Avant toute chose, je remercie notre collègue Nicolas Thierry pour avoir su nous rassembler, nous, députés de toutes les sensibilités politiques républicaines, pour protéger les océans.
En effet, les grands fonds marins abritent des ressources minérales importantes. Encore méconnus, ils renferment aussi des trésors de biodiversité – on estime ainsi à 10 millions le nombre d'espèces à découvrir. Ils jouent par ailleurs un rôle essentiel dans la régulation climatique en agissant comme des puits de carbone.
Ils jouent en outre un rôle essentiel dans la régulation climatique en agissant comme des puits de carbone. Seule une petite partie des fonds marins se situe dans les ZEE et relève ainsi des juridictions nationales, la majeure partie des grands fonds étant située dans les eaux internationales et relevant de l'AIFM, qui délivre les contrats d'exploration et d'exploitation et assure le contrôle de ces derniers.
Or, ces eaux profondes regorgent de gisements de métaux rares – cuivre, nickel, manganèse, etc. – qui attisent les convoitises et font déjà l'objet de spéculation. C'est donc bien là que se situe le cœur du sujet : comment faire en sorte que l'exploitation déraisonnable de ces fonds marins par l'homme ne prenne pas le pas sur la préservation de la richesse de ces écosystèmes indispensables aux grands équilibres qui conditionnent notre vie sur terre ?
Déjà des compagnies internationales cherchent à obtenir les autorisations pour exploiter ces grands fonds. C'est ainsi qu'en juin 2021, l'entreprise minière canadienne The Metals Company a déclenché une procédure auprès de l'Autorité internationale des fonds marins en vue de la délivrance de permis d'exploitation.
De plus, le Conseil de l'AIFM a fixé un plan de travail accéléré pour adopter les règlements d'exploitation d'ici à juillet 2023. En septembre dernier, un permis test a été délivré à The Metals Company, l'autorisant à extraire 3 600 tonnes de métaux dans la zone de Clarion-Clipperton, au cœur de l'océan Pacifique. Des doutes s'expriment quant à la transparence de l'AIFM.
Face à ces menaces, une importante mobilisation s'organise pour sauver les fonds marins. La communauté scientifique met en garde contre le manque de données permettant d'appréhender les impacts écologiques de l'exploitation minière des fonds marins. C'est pourquoi, par le biais de cette proposition de résolution, nombre d'ONG et de députés plaident pour une prise de position forte de la France, afin d'imposer un moratoire sur l'exploitation des fonds marins à l'AIFM.
À ce stade, plusieurs pays ont déjà demandé plus de temps et attendent les recommandations scientifiques avant de débuter toute exploitation. Le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de Polynésie a également pris position en faveur d'un moratoire. Enfin, le 30 juin 2022, dernier jour de la Conférence des Nations unies sur les océans à Lisbonne, le Président de la République s'est prononcé contre l'exploitation des grands fonds marins : « Je veux être ici très clair, fidèle à ce que j'ai déjà dit : la France soutient l'interdiction de toute exploitation des grands fonds marins. J'assume cette position et la porterai dans les enceintes internationales ».
La proposition de résolution est donc l'occasion pour la représentation nationale de prendre position et de demander au Président de respecter ses engagements. Le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition et demande dès à présent au chef de l'État et au Gouvernement de défendre un moratoire sur l'exploitation des fonds marins dans toutes les instances internationales, tant que les données scientifiques ne permettent pas de lever les doutes sur le risque d'atteinte aux écosystèmes.
Il apparaît également indispensable de mettre un frein à l'adoption de toute réglementation pour l'exploitation minière des fonds marins par l'AIFM, ainsi qu'à l'octroi de licences provisoires d'exploitation en vertu de la règle dite des deux ans, tant que cette autorité n'apportera pas toutes les garanties de confiance et de transparence.
La France devra en parallèle soutenir un processus de réforme de l'AIFM veillant à ne pas favoriser les intérêts économiques aux dépens de la préservation des grands fonds marins.
Enfin, cette proposition de résolution constitue également une invitation pour notre assemblée à réfléchir à une évolution du cadre réglementaire français. J'appelle de mes vœux la constitution d'un groupe de travail associant pleinement les représentants des départements et des collectivités d'outre-mer, ainsi que la communauté scientifique, pour interdire tout projet d'exploitation jusqu'à ce que le niveau d'expertise et de connaissance garantisse l'absence de nocivité de cette activité extractive sur les écosystèmes marins et sur leur biodiversité. C'est le principe de précaution, et il doit prévaloir.