour contrôle et réparation.
Les premiers réacteurs ont déjà redémarré et le calendrier prévoit une accélération des remises en service en novembre et décembre.
Je sais les équipes d'EDF très mobilisées.
Néanmoins, nous devons nous préparer à tous les cas de figure. C'est pourquoi nous avons développé le dispositif Écowatt, véritable météo de l'électricité, qui indiquera d'éventuelles tensions sur le réseau. En cas de tension extrême, un signal Écowatt rouge sera émis et nous appellerons les entreprises, les collectivités et nos compatriotes à diminuer leur consommation. Nous nous préparons aussi à l'éventualité de devoir procéder à des coupures ciblées et de très courte durée.
Parce que nous avons anticipé la situation ,
Sourires sur les bancs des groupes RN et LR
que nous faisons preuve de solidarité avec le reste de l'Europe et que nous appliquons un plan de sobriété – j'y reviendrai –, nous pourrons limiter au maximum les conséquences de la situation énergétique sur notre pays cet hiver.
Dans le même temps, nous devions répondre à une autre urgence : protéger les Français, les entreprises et les collectivités face à l'explosion des factures de gaz et d'électricité. En Allemagne, en Italie, en Belgique, au Royaume-Uni, les montants payés par les consommateurs ont explosé, les prix se trouvant parfois multipliés par plus de deux. Pour notre part, nous avons déployé les mesures les plus protectrices d'Europe. Ainsi, dès octobre 2021, un bouclier tarifaire – que nous avons décidé de prolonger – a permis de bloquer les prix du gaz et de limiter la hausse des prix de l'électricité. Sans action de notre part, les factures auraient doublé ; grâce à cette mesure, la hausse des prix du gaz et de l'électricité a été limitée à 15 % pour les ménages, les très petites entreprises (TPE) et les plus petites collectivités. Ce bouclier a été complété par des dispositifs de soutien spécifiques pour nos compatriotes qui se chauffent au bois ou au fioul.
Notre action ne se limite évidemment pas aux ménages : nous avons pris des mesures fortes pour soutenir les entreprises et les collectivités. Grâce aux deux dispositifs que sont l'amortisseur électricité et le filet de sécurité, nous déployons ainsi 2,5 milliards d'euros pour aider ces dernières à faire face à la hausse des prix de l'énergie. En outre, des aides ciblées profitent déjà aux entreprises, notamment les plus consommatrices. Les TPE qui ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire et les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieront quant à elles de l'amortisseur électricité.
Au total, l'ensemble des mesures en faveur des entreprises et des collectivités représente un effort de près de 12 milliards d'euros, qui sera notamment financé par la récupération à hauteur de 7 milliards d'euros des marges exceptionnelles des énergéticiens. Cette taxation exceptionnelle est donc intégralement redistribuée aux collectivités et aux entreprises : c'est une mesure juste et efficace. Nous avons une nouvelle fois préféré l'action utile aux effets d'annonce.
Au-delà des mesures d'urgence, nous sommes au front pour faire baisser durablement les prix de l'énergie. Soyons lucides : les prix du gaz et de l'électricité ne retrouveront pas leur niveau artificiellement bas de la période covid. Mais les niveaux actuels sont très excessifs par rapport au coût de production, et tirés encore vers le haut par la spéculation et des craintes exagérées de pénurie.
Nous voulons donc ramener ces prix à des niveaux raisonnables et cohérents par rapport aux coûts de production. C'est là un travail que nous menons en Européens : le Président de la République est pleinement mobilisé à ce sujet, ce qui nous a permis d'obtenir une véritable feuille de route lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre.
Tout d'abord, nous allons mener un dialogue renforcé avec les partenaires fiables qui nous fournissent du gaz, en exploitant le poids commercial de l'Union européenne.
Ensuite, nous sommes d'accord pour procéder à des achats groupés, évitant ainsi la concurrence entre États membres. La Commission européenne a formulé en octobre une proposition en vue de fixer des règles qui permettront aux États et aux entreprises d'agir de concert dans le dialogue avec nos fournisseurs : ce dispositif est en cours de discussion et sera soumis le 24 novembre à l'approbation du Conseil des ministres de l'énergie.
Enfin, l'idée d'un plafonnement temporaire des prix du gaz fait son chemin. La Commission s'est engagée à présenter dans les prochains jours les contours d'une proposition en la matière. Parmi les options mentionnées lors du Conseil européen d'octobre figure notamment le plafonnement du prix du gaz utilisé dans la production d'électricité,…
…dispositif qui a permis de diviser par trois le prix de l'électricité en Espagne.
Plus largement, cette crise nous invite à réformer rapidement et en profondeur le marché européen de l'électricité. La feuille de route le prévoit désormais expressément : le Conseil européen a ainsi demandé à la Commission d'accélérer ses travaux à ce sujet. Nous devons trouver des solutions durables en vue d'offrir aux Européens des prix raisonnables et proches des coûts de production. Ne soyons pas naïfs : les années à venir seront difficiles, notamment en matière d'approvisionnement en gaz. Toutes ces mesures sont donc essentielles afin de permettre à notre pays et au reste de l'Europe de faire face dans la durée à la situation énergétique.
Mesdames et messieurs les députés, nous répondons à l'urgence avec force et détermination ; dans le même temps, nous devons investir dans la préparation de notre avenir. Les énergies fossiles ont des effets que nous savons dévastateurs pour la planète, elles nous exposent à des fluctuations de prix majeures et fragilisent notre quête de souveraineté nationale et européenne ; mais nous en sommes dépendants au quotidien, si bien que nous continuons à en consommer. Il nous faut sortir de cette situation. Nous voulons être la première grande nation industrielle à s'émanciper des énergies fossiles : tel est l'objectif fixé avant même le début de la guerre en Ukraine, début février, à Belfort, par le Président de la République.
Nous n'atteindrons la neutralité carbone ni par la peur, ni par la pensée magique. Des changements radicaux nous attendent : nous avons besoin d'une stratégie claire, comprenant des leviers, des jalons et des moyens. C'est précisément le but de la planification écologique, avec France Nation verte, et c'est de cette manière que nous allons réussir la transition énergétique. Notre plan pour nous libérer des énergies fossiles repose ainsi sur trois piliers : la sobriété, car la meilleure énergie est celle que l'on ne consomme pas ; une production d'électricité décarbonée, nucléaire ou renouvelable ; le développement de nouveaux vecteurs énergétiques, comme l'hydrogène décarboné.
Le premier pilier, la sobriété énergétique, a été évoqué dès son discours de Belfort par le Président de la République, qui a lancé en juillet un appel à nous emparer de cette notion. Certains, par idéologie ou par simplisme, veulent nous conduire vers la décroissance : ce n'est pas la solution, car celle-ci menacerait notre modèle social et susciterait le rejet de la transition énergétique. La sobriété, je le répète, ce n'est pas la décroissance de notre économie.
La sobriété consiste à baisser un peu le chauffage, décaler ses horaires d'utilisation de l'énergie, éviter d'en consommer inutilement. Elle réside dans le choix de la responsabilisation, pas de l'infantilisation. Ce sont aussi des actions structurelles en vue de faire baisser la consommation d'énergie : nous encourageons les mobilités propres, nous nous engageons en faveur d'une rénovation massive des bâtiments,…
…avec des investissements majeurs et soutenables par le secteur. La sobriété est efficace ; elle constitue une source d'économies, voire un facteur de compétitivité.
État, collectivités, entreprises, particuliers, chacun doit y contribuer à la hauteur de ses moyens – car, je l'affirme une nouvelle fois, ce n'est évidemment pas aux Français en situation de précarité de faire de nouveaux efforts.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
Sous l'égide de la ministre de la transition énergétique, des travaux ont été menés, secteur par secteur, pour identifier les économies d'énergie qu'il était possible de réaliser sans qu'elles aient d'impact sur l'économie. Chacun a pris la mesure de la situation, si bien qu'au début du mois d'octobre, nous avons présenté un plan de sobriété complet, ambitieux, qui permettra de réduire notre consommation énergétique de 10 % en deux ans. Les résultats en sont déjà visibles : à ce jour, nous avons utilisé 15 % d'électricité et de gaz de moins qu'en temps normal.
Mêmes mouvements.
Cependant, il nous faut avoir collectivement conscience que la sobriété n'est pas une mode, le temps d'un hiver, mais bien une nouvelle manière de penser et d'agir. D'ici à 2050, nous voulons que notre consommation ait baissé de 40 % : ce plan de sobriété constitue un point de départ, et les économies massives d'énergie, un objectif essentiel pour les années à venir.
« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le deuxième axe de notre stratégie consiste à nous appuyer sur un mix énergétique décarboné et diversifié, autour du nucléaire et des énergies renouvelables. À cet égard, le rapport de RTE a été éclairant :…
…même si nous consommons en tout moins d'énergie, l'abandon des énergies fossiles imposera de produire plus d'électricité,…
RTE n'a pas toujours dit cela : il y a un an, ils soutenaient le contraire !
…notamment pour satisfaire à certains nouveaux usages, comme la mobilité électrique ou des chauffages plus performants.
Concrètement, nous devrons être en mesure, en 2050, de produire jusqu'à 60 % d'électricité de plus qu'aujourd'hui.
C'est un discours pessimiste : on aurait pu isoler les maisons et développer les transports en commun !
Face à ce défi, beaucoup ne jurent que par les solutions toutes faites. Certains ne parlent que de nucléaire, oubliant le risque qu'il y a à dépendre d'une seule source d'énergie et passant sous silence ce qu'ils ont dit ou fait par le passé.
D'autres voudraient un mix 100 % renouvelable : je ne crois pas cette perspective réaliste, que ce soit en termes de capacité ou de gestion des intermittences.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Pour notre part, nous croyons à l'efficacité, non aux dogmatismes. Contrairement à ce que prêchent les idéologues, la crise actuelle démontre l'urgence de la diversification : nous ne pouvons nous appuyer sur une unique ressource, et nous devons prendre conscience du fait que, dans les moments de tension, il n'y a pas de petits apports énergétiques. Un mix diversifié constitue un atout et une protection ; c'est pour cela que nous devons avancer sur deux jambes : le renouvelable et le nucléaire.
Développer massivement les énergies renouvelables est un choix pragmatique, la seule manière de répondre à nos besoins immédiats, alors qu'il faut quinze ans pour mettre en service un réacteur nucléaire ; un choix écologique, car décarboné ; un choix économiquement rationnel, puisque les coûts des technologies en cause ont beaucoup diminué et que la production d'électricité renouvelable permet désormais de dégager des recettes publiques. En 2021, les moyens de production renouvelable coûtaient à l'État 6 milliards d'euros de subventions ; en 2022, ils lui rapporteront 10 milliards d'euros qui seront intégralement redistribués aux consommateurs d'électricité.
C'est également un choix de souveraineté car nous continuerons à investir dans les filières industrielles. Nos parcs éoliens en mer, comme celui de Saint-Nazaire, ont permis de créer une véritable filière en France ; le Président de la République a d'ailleurs fixé l'objectif…
…que le pays compte en 2050 cinquante de ces parcs. Il en va de même pour le solaire : je souhaite que nous puissions réinvestir pour installer en France et en Europe la production et l'assemblage des panneaux, et pour en développer une nouvelle génération.
D'ici à 2050, nous voulons que la production d'énergie solaire ait été multipliée par dix.
Nous avons un objectif en vue : doubler nos capacités de production d'électricité renouvelable d'ici à 2030. Nous avons donc décidé d'accélérer le rythme. Dans quelques jours, vous commencerez l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Au Sénat, tous ont débattu de ce texte en bonne intelligence, chacun apportant sa pierre à l'édifice ; le résultat a été au rendez-vous puisque les groupes socialiste et écologiste, le groupe Les Républicains, les centristes et la majorité présidentielle ont voté en sa faveur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je suis convaincue que cette méthode et cet esprit de compromis peuvent également prévaloir à l'Assemblée nationale.
Ce texte, nous pouvons encore l'améliorer, ensemble.
Nous y parviendrons par le dialogue et la recherche de solutions communes. Pour cela, vous pouvez compter sur moi comme sur mon Gouvernement. J'ajoute que nous chercherons à promouvoir davantage encore l'hydroélectricité : nous voulons notamment élaborer un cadre législatif qui permette de relancer rapidement les investissements dans les barrages sans nécessiter de nouvelle mise en concurrence. Quant aux territoires ultramarins, j'ai la conviction qu'ils doivent être aux avant-postes de la transition écologique et énergétique : ils pourront atteindre l'autonomie énergétique grâce aux énergies renouvelables.
Mesdames et messieurs les députés, en parallèle, nous allons moderniser notre parc nucléaire. Notre premier défi, ce sont les réacteurs existants ; nous prolongerons tous ceux qui répondent à nos standards de sûreté. EDF, en lien avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), conduit actuellement les études nécessaires à l'identification de ceux dont l'activité ne saurait être prolongée au-delà de cinquante ans. Par ailleurs, conformément aux engagements du Président de la République, nous avons lancé un ambitieux programme de construction de nouveaux réacteurs, qui donnera de la visibilité au secteur pour embaucher et former les chercheurs, ingénieurs, techniciens de demain.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sa première étape prévoit six réacteurs pressurisés européens EPR2, dont le premier doit être mis en service en 2035.
Le débat public a déjà été engagé au sujet des deux EPR2 de la centrale de Penly. Nous devons faciliter et accélérer le développement de ces projets, notamment en allégeant certaines procédures administratives : tel est le sens du projet de loi présenté le 2 novembre en Conseil des ministres. La seconde étape du programme nucléaire consiste à étudier la construction de huit réacteurs supplémentaires. La troisième, c'est l'innovation, afin de bâtir des réacteurs de nouvelle génération. La France a pris en la matière des engagements forts. Ainsi, dans le cadre de France 2030, nous avons décidé d'investir 1 milliard d'euros dans le nucléaire du futur, notamment dans la construction en moins de dix ans d'un prototype de petit réacteur modulaire (SMR).
Le dernier axe de notre stratégie, mesdames et messieurs les députés, consiste à investir dans les vecteurs énergétiques d'avenir, entre autres l'hydrogène. Facteur de transition à la fois énergétique et industrielle,…
…celui-ci va permettre une décarbonation massive de notre économie, même dans les secteurs qui consomment et émettent le plus, comme la sidérurgie ou les mobilités lourdes. L'hydrogène, c'est aussi une ressource économique, avec une nouvelle filière et 100 à 150 000 emplois à la clé ; c'est enfin une carte maîtresse pour notre souveraineté. Par conséquent, nous voulons faire de la France le leader de l'hydrogène décarboné.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Dans ce but, nous investissons massivement : 9 milliards d'euros au cours des prochaines années, notamment grâce à France 2030. Reste que l'hydrogène n'est évidemment pas la seule filière dont nous accompagnons le développement. La décarbonation de notre économie, de notre quotidien, s'appuiera également sur la géothermie, la biomasse, les biocarburants et le biogaz.
Je consacrerai justement quelques mots au biogaz. Nous sommes lucides : certaines industries ne pourront tout électrifier et auront toujours besoin de gaz. Dans cette perspective, le biogaz est le meilleur levier en vue de décarboner ; il profitera en outre à l'économie et aux territoires. Il représente une chance pour les agriculteurs, qui pourront y trouver une source de revenu complémentaire tout en valorisant leurs déchets et en produisant des engrais naturels ; une occasion de développement économique pour les territoires ruraux, où seront ainsi créés des emplois non délocalisables. Nous nous sommes donc fixé des objectifs ambitieux en matière de méthanisation. Des mesures visant à faciliter et accélérer son déploiement ont d'ores et déjà été prises ; d'autres vous seront soumises au sein du projet de loi concernant les énergies renouvelables.
Mesdames et messieurs les députés, notre transition énergétique passe par une stratégie nationale ambitieuse mais elle devra être construite et menée avec l'Union européenne. Bien sûr, il peut y avoir des débats car les situations sont très différentes d'un pays à l'autre, mais nous sommes convaincus que nous serons plus forts à ce niveau, dans un marché et face à des enjeux à l'échelle mondiale. L'Union européenne nous permettra d'aller plus vite et de gagner plus efficacement notre indépendance. Lors de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous avons franchi des étapes majeures. Au cours du sommet de Versailles, les Vingt-Sept sont tombés d'accord pour sortir au plus vite de leur dépendance aux hydrocarbures russes et pour accélérer leur sortie des énergies fossiles. C'est historique. Nous sortirons du gaz et du charbon grâce à l'Europe. C'est aussi avec elle que nous ferons baisser plus fortement et plus rapidement notre empreinte carbone.
Comme de nombreux groupes l'avaient demandé et comme je m'y étais engagée, je viens de vous présenter les grandes orientations de la stratégie énergétique de la France, une stratégie claire, organisée, une stratégie à tous les niveaux, qui s'incarnera au plus près des territoires et se pensera en Européens, une stratégie qui nous donne les moyens d'atteindre la neutralité carbone. Bien sûr, le sujet se prête aux discussions, aux échanges – parfois même aux passions. Je suis impatiente de mener le débat avec vous mais avant de vous laisser la parole je souhaite partager deux convictions.
La première, c'est que nous allons vivre mieux grâce à la transition énergétique. Bien sûr, des changements rapides s'engagent. Ils peuvent paraître vertigineux à certains de nos concitoyens : nous devons les accompagner, les rassurer. La décarbonation et la sobriété vont nous protéger des crises à venir. Elles permettront de mieux maîtriser les prix. Elles seront synonymes de justice sociale car chacun contribuera selon ses moyens, et car nous aiderons ceux dont les modes de vie et de travail seront les plus touchés.
Ma seconde conviction, c'est que la transition énergétique va de pair avec la croissance et la création d'emplois.
Elle va accompagner la réindustrialisation et permettre l'émergence de secteurs et de filières d'avenir. Elle va permettre des innovations qui bénéficieront à la société tout entière. Alors oui, la transition énergétique est un défi, mais c'est aussi une chance. Nous devons saisir ce défi et le relever ensemble. Nous en sommes capables, nous avons tout pour réussir.
« Bravo ! » sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, dont les membres se lèvent pour applaudir.
Les scientifiques alertent depuis plus de trente ans sur le réchauffement climatique. Aujourd'hui, nous sommes face à un mur : un mur qui s'est construit parce que nous pensions de façon obsessionnelle que nous pourrions tout contrôler, y compris les ressources naturelles. Le contexte international de guerre en Ukraine et la crise énergétique actuelle – qui n'est qu'une première secousse de la crise climatique qui s'accélère dangereusement – ont mis en exergue les failles que sont notre imprévision et notre immense fragilité. La situation est la suivante : les prix de l'énergie s'envolent, les Françaises et les Français vont avoir froid cet hiver, la précarité énergétique augmente, des services publics vont fermer et des entreprises risquent de mettre la clé sous la porte. Les impacts du réchauffement climatique sont clairement tangibles pour chacun et chacune. Cette situation n'est que la conséquence de notre éternelle politique d'ébriété énergétique, alimentée d'une part par une addiction aux énergies fossiles importées, d'autre part par un aveuglement et un entêtement délétères s'agissant du nucléaire.
À l'ébriété énergétique, nous répondons : sobriété ! Les avis de tous les scientifiques qui nous alertaient hier sur la réalité du réchauffement climatique convergent : la réduction de nos consommations, et donc celle de nos factures, est le premier levier de la transition et de la sécurité énergétiques. Une action massive et résolue s'impose : sur les bâtiments et les logements d'une part, sur les transports et les déplacements de l'autre. Nous n'avons plus le luxe, madame la Première ministre, de nous enfermer dans une idéologie du « toujours plus »…
…et de refuser de faire les investissements nécessaires dans la planification écologique. Il nous faut un véritable plan Marshall de la rénovation des bâtiments et des logements.
M. Julien Bayou applaudit.
C'était le sens de la proposition de notre collègue Éva Sas, adoptée démocratiquement dans cette enceinte, plébiscitée par la société civile et confortée par tous les scénarios des experts. Seul ce choc d'investissement, chiffré par des experts à 29 milliards d'euros annuels, nous permettra d'y arriver. Comme nous l'avons déjà fait dans les années 1970 pour le nucléaire, devenons champions d'une filière industrielle de la rénovation. Création d'emplois, formation des artisans, travail avec le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) pour créer une filière durable et essentielle : voilà le seul bouclier soutenable et structurel qui protégera tous les ménages, tous nos services publics, ainsi que les TPE-PME face à la volatilité des prix.
En ce qui concerne les transports, nous sommes toujours soumis à la dépendance à la voiture individuelle et au pétrole, et donc à la spéculation des marchés. Vous subventionnez l'utilisation de la voiture thermique de manière inconditionnelle et indifférenciée, sans tenir compte des utilisations et des disparités sociales colossales. Ce choix dispendieux profite aux plus riches et maintient les plus précaires dans la vulnérabilité face à la hausse des prix des carburants. Remplacer les véhicules individuels thermiques par des véhicules individuels électriques ne suffira pas : nous consommerons toujours la même quantité d'énergie et les plus précaires seront laissés pour compte. Vous avez vous-même évoqué l'objectif de réduction de 40 % de nos consommations énergétiques d'ici à 2050, madame la Première ministre. Comment l'atteindrons-nous sans entamer la sobriété dans les transports ? Là encore, nous avons les solutions : elles passent par le déploiement massif des transports en commun dans tous les territoires, du train du quotidien et des mobilités douces. Pour les transports aussi il nous faut un choc, afin de donner une solution alternative réelle à la voiture individuelle à toutes celles et ceux qui ne peuvent pas s'en passer aujourd'hui.
Au concept de sobriété, vous répondez ébriété et nucléaire. Faire croire aux Français qu'avec le nucléaire ils auront accès à une énergie peu coûteuse est un mensonge, et vous le savez. Il faudra au minimum quinze ans pour espérer construire un nouveau réacteur. S'agira-t-il d'un EPR2, d'un EPR3 ? Utilisera-t-il de l'uranium 235 ? De l'uranium 238 ? Flamanville est un échec cuisant qui nous coûte – excusez l'expression – « un pognon de dingue ». Et pendant quinze ans on fait quoi, madame la Première ministre ? Pour les factures d'électricité ? On prie ? On croit, de manière infaillible, que la filière nucléaire nous sauvera de la crise énergétique et payera la facture des Françaises et des Français ? La moitié de notre parc est à l'arrêt aujourd'hui. Nous sommes le 16 novembre ; EDF s'était engagé à rouvrir tous les réacteurs cet hiver. Où en sont ces promesses ?
Vous avez parlé de deux jambes, en matière de transition énergétique.
Deux jambes : la sobriété et les énergies renouvelables…. Excusez-moi, je vais effectivement conclure.
Revenez à la raison : le temps est compté mais les solutions sont là. Cela fait des années qu'experts, scientifiques, chefs d'entreprise, élus locaux et responsables associatifs les éprouvent. Ne vous laissez pas enfermer dans vos carcans idéologiques, madame la Première ministre.
Sourires sur plusieurs bancs des groupes RE et LR.
Les solutions du passé ne résoudront pas les défis d'aujourd'hui. Faites preuve de courage et de responsabilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Engager un débat sur la politique énergétique de la France, figure imposée par la crise que nous traversons, c'est répondre à des questions majeures dans le cadre desquelles les politiques énergétiques jouent un rôle central : protéger le pouvoir d'achat de nos concitoyens ; assurer la souveraineté énergétique de la France, qui est indissociable de sa souveraineté industrielle ; être à la hauteur de l'urgence climatique.
Or ce débat s'ouvre dans un contexte géopolitique bouleversé par la guerre, dans lequel la France et l'Union européenne se retrouvent confrontées à une contradiction insurmontable : le dogme de la concurrence libre et non faussée auquel vous souscrivez, madame la Première ministre, ne permet pas la régulation. La concurrence libre et non faussée ne sécurise pas l'approvisionnement énergétique : elle affaiblit notre souveraineté et se révèle incapable de prendre soin de la planète. Nous considérons pour notre part, et j'y reviendrai, que l'énergie n'est pas une marchandise mais qu'elle est un bien de première nécessité, un bien commun. Cela implique que nos outils de production quels qu'ils soient – nucléaire, énergies renouvelables – échappent à la logique du marché.
Les fragilités que révèle la crise actuelle ne datent pas d'hier. Elle n'est pas sans rappeler le choc pétrolier de 1973, qui avait entraîné la multiplication par quatre du prix du pétrole brut et conduit le gouvernement Messmer, avec une forme de courage et de volontarisme politiques, à établir un véritable plan stratégique d'indépendance énergétique, puisant sa sève chez ceux qui dans le sang, les larmes et l'espoir de la Libération avaient créé EDF et GDF en 1946.
La hausse du prix du gaz naturel, et donc de l'électricité, ne date pas d'hier non plus. Ces prix sont, vous le savez, la conséquence du développement du marché de gros, rendu nécessaire par votre choix d'ouverture à la concurrence. Ainsi, dans le marché construit à l'échelle européenne avec des mix de production différents, les prix dépendent de la volatilité des énergies renouvelables et des prix du gaz fossile et de la tonne de C0
Comme toujours, le discours était bien rodé : l'ouverture totale devait renforcer les droits des consommateurs et même favoriser l'innovation industrielle. Vous connaissez le résultat, qui est sans appel : les dispositifs déployés pour permettre aux nouveaux entrants de pénétrer le marché ont favorisé l'émergence d'acteurs devenus spécialistes de l'achat opportuniste au travers du mécanisme délétère de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), pratiquant le démarchage abusif, accumulant les pratiques commerciales trompeuses et siphonnant par la même occasion non seulement les finances d'EDF mais aussi ses savoir-faire et ses capacités d'investissement. Vous avez trop longtemps fermé les yeux sur cela. Vous avez dès le début renoncé à agir. Vous êtes, vous les libéraux, collectivement responsables de ce processus de déréglementation qui est à l'origine de l'explosion des prix et de la remise en cause de notre indépendance énergétique, à tel point que notre sécurité d'approvisionnement n'est plus certaine à la veille de l'hiver – ce qui est anxiogène pour l'économie réelle et les industries.
La commission d'enquête parlementaire lancée par le président Marleix et présidée par Raphaël Schellenberger permettra d'identifier, sur le temps long, les responsabilités et les choix politiques qui ont mené à ce fiasco. Je le redoute, j'ose même l'anticiper : elle n'épargnera pas grand monde, ni la droite ni la gauche molle.
Sourires sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sourires.
Dès le début des années 2000 en effet, EDF avait perçu, comme nous, la falaise qui se détacherait à l'horizon 2020, comme la retraite de ses plus anciens réacteurs construits à partir de 1977. Mais je vous rassure, madame la Première ministre : cette commission d'enquête ne vous épargnera pas non plus et n'épargnera pas votre politique de flottement, mi-chèvre mi-chou. Selon les interlocuteurs, les effets de mode et les échéances électorales, vous avez imposé à notre fleuron industriel EDF et à ses agents, souvent considérés comme des variables d'ajustement, des injonctions contradictoires.
Il leur faut réduire les coûts, maintenir des prix bas, nourrir et même gaver les concurrents, et enfin gérer voire accompagner le déclin du nucléaire, marqué par la fermeture de Fessenheim, l'arrêt du réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle Astrid et la fermeture de quatorze réacteurs inscrite dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) aujourd'hui opposable.
En même temps, le marché devait s'occuper des énergies renouvelables, sans considération des territoires, des habitants ni, pour l'éolien offshore, des travailleurs de la mer, et sans véritable structuration d'une filière industrielle « made in France » dans les secteurs de l'éolien terrestre et du photovoltaïque – c'est moins le cas, je le concède, de l'éolien en mer. Et tout cela s'est fait en laissant s'envenimer les relations entre les filiales d'Areva et d'EDF et en accréditant l'idée d'une filière sans cap, sans tête, perdant chaque jour un peu plus ses savoir-faire, contrainte d'aller chercher à l'étranger – à un prix exorbitant – la validation de ses concepts techniques.
Le Gouvernement s'étonne du manque de réactivité d'EDF face au phénomène de corrosion sous contrainte et feint d'ignorer les particularités de l'organisation du temps de travail dans les centrales nucléaires. Surtout, il fait l'impasse – le député normand que je suis considère cette question comme un enjeu stratégique – sur la perte de savoir-faire et sur les besoins de main d'œuvre, faute d'une stratégie globale et cohérente.
Dans le même temps, l'Allemagne – au nom d'une prétendue écologie – fermait ses réacteurs, renforçait sa dépendance à l'égard du gaz russe et faisait tourner à plein régime ses centrales à charbon tout en faisant la loi au sein de la Commission européenne.
La suite, vous la connaissez puisqu'elle est sous nos yeux : 13 millions de personnes vivent dans la précarité énergétique et 84 % des Français sont très préoccupés par cette situation. Les villes de France sont confrontées à l'explosion des factures, laquelle fragilise les services publics. L'économie réelle est bousculée : chez moi, la compétitivité des verriers Verescence et Pochet du Courval, des industriels de l'agroalimentaire comme Danone et les Ateliers du goût-Davigel ou encore de ceux du secteur automobile comme Alpine…
…est fragilisée par l'explosion des prix que votre bouclier ne permet toujours pas de contenir.
Je conclus : les députés communistes et du groupe GDR ne se contentent pas de signaler vos responsabilités et votre absence de cohérence pour l'avenir mais versent également au débat des propositions réfléchies grâce à l'intelligence ouvrière, grâce à l'intelligence des acteurs de terrain, grâce à ceux – je pense notamment au Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) – qui s'intéressent depuis longtemps au sujet.
Ces propositions, nous les défendons aujourd'hui devant vous : suspendre l'Arenh…
…au titre des circonstances exceptionnelles prévues par le code l'énergie ;
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR
adapter le tarif réglementé de vente de l'électricité à la réalité du mix de production français en incluant la production hydraulique ; réinstaurer le tarif réglementé de vente pour les collectivités territoriales et les entreprises et, bien entendu, le maintenir pour les ménages ;…
…instaurer une TVA à 5,5 % pour ce bien commun de première nécessité et, enfin, engager une réelle – j'insiste : réelle, et non fausse – renationalisation d'EDF et d'Engie en rétablissant leur statut d'établissement public industriel et commercial (Epic). Nous le savons et vous le savez : la remontée au capital d'EDF engagée par l'État sans modification du statut de société anonyme vous permettra, quand vous voudrez et sans le Parlement, de revenir à la charge avec votre mauvais projet de vente à la découpe – un Hercule 2.0 qui parachèverait votre vision libérale. Au reste, l'inversion du calendrier parlementaire dans un contexte où l'accélération du développement des énergies renouvelables est nécessaire pourrait favoriser ce projet de vente à la découpe d'EDF.
Que les choses soient claires : pour le groupe communiste, l'énergie la moins chère est celle qui n'est pas consommée. Il faut donc réaliser des efforts colossaux en faveur de la sobriété énergétique. Votre refus, réitéré dans le projet de loi de finances (PLF), de dégager des moyens pour la rénovation thermique des logements et pour le développement des lignes ferroviaires du quotidien est l'illustration d'un contresens historique.
Nous pensons qu'il faut consommer moins et mieux et qu'il est urgent d'anticiper l'après-pétrole. Dans ces conditions, il faut composer un mix énergétique équilibré, intelligent, dans lequel les énergies renouvelables ont leur place – mais pas n'importe où, pas n'importe comment, pas avec n'importe qui et, surtout, pas sans les gens et les maires, pas sans respecter les territoires. Dans le secteur nucléaire, l'absence de renouvellement des capacités de production et des investissements nécessaires – vous n'avez pas évoqué les modalités de financement – nous prive de visibilité sur la stratégie de l'État.
Pour faire tout cela, la régulation par la puissance publique est nécessaire. Pour faire tout cela, il ne faut pas laisser le marché faire son œuvre. Pour faire tout cela, il faut préserver l'unicité et l'intégrité des outils industriels, de la production à la distribution. Pour faire tout cela, nous devons faire nôtre l'idée qu'avec son énergie ouvrière, le ministre Marcel Paul formula ici même : il faut avoir une vision d'ensemble de ces problèmes car l'énergie est l'armée de la reprise économique.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Le groupe LIOT interviendra en deux temps : notre collègue Max Mathiasin abordera tout à l'heure les questions ultramarines et celles liées aux territoires interconnectés.
Vous l'avez dit, madame la Première ministre : le contexte actuel impose presque à la représentation nationale et au Gouvernement que vous pilotez de poser les jalons du débat énergétique. Le conflit ukrainien, déclenché par la folie de Vladimir Poutine, ses incidences immédiates sur le pouvoir d'achat, qui imposent une austérité que les Français n'ont pas souhaitée, mais aussi le dérèglement climatique, dont nous avons fait une expérience particulière et brutale cet été, nous conduisent, les uns et les autres, à nous emparer de cette question.
Si le débat est légitime et nécessaire, je reviendrai néanmoins sur la méthode. Le groupe LIOT regrette que nous n'ayons pas saisi l'occasion de ce contexte extraordinaire pour anticiper la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie qui commencera en 2023. La représentation nationale et le Gouvernement auraient ainsi pu fixer ensemble les objectifs que nous cherchons à atteindre. Soyons clairs : le cadre qu'établiront les textes à venir sur les questions énergétiques aurait pu justifier une discussion préalable qui ne soit pas limitée à cette seule soirée – au demeurant sympathique mais courte – afin que nous dessinions des perspectives pouvant recueillir l'assentiment d'une large majorité de l'Assemblée.
En effet, le Président de la République a déjà fixé les jalons qui encadrent ce que nous devrons construire ensemble – ou, plus exactement, ce que vous avez décidé que nous allions construire. Pourquoi dis-je cela ? Parce que le présent débat se tient à quelques jours de l'examen du texte sur les énergies renouvelables que nous présentera Mme Pannier-Runacher, le débat ayant déjà eu lieu au Sénat. Ensuite, le Président de la République, dans son discours de Belfort, a fixé la stratégie que vous avez rappelée et, ainsi, le cap que le Gouvernement se donne en matière nucléaire. La méthode surprend donc quelque peu : nous débattons alors que les décisions sont déjà arrêtées. Je le dis en toute clarté, quoiqu'avec bienveillance : nous aurions souhaité un débat plus large en anticipant davantage la PPE, car le contexte le justifie pleinement.
Si les perspectives relatives au mix énergétique recueillent sinon l'unanimité, du moins le consensus parmi nous, nous estimons pour notre part que, compte tenu de la croissance des besoins d'électricité d'ici à 2050, nous devons nous défaire d'une logique théorique voire dogmatique pour nous heurter à la réalité. Or la réalité exige que nous nous emparions avec finesse de la question nucléaire, car notre parc vieillit – sa maintenance, plus lente que prévu, en témoigne. En outre, l'État français a pour l'instant accepté d'être le mauvais élève de la classe européenne en prenant du retard dans la réalisation des objectifs fixés.
Le groupe LIOT accompagnera la démarche pragmatique sur laquelle repose le développement du mix énergétique. Il n'en demeure pas moins que si nous voulons rattraper notre retard dans le domaine des énergies renouvelables, nous devrons aborder plusieurs sujets ensemble. Je ne résiste pas à la tentation d'effleurer la question des territoires d'outre-mer, sur laquelle nous reviendrons, mais aussi celle des effectifs des services compétents, notamment les Dreal – directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement –, dont le règlement contribuerait à résoudre une forme d'embouteillage.
Nous sommes résolument favorables à l'accélération de la transition mais elle passera par une hausse des investissements par rapport à ceux qui ont été consentis jusqu'ici – notamment dans les transports et, plus précisément, dans le rail, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire ici même.
Enfin, le groupe LIOT est attentif à l'avenir d'EDF – et sans doute un peu inquiet. Dans la perspective de la stratégie énergétique que nous devons bâtir ensemble, il vous faudra clarifier rapidement vos intentions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Boris Vallaud applaudit également.
Certains salariés de l'industrie consentent d'énormes sacrifices pour travailler la nuit et le week-end ; certains locataires du parc social font face à des hausses de charges injustifiées. Vous venez, madame la Première ministre, de donner une perspective à ces efforts et un horizon à ces difficultés. Vous avez une méthode – la planification écologique – et une détermination – porter notre économie à un niveau de résilience inédit. Pour rétablir la confiance dans notre système énergétique, vous menez une guerre de souveraineté. Une première bataille a été gagnée, celle de la diversification des approvisionnements en gaz. Deux batailles restent à mener.
La première est celle du nucléaire. Gardons-nous, par passion anti-européenne, de revenir aux doctrines dépassées du monopole d'EDF, du tout-nucléaire et de la fin du marché européen. Au contraire, vous décidez, dans le sillage du discours de Belfort, de nationaliser EDF pour protéger les financements de projets à long terme comme les EPR. De même, le mécanisme des prix européens de l'électricité a été modifié et les effets de l'évolution des coûts de production des énergies fossiles ont été largement amoindris.
L'autre bataille qui reste à mener est celle de l'équipement en solaire et en éolien marin. On sent qu'un pan de l'écologie est passé à la décroissance alors que l'État, lui, déploie une action rationnelle et massive. Partout, les préfectures favorisent la coordination des entreprises de connexion, cartographient les espaces disponibles, mobilisent établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), grandes surfaces et fédérations agricoles. Cette planification des territoires encourage la coproduction agricole et énergétique dans une forme d'autonomie plus modeste et mieux planifiée ; en un mot, résiliente.
Le débat à l'Assemblée doit se poursuivre au même rythme que cet investissement. Nous pourrions anticiper la future programmation énergétique en menant d'ici là deux débats déterminants sur le plan financier.
Tout d'abord, les récents travaux de la commission des finances invitent à anticiper, dans le programme 345 de la mission "Écologie, développement et mobilité durables" , le retour à une situation plus normale des cours de l'énergie. Dans l'hypothèse où la compensation due aux énergéticiens classiques au titre des charges de service public resterait « négative », les ressources qui ne seront plus consacrées au bouclier seront disponibles dès l'an prochain. Alors se dessinera un budget de la production d'énergie, celui des « deux piliers de Belfort » : nous pourrons rattacher au programme 345 les lignes budgétaires correspondant à l'hydrogène, à la recherche nucléaire du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), au financement de la délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire – que nous vous félicitons d'avoir créée –, au soutien aux connexions, et au soutien aux gros consommateurs de courant nucléaire, autrement appelé Arenh.
En matière de raccordement électrique, préparons une double révolution, celle du tarif et celle du mode de planification des décisions locales de raccordement. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) nous en conjurent : nous devons produire un ressaut massif de l'investissement et transformer RTE et Enedis. Une nouvelle mission prioritaire s'annonce pour eux : après avoir raccordé les consommateurs sur tout le territoire, il faut raccorder les producteurs. Après la loi d'accélération nucléaire, pourquoi pas une loi d'accélération des raccordements ? Il est vrai qu'il en sera question lorsque nous nous pencherons sur l'accélération des énergies renouvelables.
Portons notre attention sur des débats concrets et cadencés, des débats de projets. Depuis Belfort, avec cette crise, nous pouvons devenir en 2050 la première économie développée dont la production d'énergie sera intégralement décarbonée. Il serait absurde de renoncer à cette Europe du marché de l'électricité par idéologie protectionniste.
L'Allemagne sortira du charbon en 2030 et la Pologne va retrouver les financements du plan de relance européen pour faire passer 200 000 de ses salariés du charbon au nucléaire. D'ici là, notre avance sera déterminante et constituera un avantage.
Ce qui importe dans le débat énergétique, c'est l'industrie, qu'il s'agisse de la localisation des filières industrielles ou de l'action en faveur de la décarbonation.
Revitalisons d'abord nos industries de base dans les régions depuis longtemps industrielles : c'est de l'industrie existante que sortiront les fondeurs, les chaudronniers, les usineurs et les soudeurs. Il faut aussi nouer des alliances industrielles avec les grandes nations de la mécanique : les États-Unis, l'Italie et les pays de l'Est de l'Europe. Le nucléaire est depuis toujours une industrie qui repose sur la coopération internationale et c'est grâce à elle que nous allons régénérer notre parc nucléaire, qui est le deuxième au monde.
Il importe en outre de décarboner l'industrie. Jusqu'à présent, cet enjeu renvoyait avant tout à des débats bruxellois autour d'instruments européens mais le Président de la République vient de proposer aux dirigeants des cinquante sites industriels français les plus émetteurs de gaz à effet de serre réunis au palais de l'Élysée un pacte de décarbonation reposant sur des aides immédiates de 5 milliards d'euros appelées à être éventuellement doublées dans dix-huit mois. Dans le cadre de cette réunion fondamentale, dont nous avons ressenti l'impact dans tous les territoires, il a aussi rappelé, madame la Première ministre, que vous étiez à l'origine de la notion de programmation écologique.
Sachez que dans nos territoires et dans cet hémicycle, à Bruxelles et auprès de nos industriels, nous redirons aussi que votre action est synonyme de résilience, d'autonomie stratégique et de souveraineté économique.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
« Rien dans la vie n'est à craindre, tout doit être compris. C'est maintenant le moment de comprendre davantage, afin de craindre moins. » Si j'ai voulu commencer notre contribution au débat sur la politique énergétique par cette citation de l'immense Marie Curie, c'est parce que le groupe Rassemblement national, avec Marine Le Pen, a la conviction chevillée au corps que la France et, plus largement, les civilisations humaines ont plus que jamais besoin du savoir, du progrès et de la raison pour affronter les crises dans lesquelles l'incompétence, l'irrationalité et la cupidité des dirigeants ont plongé les peuples. La peur et l'ignorance sont mauvaises conseillères et ne font qu'aggraver les crises que nous traversons.
Nous voyons se multiplier à travers l'Occident les mouvements millénaristes d'extrême gauche. Ivres de la certitude d'incarner le bien, y compris contre la démocratie et la majorité des citoyens, ils attaquent nos industries, nos agriculteurs et même nos scientifiques, aggravant les délocalisations, donc la pollution et notre dépendance à l'égard du reste du monde. Caricatures d'hommes et de femmes déracinés, aveuglés par des idéologies sans lien avec la réalité, les voilà qui s'attaquent désormais à la culture, à l'art et aux œuvres de l'esprit, animés d'une haine pénitentielle contre l'humanité que nous avons déjà connue dans notre histoire à travers des épreuves que personne ne souhaite revivre.
Aussi irresponsables et effrayants que soient ces mouvements, il faut reconnaître qu'ils sont nourris par des décennies d'échecs qu'incarne parfaitement la macronie, caricature de ce que Marine Le Pen avait nommé la « climato-hypocrisie ».
Depuis des décennies, les gouvernements climato-hypocrites ont manipulé la juste cause de l'environnement pour taxer les Français et justifier la baisse de leur niveau de vie. En parfaits climato-hypocrites, les macronistes ont fermé la centrale de Fessenheim…
…alors qu'elle produisait autant que tous les panneaux solaires de France.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En parfaits climato-hypocrites, lors de la présidentielle, vous avez accusé le Rassemblement national de vos propres turpitudes, à savoir de vouloir rouvrir les centrales à charbon alors que jamais nous ne l'avons envisagé.
Il est affligeant de constater que le débat public est si corrompu que le seul mouvement – le Rassemblement national – innocent des erreurs qui nous ont conduits à la catastrophe est accusé d'être climato-sceptique ou soumis à je ne sais quelle influence alors qu'il a toujours alerté et proposé une alternative souveraine.
Petit rappel : Marine Le Pen trouvait que Fessenheim était dangereuse !
Ce n'est pas le Rassemblement national qui a maintenu depuis cinquante ans la France dans la dépendance aux hydrocarbures, en utilisant les taxes sur le carburant pour tondre les Français, c'est vous ! Ce n'est pas le Rassemblement national…
…qui a rendu dépendante toute l'Europe au gaz russe, au pétrole des régimes islamistes et aux terres rares des dictatures employant des esclaves : c'est vous ! Ce n'est pas le Rassemblement national qui a fait s'effondrer la production nucléaire de 25 % en vingt ans et fait passer la France d'un pays largement exportateur d'électricité à un pays importateur, c'est vous !
…quand on incarne à ce point la mondialisation, la marchandisation du monde, le règne de l'argent roi qui détruisent la planète. Vous vous plaisez à masquer vos échecs économiques et votre politique d'injustice fiscale par des slogans écologiques et par la culpabilisation des Français, allant désormais jusqu'à interdire aux classes populaires et moyennes de rouler dans leurs propres villes avec les iniques zones à faibles émissions (ZFE).
Les importations représentent plus de la moitié de l'empreinte carbone de la France et pourtant le débat politique français, en dehors des discours tenus par Marine Le Pen, parle de tout sauf de la fin de cette mondialisation irresponsable.
Emmanuel Macron a participé à un énième COP dont les objectifs sont louables mais dont tous les mécanismes échouent puisque la principale origine du désordre écologique, la mondialisation, n'est jamais mise en cause et, pire encore, reste présentée comme un objectif humaniste alors qu'il est tout simplement irresponsable et même suicidaire.
Voilà maintenant près de cinquante ans que les mouvements nationaux, souverainistes et gaullistes ont averti que la perte de souveraineté sur nos matières premières, notre alimentation, notre énergie et notre industrie mènerait à la catastrophe.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nos analyses ont toujours été étayées par la science, en particulier par les rapports du Club de Rome, qui, dès 1972, alertaient sur les dangers d'un modèle productiviste que la globalisation et la marchandisation du monde ne pouvaient qu'aggraver. Les crises énergétiques, économiques et environnementales se succèdent, démontrant que la crise économique et sociale a les mêmes causes que la crise écologique et énergétique.
Aveuglés par l'idéologie mondialiste, vous avez réduit la politique environnementale à l'écologie punitive, manipulant cette juste cause pour multiplier les taxes et les contraintes contre le peuple et mieux le culpabiliser tout en détournant l'attention des principales responsabilités :…
…celles d'un système économique inique, qui produit à l'autre bout du monde ce que nous devrions produire chez nous, qui broie les droits sociaux chèrement acquis, qui brûle les précieuses ressources naturelles sur l'autel de l'argent roi.
Oui, Jacques Chirac avait bien raison de dire que tous ceux qui se sont succédé au pouvoir regardent ailleurs alors que la terre brûle et, aurait-il dû ajouter : alors que les peuples s'appauvrissent.
Le débat public est envahi de polémiques stériles et de diversions qui n'ont d'autre but que d'exonérer les principaux responsables du désordre économique et climatique.
Le nucléaire, meilleur espoir de l'humanité pour produire une énergie massive, sans carbone, gâchant le moins de ressources et d'espace public, a été accusé de tous les maux imaginaires pendant que le pétrole, le charbon et le gaz continuaient leur irresponsable ascension. Depuis la crise pétrolière des années 1970 qui aurait dû conduire à engager une transition définitive vers l'électrification de l'industrie, du transport et du logement, les émissions de CO
Les classes populaires et moyennes qui n'ont d'autres moyens que d'utiliser leur véhicule pour vivre, les ruraux qui ont besoin du fioul pour se chauffer, les agriculteurs qui se démènent pour nous nourrir ont été et restent accusés de tous les maux de la planète pour éviter le débat principal que nous devrions tous avoir : un changement total de modèle économique au profit d'une relocalisation optimale des activités, une souveraineté économique et énergétique et un aménagement durable de notre territoire, seules politiques garantes d'une prospérité partagée, de la justice sociale et de la préservation de notre environnement.
Les crises sociales et écologiques atteignent un degré de gravité qui impose que vous les regardiez en face à défaut d'être capables de les résoudre. Ces crises ont déjà affaibli le niveau de vie de nos concitoyens, dont le pouvoir d'achat, après avoir stagné, après s'être érodé, est si affaibli qu'un nombre toujours plus grand de familles renonce à se chauffer, à visiter leurs proches et même à se nourrir sainement. Alors qu'ils ont fondé notre démocratie sociale, la prospérité de nos économies et la stabilité de notre modèle social, le travail et les valeurs cardinales qui lui sont attachées ne garantissent plus de pouvoir vivre dignement. Le spectre du revenu de subsistance, que d'autres veulent désormais renommer le salaire universel, revient hanter les économies en voie de tiers-mondisation.
Depuis plusieurs générations, les grands-parents puis les parents des classes moyennes et populaires s'inquiétaient du fait que leurs enfants vivent moins bien qu'eux-mêmes. Désormais, ce sont les enfants et petits-enfants qui s'interrogent sur la survie même de tout ce que nous pensions avoir acquis par le travail et le sacrifice de plusieurs générations. Les sociétés européennes, en particulier la société française, vivent dans l'angoisse d'un avenir fait de pénuries, de restrictions et de régressions quand elles ne se demandent pas si la dégradation de l'environnement ne provoquera pas une catastrophe mondiale.
Vous avez décidé de faire de cette angoisse de pénurie un objectif politique, comme vous venez de nous le confirmer par votre discours, madame la Première ministre. Dans un retournement machiavélique inouï, vous présentez les pénuries, les sacrifices et les manques comme un nouvel horizon de la civilisation. En réalité, cette stratégie n'est pas une politique : acculé par les échecs et la perte de notre souveraineté énergétique, alimentaire et industrielle, ce gouvernement subit la crise sans avoir la moindre idée de la manière dont il pourrait la résoudre. Pire, il continue – en ricanant – à refuser les solutions du Rassemblement national.
Croire que la crise écologique, sociale et économique pourra se résoudre par la pénurie et la restriction est une hérésie. En affirmant que les Français doivent choisir la sobriété énergétique, vous sous-entendez que nos compatriotes seraient en état d'ébriété énergétique, que nous consommerions trop d'énergie et trop de richesses.
Un tel diagnostic montre votre aveuglement. Alors que nos compatriotes, y compris les classes moyennes, se sacrifient et se restreignent depuis des années, jamais la pauvreté et la précarité énergétique n'ont été aussi fortes. Avez-vous oublié la révolte des gilets jaunes ? N'avait-elle pas montré que les Français étaient déjà au bout des efforts qu'ils pouvaient fournir ?
L'énergie n'est pas un bien comme un autre : elle est le cœur battant de l'économie et des sociétés humaines. Toute l'aventure humaine est une quête sans cesse renouvelée pour la maîtrise des ressources naturelles et des lois de la physique qui nous permet de prospérer. L'ensemble des révolutions productives de l'humanité, des plus anciennes aux plus contemporaines, ont toutes été fondées sur la maîtrise d'une ou plusieurs formes d'énergie. Ces acquis technologiques se sont toujours cumulés, sans jamais se substituer les uns aux autres. L'humanité a toujours besoin de plus d'énergie pour améliorer ses conditions de vie, soulager la dureté du travail, conquérir de nouveaux territoires, y compris la mer et l'espace. Le choix du modèle énergétique conditionne aussi notre rapport au monde. Les ressources naturelles ne sont pas réparties équitablement sur la Terre. Plus elles sont rares, plus elles seront âprement disputées. La crise du covid a rompu l'illusion que la mondialisation pouvait offrir des richesses au monde entier. À la moindre tension, les pays dépendants se retrouvent dépourvus, à la merci des pays autonomes, pour ne pas dire parfois hégémoniques.
La mondialisation heureuse a vécu et nous sommes renvoyés à la triste réalité : ne sont libres que les peuples qui maîtrisent leurs ressources vitales. Avons-nous donc oublié les racines de notre civilisation, quand les cités grecques refusaient de céder à l'envahisseur perse « la terre et l'eau », symboles de leur liberté face à la soumission ?
Choisir la dépendance comme l'ont fait les gouvernements français depuis trente ans, au mépris de l'héritage du général de Gaulle ,
Protestations sur les bancs du groupe LR. – M. Charles Sitzenstuhl s'exclame
nous a mis dans une impasse, entraînant une facture énergétique et économique que les Français paient de plus en plus lourdement. Particulièrement conscient de la dépendance de la France aux ressources fossiles et aux matières premières, le général de Gaulle
Mêmes mouvements
avait déjà perçu, avant les crises pétrolières, que notre pays devait produire sa propre énergie et, dans la mesure du possible, un maximum de ses ressources stratégiques.
Nous nous sommes alors engagés dans la plus grande révolution énergétique qu'un pays occidental ait menée, le plan Messmer : 58 réacteurs construits en seulement trente ans, à partir de filières industrielles naissantes, à un rythme atteignant jusqu'à huit réacteurs par an ! Avec le succès de ce plan, la France a inventé la première croissance verte : la France s'est enrichie en produisant 75 % de son électricité avec le nucléaire, 15 % avec l'hydroélectricité, soit 90 % de son énergie sans émission de gaz à effet de serre.
Voilà le modèle qu'il faut suivre, voilà nos propositions : renouons avec ce qui a marché.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Dans son discours de Belfort, Emmanuel Macron n'a nullement appelé à une relance du nucléaire. Vous en restez à l'objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique. Vous mentez aux Français…
…quand vous dites que vous avez renoué avec le nucléaire.
Rien ne change par rapport à ce qui était déjà prévu, à savoir la décroissance du nucléaire, pire, la décroissance de notre industrie. Rien dans votre plan ne permet de réindustrialiser la France et donc de décarboner l'économie. Vous êtes déjà incapables de respecter les engagements du traité de Paris que vous avez signé : la moitié de notre empreinte carbone provient des importations.
Tant que vous ne vous attaquerez pas à ces importations, vous continuerez à faire souffrir les Français pour rien ! Vous n'avez d'autres propositions que de doubler le parc des éoliennes, alors que cette solution ne marche pas ,
Exclamations sur les bancs du groupe RE
de décupler le nombre de panneaux solaires pour enrichir l'industrie chinoise ou d'implanter cinquante parcs d'éoliennes en mer dont personne ne veut !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Ce qu'il faut, c'est relancer la seule filière qui ait fait ses preuves : la filière nucléaire.
Nous voulons concentrer les efforts de réindustrialisation de la France sur cette filière. Contrairement aux mensonges que vous avez assénés pendant la campagne présidentielle et après, la filière nucléaire française, si on lui en donne les moyens, est parfaitement capable de faire ce qu'elle a déjà fait. Cela suppose de se lancer immédiatement dans la construction d'au moins vingt EPR2 au lieu de six avant 2040. Il faut parallèlement activer les recherches autour d'un réacteur de quatrième génération capable de recycler les déchets.
Ce n'est qu'une fois que nous aurons la garantie de disposer de suffisamment d'électricité que nous pourrons produire l'hydrogène nécessaire à la décarbonation de notre économie et à la relocalisation de notre industrie dont la part devra passer de 10 % à 20 % du PIB comme dans les années 1990. Ce n'est qu'une fois que nous aurons la garantie de disposer de suffisamment d'électricité que nous pourrons alimenter les pompes à chaleur, sans lesquelles la rénovation des logements ne sert à rien car sinon la dépendance aux énergies carbonées perdurera.
Enfin, c'est seulement en produisant suffisamment d'électricité que nous pourrons envisager un jour de nous passer du pétrole. Mais, pour le moment, les options que vous mettez sur la table ne conduiront qu'à l'échec et à l'appauvrissement des Français.
Vous l'avez compris, nous n'avons pas du tout la même ambition que vous. Nous ne pensons pas que faire souffrir les Français ou appauvrir la France sauvera la planète. Nous pensons au contraire qu'en ne promettant que des pénuries et des restrictions aux Français, vous courez droit à la catastrophe. Car plus vous promettrez à l'humanité son appauvrissement, moins elle choisira la voie du progrès et de la décarbonation. Vous ne tirez aucune conséquence de l'échec, depuis maintenant vingt ans, des conférences des parties (COP) ou de celui de la décarbonation de l'économie mondiale.
Vous l'avez compris, et j'en reviens à Marie Curie, le Rassemblement national est désormais le seul mouvement à croire encore à la science et au progrès humain.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et LR.
Car ce sont la science et le progrès humain qui ont permis à l'humanité d'être ce qu'elle est aujourd'hui, ce sont la science et le progrès humain qui ont permis la garantie des libertés individuelles.
Ce sont la science et le progrès humain, dont la France a été la championne durant des siècles, qui permettront à notre pays de retrouver sa grandeur.
Les députés du groupe Rassemblement national se lèvent et applaudissent. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Le Président de la République s'est fait élire pour la première fois il y a plus de six ans,…
…en vantant auprès des Français la start-up nation. Ceux-ci découvrent aujourd'hui avec stupéfaction qu'ils devront, peut-être, trouver des bougies pour s'éclairer cet hiver. Quel échec !
Quel échec que la politique menée depuis au moins cinq années par le chef de l'État – voire un peu plus, en réalité, puisqu'il était auparavant ministre de l'économie. Comment en sommes-nous arrivés là ? À cause de deux grands abandons : d'abord celui de la filière nucléaire…
…alors que nous bénéficiions d'un leadership mondial dans le domaine nucléaire, abandon décidé à l'occasion d'un accord électoral conclu entre deux formations politiques de la gauche de l'hémicycle après une sorte de pacte échangeant des circonscriptions contre la fermeture de centrales nucléaires.
Vous n'avez pas remis en cause, madame la Première ministre, cet accord politique honteux datant de novembre 2011 – je le rappelle au cas où vous n'auriez pas la mémoire très précise. Depuis qu'il dirige le pays, le président Macron ne l'a pas remis en cause : il l'a appliqué à la lettre, scrupuleusement, en fermant la centrale de Fessenheim et en annonçant, en novembre 2018, la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires.
À l'heure où nous parlons, il est toujours prévu, dans la loi, de fermer douze réacteurs nucléaires. Ce faisant, vous avez démobilisé et démotivé toute une filière ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR
ce qui explique en grande partie – ce n'est pas uniquement le fait du covid – les difficultés actuelles à assumer les travaux d'entretien et de maintenance du parc nucléaire français : lorsqu'on vend Alstom à General Electric (GE), il ne faut pas s'étonner des conséquences.
La France est ainsi condamnée à revivre son histoire : c'est en effet le plan Messmer qui, en réponse au premier choc pétrolier de 1973, avait permis de la rendre indépendante sur le plan énergétique.
Mais puisque nous avons oublié cette promesse, ou plutôt puisque vous l'avez oubliée, la France redécouvre les pénuries d'électricité auxquelles nous avions, à l'époque, décidé de répondre. Je dis « nous », car le pays était alors dirigé par les gaullistes. Je ne me souviens pas, monsieur Tanguy, que Pierre Messmer ait jamais soutenu le Front national.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RE.
Le deuxième abandon, c'est votre absence de projet pour le champion national qu'était EDF. Jusqu'à il y a deux ou trois ans, EDF était encore le premier énergéticien mondial, le premier producteur d'électricité dans le monde. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que depuis cinq ans, le seul projet de l'État actionnaire a porté sur le démantèlement de cette entreprise intégrée,…
…capable de produire de l'électricité nucléaire ou hydroélectrique, de la transporter et, à travers sa filiale Enedis, d'assurer un service public. Votre seul projet depuis cinq ans a consisté à contraindre l'entreprise à organiser son démantèlement et son démembrement, ce qui, de l'avis de tous les spécialistes, s'apparente plus à un projet de banquiers d'affaires qu'à un projet industriel.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes inquiets quant à vos ambitions pour EDF et j'espère que nous obtiendrons des réponses. Notre collègue Philippe Brun a lancé l'alerte concernant vos projets ; le nouveau président-directeur général d'EDF s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas de projet Hercule numéro 2. Nous attendons ce soir des engagements très précis de votre part.
Il vaut mieux éviter d'attendre quoi que ce soit, comme on dit chez nous !
Nous connaissons tous les conséquences de ces abandons. Pour les entreprises, c'est une situation de crise : vous avez instauré des mesures totalement incompréhensibles ; aucune d'entre elles n'a compris ce que vous voulez faire, madame la Première ministre, avec votre dispositif dit « amortisseur électricité », ni quel serait le niveau des aides octroyées par le guichet que vous entendez ouvrir.
D'après les premiers éléments de comparaison dont nous disposons, la seule certitude est que le prix de l'électricité que paieront les PME françaises sera vraisemblablement deux fois plus élevé que celui payé par les Allemands, qui ont instauré un système très énergique et efficace : un plafonnement du prix de l'électricité à 130 euros le mégawatt jusqu'à 70 % de la consommation et, au-delà, l'application du prix du marché. Malheureusement, votre système est bien moins puissant. Nous avons la faiblesse de penser que la seule solution aurait consisté à s'extraire du marché européen, même si notre manque d'indépendance rend en effet moins évidente la demande d'une dérogation européenne semblable à celle qu'ont obtenue l'Espagne et le Portugal.
Le coût d'un plafonnement du gaz utilisé pour produire de l'électricité en France se serait élevé, pour cette année, à environ 5 milliards. Cette solution se serait sans doute révélée moins coûteuse que celle que vous voulez mettre en œuvre et infiniment plus efficace pour les entreprises.
En ce qui concerne les particuliers, vous vous vantez de plafonner l'augmentation à 15 %, mais c'est déjà beaucoup pour nombre de Français qui disposent de revenus modestes. Un couple qui dépense 3 000 euros en électricité par an pour chauffer son pavillon – ce n'est pas un prix extravagant – verra sa facture augmenter de 450 euros, ce qui n'est pas négligeable. Si nous avions eu un peu de courage ou de volonté politique, nous aurions pu suspendre l'application de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi Nome.
Certes, mais elle a été votée à une époque où il n'y avait pas de crise sur le prix du gaz ! Et on a le droit de chercher à s'adapter, c'est même le rôle des gouvernants !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'un des sujets que votre gouvernement n'évoque pas est celui du prix du gaz, puisque les tarifs réglementés prendront fin, pour les particuliers, le 30 juin 2023, c'est-à-dire dans six mois. Nous examinons actuellement un projet de loi de finances dans lequel rien n'est prévu en la matière à ce jour. Qu'avez-vous à dire à nos concitoyens sur le sujet ?
Alors, comment sortir de cette situation que vous avez créée ? En premier lieu, en commençant par le commencement, madame la Première ministre : il est invraisemblable de commencer par un petit texte relatif aux énergies renouvelables, puis un texte sur le nucléaire, avant d'en arriver enfin à une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie.
De toute évidence, il aurait fallu commencer par cette dernière, afin de connaître nos besoins en énergie pour l'avenir. Tant de choses aberrantes ont malheureusement été dites ou écrites ces dernières années ! Je ne remets pas en cause le travail de RTE, qui est assez rigoureux, mais fais allusion à des travaux de l'Agence de la transition écologique (Ademe). En 2013 – vous étiez probablement directrice de cabinet de la ministre de l'écologie à l'époque, madame la Première ministre –,…
…l'agence expliquait qu'en 2050, nous aurions besoin de deux fois moins d'électricité qu'aujourd'hui – deux fois moins ! Quelle aberration ! Comment des gens aussi sérieux ont-ils pu écrire des choses aussi stupides ?
Aujourd'hui, vous nous annoncez le tout électrique pour 2035. Cela ne tient pas la route ! C'est pourquoi nous aurions aimé commencer par un débat sérieux portant sur les besoins en énergie de notre pays.
Le deuxième sujet, c'est d'avoir le courage, à un moment ou un autre, d'engager un bras de fer, nécessaire, avec la Commission européenne : depuis des années, cette dernière s'en prend à la situation d'EDF et à son monopole. EDF est un champion national, c'est une spécificité ; elle est la seule entreprise à gérer un parc nucléaire ; elle n'a pas d'équivalent en Europe ni dans le monde. Nous n'avons donc pas à accepter les demandes de la Commission européenne, qui devrait être en mesure de dresser le constat que les choix qu'elle a imposés à la France ont conduit à un échec, à commencer par l'Arenh, qui était à l'époque un pis-aller pour éviter le démembrement. L'Arenh a été un échec total.
Mais on a le droit d'être honnête et de reconnaître ses erreurs, cela arrive en politique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
L'Arenh était à l'époque un pis-aller parce que nous ne voulions pas du démembrement d'EDF. Il faut aujourd'hui reconnaître que les fournisseurs alternatifs n'ont pas tenu leurs engagements et n'ont pas investi pour le plus grand nombre. Il faudra donc défendre l'intégrité d'EDF. Je me réjouis que le combat de notre collègue Marie-Noëlle Battistel trouve enfin un écho favorable sur l'hydroélectricité.
Enfin, pour ce qui a trait à la relance du nucléaire, le vrai sujet porte sur la durée de vie des centrales. Là encore, n'attendons pas d'être six mois avant l'échéance pour ouvrir le débat. Oui, il faudra prolonger cette durée au-delà de cinquante ans ,
M. Raphaël Schellenberger applaudit
l'allonger sans doute jusqu'à soixante ans pour faire la jonction avec le futur programme EPR, si toutefois le Président de la République ne change pas d'avis sur le sujet.
Bien sûr, il faut de l'énergie renouvelable, mais ni du tout éolien ni du tout photovoltaïque. Or vous n'avez aucune ambition en matière de géothermie, qui pourrait être utilisée pour des réseaux de chaleur urbains, de méthanisation ou d'hydroélectricité, notamment de petite hydroélectricité. La France, madame la Première ministre, mérite mieux que de dérouler des éoliennes allemandes ou du photovoltaïque chinois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Omniprésente, abondante et accessible, l'énergie a accéléré nos déplacements, amélioré notre confort et notre santé, sécurisé notre alimentation, augmenté la productivité de notre économie, facilité nos communications et diversifié nos loisirs.
Orchestrant et simplifiant notre quotidien, l'énergie abondante et bon marché a construit notre addiction. Une addiction aujourd'hui mise à l'épreuve par un impératif climatique, une crise sanitaire, une guerre aux portes de l'Europe et une capacité de production dégradée et dépendante d'importations. D'une consommation systématique et machinale, l'énergie est devenue un sujet central de questionnement. À quel prix devrons-nous la payer ? Sommes-nous sûrs de disposer d'assez d'énergie cet hiver ? À une autre échelle, elle est devenue une arme de guerre, un enjeu géopolitique de nature à déterminer l'indépendance et la souveraineté des nations et de tout un continent.
Dans un tel contexte, l'énergie devient une question de politique nationale prioritaire. Notre assemblée débat aujourd'hui de ce sujet majeur, pour lequel le groupe Démocrate a une vision à faire valoir. La politique énergétique de la France doit, en premier lieu, apporter les bonnes réponses à quatre grands enjeux du mix énergétique.
Le premier est celui de la décarbonation du mix énergétique comme réponse impérative à une dérive climatique qui ne peut plus être niée et dont les effets dévastateurs deviennent chaque jour de plus en plus perceptibles.
Le deuxième enjeu concerne la trajectoire d'une électrification massive des usages de l'énergie : la substitution des énergies fossiles additionnée à la croissance économique et démographique de la France se traduira par une envolée de la consommation. Les chiffres en apportent la preuve : notre consommation d'électricité, qui s'établit actuellement à 400 térawattheures (TWh), atteindra 645 TWh à l'horizon 2050.
Le troisième enjeu a trait à la sécurisation des approvisionnements durant les périodes de forte consommation. Vous le mesurez sans doute comme moi chaque jour à travers les sollicitations qui vous sont adressées : nos concitoyens, comme les entreprises, s'interrogent quant aux conséquences des coupures qui pourraient intervenir cet hiver. Il est indispensable de retrouver des moyens de production garantissant la couverture de nos besoins.
Le quatrième enjeu, enfin, est celui de la souveraineté énergétique de la France alors que d'autres crises conjoncturelles ne manqueront pas de se produire. Nous mesurons collectivement combien la crise énergétique européenne, conséquence de la guerre en Ukraine, a mis en évidence notre dépendance vis-à-vis des importations d'énergie et la vulnérabilité de nos sociétés lorsque les livraisons sont interrompues.
En réponse à ces enjeux, le groupe Démocrate en appelle à un mix énergétique qui équilibre le recours aux énergies renouvelables avec la relance du parc électronucléaire. Nous soutenons un mix énergétique qui n'oublie pas le gaz. La trajectoire d'électrification ne fera pas disparaître certains usages, et nous ne pouvons plus dépendre d'importations coûteuses et aléatoires. Notre politique énergétique doit défendre l'ambition d'une production de gaz vert en quantité suffisante pour couvrir nos besoins. Les scénarios de l'Ademe, de Gaz réseau distribution France (GRDF) et de l'association négaWatt démontrent que cet objectif est atteignable.
Nous soutenons également un mix énergétique qui s'appuie sur les territoires. Les territoires ruraux, en particulier, ont un rôle à jouer dans la production d'électricité et de gaz, dans une relation renouvelée avec les territoires urbains. La politique énergétique de la France doit aussi apporter aux zones non interconnectées d'outre-mer les réponses qu'elles attendent, sachant que ces territoires sont soumis à des contraintes géographiques qui rendent la production d'énergie plus coûteuse et plus contraignante. Pour les territoires ruraux comme pour les zones non interconnectées, la politique énergétique doit s'atteler à la question du partage de la valeur.
Nous demandons un mix énergétique qui sache concilier le développement de nouvelles capacités de production, notamment renouvelables, avec la préservation des milieux, de la biodiversité et des paysages.
Enfin, nous souhaitons un mix énergétique qui n'oublie ni le réseau, ni la fiscalité des énergies. S'il est important de parler du réseau, c'est parce qu'une politique énergétique ne saurait se résumer à la production et à la consommation d'électricité et de gaz. Le réseau est essentiel ; il ne peut pas être oublié. Il constitue l'un des leviers de la transition énergétique – je fais ici référence à sa capacité à accueillir les infrastructures de recharge des véhicules électriques, ou à l'injection diffuse des énergies renouvelables électriques. La fiscalité de l'énergie devra elle aussi être réformée. Un nouveau modèle fiscal est souhaitable ; il est même indispensable, en réponse à l'évolution des consommations et des usages, dans une perspective de maintien des recettes fiscales.
Au-delà des défis du mix énergétique, la politique énergétique de la France doit contribuer à la sobriété : celle-ci est indispensable pour répondre à l'enjeu climatique et pour renforcer l'efficience énergétique de nos consommations et de nos usages. Le groupe Démocrate promeut une sobriété solidaire, qui permette aux ménages les plus modestes de prendre leur part dans les adaptations que chaque Français doit engager. C'est une sobriété de bon sens, porteuse d'économies pour ceux qui la pratiquent ; une sobriété qui ne s'adresse pas uniquement à ceux qui ont les moyens de rénover leur logement, de changer de véhicule et d'adopter des modes de vie et de consommation moins énergivores. Si le dispositif MaPrimeRénov' et l'aide à l'acquisition de véhicules propres vont dans le bon sens, ils peuvent être améliorés. S'agissant de MaPrimeRénov', les chiffres témoignent d'une forte mobilisation des ménages et d'un ciblage dont bénéficient effectivement les plus modestes. Notre groupe appelle à réaliser un gain supplémentaire, en appliquant des critères d'éligibilité qui assurent une utilisation plus efficiente de l'argent public : les euros investis doivent à la fois maximiser les économies de kilowattheures et minimiser les émissions de CO
Pour ce qui est des aides à la mobilité, les dispositifs d'accompagnement et d'incitation doivent tenir compte des spécificités des territoires ruraux, où de nombreux habitants n'ont d'autre choix que d'utiliser quotidiennement leur véhicule, que ce soit pour effectuer des déplacements professionnels, déposer leurs enfants à l'école, faire des courses ou se rendre chez le médecin. La démonstration est ainsi faite qu'une politique énergétique doit être globale : elle doit intégrer les dimensions sectorielles du logement, des mobilités, du commerce et de l'accès à la santé.
Enfin, le groupe Démocrate en appelle à une politique qui garantisse la fourniture d'une énergie à des prix accessibles pour tous. Cette ambition doit trouver des réponses à l'échelle européenne. En effet, certaines règles du marché européen de l'énergie empêchent de prendre les mesures nécessaires pour contenir l'envolée des prix du gaz et de l'électricité – une envolée qui paralyse le tissu économique, gèle le pouvoir d'achat des ménages, alourdit les charges des collectivités et fait douter les associations de leur capacité à poursuivre leur mission. Les réponses budgétaires ne sauraient devenir la norme face au risque d'enlisement dans la crise, et face aux prochaines crises qui ne manqueront pas de survenir. En effet, le réflexe budgétaire présente le danger d'alourdir considérablement et durablement notre dette. Si le bouclier tarifaire, la minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), les chèques énergie, l'amortisseur électricité, le fonds vert et la réduction du prix des carburants à la pompe ont constitué des mesures pertinentes et utiles, d'autres leviers doivent être actionnés à l'échelon européen. Ces leviers continentaux résident bien évidemment dans la désindexation du prix de l'électricité par rapport à celui du gaz, mais aussi dans des évolutions indispensables qui devront être négociées parallèlement à la suppression des tarifs réglementés de vente (TRV) et de l'Arenh. Notre groupe soutient des dispositions de nature à valoriser les atouts de la France au bénéfice des Français – eux qui financent depuis des décennies les outils de production d'EDF et les réseaux qui acheminent des énergies auxquelles nous sommes profondément accoutumés.
En résumé, le groupe Démocrate attend une politique de l'énergie qui conjugue la décarbonation avec une sobriété acceptée, qui offre des prix accessibles aux ménages les plus modestes pour tous les usages – domestiques et de mobilité –, et qui garantisse l'indépendance et la souveraineté de la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
À dix-huit heures trente-cinq, Mme Élodie Jacquier-Laforge remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.
Le groupe Socialistes et apparentés prend la parole avec une certaine humilité dans le débat sur la politique énergétique, conscient des décisions vertigineuses qui s'imposent ; conscient, aussi, du cri de la terre et du cri des pauvres – ceux qui, cet hiver, devront arbitrer entre se chauffer et se nourrir, mais aussi les millions de personnes de par le monde qui subiront les conséquences d'un dérèglement climatique et d'un dérèglement économique qui provoquent déjà des famines.
Nous prenons part au débat en ayant à l'esprit que 8 milliards d'êtres humains devront apprendre à vivre ensemble, et donc à partager. Au-delà des révolutions technologiques et scientifiques qui seront évoquées ici, c'est bien cette révolution fraternelle, celle du partage, qui constitue le plus grand défi pour notre humanité. Si à l'échelle de la planète, les habitants devront passer en moyenne de neuf à deux tonnes d'émissions de carbone, dans un pays comme le nôtre les plus riches partent plutôt de vingt tonnes et les plus pauvres de quatre tonnes. Il n'en reste pas moins que pour tous, l'effort de décarbonation sera abyssal. Il représentera une véritable révolution, un choc de civilisation. C'est une question de vie ou de mort pour l'humanité, aux deux sens du terme. C'est également une question de démocratie – la crise ukrainienne nous l'a rappelé –, à tous les sens du terme : il y va de la capacité de chaque nation à faire vivre l'égalité et la solidarité, mais aussi de sa capacité à affirmer son autonomie et sa souveraineté populaire – essence même de la démocratie – dans le concert des nations. En d'autres termes, il s'agit de s'affranchir des servitudes, qu'elles concernent le gaz russe ou un pétrole qui est souvent produit dans des pays qui ne se caractérisent ni par la démocratie, ni par le respect des droits humains. Il s'agit donc de passer d'une servitude à une certaine forme de progrès, et d'affirmer notre volonté de liberté pour participer au récit du monde.
Nous avons conscience de l'urgence, mais nous savons aussi qu'il est nécessaire de penser dans le temps long – c'est toute la difficulté. Nous avons perdu du temps au cours des deux dernières décennies, faute d'avoir instauré la sobriété au bon niveau, engagé un réarmement nucléaire, et misé sur le déploiement des énergies renouvelables. Après moult hésitations et quelques pas en avant, une prise de conscience s'est désormais imposée dans le monde, et les buts à atteindre font peu ou prou consensus. Cependant, nous n'avons pas consenti les efforts nécessaires : la preuve en est que 65 % de l'énergie finale consommée en France est d'origine fossile, quand 19 % seulement proviennent d'énergies renouvelables. Ces deux dernières décennies ont donc été en partie perdues. L'Arenh, dispositif créé par la loi Nome de 2010, affaiblit la puissance publique sans tenir la promesse, pour les opérateurs alternatifs, de la diversification du mix énergétique. Nous devons réparer cette erreur, quitter l'Arenh et instituer des tarifs réglementés pour la vente aux citoyens, aux collectivités et aux entreprises. Telle est la proposition que défend le groupe Socialistes et apparentés. Au chapitre des réparations, nous devons également en finir avec l'absurdité européenne voulant que le prix de l'électricité soit indexé sur celui du gaz – les orateurs précédents l'ont souligné.
Pour les Socialistes – et, je l'espère, pour une majorité d'entre vous –, l'enjeu réside dans la décarbonation : telle est l'urgence dans l'immédiat et à long terme. Décarboner, c'est penser pour la planète et à l'échelle de la planète – cela a été trop peu dit jusqu'à présent. Cette dimension internationale m'incite à vous poser trois questions, madame la Première ministre.
Lundi, la France devra se prononcer au sujet du traité sur la charte de l'énergie (TCE). Le Président de la République a annoncé sa volonté de sortir de ce traité, mais celui-ci fait l'objet d'un essai de modernisation à l'échelle européenne. L'Allemagne et d'autres pays ont déjà fait connaître leur position. Pouvez-vous nous confirmer que la France s'abstiendra au minimum au sujet de la modernisation du TCE ? Celle-ci poursuivrait en effet une œuvre mortifère, en donnant des garanties aux acteurs privés des énergies fossiles.
Par ailleurs, un règlement européen doit prévoir des dispositions en matière de compensations des émissions de carbone à l'échelle internationale. Pouvez-vous vous engager à ce que la France milite – comme le font les députés socialistes européens – pour qu'en aucun cas, les compensations de carbone à l'autre bout du monde n'accaparent des terres qui servent la sécurité alimentaire collective et la souveraineté de peuples paysans ? Nous ne pourrons pas planter des forêts pour payer notre mode de vie, comme nous achèterions des indulgences, au détriment de la sécurité collective ; dans un monde interdépendant, nous devons défendre des valeurs qui nous rassemblent.
Enfin – nous l'avons dit mille fois –, alors que Total et d'autres opérateurs gaziers ou pétroliers engagent des plans d'investissement importants au Qatar et en Afrique, en Ouganda notamment, nous sommes choqués de l'indécence avec laquelle Total et vous-même refusez d'engager un partage des profits et des superprofits réalisés à l'occasion de la guerre en Ukraine.
M. Charles Fournier applaudit.
Une autre histoire que celle de Total en Ouganda pourrait s'écrire. L'Afrique recèle des réserves extraordinaires : vent, soleil, énergie cinétique des fleuves… Ce continent est une ressource inépuisable d'énergies renouvelables. Nous rêvons que nos entreprises multinationales, que les détenteurs de notre savoir-faire industriel, que nos chercheurs et que l'Agence française de développement (AFD) investissent aux côtés des États africains dans une logique de codéveloppement pour produire de l'énergie verte. C'est l'aventure que la « génération climat » demande à notre pays, plutôt que des investissements d'un autre temps, dont nous savons les conséquences néfastes pour les droits humains et pour l'écologie.
Décarboner, c'est penser à l'échelle de la planète, mais c'est également repenser la puissance publique à différentes échelles : celle des territoires, que nous voulons mettre au centre de la décision et du partage de la valeur concernant les énergies renouvelables ; celle, aussi, de l'État, qui seul peut établir une planification au long cours, garantir le partage de la valeur et organiser les péréquations. En la matière, l'État s'incarne dans un opérateur public, EDF. Comme la République, madame la Première ministre, l'entreprise publique EDF est une et indivisible.
Mme la Première ministre acquiesce.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Notre horizon est celui de l'Europe ; il est mille fois celui de l'Europe, d'une Europe qui organise les marchés de l'énergie, qui se projette dans des coopérations avec l'Afrique, qui partage, qui invente, qui recherche et qui accélère la décarbonation, au-delà de son Green Deal actuel. Nous avons besoin d'un nouveau Schuman, non pour organiser le marché de l'acier et du charbon, mais pour inventer l'Europe des énergies vertes et de la sobriété du futur. Voilà l'Europe qu'il nous faut. Nous avons besoin d'une Europe souveraine, puissante et solidaire.
Décarboner, enfin, c'est engager la sobriété. Cet été, notre groupe a produit une centaine de propositions pratiques et concrètes – je ne les détaillerai pas ici – touchant à un art de vivre. L'art de vivre dans la sobriété, ce n'est ni la tristesse, ni le recroquevillement ; ce peut être la découverte d'autres domaines de l'existence. C'est également une aventure économique. Alors que dans les années 1970, nous consacrions 4 % du PIB à l'investissement dans les infrastructures, nous n'y consacrons plus que 2 %. Avec 1 % de plus, nous pourrions relever de nombreux défis, à commencer par la rénovation énergétique des bâtiments. Voilà maintenant cinq ans que notre groupe propose un plan financé, validé par la Caisse des dépôts et la Fédération française du bâtiment, qui permettrait d'atteindre 26 millions de logements passifs à l'horizon de 2050. Notre plan vise également l'agriculture, secteur où les engrais azotés représentent un tiers des consommations d'énergie. Grâce à l'innovation technologique et scientifique, l'agroécologie peut s'affranchir de cette dépendance aux engrais azotés, ainsi qu'à la consommation de gaz – notamment russe – qu'ils supposent. L'enjeu est aussi celui de la mobilité. Les présidents de région demandent ainsi des investissements dans les transports en commun, à hauteur de 3 milliards d'euros pour certains. Un milliard d'euros seraient également nécessaires à Voies navigables de France (VNF) pour que le domaine public fluvial devienne à énergie positive. Notre sobriété, c'est l'innovation : il s'agit de quitter la vieille croissance pour engager une nouvelle prospérité.
Nous devons changer de monde, nous devons décarboner, nous devons choisir la part des énergies renouvelables – dont nous connaissons les forces et les fragilités, notamment en ce qui concerne le stockage. Nous n'avons pas fini de développer les technologies sur lesquelles nous nous appuierons : les éoliennes, l'énergie houlomotrice, la géothermie constituent des ressources extraordinaires, mais difficiles à stocker. L'usage de l'hydrogène est une voie prometteuse, mais qui doit encore être confortée.
Quant au nucléaire, il exige du temps et des savoir-faire coûteux. En outre, comme nous le savons, il implique une dépendance en amont. Plus de 50 % de l'uranium passe par la Russie : gardons-nous de nous engager, pour le siècle qui vient, dans une nouvelle servitude. Enfin, en aval, la question du stockage irréversible des déchets nucléaires pose une question anthropologique.
Nous serons au rendez-vous de ces choix. Nous tenons à ce qu'ils soient effectués au terme d'un processus démocratique et scientifique. Cela exige, à notre sens, une inversion du calendrier prévu : il convient de mettre en œuvre la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de débattre de la PPE avant de trancher la question du nucléaire. Nous prendrons nos responsabilités au cours de ce chemin démocratique, qui doit inclure un grand débat organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP). Poussés par des exigences d'efficacité, mais aussi d'efficience, guidés par la science et par la démocratie, nous serons au rendez-vous de cette grande aventure industrielle d'aménagement du territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Beaucoup, pour ne pas avoir à s'inquiéter des conséquences de leurs choix, qualifièrent de fous les premiers savants qui prédirent le dérèglement climatique. Depuis, ce phénomène a fait l'objet de nombre d'études scientifiques, de rapports, de discours, d'émissions de télévision, de documentaires, de films, de déclarations à l'emporte-pièce, et aussi de propos éclairés et productifs. Nous avons presque tout entendu, le constat est clair : le réchauffement climatique est incontestable.
Nous, l'humanité, peinons à prendre conscience que nous ne pouvons plus attendre pour agir. Si nous nous accordons à dire que les activités humaines sont la source de ce réchauffement, alors il nous faut convenir que les principales variables en sont les ressources utiles à nos systèmes, en premier lieu celles nécessaires à la production d'énergie.
À vrai dire, quel que soit le système, capitaliste ou collectiviste, pas un seul ensemble politique des XX
À cet instant, je comprendrais parfaitement que, considérant que nous nous dirigeons vers un avenir sombre et inquiétant, au bas mot catastrophique, vous décidiez, plutôt que d'écouter une cassandre de plus, de profiter sans attendre du temps qu'il vous reste. Mais justement, du temps, il nous en reste – pas longtemps, vingt ans. Si nous y mettons de la volonté – car la volonté, c'est l'énergie la plus renouvelable et décarbonée qui soit –, nous pouvons travailler dès aujourd'hui à sortir des énergies fossiles, nous pouvons choisir d'arrêter le gâchis, d'innover pour montrer l'exemple et d'entraîner le monde et l'humanité vers un avenir vivable et désirable.
Cela, nous le ferons en redonnant aux Français confiance en eux-mêmes, confiance en leurs talents, en leur travail, en leurs choix et en leur avenir.
Nous devons agir sur la première des variables du changement climatique : l'énergie. Nous devons produire plus d'électricité décarbonée et nous passer définitivement des énergies fossiles. Il s'agit là d'une perspective générale ; pour atteindre cet objectif, il nous faut une stratégie.
Cette stratégie se décline déjà, grâce au Président de la République, grâce au précédent gouvernement et à l'actuel, dans la SNBC et dans le Pacte vert pour l'Europe. La neutralité carbone est ainsi l'objectif minimal que chacun sur ces bancs doit garder à l'esprit.
Pour penser l'avenir, il faut connaître son passé. En matière de stratégie énergétique, la France dispose d'un passé riche, plein d'enseignements sur ce que nous devons réaliser demain.
Ces mots de Jacques Chirac, prononcés à la Sorbonne le 24 mai 1996, précisent la nature de la planification française : « La planification française, et c'est là son originalité, n'est pas née d'un esprit de système. […] [Afin d'] organiser ce qui doit l'être, sans renoncer à la libre entreprise et à la liberté des échanges, […] dès l'origine, notre Plan [fut placé] sous le signe du pragmatisme. […] Il fallait que l'État eût les moyens d'imposer aux conservatismes renaissants…
…l'impérieuse nécessité de la reconstruction et de la modernisation. C'est pour cela que fut créé le Commissariat général au Plan, qui reçut pour mission de fixer les priorités, de mobiliser les moyens et d'accroître la productivité de l'économie française. »
Il y eut ensuite les années 1960, où le général de Gaulle assit l'indépendance stratégique de notre armée en développant le nucléaire militaire, ouvrant ainsi la voie au programme de nucléaire civil.
Il y eut le choc pétrolier de 1973, qui décida Valéry Giscard d'Estaing à lancer la construction de treize réacteurs entre 1974 et 1975. Ces réacteurs et ceux qui les ont suivis contribuèrent jusqu'ici, à défaut d'une véritable indépendance énergétique, à notre souveraineté et à un vrai confort d'approvisionnement.
Arrivé au pouvoir, François Mitterrand, plutôt que de défaire ce qu'avaient bâti ses prédécesseurs, marcha sur leurs traces.
Il y eut également des détours et des échecs : l'arrêt et le démantèlement de Superphénix, l'abandon du projet Astrid, la lenteur du déploiement des énergies renouvelables, ou encore l'Arenh, dispositif daté, qui a largement contribué à l'affaiblissement de notre opérateur historique et a battu en brèche la cohérence de la stratégie énergétique française au regard des directions prises par nos partenaires européens. Il prendra heureusement fin en 2025, mais nous devrons rester vigilants quant à l'évolution des règles européennes.
À l'heure actuelle, nous n'avons pas atteint nos objectifs en matière de transition écologique et énergétique. Pour ce faire, nous avons besoin de leviers d'action.
En premier lieu, il nous faut un vrai marché des crédits carbone. Donner un prix au carbone est l'outil d'une transition écologique juste et efficace, capable de garantir aux citoyens et aux entreprises l'accès à une énergie propre et bon marché, d'accélérer l'adaptation de l'économie et de l'agriculture, de permettre le financement de services publics décarbonés – notamment d'une mobilité facteur d'équité territoriale –, et générateur de biodiversité grâce à la séquestration constante de dioxyde de carbone qu'exige la transition. Dans la lignée du Commissariat au Plan, le marché du crédit carbone est un levier qui ne consacre pas le triomphe du dirigisme sur l'économie de marché.
N'oublions pas tous ces moyens d'action qui peuvent paraître mineurs, mais sont en réalité cruciaux, et que nous pouvons employer dès maintenant : la protection de la biodiversité et des ressources, la préservation de la qualité de l'eau et des paysages, la conservation des terres agricoles, le développement des circuits courts, la lutte contre la pollution, notamment la pollution plastique ; enfin, tout ce qui touche à la consommation, surtout à la consommation superflue dont nous pourrions nous passer sans porter atteinte à notre mode de vie.
Il faut également placer au cœur des débats la question opérationnelle, faute de quoi nous courons le risque d'en rester indéfiniment aux pétitions de principe. Nous devons pallier enfin ce qui nous a manqué : la capacité à appliquer nos décisions. Il faut pour cela que l'État fixe des objectifs fermes, tout en s'appuyant sur les territoires, leurs élus et leurs administrés pour qu'ils s'approprient et déploient cette stratégie sur le terrain au bénéfice des habitants, de notre souveraineté et de la résilience de notre modèle.
Un modèle, c'est ce dont la France a besoin et ce que nous devons bâtir : un modèle utile à nos concitoyens, mais aussi à nos partenaires européens, sans oublier les pays en développement, qui aspirent au progrès et pour qui ce modèle doit être source d'inspiration.
N'oublions pas nos amis allemands. Nous devrons trouver les moyens de les faire profiter de la robustesse du futur mix énergétique français, un mix décarboné s'appuyant à la fois sur le nucléaire et le renouvelable, qui donnera demain à toute l'Europe ce qui était hier le seul avantage compétitif de la France.
Mes chers amis ! Je vous appelle amis, car la fraternité fait partie de notre devise nationale. C'est cette fraternité que nous nous devons les uns aux autres, car nous avons la responsabilité de bâtir ou de conserver un contrat social permettant à chacun de trouver sa place dans cette odyssée qu'est l'adaptation au changement climatique.
Au-delà de l'effroi et de la sidération face à cette crise qui se dessine, nous devons, à force d'unité, en faisant le choix de l'intérêt général, définir clairement le monde que nous voulons bâtir demain. Cela commence aujourd'hui, grâce à ce débat, grâce aux deux projets de loi prévoyant l'accélération de la production d'énergies renouvelables et d'énergie nucléaire, qui sont les deux faces d'une même pièce, et grâce à la PPE qui fixera nos ambitions pour les prochaines années, si importantes pour le siècle à venir.
Les députés du groupe Horizons en sont convaincus : nos concitoyens ne comprendraient pas que nous, membres de cette assemblée représentant la diversité de notre pays, ne sachions pas nous hisser tous ensemble à la hauteur des attentes qu'ils placent en nous quant à la conduite de leur avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Pendant l'entre-deux tours, le Président de la République avait annoncé que ce quinquennat « [serait] écologique ou ne [serait] pas ». Il a le sens de la formule ; il nous a habitués aux bons mots.
Pour mener ce « combat du siècle », un « pilote » a été désigné – c'est vous, madame la Première ministre –, des « stratégies » ont été fixées et des « changements radicaux » programmés pour « agir sur tous les fronts ». La métaphore guerrière, chère au Président, est assumée. Mais la planification écologique et énergétique, elle, n'est toujours pas définie.
Ce discours était-il le signe d'une prise de conscience, d'une volonté d'agir vite et de manière cohérente ? Nous avons plutôt le sentiment d'une procrastination écologique. Après ces annonces prometteuses, il a fallu attendre six mois et de graves épisodes de canicule et de sécheresse pour que la Première ministre lance enfin, le 21 octobre, un outil à vocation planificatrice, le plan France Nation verte.
Mais de quelle planification parlons-nous ? D'une planification empreinte de la volonté d'agir étape par étape, filière par filière, territoire par territoire, pour atteindre nos objectifs climatiques et de protection de la biodiversité. Cette insistance pour segmenter le calendrier, les acteurs et les concertations, nous fait craindre la politique des petits pas écologiques et de l'incohérence.
Dans ce contexte, la politique énergétique actuelle de la France apparaît problématique à plusieurs égards.
D'abord, la notion de sobriété fait irruption dans le langage gouvernemental après avoir été fustigée pendant tant d'années ; mais elle est conçue comme la somme des efforts des uns et des autres, sans changement structurel, sans amorcer un changement de modèle.
Ensuite, la France n'est pas un bon élève en matière de développement d'énergies renouvelables : c'est le dernier pays d'Europe qui ne tient pas ses objectifs. Si nous les avions tenus, nous disposerions à présent d'une production six fois supérieure à celle de Fessenheim et nous n'aborderions pas la période hivernale avec tant de difficulté.
Mme Julie Laernoes applaudit.
Nous avons également revu à la baisse nos ambitions en matière de budget carbone pour les années 2019-2023.
Par ailleurs, nous souffrons d'un grave manque de cohérence. On nous annonce d'abord la sortie de la dépendance aux énergies fossiles puis, dans le cadre de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, la possible réouverture d'une centrale à charbon et la création d'un terminal méthanier destiné à importer du gaz de schiste américain. De plus, nous sommes complaisants face aux grands pollueurs et à leurs bombes climatiques – je vous ai interrogée à ce sujet lors de la séance des questions au Gouvernement du 8 novembre, sans obtenir de réponse.
De plus, le calendrier législatif en la matière est découpé. On nous annonce d'abord un texte sur les énergies renouvelables, puis un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, puis une loi de programmation sur l'énergie et le climat – une inversion qui laisse entendre que les choix sont déjà faits.
Enfin, la politique énergétique se ressent d'une absence de méthode. Le Président de la République avait évoqué un grand débat sur le mix énergétique et sur l'avenir énergétique de la France. Ce débat n'a pas encore eu lieu, ni aucune annonce à son sujet.
Pour les Français, c'est donc le brouillard. Comment voulez-vous que nos concitoyens comprennent les choix de politique énergétique et y adhèrent ?
Face à l'incertitude quant à l'approvisionnement en énergie, aux tensions sur les prix, à l'écoanxiété, les Français ont besoin d'une ambition politique au plus haut niveau, d'un cadre simple et lisible pour fixer des objectifs à moyen et long termes et d'une mobilisation collective de tous les acteurs de la société. C'est cela, la planification : elle repose sur des objectifs clairs, des règles, une méthode, un calendrier et des moyens.
Les écologistes affirment depuis longtemps que la transition énergétique repose sur trois piliers : la sobriété, l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
La sobriété n'est pas une punition. Elle doit être pensée en tenant compte de la justice sociale.
En matière d'efficacité énergétique, nous avons émis des propositions. Par exemple, constatant les balbutiements de MaPrimeRénov', nous avons proposé de dédier 12 milliards d'euros à la rénovation thermique de l'habitat. Vous avez refusé.
Enfin, la transition énergétique doit reposer sur les énergies renouvelables. Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables peut être l'occasion de revoir à la hausse nos ambitions en la matière. Vous pouvez en faire un véritable outil d'accélération qui respecte le code de l'environnement, la biodiversité et le débat public : la balle est dans votre camp.
On ne change pas le monde sans les gens, aussi est-il urgent d'imaginer comment nos concitoyens peuvent s'approprier ces enjeux et y être associés. Je vous donne l'exemple de ma circonscription, où la ville et la métropole de Tours viennent de fonder un « conseil de sobriété » : de telles démarches peuvent servir d'inspiration pour le chemin démocratique qu'il nous revient de construire.
En effet, la question de la démocratie est réellement centrale. Vous parlez d'un grand débat, mais lequel et pour quel résultat ? Suivrez-vous les recommandations de la CNDP ? Comment envisagez-vous d'associer à ces choix les jeunes générations, les collectivités, les entreprises, les ONG, les chercheurs, mais aussi les acteurs de la culture ou du sport ? Il s'agit non seulement d'un enjeu de méthode, mais également d'éthique et de confiance en l'avenir.
Les bons mots ne suffisent plus : l'heure est à la bifurcation écologique et à la cohérence de l'action publique. C'est ce que nous devons aux générations futures. Le seul antidote au désespoir, c'est l'action.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
La « nouvelle méthode » promise par le Gouvernement se fait toujours attendre. On nous avait parlé de coconstruction ; nous constatons que les décisions, prises rapidement, nous sont imposées, qu'il s'agisse de notre mix énergétique, du nucléaire ou d'EDF.
On nous parle d'économies d'énergie, mais les Français ont-ils un autre choix que celui de réduire leur consommation face à la flambée des prix ? Les obligations semblent peser toujours sur les mêmes… De fait, des pans entiers de notre économie ne s'inscrivent pas dans cette démarche de sobriété énergétique. Le secteur du numérique, par exemple, ne semble pas soumis aux mêmes contraintes – et je ne suis pas certain que le Gouvernement en ait pris toute la mesure.
Dans les prochains jours, nous aurons à examiner le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, que nos collègues sénateurs ont déjà considérablement enrichi puisque son volume a été multiplié par quatre. Ce texte, qui concerne notre avenir non seulement énergétique, mais également environnemental, aurait mérité que l'on prenne quelques jours supplémentaires pour consulter plus largement les représentants des producteurs d'énergies renouvelables, les élus des territoires et les scientifiques et pour y intégrer de manière cohérente toutes leurs propositions.
Car il est bien évident qu'à côté du nucléaire existant – partiellement à l'arrêt – et du nucléaire en projet – à un horizon lointain –, nous devons nous appuyer sur la richesse que constituent les énergies renouvelables produites à partir des ressources de nos territoires, pour atteindre l'objectif d'autonomie énergétique.
La politique énergétique de la France a beau se décider au niveau national, elle doit être déclinée au niveau local. Le mix énergétique doit être mis en œuvre de façon différenciée, territoire par territoire, en fonction des atouts et des contraintes de chacun d'eux, en particulier dans les fameuses zones non interconnectées (ZNI) avec la métropole continentale que sont les territoires d'outre-mer et la Corse.
Dans nos outre-mer, l'essentiel de l'électricité est produite à partir de fioul et de charbon importés, qui font des milliers de kilomètres avant d'atteindre nos régions. Quel bilan carbone, alors que nous avons sur place des richesses inépuisables ! Et je ne pense pas qu'au solaire. Je pense aussi, et surtout, pour la Guadeloupe, à la géothermie, qui est la plus formidable source d'énergie renouvelable : décarbonée, inépuisable, stable vingt-quatre heures sur vingt-quatre et indépendante de la météo, contrairement au solaire ou à l'éolien.
En outre, la géothermie permet de fabriquer de l'hydrogène vert, sans émission de gaz à effet de serre.
Nous avons auditionné, ces derniers jours, des acteurs de l'énergie, des scientifiques et des élus de Guadeloupe, qui ont indiqué que nous avions, dans notre archipel, à Bouillante, la seule source de géothermie de France à haute température. C'est notre atout principal. Or, cette source n'est exploitée qu'à 20 % de ses capacités. Et la dynamique est toujours présente : on a découvert un nouveau réservoir de géothermie qui semble encore plus riche que le premier.
Le potentiel est donc énorme : le modèle de Bouillante peut être dupliqué dans les autres territoires volcaniques français, en Martinique et à La Réunion, par exemple. Mais il faut, pour cela, accompagner nos industries dans leurs entreprises de recherche et de forage, aujourd'hui coûteuses et dont les rendements sont incertains. Les ZNI ont également la possibilité d'exploiter l'énergie houlomotrice, l'énergie de la mer. L'expérience menée dans le nord de Grande-Terre a été couronnée de succès.
Il est par ailleurs impératif de donner davantage de visibilité aux différents acteurs des énergies renouvelables pour qu'ils puissent investir, former les salariés et anticiper les projets sur plusieurs années. Cela passe, en particulier, par des appels d'offres plus fréquents de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, et par une mutualisation des coûts. Cela passe également par une remise à plat de la fiscalité locale en outre-mer, puisqu'une bonne partie des recettes des collectivités provient des taxes sur les produits pétroliers importés. Il faudra donc éviter l'écueil d'une programmation pluriannuelle de l'énergie ambitieuse qui conduirait à une chute des recettes des collectivités…
Les territoires ultramarins ont la capacité d'atteindre l'objectif de 40 % d'énergie renouvelable dans le mix énergétique en 2030, et même de le dépasser très largement. En Guadeloupe, par exemple, la région affiche 39,5 % d'énergies renouvelables dans le mix électrique et EDF signale qu'une électricité 100 % renouvelable est possible d'ici à 2030 grâce à la conversion au biocombustible de tous les moyens thermiques fossiles.
Les ressources sont là, localement, en particulier dans les ZNI, et ne demandent qu'à être exploitées. C'est la solution pour atteindre l'autonomie énergétique dans les outre-mer. Il faut nous aider à investir, madame la Première ministre !
Revenons quelques années en arrière. En octobre 1981, il y a plus de quarante ans, nos prédécesseurs débattaient, dans cette assemblée, du programme d'indépendance énergétique proposé par le gouvernement d'alors. Climat, souveraineté, pouvoir d'achat : à une différence près – le charbon était alors perçu comme une opportunité industrielle pour le pays –, toutes les questions que l'on se pose aujourd'hui, comme les solutions que l'on entrevoit, étaient déjà sur la table.
Il était question d'économies d'énergie, de développement du nucléaire, et même d'énergies renouvelables, puisqu'avait été fixé l'objectif de 150 TWh dans le mix énergétique en 1990. L'industrie n'était pas oubliée, non plus que la politique énergétique en matière d'agriculture : on évoquait l'utilisation de biocarburants et l'on affichait de grandes ambitions en matière d'innovation et de recherche. Ce programme était ambitieux tout en étant rationnel. Qu'en reste-t-il ?
Aujourd'hui, 16 novembre 2022, les énergies fossiles représentent toujours plus de 60 % de l'énergie finale consommée en France – 85 % dans le monde –, elles pèsent sur le pouvoir d'achat des ménages, amputent notre souveraineté et affectent le climat. La situation actuelle est assez comparable à celle qui prévalait lors du débat de 1981 : nous traversons une crise économique qui rappelle celle des chocs pétroliers et une même dépendance aux énergies fossiles contraint nos réponses politiques.
La majorité construit sa politique énergétique sur un principe clair et sans équivoque : faire en sorte que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
Cette politique, quelle est-elle ?
D'abord, comme la stratégie définie par le président Valéry Giscard d'Estaing et poursuivie des années durant, elle repose sur la science et les technologies, tandis que certains politiques ont fait le choix des croyances. Notons d'ailleurs que lors du débat de 1981, le risque d'une perte de confiance dans la science avait été souligné.
Ensuite, cette politique traduit la volonté farouche de ne jamais opposer les énergies décarbonées entre elles. Je m'arrêterai sur ce point, car, précisément, de trop nombreux orateurs, siégeant sur tous les bancs, les opposent, oubliant d'évoquer les énergies fossiles, lesquelles représentent toujours, je le rappelle, plus de 60 % de l'énergie finale consommée en France – 85 % dans le monde. Et les énergies renouvelables et le nucléaire seront nécessaires pour atteindre la neutralité carbone, assurer notre souveraineté énergétique et répondre à la question du pouvoir d'achat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit aplaudit aussi.
Commençons par les énergies renouvelables. N'en déplaise à une partie de cette assemblée, elles sont incontournables si l'on veut maintenir un mix électrique décarboné. Du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le Giec, à Réseau de transport d'électricité (RTE), en passant par les associations les plus favorables à l'atome, tous sont formels. Productions photovoltaïques, éolien, sur terre et en mer… : dans toutes les trajectoires de décarbonation, l'ensemble des moyens de production bas-carbone sont nécessaires pour compléter la production d'électricité, qui doit augmenter.
À ceux qui vous diront qu'elles coûtent trop cher, rappelez que, fin 2023, les deux tiers des subventions versées en vingt et un ans auront été remboursées, soit 43 milliards d'euros ! C'est un fait : depuis 2022, en raison de la hausse du prix de l'électricité, les énergies renouvelables ne coûtent rien à l'État et génèrent des recettes qui servent à limiter, pour nos concitoyens et nos entrepreneurs, la hausse des factures énergétiques.
Le nucléaire ensuite. Un « choix de courage » et un « programme d'indépendance énergétique » : tels furent les mots employés par Valéry Giscard d'Estaing puis Pierre Mauroy pour qualifier notre industrie nucléaire.
À l'heure où les énergies fossiles représentent près de 85 % de la consommation énergétique mondiale et 60 % en France, le nucléaire a épargné à la planète l'émission de 75 milliards de tonnes de CO
À l'échelle nationale, il produit environ 70 % de notre électricité.
Dans ceux des pays voisins qui, dans la droite ligne d'Europe Écologie-Les Verts et de La France insoumise, ont fait le choix politique d'en sortir, les conséquences sont sans appel. L'Allemagne démarre de nouvelles centrales à charbon et s'est liée à la Russie via ses importations massives de gaz.
En Belgique, de nouvelles centrales à gaz fossile sont prévues, dont la production augmentera significativement les émissions de CO
Mme Julie Laernoes s'exclame.
Voilà l'orientation que vous souhaitez nous voir suivre.
Quant à l'approvisionnement en uranium, les faibles quantités importées discréditent l'argument d'une dépendance à la ressource. D'autant que la France dispose de réserves et de moyens de retraitement qui rendent possible l'exploitation de nos centrales sans import de minerais pendant dix ans. Ce qui compte, c'est la maîtrise de la technologie. La France est, à cet égard, l'un des rares pays à détenir une expertise mondialement reconnue, que nous ne saurions laisser entre les seules mains de la Chine ou de la Russie.
En conclusion, je voudrais dire quelques mots pour celles et ceux qui font ces industries. Chaudronniers, mécaniciens, électriciens, robinetiers, chimistes, automaticiens : autant de femmes et d'hommes qui détiennent des compétences rares et font notre fierté.
Nous ne parlons pas suffisamment d'eux, alors que nous leur devons tant !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Grâce à l'action visionnaire du général de Gaulle et de Georges Pompidou, la France a disposé pendant des décennies d'une électricité souveraine, bon marché, sûre et non polluante. Malheureusement, leurs successeurs, soumis à l'Union européenne, ont accepté la libéralisation absurde du marché de l'électricité et du gaz, gâchant l'inestimable atout que constituait EDF-GDF.
Pire encore, l'incompétence, la démagogie, l'incohérence des gouvernements de François Hollande et d'Emmanuel Macron, ont précipité l'économie française dans une impasse énergétique et environnementale.
Qui a osé écrire, le 27 novembre 2018 : « Sur le nucléaire : concrètement, 14 réacteurs […] seront fermés d'ici 2035. Ce mouvement commencera à l'été 2020 avec l'arrêt définitif des deux réacteurs de Fessenheim » ? C'est Emmanuel Macron !
Qui a osé écrire, il y a seulement deux ans : « La mise à l'arrêt de la centrale de Fessenheim incarne l'écologie de responsabilité que nous portons. » C'est vous, madame la Première ministre – qui n'écoutez pas mon propos. Elle est belle, votre fameuse « écologie de responsabilité » qui conduit à la réouverture des centrales à charbon… Bravo !
Sans oublier : le sabordage d'Alstom énergie, qui s'apparente à de la haute trahison ;
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
le racket d'EDF, organisé par l'État au profit de groupes privés bénéficiant d'un prix de rachat de l'électricité scandaleusement bas ; votre soumission à l'Allemagne qui, payant les pots cassés de sa propre politique, a voulu détruire l'avantage de la France ; votre docilité maladive face à une Union européenne qui refuse d'admettre le fiasco du marché de l'électricité de la spéculation ; l'explosion du montant de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) – plus 650 % en vingt ans ! – car, comble de tout, ce sont les Français qui, par leurs factures, ont payé la destruction de leur modèle électrique !
Comment s'en sortir ? Le premier préalable est de regagner notre indépendance, notre souveraineté énergétique. Revenons tout d'abord à un prix national de l'électricité aligné sur le coût de production de nos centrales. Ne me dites pas que ce n'est pas possible : l'Espagne et le Portugal ont osé le faire. Nos entreprises, asphyxiées, comme les Français, retrouveront alors des prix abordables, sans avoir besoin de votre usine à gaz budgétaire.
L'indépendance passe aussi par la reconstruction d'un service public de l'électricité autour d'EDF. Sa nationalisation ne doit pas conduire à son démantèlement, comme vous voulez le faire, en douce – ainsi que l'a révélé notre collègue Philippe Brun –, sous la pression de Bruxelles. Sachons dire définitivement stop à la Commission et mettons fin à ce marché factice de l'électricité en rétablissant le monopole de l'opérateur public, seule garantie des investissements de long terme ! Mais, de cela, vous êtes, hélas ! incapables.
Pour nous en sortir, nous devons également investir massivement, à la fois dans la rénovation thermique des logements – ce que vous avez refusé de faire lorsque vous avez utilisé le 49.3 – et dans notre parc nucléaire, qui permet à la France d'avoir une électricité cinq à six fois moins carbonée que celle de l'Allemagne.
Quand allez-vous arrêter avec l'écologie spectacle qui gaspille des milliards d'euros, lesquels seraient beaucoup plus utiles ailleurs ? Contrairement à ce que vous avez dit dans votre discours, l'éolien est un mirage, car la production d'électricité n'est pas proportionnelle à la puissance installée. La preuve : en 2021, le nucléaire représentait 44 % de la puissance installée mais a fourni 69 % de l'électricité française, tandis que l'éolien et le solaire représentaient 23 % de la puissance installée et ont produit seulement 10 % de l'électricité.
Plus vous installez d'éoliennes, plus il faut installer de centrales à gaz ou utiliser de vieilles centrales au fioul et au charbon pour prendre le relais quand il n'y a pas de vent et de soleil.
Voilà l'aberration, sans parler du massacre environnemental de nos paysages et de nos côtes – sauf au Touquet, bien sûr, où le Président de la République a voulu préserver la vue !
N'oubliez jamais que ne serait-ce que pour remplacer Fessenheim, il faudrait ajouter plus de 2 000 éoliennes aux 8 000 qui existent déjà.
En vérité, en vous écoutant, j'ai compris que vous étiez incapables de tirer les leçons de vos échecs. Alors que le chancelier allemand vous fait un bras d'honneur en mettant 200 milliards d'euros sur la table pour sauver ses entreprises, vous continuez à attendre une évolution de l'Union européenne qui ne viendra jamais. Les Français payent très cher votre naïveté et votre cynisme. Il est temps de changer de politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Depuis deux siècles, l'énergie a contribué à l'essor des transports, de la métallurgie, de l'agroalimentaire, du numérique, de la science. Elle a bien sûr façonné nos modes de vie. Elle est source de puissance, d'innovation et de progrès, mais elle est aussi à l'origine de grands désordres géopolitiques et écologiques. C'est particulièrement vrai des énergies fossiles, qui ont tant contribué à l'essor du monde moderne mais qui menacent notre planète et l'humanité tout entière.
Tels deux « amants terribles », selon la formule de Jean-Marc Jancovici, l'homme et l'énergie se sont mutuellement enrichis, mais ils ont oublié l'essentiel : la planète qui nous nourrit, l'air que nous respirons, la nature et la biodiversité. La vie sur terre et tous les écosystèmes fragiles sont menacés par le réchauffement climatique. L'homme et l'énergie sont-ils dès lors condamnés à se détruire ?
Depuis les premières alertes des scientifiques du Giec, et après trente ans de COP, des engagements ont été pris par les États pour enrayer ce phénomène. Trop tard ou pas assez vite, selon certains. Néanmoins, la prise de conscience a eu lieu.
C'est pourquoi la politique énergétique que nous déterminerons pour les quinze ou vingt prochaines années est cruciale et stratégique pour notre pays. Le défi est immense et la feuille de route tracée par notre majorité est claire : elle allie la sobriété à la sortie des énergies fossiles pour baisser significativement les émissions de gaz à effets de serre et gagner en indépendance.
D'abord, nous avons adopté en 2020 la stratégie nationale bas-carbone, qui prévoit la réduction de notre consommation d'énergie finale de 40 % d'ici à 2050. C'est l'un des objectifs les plus ambitieux d'Europe en la matière.
La sobriété passe par d'importantes économies d'énergie : il s'agit non seulement d'éviter le gaspillage, mais aussi d'investir massivement dans la rénovation énergétique des secteurs qui émettent le plus de gaz à effets de serre, comme les logements et les transports. Depuis 2020, MaPrimeRénov' a permis la rénovation de plus de 1 million de logements, en particulier ceux des foyers les plus modestes, et ce processus ne fait que commencer.
La sobriété passe aussi par l'innovation et par des investissements importants dans les mobilités douces, avec le plan Vélo que vous avez lancé, madame la Première ministre, et dans les transports décarbonés. À cet égard, nous savons que nombre de nos compatriotes continueront de dépendre de la voiture. Nous les aidons à changer de véhicule au moyen d'importantes primes à la conversion, d'autant plus que les véhicules électriques sont appelés à remplacer les véhicules thermiques – dont la fin est programmée pour 2040, comme nous l'avons inscrit dans la loi au cours de la précédente législature.
La sobriété n'est pas synonyme de renoncement. Investissement d'avenir, elle requiert un changement de nos habitudes. Nous nous réjouissons que le plan de sobriété énergétique présenté il y a quelques semaines par le Gouvernement s'inscrive dans cette démarche en visant la baisse de 10 % de notre consommation d'énergie d'ici à 2024.
Ensuite, il nous faut sortir des énergies fossiles. Là aussi, la France et l'Europe ont pris des engagements ambitieux. Dans moins de trente ans, l'Union européenne devra atteindre la neutralité carbone. La France n'y parviendra que si elle verdit sa politique énergétique. Elle doit presser le pas.
Comme un long chemin reste à parcourir, le Président de la République a fixé un cap clair dans son discours de Belfort, en février 2022, pour « reprendre en main notre destin énergétique ».
Pour y parvenir, un projet de loi sera débattu prochainement à l'Assemblée nationale afin d'accélérer le développement de toutes les énergies renouvelables : solaire, éolien, géothermie, hydraulique et biomasse. Ce texte simplifiera les procédures, confortera l'acceptabilité de ces projets, impliquera mieux les élus locaux, améliorera la planification et le partage de la valeur. Comme vous l'avez dit, il constitue le premier pilier de la stratégie énergétique de la France, qui nous conduira à élaborer la PPE 2024-2033. Le deuxième pilier est constitué par le projet de loi visant à accélérer la construction du petit nucléaire, et le troisième par le projet de loi de programmation énergie climat qui sera examiné au cours de l'année 2023.
Enfin, la politique énergétique doit être un levier pour gagner en indépendance. Notre consommation d'énergie finale dépend toujours à 65 % des énergies fossiles, ce qui nous rend vulnérables et dépendants de puissances étrangères. Nous devons sortir de cette situation et nous passer des énergies fossiles pour garantir en France un accès à une énergie souveraine, compétitive et décarbonée.
L'Assemblée nationale est appelée à prendre des décisions importantes pour la politique énergétique de notre pays. La majorité présidentielle y est prête et je ne doute pas que toutes les bonnes volontés au sein de l'Assemblée nationale sauront se joindre à nous pour relever le défi du siècle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
La crise énergétique est partout et vous demandez aux Français de payer l'addition du marché européen.
Un Français sur deux a déjà dû renoncer à se chauffer alors qu'il avait froid, mais vous prévoyez un matraquage tarifaire supplémentaire de 15 % de hausse des prix du gaz et de l'électricité au 1er janvier prochain. Des entreprises sont à l'arrêt, des milliers d'emplois sont menacés par l'explosion des prix de l'énergie, comme chez Duralex, mais vous abandonnez les entreprises aux prix du marché. Des universités ferment une partie de leurs locaux. Les factures de gaz sont multipliées par cinq, par exemple pour le collège de Trignac dans ma circonscription. Le système de production électrique ne garantit même plus l'absence de coupures cet hiver.
Voilà le terrible bilan de cinq ans de politique énergétique macroniste. Vous en êtes réduits à demander aux citoyens de baisser leur chauffage et de porter des cols roulés.
Nous refusons cette logique et nous disons haut et fort : les factures, c'est Macron !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous débattons enfin dans cette assemblée de la politique énergétique du pays. Mais ne soyons pas dupes, ce débat est largement hypocrite.
Vous auriez pu décider d'engager le débat sur la stratégie énergétique avec le pays tout entier, de convoquer un référendum pour que les Français arbitrent entre différents scénarios, dont un scénario visant 100 % d'énergies renouvelables, comme nous le défendons. Mais vous faites le choix des conseils de défense et d'un débat sans vote aujourd'hui.
Vous auriez pu engager la sortie du marché de l'énergie, mais vous préférez protéger les superprofits et les conflits d'intérêts avec les groupes privés jusqu'au sein de votre gouvernement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Vous pourriez tendre la main à la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale sur un sujet comme celui des énergies renouvelables, dont nous sommes les plus grands partisans dans cette assemblée, mais le Président de la République vous intime, sur ce sujet comme sur les autres, de regarder vers la droite.
M. Macron a été condamné à deux reprises pour son inaction climatique.
« C'est faux ! » sur quelques bancs du groupe RE.
La France macroniste est le seul pays de l'Union européenne à n'avoir pas atteint ses objectifs de développement des énergies renouvelables en 2020 et 2021.
Ne venez pas nous dire qu'on ne peut pas désobéir aux règles européennes alors que vous le faites vous-mêmes. Mais vous le faites mal, sur les mauvais sujets, et jamais pour mettre en œuvre l'indispensable « quoi qu'il en coûte » écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, il y a urgence ! Urgence pour le climat, d'abord : la France se réchauffe à une vitesse de 50 % supérieure à celle que les précédentes estimations laissaient craindre. Il y a donc urgence à sortir des énergies carbonées. Les scientifiques le disent depuis des décennies ; avec Jean-Luc Mélenchon, nous le proposons depuis 2012 au pays ; et vous, vous procrastinez. Votre inaction est donc coupable. Votre politique aggrave le chaos climatique et sacrifie les générations futures.
Les experts du Giec nous alertent : « Pour le climat, tout va se jouer dans les dix ans. » Dix ans, mais vous préférez censurer le Parlement avec un 49.3 climaticide quand l'Assemblée vote un budget de 15 milliards d'euros en faveur de la rénovation des logements et du transport ferroviaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dix ans, mais vous préférez les chimères nucléaires pour 2035 ou 2040, c'est-à-dire hors délai par rapport à l'urgence climatique…
…plutôt que l'action urgente et juste en faveur de la sobriété, des énergies renouvelables et de la sortie des énergies carbonées. Dix ans, mais vous continuez à laisser le marché faire la loi au lieu de bâtir une vraie planification écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a urgence pour l'avenir du pays, à plus courte échéance encore. En effet, cet hiver s'illustre par l'indisponibilité d'une grande partie du parc nucléaire. Les incidents dus à la corrosion ou aux fissures s'enchaînent, et les perspectives de remise en service ne cessent de se décaler. Faute d'avoir diversifié sa production énergétique pour s'éloigner du tout nucléaire, la France est contrainte d'adopter un plan pour éviter les coupures d'électricité.
L'indépendance énergétique du pays n'est plus assurée, du fait de l'approvisionnement en uranium, dont dépend le nucléaire, et de la dépendance aux énergies fossiles. Le déficit énergétique de la France s'élève à 83 milliards d'euros cette année. L'agressive guerre du gaz de M. Poutine vous rappelle à l'ordre. Pensez-vous sérieusement que le gaz de schiste américain ou le gaz qatari taché du sang des travailleurs forcés changent quoi que ce soit à la situation ?
Notre dépendance aux énergies fossiles, gaz et pétrole en tête, est contraire à l'intérêt général humain face au défi climatique et à l'indépendance nationale.
Mais où est votre plan pour sortir du carbone ? Où sont les plans de conversion des filières industrielles ? Vous n'êtes même pas capables de soutenir clairement un projet de conversion de la centrale au charbon de Cordemais.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Vous n'êtes même pas capables de valoriser pleinement les gisements d'énergie dont dispose pourtant le pays. La mer est l'un d'entre eux.
C'est une fierté pour la circonscription de Saint-Nazaire que je représente d'accueillir le premier parc éolien en mer en service en France. Mais le Danemark a ouvert son premier parc éolien en mer en 1991. Que de temps perdu au cours des mandats précédents ! M. Macron y a contribué en se réveillant bien tard sur ce sujet. Que d'incertitude encore sur la planification des projets à venir ! De fait, vos objectifs d'éolien en mer sont six fois moins ambitieux que ceux de l'Allemagne pour 2030, alors que la France dispose d'une surface maritime largement supérieure. Je ne peux que regretter l'absence du secrétaire d'État chargé de la mer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur ce sujet comme sur les autres, vous gouvernez contre l'intérêt national. En 2014, M. Macron vendait la branche énergie d'Alstom à General Electric. En 2016, l'éolien en mer d'Areva a été cédé à l'Espagnol Gamesa. Deux ans plus tard, l'État, actionnaire majoritaire de Naval Group, fermait son usine d'hydroliennes, puis laissait l'entreprise Photowatt délocaliser l'assemblage de ses panneaux photovoltaïques.
Et depuis juin, qu'avez-vous fait ? Vous avez autorisé la réouverture d'une centrale au charbon, lancé la construction d'un terminal méthanier flottant, et nommé à la tête d'EDF, que vous vous apprêtez à démanteler, un « serial privatiseur ».
En réalité, votre politique n'est guidée que par une seule chose : le marché. Mais on se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.
Or les causes des hausses des prix de l'électricité et des pénuries sont claires : elles sont directement liées à la marchandisation de l'électricité et à la casse du service public au nom des dogmes libéraux de l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans l'Europe libérale, le prix de marché est décorrélé des coûts réels de production, et même plusieurs fois supérieur à celui-ci, pour le plus grand profit des actionnaires.
On subventionne le développement de distributeurs d'électricité dont l'unique activité consiste à revendre une énergie qu'ils ne produisent pas en spéculant sur ses prix.
Dans l'Europe allemande, le prix de l'électricité est indexé sur celui du gaz, un fonctionnement que même votre ministre de l'économie juge « délirant » – en vain.
L'échec du marché à organiser la production, et plus encore la bifurcation énergétique, est patent. Si vous ne voulez pas écouter les Insoumis, écoutez au moins le président du Medef : « Pour l'énergie, nous sommes en guerre, et le marché ne fonctionne pas en économie de guerre. Cela devrait obliger la Commission européenne à acter cette réalité et donc à suspendre les mécanismes de marché. »
MM. Maxime Laisney et Léo Walter applaudissent.
M. Roux de Bézieux ajoute : « Il y a une forme de dogmatisme au sein de certains pays, que je regrette. » Parlait-il de vous ?
C'est la fin d'une époque dont vous êtes la queue de comète, incapables de sortir des impasses libérales que vous avez vous-mêmes créées.
Pourtant, un autre monde est possible ! Pour protéger les familles, les communes, les industries, les PME, pour l'intérêt général, nous avons besoin d'une rupture républicaine. L'énergie n'est pas une marchandise, mais un bien commun. Pillage et gaspillage du marché ont assez duré. Face à la crise, l'heure est à la maîtrise publique et à la planification écologique, dont nous parlons avec Jean-Luc Mélenchon depuis tant d'années.
Un système français public est nécessaire, pour lequel la sortie du marché européen de l'électricité est impérative. Assez de mauvaise foi ! Pour échanger de l'électricité avec nos voisins, nous n'avons pas besoin d'un marché européen, mais de lignes à haute tension, qui existent et continueront d'exister après le marché européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'illusion selon laquelle la concurrence ferait baisser les prix a vécu, nous serons tous d'accord pour le dire. Il est urgent de rétablir le tarif réglementé pour tous – particuliers, collectivités et entreprises.
Mêmes mouvements.
Il faut revenir à un tarif fondé sur les coûts réels de production et inclure une part gratuite pour les usages indispensables à une vie digne
Mêmes mouvements
et une surtaxation des gaspillages. Dans l'immédiat, il est urgent de bloquer les prix.
Enfin, une diversification massive du mix énergétique grâce aux énergies renouvelables est urgente. Assez du fiasco du tout nucléaire, de la mise en route « en mode dégradé », pour reprendre l'expression de la presse, de l'EPR de Flamanville et des brutalités à Bure. Même les scénarios de RTE qui conservent du nucléaire s'appuient tous sur une augmentation forte de la part des énergies renouvelables. S'y opposer comme le fait Mme Le Pen, c'est jouer contre la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mieux, le scénario M0 de RTE, l'Ademe ou l'association négaWatt nous enseignent qu'un scénario 100 % renouvelable est possible : il faut seulement en avoir la volonté.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
L'énergie est aujourd'hui au centre de toutes les préoccupations. La guerre menée par la Russie contre l'Ukraine nous rappelle qu'il est primordial de renforcer notre souveraineté énergétique et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Cela participe aussi de la lutte contre le réchauffement climatique que nous devons mener, à l'heure où les conséquences irréversibles de celui-ci se manifestent aux yeux de tous.
Notre sécurité d'approvisionnement en énergie est mise à rude épreuve. Nous avons dû diversifier nos apports pour nous libérer de la dépendance au gaz russe. Dans le même temps, le parc nucléaire français subit une indisponibilité importante, avec encore vingt-cinq réacteurs à l'arrêt sur les cinquante-six que compte le pays. Outre les maintenances à effectuer, ces arrêts sont dus, vous le savez, à l'apparition de phénomènes de corrosion sous contrainte. Ces tensions sur le marché de l'énergie conduisent à une envolée des montants des factures d'électricité et de gaz, tant pour nos concitoyens que pour les entreprises et les collectivités.
Face à la flambée des prix, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures conjoncturelles de soutien pour préserver le pouvoir d'achat des ménages et garantir notre sécurité d'approvisionnement. Pour réduire notre dépendance au gaz russe, la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, votée cet été, nous donne la faculté d'augmenter nos importations de gaz naturel liquéfié, grâce à la mise en service d'un terminal méthanier flottant dans le port du Havre. Elle permet aussi d'optimiser nos niveaux de stockage de gaz. Ensuite, le bouclier tarifaire instauré dès la loi de finances pour 2022 a permis d'amortir le choc de l'inflation pour les ménages et les plus petites entreprises. Il perdurera en 2023, en limitant la hausse des factures à 15 %, tant pour le gaz que pour l'électricité. Le chèque énergie aide également les foyers qui en ont le plus besoin à faire face à leurs dépenses.
S'agissant des entreprises, outre des aides spécifiques destinées aux entreprises électro-intensives, un amortisseur électricité a récemment été créé, afin de soutenir les TPE et PME, non éligibles au bouclier tarifaire. Enfin, professionnels et particuliers fournissent un effort collectif de maîtrise de leur consommation d'énergie au travers du plan de sobriété énergétique.
Ces mesures conjoncturelles ne nous dispensent pas d'engager dès à présent des actions structurantes pour mener à bien notre politique énergétique à long terme. La France s'est donné pour objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050. En parallèle, RTE nous rappelle que nos besoins en électricité augmenteront et qu'il est donc nécessaire de développer nos moyens de production d'électricité décarbonée. Pour cela, notre stratégie est claire : il faut s'appuyer sur la relance du nucléaire et le développement des énergies renouvelables. Un mix sans l'un et l'autre ne peut pas fonctionner ! On ne construit pas une centrale en un claquement de doigts et les énergies renouvelables peuvent donc nous aider dès à présent à électrifier et à décarboner notre production. Le nucléaire, quant à lui, nous amènera la puissance et la pilotabilité de la production dont nous avons besoin. Pour y parvenir, l'excellence de nos filières industrielles est un atout et elles bénéficieront de notre engagement résolu dans la valorisation de ces deux types d'énergies. Cela participe d'ailleurs pleinement au renforcement de notre autonomie stratégique.
Le Parlement est ainsi saisi en ce moment de deux projets de loi en matière d'énergie. Premièrement, nous examinerons dès la semaine prochaine en commission des affaires économiques et en commission du développement durable le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, qui doit permettre de simplifier et d'accélérer les procédures pour concrétiser les nombreux projets qui émergent dans les territoires. Deuxièmement, nous examinerons début 2023 le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Après ces deux lois d'accélération et de simplification viendra le temps de la planification, avec le vote en 2023 de la loi de programmation sur l'énergie et le climat, qui fixera les priorités de notre politique énergétique. Cette loi quinquennale, c'est l'Assemblée nationale qui l'a souhaitée et instaurée au cours de l'examen du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, en 2019. Elle nous permettra de débattre de notre futur énergétique et des objectifs que nous voulons fixer au niveau national. Ces objectifs irrigueront ensuite la programmation pluriannuelle de l'énergie et les déclinaisons locales de notre stratégie énergétique. Le Parlement, au travers de ces trois lois, sera donc au centre de l'élaboration de la politique énergétique française. Je suis convaincu que nous avons toutes les clés en main pour réussir le pari de la décarbonation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le Président de la République a adopté une ligne claire en matière de politique énergétique.
On la connaît : il s'agit de sortir des énergies fossiles. Elle tient en quatre expressions : sobriété, efficacité, énergies renouvelables, nucléaire. Cette stratégie sera soumise à la représentation nationale d'une manière non pas bâclée, mais construite, dans le cadre d'un grand débat public lancé en octobre – après avoir été préparé avec la Commission nationale du débat public, pour répondre à vos questions. Ce débat public est accessible en ligne et donne lieu à des rencontres, dans toutes les régions, avec les Français, les élus et les parties prenantes pour permettre une réelle concertation sur ce que vous avez décrit comme un élément essentiel, stratégique, dans l'existence de nos concitoyens – l'énergie. Nous associerons particulièrement les jeunes, à travers une convention des jeunes qui se tiendra en janvier 2023.
Monsieur Fournier, ce sont 200 jeunes de 18 à 35 ans qui pourront se prononcer sur un débat qui les concerne particulièrement dans le contexte de la lutte contre le réchauffement climatique. Je vous invite chacun à contribuer aux réunions en région ou à la plateforme, pour prendre part à ce grand débat public et l'animer dans vos circonscriptions.
Que n'aurait-on pas entendu si nous vous avions soumis un texte bâclé, sans concertation ? Nous prenons donc ce temps pour préparer la programmation pluriannuelle de l'énergie, la stratégie nationale bas-carbone et le plan national d'adaptation au changement climatique, mais nous ne perdons pas de temps pour agir, avec, tout d'abord, le plan de sobriété énergétique. C'est la première fois que ce pays, sous l'égide de la Première ministre, dispose d'un plan pour la sobriété, avec des objectifs clairs.
Plutôt que d'encourager simplement les ménages à adopter une série d'écogestes, il s'agit de faire en sorte que les grands employeurs, les grandes entreprises, les grandes administrations, les grandes collectivités locales s'engagent à réduire leur consommation de carburant, de gaz, d'électricité de 10 % – c'est cela qui change tout. Je veux le dire ici : les trois quarts des entreprises déclarent désormais disposer d'un plan de sobriété. Ce résultat mérite d'être souligné.
Concernant l'efficacité énergétique, c'est cette majorité qui a massifié la rénovation thermique…
…, sous le précédent quinquennat – merci à ceux d'entre vous qui étaient déjà présents sur ces bancs alors. Cela a permis à 700 000 ménages chaque année de conduire des rénovations thermiques.
Vous nous demanderez d'aller plus loin, plus fort, de privilégier la rénovation globale. Vous avez raison, mais ce n'est pas en votant un amendement à plusieurs milliards qu'on y parviendra – nous en avons déjà parlé.
Caricature ! Nous avons formulé beaucoup de propositions, vous les avez toutes refusées !
Nous y parviendrons quand nous disposerons des compétences, des filières nécessaires, en aidant les ménages à monter des dossiers complexes et à trouver les meilleurs artisans afin qu'une rénovation globale de leur logement ne trouble pas trop leur quotidien.
L'efficacité, c'est aussi tout ce que nous avons mis en œuvre pour développer les petites lignes de train.
Nous privilégions le transport intermodal, afin de diminuer l'empreinte carbone des transports. Plutôt que de seulement verdir chaque mode de transport, il s'agit de transformer nos modes de transport, avec des crédits à la clé. Je rappelle qu'avec le plan de relance, nous avons mis sur la table près de 35 milliards d'euros pour décarboner notre économie et accroître l'efficacité énergétique. Ainsi, près de 5 millions de tonnes de CO
Notre ligne est très claire : dans le cadre du plan d'investissement France 2030, 5 milliards d'euros sont prévus pour la décarbonation de l'industrie dans les dix-huit mois qui viennent ; s'y ajouteront les 5 milliards d'euros additionnels annoncés par le Président de la République.
Mon collègue Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie, appliquera ce plan avec l'ensemble des filières concernées. Voilà les résultats concrets d'une stratégie menée pied à pied, secteur par secteur et avec une ligne claire.
Enfin, il faut produire davantage d'énergie bas-carbone, pour mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles, que vous avez été nombreux à souligner.
Monsieur Dupont-Aignan, nous n'avons jamais été souverains en matière énergétique : c'est un mythe.
Nous sommes dépendants des énergies fossiles depuis des dizaines d'années.
C'est le cas depuis les années 1970, à cause d'une réalité physique : le gaz et le pétrole ne sont pas produits en France – quand ils l'ont été, cela a été en faible quantité.
Vous êtes nombreux sur ces bancs à promouvoir un mix énergétique équilibré pour sortir des énergies fossiles. Nous partageons cette approche ; c'est un enjeu d'indépendance pour le pays, de pouvoir d'achat pour les ménages, de compétitivité pour les entreprises.
Monsieur Tanguy, je suis surprise par vos propos très déterminés en faveur du tout-nucléaire, car la position sur vos bancs n'a pas toujours été aussi claire. Citons ici Marine Le Pen, qui fixait en 2011 l'objectif d'une sortie du nucléaire « qui serait positive, qui limiterait les dangers pour le monde, [et passerait] par l'investissement massif dans la recherche concernant les nouvelles énergies. »
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.
Dois-je entendre que vous êtes prêts à considérer le développement accéléré des énergies renouvelables ? Ce serait une bonne nouvelle ! La même déclarait en 2017 : « le nucléaire est dangereux, c'est un fait ».
Mais nous parlons désormais de réacteurs nucléaires de troisième ou de quatrième génération !
Monsieur Tanguy, vous citez de manière grandiloquente les grands hommes de notre pays – MM. Messmer, de Gaulle, Chirac.
Mais quand on sait quel rôle ils ont joué face à la montée de l'extrême droite, c'est choquant.
Si je puis me permettre, ils doivent se retourner dans votre…pardon, leur tombe, quand ils vous écoutent vous associer à leur mémoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Dominique Potier applaudit aussi. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'était très clair. Le premier levier pour accélérer la sortie des énergies bas-carbone est le grand plan de développement des énergies renouvelables que nous avons lancé.
Monsieur Marleix, soyez rassuré. Puisqu'il s'agit de rattraper notre retard par rapport à la trajectoire prévue dans la dernière programmation pluriannuelle de l'énergie, il est légitime de prévoir un projet de loi maintenant. En outre, nous nous engageons dans toutes les énergies renouvelables.
Dans les prochaines semaines, nous lancerons un plan de développement de la géothermie ; celui-ci n'est pas de niveau législatif, car les acteurs de la filière n'en ont pas besoin à ce stade, comme nous l'avons constaté en travaillant avec eux.
Les mesures réglementaires que nous avons prises ont permis de libérer 1 térawattheure de biométhane. Nous avons l'ambition de multiplier par dix notre production d'énergie photovoltaïque. Les éoliennes marines constituent une filière industrielle solide, qui emploie près de 6 500 personnes et pour laquelle notre pays est exportateur aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres régions du monde – nous pouvons en être fiers.
Vous avez raison, une planification est nécessaire. C'est la visée du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, qui a été voté au Sénat, avec 320 voix pour et 5 contre. Ce résultat montre que nous avons atteint un consensus concernant la nécessité d'accélérer la production d'énergies renouvelables et d'élaborer une planification qui laisse toute leur place aux élus locaux et qui permette d'accélérer la production d'énergies renouvelables.
J'invite chacun à contribuer à l'enrichissement de ce texte.
S'agissant du nucléaire, vous avez évoqué la disponibilité du parc. La période pendant laquelle la maintenance a été la plus faible s'étend de 2002 à 2008, or cette chute de la maintenance explique une chute de la disponibilité des centrales et du productible nucléaire en 2009. Je vous invite à revoir les chiffres de 2009.
Nous sommes en 2022, madame la ministre ! Et Fessenheim, ce n'était pas non plus en 2009 !
Dominique Potier a souligné à raison les hésitations et les décisions tardives de ces vingt dernières années. Au fond, nous admettons que, les uns comme les autres, nous aurions pu faire mieux. Nous sommes collectivement responsables de cette situation, et c'est à nous qu'il appartient de dessiner le contour de notre politique énergétique à venir. Nous en sommes capables, en adoptant un projet de loi ambitieux sur les énergies renouvelables et en travaillant à relancer la filière nucléaire, avec le groupe EDF en bras armé de notre politique énergétique.
La question a été posée : nous n'envisageons évidemment pas de démanteler EDF, qui est au contraire un élément central de notre stratégie dans les domaines du nucléaire, de l'hydraulique et des réseaux. Notre intention est d'atteindre l'excellence industrielle dans tous ces secteurs.
Nous avons également l'ambition de lancer la production de six nouveaux EPR. Vous aurez le loisir d'en prendre la décision, comme celle de leur en adjoindre huit autres par la suite, car nous présenterons ce mix énergétique à la représentation nationale. Afin de ne pas prendre de retard, nous avons préparé un projet de loi relatif au nucléaire, qui vise à anticiper l'accomplissement des procédures administratives nécessaires à la construction de nouveaux sites. Nous exprimons clairement nos recommandations : nous ne préemptons pas la décision de construire de nouveaux EPR, mais comme nous anticipons, nous vous soumettrons ce texte au début de l'année 2023, afin que ces procédures ne retardent pas par la suite l'application des mesures que vous voterez dans la prochaine loi relative à l'énergie et au climat.
S'agissant de la protection des Français, il est vrai que nous sommes confrontés à une crise énergétique sans pareille depuis des années, mais nous avons également pris des décisions sans pareilles pour protéger les Français. Le bouclier énergétique leur permet, comme aux TPE et aux petites collectivités locales, de bénéficier des prix les plus bas d'Europe – c'est une réalité.
Nous avons pris nos responsabilités, y compris en allant prendre la rente inframarginale des producteurs d'électricité qui bénéficiaient d'un effet d'aubaine grâce à la hausse des prix de l'énergie, afin de la redistribuer aux plus précaires.
Monsieur Marleix, vous avez raison, les prix ont augmenté de 15 %, ce qui représente une hausse sensible pour les plus vulnérables. C'est pourquoi nous l'avons accompagnée d'une hausse du chèque énergie, de façon à amoindrir son effet, pour eux comme pour les classes moyennes, puisque 40 % des ménages français le percevront.
Concernant la réforme du marché de l'électricité à l'échelle européenne, depuis deux ans, Bruno Le Maire et mes prédécesseurs avancent des propositions qui vont dans votre sens. Je crois que nous nous retrouverons sur cet objectif : obtenir que le prix de l'électricité soit plus proche de la réalité de notre mix énergétique. Il y a deux semaines, la Commission européenne a indiqué qu'elle formulerait des propositions visant à revoir l'organisation du marché d'ici à la fin de l'année, en reprenant les propositions françaises. Nous continuerons donc à y travailler.
À l'échelle internationale, enfin, monsieur Potier, vous nous interrogez sur la sortie du Traité sur la charte de l'énergie. La lettre des trois ministres a été signée aujourd'hui. Pour vous répondre très clairement, notre position sera l'abstention.
Je serai tout à l'heure à la COP27 ; la France est un des pays les plus engagés dans l'accompagnement des pays en développement : elle y consacre chaque année 6 milliards d'euros, notamment pour les aider à s'adapter au changement climatique, à développer des énergies renouvelables et à éviter d'augmenter le recours aux énergies fossiles. C'est d'ailleurs cette majorité qui a mis un coup d'arrêt au soutien à l'exportation des énergies fossiles.
Nous suivons une ligne claire.
Le Président de la République a montré le chemin, le Gouvernement est engagé, la Première ministre soutient la planification écologique, qui comporte un volet énergétique. Tout cela nous permettra d'élaborer ensemble une trajectoire de décarbonation de l'économie qui soit à la fois juste pour les Français et efficace pour lutter contre le réchauffement climatique.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Avant de conclure ce débat, je remercie les oratrices et les orateurs : j'ai entendu des interventions constructives. J'ai constaté des différences d'approche, parfois de vision, entre nous. C'est normal en démocratie, et c'est sain. Mais j'ai également noté que certains objectifs étaient largement partagés et qu'il existe des convergences sur la stratégie pour la transition énergétique. C'est sur leur fondement que nous pourrons, que nous devrons, nous appuyer dans les années à venir. Je crois que nous partageons tous une volonté de sortir rapidement des énergies fossiles ; de baisser nos consommations, grâce notamment à une politique ambitieuse en matière de mobilités propres et de rénovation énergétique des bâtiments ; de diminuer les émissions de gaz à effet de serre ; de reconquérir notre souveraineté énergétique. Ce sont des points structurants ; ils montrent que, sur la plupart de ces bancs, nous pouvons partager une volonté et des objectifs.
Le principal clivage apparu au cours de nos échanges concerne la composition de notre mix énergétique. J'assume totalement de suivre l'avis des experts et de plaider pour un mix équilibré entre le nucléaire et les énergies renouvelables.
Un mix diversifié constitue une protection, une liberté. Car je l'ai dit et je le répète ici, il n'y a pas de source d'énergie miracle pure et parfaite : chacune a ses risques et ses défauts.
Le nucléaire permet une production d'énergie massive, souveraine,…
…sans émissions et à un coût maîtrisé. Mais nous ne pouvons pas faire croire pour autant qu'il s'agit d'une source d'énergie anodine ou que nos réacteurs seraient à l'abri de défauts systémiques.
De leur côté, les énergies renouvelables sont totalement décarbonées et bénéfiques pour l'économie,…
…mais il ne faut pas oublier pas qu'elles sont aussi intermittentes et qu'elles posent de réelles questions d'acceptabilité.
Travaillons donc ensemble à la planification territoriale avec le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables – vous êtes nombreux à le demander.
Une transition énergétique efficace passera donc par la diversification, en avançant sur deux jambes : le renouvelable et le nucléaire.
Enfin, et je le regrette, j'ai observé au cours de ce débat quelques postures, des procès d'intention, et des écarts avec l'histoire et la réalité des faits. Dans un exercice de réécriture du passé dont le Rassemblement national est coutumier, l'extrême droite s'est inventé une constance en matière de nucléaire.
Mme Chantal Bouloux applaudit.
Pour ma part, je me rappelle qu'il y a dix ans, la présidente de votre groupe plaidait pour la sortie du nucléaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et LIOT.
Nous étions peu après Fukushima, son opinion a sans doute changé avec les sondages : en matière d'énergie, ce sont manifestement vos idées qui sont renouvelables !
Nous avons également évoqué l'état du parc nucléaire. Je le dis sans faux-semblants : personne ne peut se satisfaire de la situation.
Mais je crois qu'il n'est pas besoin de rentrer dans les excès, de convoquer les heures les plus sombres de notre histoire, pour appuyer la démonstration. La situation est le résultat de vingt ans de gestion du parc : ceux qui donnent des leçons ne sont pas indemnes de responsabilité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
J'appelle donc chacun à faire preuve d'humilité et à chercher des solutions plutôt que des responsables. Le projet de loi relatif au nucléaire, présenté en conseil des ministres au début du mois, en offrira l'occasion ; il permettra de lever des contraintes administratives et d'accélérer certains projets. Travaillons-y ensemble.
Mesdames et messieurs les députés, ce débat a été riche et dense. Il ouvre un cycle de notre politique énergétique avec, dans quelques jours, un texte visant à accélérer la réalisation des projets d'énergie renouvelable, puis, dans le même esprit, un projet de loi qui tend à accélérer les procédures d'autorisation relatives au nucléaire. Comme la ministre de la transition énergétique l'a expliqué, ce sont des textes d'urgence, qu'il faut examiner sans attendre la présentation d'une loi de programmation pour l'énergie et le climat, qui aura lieu à l'issue des débats en cours, sous l'égide de la Commission nationale du débat public.
M. Dominique Potier proteste.
J'espère que beaucoup de nos concitoyens y participeront.
Ce débat public et ces différents projets de loi constituent des étapes fortes, déterminantes pour notre souveraineté, pour le climat et pour le pouvoir d'achat.
Ce sont des textes sur lesquels je suis sûre que nous pouvons trouver des points de convergence et d'accord.
Mme Christine Arrighi proteste.
Les enjeux sont grands : travaillons ensemble pour les Français !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra