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Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mercredi 16 novembre 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur la politique énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Le groupe Socialistes et apparentés prend la parole avec une certaine humilité dans le débat sur la politique énergétique, conscient des décisions vertigineuses qui s'imposent ; conscient, aussi, du cri de la terre et du cri des pauvres – ceux qui, cet hiver, devront arbitrer entre se chauffer et se nourrir, mais aussi les millions de personnes de par le monde qui subiront les conséquences d'un dérèglement climatique et d'un dérèglement économique qui provoquent déjà des famines.

Nous prenons part au débat en ayant à l'esprit que 8 milliards d'êtres humains devront apprendre à vivre ensemble, et donc à partager. Au-delà des révolutions technologiques et scientifiques qui seront évoquées ici, c'est bien cette révolution fraternelle, celle du partage, qui constitue le plus grand défi pour notre humanité. Si à l'échelle de la planète, les habitants devront passer en moyenne de neuf à deux tonnes d'émissions de carbone, dans un pays comme le nôtre les plus riches partent plutôt de vingt tonnes et les plus pauvres de quatre tonnes. Il n'en reste pas moins que pour tous, l'effort de décarbonation sera abyssal. Il représentera une véritable révolution, un choc de civilisation. C'est une question de vie ou de mort pour l'humanité, aux deux sens du terme. C'est également une question de démocratie – la crise ukrainienne nous l'a rappelé –, à tous les sens du terme : il y va de la capacité de chaque nation à faire vivre l'égalité et la solidarité, mais aussi de sa capacité à affirmer son autonomie et sa souveraineté populaire – essence même de la démocratie – dans le concert des nations. En d'autres termes, il s'agit de s'affranchir des servitudes, qu'elles concernent le gaz russe ou un pétrole qui est souvent produit dans des pays qui ne se caractérisent ni par la démocratie, ni par le respect des droits humains. Il s'agit donc de passer d'une servitude à une certaine forme de progrès, et d'affirmer notre volonté de liberté pour participer au récit du monde.

Nous avons conscience de l'urgence, mais nous savons aussi qu'il est nécessaire de penser dans le temps long – c'est toute la difficulté. Nous avons perdu du temps au cours des deux dernières décennies, faute d'avoir instauré la sobriété au bon niveau, engagé un réarmement nucléaire, et misé sur le déploiement des énergies renouvelables. Après moult hésitations et quelques pas en avant, une prise de conscience s'est désormais imposée dans le monde, et les buts à atteindre font peu ou prou consensus. Cependant, nous n'avons pas consenti les efforts nécessaires : la preuve en est que 65 % de l'énergie finale consommée en France est d'origine fossile, quand 19 % seulement proviennent d'énergies renouvelables. Ces deux dernières décennies ont donc été en partie perdues. L'Arenh, dispositif créé par la loi Nome de 2010, affaiblit la puissance publique sans tenir la promesse, pour les opérateurs alternatifs, de la diversification du mix énergétique. Nous devons réparer cette erreur, quitter l'Arenh et instituer des tarifs réglementés pour la vente aux citoyens, aux collectivités et aux entreprises. Telle est la proposition que défend le groupe Socialistes et apparentés. Au chapitre des réparations, nous devons également en finir avec l'absurdité européenne voulant que le prix de l'électricité soit indexé sur celui du gaz – les orateurs précédents l'ont souligné.

Pour les Socialistes – et, je l'espère, pour une majorité d'entre vous –, l'enjeu réside dans la décarbonation : telle est l'urgence dans l'immédiat et à long terme. Décarboner, c'est penser pour la planète et à l'échelle de la planète – cela a été trop peu dit jusqu'à présent. Cette dimension internationale m'incite à vous poser trois questions, madame la Première ministre.

Lundi, la France devra se prononcer au sujet du traité sur la charte de l'énergie (TCE). Le Président de la République a annoncé sa volonté de sortir de ce traité, mais celui-ci fait l'objet d'un essai de modernisation à l'échelle européenne. L'Allemagne et d'autres pays ont déjà fait connaître leur position. Pouvez-vous nous confirmer que la France s'abstiendra au minimum au sujet de la modernisation du TCE ? Celle-ci poursuivrait en effet une œuvre mortifère, en donnant des garanties aux acteurs privés des énergies fossiles.

Par ailleurs, un règlement européen doit prévoir des dispositions en matière de compensations des émissions de carbone à l'échelle internationale. Pouvez-vous vous engager à ce que la France milite – comme le font les députés socialistes européens – pour qu'en aucun cas, les compensations de carbone à l'autre bout du monde n'accaparent des terres qui servent la sécurité alimentaire collective et la souveraineté de peuples paysans ? Nous ne pourrons pas planter des forêts pour payer notre mode de vie, comme nous achèterions des indulgences, au détriment de la sécurité collective ; dans un monde interdépendant, nous devons défendre des valeurs qui nous rassemblent.

Enfin – nous l'avons dit mille fois –, alors que Total et d'autres opérateurs gaziers ou pétroliers engagent des plans d'investissement importants au Qatar et en Afrique, en Ouganda notamment, nous sommes choqués de l'indécence avec laquelle Total et vous-même refusez d'engager un partage des profits et des superprofits réalisés à l'occasion de la guerre en Ukraine.

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