Omniprésente, abondante et accessible, l'énergie a accéléré nos déplacements, amélioré notre confort et notre santé, sécurisé notre alimentation, augmenté la productivité de notre économie, facilité nos communications et diversifié nos loisirs.
Orchestrant et simplifiant notre quotidien, l'énergie abondante et bon marché a construit notre addiction. Une addiction aujourd'hui mise à l'épreuve par un impératif climatique, une crise sanitaire, une guerre aux portes de l'Europe et une capacité de production dégradée et dépendante d'importations. D'une consommation systématique et machinale, l'énergie est devenue un sujet central de questionnement. À quel prix devrons-nous la payer ? Sommes-nous sûrs de disposer d'assez d'énergie cet hiver ? À une autre échelle, elle est devenue une arme de guerre, un enjeu géopolitique de nature à déterminer l'indépendance et la souveraineté des nations et de tout un continent.
Dans un tel contexte, l'énergie devient une question de politique nationale prioritaire. Notre assemblée débat aujourd'hui de ce sujet majeur, pour lequel le groupe Démocrate a une vision à faire valoir. La politique énergétique de la France doit, en premier lieu, apporter les bonnes réponses à quatre grands enjeux du mix énergétique.
Le premier est celui de la décarbonation du mix énergétique comme réponse impérative à une dérive climatique qui ne peut plus être niée et dont les effets dévastateurs deviennent chaque jour de plus en plus perceptibles.
Le deuxième enjeu concerne la trajectoire d'une électrification massive des usages de l'énergie : la substitution des énergies fossiles additionnée à la croissance économique et démographique de la France se traduira par une envolée de la consommation. Les chiffres en apportent la preuve : notre consommation d'électricité, qui s'établit actuellement à 400 térawattheures (TWh), atteindra 645 TWh à l'horizon 2050.
Le troisième enjeu a trait à la sécurisation des approvisionnements durant les périodes de forte consommation. Vous le mesurez sans doute comme moi chaque jour à travers les sollicitations qui vous sont adressées : nos concitoyens, comme les entreprises, s'interrogent quant aux conséquences des coupures qui pourraient intervenir cet hiver. Il est indispensable de retrouver des moyens de production garantissant la couverture de nos besoins.
Le quatrième enjeu, enfin, est celui de la souveraineté énergétique de la France alors que d'autres crises conjoncturelles ne manqueront pas de se produire. Nous mesurons collectivement combien la crise énergétique européenne, conséquence de la guerre en Ukraine, a mis en évidence notre dépendance vis-à-vis des importations d'énergie et la vulnérabilité de nos sociétés lorsque les livraisons sont interrompues.
En réponse à ces enjeux, le groupe Démocrate en appelle à un mix énergétique qui équilibre le recours aux énergies renouvelables avec la relance du parc électronucléaire. Nous soutenons un mix énergétique qui n'oublie pas le gaz. La trajectoire d'électrification ne fera pas disparaître certains usages, et nous ne pouvons plus dépendre d'importations coûteuses et aléatoires. Notre politique énergétique doit défendre l'ambition d'une production de gaz vert en quantité suffisante pour couvrir nos besoins. Les scénarios de l'Ademe, de Gaz réseau distribution France (GRDF) et de l'association négaWatt démontrent que cet objectif est atteignable.
Nous soutenons également un mix énergétique qui s'appuie sur les territoires. Les territoires ruraux, en particulier, ont un rôle à jouer dans la production d'électricité et de gaz, dans une relation renouvelée avec les territoires urbains. La politique énergétique de la France doit aussi apporter aux zones non interconnectées d'outre-mer les réponses qu'elles attendent, sachant que ces territoires sont soumis à des contraintes géographiques qui rendent la production d'énergie plus coûteuse et plus contraignante. Pour les territoires ruraux comme pour les zones non interconnectées, la politique énergétique doit s'atteler à la question du partage de la valeur.
Nous demandons un mix énergétique qui sache concilier le développement de nouvelles capacités de production, notamment renouvelables, avec la préservation des milieux, de la biodiversité et des paysages.
Enfin, nous souhaitons un mix énergétique qui n'oublie ni le réseau, ni la fiscalité des énergies. S'il est important de parler du réseau, c'est parce qu'une politique énergétique ne saurait se résumer à la production et à la consommation d'électricité et de gaz. Le réseau est essentiel ; il ne peut pas être oublié. Il constitue l'un des leviers de la transition énergétique – je fais ici référence à sa capacité à accueillir les infrastructures de recharge des véhicules électriques, ou à l'injection diffuse des énergies renouvelables électriques. La fiscalité de l'énergie devra elle aussi être réformée. Un nouveau modèle fiscal est souhaitable ; il est même indispensable, en réponse à l'évolution des consommations et des usages, dans une perspective de maintien des recettes fiscales.
Au-delà des défis du mix énergétique, la politique énergétique de la France doit contribuer à la sobriété : celle-ci est indispensable pour répondre à l'enjeu climatique et pour renforcer l'efficience énergétique de nos consommations et de nos usages. Le groupe Démocrate promeut une sobriété solidaire, qui permette aux ménages les plus modestes de prendre leur part dans les adaptations que chaque Français doit engager. C'est une sobriété de bon sens, porteuse d'économies pour ceux qui la pratiquent ; une sobriété qui ne s'adresse pas uniquement à ceux qui ont les moyens de rénover leur logement, de changer de véhicule et d'adopter des modes de vie et de consommation moins énergivores. Si le dispositif MaPrimeRénov' et l'aide à l'acquisition de véhicules propres vont dans le bon sens, ils peuvent être améliorés. S'agissant de MaPrimeRénov', les chiffres témoignent d'une forte mobilisation des ménages et d'un ciblage dont bénéficient effectivement les plus modestes. Notre groupe appelle à réaliser un gain supplémentaire, en appliquant des critères d'éligibilité qui assurent une utilisation plus efficiente de l'argent public : les euros investis doivent à la fois maximiser les économies de kilowattheures et minimiser les émissions de CO
Pour ce qui est des aides à la mobilité, les dispositifs d'accompagnement et d'incitation doivent tenir compte des spécificités des territoires ruraux, où de nombreux habitants n'ont d'autre choix que d'utiliser quotidiennement leur véhicule, que ce soit pour effectuer des déplacements professionnels, déposer leurs enfants à l'école, faire des courses ou se rendre chez le médecin. La démonstration est ainsi faite qu'une politique énergétique doit être globale : elle doit intégrer les dimensions sectorielles du logement, des mobilités, du commerce et de l'accès à la santé.
Enfin, le groupe Démocrate en appelle à une politique qui garantisse la fourniture d'une énergie à des prix accessibles pour tous. Cette ambition doit trouver des réponses à l'échelle européenne. En effet, certaines règles du marché européen de l'énergie empêchent de prendre les mesures nécessaires pour contenir l'envolée des prix du gaz et de l'électricité – une envolée qui paralyse le tissu économique, gèle le pouvoir d'achat des ménages, alourdit les charges des collectivités et fait douter les associations de leur capacité à poursuivre leur mission. Les réponses budgétaires ne sauraient devenir la norme face au risque d'enlisement dans la crise, et face aux prochaines crises qui ne manqueront pas de survenir. En effet, le réflexe budgétaire présente le danger d'alourdir considérablement et durablement notre dette. Si le bouclier tarifaire, la minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), les chèques énergie, l'amortisseur électricité, le fonds vert et la réduction du prix des carburants à la pompe ont constitué des mesures pertinentes et utiles, d'autres leviers doivent être actionnés à l'échelon européen. Ces leviers continentaux résident bien évidemment dans la désindexation du prix de l'électricité par rapport à celui du gaz, mais aussi dans des évolutions indispensables qui devront être négociées parallèlement à la suppression des tarifs réglementés de vente (TRV) et de l'Arenh. Notre groupe soutient des dispositions de nature à valoriser les atouts de la France au bénéfice des Français – eux qui financent depuis des décennies les outils de production d'EDF et les réseaux qui acheminent des énergies auxquelles nous sommes profondément accoutumés.
En résumé, le groupe Démocrate attend une politique de l'énergie qui conjugue la décarbonation avec une sobriété acceptée, qui offre des prix accessibles aux ménages les plus modestes pour tous les usages – domestiques et de mobilité –, et qui garantisse l'indépendance et la souveraineté de la France.