Aujourd'hui, grâce à l'éclairage offert par les scientifiques et les associations, et à travers cette initiative transpartisane conduite par mon collègue Nicolas Thierry, que je remercie, nous avons l'occasion de stopper cette aberration tant qu'il en est encore temps. Si nous ne faisons rien, dans six mois le premier permis d'exploitation sera délivré, les dégâts seront irréversibles et la partie sera perdue. Imaginez : ce sont tout simplement des bulldozers qu'on se propose d'envoyer au fond de l'Océan, pour creuser, pilonner et miner. Ils retourneront des tonnes de sédiments et détruiront des milliers d'espèces, produiront des nuages de matières qui asphyxieront littéralement toute vie à des dizaines de kilomètres à la ronde et perturberont tout l'écosystème par une pollution sonore et lumineuse. Nous parlons ici des milieux extrêmes du fameux monde du silence, où le froid, l'obscurité et une très forte pression règnent en maître, ce qui les rend d'autant plus fragiles et sensibles.
Il ne suffira donc pas d'imposer des contraintes environnementales ou de poser des garde-fous à une exploitation dont on voudrait nous faire croire qu'elle peut se parer de vert et respecter le climat et la biodiversité. Ceux qui prétendent qu'il est possible de contrôler les activités des industries extractivistes à 4 000 mètres de profondeur se bercent d'illusions. Sans un moratoire, c'est la loi de la jungle qui s'imposera au détriment des océans et du climat. L'Océan, ne l'oublions pas, est notre premier poumon. Grâce au plancton, il nous fournit une respiration sur deux et absorbe chaque année près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine. Il est donc l'un de nos alliés les plus précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique. Sans sa capacité d'absorption, les dérèglements à l'œuvre aujourd'hui seraient accélérés et encore plus prononcés. Vous l'aurez compris, l'heure est grave : si nous touchons aux fonds marins, c'est à notre survie que nous nous attaquons.
Les Palaos, les îles Fidji, les États fédérés de Micronésie, le Samoa, la Nouvelle-Zélande, le Costa Rica, le Chili, l'Espagne, le Panama, l'Équateur et l'Allemagne se sont déjà positionnés en faveur du moratoire auprès de l'Autorité internationale des fonds marins. La France est le premier pays au monde pour la surface de ses fonds marins. Riche de ses 20 000 kilomètres de côtes, elle est le seul grand pays maritime à disposer d'une ouverture sur tous les océans du globe. Sa voix pèse donc d'un poids particulier.