À l'initiative de notre collègue Nicolas Thierry, nous nous retrouvons pour discuter et nous prononcer sur cette proposition de résolution invitant le Gouvernement à défendre un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Mais pour quelles raisons serait-il nécessaire d'interdire de ce type d'activité ? De la même manière, pour quelles raisons, une entreprise ou un État exploiteraient-ils des fonds marins, alors que cela détruirait indubitablement notre écosystème commun ?
En tant que peuple de l'océan, nous définissons notre grand océan – te moana nui – comme un haut lieu de spiritualité qui nous relie à nos divinités et à notre ancestralité. C'est une preuve matérielle et visuelle de notre histoire, qui nous façonne et nous définit. C'est aussi un ancrage spatiotemporel dans une région entièrement bleue – cet immense bleu qui nous relie entre les peuples, « notre mer d'îles » pour paraphraser ce penseur qui nous est cher, Epeli Hau'ofa. C'est un lieu de rencontres, une effusion d'activités sportives et de loisirs, un foisonnement d'activités économiques – activités perlicoles et aquacoles, savoir-faire traditionnels –, le tout dans le respect de notre écosystème. Pour répondre aux défis de nos générations, l'océan constitue aussi un lieu d'émulation intellectuelle, contenant des capacités de production en électricité décarbonée ainsi que des possibilités d'avancées technologiques et biomédicales s'inscrivant dans un cycle vertueux.
Vous l'avez compris, tirer profit des richesses de notre océan dans le respect de celui-ci est possible. Pourquoi donc, dans ces conditions, en détruire même une petite partie ? Ce n'est pas la richesse qui incite certaines entreprises et certains États à exploiter les fonds marins, au risque d'y être un élément perturbateur : c'est la volonté d'accumuler ces richesses, la quête du profit, la vision capitaliste qui les poussent à renier l'importance de respecter l'océan, lequel fait pourtant partie intégrante de notre existence humaine. Les sociétés et les États qui convoitent les fonds marins nous promettent une exploitation verte et, surtout, des bénéfices réels de nature à faire progresser les technologies nécessaires à la transition écologique. Mais, dites-moi, y a-t-il un bénéfice à produire des batteries électriques si c'est pour causer une perte irréversible de biodiversité ? Une énergie décarbonée est une énergie verte depuis l'utilisation des matières premières jusqu'à la fin de vie des matériaux utilisés, en passant par la production de l'énergie elle-même et son transport. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Le moratoire que cette proposition de résolution appelle de ses vœux permettrait aux scientifiques de mener des études des fonds marins et de leurs écosystèmes, afin d'encadrer au mieux les futures activités. Ce moratoire, que les peuples des outre-mer et de France métropolitaine souhaitent, devrait non seulement être effectif dans l'ensemble de leurs ZEE – zones économiques exclusives –, mais aussi étendu aux entreprises françaises qui exploitent des fonds marins dans des pays tiers ainsi que dans les eaux internationales – mesure qui devrait être défendue auprès de l'Autorité internationale des fonds marins, cela a été rappelé.
Enfin, je profite de la tribune qui m'est aujourd'hui offerte pour rappeler à la représentation nationale française que, depuis 2013, les Nations unies réaffirment chaque année la souveraineté du peuple maohi, le peuple de Polynésie, sur l'ensemble des ressources présentes dans sa ZEE de 5 millions de kilomètres carrés, ce qui inclut les ressources marines et sous-marines. L'actuel statut d'autonomie de la Polynésie confère d'ailleurs à cette dernière la gestion et la réglementation de toute exploitation terrestre, marine et sous-marine de son territoire, à l'exception – ce type de précision est importante dans un statut d'autonomie – des « matières premières stratégiques telles qu'elles sont définies pour l'ensemble du territoire » français par l'État. C'est pourquoi, par cohérence avec les résolutions de l'ONU et par respect du processus de décolonisation et d'autodétermination et des droits des peuples, nous demandons à la représentation nationale et au Gouvernement, et sans qu'aucune supercherie législative ne soit insérée dans un quelconque statut d'autonomie, ni autres conditions, de rendre l'intégralité de la compétence de la gestion des ressources des fonds marins au peuple maohi.
Ainsi, pour des raisons écologiques et vitales évidentes, pour le bien-être des générations futures et pour préserver la richesse de notre océan, nous devons faire ce premier pas et voter en faveur de cette proposition de résolution.