France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Madame la Première ministre, depuis des semaines, vous évoquez la réforme des retraites, mais vous préoccupez-vous vraiment du bien-être de nos aînés ? En vous posant cette question, je veux parler de la fameuse loi sur le grand âge,…
…évoquée par le Président de la République en 2018, il y a déjà cinq ans, tellement attendue mais restée lettre morte.
La situation de nos aînés préoccupe toutes nos familles mais également tous les personnels qui ont à cœur de les accompagner avec bienveillance et empathie.
Il n'est pas admissible que tous soient aussi oubliés, que nos soignants soient autant malmenés car leur métier est un beau et noble métier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Ils s'occupent des plus fragiles au quotidien, en donnant toute leur énergie pour soulager les souffrances et parfois la solitude.
Je ne compte plus les témoignages d'animateurs, d'aides-soignants, d'infirmiers, de membres d'associations ou encore de directeurs d'établissements. Ils me font part d'une réelle détresse face à leur difficulté à continuer à exercer leur mission avec humanité. Nos grands-parents, nos parents méritent que le Gouvernement prenne toute la mesure de l'enjeu d'une politique d'ampleur sur ce sujet.
Nous devons tous nous sentir concernés car toutes les familles peuvent être confrontées à des difficultés. Encore hier, la Défenseure des droits a indiqué dans son dernier rapport qu'aucune réponse concrète n'avait été apportée à la suite des révélations faites lors du scandale qui a éclaté il y a un an.
Alors ce n'est pas d'administratifs supplémentaires dont les établissements ont besoin mais d'une valorisation de ces si beaux métiers, de recrutements massifs et d'investissements majeurs pour accompagner ceux qui ont besoin de nous après avoir tant donné à la France.
Alors, madame la Première ministre, quand allez-vous enfin faire du grand âge l'une de vos priorités.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Vous vous dites soucieuse du bien vieillir et de l'accompagnement des personnes âgées. Croyez bien que je m'en soucie tout autant que vous…
…nourri de mon expérience à la Croix-Rouge française et des nombreuses remontées de terrain dont je suis informé au quotidien.
Sachez que le Gouvernement et la majorité sont pleinement mobilisés sur la question du grand âge. Nous assurons un financement de qualité pour l'accompagnement de nos aînés, notamment par le biais de la création de la cinquième branche de la sécurité sociale en 2020 et du soutien que nous apportons aux professionnels. Aucun gouvernement n'avait autant revalorisé les salaires que nous l'avons fait dans le cadre du Ségur de la santé et des accords Laforcade : 12 milliards d'euros supplémentaires y sont consacrés chaque année.
Nous sommes aussi en train de déployer un plan métiers avec les opérateurs afin de favoriser les parcours professionnels, le recrutement, la formation et les conditions de travail, en modernisant nos Ehpad grâce à un programme d'investissements de plus de 2 milliards d'euros.
Je suis d'accord avec vous : le bien vieillir est une question sociétale. C'est pourquoi nous l'avons mise au cœur du Conseil national de la refondation (CNR).
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous travaillons sur différents sujets : la lutte contre l'isolement, la citoyenneté des personnes âgées, l'adaptation de la société au vieillissement, les métiers de ce secteur.
Nous voulons aussi lutter sans relâche contre la maltraitance et les dérives du secteur : renforcement des contrôles – 7 500 Ehapd seront contrôlés dans les deux ans à venir – ; amélioration de la transparence grâce aux mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 ; ouverture dans les prochains jours des Assises de la lutte contre la maltraitance. Le rapport de la Défenseure des droits nous invite à accélérer.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame la Première ministre, pour la première fois, je manifesterai jeudi prochain contre la réforme des retraites
Applaudissements de nombreux bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
pour une raison simple : votre réforme est injuste car elle repose sur le report de l'âge légal de départ.
Nous sommes en désaccord sur le constat : notre système sera en déficit au cours des prochaines années, mais il n'est pas en péril.
Nous sommes en désaccord sur la méthode et le calendrier : cette réforme est menée sans concertation suffisante et au moment où les Français souffrent. Nous désapprouvons le choix de ne pas laisser le Parlement prendre le temps d'examiner et de voter un texte si important.
Enfin, nous sommes en désaccord sur vos propositions : vous nous avez entendus sur le report de l'âge de départ à 65 ans – c'est une satisfaction – mais le seuil de 64 ans reste très injuste.
Le poids de votre réforme pèsera sur les classes populaires et moyennes, sur celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt. Toutes ces injustices ne sont pas comblées par le dispositif – largement incomplet – sur les carrières longues. Comme vous le savez, très peu de carrières permettront d'accéder à une retraite minimale de 1 200 euros.
Vous nous avez dit que la concertation continuait. Nous vous demandons – et les Français aussi – de supprimer le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Nous avons déjà parlé de la nécessité d'un grand plan senior. Comme le disait le Président de la République, il y a cinq ans : à quoi cela sert-il d'obliger les gens à travailler plus longtemps alors qu'ils sont privés d'emploi ?
Enfin, je pose la question de la recherche de nouveaux financements. Au sein même de votre majorité, des propositions apparaissent.
En résumé, madame la Première ministre, pour éviter une crise sociale majeure, allez-vous enfin écouter les responsables syndicaux et nos concitoyens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous pouvons être en désaccord, monsieur le président Pancher : c'est la vie démocratique. Mais pour avoir un débat éclairé, nous avons besoins de faits. Quels sont-ils ? Depuis début octobre, les organisations syndicales et patronales ont été reçues à de multiples reprises par Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et par moi-même.
J'ai rencontré chaque président de groupe parlementaire à plusieurs reprises sur ce texte.
Dans ce cadre, monsieur le président Pancher, nous avons échangé trois fois. Alors, les faits sont là : cette réforme n'a pas été menée dans la précipitation, mais dans la concertation.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
…préserver notre système par répartition. Là encore, les faits sont têtus. Le nombre d'actifs rapporté au nombre de retraités baisse : il y avait deux actifs pour un retraité en 2005 ; ce ratio est passé à 1,7 aujourd'hui et il tombera à 1,5 demain. Nous devons donc rétablir l'équilibre de notre système de retraite.
Ai-je des tabous ? J'ai plutôt des convictions et des réponses. Comme vous, je pense que notre système doit prendre en compte les différences entre les métiers et entre les carrières. Nous voulons un système juste, qui tienne compte de celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt,…
…qui ont des carrières incomplètes ou hachées, qui ont des métiers difficiles.
Ils seraient les premières victimes d'une absence de réforme, car notre système par répartition les protège. Et je le redis devant vous, mesdames et messieurs les députés, notre projet est un projet de justice.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt bénéficieront de départs anticipés.
Ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans partiront un an plus tôt, grâce à notre projet. S'agissant des carrières longues, toutes les personnes ayant une carrière complète partiront désormais entre deux et six ans avant l'âge légal.
Pour tenir compte la pénibilité des métiers, nous allons retenir de nouveaux facteurs d'usure professionnelle…
…prendre le tournant de la prévention, favoriser les départs anticipés pour raisons médicales et les reconversions. J'ajoute que nous serons attentifs aux plus fragiles.
Un départ à 62 ans à taux plein sera possible pour les personnes en inaptitude, en invalidité ou en incapacité. Au total, quatre Français sur dix – les plus fragiles, les plus modestes, celles et ceux qui ont des métiers difficiles – pourront partir avant l'âge de 64 ans.
S'il vous plaît, laissez la Première ministre s'exprimer dans le calme. Madame Garrido, un peu de silence.
Monsieur le président Pancher, vous me parlez des petites retraites. Là encore, nous sommes au rendez-vous.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Conformément à l'engagement du Président de la République, nous allons porter la retraite minimale pour une carrière complète à 85 % du Smic net, ce qui représente une hausse de 100 euros par mois dès cette année.
Mme Raquel Garrido s'exclame. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
C'est vrai pour les futurs retraités comme pour les retraités actuels. Au total, près de 2 millions de personnes – pour la plupart des femmes, des commerçants et des artisans – bénéficieront de cette mesure dès cette année, ce qui représente une véritable avancée sociale.
Ce projet va donc préserver l'équilibre de nos retraites par répartition.
C'est un projet de justice pour ceux qui ont commencé à travailler tôt ou qui exercent des métiers difficiles. C'est un projet de progrès social pour les plus fragiles. Bien sûr, j'espère que la discussion parlementaire permettra d'enrichir ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
Réforme des retraites
Monsieur le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, le choix de notre système de retraite par répartition est au cœur du pacte social qui unit les générations. Il nous appartient d'en assurer la pérennité au travers d'une réforme indispensable et porteuse d'une double ambition : assurer la soutenabilité financière de notre modèle social tout en le rendant plus juste car, nous le savons, nous ne sommes pas tous égaux face au travail.
Chacun d'entre nous, dans sa circonscription, a pu éprouver l'attente vive de nos concitoyens : la volonté de partir à la retraite dans des conditions dignes et équitables.
En mai 2021, mes collègues Nicolas Turquois et Lionel Causse, dans le cadre de leur mission sur les petites pensions, nous alertaient déjà sur les limites de notre système dans son état actuel. Parce que protéger les plus modestes, qui ont travaillé toute leur vie, est un impératif qui s'impose à tous, notre groupe Renaissance s'est engagé avec force pendant la campagne législative à revaloriser les petites pensions de retraite.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Une augmentation de la pension minimale a été annoncée pour les personnes partant en retraite à compter du 1er septembre 2023, mais aussi pour les actuels retraités. Un salarié ayant travaillé au Smic toute sa vie partira à la retraite avec une pension de 85 % du Smic net.
Nous avons conscience de l'effort nécessaire pour le maintien de notre système. Au cours des derniers jours, sur le terrain, nous avons tous pu entendre les craintes de nos concitoyens. Chaque carrière étant particulière, ils nous demandent de manière récurrente s'ils entrent dans le cadre de ce dispositif de revalorisation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les contours de cette mesure ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous l'avez rappelé, lors de la campagne pour les élections présidentielles, le Président de la République s'est engagé à faire en sorte que les petites pensions soient revalorisées, qu'une vie de travail donne lieu à une pension de retraite d'un niveau décent.
Nous avons pris l'engagement que toute personne, ayant cotisé toute sa vie et ayant une carrière complète rémunérée au niveau du Smic, aura la garantie d'une retraite égale à 85 % du Smic, soit quelque 1 200 euros brut à la fin de l'année 2023.
Pour que cet engagement soit garanti dans le temps, le texte que nous allons vous présenter dans quelques jours prévoit un mécanisme d'indexation du minimum contributif afin que le niveau de 85 % du Smic, auquel nous nous engageons pour une carrière complète, soit effectif au moment de la liquidation en 2023, mais aussi en 2027, en 2030 et au-delà.
Quant à ceux qui n'ont pas une carrière complète, ils bénéficieront aussi d'un accroissement de leur pension à due proportion du nombre de trimestres cotisés.
La mesure est importante puisqu'elle va toucher près de 200 000 des quelque 800 000 personnes partant à la retraite chaque année. Ces assurés vont voir leur pension de retraite revalorisée.
Cela signifie qu'un départ à la retraite sur quatre sera mieux traité avec ce système. Évidemment, cela concerne les salariés qui, pendant toute leur carrière, ont eu des revenus situés dans les trois premiers déciles, c'est-à-dire dans les 30 % les moins élevés.
Nous allons tenir un deuxième engagement, comme vous et d'autres sur ces bancs nous l'ont demandé : faire en sorte que les retraités actuels, ayant une carrière complète et ayant cotisé plus de trente ans, puissent aussi bénéficier d'une revalorisation de leur retraite. Nous le ferons dans les mêmes termes et selon le même calendrier – septembre 2023. Notre double engagement sera ainsi tenu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Réforme des retraites
Vous lancez, en ce début d'année, le projet de réforme des retraites que le Président de la République a choisi comme grand œuvre de son quinquennat. Quel est son objectif ? Il est de faire une nouvelle fois payer aux Français quarante ans de faillite politique et morale, dont le premier quinquennat Macron aura été la synthèse.
Cette réforme est loin d'être nécessaire et juste, car elle vise en réalité à rendre impossible le départ à la retraite à taux plein. Comment feront les jeunes diplômés pour prendre leur retraite alors qu'ils obtiennent leur premier emploi stable à 27 ans ? Comment feront les travailleurs non diplômés, qui sont sous la menace du chômage ? Il n'y aura que des perdants !
Vous annoncez le recul de l'âge de départ à 64 ans, tout en appliquant la méthode des petits pas : dans cinq ans, si les Français ont le malheur de vous voir encore au pouvoir, ce sera 66 ans ; puis, dans dix ans, peut-être 68 ans ; et ce jusqu'à ce que les Français soient contraints de travailler jusqu'à la tombe ! La position du Rassemblement national et de Marine Le Pen est claire et assumée :…
…nous défendons un âge de départ à la retraite variable en fonction de l'âge d'entrée dans la vie active.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous financerons cette mesure en économisant les dizaines de milliards d'euros que nous coûte chaque année l'immigration massive
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Écolo – NUPES
– ces milliards de dépenses qui ne semblent guère vous poser de problème –…
…et en réindustrialisant la France, que vos politiques antinationales ne cessent d'affaiblir, vous poussant à chercher de nouvelles économies sur le dos des Français.
Cette réforme n'entraînera que de nouvelles souffrances, sans régler la question des déficits. Alors, à supposer que vous ayez encore un peu de respect et de compassion pour les Français, qu'attendez-vous pour renoncer à ce projet ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous affirmez que cette réforme n'est ni nécessaire ni juste. Nous ne partageons évidemment pas votre appréciation quant à sa nécessité. Le Conseil d'orientation des retraites (COR) l'a dit et répété : en 2027 – c'est-à-dire demain –, notre système accusera un déficit de 12,5 milliards d'euros.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Si vous considérez qu'une telle perspective peut être ignorée, nous ne partageons pas la même conception des finances publiques ni de la responsabilité.
Personne ne nie qu'il y a un problème de dépenses, mais il y a avant tout un problème de recettes !
Vous affirmez que cette réforme est injuste, mais c'est tout le contraire : nous protégerons les carrières longues et prendrons mieux en considération la pénibilité,…
…là où votre candidate proposait, pendant la campagne présidentielle, de supprimer le compte professionnel de la prévention (C2P).
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Nous augmenterons aussi les petites retraites pour mieux valoriser les vies de labeur – celles dont vous semblez vous éloigner et vous désintéresser.
La réalité, c'est qu'au cours de la dernière campagne présidentielle, votre candidate a effectué deux annonces : une première qu'elle a jugée elle-même irréaliste, infaisable et mal documentée ; puis une seconde, qui visait à corriger la première. Tous les économistes ont considéré que si elle avait été élue, les deux seules conséquences en auraient été l'aggravation des déficits et la baisse des pensions des retraités.
Protestations sur les bancs du groupe RN. – M. Mathieu Lefèvre applaudit.
La majorité protège les retraités : nous préservons les pensions et le pouvoir d'achat des plus âgés, quand vous entendez les mettre en danger. Je ne m'étendrai pas sur vos lubies, sur vos obsessions, ni sur les solutions miracles que vous pensez trouver dans la lutte contre l'immigration. Elles ne dénotent qu'une chose : le Rassemblement national, c'est le Front national !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, HOR et Dem.
Réforme des retraites
Alors ne réduisons pas nos débats à quelques cas types qui ne représentent rien, sauf les statistiques agrégées à prix d'or par vos cabinets de conseil et transformées par vos communicants en visuels destinés à être postés sur les réseaux sociaux.
Je me trouvais vendredi dernier à Vizille, dans ma circonscription. J'y ai rencontré une ancienne aide-soignante, âgée de 58 ans, dont je préfère taire le nom. À la suite d'un dépistage, on lui a diagnostiqué un cancer du sein. Elle a pourtant continué de travailler, jusqu'à ce qu'elle ne le puisse plus et soit placée en congé de longue maladie en 2018. Souhaitant désormais retrouver un travail, mais ne se sentant pas capable de reprendre son métier d'aide-soignante, tant il est physiquement éprouvant, elle a suivi une formation en secrétariat. Depuis onze mois, elle désespère de trouver un poste : à chaque entretien, on lui demande de justifier les trous dans son CV et d'expliquer les raisons de sa réorientation, et elle est en concurrence avec des personnes deux fois plus jeunes qu'elle. Viendrez-vous à Vizille ou à Grenoble pour vous assurer que les entreprises jouent bien le jeu de l'index seniors que vous entendez créer ?
D'après les chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seules 56 % des personnes âgées de 55 à 64 ans étaient en emploi au quatrième trimestre 2021. C'est votre échec : celui de l'emploi des personnes de plus de 55 ans.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous prétendez allonger la durée de cotisation et reculer l'âge de départ, mais vous ne proposez rien aux femmes de plus de 55 ans, qui sont éloignées de l'emploi et qui, à cause de vous, subiront le chômage et la décote. Et vous osez parler de progrès social ! Mais pour qui ?
Je peux vous souffler une réponse : vous voulez faire 18 milliards d'euros d'économie sur le dos des Français âgés de 55 à 65 ans pour obéir au dogme des 3 % de déficit inscrit dans le pacte de stabilité et de croissance (PSC)
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
– ce pacte qui met à genoux nos économies, qui met à mal nos industries et qui menace nos démocraties comme nos modèles sociaux.
Mêmes mouvements.
Comme vous, je suis témoin chaque jour de situations difficiles, comme celle de l'aide-soignante que vous avez évoquée. Nous devons évidemment être particulièrement attentifs aux personnes confrontées à de telles situations et nous montrer beaucoup plus ambitieux en matière d'accompagnement des seniors dans le retour à l'emploi. Je peux d'ailleurs vous assurer que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, dans le cadre des concertations qu'il a engagées sur la création de France Travail, s'efforce de trouver le meilleur chemin pour ramener vers l'emploi toutes les personnes en difficulté.
Mais nous devons par ailleurs répondre à un enjeu majeur pour notre modèle social : le rétablissement du système de retraite. Les personnes fragiles et modestes dont vous mentionnez les exemples – que le ministre Dussopt, mon gouvernement et moi-même avons bien à l'esprit –, peuvent actuellement compter sur un système de retraite par répartition. Dans un tel système, lorsque la proportion d'actifs qui financent les pensions baisse – pardon d'insister sur ce point, mais c'est une statistique –,…
…passant de 2 actifs par retraité en 2005 à 1,7 aujourd'hui, puis à 1,5 demain, quel est le chemin alternatif à la réforme que nous présentons, laquelle consiste, en effet, à demander à l'ensemble des Français de travailler progressivement plus longtemps ?
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous agissons, je tiens à le souligner, dans une volonté de justice et de progrès. Nous faisons preuve de justice en tenant compte de la situation des personnes qui ont commencé à travailler tôt et en améliorant le dispositif des carrières longues.
Avec un départ à 62 ans pour quelqu'un ayant commencé à travailler à 18 ans ?
Comme je le disais, à l'heure actuelle, une personne ayant commencé à travailler tôt pourra partir à l'âge de départ légal, voire deux ans avant. Demain, elle pourra partir deux à six ans avant l'âge légal. Nous prenons aussi en considération les salariés en situation d'inaptitude, d'incapacité ou d'invalidité ainsi que ceux qui exercent des métiers difficiles, au-delà des critères prévus dans le compte professionnel de prévention.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous voulons par ailleurs améliorer la situation des retraités de demain et d'aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons défendu, conformément aux engagements pris par le Président de la République, une revalorisation des pensions minimales, afin de garantir aux personnes ayant effectué une carrière complète qu'elles percevront au moins 85 % du Smic net.
Vous avez raison, madame Chatelain : derrière les chiffres, il y a des cas personnels. Ce sont ces personnes auxquelles nous prêtons attention et dont nous voulons améliorer la vie professionnelle et la retraite.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Personne n'est dupe de vos éléments de langage : chacun connaît l'impact que cette réforme aura sur nos vies. Les Français seront dans la rue le 19 janvier pour vous le rappeler.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Réforme des retraites
Il y a une semaine, le Gouvernement a annoncé son intention de repousser l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Depuis, la liste des grands perdants de cette réforme ne cesse de s'allonger.
Les plus pauvres, d'abord : hier premiers de corvée, ils sont aujourd'hui en première ligne face à votre brutalité sociale. Les femmes, ensuite – celles que vous avez applaudies pendant la pandémie : parce que leurs salaires sont plus faibles et qu'elles subissent des temps partiels imposés ainsi que le chômage, toute mesure d'âge les pénalise doublement et aggrave les inégalités de genre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – « Exactement ! sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors qui sont les grands gagnants ? Comme toujours avec vous, ce sont les plus riches.
Vous écartez toute idée de hausse des cotisations patronales et vous maintenez des crédits d'impôt inutiles et des exonérations qui appauvrissent notre système de solidarité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour les grandes fortunes de ce pays aussi, la facture sera de 0 euro. Pourtant, leur enrichissement grâce à la crise explose tous les plafonds. Oxfam France le révélait hier : depuis 2020, la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 58 %.
L'association ajoute qu'il suffirait de taxer ces milliardaires à hauteur de 2 % pour financer le supposé déficit des retraites, qui vous préoccupe tant. L'accumulation de richesses est telle que cette mesure permettrait d'équilibrer le régime des retraites pendant au moins vingt ans,…
…et même – accrochez-vous –, d'abaisser l'âge légal de départ à la retraite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, vous continuez d'écarter toute augmentation des impôts pour les ultrariches. Finalement, votre réforme n'a rien d'économique : elle est purement idéologique – une idéologie du malheur, en vertu de laquelle il faudrait travailler jusqu'à la mort pour qu'une poignée s'enrichisse toujours plus.
Murmures sur les bancs des groupes RE et LR.
Votre réforme fait l'unanimité contre elle : l'ensemble des syndicats, 80 % de la population française et même 55 % de votre propre électorat la refusent. Vous êtes très minoritaire. Ma question est donc simple : qu'attendez-vous pour renoncer ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous affirmez que la réforme fera deux perdants : les plus pauvres et les femmes.
Vous constaterez, en lisant l'étude d'impact qui accompagnera le projet de loi – mais l'information apparaît aussi dans les documents que la Première ministre et moi-même avons déjà rendus publics –, que la réforme que nous défendons aura précisément les effets inverses de ceux que vous décrivez.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les salariés et les retraités qui bénéficieront de la meilleure revalorisation de leur pension grâce à la réforme – que ce soit par l'application du minimum garanti ou par l'augmentation moyenne du niveau des retraites du fait de l'allongement de la durée de cotisation –,…
…sont ceux dont le niveau de revenu les situe dans les trois premiers déciles de la population. Il s'agit donc des 30 % de salariés les plus modestes, qui bénéficieront d'une augmentation cinq fois supérieure aux autres catégories de population.
Les femmes seront mieux protégées ,
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES
parce que nous ne reculerons pas l'âge d'annulation de la décote, parce que la revalorisation de la retraite minimum leur bénéficiera davantage qu'aux hommes, et parce que les trimestres cotisés au titre de l'assurance vieillesse, donc du congé parental, seront intégrés dans le calcul d'éligibilité au minimum retraite et au dispositif de carrières longues – autant d'avancées auxquelles vous n'avez jamais songé.
La réforme protégera donc les plus fragiles et les femmes.
Certains ont fait référence à la journée de jeudi. Une chose est certaine : manifester une opposition ou un désaccord, c'est la démocratie ; mais inciter les gens à manifester en leur mentant,…
…en exagérant, en tenant des propos outranciers et en expliquant que les Français devront travailler jusqu'à la mort, c'est de la manipulation !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
C'est faire bien peu de cas de la dignité de ceux que vous appelez à manifester !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Dans ma circonscription, à Mouvaux, près de Lille, nous étions tous très inquiets pour l'avenir de l'entreprise Carelide, fabricant français de poches de perfusion, ainsi que pour ses 450 salariés. Vous le savez, malgré un soutien fort apporté par l'État depuis des années – plus de 10 millions d'euros d'aides publiques ont été versés depuis 2020 –, l'entreprise Carelide avait été contrainte d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à la fin du mois d'octobre 2022. Dès lors, la région Hauts-de-France, la métropole européenne de Lille, le maire de Mouvaux, les organisations syndicales, l'État et moi-même nous sommes unis et démenés pour trouver un repreneur industriel.
Jusqu'à vendredi dernier, c'est-à-dire jusqu'au dernier moment, nous attendions une offre. Nous pouvons désormais nous réjouir de la très sérieuse offre de reprise déposée par le groupe Delpharm et par les laboratoires Aguettant, groupe industriel français spécialisé dans le biomédical et déjà présent dans la métropole lilloise, à Lys-lez-Lannoy.
C'est une question orale sans débat que vous posez, pas une question d'actualité du Gouvernement !
Grâce à vous, nous reprenons espoir. C'est une très belle étape. Je tiens à ce titre, à vous remercier, monsieur le ministre délégué,…
…ainsi que toutes vos équipes, qui sont mobilisées depuis plusieurs mois pour sauvegarder le savoir-faire français et contribuer à notre souveraineté sanitaire. Elles mènent un véritable travail de fond, bien loin des gesticulations et des coups de communication.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre délégué, je sais pouvoir compter sur votre engagement et sur celui du ministre de la santé et de la prévention dans ce dossier.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Aussi, quelles sont les prochaines étapes qui permettront de sauver définitivement Carelide et ses 450 employés ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Madame la députée, bravo et merci.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et LR. – M. Maxime Minot trace un cœur avec ses doigts.
Loin des gesticulations – vous l'avez dit – des uns et des autres, loin des youtubeurs de la discorde et de la défaite, vous n'avez rien lâché, tout comme nous.
Vous êtes restée aux côtés des salariés de Carelide mais aussi à nos côtés, en accompagnant mes services lorsqu'ils faisaient des efforts, jour et nuit, pour trouver un repreneur. Vous l'avez dit, nous avons trouvé un repreneur de qualité.
Il y a une semaine, l'entreprise Ferropem, en Savoie, a annoncé la reprise de son site industriel par Ugitech. Jeudi, je me suis rendu dans l'Oise au moment où l'industriel américain Chemours annonçait 180 millions d'investissements consacrés à la réindustrialisation – en l'occurrence des membranes à hydrogène –, avec quatre-vingts emplois à la clé.
Vendredi, vous l'avez dit, un repreneur d'une très grande qualité a déposé une offre ferme pour Carelide. Hier, je me trouvais dans le Nord et dans le Pas-de-Calais pour annoncer des investissements massifs dans la décarbonation de notre industrie. Tout ceci n'arrive pas par hasard.
C'est la politique industrielle menée par le Président de la République, soutenue par cette majorité et que j'ai l'honneur de défendre avec Bruno Le Maire, qui nous permet d'engranger ces bonnes nouvelles dans un environnement très contraint.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous continuerons à appliquer cette politique industrielle et, s'agissant de Carelide, à travailler avec le repreneur pour que son offre soit définitive. Nous le ferons malgré les cris d'orfraie poussés par ceux qui font depuis de trop nombreuses années leur beurre politique sur les déficits et les défaites de l'économie.
Le verdict est tombé : 64 ans et quarante-trois années de cotisations. Nos compatriotes seront appelés à travailler plus longtemps si vous n'entendez pas l'opposition unanime…
…de tous les syndicats de salariés et de plus des trois quarts de la population.
Quelle ineptie ! Cette offensive de votre part, qui répond aux injonctions de Bruxelles et de son pacte de stabilité, est inutile, injuste et inefficace.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Inutile, car le Conseil d'orientation des retraites souligne qu'il n'y a pas de « dynamique non contrôlée des dépenses de retraites ». Mieux : en 2022, le système est excédentaire de plus de 3 milliards.
Injuste, car ce seront les salariés les plus modestes, et d'abord les femmes, qui vont encore y perdre. Leur espérance de vie en bonne santé va continuer de diminuer et plus d'un million de nos compatriotes, âgés de 55 à 64 ans, se retrouveront dans une grande précarité, allocataires du RSA ou en invalidité.
Inefficace, car s'il s'agit de trouver 8 à 9 milliards, les 80 milliards de dividendes versés par les entreprises du CAC40 sont là pour nous rappeler qu'un autre partage des richesses est possible.
Mêmes mouvements.
Alors que les Français, nos entreprises et les collectivités locales subissent l'explosion des coûts de l'énergie et l'inflation galopante, en imposant ce recul on agrandirait la fracturation de notre société. Ce serait une faute politique, ce serait dangereux pour la cohésion de notre pays.
Madame la Première ministre, en une semaine, vous n'avez pas réussi à convaincre. Vous êtes ultraminoritaires dans le pays.
Vous n'avez pas le choix. L'esprit de responsabilité vous oblige. Il n'existe qu'une alternative : retrait ou référendum.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Dans tous les cas, les députés communistes et ultramarins du groupe Gauche démocrate et républicaine s'engageront pleinement auprès de notre peuple, mobilisé. Rendez-vous dès ce jeudi dans toutes les villes de France.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
J'ai bien entendu votre question. Il y a un point que je ne m'explique pas : l'idée que cette réforme ne serait pas nécessaire. Vous le savez comme moi, ce sont les partenaires sociaux qui composent le Conseil d'orientation des retraites (COR). L'État ne vote pas lors des scrutins qui s'y déroulent.
Cette instance a examiné le système de retraites en élaborant plusieurs scénarios, différentes conventions, autour d'une hypothèse centrale, celle qui a toujours été retenue. Un déficit se creuse à l'horizon 2027.
Je partage le constat selon lequel le système est légèrement excédentaire en 2021 et en 2022. Dès 2023, il devient déficitaire. Ce déficit se creuse : de 12,5 milliards en 2027, il atteint près de 15 milliards en 2030 et 25 milliards en 2040. Il faut répondre à cet enjeu, qui s'explique par le fait que le nombre de personnes qui cotisent est inférieur à celui des retraités. À la fin des années 1970, trois actifs, contre un peu plus d'un actif et demi aujourd'hui, cotisaient pour un retraité.
Nous devons faire en sorte que le système tienne. Vous dites que le maintien de la réforme serait une erreur. Or l'erreur, ce serait de la retirer car cela mettrait en danger le système par répartition auquel vous et moi sommes attachés – comme c'est le cas sur la quasi-totalité des bancs de l'hémicycle.
Notre objectif – que Mme la Première ministre et moi nous efforçons d'expliquer – est à la fois d'améliorer le système, en apportant de nouveaux droits, et de l'équilibrer, parce que c'est nécessaire. Sans mésestimer, à aucun moment, les désaccords que nous pouvons avoir avec le président Chassaigne, ce projet de loi nous permettra ainsi d'améliorer les dispositifs dont il est à l'initiative.
Si nous nous contentions d'améliorer le système actuel sans l'équilibrer, nous ne serions pas responsables. Et si nous nous contentions de l'équilibrer sans l'améliorer, nous ne serions pas justes. Nous faisons l'un et l'autre avec ce projet de loi dont nous aurons l'occasion de débattre.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
C'est vraiment : « Paroles, paroles, paroles… » Les Français vous le montreront après-demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ma question s'adresse à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le 9 décembre dernier, je suis allée à la rencontre des étudiants et élèves de l'institut de formation des professionnels de santé (IFPS), de Vannes, dans ma circonscription.
Lors de ces échanges, j'ai été alertée sur la différence de traitement entre les étudiants infirmiers, qui ont le statut étudiant, et les élèves aides-soignants et aides-puéricultrices, qui ont le statut élève. Ces derniers, qui représentent un tiers des effectifs en IFPS, sont en situation précaire financièrement.
En effet, lors du précédent quinquennat, le statut étudiant a été accordé aux jeunes en formation en soins infirmiers, leur donnant ainsi accès aux avantages sociaux et économiques dont bénéficient les autres étudiants français. Toutefois, cet élargissement ne concerne pas les élèves aides-soignants ni aides-puéricultrices. Relevant du statut élève, ils ne peuvent donc prétendre à aucun de ces avantages, ce qui crée une véritable situation d'injustice entre ces jeunes qui font pourtant partie de la même école.
À titre d'exemple, un étudiant infirmier paie son repas 3,60 euros au Crous, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires, alors qu'un élève aide-soignant doit le payer 8 euros. Ne disposant pas de carte étudiante, ils n'ont pas accès aux tarifs réduits dans les transports en commun ni dans les cinémas. Ils ne sont pas non plus éligibles aux logements du Crous et sont également privés d'une médecine préventive au sein d'une université.
Ces élèves ne demandent pas le statut étudiant mais une revalorisation de leurs conditions leur permettant de suivre sereinement leur formation, d'autant plus que l'on constate un fort taux d'abandon dans ces filières.
À l'heure où l'inflation atteint 5,22 % et où l'accès au logement se durcit, nous devons soutenir ces élèves et susciter des vocations. Notre hôpital a besoin de ces futurs personnels soignants.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour revaloriser le statut de ces élèves en IFPS ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Tout d'abord, je vous remercie pour votre question qui porte sur l'égalité d'accès, pour tous les étudiants, à la restauration et à une offre sociale mais aussi sur l'universitarisation des formations paramédicales.
Cette question représente un enjeu sur lequel nous travaillons depuis mon arrivée au ministère. Je vous rappelle le principe général, que vous avez évoqué : tout étudiant inscrit dans une formation de l'enseignement supérieur a accès à l'offre des Crous en matière de restauration comme de logement.
Toutefois toutes les formations ne sont pas considérées comme relevant de l'enseignement supérieur ou post-bac. Nous avons procédé il y a quelque temps à l'universitarisation des formations au métier d'infirmière, ce qui permet à ces élèves d'avoir accès de droit à la restauration au tarif social de 3,30 euros – ou de 1 euro s'ils sont en situation de précarité. Les formations sanitaires dépendent des régions et sont donc sous leur responsabilité.
Cependant nous ne pouvons laisser ces étudiants ou élèves sans accès la restauration ou à d'autres services. C'est pourquoi nous avons travaillé pour faire en sorte que les collectivités puissent passer des conventions avec le Crous,…
…ce qui permet à ces élèves, qui ne sont pas considérés comme des étudiants dans le supérieur, d'avoir accès à la restauration proposée par le Crous, à un tarif social.
Nous avons prévu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, une augmentation de 33 % du budget consacré à ces conventionnements afin de travailler, avec les collectivités, au développement des conventions, ce qui permet aux élèves, quel que soit leur statut, d'avoir accès aux avantages proposés par le Crous, au même tarif que les étudiants. Avec mes équipes, nous continuons à mener ce travail, qui suppose que les régions se rapprochent des Crous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'augmentation de la part des mineurs, de plus en plus jeunes, dans la délinquance, notamment avec des faits de violence physique, et dans la criminalité, est un constat que l'on ne peut plus ignorer. Le drame que constituent le décès de cet adolescent de 16 ans poignardé au thorax, ainsi que la grave blessure de son camarade aux abords de leur lycée à Thiais, dans le Val-de-Marne, ne doit plus se reproduire. Nous pensons à cet instant à la douleur de leurs familles.
D'après les premières précisions du procureur, il s'agit d'un conflit entre bandes. Ces faits d'une violence extrême se multiplient dans notre société, prouvant l'incapacité des pouvoirs publics à endiguer ce phénomène. Ces jeunes en perte de repères et d'autorité ne répondent plus qu'à la loi de leur bande ou de leur clan, se moquant des conséquences de leurs actes.
Au-delà de l'émotion suscitée par de tels comportements, nous nous trouvons face à deux véritables défis sociétaux et civilisationnels : celui de l'autorité, pour que chacun puisse vivre librement dans une société plus sûre, et celui de la responsabilité, pour que la culture de l'excuse ne soit plus la règle. Si la prévention est nécessaire, elle doit être couplée à la répression.
En accord avec les réflexions et les propositions formulées par le président de l'AMF, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, David Lisnard, qui dresse, avec les maires, le constat d'une augmentation des faits de délinquance dans les communes, j'ai rédigé une proposition de loi prévoyant la levée de l'application des règles d'atténuation des peines dès l'âge de 13 ans pour les faits les plus graves, l'abaissement de l'excuse de minorité à 20 % de la peine encourue ainsi que l'instauration d'une nouvelle infraction, indépendante de celle imputable aux mineurs, et qui engagerait la responsabilité des parents.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
En effet, face au sentiment d'impunité, il est urgent de rétablir l'autorité de l'État, de la police, de la justice, de l'école et des parents.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de la justice, ne pensez-vous pas qu'il est indispensable d'adapter le code pénal des mineurs à la réalité de ce fléau grandissant ?
Que le sang de nos enfants coule sur le trottoir pour une cigarette, pour un mot ou pour un regard, est absolument insupportable – vous avez raison.
Nous avons modifié ensemble la loi en élaborant, il y a un peu plus d'un an, le code de justice pénale des mineurs. Je rappelle que ce texte a été voté par votre famille politique, Les Républicains, à l'Assemblée comme au Sénat. On observe de premiers résultats. Ainsi, auparavant, un mineur sur deux était jugé quand il était majeur alors qu'aujourd'hui la décision intervient dans un délai de neuf mois.
Par ailleurs, dans ma dernière circulaire de politique générale, j'ai demandé aux procureurs généraux d'avoir davantage recours à l'interdiction de paraître, un outil qui fonctionne bien. En outre, des groupements locaux de traitement de la délinquance ont été créés dans les grandes villes. J'ajoute que, contrairement à ce que vous affirmez, le phénomène de bande a diminué dans certaines grandes agglomérations.
J'ai pris connaissance de vos propositions. En l'état de notre droit, elles sont parfaitement satisfaites. Je vous rappelle qu'en matière de justice pénale des mineurs, l'atténuation de responsabilité, issue du Conseil national de la Résistance du général de Gaulle, est un principe à valeur constitutionnelle, consacré par le Conseil constitutionnel. Le droit actuel permet déjà de lever l'excuse de minorité à 16 ans sur décision du juge.
En la matière, ma ligne est claire : fermeté sans démagogie, humanisme sans angélisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Madame la Première ministre, est-il oui ou non juste, selon vous, que celles et ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt, ont eu les carrières les plus pénibles et ont l'espérance de vie la plus courte aient à cotiser plus longtemps…
…que celles et ceux qui ont commencé à travailler plus tard, ont eu les métiers les moins pénibles, les moins usants, et ont l'espérance de vie la plus longue ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Raquel Garrido applaudit également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Monsieur le député, le 4 janvier, dans une interview à Libération, vous avez dit être favorable à la retraita à 60 ans, vous mettant une fois de plus dans la roue de La France insoumise, mais en précisant qu'il fallait maintenir les quarante-trois années de cotisation pour toucher une retraite à taux plein. Êtes-vous favorable à ce qui serait alors une machine à décotes et à petites pensions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur de nombreux bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Mouvements divers
celle où vous défendiez les Français qui avaient commencé à travailler tôt.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous défendiez alors ceux qui se lèvent aux aurores, prennent le RER ou le bus, ceux qui vident nos poubelles ou sont caristes, les aides-soignantes, etc. Ils n'avaient que vous et nos collègues pour les défendre… et vous les avez oubliés. Vous êtes aujourd'hui de ceux qui vont défendre un projet de loi où les personnes qui ont commencé à travailler entre 14 ans et 20 ans auront à cotiser quarante-quatre années…
« Eh oui ! » sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Voilà ce que vous défendez aujourd'hui ! Je ne suis pas dans votre tête ni dans votre peau, mais j'ai honte pour vous ! Honte de ce que vous défendez aujourd'hui !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Mêmes mouvements.
Je vous ai connu aux côtés d'Henri Emmanuelli, aux côtés de Martine Aubry, et je vous vois dans ce gouvernement, reniant complètement ce que vous aviez jusqu'ici été, à savoir l'apôtre du progrès social. Et je constate que dans votre propre majorité, il y a une fracture parce que certains comprennent que vous êtes minoritaire dans le pays et que nous serons des millions à défiler jeudi !
Mmes et MM. les députés des groupes SOC et LFI – NUPES se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR – NUPES.
Vous savez bien que les effets de manche ne marchent pas – vous n'avez d'ailleurs été applaudi que par la moitié de votre groupe si j'ai bien compté. Quant aux procès en trahison, je suis immunisé, surtout quand ils sont faits par ceux qui ont vendu la social-démocratie à l'extrême gauche pour sauver leur siège !
Mmes et MM. les députés du groupe RE ainsi que de nombreux députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Vous défendez la retraite à 60 ans avec quarante-trois annuités, mais vous appauvririez ainsi les retraités ! Vous êtes dans la roue de La France insoumise ! Vous vous faites marcher dessus par Jean-Luc Mélenchon !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur de nombreux bancs du groupe Dem.
Ce sont les sociodémocrates qui devraient avoir honte de vous ! Vous n'êtes en réalité nullement intéressé par les Français : votre seul intérêt, c'est votre congrès !
Mêmes mouvements.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
La question de notre jeunesse est plurielle tant elle représente notre diversité et notre héritage. Elle est aussi la clé de voûte de la société de demain. Or aujourd'hui, quel avenir lui offrons-nous ?
Je sais que cette question vous anime tout autant que moi et, plus que d'y réfléchir philosophiquement, nous devons y répondre concrètement.
Sans tomber dans les excès ou dans les raccourcis simplistes, notre jeunesse nous expose quotidiennement ses attentes, ses peurs et sa colère contre une société qui détruit la nature, contre une société où l'homophobie et les discriminations existent encore, une société où les jeunes, victimes ou auteurs, font face à la violence dans leur quotidien. L'actualité nous le rappelle encore en montrant l'impact que la violence peut avoir sur leur comportement et sur leur confiance. Il y a cinq ans déjà, je m'exprimais à ce même micro face à un ministre différent certes, mais sur le même sujet. Si depuis lors, on a pu noter plusieurs avancées sur le harcèlement, sur le droit des enfants et dans le code pénal des mineurs, il est douloureux pour moi de constater qu'il y a encore tant à faire.
Monsieur le ministre, donnons un coup de pouce à cette jeunesse, donnons-lui confiance en l'avenir. Il y a une qualité que cette jeunesse garde toujours : c'est sa capacité à refuser un futur incertain. Son optimisme et sa persévérance redonnent espoir.
Mobilisons-nous. Nous nous devons de la protéger et de lui permettre de s'épanouir et de s'émanciper. C'est notre devoir d'adultes mais surtout notre responsabilité d'hommes et de femmes politiques, et l'État doit en être le garant. Mais notre jeunesse peut-elle avoir confiance en l'État ?
Nos institutions sont-elles toujours en phase avec ses attentes ? Quelles grandes politiques de protection, de prévention et d'accompagnement devons-nous mener ? Monsieur le ministre, créons pour notre avenir une grande politique de la jeunesse !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Laurence Maillart-Méhaignerie applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Ces derniers jours été malheureusement marqués par la mort de deux élèves, et mes pensées émues vont bien entendu d'abord à leur famille et à leurs proches. Le jeune Lucas a été victime de harcèlement en raison de son homosexualité. Cette situation avait été identifiée et prise en charge par son collège. Mais cela n'a pas suffi, à l'évidence. L'enquête déterminera les causes et les circonstances exactes de son suicide, ainsi que les responsabilités de chacun.
Ce drame montre à quel point la lutte contre le harcèlement scolaire doit demeurer une priorité du Gouvernement. La loi dont vous êtes l'initiateur, monsieur Balanant, en a fait un délit et a contribué à accentuer la prise de conscience de ce phénomène. Le ministère de l'éducation nationale a généralisé à la rentrée le programme Phare – le plan de prévention du harcèlement à destination des écoles et des collèges – dans toutes les écoles élémentaires et dans tous les collèges.
Mme Anne-Laurence Petel applaudit.
Mais il est vrai qu'il reste encore beaucoup à faire, sur le plan de la lutte tant contre le harcèlement que contre l'homophobie. C'est sur ce dernier point que j'ai décidé que devait être généralisés dans les prochaines semaines des groupes de sensibilisation et de prévention contre les LGBTphobies.
La haine contre les lesbiennes, les gays, les bissexuels et les transsexuels est absolument intolérable, que ce soit à l'école ou en dehors.
L'autre décès que j'ai évoqué date d'hier : un élève du lycée Guillaume-Apollinaire de Thiais a été tué, et un autre blessé. Même si les premiers éléments de l'enquête semblent montrer qu'il s'agit d'une rixe entre élèves, il est du rôle de l'éducation nationale de signaler aux forces de l'ordre des comportements d'élèves qui peuvent amener à des faits de violence. Là encore, l'enquête précisera les faits.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, aujourd'hui dans ma circonscription, au Super U d'Agde, les Agathois paient 1,85 euro le litre d'essence. En moyenne, les Français payent leur carburant de 1,80 euro à 2 euros le litre. Cette situation est intenable ! La France rurale souffre et l'ensemble de la France qui travaille suffoque ! Mais sur ce sujet comme sur tant d'autres, votre gouvernement colmate : finie la ristourne de 30 centimes, voici maintenant le chèque carburant qui va concerner une minorité de Français. Hier, en une seule journée, plus de 850 000 d'entre eux ont demandé ce chèque, provoquant l'indécente satisfaction de M. Attal. Comment peut-on être à ce point déconnecté de la réalité…
…pour se réjouir de la manifestation la plus éclatante de la précarité des Français ? Vous les obligez à venir mendier 100 euros, soit un plein par an !
En plus, depuis novembre, le prix du baril brut baisse, tandis que le prix à la pompe augmente. Deux possibilités : soit les énergéticiens se gavent sur le dos des Français et alors le refus de l'extrême gauche NUPES et de la majorité de voter notre proposition de taxation des super profits est une trahison ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
soit c'est vous, c'est-à-dire l'État, qui vous gavez et, en ce cas, vous et les vôtres êtes les artisans de la casse sociale ! À ce propos d'ailleurs, vous préférez avancer votre injuste réforme des retraites, prenant le risque de provoquer une nouvelle crise dans les raffineries et d'entraîner les Français vers de nouvelles pénuries ! Oui, vous jetez de l'huile sur le feu. Et ce sont les Français qui en font les frais.
Monsieur le ministre, quand admettrez-vous que l'unique solution à cette crise est la baisse de la TVA à 5,5 % sur l'essence, sur le fioul, sur l'électricité et sur le gaz comme le propose Marine Le Pen depuis des mois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La baisse de la TVA que vous proposez, outre qu'elle irait directement dans la poche des distributeurs et non des consommateurs, coûterait 12 milliards d'euros pour amortir l'inflation, là où cette majorité a dépensé près de 50 milliards d'euros avec le bouclier énergétique pour protéger les Français contre l'inflation.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Vous leur proposez quelques centimes d'euros et des miettes quand nous, nous leur proposons 180 euros à 200 euros d'économies en moyenne par mois sur leur facture de gaz et sur leur facture d'électricité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les Français jugeront où se trouvent la justice et l'efficacité ! Ils voient bien qu'elles sont de notre côté et du côté de cette majorité. C'est bien pourquoi nous avons, que vous le vouliez ou non, le taux d'inflation le plus faible de tous les pays de la zone euro depuis deux ans, que nous protégeons nos compatriotes contre l'augmentation des prix du carburant – si vous teniez tant cette remise de 30 centimes d'euros, il fallait voter le budget qui a permis de la financer – et que nous avons mis en place, à la demande de la Première ministre, une indemnité carburant travailleur qui, en quarante-huit heures, a été sollicitée par 1,3 million de nos compatriotes. Là aussi, justice et efficacité. Et c'est pourquoi nous garantissons un prix moyen de la facture d'électricité à 280 euros le mégawattheure pour toutes les très petites entreprises. Là encore, justice et efficacité. C'est aussi la raison pour laquelle que nous maintiendrons le bouclier énergétique en 2023 : il s'agit de protéger nos compatriotes. Justice efficacité contre l'inflation : voilà les résultats que je veux présenter à nos compatriotes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
Je vous rappelle que nous étions le seul groupe à demander la prolongation de la ristourne dans le budget pour 2023 !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, il y a un peu moins d'un an, nous découvrions avec stupeur la maltraitance subie par nos aînés dans certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au travers des révélations du journaliste Victor Castanet. Cette onde de choc, il faut le rappeler, a définitivement marqué un tournant. Face à la gravité des faits, j'avais immédiatement déclenché au sein de la commission des affaires sociales un cycle d'auditions, l'objectif étant de permettre à la représentation nationale de faire toute la lumière sur cette affaire en entendant l'ensemble des acteurs concernés, à commencer par les dirigeants du groupe mis en cause.
Ces travaux parlementaires ont abouti à un rapport dont les préconisations ont été entendues par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le renforcement des contrôles. Je remercie à ce sujet votre prédecesseure Brigitte Bourguignon…
…pour sa réactivité et son engagement, et je salue également votre action car je sais que vous veillez à la poursuite du plan de contrôle qui est prévu sur deux ans dans les 7 500 Ehpad existants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La majorité parlementaire, avec votre soutien, continue d'agir pour renforcer les moyens consacrés à la politique du grand âge, que ce soit au travers de la dernière loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit le recrutement de 50 000 professionnels en Ehpad, ou encore de la proposition de loi déposée par la majorité, un texte ô combien attendu et qui sera débattu dans les prochaines semaines.
Nous le savons : il reste encore beaucoup à faire pour pouvoir accompagner nos aînés dans la dignité. C'est notamment la conclusion du dernier rapport de la Défenseure des droits sur le sujet. Aussi, face aux défis qu'il nous faut relever, pourriez-vous dresser le bilan des actions menées depuis un an et exposer les mesures qui seront prochainement déployées ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, vous évoquez l'onde de choc causée par les révélations de Victor Castanet après l'enquête approfondie qu'il a menée : tous les Français s'en sont trouvés profondément scandalisés.
Mme Laure Lavalette s'exclame.
À cette prise de conscience collective ont succédé un certain nombre d'actions, que vous avez évoquées, lancées sur l'initiative des pouvoirs publics, en particulier de la commission que vous présidez – je vous en remercie.
Mme Laure Lavalette s'exclame de nouveau.
Le récent rapport de la Défenseure des droits nous permet de dresser un bilan de l'ensemble de ces actions. On compte d'abord parmi elles la régulation du secteur. Nous avons mis en place un plan de contrôle global de l'ensemble des 7 500 Ehpad dans les deux ans. Ainsi, près de 2 000 établissements ont d'ores et déjà été contrôlés et 700 d'entre eux ont déjà fait l'objet de contrôles approfondis – les inspections-contrôles – sur pièce et sur place, de façon inopinée ou programmée, ce qui a donné des résultats : 650 injonctions et recommandations et sept saisines du procureur de la République pour des faits de nature pénale. Évidemment, nous n'allons pas nous arrêter là. Je veux notamment insister sur trois points.
Premièrement : le taux d'encadrement dans les Ehpad. Nous avons lancé cette année le recrutement de 50 000 nouveaux professionnels dans ces établissements pour y renforcer le taux d'encadrement.
M. Jérôme Guedj s'exclame.
D'ailleurs, la proposition de loi qui sera défendue par la majorité sur ce sujet nous permettra d'aller plus encore plus loin.
Deuxièmement : la lutte contre la maltraitance, dont j'ai fait ma priorité. Il est question non seulement de libérer la parole et de renforcer les signalements et l'accompagnement des familles, mais aussi de veiller à la liberté des résidents des Ehpad. Vous pouvez compter en plus sur le lancement des états généraux dont je parlais tout à l'heure.
Troisièmement : nous devrons aller plus loin sur la régulation du secteur et sa moralisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame la Première ministre, votre réforme des retraites et votre méthode pour tenter de la faire passer en force marquent encore une fois votre mépris profond pour les travailleuses et les travailleurs de ce pays.
« Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Plusieurs députés des groupes GDR et Écolo – NUPES applaudissent également.
Oui, je parle de mépris, parce que c'est bien celui-ci qui a animé M. Macron lorsqu'en 2018 il a décidé de supprimer quatre facteurs de pénibilité sur dix.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Sa justification ? M. Macron n'aime pas le mot pénibilité ! Aujourd'hui vous faites semblant de vous intéresser aux conditions de travail des gens. Vous dites que vous allez faire un effort sur la prise en considération de la pénibilité et des facteurs que vous avez supprimés. Comment ? En instaurant une visite médicale obligatoire à partir de 61 ans, comme vous le proposez. Mais cela ne suffira certainement pas : il faut rétablir les points supprimés. Or vous vous y refusez !
Mêmes mouvements – MM. Olivier Faure et Julien Bayou applaudissent également.
Une chose est sûre : on n'a pas la même vie quand on est ministre ou haut fonctionnaire ou lorsqu'on est accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH), femme de chambre, livreur ou conducteur de bus !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Avez-vous la moindre idée de la difficulté de ces métiers essentiels ? Je crois que vous le savez, mais vous refusez d'en prendre compte. Avez-vous pensé à la santé, à la souffrance au travail, à l'espérance de vie de ceux qui exercent ces métiers ? Parce que oui, le travail abîme le corps : oui, on vit moins longtemps quand on est ouvrier ou employé.
Mêmes mouvements.
La solution n'est pas de repousser l'âge de départ à la retraite – cela ne se justifie même pas financièrement. La solution, c'est de choisir l'humain, de baisser le temps de travail, de rétablir les points de pénibilité supprimés et de partir à la retraite à 60 ans !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
En définitive, votre réforme des retraites exprime votre projet de société…
Vous voulez que les petites gens travaillent jusqu'à en mourir. Nous, nous voulons qu'ils vivent dignement de leur retraite !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Madame la députée, votre question me permet de revenir sur un aspect essentiel du projet de loi que nous défendons avec Mme la Première ministre, à savoir la prise en considération de la pénibilité.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Notez qu'il existe un compte professionnel de la prévention (C2P) qui regroupe six critères.
Mêmes mouvements.
Nous entendons en faciliter le fonctionnement. Nous allons notamment abaisser un certain nombre de seuils : actuellement, il faut travailler 120 nuits par an pour obtenir des points : désormais, il n'en faudra plus que 100. Et alors qu'il est requis jusqu'ici de travailler cinquante fois en équipes successives, trente fois suffiront à présent.
MM. Ugo Bernalicis et Louis Boyard s'exclament.
Nous déplafonnerons ce compte et créerons un congé de reconversion. Ainsi, le C2P sera plus efficace.
Vous avez également évoqué les trois critères ergonomiques : les postures pénibles, le port de charges lourdes et l'exposition aux vibrations.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Il est très difficile de les mesurer individuellement, ce qu'avait expliqué la décision de 2017.
Nous allons faire deux choses. Premièrement, nous travaillerons avec les branches professionnelles pour que les métiers les plus exposés à ce risque d'usure professionnelle qu'est la pénibilité puissent bénéficier d'accords de prévention. Au travers de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la sécurité sociale mobilisera 5 milliards d'euros pour financer des actions de prévention de la pénibilité.
Deuxièmement, nous agirons dans le cadre d'un volet réparations, avec un suivi médical renforcé des travailleurs, non pas à 61 ans, mais dès 45 ans .
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Cela implique des rendez-vous réguliers tout au long de la carrière qui permettront d'évaluer l'opportunité d'un départ anticipé pour ceux qui auront été exposés à l'usure et ne pourront plus travailler. C'est ce point d'attention aux plus fragiles et aux travailleurs exposés à la pénibilité, qui a guidé l'ensemble de nos travaux avec les organisations syndicales et patronales, comme avec les groupes politiques.
M. Éric Coquerel s'exclame.
Madame la députée, la plupart des questions que vous avez posées trouveront réponse dans le texte. Je suis sûr qu'à la lecture de celui-ci, une fois que le conseil des ministres l'aura transmis à l'Assemblée, vous y trouverez toutes les réponses à vos inquiétudes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anne-Laurence Petel applaudit.
Monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie, hier, lundi 16 janvier, les habitants de Seine-Maritime ont de nouveau connu un accident industriel d'ampleur : un incendie important s'est déclaré dans une cellule d'un entrepôt où étaient stockés 12 250 batteries ou éléments de batteries au lithium, pour ensuite s'étendre à la cellule voisine de l'entrepôt contenant 70 000 pneus. Un incendie, cela arrive, me direz-vous. Alors qu'est-ce qui cloche dans ce cas précis ? Le problème réside dans l'encadrement réglementaire de ce stockage. En effet, le stockage de batteries au lithium ne bénéficie pas d'une rubrique spécifique dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Autrement dit, un entrepôt de stockage de batteries au lithium est encadré exactement de la même manière qu'un entrepôt de volume similaire stockant plus de 500 tonnes de cartons. En l'espèce, il s'agissait de quelques milliers de batteries au lithium placées dans un entrepôt soumis à enregistrement – un régime d'autorisation très, voire trop simplifié – et sans que soit menée au préalable une étude complète de dangers ou une étude d'impact.
Monsieur le ministre délégué, vous et vos collègues n'avez que les mots « réindustrialisation de la France » à la bouche. Ne croyez-vous pas qu'il faudrait d'abord prendre au sérieux les enjeux de sécurité industrielle, notamment ceux qui sont liés à la transition énergétique, pour enfin permettre une réindustrialisation sûre pour l'environnement et les populations ? L'agitation législative, c'est bien pour la communication. Mais il faudrait aussi penser à laisser le temps nécessaire à vos services pour rédiger les arrêtés venant préciser la loi. Pour éviter de nouvelles catastrophes industrielles et mieux encadrer la montée en puissance des nouvelles technologies, quand comptez-vous adapter la réglementation des installations classées aux enjeux d'aujourd'hui, notamment au stockage de batteries ?
D'ailleurs, puisque vous évoquez sans arrêt la réindustrialisation, j'imagine que vous avez prévu une montée en puissance des moyens et des postes dédiés à l'inspection des installations classées, elle qui a justement pour objet d'éviter les accidents industriels !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Madame la députée, j'aimerais vous remercier sincèrement de souhaiter la réussite de la réindustrialisation de notre pays. C'est évidemment l'un des enjeux essentiels pour accomplir une transition écologique qui ne soit pas hypocrite, c'est-à-dire une transition qui ne consiste pas seulement à réduire nos émissions ici pour augmenter notre empreinte loin de chez nous.
La question de la sécurité industrielle est au cœur de nos préoccupations. Vous soulignez à juste titre la nécessité de mieux circonscrire les risques et d'accompagner ces activités économiques de façon adéquate. Nous avons vécu un drame à Lubrizol, en septembre 2019, à l'issue duquel deux trains de mesures ont été pris dans le courant de l'année 2020, en février puis en septembre. Nous avons notamment décidé d'un durcissement des règles qui s'appliquent aux sites classés ICPE – y compris à ceux qui sont seulement soumis à enregistrement –, d'un renforcement des contrôles et de l'augmentation des moyens en matière d'inspection, ce que vous appelez de vos vœux. Après avoir créé cinquante postes ces deux dernières années, nous allons de nouveau en créer vingt-cinq. En 2022, 21 % d'inspections supplémentaires ont été menées par rapport à 2018, et nous comptons bien les porter à plus de 50 %.
Notez qu'en vertu des règles de transparence, tous les rapports sont accessibles depuis le 1er janvier 2022. Dès la survenance d'un accident, la liste des produits stockés à l'intérieur des entrepôts est rendue publique en des termes intelligibles, de sorte à restaurer la confiance sur ces sujets tellement cruciaux pour assurer notre politique de réindustrialisation.
Vraiment, merci pour votre question et n'ayez aucun doute sur le fait que nous augmentions les moyens et durcissions les règles.
Madame la Première ministre, en mars 2020, à la suite d'une forte mobilisation sociale marquée par des grèves et des manifestations d'ampleur ainsi que par un passage en force à l'Assemblée par le biais d'un 49.3 et à l'aube d'une pandémie, le projet de réforme des retraites a été suspendu. Depuis trois ans, notre pays a connu une succession de crises : crise sanitaire, choc de la guerre en Ukraine, crise énergétique, pénurie de médicaments et de matières premières, inflation. Ce contexte, dont les médias se font le relais incessant, est particulièrement anxiogène : nombreux sont nos concitoyens qui expriment une grande lassitude.
Pourtant, le 23 janvier prochain, l'exécutif entend amorcer une nouvelle réforme des retraites reportant l'âge légal de départ à 64 ans, en dépit du refus unanime de l'ensemble des syndicats et d'un rejet exprimé par sept Français sur dix. Votre prétendue réforme est profondément injuste, car elle cible les salariés les plus modestes, notamment ceux qui ont commencé à travailler tôt et les actifs qui s'apprêtent à prendre leur retraite. Un report unilatéral de l'âge de départ à la retraite à 64 ans, sans mesure de justice sociale, apparaît brutal. Des inégalités en matière d'espérance de vie et de pénibilité au travail existent. Cette réforme est une atteinte aux droits des travailleurs, à qui l'on a demandé tant d'efforts, notamment pendant la crise sanitaire, et qui peinent à vivre dignement aujourd'hui en raison de la hausse des prix.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la Première ministre, trouvez-vous juste de demander à un ouvrier qui travaille dans une entreprise agroalimentaire, dans le froid, en horaires décalés et dont le corps est usé par la tâche, de travailler plus longtemps ? Entendez la souffrance de nos compatriotes qui ont déjà donné les plus belles années de leur vie à leur travail et qui aspirent enfin à profiter d'une retraite bien méritée !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Madame la députée, vous demandez s'il est juste qu'un ouvrier d'une entreprise agroalimentaire travaille plus longtemps, dans le froid, en exécutant des gestes répétitifs. Bien entendu, la réponse est non. C'est la raison pour laquelle nous avons, à l'issue des concertations menées avec les organisations syndicales, modifié le compte professionnel de la prévention (C2P). Pourquoi ? Pour diminuer le nombre de nuits travaillées et faire que, les gestes répétitifs étant mieux pris en compte, le salarié que vous citez en exemple puisse acquérir plus de points au titre de la pénibilité et ainsi partir plus tôt.
C'est la démonstration que l'augmentation progressive de l'âge légal de départ à la retraite, que nous entendons mettre en œuvre pour assurer l'équilibre du système, est bien accompagnée de mesures sociales visant à protéger les plus fragiles, c'est-à-dire ceux qui sont exposés à la pénibilité et ceux qui ont commencé à travailler plus tôt.
Concernant les carrières longues, un dispositif dédié permet le départ anticipé des individus qui ont commencé à travailler avant d'avoir 20 ans ; un autre, très peu utilisé, s'applique à ceux qui sont entrés dans la vie professionnelle avant 18 ans. Nous en créerons un troisième pour ceux qui, comme les apprentis, ont également commencé à travailler avant 18 ans.
Nous progressons sur chacun des éléments que vous avez évoqués et avançons les droits afin d'offrir un accompagnement adéquat et assurer que nous travaillons collectivement pour améliorer le système de retraites. Nous répondrons ainsi, j'en suis sûr, à vos inquiétudes.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe RE.
Je vous invite, monsieur le ministre, à venir passer une semaine dans ma circonscription, à la coopérative agricole et agroalimentaire (Cooperl). Vous verrez que ces salariés, à qui vous demandez de travailler quarante-quatre ans, sont pour 40 % d'entre eux inaptes à toute fonction dès qu'ils atteignent 55 ou 56 ans. Peut-être cela vous fera-t-il reconsidérer votre réforme !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur le garde des sceaux, la justice souffre d'une crise chronique qui désespère ses acteurs et mine la confiance qui devrait l'unir aux Français. Les citoyens ont le sentiment d'une justice trop lente qui ne prend pas le temps de les écouter, d'une justice laxiste qui ne prend pas le temps de les protéger. Tout comme le Président de la République, vous avez clairement pris la mesure du mal en présentant, il y a quelques jours, le plan d'action issu des états généraux de la justice. Il s'agit non pas d'un énième raccommodage, mais d'une véritable ambition opérationnelle et concrète, qui s'accompagne de moyens largement à la hauteur des enjeux. Les organisations professionnelles et syndicales de magistrats et d'avocats semblent ne pas s'y être trompées : elles saluent ces mesures, avec une vigilance que l'on doit néanmoins admettre.
Il faut dire que l'effort est tout bonnement historique, puisque la trajectoire budgétaire du ministère de la justice aboutira à une augmentation de 60 % à l'issue des deux quinquennats. Ces montants permettront d'achever la construction des 15 000 places de prison,…
…tout en créant 10 000 emplois supplémentaires et en revalorisant tous les métiers de la justice.
En outre, vous avez compris que le budget n'est pas tout, raison pour laquelle votre plan ratisse large : il prévoit une soixantaine de mesures, une organisation nouvelle du ministère, une révolution culturelle par le développement massif de la médiation en matière civile. Vous vous attaquez aussi à la refonte du code de procédure pénale, quand bien même elle se ferait à droit constant. Votre plan soulève de grands espoirs, que nous ne pourrons nous permettre de trahir. La représentation nationale s'y engagera, en se préservant, du moins je l'espère, des postures maximalistes stériles, pour placer la justice à la hauteur de la mission fondamentale qui est la sienne.
Pouvez-vous nous apporter les éléments de fond, de méthode et de calendrier qui nous permettront de faire aboutir, avec vous, cette grande ambition pour la France ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le député, trente ans d'abandon humain, budgétaire et politique, cela laisse des traces.
Nos compatriotes ont exprimé leur sentiment qu'en dépit de l'investissement sans faille des magistrats, des greffiers et des personnels administratifs, la justice est trop lente et complexe. Il faut les entendre, et cela nous oblige. Les professionnels de terrain consultés disent, quant à eux, qu'il faut des moyens supplémentaires, une simplification et une organisation nouvelle. Il faut les entendre, et cela nous oblige.
Commençons par les moyens. Qu'il me soit permis de remercier Mme la Première ministre : dans la feuille de route qu'elle m'a fixée, elle m'a demandé précisément d'être à l'écoute des acteurs de terrain. Le plan d'embauche est effectivement historique : 1 500 magistrats de plus – il s'agit de créations nettes –, 1 500 greffiers, des contractuels que nous allons pérenniser et institutionnaliser. Je le dis, certains ici n'ont pas voté les budgets relatifs à la justice. Je pense au RN et à LFI.
En cinq ans, nous aurons investi au total 7,5 milliards d'euros supplémentaires et embauché davantage de magistrats qu'au cours des vingt dernières années. Cet engagement historique prendra forme au printemps dans une loi de programmation.
En matière civile, nous développerons la médiation, pour que le juge se recentre sur son cœur de métier, que les avocats aient davantage de possibilités d'intervenir dans la médiation et que le citoyen se réapproprie la décision de justice. Toutes ces mesures relèvent du domaine réglementaire. En matière pénale, nous accomplirons un grand effort de simplification.
Au-delà des soixante mesures concrètes prévues dans le plan d'action…
…les délais seront divisés par deux.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre de l'intérieur, il est six heures quarante-cinq, mercredi, gare du Nord, lorsqu'un immigré en situation irrégulière s'en prend brutalement aux usagers. En témoignent les images insupportables où l'on voit une personne frappée, à une vingtaine de reprises, à l'aide d'un objet contondant. Ce criminel a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français (OQTF) – l'une en 2020, l'autre en 2022 – et a été condamné à plusieurs reprises, mais il est toujours là, en France, et en liberté.
Pour vous, l'immigration est une chance pour la France. Moi, je pense aux victimes, dont Alexandre, gardien de la paix affecté à la police aux frontières, qui a tenté de maîtriser le forcené à mains nues. Le carnage a pris fin grâce à l'intervention de deux policiers – l'un en service, l'autre en dehors de son service –, qui ont fait usage de leur arme à feu, touchant l'assaillant à trois reprises. Dites-moi donc, combien de victimes devrions-nous pleurer sans l'intervention de ces courageux policiers ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Une fois de plus, nous payons par le sang d'innocents la lâcheté des politiques sécuritaire et migratoire de ces quarante dernières années. Vous êtes tous responsables, gauche, droite et centre, soit par aveuglement idéologique, soit par naïveté, à moins que cela ne tienne à votre soumission à Bruxelles.
Signes d'approbation sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, entendez-vous, dans nos villes et nos campagnes, mugir ces féroces barbares ?
Exclamations sur de nombreux bancs.
Ils viennent jusque dans nos gares, poignarder vos fils et vos compagnes. Alors, aux armes législatives ! Comprenez bien que nous n'attendons rien d'autre que la loi, afin que la justice abreuve nos sillons. Quand déciderez-vous d'appliquer les 100 % d'exécution des OQTF, promesse faite par le Président de la République lors de sa campagne en 2017 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La modération de votre propos m'incite à ne pas vous répondre sur le même ton, car ce serait, me semble-t-il, faire insulte aux victimes, dont certaines – rien ne vous a amené à le penser – étaient étrangères.
Je me permets de souligner que, si les policiers ont pu intervenir en civil en faisant usage de leur arme, c'est grâce à une loi que le Front national n'a pas votée.
« Eh oui ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Il est tout à fait vrai que, si l'on avait écouté les représentants de Mme Le Pen lors de la discussion de la loi « sécurité globale » au cours de la précédente législature, il y aurait peut-être eu des morts à la gare du Nord, car vous auriez empêché les policiers de voyager et donc de pouvoir intervenir avec leur arme.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous n'avez pas voté non plus les budgets pour 2021 et 2022, sur le fondement desquels le ministère de l'intérieur a permis à ces deux policiers en civil qui revenaient de leur travail à la préfecture de police d'intervenir en moins d'une minute et d'interrompre l'action de l'assaillant. Si le Front national avait été au pouvoir, des actes beaucoup plus graves auraient sans doute été commis à la gare du Nord – telle est la vérité.
« Et les OQTF ? » et autres exclamations sur les bancs du groupe RN.
La vérité est très simple : vous jouez avec les peurs, alors que vous savez très bien que la personne concernée était d'origine libyenne et n'était pas expulsable du territoire national.
Vous entretenez depuis trop longtemps la démagogie sur cette question.
Parlons-en lors de l'examen de la loi « immigration ». Votez les textes qui permettent aux policiers d'intervenir, cessez de faire vos simagrées dans l'hémicycle et soyez enfin courageux devant les Français !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Madame la Première ministre, plutôt deux fois qu'une ! Trois ans après l'incendie de l'usine Lubrizol, un nouvel accident industriel a frappé ma circonscription. Or le moins que l'on puisse dire, c'est que nous n'avons rien appris de nos erreurs.
Un incendie s'est déclenché hier à seize heures trente dans l'entrepôt de Bolloré Logistics à Grand-Couronne : 12 000 batteries et 70 000 pneus ont brûlé toute la soirée. Aucune sirène n'a retenti et les premiers SMS d'alerte ont été envoyés une heure quarante-cinq après le début de l'accident. De nombreuses personnes n'ont absolument rien reçu. Des enfants se sont retrouvés dans la rue, à la sortie de l'école, exposés à l'immense nuage de fumée noire qui ne cessait de croître.
Après une analyse qui a conclu à l'absence des substances les plus mortelles, la préfecture de la Seine-Maritime a affirmé que cet accident n'aurait absolument aucun impact à court, moyen ou long terme sur la santé des personnes exposées. Toutefois, l'analyse d'autres substances demeure en cours et les rares études dont on dispose dans le monde sur les incendies de batteries au lithium montrent une toxicité sévère et déplorent précisément le manque de connaissances à ce sujet.
En outre, qu'en est-il de l'impact sur la centaine de pompiers qui ont été exposés plusieurs heures à l'acide fluorhydrique dégagé par le foyer ? Nous demandons qu'ils fassent l'objet d'un suivi médical en urgence. Depuis 2017, Emmanuel Macron ne s'est pas contenté de supprimer l'exposition aux substances chimiques dangereuses parmi les critères de pénibilité pris en compte pour la retraite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Bien sûr que cela a tout à voir !
Il a aussi supprimé quarante-huit postes à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). Malgré nos alertes, le Gouvernement a refusé d'augmenter les effectifs dans le budget pour 2023. En dépit de ce que vous avez indiqué précédemment, monsieur Béchu, il n'y a, depuis Lubrizol, qu'un poste et demi supplémentaire à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de Normandie. Voilà les augmentations d'effectifs !
Qui plus est, nous n'avons toujours pas de registres locaux des cancers, ce qui permettrait d'évaluer l'incidence réelle des cancers d'origine industrielle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
On ne cherche pas ce que l'on ne veut pas trouver, n'est-ce pas ?
Enfin, comment pouvez-vous justifier d'imposer, sans accompagnement social suffisant, une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dans la métropole de Rouen, au nom de la santé de ses habitants, alors que l'État répète depuis hier que la combustion pendant huit heures de 12 000 batteries et de 70 000 pneus n'a aucun impact sur la santé ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je tiens d'abord à saluer le courage de la centaine de pompiers qui a été déployée et s'est battue jusqu'au milieu de la nuit pour éteindre l'incendie qui s'est déclaré à seize heures trente-six, puis le feu qui a repris à trois heures du matin.
Nous avons appris de Lubrizol.
Dès le début de cet incendie, des mesures ont été prises et des moyens mobilisés. Ainsi, un grand nombre de substances – dioxyde d'azote, monoxyde de carbone, disulfure d'hydrogène, acide chlorhydrique, acide cyanhydrique, acide fluorhydrique – ont été testées et suivies en temps réel par les sapeurs-pompiers.
Dans le même temps, par mesure de précaution, nous avons laissé des balises sur plusieurs sites : à Elbeuf, au zénith de Rouen, à Saint-Étienne-du-Rouvray.
Des analyses poussées ont été conduites dans des laboratoires. Alors même qu'elles ont indiqué que nous ne disposions pas d'éléments, vous partez du principe que, puisqu'il y a une fumée d'origine industrielle, il y a problème et il y a mensonge. Certainement connaissez-vous mieux les choses que les experts et êtes-vous beaucoup plus puissants que les pompiers !
On vous avait dit de ne plus faire de barbecues, madame Rousseau ! Toute cette fumée dans les jardins…
Je ne comprends pas comment on peut jouer ainsi sur les peurs ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
alors que l'État, les inspecteurs et la Dreal ont mis en œuvre l'ensemble de ces mesures. Le Bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) est sur place, à ma demande, pour déterminer l'origine du sinistre et les raisons pour lesquelles nous en sommes là. Franchement, il n'est pas responsable de tweeter pendant l'événement en laissant penser aux gens, au mépris de ce que disent les autorités, que nous faisons face à un risque imminent.
La préfecture et la mairie ont donné des informations contradictoires ! Heureusement que nous étions là !
Ce n'est pas responsable. Trouvez un autre moyen d'augmenter votre nombre d'abonnés sur Twitter !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Huées sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, l'annonce par La Poste de la suppression du timbre rouge provoque une grande inquiétude. Si le constat d'une baisse du volume du courrier correspond à la réalité, cette décision, dont la seule motivation est la rentabilité économique, méconnaît toutefois l'impact sur les usagers.
Avec la dématérialisation des envois, cette réforme inflige en particulier aux territoires ruraux et ultramarins une double peine. Elle ne tient pas compte des centaines de zones blanches dépourvues de réseau mobile ou de débit internet. Elle ne tient pas compte non plus de la fracture numérique qui affecte toute une partie de la population, en premier lieu les personnes âgées et les plus précaires. Selon l'Insee, plus de 13 millions de Français sont concernés.
Elle pose en outre le problème du secret de la correspondance et rend désormais impossible l'envoi en urgence de chèques ou de feuilles de soins à la sécurité sociale. Numériser et déshumaniser, c'est autant de coups de boutoir qui éloignent petit à petit l'État de citoyens déjà touchés dans leur quotidien par le démantèlement des biens essentiels : l'énergie, La Poste, les services publics en général, la mobilité, la santé. Or, pour maintenir notre cohésion sociale et prévenir la montée de la colère et du désespoir, il est nécessaire de ne pas ajouter de la fracture à la fracture.
La disparition du timbre rouge pose la question de la place de la ruralité et de l'outre-mer dans l'élaboration des politiques publiques. Le 9 septembre dernier, le Gouvernement a attribué 1 million d'euros à 200 chercheurs dans le but d'analyser les grands enjeux auxquels feront face les territoires ruraux. Je peux vous répondre que la préservation des services publics et du lien social ainsi que la réduction de la fracture numérique font partie des priorités.
Allez-vous enfin prendre en considération les besoins des populations en préservant le double usage dans cette réforme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Vous interrogez le Gouvernement sur les évolutions de la politique de distribution de courrier de La Poste. Je souhaite vous apporter quelques précisions. Tout d'abord, les timbres rouges achetés avant le 1er janvier 2023 restent parfaitement utilisables après cette date.
Ensuite, comme vous l'avez mentionné, nous assistons à une évolution importante des usages du courrier. Nos concitoyens ont fait bouger leurs habitudes avec cinq envois prioritaires en moyenne par an et par ménage en 2021 contre quarante-cinq en 2010. Ce constat frappant a entraîné une évolution de l'offre de La Poste avec la mise en place de la e-lettre rouge. Elle ne minimise pas la présence du facteur, six jours sur sept, sur tout le territoire, pour l'ensemble des activités de distribution de La Poste.
Par ailleurs, La Poste maintient une offre d'envoi de courrier fiable et rapide avec la Lettre Services Plus et la lettre verte, que nous connaissons tous : elles arrivent à destination respectivement deux et trois jours après l'envoi.
Vous avez mentionné le fait que la numérisation ne devait pas conduire à une déshumanisation. C'est pour cela que les agents de La Poste continuent d'accompagner, dans chaque bureau, tous les usagers qui auraient besoin d'un envoi prioritaire dans le cas où ils seraient en difficulté avec le numérique et ne pourraient pas envoyer le courrier depuis chez eux. C'est un engagement fort de La Poste. Il s'agit d'une transformation importante, je le conçois, qui s'adapte aux nouvelles habitudes des Français et garantit un service à tous les niveaux, physique comme dématérialisé.
Enfin, j'ajoute que le motif économique n'est pas le seul. En effet, grâce à cette mesure et au développement de la e-lettre rouge, La Poste économisera plus de 60 000 tonnes de CO
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, la loi Pacte – relative à la croissance et à la transformation des entreprises – de 2019 a institué un guichet unique permettant aux entreprises de réaliser l'ensemble des formalités juridiques nécessaires à leur vie courante, en remplacement d'une multitude d'acteurs. Cette simplification, qui était attendue par les entreprises, doit être saluée et soutenue. Au mois de juillet 2020, l'INPI – Institut national de la propriété industrielle – a été désigné comme opérateur de ce guichet unique. Après une période de tests en 2022, un certain nombre de dysfonctionnements ont été constatés ; ils ont conduit, au mois de décembre 2022, à l'activation de la procédure dite de secours réactivant la présence de multiples opérateurs. À ce jour, malgré les efforts importants réalisés par l'ensemble des acteurs du secteur, ces dysfonctionnements persistent, nuisant à l'agilité et à la réactivité dont les entreprises doivent être capables de faire preuve dans une période qui peut être difficile et durant laquelle des formalités juridiques sont souvent nécessaires pour assurer leur protection, celle des emplois et celle de leurs dirigeants.
Madame la ministre déléguée, je sollicite donc de votre part des précisions sur les mesures envisagées pour ce guichet unique, très attendu par les entreprises et par leurs conseils auxquels il rend un service utile.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Vous m'interrogez sur le guichet unique et sur le registre national des entreprises institués par la loi Pacte votée dans cet hémicycle le 22 mai 2019.
Un seul centre de formalités au lieu de six, un seul formulaire au lieu de cinquante-six, un guichet numérique au lieu de 70 % de démarches papier, la gratuité de l'accès aux données du registre national des entreprises : oui, c'est un effort de rationalisation, de simplification et de lisibilité qui a prévalu dans la décision, prise par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de maintenir la date limite fixée par le législateur il y a maintenant trois ans. Bruno Le Maire aurait pu la décaler, mais l'engagement a été tenu et, au 1er janvier 2022, le calendrier a été respecté. Près de 110 000 formalités de création avaient été enregistrées à la veille de la bascule : le portail de l'INPI a pu intégrer les formalités de modification dès le 1er septembre 2022 et, quinze jours après l'ouverture du guichet unique, malgré des difficultés sur lesquelles je reviendrai, plus de 80 000 formalités de création avaient été effectuées. C'est autant en deux semaines que tout au long de l'année 2022 avec l'ancien mode de fonctionnement.
En dépit d'une attaque informatique que vous n'avez pas mentionnée mais que je tiens à rappeler, le site a tenu bon et le système d'information n'a pas été mis à mal. Toutefois, l'attaque l'a clairement ralenti et elle a rendu indisponible la modification des formalités – et non pas leur création, laquelle fonctionne toujours ; c'est un point sur lequel nous devons nous améliorer. Bruno Le Maire a engagé avec l'INPI une discussion assez ferme en vue d'améliorer, dès les prochaines semaines, ce qui doit encore l'être concernant la modification des formalités. Ce travail sera réalisé d'ici à la fin du mois de février. C'est un engagement du ministre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué Jean-Noël Barrot. Alors que vous demandez tous les jours aux Français de se serrer la ceinture, force est de constater que les services publics ne sont pas à la hauteur de l'effort financier des contribuables. Un rapport du Sénat de 2020 tirait déjà la sonnette d'alarme, constatant que les centres des impôts s'éloignaient, que la dématérialisation engendrait des coûts abominables, que tout revenait à la charge des collectivités et que l'accès aux soins se dégradait. Et finalement, rien.
Récemment, La Poste, en plus d'augmenter le prix du timbre, a pris la décision de réinventer le fax pour pallier ses problèmes de distribution, s'éloignant toujours plus des gens, en particulier des personnes âgées, et créant une grande insécurité sociale. Dans les Bouches-du-Rhône, les Gardannais sont inquiets de la nouvelle expérimentation de La Poste consistant à changer chaque jour les trajets en fonction du courrier à répartir dans les boîtes aux lettres. Pour l'instant, ce sera un jour sur deux : pourquoi pas ? Mais après, ce sera une fois par semaine. Faudra-t-il un jour aller chercher soi-même son courrier ?
À Marseille, les 2 500 habitants de La Bricarde ne reçoivent plus de colis depuis sept ans, ni de lettres depuis près d'un an. La Poste a pris cette décision pour ses agents en raison de l'insécurité grandissante de cette zone, entre trafic de stupéfiants et enlèvements en plein jour. Eh oui, l'écroulement des services publics à Marseille est aussi lié à un problème d'insécurité ! À force de retirer les services publics dans les quartiers nord, les habitants se sentent non pas comme des citoyens à part entière, mais comme des citoyens de seconde zone. Quand les services fuient ou ferment, c'est l'État qui fuit. Face à la disparition des pouvoirs publics à Marseille, les habitants s'organisent. Dimanche dernier, sur le boulevard National, l'association « 1 déchet par jour » remplaçait les services en ramassant les déchets. Sur le front de la cité des Campanules, face à l'absence de l'État, les habitants résistent eux-mêmes en montant la garde avec les vigiles du bailleur pour déloger les dealers.
Alors, monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour garantir l'accessibilité des services publics ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Votre question porte sur la présence des services publics dans les territoires. Vous sous-entendez, au fond, qu'il y aurait un désinvestissement des services publics, ce qui est absolument le contraire de la politique menée par ce Gouvernement.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Comment pouvez-vous dire que nous désinvestissons les services publics quand, au contraire, nous ouvrons des espaces France Services :
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
2 600 d'entre eux sur le territoire, conformément à l'engagement du Président de la République ? Désormais, à moins de trente minutes de chacun de nos concitoyens, il y a un service public disponible, matérialisé et assuré par des hommes et des femmes que je salue.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vous avez parlé de sécurité : comment pouvez-vous dire que cette majorité désinvestit les services publics quand, au contraire, nous réengageons du personnel en réinvestissant massivement dans les postes de policiers ?
Ainsi, 10 000 policiers supplémentaires sont prévus au cours du quinquennat, grâce à des budgets que le Rassemblement national ne vote pas.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Loin des discours et des agitations de l'hémicycle, nous agissons pour réinvestir dans les services publics.
MM. Sylvain Maillard et Laurent Croizier applaudissent.
Vu de Matignon ou de l'Élysée, on a souvent l'impression que les outre-mer sont un endroit de carte postale avec les plus beaux lagons, les plus belles plages, Arianespace et 98 % de la biodiversité. Toutefois, à l'envers de cette carte postale, on trouve les populations les plus pauvres de France, une espérance de vie inférieure de six ans à celle de l'Hexagone, des pensions de retraite inférieures de 15 à 17 % en moyenne à celles touchées dans l'Hexagone, un taux de pauvreté chez les retraités lui aussi beaucoup plus élevé, des conditions d'emploi des femmes déplorables, une précarité de l'emploi et des carrières hachées trois fois supérieures à celles que l'on trouve dans l'Hexagone. On trouve également des victimes de la chlordécone et des conséquences des essais nucléaires, dont les carrières sont arrêtées soit parce qu'elles décèdent, soit parce qu'elles deviennent invalides.
Au lendemain de l'examen du projet de réforme des retraites par le Conseil d'État, j'ai deux questions relativement simples. Première question : le dossier transmis au Conseil d'État contient-il, comme on pourrait s'y attendre, une sérieuse étude d'impact sur les effets de la réforme dans les outre-mer ? Seconde question : quelles concertations préalables, quel dialogue, quelle discussion collégiale ont eu lieu avec les corps intermédiaires, les exécutifs locaux et les élus, comme cela a été annoncé pour l'Hexagone ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Christian Baptiste applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
On peut tomber d'accord sur plusieurs des diagnostics que vous avez posés concernant l'impact sur la santé d'un certain nombre de paramètres dont la fréquence est plus élevée dans certains territoires ultramarins et qui peuvent avoir des effets sur l'espérance de vie. Votre question, si je la comprends bien, est la suivante : étant donné que l'espérance de vie et le milieu professionnel sont différents dans certains territoires ultramarins, serait-il bon d'adapter la future réforme des retraites pour ces territoires ? Si c'est bien cela, j'ai quelques éléments de réponse à vous apporter.
Tout d'abord, toutes les réformes des retraites, depuis la création de la sécurité sociale, ont été appliquées de manière uniforme sur l'ensemble du territoire de la République, que ce soit en métropole ou dans les territoires ultramarins. Ainsi, la durée de travail est la même dans les Antilles, en Guyane, à La Réunion et en métropole. Il n'y a pas lieu de penser spontanément un fonctionnement différent cette fois-ci, puisque tout le système de travail, ainsi que le système de financement par les cotisations et les versements des pensions de retraite, a été établi pour fonctionner de manière uniforme sur l'ensemble du territoire.
Vous interrogez ensuite le Gouvernement sur l'état des concertations avec les élus, notamment avec ceux des territoires. À l'issue de la phase de concertation avec les syndicats et les partenaires sociaux, conduite sous l'égide de la Première ministre et du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, nous sommes entrés dans une phase d'échanges avec la population française pour lui expliquer pourquoi nous voulons cette réforme, pourquoi elle est nécessaire et pourquoi nous y avons prévu un grand nombre d'amortisseurs. Des échanges auront lieu au Parlement, où vous représenterez la Polynésie française au sein de l'Assemblée nationale et où vous pourrez, si vous le souhaitez, amender le texte, en espérant que les conditions d'examen le permettent.
Il y a des échanges à tout va : des réunions publiques sont organisées avec les élus dans tous les territoires, dans ceux des outre-mer comme dans ceux de la métropole. La réforme des retraites s'appliquera à tous les Français. Il y va de l'avenir du système de retraite dont bénéficie la totalité des Français.
Merci pour votre réponse, monsieur le ministre délégué. Je pense que l'uniformité de la réforme est précisément là où le bât blesse.
Après tout, depuis la réforme de 2003, il existe dans la Constitution un beau principe, celui de la spécificité législative. Proposer en 2023 une taille unique n'a pas de sens. Il faut tenir compte du fait que les conditions sont différentes dans les outre-mer et dans l'Hexagone. Il faut discuter, il faut dialoguer.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – MM. Elie Califer et Christian Baptiste applaudissent également.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le tribunal administratif de Strasbourg vient d'annuler l'autorisation donnée par le préfet du Haut-Rhin de poursuivre les travaux de confinement des déchets de Stocamine entreposés depuis plus de vingt ans dans les galeries d'anciennes mines. Cette décision du tribunal intervient après les nombreuses requêtes des associations, ainsi que celles des élus de la collectivité européenne d'Alsace. Cette nouvelle décision judiciaire, conforme aux précédentes, nous rappelle la gravité du dossier et le degré élevé de responsabilité de ceux qui ont enfoui sous la nappe phréatique d'Alsace, la plus grande d'Europe, des déchets toxiques qui menacent notre ressource en eau.
La particularité de ce dossier réside dans notre incapacité à garantir l'absence de pollution en cas de confinement définitif des déchets. La complexité du gruyère minier hérité de l'exploitation de la potasse, associée au caractère sismique de la région, rend quasi impossible l'élaboration de scénarios prédictifs. Si on ajoute à la toxicité complexe des déchets leur effet cocktail en cas de contact avec les eaux, il est impossible aujourd'hui d'écarter le risque d'une pollution grave. Une seule chose est certaine, et prévue d'ailleurs par l'ensemble des études : l'ennoyage des galeries et, du même coup, la mise en contact des déchets et de l'eau infiltrée depuis la surface.
La parole de l'État est en jeu, car il s'était engagé sur la réversibilité de ce stockage souterrain. Il faut en finir avec l'immobilisme dans lequel s'est réfugiée l'administration. Tous les ministres successifs se sont prononcés en faveur du confinement et ont renoncé au déstockage. Mais tous ont été désavoués par la justice. Monsieur le ministre, il est urgent de déstocker ! Après la nouvelle décision du tribunal, répondrez-vous à l'attente unanime d'un déstockage de ces déchets dangereux ? La population alsacienne mérite plus que jamais d'être entendue. Son avenir est en jeu.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Il existe bien des dossiers complexes, mais celui-là l'est tout particulièrement.
Il remonte en effet à 1999 et à la fin de l'exploitation d'une mine de fer, choisie pour enfouir des centaines de milliers de tonnes de déchets. Après que 50 000 tonnes eurent bel et bien été enfouies dans cette mine, un incendie a interrompu le processus en 2002. Vous l'avez dit, avant même l'incendie, au moment où Stocamine, cette « mine au service de l'environnement », a été lancée, les documents de présentation du projet expliquaient que le processus pourrait être réversible, sans exclure toutefois le maintien définitif du projet. C'est Ségolène Royal, alors ministre de l'écologie, qui, en 2014, a décidé l'extraction des déchets les plus solubles et les plus susceptibles de pénétrer la nappe phréatique, notamment ceux qui contenaient du mercure, ainsi que le confinement des autres déchets. Ce confinement a été confirmé depuis lors, en particulier parce que les parois de la mine se referment sur elles-mêmes progressivement. Pour éviter les contaminations que vous avez décrites, il faut calfeutrer, boucher et confiner la mine.
Nous savons que ce phénomène de convergence sera achevé en 2027. La question est donc de savoir si d'autres déstockages seront possibles d'ici là. Avant même la récente décision de justice, j'ai demandé à mes services de tirer la situation au clair. Le directeur général de la prévention des risques (DGPR) se rendra sur le site dans quelques jours et je vous recevrai début février avec les élus alsaciens pour faire le point. Je tiens cependant à être clair : le confinement est inéluctable.
Il n'existe pas d'autre solution. Affirmer qu'un déstockage total est possible serait mentir aux gens.
Monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie, vendredi dernier, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire du groupe Place du Marché, ex-Toupargel, qui emploie plus de 1 900 salariés sur 127 plateformes en France. Le site le plus important en matière d'emplois est celui d'Argentan, dans l'Orne, avec près de 90 salariés. Vous pouvez l'imaginer, cette liquidation est un véritable coup de massue non seulement pour les personnels, qui voient leur vie bouleversée en quelques jours, mais aussi pour le territoire d'Argentan, qui a encore une économie fragile après la désindustrialisation massive des années 2000.
À l'initiative du préfet de l'Orne, une réunion réunissant le mandataire, les représentants du personnel, les élus locaux, Pôle emploi et les services de l'État a été organisée hier afin de faire le point sur les mesures collectives et individuelles prévues pour les 1 900 salariés du groupe. Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) va être déclenché dans le cadre de la procédure « grands licenciements ». Toutefois, lors de ce rendez-vous, il a été précisé qu'aucune indemnisation supralégale n'était prévue. Cette nouvelle a été très mal vécue par les salariés, qui se sentent trahis et humiliés alors qu'ils ont fait des efforts considérables pour relever l'entreprise. Malgré la fermeture annoncée, le tribunal ayant constaté qu'il n'y avait pas de repreneur, les salariés ont préparé les produits jusqu'au bout : ils les ont classés et mis sur des palettes afin qu'ils puissent être valorisés financièrement par le liquidateur.
Il est impératif de trouver un moyen de réparer cette injustice et d'obtenir des indemnités supralégales pour ces salariés, d'autant qu'ils seront certainement les premiers à être concernés par la réduction progressive des indemnités chômage. Nous avons besoin que le Gouvernement fasse pression sur les actionnaires afin qu'ils abondent le PSE ou la trésorerie pour permettre le versement d'indemnités supralégales à ces personnels. Cette demande est d'autant plus légitime que les deux actionnaires principaux, Léo et Patrick Bahadourian, sont à la tête de l'enseigne florissante Grand Frais, qui dégage suffisamment de bénéfices depuis des années pour leur permettre ce geste vis-à-vis des 1 900 collaborateurs qu'ils laissent aujourd'hui sur le carreau !
Monsieur le ministre délégué, pouvons-nous compter sur vous et sur le Gouvernement pour aider les sites du groupe Place du Marché, notamment ceux de l'Orne, à être réindustrialisés et pour accompagner leurs salariés en obtenant pour eux des indemnités supralégales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Nury, je vous remercie pour cette question qui me permet d'aborder la situation difficile de l'entreprise Place du Marché, ex-Toupargel, qui date de plus de soixante-quinze ans, puisqu'elle a été créée en 1947, et dont la liquidation judiciaire a malheureusement été prononcée le 11 janvier dernier.
Vous le savez, nous avons aidé cette entreprise au mois de juin dernier par l'adoption d'un prêt garanti par l'État (PGE) de plus de 35 millions d'euros. Avec l'actionnaire, nous avons tenté alors de restructurer l'entreprise et d'accélérer sa transition vers le web. Je rappelle qu'elle proposait des livraisons à domicile, principalement par téléphone, ce qui n'était plus tout à fait en phase avec les pratiques actuelles. Il faut le reconnaître, ce virage a été un échec et l'entreprise a été liquidée. Vous avez raison, la priorité absolue aujourd'hui doit être l'accompagnement des salariés.
Sachez, tout d'abord, que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier Dussopt, a décidé de déployer une procédure particulière, que vous avez mentionnée, pour permettre à un cabinet spécialisé d'accompagner chaque salarié dans un processus de formation et de retour à l'emploi, ce qui paraît essentiel dans le cadre d'un plan de liquidation dont l'impact social est important.
En ce qui concerne, ensuite, la partie financière du dossier, les procédures sont malheureusement très encadrées. L'opération se déroule sous l'autorité du tribunal de commerce, qui ne peut pas bonifier le PSE et qui est contraint par le régime de garantie des salaires AGS – assurance garantie des salaires. Les actionnaires peuvent cependant décider de bonifier eux-mêmes le PSE, vous l'avez souligné. Je vous confirme que l'administrateur judiciaire a écrit aux actionnaires pour le leur demander et que j'ai demandé à mes services de faire de même. La balle est dans leur camp et j'espère qu'ils répondront positivement à ces deux initiatives !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le garde des sceaux, j'associe mon collègue David Valence à ma question.
Nous avons tous été bouleversés par la disparition du jeune Lucas le 7 janvier dernier et je veux rendre hommage à ce garçon de 13 ans, victime de harcèlement en raison de son orientation sexuelle. Mes pensées vont à sa famille et à ses proches.
Bien que l'enquête soit toujours en cours, ce tragique événement nous rappelle combien la lutte contre le harcèlement est une priorité. Petits et grands, hommes et femmes, personnalités publiques ou non, comme l'a rappelé la chanteuse Hoshi, un trop grand nombre de Françaises et de Français, en particulier chez les jeunes, sont confrontés à ce fléau, à l'école ou en ligne. Notre mobilisation doit être totale. Depuis plus de cinq ans, les députés de la majorité ont fait de la lutte contre le harcèlement, en particulier contre le cyberharcèlement, l'un de leurs principaux combats. Je pense notamment à la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, au projet de loi confortant le respect des principes de la République, mais aussi aux dispositifs de sensibilisation créés au sein des établissements scolaires.
Après la sensibilisation vient le temps de l'action. Rappelons que c'est ce gouvernement qui, pour la première fois, a mobilisé une part importante des forces du ministère de la justice autour de la lutte contre le cyberharcèlement. Il nous reste évidemment beaucoup à faire et je sais, monsieur le garde des sceaux, que vous êtes pleinement engagé à nos côtés. Quels sont les moyens mis à disposition de la justice afin de lutter efficacement contre le cyberharcèlement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le suicide de cet enfant de 13 ans nous laisse sans voix. D'ailleurs, les mots sont dérisoires. Comme vous, j'ai une pensée émue pour sa famille. Vous l'avez rappelé, une enquête judiciaire est en cours et je ne peux naturellement pas la commenter. Ce que je peux dire, en revanche, c'est que le harcèlement à raison de l'orientation sexuelle et l'homophobie n'ont strictement rien à faire dans notre République.
Tous ensemble, nous devons lutter contre ces phénomènes.
Dès mon arrivée au ministère de la justice et dans la foulée de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, la loi Avia, j'ai créé le pôle national de lutte contre la haine en ligne.
Depuis, 1 000 procédures ont été engagées avec succès. Les plus connues d'entre elles concernaient l'affaire Mila, l'affaire Miss Provence, harcelée en raison de son identité juive, et l'affaire Eddy de Pretto. L'affaire Hoshi est toujours en cours : cette chanteuse est poursuivie par je ne sais quelle vindicte du fait de ses prises de position.
Nous fêterons bientôt les deux ans du pôle national de lutte contre la haine en ligne, qui travaille étroitement avec la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), ce dont je remercie le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Nous avons également fait en sorte que ces affaires soient jugées en comparution immédiate. Je me rendrai prochainement au pôle national de lutte contre la haine en ligne pour savoir quelles améliorations nous pouvons apporter à son fonctionnement.
À ceux qui nous écoutent, je veux dire qu'il faut déposer plainte en cas de cyberharcèlement. La justice ne peut pas s'autosaisir et, souvent, elle n'est pas au courant des faits. Nous continuerons de renforcer le dispositif de lutte contre la haine en ligne. L'anonymat derrière l'ordinateur, cela suffit ! Les tweets peuvent blesser et tuer. Nous devons faire preuve de la plus grande vigilance pour éviter que le cyberharcèlement ne provoque de nouvelles tragédies.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR et sur quelques bancs du groupe SOC.
Cet été, nous avons décidé collectivement de répondre à une demande essentielle des personnes en situation de handicap. Tous ensemble, à l'exception d'un élu de la majorité, nous avons adopté la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES – M. Nicolas Thierry applaudit également
et permis ainsi de mettre fin à des situations injustes de dépendance au sein des couples. La revalorisation de 4 % de cette aide a également été décidée pour compléter la mesure, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Rappelons néanmoins que le plafond de l'AAH est de 956 euros et qu'il reste inférieur au seuil de pauvreté, que la revalorisation accordée est également inférieure au taux d'inflation et que la déconjugalisation ne prendra effet qu'à compter du 1er octobre 2023. Nous devons aller plus loin et agir dès maintenant !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le Gouvernement a évoqué des difficultés administratives pour expliquer le délai d'application de la déconjugalisation de l'AAH. Bien que nous n'ayons pas encore été appelés à voter sur le texte relatif à la réforme des retraites, vous prévoyez pourtant de l'appliquer dès l'été prochain : je suis toujours surprise de la facilité et de la rapidité avec lesquelles le Gouvernement ponctionne les classes populaires et les classes moyennes ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ainsi que de la difficulté qu'il a à redistribuer aux plus fragiles de nos concitoyens.
Madame la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, je peux choisir de vous faire confiance et de croire qu'on ne pourrait pas raccourcir ce délai malgré votre bonne volonté, mais c'est à vous, en répondant à ma question, de me montrer que j'ai raison de le faire. Donnez un effet rétroactif à la déconjugalisation, aidez dès maintenant nos concitoyens en situation de handicap !
Puis-je avoir confiance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Avec votre question, vous semblez remettre en cause une disposition adoptée par le Parlement, c'est-à-dire l'application de la déconjugalisation à compter du mois d'octobre 2023. Vous savez pourtant que ce délai a été fixé pour une raison simple : si nous ne l'avions pas fait, 50 000 personnes n'auraient pas pu bénéficier de la déconjugalisation de l'AAH.
Avec le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, Jean-Christophe Combe, nous avons organisé des réunions d'échange avec les députés de tous les groupes parlementaires au mois de décembre dernier. Ils nous ont permis de confirmer que nous sommes dans les temps s'agissant de l'application de la loi. Les décrets publiés le 28 décembre dernier permettront l'application de l'AAH déconjugalisée selon un mode de calcul automatique. Les gagnants n'auront aucune démarche à accomplir. Quant aux perdants, le mode de calcul leur permettra de conserver leur AAH. Le dispositif sera piloté par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
Vous le voyez, le sujet est complexe parce qu'il renvoie à des situations très diverses. La mise en œuvre du dispositif par les caisses d'allocations familiales demande par ailleurs de revoir l'architecture numérique du système, ce qui prendra du temps : en effet, elles ne sont pas habituées à un tel fonctionnement puisque les prestations qu'elles versent par ailleurs sont toutes conjugalisées.
Si nous avons proposé cette date du 1er octobre, c'est donc uniquement en raison de considérations techniques et je veux rassurer tout le monde : nous la respecterons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Valérie Rabault.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à défendre un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins (n° 440).
Face au dérèglement climatique et à l'effondrement de la biodiversité, la prise de conscience de notre destin écologique commun est impérative et doit prescrire la ligne de conduite que nous adopterons. C'est une question morale mais qui engage aussi la survie de notre espèce, à l'heure où de grands périls nous menacent. Le comprendre et faire de cette indépassable réalité la boussole de notre action publique, c'est s'apprêter à faire en cascade une série de choix radicaux qui conduisent, en vérité, à changer de modèle.
Par conséquent, le vote de cette proposition de résolution demandant un moratoire sur l'exploitation minière de nos fonds marins est crucial pour notre futur à tous.
La résolution que j'ai l'honneur de défendre a été signée par 170 députés, issus de neuf groupes politiques. .
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE. – M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, applaudit également
Cette diversité est une force, un point d'appui qui démontre la justesse de notre cause. Je remercie mes collègues d'avoir dépassé les clivages qui traversent notre assemblée…
…et d'avoir rendu possible la constitution d'un front commun pour la protection de l'océan.
Cette proposition de résolution a des racines citoyennes. Elle doit beaucoup à la mobilisation et au travail de nombre d'ONG et de scientifiques, qui nous ont alertés et accompagnés. Je tiens à leur dire que leur engagement est précieux, car leur travail est vital. Sans eux, nous n'en serions pas là. Ensemble, nous refusons de voir notre plus grand puits de carbone perturbé et endommagé. Nous sommes réunis pour préserver ce que le commandant Cousteau appelait jadis le monde du silence. Eh bien, à ce monde du silence, nous prêtons nos voix pour que, partout où il peut l'être, soit entendu un message simple : les fonds marins doivent être protégés !
La question des fonds marins est un enjeu de civilisation. En effet, ce qui se joue dans cette bataille que nous menons de concert n'est autre, en définitive, que notre rapport au vivant. La question qui se pose est la suivante : voulons-nous continuer de détruire la vie ou sommes-nous collectivement capables de nous raisonner et de décider que tout ne relève pas de la course au profit ? À cette question, notre proposition de résolution tend à apporter une réponse claire : les ressources présentes sous le plancher océanique ne sauraient être un nouvel eldorado à conquérir. Nous ne sommes pas naïfs et connaissons les intérêts économiques colossaux qui sont en jeu. Nous affirmons néanmoins qu'ils ne peuvent peser davantage que notre survie.
L'adoption précipitée d'un code minier et l'approbation de contrats d'exploitation constitueraient une grave menace pour l'océan. À ce jour, seuls 20 % des grands fonds marins ont été cartographiés. Nous connaissons mieux la surface de la Lune que le fond de l'océan. La connaissance très limitée de ce milieu, très différent des écosystèmes terrestres, rend plus que périlleuse toute exploitation minière. La France doit s'y opposer et tenir son rang en se faisant le leader de la protection des fonds marins. C'est le sens de cette proposition de résolution.
En juin dernier, lors de la conférence des Nations unies sur les océans, Emmanuel Macron déclarait qu'il fallait « élaborer un cadre légal pour mettre un coup d'arrêt à l'exploitation minière des fonds en haute mer ». Puis, au lendemain du dépôt du présent texte, le Président de la République annonçait en direct de la COP27 que la France s'engageait en faveur de l'interdiction de l'exploitation minière des fonds marins. Nous pouvons nous en féliciter et il faut maintenant que la France aille au bout de ce chemin.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, RE, Dem et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – M. le président de la commission applaudit également.
Mes collègues signataires des différents groupes et moi-même enjoignons donc le Gouvernement à voter contre l'adoption, par l'AIFM – Autorité internationale des fonds marins –, du règlement pour l'exploitation minière et de tout contrat d'exploitation qui interviendrait à partir de juillet 2023. S'il devait être adopté, un tel cadre réglementaire donnerait le feu vert à l'exploitation minière des fonds marins, ce à quoi nous ne saurions souscrire. Nous demandons en outre au Gouvernement de lancer un processus de révision et de réforme de l'AIFM, afin d'en changer la structure et le fonctionnement et ainsi de garantir un processus décisionnel et réglementaire transparent, responsable et respectueux de l'environnement.
À ceux qui nous disent que notre combat est perdu d'avance, nous répondons que leur pessimisme est un renoncement. Notre pays, quand il écoute la voix de sa conscience davantage que celle des lobbys, sait tenir son rang. Il s'agit non pas de faire la leçon au reste du monde, mais bel et bien d'agir, en montrant l'exemple. Pour l'heure, commençons par balayer devant notre porte, étant donné que la France possède le deuxième domaine maritime mondial, derrière les États-Unis. Nous demandons donc instamment au gouvernement de notre pays d'interdire l'exploitation minière des fonds marins dans les eaux relevant de sa juridiction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ce faisant, nous agirions non pas seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour l'intérêt planétaire, en accord avec les souhaits des communautés du Pacifique.
Notre proposition de résolution s'inscrit dans un combat de longue haleine. Elle pourrait constituer un premier pas vers l'adoption d'un véritable cadre légal mettant un coup d'arrêt à l'exploitation minière des fonds marins. Ce combat ne fait que commencer, mais chacun doit savoir que notre détermination ne fléchira pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, RE, LFI – NUPES, LR, Dem, SOC, HOR, et GDR – NUPES.
À l'initiative de notre collègue Nicolas Thierry, nous nous retrouvons pour discuter et nous prononcer sur cette proposition de résolution invitant le Gouvernement à défendre un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Mais pour quelles raisons serait-il nécessaire d'interdire de ce type d'activité ? De la même manière, pour quelles raisons, une entreprise ou un État exploiteraient-ils des fonds marins, alors que cela détruirait indubitablement notre écosystème commun ?
En tant que peuple de l'océan, nous définissons notre grand océan – te moana nui – comme un haut lieu de spiritualité qui nous relie à nos divinités et à notre ancestralité. C'est une preuve matérielle et visuelle de notre histoire, qui nous façonne et nous définit. C'est aussi un ancrage spatiotemporel dans une région entièrement bleue – cet immense bleu qui nous relie entre les peuples, « notre mer d'îles » pour paraphraser ce penseur qui nous est cher, Epeli Hau'ofa. C'est un lieu de rencontres, une effusion d'activités sportives et de loisirs, un foisonnement d'activités économiques – activités perlicoles et aquacoles, savoir-faire traditionnels –, le tout dans le respect de notre écosystème. Pour répondre aux défis de nos générations, l'océan constitue aussi un lieu d'émulation intellectuelle, contenant des capacités de production en électricité décarbonée ainsi que des possibilités d'avancées technologiques et biomédicales s'inscrivant dans un cycle vertueux.
Vous l'avez compris, tirer profit des richesses de notre océan dans le respect de celui-ci est possible. Pourquoi donc, dans ces conditions, en détruire même une petite partie ? Ce n'est pas la richesse qui incite certaines entreprises et certains États à exploiter les fonds marins, au risque d'y être un élément perturbateur : c'est la volonté d'accumuler ces richesses, la quête du profit, la vision capitaliste qui les poussent à renier l'importance de respecter l'océan, lequel fait pourtant partie intégrante de notre existence humaine. Les sociétés et les États qui convoitent les fonds marins nous promettent une exploitation verte et, surtout, des bénéfices réels de nature à faire progresser les technologies nécessaires à la transition écologique. Mais, dites-moi, y a-t-il un bénéfice à produire des batteries électriques si c'est pour causer une perte irréversible de biodiversité ? Une énergie décarbonée est une énergie verte depuis l'utilisation des matières premières jusqu'à la fin de vie des matériaux utilisés, en passant par la production de l'énergie elle-même et son transport. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Le moratoire que cette proposition de résolution appelle de ses vœux permettrait aux scientifiques de mener des études des fonds marins et de leurs écosystèmes, afin d'encadrer au mieux les futures activités. Ce moratoire, que les peuples des outre-mer et de France métropolitaine souhaitent, devrait non seulement être effectif dans l'ensemble de leurs ZEE – zones économiques exclusives –, mais aussi étendu aux entreprises françaises qui exploitent des fonds marins dans des pays tiers ainsi que dans les eaux internationales – mesure qui devrait être défendue auprès de l'Autorité internationale des fonds marins, cela a été rappelé.
Enfin, je profite de la tribune qui m'est aujourd'hui offerte pour rappeler à la représentation nationale française que, depuis 2013, les Nations unies réaffirment chaque année la souveraineté du peuple maohi, le peuple de Polynésie, sur l'ensemble des ressources présentes dans sa ZEE de 5 millions de kilomètres carrés, ce qui inclut les ressources marines et sous-marines. L'actuel statut d'autonomie de la Polynésie confère d'ailleurs à cette dernière la gestion et la réglementation de toute exploitation terrestre, marine et sous-marine de son territoire, à l'exception – ce type de précision est importante dans un statut d'autonomie – des « matières premières stratégiques telles qu'elles sont définies pour l'ensemble du territoire » français par l'État. C'est pourquoi, par cohérence avec les résolutions de l'ONU et par respect du processus de décolonisation et d'autodétermination et des droits des peuples, nous demandons à la représentation nationale et au Gouvernement, et sans qu'aucune supercherie législative ne soit insérée dans un quelconque statut d'autonomie, ni autres conditions, de rendre l'intégralité de la compétence de la gestion des ressources des fonds marins au peuple maohi.
Ainsi, pour des raisons écologiques et vitales évidentes, pour le bien-être des générations futures et pour préserver la richesse de notre océan, nous devons faire ce premier pas et voter en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, Dem et LR. – M. le président de la commission applaudit également.
Cette proposition de résolution revêt une importance particulière en ce qu'elle vise à protéger ce que nous ne voyons pas et, partant, ce à quoi nous sommes certainement les moins sensibilisés : les grands oubliés que sont les fonds marins. Car ce qui échappe à nos yeux n'échappe pas aux conséquences de nos actions. C'est ainsi que les espaces maritimes se retrouvent victimes de la pollution humaine, alors qu'ils sont indispensables à la durabilité de la vie. De ces derniers, dépend en effet la moitié de l'oxygène que nous respirons. Plus encore, ils constituent des puits naturels qui absorbent environ 30 % de nos émissions de dioxyde de carbone.
Les activités humaines s'y développent massivement, qu'il s'agisse du transport maritime – qui est en croissance continue –, du tourisme, de la surpêche, des forages marins, de l'exploitation pétrolière offshore, des éoliennes en mer, des usines de désalinisation, ou des câbles sous-marins. Toutes ces activités renforcent une accélération bleue. En effet, les besoins croissants en protéines alimentaires, en sable, en gravier, en pétrole, en gaz et en métaux rares conduisent à une exploitation croissante du milieu océanique et donc à une diminution continue de la biodiversité et à un accroissement de la pollution sonore, organique, chimique et plastique.
À mesure que les couches hautes de l'océan sont épuisées, la prédation sous toutes ses formes tend à exploiter les strates de plus en plus profondes. Et c'est dans le cadre de cette accélération bleue que se précise la menace d'une exploitation explosive des grands fonds. Ces derniers sont, pour l'heure, des milieux largement inexplorés et manifestement fragiles. Comme le rappelle cette proposition de résolution, notre connaissance des fonds marins est très limitée et nous ne savons rien des conséquences que pourrait engendrer leur exploitation. Or nous ne pouvons plus nous permettre d'agir à l'aveugle. Nous avons pollué dans une insouciance absolue pendant un siècle et nous subissons maintenant les conséquences de la dégradation de notre air, de nos sols, de la surface des océans et même de l'espace le plus proche.
La France, qui dispose du deuxième domaine maritime au monde, se doit de s'impliquer sur les sujets maritimes. Notre responsabilité est immense et notre exemplarité impérative. Certaines entreprises disposent déjà de machines capables d'extraire des minerais à des milliers de mètres de profondeur et, si les premières exploitations sont concluantes et qu'une perspective de rentabilité se dessine, leur nombre explosera – n'en doutons pas.
Le temps presse. En 2021, face à l'absence de réglementation et de procédures internationales, deux années ont été données à l'Autorité internationale des fonds marins pour définir un cadre d'action – délai bien sûr insuffisant pour évaluer les potentielles répercussions environnementales d'une exploitation minière. C'est face à ce constat que la présente proposition de résolution prend tout son sens : elle vise à s'octroyer un temps d'évaluation supplémentaire et à inciter le reste du monde à faire de même. Car si le temps presse, ce texte n'arrive pas trop tard. Nous disposons en effet encore d'une marge d'action préventive, ce qui, en matière environnementale, est un luxe. De nombreuses organisations internationales ainsi que plusieurs États se sont déjà prononcés en faveur d'un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. À deux reprises, à Lisbonne et à Charm el-Cheikh, le Président de la République a également fait part de sa volonté d'inscrire la France dans cette démarche. Aussi est-il impératif, comme le demande la proposition de résolution, que la France veille à ce que l'Autorité internationale des fonds marins s'impose comme une réelle protection des milieux dont elle a la charge.
Ce texte nous invite aussi à conduire une réflexion globale. Alors que nous avons déjà considérablement épuisé le milieu terrestre et largement attaqué le milieu marin superficiel, voilà que nous nous attaquons aux grandes profondeurs. Mais quelle solution existera quand ce dernier aura, à son tour, été épuisé ?
Je pose cette question, en même temps que je m'interroge sur le développement durable : s'agit-il d'un concept réel ou d'un oxymore ? Nous étions 2,5 milliards d'individus en 1950, 6 milliards en 2000 : nous sommes désormais 8,045 milliards, sachant que, selon les prévisions, la population mondiale devrait encore croître de plusieurs milliards de personnes dans un milieu qui, lui, s'appauvrit chaque jour en terres arables, en eau et en énergies non renouvelables. C'est ce panorama, cette prise de conscience inquiétante mais réaliste qui doit désormais nous guider.
Pour revenir au sujet qui nous occupe, tout semble réuni pour l'adoption de cette proposition de résolution qui, d'une part, marquerait une étape décisive dans l'élaboration d'une protection des fonds marins français et, d'autre part, lancerait la poursuite d'une diplomatie volontariste. Vous l'aurez donc compris, c'est tout naturellement que le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. le président de la commission applaudit également.
Je remercie notre présidente, Yaël Braun-Pivet, qui a créé le principe de la niche transpartisane, et Nicolas Thierry, qui s'en est saisi en inscrivant cette proposition de résolution dans une démarche fédératrice. Je joins à ces remerciements mon collègue Mikaele Seo, qui soutient cette proposition.
« La mer est le vaste réservoir de la nature. C'est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s'il ne finira pas par elle ! Là est la suprême tranquillité. La mer n'appartient pas aux despotes. À sa surface, ils peuvent encore exercer des droits iniques, s'y battre, s'y dévorer, y transporter toutes les horreurs terrestres. Mais à trente pieds au-dessous de son niveau, leur pouvoir cesse, leur influence s'éteint, leur puissance disparaît ! » Cet extrait de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne a plus de 150 ans. Il doit continuer à nous inspirer et à nous guider.
Nous voilà embarqués, ensemble, pour la protection de l'Océan. Voilà la preuve de notre capacité à nous unir pour une belle cause et la protection des grands fonds marins est certainement une des grandes causes du siècle pour sauvegarder la planète bleue. En effet, l'Océan, recouvrant 71 % des 510 millions de kilomètres carrés de la terre, est notre plus grand allié. Il fournit notre oxygène et notre nourriture. Il abrite nombre d'espèces animales et végétales. L'Océan est un formidable espace de vie, un réservoir de ressources biologiques, énergétiques et minérales et ce sont ces ressources minérales qui suscitent des convoitises.
Aussi cette proposition de résolution doit-elle affirmer notre volonté : oui à l'exploration, non à l'exploitation ! Nous ne devons pas rajouter une agression irréversible à celles déjà créées par les activités anthropiques comme les émissions de gaz à effet de serre, la pollution par la prolifération des déchets plastiques ou la surexploitation de la ressource halieutique. À nous de ne pas reproduire en mer les erreurs commises sur terre. À nous de consacrer, une fois pour toutes, l'Océan comme bien commun de l'humanité.
La France, grande puissance maritime, s'engage dans la protection de l'Océan. C'est avec enthousiasme que nous avions adopté, à l'unanimité, le 25 novembre 2021, la proposition de résolution pour la conservation et l'utilisation durable de l'Océan de nos collègues Maina Sage et Jimmy Pahun. C'est avec détermination que le Président de la République a réaffirmé son opposition à tout projet d'exploitation des grands fonds marins, le 7 novembre dernier lors de la COP27. Il avait déjà eu l'occasion de le faire lors de la conférence des Nations unies sur l'Océan à Lisbonne. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer, n'a pas manqué de déclarer récemment, avec son homologue allemande, son opposition à toute forme d'exploitation. Avec ces prises de position, présidentielle et gouvernementale, appuyées aujourd'hui par la représentation nationale, la France s'inscrit dans la liste des pays et organisations qui se sont déjà déclarés contre l'exploitation minière des fonds marins. Je partage avec le groupe Renaissance la volonté de mobiliser l'ensemble de la communauté internationale. Nous sommes du bon côté de l'histoire en protégeant notre planète et notre humanité.
L'heure est à la mobilisation car le calendrier des grands projets d'exploitation se précise et une échéance est imminente. En effet, en juillet 2023, l'AIFM se réunira dans le but d'adopter des règlements sur l'exploitation minière des grands fonds marins. Par un vote unanime, notre message serait fort et sans équivoque. Nous ne voulons ni de permis test ni a fortiori d'exploitation minière. Notre ambition est de fixer un cadre juridique international afin de préserver les fonds marins.
Toutefois, et ce n'est pas contradictoire, nous avons besoin d'améliorer nos connaissances grâce au travail d'exploration des grands fonds, afin d'offrir de belles perceptives aux sciences océaniques. Seulement 1 % de l'univers marin a été exploré. C'est pourquoi je soutiens le programme prioritaire de recherche Océan et climat piloté par le CNRS – Centre national de la recherche scientifique – et l'Ifremer – Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. C'est pourquoi je soutiens également le développement du jumeau numérique de l'Océan (JNO). Le JNO permettra une surveillance continue et en temps réel de l'Océan, de la côte aux mers profondes et de la surface au fond des océans, ainsi qu'une meilleure compréhension des systèmes profonds et de leur interaction avec les autres compartiments de l'Océan.
Aujourd'hui, portons une voix unie pour éviter une catastrophe environnementale irréversible. Cette proposition de résolution est une étape supplémentaire dans la bataille pour sauvegarder l'Océan. Présidente du bureau du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), je soumettrai prochainement une motion de soutien au moratoire sur l'exploitation minière des grands fonds marins. Pour affirmer notre engagement, le groupe Renaissance votera sans réserve en faveur de cette proposition de résolution avec, nous l'appelons de nos vœux, l'ensemble des parlementaires présents sur ces bancs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, SOC et Écolo – NUPES.
Cette proposition de résolution, comme c'est l'usage, part d'un bon sentiment. Après avoir rappelé la nécessité de protéger les écosystèmes marins et leur grande fragilité, ce texte appelle à mettre fin à toute exploitation minière en mer, au nom du principe de précaution. Cet objectif pourrait s'entendre si, et seulement si, cette résolution se limitait aux eaux internationales, espace sans foi ni loi soumis à la prédation de puissances peu scrupuleuses qui pillent les ressources au gré de leurs intérêts. Cette résolution est louable en ce qu'elle concerne les eaux internationales mais il ne faudrait pas qu'elle porte atteinte au statut de puissance maritime de la France et à sa souveraineté sur la deuxième surface maritime mondiale. Ne nous trompons pas : une lecture trop rapide du texte pourrait laisser croire que votre intention se limite à la haute mer. Ce n'est pas le cas. Ce projet de résolution mélange en effet les genres et confond les enjeux. Il concerne également l'espace maritime français puisqu'il vise la zone économique exclusive sous juridiction française. Il s'agit ni plus ni moins que d'appeler à « interdire tout projet d'exploitation » minière, dans les eaux françaises, par principe de précaution.
Nous ne pouvons approuver cette orientation, considérant que la France dispose du deuxième espace maritime du monde, avec 11,2 millions de kilomètres carrés de ZEE. La mer, c'est toute une économie bleue à explorer et à développer dans le respect de règles environnementales. L'exploration encadrée des nodules polymétalliques peut constituer une alternative à l'extraction minière terrestre destructrice de 1'environnement.
Nous ne pouvons pas cautionner votre résolution car cette économie bleue est une richesse et une promesse d'avenir pour la France dans son ensemble et pour l'outre-mer en particulier. Cet immense trésor, la France le doit à l'outre-mer, qui concentre 90 % de notre espace maritime. Certes, vous appelez à associer pleinement les représentants des départements et des collectivités d'outre-mer. Les associer à quoi ? Au renoncement à leurs propres richesses ? Ces précautions convenues de langage masquent mal le sens de l'interdiction. Une interdiction, on ne s'y associe pas, on s'y soumet !
Nous ne pouvons cautionner cette résolution car elle va, en réalité, plus loin que la loi Hulot votée en 2017…
…et qui interdit toute exploration d'hydrocarbures en France, sur la terre comme en mer. Nous avons eu l'occasion de le dire et de le répéter ici, nous nous opposons vigoureusement à cette loi idéologique, antipragmatique et finalement handicapante pour la deuxième puissance maritime mondiale. Cette résolution va donc un cran plus loin que la loi Hulot, en proposant de renoncer à toute exploitation minière en mer et pas seulement à l'exploitation d'hydrocarbures.
Ce n'est donc pas seulement aux opportunités énergétiques qu'il faudrait renoncer mais également à des métaux essentiels pour l'industrie, notamment l'industrie de pointe : fer, manganèse, cuivre, nickel et cobalt. Faut-il rappeler à quel point les industries de pointe et les nouvelles technologies – défense, santé, numérique – sont infiniment dépendantes de l'approvisionnement en métaux stratégiques ? Faut-il rappeler les besoins miniers pour la fabrication de certains composants aéronautiques, des systèmes de guidage et de navigation, de matériel informatique, des ampoules basse consommation et LED, et même, ironie suprême, des turbines d'éoliennes ?
Nous devrions donc, si l'on vous suivait, nous Français, renoncer à ces richesses, tout en continuant à en faire le plus intense usage. Ces fausses bonnes intentions, cette vraie idéologie, n'ont qu'une seule conséquence pratique : la perte de chance pour notre souveraineté nationale et l'accroissement de notre dépendance vis-à-vis de pays qui, eux, n'ont pas les mêmes scrupules et dont nous sommes, et resterons, clients. Ne nous y trompons pas : la protection, l'exploitation et la valorisation des zones économiques exclusives françaises ne s'inscrivent plus dans une perspective lointaine. Elles sont devenues les objets d'une compétition internationale farouche et de toutes les convoitises, Chine en tête. Ne soyez pas dupes, chers collègues : renoncer à nos propres richesses, c'est simplement déplacer leur exploitation ailleurs et dans de moins bonnes conditions environnementales que chez nous. La Chine en est l'exemple topique.
Non, nous ne pouvons pas nous résoudre à approuver ce projet de résolution, même s'il ne revêt pas de caractère contraignant, pas encore, devrait-on dire. Plutôt que de saborder notre immense potentiel maritime, pour le seul profit de nos concurrents et adversaires économiques, faisons de notre pays l'immense puissance maritime qu'il pourrait être et qu'il n'est pas encore.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'Océan couvre 71 % de la surface de la Terre et son immensité à perte de vue a toujours fait rêver les hommes, mais, aujourd'hui, qu'avons-nous fait de la planète bleue ? Les littoraux ? Pollués ! Les zones économiques exclusives ? Pillées ! La biodiversité marine ? Massacrée ! Restent les grands fonds marins, ces espaces lointains et fascinants, largement inexplorés, patrimoine commun de l'humanité, encore méconnus d'elle, qui recèlent tant d'espèces et de merveilles à découvrir. Ces abysses échappent encore aux ravages de la prédation capitaliste et du productivisme, mais pour combien de temps ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Car les fonds marins regorgent malheureusement de métaux rares et de ressources minérales, comme le cuivre, éminemment convoités par les États et les industries minières.
Les appétits s'aiguisent : notre rage extractiviste n'a pas fait assez de dégâts sur terre, il faut maintenant s'attaquer à l'Océan.
M. Hadrien Clouet applaudit.
Les premières campagnes d'exploration – c'est le nom faussement scientifique du prélude à l'exploitation –, menées à l'automne 2022 dans le Pacifique, laissent présager le pire. Vous avez peut-être vu passer cette vidéo, mise en circulation par Greenpeace, sur laquelle on voit le navire de l'entreprise canadienne The Metals Company déverser à la surface de l'océan Pacifique des flots noirs ininterrompus, très probablement chargés de métaux lourds. C'était justement un test d'exploitation minière des fonds marins, l'entreprise en question étant la seule à ce jour habilitée à tester ces pratiques. Ça commence bien, non ? C'est une illustration préventive de la bombe à retardement écologique et climatique que constituerait le déploiement de cette pratique à grande échelle.
En juin 2021, le groupe parlementaire La France insoumise déposait déjà un amendement pour décréter un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Aujourd'hui, grâce à l'éclairage offert par les scientifiques et les associations, et à travers cette initiative transpartisane conduite par mon collègue Nicolas Thierry, que je remercie, nous avons l'occasion de stopper cette aberration tant qu'il en est encore temps. Si nous ne faisons rien, dans six mois le premier permis d'exploitation sera délivré, les dégâts seront irréversibles et la partie sera perdue. Imaginez : ce sont tout simplement des bulldozers qu'on se propose d'envoyer au fond de l'Océan, pour creuser, pilonner et miner. Ils retourneront des tonnes de sédiments et détruiront des milliers d'espèces, produiront des nuages de matières qui asphyxieront littéralement toute vie à des dizaines de kilomètres à la ronde et perturberont tout l'écosystème par une pollution sonore et lumineuse. Nous parlons ici des milieux extrêmes du fameux monde du silence, où le froid, l'obscurité et une très forte pression règnent en maître, ce qui les rend d'autant plus fragiles et sensibles.
Il ne suffira donc pas d'imposer des contraintes environnementales ou de poser des garde-fous à une exploitation dont on voudrait nous faire croire qu'elle peut se parer de vert et respecter le climat et la biodiversité. Ceux qui prétendent qu'il est possible de contrôler les activités des industries extractivistes à 4 000 mètres de profondeur se bercent d'illusions. Sans un moratoire, c'est la loi de la jungle qui s'imposera au détriment des océans et du climat. L'Océan, ne l'oublions pas, est notre premier poumon. Grâce au plancton, il nous fournit une respiration sur deux et absorbe chaque année près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine. Il est donc l'un de nos alliés les plus précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique. Sans sa capacité d'absorption, les dérèglements à l'œuvre aujourd'hui seraient accélérés et encore plus prononcés. Vous l'aurez compris, l'heure est grave : si nous touchons aux fonds marins, c'est à notre survie que nous nous attaquons.
Les Palaos, les îles Fidji, les États fédérés de Micronésie, le Samoa, la Nouvelle-Zélande, le Costa Rica, le Chili, l'Espagne, le Panama, l'Équateur et l'Allemagne se sont déjà positionnés en faveur du moratoire auprès de l'Autorité internationale des fonds marins. La France est le premier pays au monde pour la surface de ses fonds marins. Riche de ses 20 000 kilomètres de côtes, elle est le seul grand pays maritime à disposer d'une ouverture sur tous les océans du globe. Sa voix pèse donc d'un poids particulier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sa responsabilité, notre responsabilité, est grande. Nous sommes réunis dans cette assemblée en tant que représentation nationale : soyons à la hauteur de l'enjeu écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
Notre mobilisation paie. Lors de la COP27, le Président de la République a pris position pour l'interdiction de l'exploitation des fonds marins. Sa déclaration ne tombe pas du ciel, mais résulte de la pression exercée par les associations et la société civile engagées pour protéger nos océans, les habitants et le climat. En écrivant noir sur blanc cette ambition commune, garantissons que ces mots ne soient pas des paroles en l'air. Je conclus en citant Victor Hugo : « C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l'écoute pas. » Collègues, pour une fois, écoutons. Ensemble, empêchons le saccage des fonds marins.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Au lendemain d'un accord historique pour la protection de 30 % des surfaces maritimes et terrestres lors de la COP15, débattre de la préservation des fonds marins est parfaitement d'actualité. Ce postulat posé, proposez-vous la bonne façon de protéger nos océans ? Le groupe Les Républicains ne peut qu'être circonspect devant le principe de précaution XXL que vous souhaitez instaurer.
Revenons un instant sur le principe de précaution lui-même, car c'est de celui-ci qu'il s'agit dans cette résolution : dix-huit ans après son inscription dans la Constitution, c'est l'heure du bilan. La France a perdu toute initiative mondiale dans l'innovation et seul un tiers des jeunes Français croit désormais que la science apporte plus de progrès que de maux à l'humanité. Pourtant, lorsque nous avions besoin du principe de précaution pour protéger la santé des Français, il n'a pas été utilisé. Je pense évidemment à votre décision de fermer des réacteurs nucléaires au profit du recours au charbon et au gaz, alors que vous saviez que cela nuirait à la santé de dizaines de milliers de Français, chaque année, à cause des particules fines et du réchauffement climatique. Le principe de précaution doit donc être pris pour ce qu'il est : un outil sélectif au service de certains activismes. Au vu de votre bilan, vous nous permettrez donc, chers collègues écologistes, de faire preuve de prudence concernant votre proposition de résolution.
Vous auriez pu proposer l'opposition à l'exploitation minière maritime seulement dans les zones internationales, mais en proposant également son interdiction en France, alors que notre pays est connu, vous le savez, pour respecter les plus hauts standards de protection de l'environnement, vous révélez votre vrai objectif, la décroissance. Le sujet des fonds marins cache un vrai débat de société sur la place que nous voulons pour la France à l'avenir et sur les vecteurs de puissance qui seront pertinents au XXI
Le groupe Les Républicains juge dangereux d'adopter un moratoire pour notre zone économique exclusive, qui, par effet de cliquet, nous priverait de l'un des rares atouts qui reste au pays pour exister dans la mondialisation. Nous n'avons aucune garantie que les autres États feront de même dans leur ZEE. Il vaut mieux donc ne pas s'affaiblir inutilement. Notre groupe aurait pu comprendre l'intérêt d'un moratoire au niveau international pour ralentir l'avance de nos concurrents internationaux, mais vous ne proposez pas cela. Pourquoi la France réclame-t-elle si souvent l'interdiction ou la régulation d'outils de puissance qu'elle n'a pas su créer ? Où étiez-vous quand nous avons demandé durant des années les investissements pour faire de la France un moteur de cette industrie naissante ?
Enfin, je note avec surprise que cette proposition vient d'un parti qui promeut la destruction des fonds marins au détriment de la biodiversité.
Oui, vous préconisez la bétonnisation des fonds marins, j'en sais quelque chose en tant que premier vice-président du parc naturel marin des estuaires picards et de la Côte d'Opale.
Vous le savez, j'ai pu constater directement que, pour installer des milliers d'éoliennes offshore, vous n'hésitez pas à écraser les écosystèmes fragiles des fonds marins.
Confiant dans le rôle de la science et de la recherche, le groupe Les Républicains propose d'accélérer les travaux d'exploration des fonds marins afin d'identifier rapidement si l'exploitation est envisageable sans nuire à la biodiversité. Il faut aussi préparer le terrain pour cette dernière et structurer davantage la filière.
Des propositions utiles avaient ainsi été formulées par la mission d'information sur l'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins du Sénat : renforcer les moyens de l'Ifremer, dont l'expertise en matière d'exploration est reconnue et qui dispose de deux licences délivrées par l'AIFM en zone internationale ; concrétiser dans les cinq ans un projet de démonstrateur afin d'évaluer l'impact environnemental et la faisabilité d'une exploitation minière durable des fonds marins ; créer un pôle d'excellence « fonds marins » afin de structurer une filière industrielle et renforcer l'offre de formation dans le domaine de l'exploitation. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas avec la NUPES pour l'adoption de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les fonds marins sont très mal connus. Les grands fonds ont une profondeur moyenne de 3 800 mètres ; 75 % descendent à plus de 3 000 mètres. À moins de 1 000 mètres de la surface, des encroûtements cobaltifères peuvent apparaître sur certains monts sous-marins, alors qu'entre 4 000 et 6 000 mètres de profondeur, les plaines abyssales abritent des nodules polymétalliques. Le peu que nous sachions de ces écosystèmes nous donne à penser que les profondeurs de l'Océan regorgent d'une biodiversité extraordinaire mais fragile, que l'exploitation minière pourrait gravement endommager en l'absence de garanties solides – de connaissances précises et de technologies adaptées.
Au nom du groupe Démocrate (MODEM et indépendants), je me réjouis donc de l'examen de la proposition de résolution transpartisane de notre collègue Nicolas Thierry, député de Gironde, qui appelle à l'arrêt des projets d'exploitation minière des fonds marins tant en haute mer que dans les eaux françaises, conformément à la volonté du Président de la République.
En votant ce texte à l'unanimité – je l'espère, tout en craignant que ce ne soit pas le cas –, notre assemblée montrerait une fois encore son attachement sincère à la protection de l'océan et à la lutte contre le changement climatique, comme nous l'avions fait en adoptant, à l'unanimité, la proposition de résolution pour la conservation et l'utilisation durable de l'océan, que Maina Sage et moi-même avions défendue pour appeler à la réussite de la négociation onusienne sur la haute mer, et celle de Philippe Bolo relative à l'engagement de la France pour le renforcement d'une action internationale de lutte contre la pollution plastique.
D'autant que la France a une responsabilité particulière, avec sa surface maritime !
Je crois en la force de la diplomatie parlementaire et c'est faire œuvre utile que de saisir les outils constitutionnels pour se faire le relais des citoyens et de la société civile. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir défendu cette cause à l'ONU lors de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité au-delà de la juridiction nationale (BBNJ) – un sujet qui est, en quelque sorte, le grand frère de celui de l'exploitation des fonds marins.
Depuis 2017, la majorité présidentielle n'a cessé d'agir en faveur de l'océan. Je pense à l'adoption par notre assemblée d'une proposition de loi visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l'environnement et la santé, cosignée par les membres du groupe Dem, dont nous attendons l'examen par le Sénat ; au soutien à la recherche océanique à travers le programme prioritaire de recherche « océan et climat » doté de 40 millions d'euros ; à la protection de la haute mer grâce à l'action résolue de la France pour faire aboutir les négociations lors de la BBNJ ; à la promotion de la pêche durable et à l'amélioration de la prévention des captures accidentelles de cétacés ; à l'accompagnement financier des armateurs vers un transport maritime durable, avec la construction de cargos à voiles, parmi tant de mesures que je n'ai pas le temps de citer et qui placent la France aux avant-postes de la protection des écosystèmes marins.
Soyons fiers de cela. L'engagement du Président de la République contre l'exploitation minière des fonds marins et l'appel solennel que nous, députés, lançons à l'Europe et au monde participent de ce leadership. L'exécutif, le Parlement et la société civile sont unis pour faire progresser la cause de l'océan au niveau international. Notre unité est notre force. Je salue à cet égard la présence en tribune de membres de la Plateforme océan et climat, de la Coalition pour la protection des fonds marins et du Cluster maritime français venus célébrer avec nous ce moment d'unité. Je remercie également les hommes et les femmes de notre diplomatie, qui œuvrent aujourd'hui même en Jamaïque pour défendre nos valeurs et nos intérêts sur la scène internationale – je pense notamment à l'ambassadeur chargé des pôles et des enjeux maritimes et à notre représentant permanent auprès de l'AIFM, dont le cadre juridique ne garantit malheureusement pas une protection effective des écosystèmes marins.
En autorisant les projets d'exploitation de The Metals Company soutenus par l'État insulaire de Nauru, au nord-est de l'Australie, ou toute autre activité de ce type, malgré l'absence de connaissances scientifiques précises et exhaustives et de réglementation robuste, c'est l'Océan et la planète que l'on met en péril. Nauru n'avait qu'une richesse, le guano : maintenant qu'elle a été pillée, certains souhaitent attaquer les grands fonds marins.
Puisqu'en matière d'exploitation des fonds marins, le principe de précaution s'impose, l'accès aux matériaux stratégiques, essentiels aux transitions numérique et énergétique, doit d'abord être assuré par le développement de l'économie circulaire. C'est là notre plus grand défi, plus complexe encore que d'aller chercher des ressources à des kilomètres de profondeur mais tellement plus vertueux : réduire, réemployer, recycler.
Le vote d'aujourd'hui constitue une étape importante mais le travail est encore long pour aboutir à la protection effective de l'Océan. Je vous propose, mes chers collègues, de le poursuivre au sein du groupe d'études Arctique, antarctique et terres australes et antarctiques françaises – droit des grands fonds de l'Assemblée nationale, dont j'ai l'honneur de partager la présidence avec Clémence Guetté ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et de préparer ainsi la Conférence des Nations unies sur les océans qui se tiendra en France en 2025.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LR.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Avant toute chose, je remercie notre collègue Nicolas Thierry pour avoir su nous rassembler, nous, députés de toutes les sensibilités politiques républicaines, pour protéger les océans.
En effet, les grands fonds marins abritent des ressources minérales importantes. Encore méconnus, ils renferment aussi des trésors de biodiversité – on estime ainsi à 10 millions le nombre d'espèces à découvrir. Ils jouent par ailleurs un rôle essentiel dans la régulation climatique en agissant comme des puits de carbone.
Ils jouent en outre un rôle essentiel dans la régulation climatique en agissant comme des puits de carbone. Seule une petite partie des fonds marins se situe dans les ZEE et relève ainsi des juridictions nationales, la majeure partie des grands fonds étant située dans les eaux internationales et relevant de l'AIFM, qui délivre les contrats d'exploration et d'exploitation et assure le contrôle de ces derniers.
Or, ces eaux profondes regorgent de gisements de métaux rares – cuivre, nickel, manganèse, etc. – qui attisent les convoitises et font déjà l'objet de spéculation. C'est donc bien là que se situe le cœur du sujet : comment faire en sorte que l'exploitation déraisonnable de ces fonds marins par l'homme ne prenne pas le pas sur la préservation de la richesse de ces écosystèmes indispensables aux grands équilibres qui conditionnent notre vie sur terre ?
Déjà des compagnies internationales cherchent à obtenir les autorisations pour exploiter ces grands fonds. C'est ainsi qu'en juin 2021, l'entreprise minière canadienne The Metals Company a déclenché une procédure auprès de l'Autorité internationale des fonds marins en vue de la délivrance de permis d'exploitation.
De plus, le Conseil de l'AIFM a fixé un plan de travail accéléré pour adopter les règlements d'exploitation d'ici à juillet 2023. En septembre dernier, un permis test a été délivré à The Metals Company, l'autorisant à extraire 3 600 tonnes de métaux dans la zone de Clarion-Clipperton, au cœur de l'océan Pacifique. Des doutes s'expriment quant à la transparence de l'AIFM.
Face à ces menaces, une importante mobilisation s'organise pour sauver les fonds marins. La communauté scientifique met en garde contre le manque de données permettant d'appréhender les impacts écologiques de l'exploitation minière des fonds marins. C'est pourquoi, par le biais de cette proposition de résolution, nombre d'ONG et de députés plaident pour une prise de position forte de la France, afin d'imposer un moratoire sur l'exploitation des fonds marins à l'AIFM.
À ce stade, plusieurs pays ont déjà demandé plus de temps et attendent les recommandations scientifiques avant de débuter toute exploitation. Le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de Polynésie a également pris position en faveur d'un moratoire. Enfin, le 30 juin 2022, dernier jour de la Conférence des Nations unies sur les océans à Lisbonne, le Président de la République s'est prononcé contre l'exploitation des grands fonds marins : « Je veux être ici très clair, fidèle à ce que j'ai déjà dit : la France soutient l'interdiction de toute exploitation des grands fonds marins. J'assume cette position et la porterai dans les enceintes internationales ».
La proposition de résolution est donc l'occasion pour la représentation nationale de prendre position et de demander au Président de respecter ses engagements. Le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition et demande dès à présent au chef de l'État et au Gouvernement de défendre un moratoire sur l'exploitation des fonds marins dans toutes les instances internationales, tant que les données scientifiques ne permettent pas de lever les doutes sur le risque d'atteinte aux écosystèmes.
Il apparaît également indispensable de mettre un frein à l'adoption de toute réglementation pour l'exploitation minière des fonds marins par l'AIFM, ainsi qu'à l'octroi de licences provisoires d'exploitation en vertu de la règle dite des deux ans, tant que cette autorité n'apportera pas toutes les garanties de confiance et de transparence.
La France devra en parallèle soutenir un processus de réforme de l'AIFM veillant à ne pas favoriser les intérêts économiques aux dépens de la préservation des grands fonds marins.
Enfin, cette proposition de résolution constitue également une invitation pour notre assemblée à réfléchir à une évolution du cadre réglementaire français. J'appelle de mes vœux la constitution d'un groupe de travail associant pleinement les représentants des départements et des collectivités d'outre-mer, ainsi que la communauté scientifique, pour interdire tout projet d'exploitation jusqu'à ce que le niveau d'expertise et de connaissance garantisse l'absence de nocivité de cette activité extractive sur les écosystèmes marins et sur leur biodiversité. C'est le principe de précaution, et il doit prévaloir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Une longue prise de conscience écologique et une forte mobilisation militante aboutissent aujourd'hui au vote de cette proposition de résolution contre l'exploitation minière des fonds marins.
Le 5 septembre dernier, une grande multinationale exportatrice d'hydrocarbures déposait sa demande de licence de production pour exploiter deux immenses champs gaziers qui pourraient contenir plus d'un milliard de barils d'équivalent pétrole (BEP) au large des côtes sud-africaines. De tels projets auraient pu fleurir sur tous les continents, menaçant l'ensemble des écosystèmes marins, du large de l'Afrique du Sud au plus près de nos territoires ultramarins. Or nous possédons le deuxième espace maritime au monde ; nous devons donc porter la voix de la responsabilité, celle du respect de notre environnement et des populations autochtones.
La quête acharnée, longtemps incontrôlée, vers l'exploitation abusive de nos ressources naturelles épuisables est un désastre pour la biodiversité marine, bien évidemment. Mais c'est aussi un désastre pour nos vies, tout autant que pour notre santé physique, nos comportements et nos considérations éthiques. Ce moratoire questionne notre entendement, notre façon de comprendre et de saisir ce qui nous entoure.
Nous devons garder en tête le fait que l'Océan est le principal régulateur du climat. Il absorbe plus de 30 % des gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère chaque année. La présence de nodules polymétalliques dans les grands fonds attise toutes les convoitises. Ces minéraux recèlent des métaux rares – notamment indispensables à l'industrie numérique. Mais les techniques utilisées pour extraire et trier ces métaux engendrent des pollutions massives, directement déversées dans les océans.
En effet, les projets se développent dans les profondeurs abyssales, qui abritent des écosystèmes d'une grande richesse biologique et constituent ce que nous appelons les couloirs bleus – couloirs de migrations pour les baleines, les dauphins, les tortues, les requins, etc. Ces eaux profondes sont un extraordinaire refuge de biodiversité que nous commençons tout juste à explorer et à comprendre.
Ce moratoire est avant tout celui des scientifiques. Il est une première réponse et un signal fort afin d'écouter les alertes des experts puisque 80 à 90 % des profondeurs océaniques demeurent inexplorés. Nous connaissons mieux la surface de la lune que le fond de nos océans !
Nous sommes fiers de défendre une proposition de résolution soutenue par des parlementaires du monde entier, de tous bords politiques. Cette proposition transpartisane s'inscrit dans la stricte lignée des engagements du Président de la République, qui annonçait le 7 novembre dernier rejoindre le moratoire – une annonce traduite juridiquement par l'ambassadeur de France auprès de l'AIFM le 10 novembre.
Face aux préconisations scientifiques, pour le respect de notre environnement et des populations, prenons un engagement audacieux, un engagement inexorable. Protégeons ensemble l'océan profond de l'avidité de l'homme.
Nous avons la possibilité historique de défendre l'Océan, notre plus grand allié pour respecter nos objectifs climatiques et écologiques. Nos concitoyens comptent sur la détermination de tous. Le groupe Horizons et apparentés votera pour cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE. – M. Fabrice Brun applaudit également.
La France, parce qu'elle possède, après les États-Unis, la plus vaste zone économique exclusive – 10,2 millions de kilomètres carrés – est particulièrement concernée par la question de l'océan profond. Notre pays occuperait même, selon la Fondation de la mer, la première place mondiale en superficie puisque 93 % de sa zone économique exclusive se situerait à plus de 1 000 mètres de profondeur, dans les grands fonds. C'est l'une des plus grandes richesses de nos territoires d'outre-mer.
La France a d'ailleurs obtenu par le biais de l'AIFM, l'une des trois institutions créées par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer – dont la mission consiste à contrôler et à organiser l'exploration et l'exploitation des ressources minérales marines –, deux contrats d'exploration, contre cinq pour la Chine et quatre pour la Russie.
Ces grands fonds dont nous ne connaissons presque rien – seuls 6,2 % ont été cartographiés à l'échelle mondiale – constituent un véritable eldorado – même s'il est mystérieux. Ils sont peuplés d'un écosystème riche et unique dont l'étude est particulièrement féconde pour la recherche scientifique, notamment dans les domaines médicaux, industriels et cosmétiques. À la place de l'or, ce sont les nodules polymétalliques, les encroûtements cobaltifères et les sulfures hydrothermaux qui sont désormais l'objet d'une nouvelle ruée.
Ces dernières frontières, même hostiles, attisent des convoitises concernant lesquelles nous devons nous montrer vigilants : il est à craindre que certains États, ou sociétés privées, soient tentés d'exploiter – et peut-être de détruire – de tels territoires qui, pour être prometteurs, n'en sont pas moins vulnérables. La communauté scientifique s'accorde pour dire que ces écosystèmes pourraient disparaître sans qu'il soit encore possible d'en évaluer les conséquences. Quand on sait que l'Océan absorbe 30 % du CO
Il n'est pas anodin que la mobilisation en faveur de la protection des grands fonds se soit amplifiée ces dernières années. En septembre 2021, à Marseille, soixante États ou agences étatiques ont voté en faveur d'un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Après avoir tenu une position ambiguë, la France s'est, elle aussi, prononcée, par la voix d'Emmanuel Macron, en faveur d'un coup d'arrêt. C'est peu dire que cette ambiguïté n'a pas facilité une parfaite lisibilité de la politique française. Ce sont probablement les limites du « en même temps ».
Les richesses et ressources qui dorment sous les océans s'imposent comme un enjeu de souveraineté économique et stratégique. En conséquence, doit-on s'étonner que, depuis 1982, la Turquie et les États-Unis n'aient toujours pas signé la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, alors que 152 États, dont l'Union européenne, l'ont acceptée ?
Bruit de conversations.
Ces grands fonds sont devenus une nouvelle zone de conflits. Les explosions qui ont endommagé les gazoducs Nord Stream ont rendu plus que concrets les enjeux liés à la maîtrise des fonds marins – seabed warfare en anglais.
Mes chers collègues, je vous invite à baisser le volume sonore de vos conversations.
Ces opérations ont pour cible les câbles de communication, d'alimentation ainsi que les systèmes d'approvisionnement en ressources naturelles. Notre stratégie ministérielle de maîtrise de ces fonds est volontariste mais semée d'embûches et nous devons garantir nos intérêts vitaux.
D'ailleurs, on devrait s'interroger sur l'action, parfois floue, de quelques ONG de protection de l'environnement – notamment anglo-saxonnes – qui se sont positionnées ces dernières décennies comme cogestionnaires d'aires maritimes, sans que leurs intérêts stratégiques soient toujours explicites. Les échanges entre ces ONG et les industriels du secteur des mines, de l'énergie ou de la haute technologie interpellent.
L'article 136 de la convention de Montego Bay assimile la zone internationale et ses ressources au patrimoine commun de l'humanité. La France doit renforcer sa présence au sein de l'Autorité internationale des fonds marins afin qu'un code minier voie rapidement le jour, tout en accentuant ses programmes de recherche. C'est à ce prix qu'elle aura, à l'avenir, du poids.
Il ne s'agit nullement de mettre les ressources océaniques sous cloche, mais de développer des campagnes d'exploration pour que prime le principe de précaution qui, en matière écologique, nous a souvent fait défaut. Je voterai donc cette proposition de résolution. Il y va de la responsabilité de la France d'être pionnière afin que ce désert énigmatique reste une source insondable de curiosité et d'imagination.
M. Jimmy Pahun et Mme Marie-France Lorho applaudissent.
Je vous adresse tous mes meilleurs vœux pour l'année 2023 : qu'elle soit pleine d'accomplissements, de réussites collectives et d'avancées en faveur des océans.
Je vous remercie – M. Nicolas Thierry en particulier – d'avoir inscrit les océans à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, dès le mois de janvier, avec cette proposition de résolution visant à défendre un moratoire sur l'exploitation des fonds marins.
M. Julien Bayou et Mme Marie Pochon applaudissent.
Vous l'avez souligné, les fonds marins sont très peu connus : moins de 3 % d'entre eux ont été explorés et les interactions complexes entre les écosystèmes sont, pour l'essentiel, mal comprises.
Toutes les initiatives visant à protéger les océans auront donc le plein soutien du Gouvernement. Nous ne gagnerons pas la bataille pour le climat en délaissant les océans. Nous n'inverserons pas le déclin de la biodiversité en négligeant la préservation des fonds marins.
Bruit de conversations.
Mes chers collègues, je vous remercie de baisser le volume sonore, on n'entend plus le ministre !
Au fond, mesdames et messieurs les députés, nous ne pourrons être à la hauteur des défis du siècle que si nous préservons nos espaces maritimes et protégeons les profondeurs des océans.
Depuis cinq ans, le Président de la République a fait de ces deux enjeux des piliers de notre politique climatique et des priorités de notre diplomatie environnementale. Dès sa nomination, la Première ministre a fait de la mer un élément essentiel de la souveraineté française et l'a placée au cœur de la planification écologique.
L'année 2022 a été rythmée par des rendez-vous majeurs dans le domaine maritime, et surtout par des actions collectives et des avancées tangibles.
Le bruit de conversations continue.
Quel succès pour cette proposition de résolution !
Je vous assure, chers collègues, qu'on vous entend plus que le ministre, ce qui est fâcheux. Je vous demande de faire moins de bruit !
Il y a un an, au One Ocean Summit de Brest, avec la création de la plus grande aire marine protégée française dans les Terres australes et antarctiques (Taaf), notre pays a atteint l'objectif de 30 % d'aires marines protégées.
En juin, au sommet des Nations unies de Lisbonne, la France a soutenu la création d'un cadre juridique solide pour cesser les activités minières en haute mer et interdire les activités qui mettraient en danger les écosystèmes, comme nous l'avions déjà fait pour les hydrocarbures.
En août, j'ai participé aux négociations du traité pour la protection de la biodiversité en haute mer. Il n'y a pas eu d'accord final mais nous avons obtenu de vraies avancées, comme la définition d'aires marines protégées, qui allient conservation de la ressource et gestion.
Début octobre, lors du débat au Sénat sur les conclusions du rapport de la mission d'information « L'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins : quelle stratégie pour la France ? »,
Le bruit de conversations persiste
j'ai annoncé la révision de la stratégie de la France et, pour être pleinement cohérent, la fin du projet de démonstrateur qui avait pour principal objectif d'évaluer la faisabilité d'une exploitation minière.
Désormais, avec le dixième objectif du plan France 2030, le Gouvernement consacre l'effort de la recherche publique exclusivement à l'exploration des grands fonds marins et à la connaissance de leurs écosystèmes. L'exploration scientifique de ces espaces est fondamentale pour mieux les protéger. Avec 350 millions d'euros, l'État donne des moyens inédits aux chercheurs, aux collectivités territoriales et aux entreprises, pour faire progresser la science et pour lancer de nouveaux projets.
Nous ne nous sommes pas arrêtés là : lors de la COP27 en Égypte, le Président de la République a annoncé la décision historique d'interdire l'exploitation minière dans les grands fonds marins. Je vous confirme que cette décision s'applique dans les eaux territoriales françaises : c'est une question de cohérence et de crédibilité. Nous sommes le premier pays, et le seul à ce stade, à aller au-delà d'un moratoire ou d'une simple pause de précaution. C'est un acte décisif,…
…car nous sommes la deuxième puissance maritime au monde, avec une ZEE de 11 millions de kilomètres carrés, situés principalement dans les territoires d'outre-mer.
À la COP15 de Montréal, nous avons obtenu que les océans ne soient pas une variable d'ajustement des négociations ; l'accord final comporte l'objectif de protéger 30 % des mers à l'échelle mondiale, d'ici à 2030.
Notre action pour interdire l'exploitation a également porté ses fruits. Pour la première fois, la communauté internationale reconnaît, dans le texte, les risques potentiels de l'exploitation minière et la nécessité d'appliquer le principe de précaution. C'est encore loin de notre position mais c'est une avancée inespérée, or elle était loin d'être acquise.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, dans toutes les instances multilatérales nous défendons la construction d'un cadre légal robuste et protecteur des fonds marins, comme vous nous y invitez dans la présente proposition de résolution.
L'année qui s'ouvre doit être aussi ambitieuse que 2022, et donner autant de résultats. De plus en plus, les océans sont des espaces de compétition stratégique, de rivalités territoriales pour l'accès aux ressources ; chaque fois que c'est possible, nous disons à nos partenaires qu'il faut en faire davantage pour les protéger.
Cette proposition de résolution nous donnera plus de force encore pour y parvenir. Elle est l'occasion de réaffirmer devant vous la triple ambition du Gouvernement pour les fonds marins. La première est de convaincre le maximum de pays de nous rejoindre dans ce combat. Nous menons une action résolue au niveau diplomatique pour rallier les autres nations autour d'initiatives concrètes,…
…en adaptant notre action à trois catégories de pays : ceux qui sont favorables à un moratoire ; ceux qui soutiennent une pause de précaution ; ceux qui ne se sont pas prononcés et qu'il faudra convaincre.
À la COP15, j'ai lancé avec les ministres du Chili, du Costa Rica, de l'Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, de l'Espagne, du Vanuatu et des Palaos, l'alliance pour les grands fonds marins. Cette initiative politique était importante car, vous l'avez tous dit dans vos interventions, la science est formelle. D'abord, l'Océan est un régulateur du climat. Ensuite, nous savons que l'exploitation minière engendrera des dommages irréversibles sur ses écosystèmes fragiles. Ne nous berçons pas d'illusions : il ne peut y avoir d'exploitation sans dommages irréversibles pour les écosystèmes marins.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Enfin, nous n'avons pas besoin de ces minéraux pour mener à bien la transition énergétique. Nous devons donc promouvoir un nouveau modèle économique.
Notre deuxième ambition est donc non seulement d'empêcher, dès cette année, l'octroi d'un permis d'exploitation, mais également de ne pas adopter de code minier en l'état actuel des connaissances. Le temps joue malheureusement contre nous car certains États se prévalent de la règle des deux ans pour commencer l'exploitation, alors même qu'aucun cadre légal n'aura été adopté.
Mais c'est vous qui avez donné les permis d'exploitation au cours de la législature précédente !
Dans les prochains mois, nous aurons trois rendez-vous clefs pour défendre cette position à tous les niveaux. Cette semaine, au Costa Rica, des travaux techniques sont prévus sur la façon de défendre un moratoire ; en mars, au Panama, l'occasion se présentera de réunir à nouveau les huit ministres de l'alliance des grands fonds ; en juillet, nous défendrons nos positions communes au Conseil puis à l'Assemblée générale de l'AIFM.
Vous le voyez, nous agissons, partout, et nous avons besoin du travail parlementaire, celui que vous menez dans les groupes d'amitiés comme dans toutes vos autres activités, pour défendre cette action à l'échelle internationale.
J'en profite pour saluer et remercier chaleureusement les militants de la première heure, notamment de la société civile, pour leur action déterminante, en particulier la Sustainable Ocean Alliance et l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), pour leur détermination et le travail de plaidoyer mené en commun avec nous.
Cela m'amène à la troisième ambition du Gouvernement : la mise en cohérence de toutes les questions relatives à la protection des grands fonds marins et la réforme de la gouvernance. Je suis convaincu que nous ne pourrons pas faire l'économie d'une évolution des instances multilatérales. Nous devons d'ailleurs nous appuyer sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui prévoit précisément l'obligation de protéger les océans ; elle nous permettra, j'en suis sûr, de progresser en ce sens.
À moyen terme, nous pourrons également nous appuyer sur la revue de l'Autorité internationale des fonds marins, prévue tous les cinq ans, comme d'ailleurs la présente proposition de résolution le prévoit. L'AIFM a été créée dans les années 1990 pour gérer l'exploitation des fonds marins, mais je suis convaincu que, face aux défis environnementaux, nous devons basculer dans une autre dimension et préserver ces espaces pour les générations futures.
Pour y parvenir, nous aurons besoin de toute la force du multilatéralisme et de la coopération. Nous aurons besoin d'un travail commun avec les collectivités d'outre-mer, en particulier la Polynésie ; de tous les acteurs de la société civile, des chercheurs, ceux de l'Ifremer, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), du CNRS ; de l'Union européenne et des parlementaires européens.
Chaque nouvelle génération a son combat. Je crois profondément que celui en faveur des fonds marins doit être celui de tous ceux qui militent pour l'Océan, doit être notre combat.
Vous pouvez compter sur moi, sur l'ensemble du Gouvernement, pour le mener avec vous. Vous pouvez compter sur moi pour soutenir votre proposition de résolution – dont je salue également l'esprit transpartisan –, notamment dans les instances internationales.
La voix de la France est attendue et entendue. Pour conclure, je partagerai avec vous le témoignage de mon homologue du Vanuatu, que j'ai rencontré en décembre. Depuis la déclaration du Président de la République en Égypte, à la COP27, il ne se sent plus seul dans son combat contre l'exploitation minière ; il a enfin la sensation d'être du bon côté de l'histoire.
Pour cette journée historique, merci à tous et poursuivons le travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – MM. Hadrien Clouet et Arnaud Le Gall applaudissent également.
Sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je sais que vous êtes pressés de voter en faveur de la présente proposition de résolution,…
…mais souffrez d'attendre une minute. L'exploitation de 1 kilomètre carré du fond des océans pollue 1 200 kilomètres cubes d'océan – je vous invite à retenir ce chiffre.
J'entends les préoccupations relatives à la souveraineté industrielle et économique. Néanmoins, j'ai confiance dans le génie français : pour moi, il ne consiste pas à reproduire les erreurs du passé, mais à inventer les solutions de l'avenir – des solutions vertueuses.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, RE, LFI – NUPES, Dem, SOC et Écolo – NUPES.
M. Stéphane Buchou monte à la tribune. – Mouvement.
Exclamations.
Avec l'exploitation minière des fonds marins, nous naviguons en eaux troubles.
M. Le Fur s'exclame.
Monsieur Le Fur, s'il vous plaît, vous parlez plus fort que l'orateur !
En novembre 2022, le Président de la République, Emmanuel Macron, a défendu à la tribune de la COP27 une position forte et claire, saluée par les ONG. En se prononçant en faveur de l'interdiction de l'exploitation des fonds marins en eaux profondes, en s'engageant à défendre cette voie dans les instances internationales, il a rejoint de nombreux autres pays, comme l'Allemagne, l'Espagne, le Chili et le Costa Rica.
On peut l'affirmer sans détour : l'exploitation minière des fonds marins s'annonce désastreuse pour le climat et la biodiversité. En effet, si l'extraction minière est au stade de l'expérimentation dans plusieurs sites, le premier permis test délivré à la compagnie minière canadienne The Metals Company ne laisse rien présager de bon. Les images que les scientifiques lanceurs d'alerte présents à bord ont publiées sont terrifiantes et doivent nous alarmer. Elles montrent des techniques agressives d'extraction du minerai et des déversements de déchets non conformes dans l'océan Pacifique, entre Hawaï et le Mexique, qui font fi du protocole préétabli avec l'Autorité internationale des fonds marins.
Les eaux profondes représentent 90 % du milieu marin ; elles abritent une grande diversité d'écosystèmes et d'organismes ; elles constituent le plus vaste biome sur terre et jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat, notamment parce qu'elles absorbent et stockent de grandes quantités du dioxyde de carbone que les activités humaines rejettent dans l'atmosphère.
Nous ne pouvons donc pas laisser les compagnies minières opérer en haute mer, notamment en l'absence de données scientifiques consolidées sur les conséquences de telles opérations, et alors que les premières études d'impact prévoient des dégâts irréversibles sur des écosystèmes particulièrement rares et fragiles. Situées en dessous de 200 mètres, les eaux profondes sont difficiles d'accès et encore très méconnues.
Bruit de conversations.
L'Ifremer estime que si environ 250 000 espèces sont connues, il en resterait entre 1 et 10 millions à découvrir. En remuant des sédiments et en rejetant dans l'océan des métaux lourds qui s'intégreront par la suite à la chaîne alimentaire, on perturbe et détruit les conditions de vie d'organismes que l'on ne trouve nulle part ailleurs.
Mes chers collègues, en vertu de l'article 54, alinéa 7, du règlement de l'Assemblée nationale, les explications de vote sont de droit, et peuvent durer cinq minutes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
On comprend nécessairement que les conséquences de ces activités sur la faune et la flore marines seront dramatiques. Puisque nous sommes incapables à ce stade d'en évaluer l'impact, le principe de précaution doit être le maître-mot. En invitant le Gouvernement à demander à l'AIFM d'adopter un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins, jusqu'à ce que des recherches scientifiques suffisantes se soient assurées qu'elle ne porte pas atteinte au patrimoine commun de l'humanité, cette proposition de résolution, soutenue par 170 d'entre nous, va dans le bon sens.
Je saisis l'occasion de saluer le travail effectué par le rapporteur Nicolas Thierry
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe RE
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES
Je tiens aussi à saluer le travail de Mikaele Seo dans sa circonscription .
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
Le groupe Renaissance prend ses responsabilités et soutient les objectifs de cette proposition de résolution que, naturellement, il votera. Vous l'avez compris, si l'exploration des fonds marins en eaux profondes et les expérimentations ont déjà commencé, il est encore temps d'en empêcher l'exploitation. L'occasion nous est donnée aujourd'hui de l'affirmer clairement : malgré l'attrait que représentent les fonds marins, du fait de la présence de gisements de métaux à haute valeur, l'industrie qui pourrait en découler est l'une des principales menaces à son intégrité. Dès lors, notre responsabilité collective nous impose de dire non, tous ensemble et à l'unisson.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 299
Nombre de suffrages exprimés 271
Majorité absolue 136
Pour l'adoption 215
Contre 56
La proposition de résolution est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et SOC.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La parole est à M. Emmanuel Pellerin, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Il n'est pas fréquent que des résolutions européennes soient débattues dans notre hémicycle. En l'espèce, il est indispensable que l'Assemblée se saisisse de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur – texte visant à garantir la liberté des médias. Je me réjouis de sa large adoption par les commissions des affaires européennes et des affaires culturelles. Je remercie à cet égard notre excellente collègue Constance Le Grip, sans laquelle ce débat n'aurait pas eu lieu.
Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel en 2011, la liberté de la presse est « […] d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. » Chateaubriand le disait si bien : « Il faut cette liberté, ou […] la Constitution n'est qu'un jeu. »
La protection des sources, la liberté éditoriale, l'indépendance des médias de service public, et la transparence dans la propriété des médias : autant de principes qui méritent un débat. Si celui-ci a permis en commission de prendre en compte plusieurs amendements défendus par l'opposition, d'autres pourraient être encore adoptés à l'issue d'une concorde transpartisane.
À l'heure où nous parlons, en Russie, des médias indépendants et des journalistes sont censurés au motif qu'ils auraient diffusé de fausses informations sur l'armée. Le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov a récemment déclaré que le journalisme était aujourd'hui un métier interdit dans son pays. Si la Russie n'est pas un État de l'Union, plus à l'ouest la situation de la liberté de la presse n'est pas moins préoccupante. Les atteintes aux journalistes ont augmenté de 41 % entre 2020 et 2021 ; six d'entre eux ont été tués en 2021. Les procédures bâillons se multiplient dans des États comme la Pologne. Reporters sans frontières a récemment dénoncé la condamnation arbitraire du journaliste Tomasz Pi¹tek. La Commission souligne aussi le risque d'ingérence politique dans les nominations et les révocations des dirigeants de médias de service public.
La proposition de règlement, texte important, est imparfaite. J'entends les critiques de l'extrême droite de l'hémicycle qui accuse la Commission d'outrepasser ses compétences. Le Conseil de l'Union a été saisi et rendra son avis en février. J'ai pris note des avis en subsidiarité adoptés par le Sénat et par des parlements voisins. Si je ne les partage pas, je souscris en revanche à l'interrogation de nos collègues sénateurs sur le choix de recourir à un règlement d'application directe plutôt qu'à une directive qui fixe seulement des objectifs à atteindre. Les États membres disposent de législations différentes, qu'ils souhaitent légitimement préserver. C'est le cas de la France, avec la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la loi de 1986 relative à la liberté de communication.
La proposition de règlement me semble perfectible à bien des égards. Son article 21, relatif à l'évaluation des concentrations sur le marché des médias, doit être clarifié. S'agissant de la France, les états généraux du droit à l'information seront un cadre opportun pour en débattre. L'article 17, relatif aux contenus des fournisseurs de services de médias sur les très grandes plateformes en ligne, doit être renforcé. Il relève plus de l'autorégulation que d'un véritable contrôle, pourtant nécessaire. L'article 23 vise à imposer aux organismes de mesure la communication d'informations précises sur leur méthodologie. Nous devons aller plus loin, pour tenir compte de l'environnement numérique actuel ; les méthodes de mesure des plateformes doivent être contrôlées. La présidente de la commission des affaires culturelles, que je salue, est très sensible à cette question ; aussi, je lui laisse le soin de la développer.
Mes chers collègues, le texte qui vous est proposé aujourd'hui est équilibré ; nous devrions tous nous retrouver dans ses objectifs, qui sont des principes fondamentaux. Par conséquent, je vous invite à l'adopter largement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Isabelle Rauch, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, applaudit également.
La parole est à Mme Constance Le Grip, rapporteure de la commission des affaires européennes.
Nous présentons une proposition de résolution européenne. C'est la première fois, depuis le début de la présente législature, que cet exercice politique et parlementaire se déroule dans cette assemblée. Le présent texte résulte des travaux conjoints de la commission des affaires européennes, dont j'ai l'honneur d'être l'une des corapporteures, et de la commission des affaires culturelles, menés après la présentation en septembre dernier, par les commissaires européens Vìra Jourová et Thierry Breton, d'une proposition de législation européenne sur la liberté et le pluralisme des médias, qu'on nomme, dans le jargon bruxellois, Media Freedom Act.
Cette initiative part d'un constat alarmant et préoccupant quant à la situation des médias dans l'Union européenne, aux nombreuses menaces qu'ils subissent et aux atteintes pressantes et répétées contre leur liberté et leur pluralisme. La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a fait sien ce constat, partagé par de nombreux acteurs institutionnels nationaux et européens, et s'est emparée de ce sujet. C'est pourquoi elle a voté, très majoritairement, une proposition de résolution européenne.
Nous tenons à réaffirmer solennellement et avec gravité que l'information est un bien public absolument nécessaire au bon fonctionnement des sociétés démocratiques. Libre et pluraliste, elle fait partie des droits fondamentaux officiellement reconnus, tant par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) que par la Charte européenne des droits fondamentaux.
Dans le cénacle des grandes démocraties européennes qui rassemble les pays de l'Union, l'information et ceux qui la produisent doivent être préservés et protégés des pressions, des ingérences, des manipulations, des intimidations et des menaces de toute nature, de plus en plus fréquentes, qui peuvent aller jusqu'à des menaces physiques inquiétantes et des assassinats.
Je veux bien sûr parler des très courageux journalistes, assassinés sur le sol européen pour avoir exercé leur droit à l'information. Je leur rends hommage, mais je citerai également d'autres menaces et atteintes à la liberté et au pluralisme des médias, que nous déplorons : la multiplication des ingérences étrangères, politiques, économiques ou financières dans de grands titres de la presse écrite ou audiovisuelle ; la forte concentration du capital des fournisseurs de services de médias ; les pressions et les intimidations ; l'espionnage, au moyen des fameux logiciels espions dont nous savons qu'ils ont été déployés dans certains pays européens.
Ce constat alarmant provoque une réaction forte. La commission des affaires européennes estime que les institutions européennes jouent parfaitement leur rôle et sont tout à fait fondées à présenter un projet d'acte législatif visant à protéger, préserver et assurer un bon fonctionnement du marché européen des médias et à garantir le bon exercice de ces libertés essentielles. C'est le sens de son vote.
Tout en affirmant notre soutien politique à la pertinence et au bien-fondé de ce projet de législation européenne défendu par la Commission européenne, et dont les institutions européennes vont maintenant avoir à connaître et à débattre pendant de nombreux mois, nous avons souhaité appeler l'attention sur différents sujets qui doivent plus particulièrement nous occuper dans les semaines à venir. Le texte du projet d'acte européen peut être et doit être complété et amélioré ; c'est le sens de ce que nous avons écrit dans la résolution européenne.
Nous devons être vigilants notamment quant à l'articulation entre cette proposition de règlement et la grande loi française sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ; ces textes doivent être compatibles. D'autres sujets d'inquiétude ont été évoqués par notre collègue Emmanuel Pellerin.
En tout cas, nous apportons un soutien politique important à cet acte européen.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Je suis heureuse d'être avec vous cet après-midi pour évoquer cette importante proposition de règlement sur un sujet majeur : la liberté des médias. Tout d'abord, permettez-moi de saluer la très grande qualité de la proposition de résolution et des travaux conduits par l'Assemblée sur ce texte dans des délais assez contraints.
Ce texte vise à atteindre des objectifs essentiels pour assurer, dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne, la défense de l'État de droit et des valeurs européennes.
Comme vous le soulignez très justement dans votre rapport, monsieur le rapporteur, ce texte rappelle à tous les États membres que « la liberté de la presse est une liberté publique fondamentale et fondatrice de l'espace public européen ». Comme vous l'avez noté, dans certains pays de l'Union européenne, les principes fondamentaux que sont la liberté, l'indépendance ou le pluralisme des médias sont menacés voire bafoués. D'où la nécessité d'instaurer un socle de règles minimales communes.
Mais ce n'est pas tout : il faut également adapter nos règles aux bouleversements du paysage de l'information. Comment mieux garantir le pluralisme à l'ère où de grandes plateformes structurent l'espace public ? Comment encadrer les abus de pouvoir et éviter les tentatives de censure privée de certains acteurs ? Comment faire de l'Europe un espace informationnel souverain protégé des ingérences d'acteurs étrangers qui cherchent à saper les fondements de nos démocraties ? Le texte s'efforce d'apporter de nouveaux garde-fous pour encadrer l'action des plateformes numériques ou pour lutter contre les ingérences étrangères dans la guerre mondiale de l'information que nous vivons.
J'en profite pour saluer de nouveau les décisions historiques prises par l'Union européenne contre la propagande russe dans le contexte de la guerre en Ukraine. J'ai également une pensée pour tous les journalistes qui parfois risquent leur vie pour nous donner accès à une information la plus fiable, la plus vérifiée, la plus sourcée et la plus proche du terrain possible.
Le chaos informationnel dans lequel nous évoluons a légitimement un peu partout ravivé les débats sur les garanties de la liberté, du pluralisme, de l'indépendance, de la déontologie de l'information. C'est pourquoi nous lancerons prochainement des états généraux sur ces questions majeures.
La proposition de législation est bienvenue en ce qu'elle ouvre ces chantiers importants et, comme vous le relevez, monsieur le rapporteur, elle offre l'occasion d'un grand débat à l'échelle européenne sur ces enjeux cruciaux pour l'avenir de nos démocraties. Cela étant dit, je partage pleinement vos constats : le texte est, à plusieurs égards, « perfectible » et source d'interrogations. Il appelle de nombreuses clarifications.
Ces interrogations ont été soulevées lors des discussions au Conseil de l'Union européenne. En effet, le 29 novembre dernier, à Bruxelles, j'ai assisté à la réunion du Conseil des ministres de la culture et de l'audiovisuel, au cours de laquelle ces sujets ont largement été débattus.
Plusieurs États membres ont également sollicité auprès du service juridique du Conseil une analyse de la validité de la base juridique utilisée, l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – vous l'avez dit. Nous attendons ses conclusions.
En créant un socle minimal pour rétablir des principes de base dans certains États membres, il ne s'agit pas de remettre en cause des cadres historiques et des traditions juridiques qui ont fait leurs preuves dans d'autres États membres. Nous sommes donc très attentifs aux incidences que ce texte pourrait avoir sur plusieurs piliers de notre droit national. Je pense à l'indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires et au principe de la responsabilité en cascade inscrit dans notre grande loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Par ailleurs, comme le souligne la proposition de résolution, plusieurs dispositions de ce texte font un sort commun à deux secteurs, la presse écrite et l'audiovisuel, soumis en France à des régimes distincts, notamment en matière de régulation. Le Gouvernement est attaché à cette distinction. Nous avons également en tête que le volet du texte consacré au contrôle des concentrations doit encore être clarifié.
En ce qui concerne la création d'un Comité européen pour les services de médias, nous soutenons pleinement votre proposition visant à l'instauration de garanties effectives quant à son indépendance : c'est le sens des positions que nous avons défendues au Conseil de l'Union européenne. Je sais que le régulateur, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels,
Erga, European regulators group for audiovisual media services
, partagent cette préoccupation. Cette indépendance passe d'abord par la création d'un secrétariat propre au Comité, indépendant de tous gouvernements ou institutions – y compris européennes. Cela apparaît comme la condition sine qua non afin de garantir une indépendance en droit et en fait du Comité dans la mise en œuvre des tâches nouvelles qui lui seront confiées.
Par ailleurs, il est primordial que les prérogatives du Comité ne soient pas soumises à l'aval de la Commission, qui doit être limité aux cas strictement nécessaires en vertu de son rôle de gardienne des traités. Les travaux du Conseil de l'Union européenne en ce sens sont en bonne voie. Plusieurs États ont déjà affirmé, à nos côtés, leur soutien à la création d'un secrétariat indépendant de la Commission dont la forme exacte reste à déterminer.
Le traitement des médias par les très grandes plateformes en ligne doit également faire l'objet d'une attention toute particulière. La proposition de la Commission pourrait encore gagner en clarté et nous sommes, comme vous, favorables à son renforcement, en tenant compte des attentes du secteur. L'instauration d'un véritable dialogue entre les parties, avant toute intervention par les plateformes sur un contenu média, peut constituer une piste intéressante.
Le calendrier de la présidence suédoise est très ambitieux puisqu'elle envisage une orientation générale sur le texte en prévision de la prochaine réunion du Conseil au mois de mai. Lors de ces négociations, nous veillerons particulièrement à trouver le juste équilibre entre l'enjeu d'assurer une régulation adaptée aux médias dans leur diversité et celui de permettre aux médias d'exercer leurs prérogatives en toute indépendance dans l'ensemble de l'Union européenne.
Le Gouvernement partage donc l'ambition de cette proposition de résolution. J'aurai l'occasion de donner un avis favorable à plusieurs amendements proposés par différents groupes. J'espère vraiment que cette proposition de résolution européenne rassemblera le plus grand nombre d'entre vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur les bancs des commissions.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Le présent texte entend que la représentation nationale de prendre fermement position sur la proposition de législation européenne relative à la liberté des médias. Je m'associe au rapporteur pour souligner le caractère bienvenu et essentiel de cette proposition d'acte européen dans un contexte de multiplication des atteintes à la liberté des médias sur notre continent. Comme lui, je salue l'action et le courage de M. Dmitri Mouratov, que j'ai reçu au mois de décembre. Prix Nobel de la paix, M. Mouratov a fait le choix de rester en Russie, à ses risques et périls et malgré la fermeture de son journal. En ma qualité de présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, je tenais à l'assurer, en votre nom à tous, du soutien de la représentation nationale à son action en faveur de la liberté de la presse.
Cette proposition de résolution européenne est le fruit d'un travail transpartisan mené par la commission des affaires européennes, puis par la commission que j'ai l'honneur de présider. Outre des amendements rédactionnels et deux amendements du rapporteur, notre commission a adopté trois amendements de notre collègue Jean-Jacques Gaultier. Le premier visait à préciser que l'évaluation des opérations de concentrations sur le marché des médias, prévue par l'article 21 de la proposition de règlement, devrait tenir compte de « l'environnement numérique et du caractère global des médias ». Cette précision nous a semblé utile à l'heure où les éditeurs de presse développent de plus en plus leur environnement numérique.
Le deuxième amendement visait à inclure les parts d'attention dans les critères d'évaluation de ces opérations, alors que les dispositifs anticoncentration sont aujourd'hui fondés sur les supports. La concentration des médias est un sujet de débat légitime car s'il n'y a pas de corrélation mécanique entre concentration et pluralisme, nous savons tous que le risque de capture d'un média par des intérêts privés s'accroît avec la concentration du secteur. L'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires culturelles ont fait des propositions pour faire évoluer le dispositif anticoncentration. Elles pourront être discutées pendant les états généraux du droit à l'information, qui commenceront bientôt.
Notre commission a également adopté un amendement de Mme Taillé-Polian, afin que les journalistes indépendants bénéficient également des dispositions protectrices des sources et relatives à la censure des contenus sur les plateformes numériques. En l'état, la proposition de la Commission européenne ne vise en effet que les journalistes professionnels. La loi de 1881 est plus large puisque le droit de ne pas divulguer ses sources a été étendu par la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, la loi Bloche, à l'ensemble des journalistes, journalistes indépendants compris.
Enfin, la commission a adopté un amendement de notre collègue Soumya Bourouaha, supprimant de la proposition de résolution la possibilité de déroger au secret des sources pour des raisons de sécurité nationale ou pour les besoins d'une enquête pénale. Nous nous sommes accordés sur le caractère satisfaisant de la rédaction de la proposition de règlement, qui autorise les États à porter atteinte au secret des sources s'ils justifient d'une raison impérieuse d'intérêt général, dans le respect du principe de proportionnalité. Cette disposition est très proche de la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public que notre grande loi de 1881 met en avant.
Vous le voyez, mes chers collègues, la majorité a été attentive à toutes les bonnes propositions, d'où qu'elles viennent, et je sais que le rapporteur souhaite aborder la discussion des amendements dans le même état d'esprit d'ouverture.
Avec ce texte, qui, je le rappelle, n'a pas pour objet de réglementer le contenu des médias ,
Mme Constance Le Grip opine du chef
la Commission européenne a fait le choix d'intervenir dans un domaine politiquement sensible. Ce texte pose des garde-fous qui ne remettront pas en cause la législation française, lentement construite et améliorée au fil des décennies. Comme vous, j'y suis particulièrement attachée.
Le rapporteur l'a dit à l'instant : le texte de la Commission européenne est perfectible. Je pense notamment à la mesure de l'audience, qui s'est considérablement complexifiée à l'ère numérique. Loin d'être une simple question technique, la mesure de l'audience est un enjeu essentiel, économique et politique. L'audience sur les plateformes est mal prise en compte et certaines d'entre elles refusent purement et simplement de communiquer leurs données aux éditeurs.
Si le règlement sur les marchés numériques, qui entrera en vigueur au mois de mai, devrait faciliter l'accès aux données des plateformes, nous devons encourager les institutions européennes à aller plus loin. Je rejoins le rapporteur qui propose de confier la production des méthodologies de mesure de l'audience sur les plateformes à des tiers indépendants, ou d'imposer aux plateformes la certification de leurs méthodes par un organisme d'audit, comme c'est le cas en France où la certification est réalisée par le Centre d'étude des supports de publicité.
Mes chers collègues, en adoptant largement cette proposition de résolution européenne, l'Assemblée nationale portera une parole forte et claire.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
Depuis quelques années, nous observons au sein de l'Union européenne de profondes transformations de l'espace médiatique, notamment une transformation numérique avec l'émergence des plateformes en ligne.
Pour garantir que toutes les voix puissent se faire entendre, nous devons instaurer de nouvelles régulations. L'enjeu est également de répondre aux pressions de plus en plus inquiétantes et intolérables que subissent les médias en Europe. Nous observons l'insécurité grandissante des journalistes, les ingérences publiques avec des médias qui deviennent de véritables outils de propagande, mais aussi des ingérences privées qui font planer des menaces fortes pour la liberté des médias, leur indépendance, leur pluralisme.
Il faut pouvoir préserver et garantir l'intégrité de nos médias car ils sont essentiels au bon fonctionnement de nos démocraties. C'est dans ce sens qu'au mois de septembre 2021, dans son discours sur l'état de l'Union, la présidente de la Commission européenne avait annoncé cette proposition de règlement, qui vise à harmoniser la régulation des médias entre les États membres. Si elle s'intéresse à l'environnement dans lequel évoluent les médias, elle ne prévoit aucunement d'en réguler le contenu.
Cette proposition est saluée et accueillie favorablement par le Gouvernement et les groupes de la majorité. En effet, elle prévoit des mesures fortes comme la protection de l'indépendance éditoriale ; l'indépendance et le financement stable des médias de service public, qui font l'objet d'attaques et de remises en cause permanentes. La résolution prévoit également la transparence de la publicité d'État ; l'interdiction de l'utilisation de logiciels espions contre les médias, les journalistes et leurs familles ; la protection des contenus publiés par les médias traditionnels sur les plateformes numériques ; la personnalisation de l'offre de médias ; des tests de pluralisme des médias au regard de la détention du capital. Les États membres évalueront l'incidence des concentrations capitalistiques sur les marchés des médias.
Enfin, elle prévoit la création d'un conseil européen des services de médias afin de mieux coordonner les mesures nationales de régulation des médias.
Je salue le travail de Constance Le Grip, rapporteure de la commission des affaires européennes, et celui d'Emmanuel Pellerin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, commissions qui ont successivement adopté la proposition de résolution.
Si nous nous réjouissons de la volonté d'élaborer un cadre commun pour les services de médias, nous avons néanmoins identifié, comme nous l'avons indiqué lors des débats en commission des affaires culturelles, certains points qui méritent d'être améliorés.
Tout d'abord, nous invitons l'Union européenne à prêter une attention particulière à l'articulation du règlement avec la directive sur les services de médias audiovisuels et les législations relatives aux services et aux marchés numériques. Comme le souligne l'Arcom, ces articulations devront être conçues de manière à rendre le dispositif cohérent et efficace.
Ensuite, nous demandons que les compétences du Comité européen pour les services de médias audiovisuels soient limitées, afin de préserver les spécificités de la presse écrite en France.
Par ailleurs, nous souhaitons que la proposition de résolution aille plus loin en matière de régulation des grandes plateformes, notamment en ce qui concerne l'obligation de rendre publics les motifs de retrait d'un contenu de médias traditionnels.
Nous souhaitons également que les garde-fous visant à garantir le fonctionnement indépendant des fournisseurs de médias publics ne remettent pas en cause les prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants des médias publics.
Enfin, nous demandons à l'Union européenne d'envisager une analyse plus approfondie de l'instrument juridique utilisé. En effet, une directive européenne serait plus à même de fixer des objectifs contraignants tout en laissant à chaque État le choix de la forme et des moyens pour y parvenir ; elle permettrait ainsi de préserver les spécificités nationales.
Au-delà de ces points, auxquels nous demeurerons attentifs, les députés du groupe Renaissance voteront la proposition de résolution, qui permettra de garantir la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias au sein de l'Union européenne. Les états généraux du droit à l'information, qui se tiendront prochainement, permettront de tracer de nouvelles pistes de réflexion.
Nous tenons à rappeler ici notre soutien aux journalistes et aux médias, qui nous permettent, par leur travail sérieux et libre, de nous informer. La proposition de règlement est un moyen de renforcer, à l'échelon européen, notre capacité d'agir contre les ingérences, parce que renforcer la liberté des journalistes, c'est garantir notre État de droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
Il y a au moins un point sur lequel nous pouvons être d'accord : tout le monde entend défendre la liberté de la presse, le pluralisme et la protection des sources des journalistes. Mais sont-ils en danger, en France ? La réponse est globalement non. Cela n'empêche pas de s'interroger sur la neutralité du service public, la concentration des médias ou la formation des journalistes, sans parler du droit voisin et du rôle des plateformes. Mais la proposition de législation européenne traite-t-elle de ces questions ? Je n'ai rien vu à ce sujet.
En fait, en lisant ce texte, on ne comprend pas où l'Union veut nous emmener. Quelle est sa philosophie ? Il s'agirait d'instaurer un cadre commun à l'ensemble des médias de l'Union européenne. Une nouvelle fois, les frontières, les États la dérangent ; il faut de l'uniformité, des clones, en quelque sorte ! On ne comprend pas très bien la finalité de tout cela.
Quelle est la situation en France ? Nous avons un large panel de journaux d'opinion. Dès lors, il ne nous paraît pas opportun de donner à l'Union européenne des armes nouvelles pour qu'elle centralise davantage encore les règles en vigueur. Du reste, on peut s'interroger sur sa légitimité pour légiférer dans le domaine culturel, car elle n'a pas de compétence en la matière et doit respecter le principe de subsidiarité. De fait, vous semblez l'oublier, chers collègues, dans les traités, les médias ne figurent pas parmi les compétences exclusives ou partagées de l'Union européenne.
Ainsi, la France pourrait être amenée à remettre en cause ses acquis en matière de pluralisme, construits au fil des années, pour y substituer un cadre européen moins protecteur, en particulier dans le secteur de la presse – c'est d'autant plus inquiétant que le cadre français est l'un de ceux qui garantissent le mieux le pluralisme en Europe. Certains l'ont bien compris ; je pense à des pays, comme l'Allemagne, ou au Sénat – nous en reparlerons –, qui posent un regard critique sur cette proposition de législation.
Par ailleurs, dans un entretien à Euractiv, Sabine Verheyen, présidente de la commission de la culture et de l'éducation du Parlement européen – qui est loin d'être une eurosceptique, vous me le concéderez –, se dit « profondément inquiète » de l'influence de la Commission dans le futur conseil européen des services de médias, qui doit remplacer l'actuel Erga. Elle refuse également l'idée d'imposer « des règles trop strictes au niveau européen » alors que certains acteurs allemands tiennent à leurs règles nationales actuelles.
Dans sa démonstration, l'Europe met en avant les attaques physiques dont peuvent être victimes des journalistes. C'est vrai, il y en a eu, de Malte aux Pays-Bas en passant par d'autres pays. Mais un texte européen est-il de nature à effrayer les mafias ? Qui plus est, l'Union veut protéger les médias contre les menaces de déstabilisation et d'ingérence de certains États. À qui pense-t-on ? Au Qatar ? Alors là, d'accord : banco ! Pas de problème, il faut y aller. Mais, avant de donner des leçons, il faut être soi-même irréprochable ; ce principe de base s'applique aussi au Parlement européen…
Je vous le demande, à vous qui, comme moi, tenez tant à l'exception culturelle française : pourquoi serions-nous contraints d'abandonner nos règles nationales et de mettre ainsi en danger nos entreprises du secteur face à une réglementation plus que floue ?
Le Sénat a admis qu'en se fondant uniquement sur l'article 114 du TFUE et en englobant tous les services de médias, y compris la presse écrite, la proposition de règlement postulerait l'existence, dans ce secteur, d'un marché à l'échelle de l'Union européenne. Or, nous le savons bien, le marché des médias est essentiellement structuré au niveau national, voire régional ou local. De ce fait, l'article 114 du TFUE n'offre pas une base juridique adéquate à une réglementation garantissant la diversité des contenus et la liberté éditoriale, notamment au sein des entreprises de médias. C'est pourquoi le Sénat estime que, dans sa rédaction actuelle, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil n'est pas conforme au traité.
Notre lecture, purement juridique, face à la vision extrêmement politique de la Commission européenne, est la même que celle du Bundesrat allemand, qui a émis, à propos de cette proposition de législation, un avis sur le respect du principe de subsidiarité. Ce sera vraisemblablement aussi le cas d'autres parlements des États membres. Or, si un tiers des parlements nationaux adoptent cette position, la Commission devra se justifier et, si c'est le cas de plus de la moitié d'entre eux, elle devra revoir sa copie.
Vous souhaitez, par cette proposition de résolution européenne, conforter la mise en place du règlement européen sans remettre à aucun moment en cause sa légitimité juridique et politique. Votre acharnement à vouloir étendre la supranationalité de l'hydre européenne est sans limites !
Votre volonté de doter l'Europe d'un règlement qui régisse à la fois les services de médias audiovisuels et la presse est un non-sens. Ce n'est pas seulement une question de droit, c'est aussi une question de subsidiarité et de proportionnalité. Si nous voulons que nos droits et la liberté d'expression de l'ensemble de ces secteurs soient protégés, nous devons absolument préserver nos deux écosystèmes. C'est pourquoi il est impossible au groupe Rassemblement national de voter la proposition de résolution européenne en l'état.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes appelés à nous exprimer sur un sujet fondamental pour toute démocratie : la liberté des médias. Cet enjeu intéresse l'ensemble des pays membres de l'Union européenne – pour certains, il est vrai, d'une façon cruciale. Le projet de règlement sur la liberté des médias de la Commission européenne répond bien à une nécessité : la garantie du droit des peuples à une information pluraliste et de qualité. Mais, franchement, cette proposition de résolution européenne ressemble à une vaste occasion manquée.
Occasion manquée pour nous, députés du pays des droits de l'homme, de la liberté de la presse et de la liberté d'expression. Nous ne devrions pas nous contenter de saluer des principes généraux énoncés dans un règlement européen ; le Parlement devrait se prononcer en faveur d'un renforcement de la transparence de la propriété des médias, de dispositifs anticoncentration, et de la protection de l'indépendance de l'audiovisuel public, du métier de journaliste et du secret des sources. Il ne faudrait pas que cette proposition de résolution soit utilisée pour masquer les problèmes français, voire protéger les errements du Gouvernement en matière de respect de l'indépendance de la presse.
Prenons l'audiovisuel public. La proposition de règlement européen prévoit un financement adéquat et stable, par les États membres, des fournisseurs de médias de service public pour que ceux-ci puissent remplir leur mission. Elle rappelle l'exigence d'indépendance éditoriale. Or que fait-on, dans cette proposition de résolution ? On se hâte d'atténuer cette exigence en précisant, à l'alinéa 31, qu'elle « ne doit pas remettre en cause les prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants des médias publics ».
C'est, pardonnez-moi l'expression, gros comme une maison. Nous voilà soudainement sommés de défendre notre souveraineté face à la législation européenne… pour permettre au Gouvernement de disposer à loisir de l'avenir de notre audiovisuel public !
Quel symbole, quelques mois après que le Gouvernement a supprimé brutalement et sans que cela soit nécessaire la redevance qui finance l'audiovisuel public
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
– applaudi par un Rassemblement national qui demande sa privatisation – et après avoir vu défiler dans la rue tous les syndicats de journalistes et avoir entendu tous les responsables – je dis bien tous – des chaînes et antennes publiques déclarer que c'était une folie, un coup de grâce, après des années de réductions budgétaires et de plans sociaux. Tous expliquent que le remplacement de la redevance par une budgétisation serait une entaille mortelle dans le principe d'indépendance de l'audiovisuel public.
Quel symbole quand, pendant que nous examinons ce texte, circule une vidéo de Cyril Hanouna vomissant sur l'audiovisuel public, le même Cyril Hanouna qui se vante de se plier à la volonté de son patron Bolloré, lequel a déroulé le tapis rouge à Éric Zemmour…
Exclamations sur les bancs du groupe RN
…le tout sur une chaîne mise gratuitement à disposition par la puissance publique.
Bref, cet alinéa 31 n'est ni plus ni moins qu'un blanc-seing. S'il n'est pas supprimé, ne comptez pas sur nos voix pour faire passer ce texte.
Plutôt que d'utiliser cette proposition de résolution pour avaliser les errements du Gouvernement, nous devrions, en tant que parlementaires, nous en saisir pour l'interpeller sur l'état des médias et des droits des journalistes en France. J'ose espérer que nous sommes tous d'accord ici pour dénoncer les entraves au travail des journalistes et à la liberté d'expression en Hongrie ou en Pologne. Mais oserons-nous regarder en face ce qui se passe ici, sous nos yeux ?
En France, il y a à peine deux ans, on a failli interdire aux journalistes de filmer les forces de l'ordre. En France, le journal Le Monde a retiré une tribune qui avait le malheur de déplaire au Président de la République, en lui présentant ses plates excuses. En France, des journalistes de la cellule investigation de Radio France ont été convoqués par la sécurité intérieure. En France, un journaliste est poursuivi par la justice pour un reportage sur une action des faucheurs volontaires. En France, des journalistes sont violentés par la police lors de manifestations, au point que la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'en est émue. En France, des journalistes font l'objet d'une censure préalable au nom du secret des affaires. En France, des journalistes subissent des procédures bâillons de la part d'un certain industriel aux activités douteuses, notamment en Afrique. Enfin, en France, nous assistons à un phénomène massif et des plus préoccupants de concentration des médias entre les mains de quelques oligarques. Le tout pendant que des contenus médiatiques en ligne sont censurés par des plateformes toutes-puissantes à l'international.
Rien d'étonnant donc à ce que la France soit passée de la onzième à la trente-quatrième position dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Chers collègues, si vous êtes pris d'une soudaine volonté de faire retrouver son rang à la France et de donner une réalité française à des principes que vous saluez en Europe, vous avez à votre disposition notre proposition de réforme du financement de l'audiovisuel public garantissant sa pérennité et son indépendance et notre proposition de loi pour en finir avec la concentration dans les médias.
D'ici là, nous ne pourrons pas voter pour ce texte s'il demeure, à l'issue des débats, un rendez-vous manqué avec ce que la France pourrait se donner comme objectifs pour elle-même et, plus universellement, dans l'intérêt des peuples européens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous examinons une proposition de résolution européenne relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias de la Commission, qui a été récemment adoptée et doit être à présent examinée par le Parlement européen et les États membres avant d'aboutir à un projet de règlement. C'est là, peut-être, sûrement même, que le bât blesse, car, une fois adopté, ce règlement sera d'application directe et uniforme alors qu'une proposition de directive aurait offert plus de souplesse aux États membres en leur laissant le choix de la forme et des moyens pour la mise en œuvre de ses dispositions.
Si les médias ne relèvent pas d'une compétence stricto sensu de l'Union européenne, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, juridiquement contraignante depuis 2007, protège la liberté et le pluralisme des médias.
La guerre en Ukraine, la crise sanitaire, les tentatives de mainmise sur l'information, et même de désinformation, ont confirmé et conforté le rôle essentiel de ces derniers.
L'Europe ne peut se résumer uniquement à un marché économique ou à un guichet de banque, mais doit protéger son identité culturelle et ses valeurs démocratiques. Parce qu'il s'agit d'un pilier essentiel de notre démocratie, le groupe LR soutient les objectifs généraux de la Commission européenne sur la liberté des médias mais rappelle aussi que le principe de subsidiarité doit s'appliquer.
La gouvernance et le financement de l'audiovisuel public relèvent en effet de la compétence des États membres et font d'ailleurs l'objet de la mission d'information décidée par notre assemblée. À ce propos, je m'étonne, madame la ministre, de vos annonces prématurées et en solo en ce qui concerne l'audiovisuel public, annonces que nous avons découvertes dans la presse avant même les conclusions de notre mission et la fin de notre travail parlementaire.
Curieuse façon de considérer le Parlement. Il faut respecter l'Assemblée nationale, son travail, ses élus, la majorité et l'opposition, son calendrier. Ce n'est pas le Gouvernement, madame la ministre, qui décide tout seul en la matière.
À travers cette proposition de résolution européenne, nous nous félicitons que soient défendues la protection de l'indépendance éditoriale et des sources journalistiques, la transparence en matière de propriété des médias et de publicité d'État, la protection des contenus en ligne et le droit pour l'utilisateur de personnaliser son offre de médias sur les appareils connectés et les interfaces. Sont également rappelées l'importance d'un financement stable et prévisible, là où il existe des médias de service public, et la nécessité d'une concentration régulée des médias.
À cet égard, je rappellerai l'importance de garder dans notre pays un double niveau de contrôle des concentrations : d'une part, un contrôle de droit commun, à travers l'Autorité de la concurrence ; d'autre part, un contrôle spécifique sectoriel à travers l'Arcom et la loi de 1986. Mais ce dispositif, qui ne s'applique qu'aux médias traditionnels, audiovisuel hertzien et presse écrite, est aujourd'hui obsolète et devrait être refondé, à l'heure où l'offre et les usages se sont largement déplacés vers internet.
En conclusion, face aux menaces ciblant la liberté et le pluralisme des médias, face à la concurrence des très grandes plateformes en ligne et des réseaux sociaux, face aux tentatives d'ingérence politique ou économique, ce texte prévoit des garde-fous utiles au niveau de l'Union européenne, mais il devra respecter le principe de subsidiarité et la compétence des États membres. En conséquence, nous voterons cette proposition de résolution européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La liberté de la presse brûle, et le monde regarde ailleurs. Quatre-vingt-cinq pour cent de la population vit dans un pays où la liberté de la presse a reculé ces dernières années. Pourtant, celle-ci est au cœur de notre modèle démocratique. Elle est la condition sine qua non du libéralisme politique. Une liberté indispensable qui, couplée au droit de vote pour tous, constitue l'alpha et l'oméga de la démocratie. Sans des médias libres, le vote est le jouet de ceux qui pensent que la démocratie n'est qu'un Monopoly ; sans une presse indépendante, il n'est qu'un outil de légitimité dévoyé au service d'un modèle illibéral.
Cette remise en cause de la liberté de la presse s'observe, bien sûr, dans les pays autoritaires, comme la Russie, la Chine ou le Venezuela. Face aux réseaux sociaux qui sont autant de fenêtres ouvertes, ces pays s'enfoncent dans la censure. Mais elle touche aussi les grandes démocraties, comme les États-Unis, l'Inde ou le Mexique. La liberté de la presse y recule pour différentes raisons, l'argent, la corruption ou l'autoritarisme. L'Europe, enfin, n'est pas non plus épargnée, la montée de l'extrême droite, en Pologne comme en Hongrie, érodant la liberté des médias.
Dans ce contexte, la proposition de règlement européen sur la liberté des médias est salutaire. Encore une fois, l'Union européenne affirme son avant-gardisme dans la promotion des libertés publiques. Depuis des années, elle se mobilise pour défendre et renforcer les droits de la presse – je pense à la création d'un droit voisin au profit des services de presse en ligne, défendue dans cette assemblée par mon ami, le président Patrick Mignola.
Cette proposition de règlement était d'autant plus attendue que les constats de la Commission sont largement partagés par les acteurs concernés. Les médias européens font face simultanément à une baisse de leurs recettes, à l'émergence des plateformes en ligne et à un ensemble de règles nationales qui compliquent la circulation de l'information. Face à ces constats, les réponses apportées sont à la hauteur des enjeux.
Il nous faut ainsi saluer la volonté de la Commission de renforcer la confiance dans les médias. Car, malgré leur liberté, leur indépendance et les bons classements internationaux des pays de l'Union, seul un Européen sur cinq a une confiance élevée dans les médias. Peut-être est-ce dû, pour partie, à l'intérêt qu'à l'extrême droite à alimenter la défiance ; peut-être celle-ci est-elle aussi attisée par les déclarations de ceux qui affirment que « la haine des médias est juste et saine ».
Si nous voulons, sans polémiques, renforcer la confiance de nos concitoyens envers les services d'information, nous devons prendre des mesures à même de le faire. En ce sens, le groupe Démocrate salue les propositions de la Commission, qui accentuent la transparence en matière de propriété des médias et renforcent l'indépendance éditoriale de ces derniers.
À ce sujet, j'appelle votre attention sur l'absolue nécessité de renforcer la couverture des informations européennes. Les Français se sentent mal informés sur ce sujet. Nous sommes un des seuls États européens à ne jamais pouvoir suivre le discours sur l'état de l'Union de la présidente de la Commission européenne, à ne jamais en entendre parler, à ne jamais en commenter les annonces, quand bien même elles devraient changer notre vie. Madame la ministre, je vous sais très attachée à cette visibilité européenne, le groupe Démocrate est prêt à y travailler avec vous.
De cette proposition de règlement, il nous faut aussi retenir la volonté politique européenne réaffirmée d'approfondir le soutien public aux journalistes. Notre groupe salue ainsi la création d'un fonds destiné aux journalistes menacés, ainsi que l'amplification de la lutte contre les logiciels espions.
Il nous faut enfin applaudir les dispositions renforçant la vigilance européenne face à la puissance des Gafam. Nous nous réjouissons en particulier de la mesure imposant au média qui en est à l'origine que le retrait d'un contenu soit justifié. Nous devons toutefois aller plus loin sur ce sujet car l'inquiétude monte face à l'importance de ces géants.
Tout en saluant donc ces avancées, le groupe Démocrate partage les réserves suscitées par la présente proposition de résolution européenne. Il souligne en particulier la nécessité de renforcer les garanties d'indépendance du futur Comité européen pour les services de médias et partage l'idée que la presse écrite doit être exclue de son champ de compétences.
Pour toutes ces raisons, notre groupe soutient cette proposition de résolution qu'il votera donc résolument.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LIOT et quelques bancs du groupe RE.
Cinquante-sept journalistes tués, cinq cent trente-trois en détention, soixante-cinq otages et quarante-neuf portés disparus : voilà le triste bilan des atteintes au journalisme dans le monde en 2022, des chiffres qui, malheureusement, battent de nouveaux records. Alors oui, chers collègues, il est primordial de défendre la liberté et l'indépendance des journalistes, ainsi que le pluralisme des médias, à une échelle qui dépasse les frontières, celle de l'Union européenne. Oui, à l'heure des infox, de la montée de l'extrême droite et du repli sur soi, partout en Europe, il est impérieux que les citoyens européens puissent se forger des opinions éclairées et participer pleinement au débat démocratique, en ayant accès à une offre médiatique indépendante et pluraliste.
Nous saluons donc l'initiative de la Commission européenne visant à établir un cadre commun pour les services de médias, tout en l'invitant à dépasser son approche purement axée sur le marché intérieur, pour défendre pleinement les valeurs démocratiques de l'Union européenne. Dans ce cadre, madame et monsieur les rapporteurs, nous vous remercions pour cette proposition de résolution qui soutient cette initiative européenne nécessaire.
Toutefois, alors que les enjeux sont cruciaux, nous regrettons le manque d'ambition de ce texte, en premier lieu en matière de lutte contre la concentration des médias. Alors que le paysage médiatique est de plus en plus concentré, portant gravement atteinte aux principes de pluralisme et d'indépendance des médias, cette proposition de résolution devrait insister sur la nécessité d'aller plus loin dans les règles anticoncentration, en exigeant, par exemple, la détermination de seuils clairs – pour rappel, la NUPES défendait il y a quelques mois une proposition de loi du groupe La France insoumise, fixant des seuils ambitieux visant à empêcher que nos médias se retrouvent aux mains d'une petite poignée d'hommes et de sociétés, dont l'activité principale est souvent très éloignée du monde de l'information et de ses principes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une autre insuffisance concerne les fournisseurs de services de médias extérieurs à l'Union. En pleine affaire de la propagande russe sur les satellites Eutelsat, à une époque caractérisée par des tensions et des conflits géopolitiques internationaux croissants, la question de la coopération transfrontière dans le domaine des chaînes et des services de médias sous l'influence ou le contrôle de pays tiers est cruciale et doit être traitée au niveau européen. Parce que le dossier Eutelsat démontre que ces médias peuvent causer de graves dommages en termes de désinformation, de propagande d'État, d'incitation à la haine et à la violence et de déstabilisation des démocraties européennes, il est nécessaire de muscler l'Acte européen, afin que nos régulateurs aient tous les outils pour les sanctionner et les interdire. Ainsi, nous souhaiterions que votre texte insiste sur les améliorations, les clarifications et le renforcement à apporter à l'Acte européen afin d'apporter des solutions efficaces aux problèmes rencontrés. L'Erga a fait des recommandations en ce sens, nous vous invitons à les suivre.
Surtout, madame et monsieur les rapporteurs, un alinéa de votre proposition nous pose un sérieux problème, celui sur le financement de l'audiovisuel public. Sa modification en commission ne masquera pas l'intention initiale : laisser toute marge de manœuvre aux États pour décider du financement de leur audiovisuel public. Cet alinéa fait écho à notre débat de cet été, au cours duquel nous avons défendu l'indépendance de l'audiovisuel public contre la réforme précipitée du Gouvernement, qui ne respectait pas les grands principes de l'audiovisuel public. Nous en voyons aujourd'hui les résultats.
Oui, il est essentiel d'avoir des garde-fous permettant d'assurer l'indépendance des médias publics. En voulant préciser que les garde-fous ne doivent pas empêcher les États de légiférer, c'est le sens même de l'idée de garde-fou que vous remettez en cause… pour in fine carrément supprimer le terme.
Or cet été, ce sont bien ces garde-fous qui ont fait reculer le Gouvernement sur son choix de budgétiser le financement de l'audiovisuel public. Et alors qu'on apprend aujourd'hui, dans la presse, que le ministère de la culture souhaite pérenniser, sans certitude juridique, une fraction de la TVA – l'impôt le plus injuste – comme financement de l'audiovisuel public, que cette décision a été prise de manière unilatérale, au mépris des parlementaires en pleine mission sur ce sujet, nous sommes encore plus déterminés à défendre les garde-fous de notre audiovisuel public et de son indépendance. Pour ces raisons, et en l'état, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur cette proposition de résolution, en espérant toutefois que nos débats permettront de corriger ce manque d'ambition.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
À travers l'ensemble du continent européen, la presse et les médias subissent des transformations majeures. Le monde des médias et de la presse est victime d'une révolution numérique et d'une crise de surinformation, les sources devenant de plus en plus difficiles à vérifier. Les usages de la population se transforment : les réseaux sociaux prennent le dessus. Les conséquences de cette évolution brutale sont difficiles à déterminer mais les menaces sont bien là.
Les nouveaux logiciels espions, tel Pegasus, menacent les citoyens et leurs représentants ; l'apparition d'algorithmes permettant de trafiquer les flux d'informations accélère et facilite les ingérences étrangères. Le nombre de scandales relatifs aux fausses informations a considérablement augmenté ces dernières années. Les récentes élections, notamment américaines, ont ravivé les débats sur les déstabilisations orchestrées par des puissances étrangères, qui déchirent le tissu social de nos sociétés. Les médias sont de plus en plus tributaires des aides gouvernementales ou sont dépendants de montages financiers permettant aux hommes proches de certains chefs d'État d'acquérir un quasi-monopole sur l'ensemble des grands médias nationaux.
L'évolution de la technologie dans un contexte géopolitique incertain nécessite donc des actions à la hauteur, autant sur les filières technologiques et industrielles à l'échelle européenne qu'en matière de législation nationale. Cela est d'autant plus important au vu des menaces qui pèsent régulièrement sur le travail des journalistes.
L'application d'un règlement uniforme pour l'ensemble des pays européens ne doit pas nous dispenser d'un débat nécessaire sur la situation des médias dans notre propre pays, compte tenu notamment des implications de la proposition de la Commission pour notre droit interne.
D'abord, sur la division entre les règles applicables aux médias audiovisuels et la presse écrite, la proposition de règlement crée un Comité européen pour les services de médias, censé regrouper l'ensemble des régulateurs nationaux. Or nos régulateurs sont différents pour la presse écrite et les médias audiovisuels. Cette différence n'est pas prise en compte dans le texte de la Commission.
Ensuite, s'agissant de la responsabilité éditoriale, l'adaptation du droit français à cette législation impliquerait de réécrire en grande partie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Vous conviendrez, chers collègues, que l'enjeu est de taille. La Commission n'aurait-elle pas mieux fait de proposer un instrument différent ? Cette proposition de résolution nous conduit à nous interroger sur le choix d'un règlement uniforme plutôt que d'une directive qui aurait permis une plus grande liberté et du temps supplémentaire pour transposer la législation européenne dans le droit français. Ce délai supplémentaire nous aurait permis de débattre sur les conséquences des évolutions technologiques et du développement des plateformes en ligne, sur le marché médiatique et la liberté de la presse en France.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés soutient cette proposition de résolution européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Isabelle Rauch, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, applaudit également.
Tout d'abord, je remercie le rapporteur pour son état d'esprit très constructif durant nos travaux. Le groupe écologiste accueille très favorablement la proposition de législation européenne sur la liberté des médias. Mais si l'Europe demeure l'un des continents les plus favorables à la liberté de la presse, il n'empêche que cette dernière a été sérieusement mise à mal au cours des dernières années – et la France n'y fait pas exception.
Cinq journalistes, qui enquêtaient sur des faits de corruption, ont été assassinés en cinq ans sur le sol européen et ses frontières. L'arrivée au pouvoir de nationalistes en Pologne, en Hongrie et en Italie – les amis de certains –, s'accompagne d'une hausse des exactions commises sur des journalistes.
Orbán, Morawiecki et Meloni n'ont pas tardé, une fois au pouvoir, à déployer un arsenal juridique répressif à l'égard de la presse. La Hongrie a usé du harcèlement administratif jusqu'à faire disparaître la principale radio privée indépendante de Budapest. La Pologne a d'abord supprimé les aides à la presse pour les médias critiques du pouvoir avant d'instaurer des taxes démesurées qui ont conduit les médias indépendants à la faillite et à leur rachat par les milieux patronaux proches du pouvoir. En Italie, des procès-bâillons ont visé les journalistes qui critiquent l'inhumanité de la politique antiréfugiés de Mme Meloni. À l'occasion de ce débat, j'adresse à mon tour le plus profond soutien et respect de mon groupe à tous les journalistes qui sont sur le terrain et prennent des risques pour nous, pour la démocratie.
Nous approuvons donc la volonté, exprimée dans la proposition européenne, d'élever l'information au rang de bien public, d'offrir à chaque média européen des garanties contre l'ingérence politique dans ses décisions éditoriales, la surveillance étatique et l'espionnage. Nous approuvons les objectifs fondamentaux affichés : garantir les droits de la presse vis-à-vis des plateformes numériques ; promouvoir une meilleure transparence actionnariale, même légère, car savoir qui possède quoi est déterminant pour comprendre d'où chacun s'exprime.
Cependant, nous ne sommes pas totalement à l'aise avec la rédaction de certaines propositions laissant en quelque sorte penser qu'il y aurait deux Europe : celle de la Hongrie et des pays illibéraux ; celle de pays comme la France où tout irait bien. Ce serait se gonfler d'orgueil car la liberté recule aussi en France, pays qui est passé du onzième au vingt-quatrième rang en vingt ans dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Ne nions pas la réalité : en France, des journalistes sont régulièrement blessés par les forces de l'ordre pendant des manifestations qu'ils couvrent ; ils sont la cible d'interpellations arbitraires, je pense particulièrement aux journalistes de Reporterre, condamnés pour avoir couvert une action militante ; ils peuvent être convoqués par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) au nom de la défense nationale, comme ce fut le cas il y a à peine un mois.
Et surtout, on observe en France un niveau record de concentration actionnariale des médias dans les mains d'une poignée d'industriels qui, comme M. Bolloré, ne se privent pas de fabriquer de toutes pièces des candidats à l'élection présidentielle. Sur leurs chaînes, on ne se prive pas non plus de plaider pour l'anéantissement de l'audiovisuel public, accusé de coûter trop cher. Pour notre part, nous trouvons que c'est leur travail qui coûte cher à la démocratie.
M. Erwan Balanant applaudit.
Non, la France n'est pas le paradis de la liberté de la presse. Ce texte doit donc garantir de nouveaux droits aux journalistes, y compris à ceux de ce pays. Or, en l'état, il ne nous semble pas suffisant. Il reprend la philosophie globale de la proposition européenne, ce dont nous sommes très contents. Il rappelle la nécessité de préserver les aides publiques à la presse – très bien. Il pointe le risque – réel – d'un manque d'indépendance du Comité européen pour les services de médias. Il intègre également un amendement écologiste et d'autres amendements de nos collègues de la NUPES sur la protection des journalistes, notamment des journalistes indépendants.
Cependant, il est encore muet sur les trop grandes marges de manœuvre laissées aux États dans l'interprétation du texte, qui risquent de faire trop peu évoluer la législation française. Il ne pousse pas à aller plus loin pour mettre fin à la concentration des médias par des mesures concrètes. Il s'accommode du flou en matière de transparence des actionnaires des médias. Il est muet sur les conditions de travail des journalistes, sur la préservation du travail journalistique consacré à l'information et à l'enquête dans l'activité des rédactions, ou sur la création d'un droit d'agrément des rédactions face aux tentatives d'ingérence des actionnaires.
La rédaction de ce texte comporte un autre défaut majeur : elle n'aborde pas la question des garanties financières que nous devons accorder à l'audiovisuel public ni celle de la transparence de la nomination de ses dirigeants.
Au moment d'aborder la discussion sur ce texte, nous restons donc dans une position de retrait. En l'absence d'évolution sur les points soulevés, nous ne pourrons pas voter ce texte et nous nous abstiendrons.
M. Inaki Echaniz et Mme Sarah Legrain applaudissent.
Le mois dernier, des journalistes étaient convoqués par la DGSI, soupçonnés d'avoir porté atteinte au secret de la défense nationale. Il y a quelques semaines, Mediapart, à cause d'une décision sur laquelle la justice est heureusement revenue, se voyait interdire la publication d'une enquête. Ces deux exemples illustrent la fragilité du droit à l'information, même dans une démocratie comme la nôtre, qui a construit au fil du temps une législation protectrice mais incapable de répondre à tous les enjeux actuels en matière de droit des médias.
Dans d'autres pays de l'Union européenne, la situation est autrement plus critique. Alors oui, il y a nécessité à agir au niveau de l'Union européenne et à celui de notre droit interne pour préserver l'indépendance des journalistes et des rédactions, protéger les sources, lutter contre les procédures-bâillons, garantir un financement juste de l'audiovisuel public et mettre fin à la concentration des médias dans les mains des puissances de l'argent.
Voilà les enjeux qui doivent être les nôtres. Il ne m'apparaît donc pas hors de propos, contrairement à la position du Sénat exprimée dans un avis relatif à la conformité au principe de subsidiarité, que l'Union européenne s'intéresse à la régulation des médias. En effet, leur indépendance et le pluralisme qui en découle sont des piliers essentiels de nos démocraties, garantis par l'Union européenne. À la lecture des différents rapports, je pense néanmoins qu'une directive aurait été plus pertinente qu'un règlement.
Ce projet de règlement européen peut-il constituer une réponse adéquate ? Pour ma part, je le crois. Je ne pense pas que le projet de règlement réponde suffisamment à tous les enjeux et je n'ignore pas les écueils qu'il comporte, notamment dans son articulation avec notre droit interne, mais il est indispensable que la représentation nationale s'en empare et exprime ce qu'elle en attend. C'est l'objectif de la présente proposition de résolution.
Les députés communistes et du groupe GDR – NUPES souscrivent à la plupart des dispositions de la proposition de résolution européenne car elle apporte des précisions utiles. Cependant, nous la jugeons insuffisante dans son volet anticoncentration et nous nous inquiétons de son silence sur l'accaparement des médias par les groupes industriels et les milliardaires – un sujet qui nous paraît pourtant central.
Les médias sont exposés au danger de l'hyperconcentration verticale et horizontale. Nous avons eu l'occasion de défendre nos propositions au sein de la NUPES à travers la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe La France insoumise. Cet accaparement par de grands groupes industriels est lié à la difficulté pour tout média indépendant de survivre ou d'atteindre une large diffusion. Notre objectif ne peut pas être non plus d'assurer la pluralité entre milliardaires : nous devons permettre aux médias indépendants de se développer.
Je serai en outre particulièrement attentive à ce que nos amendements sur les procédures-bâillons trouvent un écho favorable, notamment en lien avec le travail engagé par l'Union européenne contre ces poursuites qui entravent la liberté et l'action des journalistes. Ces instrumentalisations du droit, qui se multiplient, méritent d'être spécifiquement mentionnées dans la proposition de résolution européenne.
Enfin, nous ne pourrons voter pour la proposition de résolution si celle-ci conserve l'alinéa 31 donnant toute latitude aux États dans les modalités de financement de l'audiovisuel public. De ces modalités dépend l'indépendance du service public de l'audiovisuel : la suppression d'un financement affecté par le Gouvernement est une erreur qu'il faut corriger.
Cependant, le groupe GDR – NUPES approuve les précisions apportées par la proposition de résolution européenne, notamment en ce qui concerne la responsabilité du directeur de la publication, qui doit demeurer effective dans notre droit, et l'exclusion de la presse du champ du futur Comité européen pour les services de médias.
La commission a permis certaines avancées. J'espère que le débat en séance permettra de renforcer le texte de manière significative. En l'état actuel, nous ne pouvons voter favorablement pour cette résolution dont nous partageons pourtant l'intérêt.
Avant d'être élue députée, j'ai eu la chance d'exercer le métier de journaliste. J'ai eu l'occasion de travailler dans plusieurs rédactions en France et à l'international. Si je suis passée du côté obscur de la force en devenant élue, comme diraient certains de mes anciens collègues, je reste profondément attachée à la liberté de la presse et à sa défense.
Même si les députés du groupe LIOT choisissent de s'abstenir, ils souscrivent aux objectifs poursuivis par la Commission européenne. Ils approuvent ainsi les dispositions visant à améliorer la transparence actionnariale, à prémunir les médias contre l'ingérence politique, la surveillance étatique et l'espionnage, à améliorer la sécurité des journalistes ou à garantir l'indépendance des médias publics en matière de financement et de nomination de leurs dirigeants.
La proposition de résolution cherche à élargir l'ambition du futur règlement, notamment en ce qui concerne les obligations des plateformes numériques. Mais nous regrettons que le texte n'aille pas plus loin en matière de lutte contre la concentration des médias, alors que ce phénomène comporte un risque démocratique car il peut remettre en cause la crédibilité de l'information et le lien de confiance nécessaire entre médias et citoyens. Parallèlement, le rôle de certains médias dans la diffusion d'informations tronquées ou fausses nous inquiète profondément.
Depuis plusieurs décennies, la presse connaît une crise sans précédent : les mutations technologiques, le Far West de l'information en ligne et l'appétit des États et grands groupes à utiliser l'influence informationnelle s'ajoutent à une grande difficulté à construire des modèles économiques viables pour les médias, à fournir des garanties structurelles pour la protection des rédactions des influences économiques ou politiques. L'intelligence artificielle permet la création de contenus sans cerveaux humains et les algorithmes se jouent du libre arbitre au cœur de notre raisonnement. Les financiers ont choisi de parier sur les tubes et les contenants en délaissant l'investissement sur l'humain et l'éditorial.
Les vocations sont nombreuses. L'infobésité est une maladie qui nous guette tous. Or jamais la profession de journaliste n'a connu une telle précarité. Jamais les journalistes n'ont connu une telle pression qui se traduit souvent par une grande détresse individuelle dans les rédactions, un renouvellement du personnel inhumain, un stress intense, des licenciements, de moins en moins de moyens, un choc des générations et des ambitions.
La logique comptable a créé les « chargés de contenus » et construit la mutualisation des rédactions qui aboutit à l'uniformisation de l'information : nous lisons, écoutons, survolons à peu près tous la même chose. Concentrés sur la gratuité apparente des contenus financés par la promotion, nous refusons d'investir dans la presse indépendante et de reconnaître que l'information a un prix.
La proposition de la Commission européenne nous oblige à double titre : elle nous invite à être plus exigeants vis-à-vis de nos partenaires européens, mais ce faisant elle nous oblige aussi à adopter un comportement exemplaire en la matière. Et nous avons une réelle marge de progression puisque La France, terre de liberté, terre démocratique, berceau d'une presse ancienne, n'est que trente-quatrième dans le classement sur la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Nous pouvons, nous devons faire mieux pour offrir dans notre pays des garanties suffisantes pour assurer la liberté et l'indépendance de tous les médias. La suppression de la redevance nous conduit à nous interroger sur le mode de financement de France Télévisions et des rédactions de l'audiovisuel public. En outre-mer, la chaîne France Ô joue un rôle crucial et doit absolument être protégée pour garantir aux citoyens ultramarins une information locale plurielle, indépendante et riche. Les journalistes ont besoin de soutien. Nous sommes à leurs côtés.
Je ne saurais terminer mon propos sans adresser un message de solidarité aux journalistes qui risquent leur vie et sont emprisonnés ou menacés parce qu'ils nous informent et posent des questions indispensables. Nous devons soutenir les journalistes algériens de Radio M et de Maghreb Emergent et exiger la remise en liberté d'Ihsane El Kadi. Nous soutenons la journaliste biélorusse Maryna Zolatava, emprisonnée et accusée de terrorisme pour son travail. Nous soutenons les journalistes palestiniens qui ont été blessés par balle alors qu'ils couvraient une incursion des forces israéliennes à Naplouse. Nous soutenons le journaliste iranien Ehsan Pirbornash, condamné à dix-huit ans de prison pour avoir osé se moquer des religieux et soutenir les manifestations qui ont éclaté après la mort de Mahsa Amini. Il rejoint malheureusement les dizaines de journalistes iraniens emprisonnés ces derniers mois. Nous soutenons les rédacteurs en chef du site d'information Stand News, Chung Pui-kuen et Patrick Lam, qui sont accusés de publications séditieuses et risquent deux ans de prison à Hong Kong. Ils sont victimes de la violente campagne contre la liberté de la presse qui a accompagné la répression chinoise dans cette région.
Je le dis et le répète ici, à l'Assemblée nationale : sans la presse, point de démocratie ; sans journalistes, point de débat d'idées ni de citoyens informés. Soutenons la presse libre et indépendante – elle est indispensable.
M. Erwan Balanant applaudit.
« Notre liberté dépend de la liberté de la presse et elle ne saurait être limitée sans être perdue. » Ces mots de Thomas Jefferson devraient nous guider. La liberté d'expression, la liberté de la presse sont des principes pour lesquels je me suis battue une grande partie de ma vie et que je défends bec et ongles, tant elles me semblent constituer l'indicateur essentiel, incontournable, d'une démocratie en bonne santé.
Alors évidemment, lorsqu'est présentée une proposition de résolution visant apparemment à les défendre, on ne peut qu'être tenté d'y souscrire. Mais à y regarder de plus près, il semble que l'engouement initial doive laisser place à une certaine retenue.
La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, dans son discours sur l'état de l'Union donné le 15 septembre 2021 devant les députés européens, défendait la proposition de règlement établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur. L'objectif affiché était d'établir un cadre commun entre les États membres afin, assurait-on, de favoriser le bon fonctionnement du marché intérieur des médias et de mieux protéger le pluralisme et la liberté de la presse, en instaurant des normes minimales. À ce stade, la proposition doit encore être examinée par le Parlement européen et par le Conseil.
C'est sans surprise que le Gouvernement, souvent fort peu critique des injonctions bruxelloises, se montre favorable à la proposition de législation de la Commission européenne qui, soulignons-le tout de même, pose plusieurs questions – au point, d'ailleurs, que vous reconnaissez pudiquement le caractère perfectible du texte et que vous nous invitez, en guise de correctif, à adopter la présente proposition de résolution, dont nous savons qu'elle n'a en réalité qu'une portée juridique assez faible.
C'est ainsi que, cahin-caha, la Commission européenne et le Gouvernement assurent que l'adoption de ce texte débouchera sur davantage de pluralisme et d'information au sein de l'Union. Malgré ces bonnes intentions, pourtant, il est difficile d'ignorer que l'intervention de la Commission européenne au titre de sa compétence d'harmonisation du marché intérieur est contestée par plusieurs États membres. Deux assemblées parlementaires se sont déjà montrées hostiles à la proposition de la Commission, estimant qu'elle bafouait le principe de subsidiarité.
La première n'est autre que le Bundesrat allemand qui a adopté, le 25 novembre 2022, un avis motivé dans lequel il indique que, s'il partage la volonté de la Commission de préserver l'indépendance éditoriale et le pluralisme des médias au sein de l'Union européenne, il estime que la base légale invoquée n'est tout simplement pas pertinente. Pire encore, la proposition de la Commission lui semble porter atteinte non seulement à la souveraineté nationale, mais aussi aux principes de subsidiarité et de proportionnalité qui doivent encadrer l'action de l'Union. La commission des affaires européennes de la diète hongroise – même si je n'ignore pas que la liberté de la presse peut être rudement bousculée par M. Orbán – lui a emboîté le pas, le 29 novembre 2022, en adoptant un avis similaire au motif simple que la réglementation des médias ne constitue ni une compétence exclusive ni une compétence partagée de l'Union européenne, et que le choix d'un règlement d'application immédiate porte directement atteinte aux traditions réglementaires nationales.
Quant à nous, nous partageons tous, sur les bancs de cette assemblée, la volonté de protéger les médias et les journalistes. Mais comment ne pas être alertés quand, au cours des auditions menées par la commission, les journalistes eux-mêmes nous font part de leurs craintes de voir leurs libertés contrariées, pour ne pas dire restreintes ? Parce que la liberté de la presse française est l'une des mieux protégées au monde – à tel point que, malgré les pressions de certains, la France consacre même un droit au blasphème – on peut s'interroger sur ce que nous aurions à gagner à adopter un tel texte. On peut d'ailleurs légitimement se demander ce qui, de la liberté de la presse ou du marché intérieur, intéresse vraiment la Commission européenne. Si la logique marchande est un des moteurs de l'Union européenne, ne devrions-nous pas faire preuve d'une certaine réserve lorsque la liberté de la presse est en jeu ?
Pour ma part, je ferai plus qu'exprimer des réserves : je voterai contre cette proposition de résolution car je refuse que la liberté de la presse, un des piliers de notre société, ne s'étiole.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous aurons l'occasion d'échanger plus avant nos arguments lors de l'examen des amendements, mais je tenais à répondre aux interpellations des députés Gaultier et Echaniz, en leur apportant quelques précisions. Vous avez réagi à la réponse que j'ai apportée, dans une interview parue hier dans le journal Le Monde, à une question sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public. À la question : « Écartez-vous le scénario de la budgétisation ? », j'ai répondu que « ce scénario rest[ait] une option possible ». J'appelle votre attention sur l'emploi du mot « option ». J'ai poursuivi en précisant : « Mais regardons s'il est possible de pérenniser la solution actuelle – une fraction de la TVA ». Je rappelle que cette option a été proposée par l'Assemblée nationale. J'ai ensuite ajouté : « Le travail juridique sur ce sujet est en cours, nous devrions y voir plus clair prochainement ». En quoi ces propos constituent-ils une quelconque annonce ?
J'ai simplement indiqué qu'un travail était en cours et exposé les différentes options envisagées, dont nous discutons ensemble, puisque je vous consulte régulièrement sur cette question. Vous êtes d'ailleurs conviés demain à une réunion, qui obéira au même format que celle qui s'est tenue à l'automne.
Je tenais à réaffirmer mon souhait de travailler de façon pleinement concertée sur ce dossier et rappeler que les pistes que j'ai évoquées sont de simples options. Mes propos ne constituaient nullement une annonce. Il me paraissait important de clarifier ce point avant que nous n'abordions l'examen du texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Merci pour vos interventions, chers collègues. Je serai bref car nous aborderons les questions de fond pendant l'examen des amendements.
J'entends les critiques émises par certains de nos collègues quant à l'application du principe de subsidiarité. S'agissant d'un principe fondamental du droit de l'Union, ces inquiétudes sont légitimes. Je les invite simplement à ne pas faire preuve d'un juridisme étroit : l'intervention de la Commission est limitée et se borne à établir une série de principes minimaux. Elle n'a pas vocation à réglementer le contenu des médias – cela va sans dire – ni le fonctionnement et la régulation des médias à l'échelle nationale.
Je rappelle d'ailleurs à ceux de nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, que nous avons adopté en commission un amendement visant à obtenir une analyse approfondie de l'instrument juridique choisi par la Commission européenne. À mon sens, une directive aurait suffi. La proposition de résolution européenne est d'ailleurs très claire quant aux compétences des États membres. Je ne prendrai qu'un exemple : l'alinéa 31 de la proposition de résolution, dont je sais qu'il pose problème à nos collègues de la NUPES, a pour seul objet de rappeler la compétence des États membres dans l'organisation et le financement des médias de service public. Cette compétence est d'ailleurs soulignée par la Commission, qui rappelle que l'article 5 de la proposition de règlement est sans incidence sur l'application du protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres.
Je regrette donc que cette proposition de résolution ne puisse être adoptée à l'unanimité. Sur un enjeu pareil, une parole forte et large de l'Assemblée nationale aurait été souhaitable. Pour ma part, je soutiendrai l'adoption des amendements qui enrichissent le texte et me semblent aller dans le bon sens, dans l'esprit d'ouverture et de travail transpartisan qui a toujours été le mien.
Mme la présidente de la commission des affaires culturelles applaudit.
Au vu de la trentaine d'amendements devant être examinés, je vous propose de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de résolution européenne sur la liberté des médias ;
Discussion de la proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation ;
Discussion de la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ;
Discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra