La France, parce qu'elle possède, après les États-Unis, la plus vaste zone économique exclusive – 10,2 millions de kilomètres carrés – est particulièrement concernée par la question de l'océan profond. Notre pays occuperait même, selon la Fondation de la mer, la première place mondiale en superficie puisque 93 % de sa zone économique exclusive se situerait à plus de 1 000 mètres de profondeur, dans les grands fonds. C'est l'une des plus grandes richesses de nos territoires d'outre-mer.
La France a d'ailleurs obtenu par le biais de l'AIFM, l'une des trois institutions créées par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer – dont la mission consiste à contrôler et à organiser l'exploration et l'exploitation des ressources minérales marines –, deux contrats d'exploration, contre cinq pour la Chine et quatre pour la Russie.
Ces grands fonds dont nous ne connaissons presque rien – seuls 6,2 % ont été cartographiés à l'échelle mondiale – constituent un véritable eldorado – même s'il est mystérieux. Ils sont peuplés d'un écosystème riche et unique dont l'étude est particulièrement féconde pour la recherche scientifique, notamment dans les domaines médicaux, industriels et cosmétiques. À la place de l'or, ce sont les nodules polymétalliques, les encroûtements cobaltifères et les sulfures hydrothermaux qui sont désormais l'objet d'une nouvelle ruée.
Ces dernières frontières, même hostiles, attisent des convoitises concernant lesquelles nous devons nous montrer vigilants : il est à craindre que certains États, ou sociétés privées, soient tentés d'exploiter – et peut-être de détruire – de tels territoires qui, pour être prometteurs, n'en sont pas moins vulnérables. La communauté scientifique s'accorde pour dire que ces écosystèmes pourraient disparaître sans qu'il soit encore possible d'en évaluer les conséquences. Quand on sait que l'Océan absorbe 30 % du CO
Il n'est pas anodin que la mobilisation en faveur de la protection des grands fonds se soit amplifiée ces dernières années. En septembre 2021, à Marseille, soixante États ou agences étatiques ont voté en faveur d'un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Après avoir tenu une position ambiguë, la France s'est, elle aussi, prononcée, par la voix d'Emmanuel Macron, en faveur d'un coup d'arrêt. C'est peu dire que cette ambiguïté n'a pas facilité une parfaite lisibilité de la politique française. Ce sont probablement les limites du « en même temps ».
Les richesses et ressources qui dorment sous les océans s'imposent comme un enjeu de souveraineté économique et stratégique. En conséquence, doit-on s'étonner que, depuis 1982, la Turquie et les États-Unis n'aient toujours pas signé la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, alors que 152 États, dont l'Union européenne, l'ont acceptée ?