La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics et procède à la discussion unique sur l'exécution budgétaire des missions Gestion des finances publiques, Régimes sociaux et de retraite, Remboursements et dégrèvements et Crédits non répartis et aux comptes d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État et Pensions
L'ordre du jour de notre réunion porte sur l'examen des politiques publiques relatives aux missions Gestion des finances publiques, Remboursements et dégrèvements, Régimes sociaux et de retraite et Crédits non répartis ainsi qu'aux comptes d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État et Pensions. Nous procéderons d'abord à une discussion centrée sur l'exécution budgétaire de 2023, avant d'aborder les thématiques d'évaluation retenues par les rapporteurs spéciaux. Je rappelle que les séquences de questions-réponses se dérouleront désormais en alternant deux questions suivies de deux réponses pour chaque intervention. Le ministre Cazenave m'a fait part de la difficulté de fournir une réponse technique immédiate à chaque question. J'ai trouvé cette remarque pertinente, et nous adopterons donc ce format. Cependant, je demande à tous, y compris au ministre, de limiter la durée des interventions et des questions. Notre programme est très chargé et nous dépassons souvent le temps imparti. Monsieur le ministre, vous avez la parole pour dix minutes concernant l'exécution budgétaire de ces missions.
Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour de cette commission est particulièrement dense, comme l'a souligné monsieur le président. Nous allons discuter de l'exécution 2023 sur sept périmètres, la mission Gestion des finances publiques, la mission Remboursements et dégrèvements, la mission Régimes sociaux et de retraite, le compte d'affectation spéciale Ge stion du patrimoine immobilier de l'État, le programme 348 Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs, le compte d'affectation spéciale Pensions ainsi que la mission Crédits non répartis.
Je souhaite tout d'abord revenir sur l'exécution budgétaire globale de la mission Gestion des finances publiques. À la fin 2023, l'exécution s'élève à 8,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 7,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) pour le programme 156 Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, c'est-à-dire pour la direction générale des finances publiques (DGFiP). Pour la douane, sur le programme 302 Facilitation et sécurisation des échanges, l'exécution atteint 1,6 milliard d'euros en AE et en CP. Le programme 218 Conduite et le pilotage des politiques économiques et financières, piloté par le secrétariat général, s'élève à 1 milliard d'euros en AE et en CP. Une partie de ces moyens contribue au déploiement du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet lorsque nous aborderons le rapport thématique de Madame Charlotte Leduc sur l'usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal, mais plusieurs résultats peuvent d'ores et déjà être soulignés.
Pour la DGFiP, le chantier d'amélioration du ciblage des contrôles a été mis en œuvre, augmentant à 56 % la part des contrôles proposés grâce à l'exploration des données, contre 52 % en 2022. Le renforcement des synergies entre les services de contrôle et de recouvrement a permis d'atteindre un taux de recouvrement des créances issues du contrôle fiscal externe de 70 %, dépassant la cible fixée à 69 %. En 2023, Tracfin a effectué 846 transmissions à l'administration fiscale et à l'autorité judiciaire pour un enjeu financier de plus de 2 milliards d'euros. La douane continue également de renforcer son action et d'accroître le nombre de dossiers significatifs réalisés en matière de lutte contre la fraude, avec plus de 10 511 contentieux en 2023, contre 10 212 en 2022, et a démantelé 90 organisations criminelles, soit 12 de plus qu'en 2022. Je tiens à saluer l'ensemble des agents du ministère mobilisés dans la lutte contre la fraude. Le travail se poursuivra notamment à travers l'initiative que je souhaite porter prochainement, qui nous permettra de renforcer encore notre arsenal.
En ce qui concerne le budget du programme 156 Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, pour 2023, la DGFiP a entrepris des réformes importantes et achevé plusieurs projets majeurs. Le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics est entré en vigueur le 1er janvier 2023. De plus, la DGFiP a démontré sa réactivité dans la gestion des dispositifs de soutien à l'activité économique. En 2023, elle a notamment renforcé les processus d'instruction des demandes d'aides pour le gaz et l'électricité. Par ailleurs, la DGFiP a poursuivi sa transformation numérique, allouant près de 67 millions d'euros à la réduction de sa dette technique informatique, tout en développant de nouvelles applications[MC1].
Pour le budget du programme 302 Facilitation et sécurisation des échanges, dans le cadre de notre action de lutte contre toutes les fraudes, nous avons modernisé le cadre d'action de la douane. En effet, à l'initiative du Premier ministre, un cadre législatif rénové a été instauré avec l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2023 visant donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Je tiens également à souligner le travail remarquable des services douaniers qui ont maintenu un engagement fort dans la lutte contre tous les trafics.
En ce qui concerne le budget du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières, le périmètre du programme support de Bercy étant très large, je me concentrerai sur deux enjeux majeurs. Le premier concerne la transition écologique. Notre objectif est de permettre à tous les services du ministère d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. En 2023, nous avons finalisé le bilan ministériel des émissions de gaz à effet de serre et mis en œuvre un plan de sobriété énergétique pour l'administration centrale, permettant de réaliser 12 % d'économies d'énergie. Le second point sur lequel j'insiste est la modernisation et la transformation de la fonction financière de l'État. L'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE) a poursuivi le chantier informatique pour la migration de Chorus vers une nouvelle version et le projet de transformation numérique de la commande publique.
Je souhaite maintenant aborder l'exécution 2023 du compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État et du programme 348 Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs. Pour le compte d'affectation spéciale, l'exécution 2023 s'élève à 356 millions d'euros en AE et 451 millions d'euros en CP[MC2]. L'année 2023 a été remarquable pour la valorisation du parc immobilier de l'État, avec 279 millions d'euros de cessions perçues en recettes du compte d'affectation spéciale immobilier, soit une hausse de 37 % par rapport à 2022, et près de 1 milliard d'euros de redevances, dont 118 millions d'euros affectés au compte d'affectation spéciale, représentant une augmentation de 20 %.
Le programme 348 a consommé 260 millions d'euros en AE et 429 millions d'euros en CP, soit environ 75 % des crédits ouverts. Depuis sa création, ce programme a financé trente-cinq projets de rénovation des cités administratives pour un total de 956 millions d'euros en autorisations d'engagement et a cofinancé des opérations d'adaptation des locaux aux nouveaux modes de travail ainsi que des travaux à gain énergétique rapide pour améliorer la performance énergétique des bâtiments publics. Je reviendrai plus en détail sur notre politique immobilière, et notamment sur le projet de foncière de l'État, lorsque nous aborderons le rapport thématique du député Mohamed Laqhila.
Enfin, j'évoquerai l'exécution 2023 de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions, ainsi que des missions Remboursements et dégrèvement s et Crédits non répartis.
Concernant la mission Régimes sociaux et de retraite, l'exécution 2023 s'élève à 5 932 millions d'euros, en légère sous-exécution par rapport à la loi de finances initiale (LFI), principalement en raison de l'évolution des recettes et des dépenses du régime de la SNCF.
La dépense du CAS Pensions a atteint 64 304 millions d'euros en 2023, tandis que les recettes se sont élevées à 63 161 millions d'euros. Malgré ce déficit, l'obligation d'équilibre du CAS, prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) depuis sa création en 2006, demeure largement respectée, avec un solde cumulé s'élevant à 7 796 millions d'euros à la fin de l'année 2023.
Concernant la mission Remboursement et dégrèvement s, celle-ci recouvre deux programmes, tous deux portant des crédits évaluatifs. L'exécution du programme 200 Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État a augmenté de 11,5 milliards d'euros entre 2022 et 2023. Cette forte croissance s'explique principalement par une augmentation de 15,6 milliards d'euros des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des remboursements d'impôts sur les sociétés. Toutefois, cet effet a été tempéré par une diminution de 4 milliards d'euros, essentiellement liée à l'extinction progressive du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ainsi qu'à la baisse des dégrèvements d'impôt sur les sociétés.
L'exécution du programme 201 Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux a, quant à elle, diminué de 1,9 milliard d'euros entre 2022 et 2023, soit une baisse de 26,6 %. Cette forte diminution s'inscrit dans la continuité des années précédentes, avec une baisse de 13,8 % en 2022 et de 64,7 % en 2021. Elle résulte principalement de la diminution des remboursements liés à la contribution économique territoriale (CET) dans le cadre de la budgétisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) avant la suppression de cet impôt.
Enfin, la mission Crédits non répartis regroupe deux dotations gérées avec responsabilité. La première concerne les dépenses accidentelles et imprévisibles. Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2023 étaient élevés, à 1 374 millions d'euros en AE et 1 074 millions d'euros en CP. Ce niveau, supérieur à celui de la LFI pour 2022, s'explique par des aléas importants liés au contexte géopolitique et à la volatilité des prix de l'énergie. Ces crédits ont été utilisés avec parcimonie, présentant une exécution de 33 millions d'euros en AE et CP. En ce qui concerne la provision relative aux rémunérations publiques, les crédits ouverts en LFI 2024 étaient de 80 millions d'euros en AE et CP. Finalement, les transferts par arrêté[MC3]s de répartition vers le budget général ont représenté 77 millions d'euros.
Je profite de cette séquence rétrospective que constitue le printemps de l'évaluation pour saluer l'action des agents du ministère, qui œuvrent quotidiennement pour une économie résiliente, plus forte et plus durable.
L'exécution des crédits de la mission Gestion des finances publiques illustre l'engagement du Gouvernement et de la majorité à accélérer la transformation des administrations du ministère de l'économie et des finances. Les agents ont particulièrement contribué à ce mouvement.
La loi de finances initiale pour 2023 avait doté cette mission de 10,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 10,5 milliards d'euros en crédits de paiement, représentant une hausse significative de 9 % en AE et 5 % en CP par rapport à 2022. Cette augmentation mettait fin à une décennie de réduction des moyens des administrations fiscales et douanières, notamment due à la baisse des effectifs et à la digitalisation des impôts. L'autorisation parlementaire a été correctement exécutée en 2023, représentant environ 100 % des crédits couverts.
Je souhaite souligner les moyens de la DGFiP, portés par le programme 156 Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, qui ont augmenté de 334 millions d'euros en AE et de 222 millions d'euros en CP entre 2022 et 2023. Je me réjouis de l'augmentation des dépenses d'investissement, particulièrement dans le domaine informatique, essentielle en raison de la complexité croissante des systèmes d'information. Cependant, la dette technique de la DGFiP reste importante, comme le rappelle la Cour des comptes dans son analyse budgétaire. Les projets informatiques de la direction nécessitent une vigilance particulière face aux risques de dérapage en termes de coûts et de délais.
Le programme 302 Facilitation et sécurisation des échanges concerne les moyens des douanes et a été légèrement surexécuté, avec une augmentation de 3,5 % des crédits consommés entre 2022 et 2023, légèrement supérieure à la prévision initiale. Les mouvements d'auto-assurance ministérielle ont permis de financer ces dépenses supplémentaires tout en maintenant une enveloppe constante pour l'ensemble du ministère.
Enfin, le programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières constitue le support budgétaire du secrétaire général des ministères économiques et financiers. C'est le programme dont les crédits exécutés augmentent le plus fortement entre 2022 et 2023. Les effectifs supplémentaires que j'évoque viennent renforcer des services clés de contrôle et de régulation importants, tels que Tracfin et l'Autorité nationale des jeux, avec des renforcements de 13 et 11 équivalents temps plein (ETP) respectivement.
Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur deux enjeux. Le premier concerne le déploiement du plan antifraude présenté par le Gouvernement au printemps dernier, notamment en ce qui concerne les engagements tenus et le montant record de 15,2 milliards d'euros mis en recouvrement en 2023. Le second point porte sur votre appréciation du volet relatif aux ressources humaines, notamment le transfert des missions fiscales de la DGFiP à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), avec un transfert de 35 ETP en 2023.
Pour aborder directement la question des moyens mis en œuvre pour le plan antifraude lancé au printemps dernier, dont les premiers résultats sont perceptibles, je souhaite évoquer plusieurs aspects.
Sur le plan fiscal, par exemple, nous constatons une augmentation des redressements en matière de lutte contre la fraude fiscale. Par ailleurs, il est également pertinent de mentionner le travail dissimulé, la lutte contre la fraude sociale et le travail douanier. Ce plan comporte un volet significatif concernant les moyens alloués, notamment par la DGFiP, au contrôle fiscal. Notre objectif est de déployer 1 500 ETP supplémentaires dédiés à cette mission d'ici 2027. Nous avons déjà commencé à redéployer 280 ETP en 2023, et pour l'année 2024, nous prévoyons d'affecter 350 ETP supplémentaires à cette mission prioritaire. Cela nous permettra d'augmenter le nombre de contrôles fiscaux de 25 %, en particulier sur les patrimoines les plus élevés, une orientation à laquelle vous êtes attaché.
Concernant le transfert de certaines missions de la douane vers la DGFiP, vingt-sept agents quitteront la douane pour rejoindre la DGFiP. Je sais que vous êtes attentif à la bonne conduite de ces opérations de transfert, et ce travail se poursuit.
Nous sommes réunis pour examiner l'action du gouvernement en matière de gestion des finances publiques pour l'année 2023, avec un accent particulier sur la lutte contre l'évasion fiscale. Cet exercice s'avère extrêmement complexe, car nous manquons de données et de chiffres pertinents pour évaluer cette action. Comme l'année précédente, les services de la DGFiP nous renvoient aux données du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Cependant, ces données s'arrêtent au 31 décembre 2022. Dans ces conditions, comment pouvons-nous débattre de l'exécution budgétaire de 2023 ? De plus, malgré les recommandations répétées dans mes rapports spéciaux consacrés à la lutte contre l'évasion fiscale annexés aux PLF 2023 et 2024, il n'existe toujours aucun document permettant de disposer de données sur les crédits consommés en 2023 pour la lutte contre l'évasion ou la fraude fiscale. Seule une évaluation des crédits consommés en 2023 pour l'activité de contrôle fiscal a été fournie. L'enjeu est considérable : sans une définition rigoureuse du périmètre de la lutte contre l'évasion fiscale, comment pouvons-nous comparer l'évolution de cette politique publique d'année en année ? Je sais, monsieur le ministre, vous allez me renvoyer à ce fameux document de politique transversale (DPT), mais comme je l'ai déjà expliqué, les éléments figurant dans ce document sont incomplets et imparfaits. Cela nous oblige chaque année à solliciter les services de la DGFiP pour obtenir des éléments complémentaires en matière de rendement des contrôles. Les réponses sont souvent partielles, si bien que la représentation nationale n'a jamais une vision exhaustive de la situation. Cela pose un sérieux problème pour nous, parlementaires, dans notre rôle de contrôle de votre action.
Que pouvons-nous dire avec le peu de données à notre disposition ? Deux éléments tout de même. Premièrement, les résultats du contrôle fiscal que vous présentez comme historiques, soit 15,2 milliards d'euros, représentent une hausse de seulement 600 millions par rapport à 2022. C'est une augmentation marginale, voire une baisse en volume si l'on prend en compte l'inflation sur la période. Ensuite, récupérer 15 milliards sur la centaine qui échappe chaque année aux caisses de l'État ne peut être considéré comme une réussite.
Sur les effectifs du contrôle fiscal, le bilan est, selon moi, catastrophique. En effet, nous sommes passés de 12 189 équivalents temps plein (ETP) en 2016 à moins de 10 294 en 2022. Une augmentation de 1 500 ETP pour la lutte contre la fraude fiscale est annoncée à l'horizon 2027, avec des effectifs supplémentaires prévus pour 2023 et 2024. Vous l'avez mentionné. Cependant, la Cour des comptes souligne une sous-consommation du plafond d'emplois en raison d'une mauvaise anticipation des départs. Les augmentations d'effectifs ont-elles été réalisées ? Quels services sont concernés et quelles sont les prévisions pour les années à venir ?
Je souhaite également vous interroger sur la manière dont vous collaborez avec les parlementaires sur ce sujet. Le Conseil d'évaluation des fraudes ne compte parmi ses membres que les présidents des commissions des finances, alors que certains d'entre nous sont très engagés au Sénat ou à l'Assemblée nationale sur cette question. De plus, lors des réunions que vous organisez dans le cadre des travaux ministériels, comme le plan fraude ou d'éventuels projets de loi sur la fraude, certains groupes politiques sont invités tandis que d'autres ne le sont pas. J'aimerais obtenir des éclaircissements sur vos méthodes de travail et les raisons de ces choix.
En matière de lutte contre l'évasion fiscale, nous aurons l'occasion d'en rediscuter, notamment dans le cadre de votre rapport spécial. Je reconnais votre engagement sur ce sujet. Nous avons déjà eu l'opportunité d'en débattre. Concernant le document de politique transversale, je prends note de vos critiques. Cet exercice demeure complexe, comme vous l'avez souligné, en raison de la définition floue du concept d'évasion fiscale. Cependant, je peux affirmer que des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années, comme l'a démontré Gabriel Zucman lors de son audition ici même. Ces avancées sont dues à l'échange de données et d'informations entre les administrations, ainsi qu'à la coopération internationale.
En ce qui concerne les résultats du contrôle fiscal, nous avons obtenu de meilleurs résultats cette année par rapport à l'année précédente. Vous estimez que 600 millions d'euros ne représentent pas une somme considérable. Permettez-moi de vous dire que je considère ces résultats très encourageants. En particulier, pour les contribuables les plus fortunés, nous avons doublé le montant redressé entre 2019 et 2023, grâce au travail efficace de la Direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF).
Pour ce qui est des recrutements, nous avons pris des engagements fermes. Plus de 1 500 personnes sont dédiées à cette mission. L'année dernière, nous avons recruté 280 personnes, et cette année, 350. Je considère cette priorité mise en œuvre de manière scrupuleuse.
Le Conseil d'évaluation des fraudes est une instance très large, incluant des experts, des administrations et des parlementaires. Il est également important de laisser la place à toutes les parties prenantes intéressées par la politique de lutte contre la fraude. Nous avons dû faire des choix, mais je crois que tout le monde est représenté.
Enfin, concernant le plan fraude, j'ai travaillé avec tous les parlementaires intéressés par ce sujet et j'ai eu l'occasion d'échanger directement avec vous sur le travail que vous menez.
Je présente ce soir les crédits du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l'État, qui comprend le programme 723. Les CAS suivent une architecture budgétaire spécifique, où les recettes sont directement affectées aux dépenses.
Les recettes proviennent principalement des cessions immobilières, des redevances et loyers et, de manière plus secondaire, des fonds de concours et des versements du budget général pour financer les opérations du CAS. En 2023, ces recettes s'élèvent à 524,3 millions d'euros, soit une augmentation de 9 % par rapport aux 480 millions prévus dans le projet de loi de finances pour 2023. Cette légère sur-exécution s'explique principalement par les 39 millions d'euros de versements du budget général et des fonds de concours, tandis que les cessions, les redevances et les loyers ont globalement respecté les prévisions. Je souligne particulièrement que les 645 cessions réalisées en 2023, pour un montant global de 366,7 millions d'euros, représentent une augmentation de 133 % par rapport à 2022. Cette hausse s'explique principalement par la non-réalisation en 2022 d'une cession de près de 60 millions d'euros, alors que trois cessions exceptionnelles ont eu lieu en 2023 pour un total de 176 millions d'euros.
Le CAS permet de financer deux catégories de dépenses. D'une part, les opérations structurantes et de cessions, pour un montant de 247,4 millions d'euros en crédits de paiement pour 2023. D'autre part, les dépenses dites « à la charge du propriétaire », incluant les opérations de contrôle, de maintenance ainsi que le gros entretien des bâtiments, représentent presque 211 millions d'euros, majoritairement du gros entretien. Contrairement à l'année dernière, nous constatons une sous-exécution de près de 26 % des autorisations d'engagement, en raison notamment de la fin progressive du programme dit « Résilience », du retour à la normale de la consommation du ministère des armées, ainsi que du report de certaines opérations des programmes Quai d'Orsay 21 et Saint-Mandé.
Les crédits de paiement ont connu une sur-exécution de près de 35 % par rapport aux prévisions de la loi de finances. En effet, le CAS a permis de financer l'acquisition de l'immeuble Osmose pour 64,3 millions d'euros, destiné à abriter les services du Parlement européen à Strasbourg, une opération non prévue initialement. L'année 2023 est également marquée par un effort significatif d'apurement des restes à payer.
Au total, le solde du CAS affiche un excédent de 66 millions d'euros en 2023, atteignant 707,1 millions d'euros au 31 décembre, un niveau que la Cour des comptes qualifie de confortable.
Monsieur le ministre, l'architecture budgétaire étant au cœur de l'organisation de la fonction immobilière de l'État, je réserve la majorité de mes questions pour la présentation de mon rapport dans quelques minutes. Toutefois, je souhaite vous interroger sur le projet de foncière immobilière que vous avez annoncé en février 2022. Ce projet entraînera-t-il à terme la disparition du CAS Immobilier ? Quel sera le support budgétaire de cette foncière, qui a vocation à recevoir des loyers de la part des ministères ?
Pour répondre précisément à la question soulevée, notre projet consiste à créer une foncière publique qui regroupera l'ensemble de l'immobilier de l'État. Nous procéderons par étapes, en commençant par des projets pilotes. Vous avez raison de poser la question, car cela nous amènera à revoir l'architecture budgétaire et financière, notamment en nous interrogeant sur le CAS Immobilier de l'État. En effet, la foncière recevra demain les produits de cession actuellement dirigés vers le CAS. L'équilibre de la foncière sera également assuré par les loyers perçus des ministères, qui conserveront des crédits immobiliers pour verser ces loyers à la foncière, afin de les responsabiliser. Ce travail commun sur la création de cette structure, y compris dans son architecture budgétaire et financière, nous oblige à revoir l'ensemble des schémas et des flux financiers. L'objectif, au-delà de la technique, est de mieux responsabiliser et d'intégrer la fonction propriétaire de l'État à travers la foncière. Je suis convaincu que nous aurons l'occasion d'en débattre sur la base de votre rapport et de vos propositions.
En 2023, les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements ont connu une sur-exécution significative, atteignant 108 %, par rapport à la loi de finances initiale. Avec la mission Écologie, développement et mobilité durables, c'est la seule mission du budget général de l'État dont le projet de loi relatif au résultat de la gestion pour 2023 demande l'ouverture de crédits supplémentaires. Cet ajustement à la hausse s'élève à plus de 520 millions d'euros et concerne exclusivement le programme 201, dédié au remboursement et dégrèvement d'impôts locaux. Ce dépassement est principalement dû aux dégrèvements de taxes d'habitation sur les résidences secondaires (THRS), qui ont atteint 696 millions d'euros, alors que la loi de finances les avait estimés à seulement 231 millions d'euros. Cette augmentation considérable résulte du lancement problématique de la plateforme « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) à l'été dernier.
La première campagne a engendré un nombre important d'avis d'imposition erronés au titre de la THRS, obligeant l'administration fiscale à procéder à des dégrèvements après réclamation des contribuables. Dans quelques jours, je présenterai, avec mon collègue Robin Reda, un rapport d'information sur les dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux, qui consacrera une part importante à l'échec de la première campagne de GMBI.
Pour revenir à la sur-exécution des crédits du programme 201, je souhaite poser une question au ministre. Comment se fait-il que la connaissance de ce dépassement du montant initial ait été aussi tardive ? En effet, la loi de finances de fin de gestion n'avait ouvert que 15 millions d'euros supplémentaires, alors que le projet de loi relatif aux résultats de gestion demande l'ouverture de plus d'un demi-milliard d'euros. Il ressort de mes travaux de co-rapporteure de la mission d'information que ces erreurs étaient pourtant connues et estimables dès l'année dernière.
Concernant le programme de remboursement et de dégrèvement d'impôts d'État, je constate que le coût du crédit d'impôt pour les services à la personne (Cisap) s'est élevé à près de 6 milliards d'euros en 2023. Depuis plusieurs années, j'appelle à une réforme de ce crédit d'impôt afin de réduire son coût et de le recentrer sur les personnes dépendantes ou les jeunes parents. En mars dernier, la Cour des comptes a publié un rapport recommandant également de réduire le coût du Cisap pour les activités de la vie quotidienne, ne relevant pas des politiques en faveur de l'autonomie et de la garde des enfants.
Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante comptez-vous enfin réformer cette niche fiscale ?
En réponse aux questions soulevées concernant la mission Remboursements et dégrèvements, lors du budget rectificatif de fin de gestion, selon vous, certaines anticipations auraient pu être réalisées ainsi que l'ouverture de crédits. La principale difficulté réside dans les erreurs déclaratives, particulièrement avec le GMBI. Le chiffrage des dégrèvements nécessitait que la liquidation de l'impôt soit effectuée et que les contribuables imposés à tort se manifestent auprès de l'administration pour évaluer précisément les montants. Sans cela, nous risquions de nous tromper en nous basant uniquement sur des déclarations. Les dégrèvements ordonnancés à fin octobre, au moment du dépôt du projet de loi de fin de gestion (PLFG), s'élevaient à 250 millions d'euros. Ils n'ont augmenté qu'en fin d'année, car il a fallu du temps pour que les contribuables se signalent et que les dégrèvements soient prononcés. Je reconnais que ce processus a été long, mais je sais que vous avez travaillé sur ce sujet.
Concernant le Cisap, il est essentiel de rappeler que ce crédit d'impôt soutient une économie de proximité, notamment pour les services rendus aux familles. Quatre millions de ménages en bénéficient, ainsi que vingt-six activités. Grâce aux amendements que vous avez portés, nous pouvons désormais mieux suivre. Et je partage pleinement les conclusions du rapport de la Cour des comptes qui invite à mieux évaluer ce crédit d'impôt, activité par activité, afin de mesurer l'utilité de chaque euro investi dans cette niche fiscale. Enfin, je tiens à souligner le succès de l'avance immédiate sur le crédit d'impôt, plébiscitée par les Français. Cette mesure représente une véritable réussite.
Monsieur le président, je dispose de trois minutes pour aborder un budget de 70 milliards d'euros, je vais donc tâcher d'être concis. Je tiens à exprimer ma gratitude envers nos administrateurs et les services de Bercy pour leurs réponses toujours précises et rigoureuses.
Concernant le CAS Pensions, les prévisions se sont avérées excellentes avec une dépense de 64 milliards d'euros, soit un écart de seulement 55 millions. Cependant, la dynamique des dépenses est préoccupante, avec une augmentation de 5 milliards depuis 2019, dont 2 milliards depuis l'année dernière. Certes, les recettes augmentent aussi, portées par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Néanmoins, les efforts consentis pour la revalorisation des retraites et l'allocation de reconnaissance du combattant ont conduit à une dégradation du solde de 1,14 milliard d'euros. Si cette trajectoire se poursuit, le solde cumulé du CAS Pensions sera à zéro dans deux ans. Ma question est donc la suivante : comment anticipez-vous cette trajectoire, monsieur le ministre ? Je réitère ma recommandation de faire converger le taux de contribution salariale des fonctionnaires de l'État avec celui du régime général, puisque l'écart persiste. La hausse de la subvention d'équilibre de l'État devra également se poursuivre.
Pour les régimes spéciaux, qui souffrent d'un déséquilibre démographique important entre cotisants et pensionnés et ne peuvent s'autofinancer, la plupart sont désormais fermés. La question se pose donc sur le périmètre de la mission proprement dite, puisque la compensation de ces régimes spéciaux proviendra du régime général, mais l'État devra compenser la sécurité sociale. Quelle est votre prévision ? Un transfert de TVA ou une compensation budgétaire ? Je pencherais plutôt pour la seconde option.
Enfin, j'attire votre attention sur le régime des marins, qui reste ouvert avec 800 millions de subvention d'équilibre. Ce régime a fait l'objet d'un rapport critique de la Cour des comptes, tant sur les contrôles que sur la simplification et la modernisation. Quelle suite envisagez-vous pour les travaux en interministériel ?
Je souhaite conclure en réitérant ma recommandation d'instaurer une loi de programmation sur les retraites tous les cinq ans. Cela constituerait un rendez-vous pertinent et apaisé, à l'instar du travail réalisé par l'Agirc-Arrco, permettant d'ajuster les paramètres de notre système de retraite. Il s'agirait également de mettre en lumière la subvention d'équilibre de l'État au régime des pensions civiles et militaires, estimée à un peu moins de 30 milliards d'euros, mais actuellement dissimulée dans les comptes du Conseil d'orientation des retraites (COR), car ce dernier la considère comme neutre par construction. Cette approche offrirait aux parlementaires une vision claire de la subvention d'équilibre de l'État au système de retraite.
Concernant l'actualisation des recettes du CAS Pensions, il est impératif de rappeler que l'obligation organique impose un solde cumulé toujours équilibré. À la fin de l'année 2023, comme vous l'avez constaté en tant que rapporteur spécial, le solde cumulé reste largement positif, s'élevant à 7,8 milliards d'euros. Cependant, cet exercice, tout comme le précédent, révèle un déficit annuel, ce qui soulève inévitablement la question du rééquilibrage du CAS. Selon nos dernières prévisions, annexées au PLF 2024, le solde cumulé ne devrait pas être déficitaire avant 2026. Nous continuons néanmoins à travailler sur cette trajectoire. En fonction des informations les plus récentes, il est possible que nous devions ajuster ce calendrier, peut-être même avant 2026. Je préfère être totalement transparent à ce sujet, mais nous y travaillons activement. Selon les dernières estimations, il faudra décider si cet ajustement doit intervenir en 2025 ou 2026, et nous aurons l'occasion d'en débattre.
Votre proposition visant à accroître la transparence sur la contribution de l'État au financement, par le biais d'une subvention à l'équilibre général, me semble très pertinente. Il est essentiel de mettre en lumière le fait qu'une subvention de l'État intervient systématiquement pour rééquilibrer le régime. Je pense que cette transparence accrue serait bénéfique. Nous travaillons déjà sur cette question, et j'ai demandé aux services concernés de s'y atteler. Comme vous le suggérez, cela renforcerait la sincérité et la transparence.
En ce qui concerne les régimes spéciaux, notamment ceux fermés, certains peuvent effectivement se retrouver dans une situation défavorable. L'article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a défini le modèle de financement des régimes spéciaux, en intégrant financièrement ces régimes au régime général. Ces régimes seront financés principalement par des cotisations, puis par leurs réserves. En dernier ressort, c'est la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) qui assurera l'équilibre financier, se substituant ainsi à l'État pour verser les subventions d'équilibre.
Concernant le régime spécial des marins, une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des affaires maritimes a été lancée. Cette mission fait suite aux travaux de la Cour des comptes et vise à fiabiliser les données, simplifier les processus et réfléchir à une simplification plus large des règles de cotisations et de prestations. Le travail est en cours.
Je remplace effectivement Sophie Errante, ma collègue rapporteure spéciale de la mission. Comme vous le savez, la mission Crédits non répartis se distingue des autres missions du budget général de l'État. Elle est composée de deux programmes qui portent des dotations prévues par la LOLF et qui visent à soutenir par voie réglementaire des dépenses imprévues en cours d'exécution budgétaire. Contrairement aux autres programmes, les crédits alloués n'ont pas vocation à être entièrement consommés en cours de l'année. Cette souplesse de gestion doit s'accompagner d'une information de qualité sur l'emploi des crédits à destination des parlementaires.
Sophie Errante étant également rapporteure spéciale de la mission Transformation et fonctions publiques, je m'intéresse ici plus particulièrement au programme 551, constitué de la dotation pour mesures générales en matière de rémunération. Celle-ci prévoit des crédits pour des dépenses de personnel dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote de la loi de finances initiale. De nombreuses mesures salariales ont été financées grâce à la dotation du programme 551 en 2023, comme la revalorisation du forfait mobilité durable, la poursuite de l'évolution des régimes indiciaires et indemnitaires dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, ainsi que la revalorisation de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique à compter du 1er juillet 2023. Je salue l'ensemble de ces mesures qui contribuent à soutenir le pouvoir d'achat de nos agents publics. À ce titre, le programme 551 a fait l'objet de deux arrêtés de répartition pour un transfert de 77,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement vers treize programmes du budget général. Parmi ce montant total, monsieur le ministre, est-il possible d'isoler les crédits consacrés à la revalorisation de 1,5 % du point d'indice ? En outre, je relève que 100 millions d'euros en AE et en CP ont été ouverts par la loi de finances de fin de gestion pour 2023, afin de compléter le paiement de la prime de pouvoir d'achat exceptionnel pour certains agents publics. Pourquoi ce montant prudentiel n'a-t-il finalement pas été utilisé ?
Dans un second temps, j'évoquerai brièvement l'exécution budgétaire de la dotation du programme 552 de la mission, qui vise à répondre aux surcoûts exceptionnels sur un programme d'une autre mission qui ne pourrait être couvert par les crédits alloués par la loi de finances initiale. La loi de finances initiale pour 2023 avait fixé le niveau des crédits à des montants exceptionnels de 1 374 millions d'euros en AE et 1 074 millions d'euros en CP. Une explication plus détaillée aurait pu être intégrée dans les projets annuels de performance du programme. Finalement, seulement 33 millions d'euros ont été répartis. L'année 2023 se distingue ainsi par une dotation en loi de finances initiale très élevée, contrastant avec une faible utilisation des crédits. La Cour des comptes souligne que le caractère « imprévisible et accidentel » de la répartition de 13 millions d'euros en AE et en CP au bénéfice du programme 145, afin d'assurer le paiement des primes par l'État aux établissements de crédit en raison du nombre important de clôtures de plans d'épargne logement (PEL) et de l'utilisation des comptes épargne logement (CEL), n'est pas évidente. Monsieur le ministre, pouvez-vous justifier le recours à la dotation financée par le programme 552 pour cette opération ?
Concernant le programme 551, la ressource totale s'est élevée à 180 millions d'euros en AE et en CP, avec 80 millions d'euros ouverts par la loi de finances initiale et 100 millions d'euros par la loi de 2023. Cette dernière visait notamment à garantir le financement de la prime de pouvoir d'achat, créée le 31 juillet 2023 et versée en une seule fois aux agents en fonction au 30 juin. Cette mesure s'inscrit dans un contexte d'incertitude sur les capacités d'autofinancement des ministères, soulignant ainsi l'importance de ces crédits non répartis. Nous avions anticipé un surcoût important pour ces mesures, mais les ministères ont réussi à les absorber sous enveloppe, grâce à un pilotage rigoureux de la fin de gestion, respectant ainsi nos objectifs.
En ce qui concerne le programme 552, il a été spécifiquement créé pour faire face aux dépenses accidentelles et imprévisibles. Ce programme est toujours largement doté, par précaution, et nous ne l'avons utilisé qu'à hauteur de 33 millions d'euros. Sur cette somme, 20 millions d'euros ont été alloués pour financer un aléa interministériel en autorisations d'engagement et crédits de paiement, et 13 millions d'euros ont été affectés au programme 45 pour soutenir le dynamisme des primes d'épargne et des plans d'épargne logement. Ces dépenses correspondent parfaitement à la doctrine des dépenses accidentelles ou imprévisibles, car les crédits initialement prévus sur ce programme avaient été largement consommés, et il était nécessaire de tenir nos engagements.
Concernant la mission Gestion des finances publiques, je souhaite revenir sur les suppressions de postes. Charlotte Leduc a déjà évoqué ce sujet. Pour 2023, 1 048 ETP ont été supprimés, après une suppression de 1 515 ETP en 2022. Cette diminution s'inscrit dans une tradition de réduction des effectifs de longue date, que je trouve préoccupante. Bien que la direction générale des finances publiques ait bénéficié de transferts de postes, notamment des douanes, cela s'est fait en contrepartie de nouvelles missions. Le résultat est regrettable. Lors des auditions menées avec le rapporteur général sur le différentiel de fiscalité des entreprises, ce sujet a été abordé par presque tous les intervenants, y compris ceux de votre ministère. Des représentants ont souligné que toutes les grandes affaires d'évasion fiscale récentes avaient été découvertes par des consortiums de journalistes, et non par l'administration fiscale, qui ne dispose plus des moyens nécessaires pour y parvenir. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que nous avions recommandé, avec le rapporteur général, de renforcer les moyens du parquet national financier (PNF), des services d'enquête et des services de contrôle fiscal.
Concernant la fraude fiscale, je souhaite appuyer la remarque de Charlotte Leduc. J'ai été assez étonné lors d'une réunion tenue le 29 avril à l'Assemblée nationale, que vous aviez proposée. J'ai constaté l'absence de plusieurs groupes, y compris ceux ayant fait des propositions. Je n'ai pas bien compris le périmètre variable de cette réunion, notamment par rapport à la commission des finances. Il est problématique que le président de la commission des finances assiste à une telle réunion et constate que tous les groupes ne sont pas représentés.
Je souhaite profiter de l'exécution des crédits de la mission Régimes spéciaux pour réaffirmer mon opposition à l'affectation d'une part de la TVA au financement de la fermeture des régimes spéciaux. L'utilisation croissante de la TVA pour divers financements, tels que la redevance télévisuelle, les finances locales ou les comptes sociaux, est préoccupante. La TVA, en tant qu'impôt fluctuant et injuste, ne devrait pas être une source de dépendance pour ces financements.
La rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements a rappelé que les crédits ont atteint 142,5 milliards d'euros. Une part importante de ce montant s'explique par la mécanique de l'impôt et par le coût de divers avantages fiscaux. J'avais compris que, dans l'énumération des dépenses à revoir pour réduire les déficits, certaines dépenses fiscales seraient réévaluées. Cependant, je suis inquiet de la réponse donnée à Christine Pires Beaune concernant une dépense fiscale particulièrement aberrante, à savoir les avantages fiscaux pour les services à la personne, qui bénéficient principalement aux ménages les plus aisés. Ces ménages auraient de toute façon recours à un salarié à domicile. Je pense également aux 7,2 milliards d'euros du crédit d'impôt recherche, qui posent problème. Le Conseil des prélèvements obligatoires a recommandé des réformes, notamment un taux de 5 % et un abaissement du plafond des dépenses de 100 à 20 millions d'euros. Cette recommandation intervient alors que Sanofi, un des principaux bénéficiaires de ce crédit, s'apprête à supprimer des laboratoires de recherche. J'aimerais savoir, selon vous, ce qui est possible de faire.
Je vous adresse ce message concernant les annulations de crédits à hauteur de 10 milliards d'euros pour l'année 2024. Initialement, on nous a indiqué que ces annulations concerneraient les réserves de précaution et qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Cependant, lors des auditions de ministres ici même, nous avons constaté des contradictions. Prenons deux exemples. La ministre de l'éducation a admis qu'elle recherchait encore 130 millions d'euros et ne savait pas précisément où les trouver pour compenser les annulations de crédits, qui s'élèvent à plus de 640 millions d'euros, comme vous le lui aviez demandé. Ensuite, Monsieur Béchu nous a répondu de manière assez ambiguë, donnant l'impression d'un jeu de bonneteau. Il a tenté de nous convaincre que, malgré la réduction de 430 millions d'euros des crédits de paiement et de 20 % des autorisations d'engagement par rapport à 2023, cette diminution serait indolore pour le budget de l'écologie. Or, tous les crédits de 2023 ont été consommés, ce qui rend cette affirmation surprenante. J'ai également une autre question à vous poser. Monsieur Béchu a été interrogé sur le 1,4 milliard d'euros qui pourraient être à nouveau prélevés sur son ministère d'ici la fin de l'année, en lien avec les 10 milliards supplémentaires que vous aviez annoncés comme possibles d'ici la fin de l'année. Il n'y a pas eu de demande écrite, mais y a-t-il eu une demande orale à ce sujet ?
Je vais me concentrer sur les questions relatives à l'année 2023, car c'est l'objet de notre évaluation. La priorité donnée en matière d'effectifs à la DGFiP concerne le contrôle fiscal. Nous assumons les réductions de postes en 2023, mais nous n'avons pas sacrifié cette priorité. Nous continuons à investir dans le contrôle fiscal en 2023, 2024 et jusqu'en 2027, avec 1 500 équivalents temps plein supplémentaires consacrés à cette politique prioritaire. Quand vous affirmez que nous pouvons compter uniquement sur les journalistes pour réussir, c'est très peu respectueux et faux par rapport à la réalité du travail des agents de la DGFiP. J'ai récemment visité la DNVSF, qui s'occupe des montages pour les particuliers les plus fortunés. Leur expertise est extrêmement pointue. Entre 2019 et aujourd'hui, ils ont doublé le montant des redressements, ce qui témoigne de l'efficacité de l'action menée par les agents de la DGFiP. Pour accéder à des données en masse, nous avons besoin d'outils tels que le data mining et l'intelligence artificielle. Nous en discuterons avec la députée Charlotte Leduc. Ces outils sont indispensables pour exploiter ces masses de données.
Lors de la réunion informelle à l'Assemblée nationale, à laquelle vous étiez présent, nous avons concentré nos efforts sur des sujets précis. Nous avons invité ceux qui avaient travaillé sur des questions de fraude fiscale, et non d'évasion fiscale, ainsi que sur la fraude aux aides publiques, un sujet d'importance. Madame Leduc pourrait le confirmer, j'ai passé une heure avec vous et elle pour discuter des propositions en matière de lutte contre l'évasion fiscale. Je suis prêt à collaborer avec tous ceux qui estiment nécessaire de poursuivre les efforts contre la fraude. Nous avons déjà beaucoup travaillé sur les aspects fiscaux, sociaux et douaniers. Un enjeu majeur reste la fraude aux aides publiques, pour laquelle nos dispositifs actuels sont insuffisants. Il est impératif de resserrer les mailles du filet. J'ai abordé ce point et je suis ouvert à toute proposition dans ce domaine, sans ambiguïté, monsieur le président.
Concernant la TVA, vous affirmez qu'il s'agit d'un mauvais impôt. Pourtant, c'est une recette parmi les plus dynamiques. Prenons l'exemple des régions avec l'évolution de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), elles sont satisfaites et personne ne souhaite revenir en arrière, car la TVA est bien plus dynamique et moins volatile que d'autres impôts comme la CVAE ou la contribution économique territoriale (CET) auparavant.
En ce qui concerne le crédit d'impôt pour les services à la personne, j'ai répondu à Madame Christine Pires Beaune. Un rapport de la Cour des comptes et un travail avec l'ensemble des forces politiques sont en cours. Nous verrons si certaines mesures d'économies concernant ce crédit d'impôt seront proposées. Je considère que ce crédit d'impôt soutient une économie de proximité, extrêmement utile, qui permet de financer les services d'aide à la personne. Après avoir effectué un travail, cela nous appartiendra dans la construction du PLF pour 2025, mais cela dépasse largement l'objet de notre réunion, qui est concentrée sur 2023.
Concernant les aides aux entreprises et le crédit d'impôt recherche (CIR) en particulier, nous avons lancé une revue des dépenses. Nous verrons si ce sujet en fait partie. Je rappelle que si nous sommes le premier pays le plus attractif en matière d'investissements en Europe, c'est aussi grâce à nos dispositifs fiscaux.
Pour ce qui est des annulations de 2024, nous nous sommes largement expliqués ici même, monsieur le président, sur la méthode employée. Je maintiens ce que j'ai dit après le décret d'annulation, il y a un pilotage extrêmement précis de l'exécution des dépenses avec l'ensemble des ministères, toujours en cours, pour atteindre notre objectif de 5,1 % de déficit public à échéance 2024. Je ne m'étendrai pas davantage car cela excède l'objet de notre réunion de ce soir.
Je ne suis vraiment pas convaincu par l'idée que les groupes invités sont uniquement ceux ayant travaillé sur les fraudes fiscales, tandis que les autres n'ont pas été conviés. Je le répète, à partir du moment où une réunion se tient à l'Assemblée nationale, et que vous avez invité le président de la commission des finances ainsi que le rapporteur général, il me semble regrettable que certains groupes soient représentés et pas d'autres. J'ai entendu vos remarques, mais elles ne me convainquent pas.
Je ne remets évidemment pas en question la qualité de la DGFiP, mais je questionne les moyens alloués. Nous allons maintenant passer aux orateurs de groupe.
Je souhaite aborder la question de la fraude fiscale. Les chiffres souvent avancés par les oppositions en matière de fraude fiscale sont parfois fantaisistes. Il est essentiel de rappeler que ce n'est pas la fraude fiscale qui résoudra le problème de notre dette. Un an après l'annonce par le Gouvernement d'un plan ambitieux de lutte contre les fraudes aux finances publiques, les signaux sont plutôt positifs. Vous avez mentionné les chiffres tout à l'heure, avec une augmentation de plus de 600 millions d'euros par rapport à 2022. Ce n'est pas négligeable, cela représente un progrès significatif. Le nombre de contrôles fiscaux sur les particuliers aux plus hauts revenus a par ailleurs augmenté de 25 %.
Le gouvernement a également annoncé la création d'une cellule de renseignement fiscal au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, dédiée à la recherche et à la prévention des fraudes fiscales les plus complexes et les plus graves. Monsieur le ministre, l'ouverture de cette cellule d'ici quelques mois sera-t-elle réalisée ? Pourriez-vous nous rappeler les objectifs et les moyens alloués pour les atteindre ?
Le plan de lutte contre toutes les fraudes, initié par le Premier ministre, mon prédécesseur, a permis de mettre en place trente-six mesures, dont une vingtaine dans les textes financiers, notamment la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Les résultats obtenus sont très encourageants sur le plan fiscal. Concernant le travail dissimulé, nous avons augmenté de 50 % le montant des redressements, atteignant ainsi 1,2 milliard d'euros, ce qui montre l'ampleur de notre action.
Dans le cadre de notre plan de lutte contre toutes les fraudes, et plus particulièrement dans le domaine fiscal, nous nous étions engagés à créer une unité de renseignement fiscal. Cet engagement a été concrétisé par un arrêté pris en mars. Nous travaillons actuellement à sa mise en œuvre opérationnelle l'objectif de mettre au service de la lutte contre la fraude fiscale les moyens actuellement utilisés, notamment en matière de renseignement, par la douane et en particulier par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). L'unité de renseignement fiscal est donc positionnée au sein de la DNRED, car elle bénéficie d'expertises et de techniques extrêmement utiles, qui font aujourd'hui défaut à la direction générale des finances publiques pour être plus efficace dans la lutte contre toutes les fraudes.
Monsieur le ministre, je souhaite aborder la mission Régimes sociaux et de retraite, qui regroupe les subventions de l'État à divers régimes spéciaux de retraite. En 2024, le périmètre de cette mission évolue avec l'intégration des régimes de l'Opéra national de Paris et de la Comédie-Française. Cependant, la Cour des comptes regrette, une fois encore, que tous les régimes spéciaux ne soient pas regroupés au sein de cette même mission, ce qui améliorerait la lisibilité et l'information du Parlement. Il manque notamment le régime de la Banque de France et celui des industries électriques et gazières. L'agrégation exhaustive des subventions de l'État aux régimes spéciaux, ainsi que l'ensemble des dépenses fiscales et impositions affectées aux bénéfices de ces régimes, fait également défaut. Pourquoi ne pas regrouper l'ensemble des contributions du budget de l'État pour tous les régimes spéciaux au sein d'une même mission ?
Par ailleurs, à partir de 2025, plusieurs régimes spéciaux, dont ceux de la SNCF et de la RATP, sortiront du périmètre de la mission Régimes sociaux et de retraite en raison de leur mise en extinction. Leur financement sera alors assuré par la loi de financement de la sécurité sociale via l'affectation de recettes. Vous en avez parlé, mais ce nouveau schéma de financement ajoutera de l'illisibilité. À partir de 2025, on ignore si le budget de l'État sera mis à contribution et sous quelle forme, même si vous en avez encore une fois parlé tout à l'heure, ou si le financement sera intégralement assuré par l'affectation de recettes en loi de financement de la sécurité sociale. Je termine en soulignant que ces régimes spéciaux restent structurellement déficitaires. Les subventions de l'État couvrent 66 % des dépenses des régimes de retraite couverts par la mission. La baisse du nombre de retraités aurait pu entraîner une diminution des crédits, mais cela n'a pas été le cas, notamment en raison de l'inflation.
Monsieur le député, vous avez abordé la question de la mise en extinction des régimes spéciaux. Leur nouveau schéma de financement, présenté par le rapporteur spécial Benoit Mournet, inclut leur intégration dans le régime général, l'utilisation des réserves encore existantes dont ils bénéficient puis, si nécessaire, une compensation d'équilibre de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Je tiens à préciser qu'il n'y aura aucune difficulté à verser les prestations à ceux qui sont encore couverts par ces régimes en extinction. Vous soulignez la question de la lisibilité. Notre priorité est l'efficacité et la sécurisation du financement, ce qui est le fondement du schéma que nous avons élaboré. La compensation par la CNAV est en cours d'opérationnalisation, prête à être mise en œuvre si besoin.
Concernant l'ensemble des régimes couverts par cette mission, nous avons déjà élargi le champ en intégrant la Comédie-Française et l'Opéra national de Paris. Il est dans notre intérêt de retracer progressivement tous les régimes spéciaux existants. Nous avançons dans la bonne direction en élargissant progressivement ce spectre, comme nous l'avons fait avec ces deux opérateurs.
Monsieur le ministre, le Printemps de l'évaluation doit permettre à l'Assemblée nationale de discuter de l'exécution budgétaire de l'année passée et de celle en cours. Alors que le gouvernement remanie profondément le budget 2024, adopté par le recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, donc sans vote de la représentation nationale, vous persistez dans votre mépris du Parlement en refusant de présenter un projet de loi de finances rectificative. Nous débattons ici de la gestion des finances publiques et des moyens déployés par l'État pour lutter contre l'évasion fiscale. Comment pouvons-nous évaluer ces politiques alors qu'aucun document officiel ne permet un suivi clair des moyens engagés par l'État dans cette lutte ? Le dernier document de politique transversale présente des données datant de décembre 2022. La représentation nationale ne dispose donc pas des données de 2023 sur la lutte contre la fraude fiscale, alors que nous devons approuver les comptes de l'année 2023 dans quelques semaines. Cela soulève encore une fois des questions de transparence de la part de l'exécutif et de respect de la démocratie.
La note de la France se dégrade, mais Bruno Le Maire n'hésite pas à affirmer qu'il a sauvé l'économie française. Je dirais plutôt qu'il a sauvé les plus riches et le grand patronat. Pendant que la majorité des Français peinent à boucler leurs fins de mois et que les grandes entreprises continuent de licencier massivement et de fermer des usines en France, l'économie sous Macron se caractérise par des baisses d'impôts massives pour les plus riches. En conséquence, les recettes diminuent, ce qui entraîne une réduction des moyens alloués aux services publics, moins de financement pour nos écoles, nos hôpitaux ou encore l'administration chargée du contrôle fiscal.
La lutte contre l'évasion fiscale illustre bien cette situation. Votre gouvernement s'acharne à prôner la chasse aux fraudeurs sociaux, mais quand allez-vous réellement vous attaquer à la fraude fiscale, bien plus conséquente ? La fraude fiscale représente entre 80 et 120 milliards d'euros perdus pour l'État chaque année, soit cinquante fois plus que les estimations de fraude aux prestations sociales. Vous vous félicitez d'avoir récupéré 15 milliards d'euros dans la lutte contre l'évasion fiscale en 2023. Je considère que vos ambitions sont bien faibles. En 2015, ce montant s'élevait à 21 milliards d'euros. Depuis 2017, 1 600 postes ont été supprimés à la DGFiP. Les 1 500 nouveaux postes annoncés ne sont en réalité qu'un redéploiement qui ne compensera pas les suppressions de postes. Pensez-vous réellement que cela suffira à fournir les moyens nécessaires à la DGFiP pour que les agents assurent leur mission de contrôle fiscal ?
Tout d'abord, je ne reviendrai pas sur la loi de finances rectificative ou sur le débat au Parlement. Pour ma part, j'ai consacré 17 heures à débattre, par exemple, sur le thème des mesures d'austérité proposé par le groupe La France insoumise (LFI). J'ai été surpris de constater qu'à la fin, il n'y avait plus un seul député LFI présent. Nous avons débattu seuls à l'Assemblée nationale. Je suis tout à fait disposé à participer aux débats et aux échanges, et nous en avons eu de nombreux, pendant des heures. Il est donc inexact de prétendre qu'il n'y a pas d'échanges avec la représentation nationale. Je ne sais pas si vous étiez présente lors du débat sur l'austérité que vous aviez vous-même provoqué. Un débat a également été organisé à la demande du groupe Les Républicains, mais il n'a pas non plus suscité beaucoup d'intérêt. Il faut bien le reconnaître. Notre disponibilité est totale, mais il faut admettre que cela n'attire pas les foules du côté de la représentation nationale.
Concernant l'évaluation de notre politique en matière d'évasion fiscale, il est incorrect de dire que rien n'est fait. Un rapport spécial a été rédigé sur ce sujet. Madame la rapporteure spéciale rencontre régulièrement les services de la direction générale des finances publiques, qui lui fournissent de nombreux documents. Il s'agit d'un domaine complexe, mais il est erroné d'affirmer que nous ne savons pas évaluer cette problématique.
En ce qui concerne la fraude fiscale, nous avons présenté le bilan de notre plan de lutte contre la fraude. Nous avons communiqué le chiffre des redressements en matière de fraude fiscale, qui s'élève à 15 milliards d'euros. Ce bilan a été présenté avec le Premier ministre, et vous recevrez cette semaine ou la semaine prochaine le bilan d'activité de la DGFiP. La direction générale des finances publiques fournira, comme chaque année, toutes les informations nécessaires. Il est inacceptable de prétendre que nous manquons de transparence dans ce domaine. Vous disposez par ailleurs de prérogatives très larges au sein de la commission des finances pour obtenir tous les documents nécessaires.
En matière de lutte contre l'évasion fiscale, il est important de souligner que, pour la première fois, nous avons instauré un taux minimum d'imposition de 15 % pour les entreprises multinationales. Cette mesure résulte d'un long travail de négociation et de discussion à l'échelle internationale, notamment au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C'est une véritable victoire et un bouclier contre l'optimisation et l'évasion fiscale des grandes entreprises. Quant à l'accusation selon laquelle nous ferions des cadeaux aux riches, je rappelle que nous avons réduit l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros, ce qui concerne la première tranche de l'impôt. Il est évident que cette mesure ne bénéficie pas aux plus fortunés. De plus, la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle a profité au plus grand nombre.
Concernant le contrôle fiscal, je réitère que nous avons consacré plus de 1 500 équivalents temps plein à la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons franchi deux étapes en 2023 et en 2024, et nous assumons pleinement cette priorité.
Enfin, pour ce qui est de l'évaluation du montant de la fraude fiscale, je vous invite à suivre les travaux du Conseil d'évaluation de la fraude. Trop souvent, la fraude fiscale est perçue comme un trésor potentiel permettant de financer des programmes de campagne lorsque l'on ne sait plus où trouver des économies pour assurer une présentation budgétaire acceptable.
J'ai une première question sur la mission Gestion des finances publiques. Il a été évoqué des crédits en matière de dépenses personnelles liées aux difficultés de déploiement, à l'été 2023, du dispositif Gérer mes biens immobiliers. Ces difficultés sont-elles désormais résolues et comment se déroule le début de la campagne 2024 pour ce dispositif ?
Ensuite, je souhaite aborder un point en lien avec les propos du rapporteur spécial, Benoit Mournet, et de notre collègue Frédéric Cabrolier, concernant le CAS Pensions. Il y a un manque de transparence et de lisibilité. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que votre priorité était l'efficacité et la sécurisation. Toutefois, il subsiste un véritable problème de coordination entre le budget de la sphère sociale et celui de l'État. Quelle suite envisagez-vous de donner à la recommandation du rapporteur spécial visant à faire converger le taux des contributions salariales des fonctionnaires avec celui des cotisations salariales du régime général dans le secteur privé ? Une réponse précise sur ce sujet serait appréciée.
Seriez-vous favorable à l'idée de maintenir un budget de dépenses distinct pour la sphère sociale, avec ses différentes branches (famille, retraite, etc.), et un budget de l'État, tout en ayant un budget unique des recettes ? Actuellement, la transparence et la lisibilité des recettes sont compromises par une complexité excessive. Je pense notamment à la prise en charge par l'État des allégements ciblés de cotisations, au régime de la Banque de France, et à l'équilibre des cinq régimes spéciaux. Cette complexité entrave la transparence. Pour engager une revue des dépenses et en mesurer l'efficience et l'efficacité, il serait bénéfique d'apporter des éléments positifs.
Le périmètre budgétaire que nous examinons aujourd'hui est très large. Je vais donc centrer mon intervention sur un sujet précis relevant de la mission Gestion des finances publiques. Engagée en 2019, la réorganisation du réseau des trésoreries de la DGFiP se poursuit avec le déploiement du nouveau réseau de proximité, visant deux objectifs principaux. D'une part, améliorer l'accueil du public et la relation de proximité avec les collectivités territoriales ; d'autre part, rééquilibrer le maillage territorial de la DGFiP dans un souci d'efficience. Cette réorganisation, en passe d'être achevée, semble tenir ses promesses. En effet, le nombre de structures de petite taille a significativement diminué, renforçant ainsi la capacité de la DGFiP à garantir une qualité de service plus homogène sur l'ensemble du territoire national. Cependant, comme le montre la Cour des comptes dans un rapport paru en décembre dernier à la demande du Sénat, les communes rurales expriment les plus fortes réticences vis-à-vis de cette nouvelle carte des implantations. Elles craignent la perte d'un contact de proximité auprès d'experts sur les questions budgétaires et financières. J'ai pu observer cette évolution et recueillir ces craintes au niveau de mon département. Monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur le déploiement actuel des conseillers aux décideurs locaux ? Ce déploiement permet-il de répondre aux inquiétudes exprimées en milieu rural ? Est-il bien accueilli par les décideurs locaux ? Concernant plus globalement la réorganisation du réseau des trésoreries, cinq ans après son lancement, a-t-elle permis de réaliser des économies budgétaires ou l'objectif était-il d'améliorer l'efficience à périmètre budgétaire constant ?
Madame la députée Véronique Louwagie, vous avez raison de souligner les difficultés rencontrées avec GMBI. Les agents de la DGFiP ont été confrontés à de nombreuses questions et sollicitations durant la campagne de l'année dernière. Il s'agissait de la première campagne, la plus complexe en raison de l'introduction d'un nouvel outil et d'une nouvelle obligation déclarative. Je reconnais volontiers que cette période a été difficile. Les agents se sont fortement mobilisés pour en atténuer les effets. Nous avons pris plusieurs mesures, notamment en permettant le dépôt de déclarations papier pour ceux qui ne parvenaient pas à utiliser l'outil numérique. En 2024, la campagne portera essentiellement sur des mises à jour. Le plus difficile a été accompli lors de l'initialisation. Les difficultés subsistantes concernent principalement les institutionnels, qui doivent déclarer l'intégralité de leur patrimoine. Nous travaillons de manière rapprochée avec ceux qui n'ont pas encore rempli leurs obligations déclaratives. Ce problème est davantage lié aux institutionnels qu'aux particuliers. Je suis ce dossier de près, car le bilan de la campagne 2023 doit nous inciter à éviter de reproduire ces difficultés, tant pour les contribuables que pour les agents chargés de la mise en œuvre.
Concernant le CAS Pensions, il sera rééquilibré. Nous ne pouvons pas laisser un déficit s'installer progressivement, comme c'est le cas depuis deux ans. La LOLF nous impose de maintenir un solde cumulé positif depuis la création du CAS, et ce solde est encore positif. La mesure de rééquilibrage, que vous appelez de vos vœux, interviendra en 2025 ou en 2026, lorsque nous disposerons des dernières actualisations de notre trajectoire, garantissant ainsi le financement adéquat du CAS.
Vous soulevez un certain nombre de difficultés et de problèmes de lisibilité entre le champ de l'État et celui de la sécurité sociale, ce qui nécessiterait des réformes extrêmement structurelles. Cependant, je n'ai pas le temps de les esquisser toutes dans les deux minutes qui me sont imparties par question. Cela pourra faire l'objet, si vous le souhaitez, d'échanges plus approfondis.
Monsieur le député Mandon, vous évoquez notamment la mise en œuvre du nouveau réseau de proximité, qui est, je dois le dire, une véritable réussite de la direction générale des finances publiques, lancée par mes prédécesseurs. Nous avons systématiquement signé un certain nombre d'accords avec les élus locaux, les présidents de conseil départemental et d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), garantissant ainsi une excellente couverture territoriale et une augmentation des points de contact. En effet, au-delà des services de la DGFiP, nous avons ouvert de nombreux points de contact et nous sommes présents dans les maisons France services, facilitant ainsi l'accès des usagers à nos services. Ce nouveau maillage territorial est donc une réussite.
Parmi les éléments de cette réforme, vous avez raison de souligner l'importance du conseil aux décideurs locaux. À chaque déplacement sur le terrain, je constate que les élus locaux soulignent l'utilité et l'efficacité de ces conseillers, qui aident les maires et les élus à bâtir des projets et à accompagner des investissements. Actuellement, ils sont 917 et notre objectif est d'en avoir 993 sur l'ensemble des départements. Lorsque nous interrogeons les élus, 88 % d'entre eux expriment une grande satisfaction.
Monsieur le président, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la politique immobilière de l'État, en particulier sur la cession du patrimoine immobilier à des prix bradés. En 2023, l'État a vendu 645 biens pour une valeur de 280 millions d'euros, ce qui représente une hausse des recettes de 37 %. Cependant, cette augmentation des recettes se fait au détriment de la richesse patrimoniale de l'État, et surtout à des prix dérisoires. Le patrimoine immobilier de l'État est sacrifié sur l'autel du désendettement. Au 12 septembre 2022, sur les 280 millions d'euros prévus, seuls 110,3 millions d'euros avaient été perçus. En 2021, sur les 280 millions d'euros également prévus, les produits de cession n'ont finalement atteint que 230 millions d'euros. Monsieur le ministre, j'ai examiné la liste des biens vendus au cours de l'année passée et des années précédentes, et j'ai été surpris par les prix négociés par votre ministère.
Par exemple, un terrain anciennement appartenant au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de 2 000 mètres carrés à Meudon, a été vendu pour 38,7 millions d'euros, alors que, selon les prix du marché, il valait 46,7 millions d'euros, soit un manque à gagner de 8 millions d'euros pour l'État. De même, un ancien bâtiment du ministère de la culture de 6 700 mètres carrés, situé rue des Pyramides, dans le premier arrondissement de Paris, a été cédé à 13 000 euros le mètre carré, soit 65 millions d'euros. Or, en appliquant le prix du marché, ce bâtiment valait 82 millions d'euros, ce qui représente un manque à gagner de 17 932 600 euros. Monsieur le ministre, quelles actions comptez-vous entreprendre afin de garantir que les intérêts patrimoniaux des Français soient respectés ?
Monsieur le ministre, je souhaite centrer mon intervention sur le crédit d'impôt recherche, dont les crédits sont retracés dans la mission Remboursements et dégrèvements. Le CIR représente 7,2 milliards d'euros de dépenses fiscales, un montant stable par rapport à 2022, mais il constitue surtout la plus importante niche fiscale du budget français. Nous ne sommes pas opposés au principe du CIR, mais il est possible d'optimiser cette dépense. En effet, l'impact sur l'emploi reste modéré et les effets en termes de performance économique ou d'attractivité de la France sont peu significatifs, selon l'évaluation publiée en juin 2021 par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation.
L'effort de recherche des entreprises représentait 2,22 % du PIB en 2021, plaçant la France à peine au-dessus de la moyenne des pays de l'Union européenne et derrière celle des pays de l'OCDE, sans parler de la Chine. De plus, le CIR est en grande partie capté par les plus grandes entreprises, puisque cinquante grands groupes s'approprient près de la moitié de la créance totale. Le CIR est ainsi devenu une ristourne quasi permanente pour les plus grands groupes. Je souhaite savoir si vous partagez l'idée qu'il faut rationaliser le CIR et le recentrer sur les PME. Par ailleurs, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour verdir le CIR en adoptant des taux différenciés selon la contribution des projets de recherche à la transition écologique ? Cette proposition fait partie des recommandations du mouvement Impact France, et il est essentiel d'inciter et de récompenser l'engagement dans l'innovation écologique.
Pour répondre au député Philippe Brun, je ne partage absolument pas votre diagnostic. J'avais pensé que vous alliez annoncer une politique dynamique, notamment en matière de cessions, car il est vrai que celles-ci ont augmenté. C'est l'un des objectifs. Sous le contrôle du président du Conseil de l'immobilier de l'État (CIE), le président Mattei, je n'ai pas l'impression que nous ayons bradé quoi que ce soit. Les biens immobiliers sont soumis à la loi de l'offre et de la demande, et il faut des acheteurs pour les biens que nous mettons en vente. Je pense que nous pouvons tous le comprendre. Au contraire, nous activons une politique de cession de biens soit inutilisés, soit visant à rationaliser l'immobilier d'État. Nous souhaitons réduire le nombre de mètres carrés par agent dans les bureaux pour atteindre un taux plus conforme à nos directives et aux pratiques observées à l'extérieur. Attention également aux comparaisons de prix. Sauf erreur de ma part, la cession du ministère de la culture à 65 millions d'euros à Pyramides concerne un bail emphytéotique. Nous appliquons par ailleurs des méthodes différentes qui peuvent influencer le montant de la cession. Soyez donc prudent dans les comparaisons que vous utilisez.
En ce qui concerne les questions de Madame Eva Sas sur le CIR, deux éléments méritent d'être soulignés. Premièrement, vous mentionnez la comparaison internationale et vous vous demandez si notre position n'est pas un peu spécifique. Je constate que de nombreux pays, initialement adeptes des subventions directes, sont passés au crédit d'impôt. Cette méthode s'est imposée comme une approche standard adoptée par d'autres. Je sais que des parlementaires de plusieurs groupes, tant de la majorité que des oppositions, travaillent sur la question des abus potentiels en matière de crédit d'impôt recherche. Est-il nécessaire de resserrer certains dispositifs dans le cadre de notre politique de lutte contre toutes les fraudes ? Je suis ouvert à toute proposition sur laquelle nous pourrions converger, afin de garantir que chaque euro investi soit utilisé à bon escient et qu'il n'y ait pas d'abus dans ce domaine, comme dans d'autres. Si des abus sont constatés, il faut pouvoir les corriger. Je ne suis pas fermé à l'idée de garantir qu'il n'y a pas de pratiques abusives en la matière.
Concernant les PME, qui seraient complètement exclues du CIR, je rappelle qu'elles bénéficient d'un dispositif appelé crédit d'impôt innovation (CII), permettant de cibler un certain nombre d'entreprises de plus petite taille. Il est donc inexact de dire que notre politique de soutien à l'innovation se concentre uniquement sur les grands groupes internationaux, ce qui semblait être le sens de votre question. Par ailleurs, dans le domaine du numérique, nous disposons de dispositifs extrêmement puissants pour soutenir l'émergence et la création d'entreprises. Nous croyons en cet écosystème et surtout en leur capacité à créer massivement des emplois dans notre pays. En effet, la réalité se vérifie par l'attractivité de notre pays pour un certain nombre d'entreprises et le développement très fort de l'écosystème numérique.
Je souhaite me concentrer sur une mesure de soutien au réseau des débitants de tabac, inscrite au programme 302 Facilitation et sécurisation des échanges de la mission Gestion des finances publiques, pour un montant d'environ 70 millions d'euros en crédits de paiement, en fonction de la localisation et de la situation financière des bénéficiaires. Il est louable d'apporter une aide aux débitants de tabac. Toutefois, ne pourrait-on pas qualifier le gouvernement de pompier pyromane dans cette affaire ? En effet, d'un côté, il apporte un soutien financier, mais de l'autre, il augmente continuellement les taxes sur le tabac, ce qui pénalise lourdement ces commerçants. Cette politique n'a eu aucun impact significatif sur la prévalence tabagique, qui est restée quasiment stable, passant de 31,9 % des personnes âgées de 18 à 75 ans en 2017 à 31,8 % en 2022 selon Santé publique France. De plus, cette stratégie entraîne des pertes de recettes fiscales majeures pour le budget de l'État en 2023, avec plusieurs centaines de millions d'euros de recettes en moins par rapport aux prévisions. Parallèlement, on observe un développement des trafics et de la contrebande de tabac. Je m'interroge donc sur la pertinence de cette augmentation constante des taxes, qui semble stérile, voire contre-productive. Allons-nous continuer à appliquer cette politique paradoxale basée sur le principe « je donne d'un côté, je reprends de l'autre » ?
Monsieur le ministre, j'ai deux questions à vous poser. Premièrement, concernant le crédit d'impôt recherche, votre réponse à notre collègue sur les difficultés et les coûts croissants n'a pas été bien perçue. Bruno Le Maire évoque depuis l'automne la possibilité de revoir certains aspects de ce crédit d'impôt. Pouvez-vous confirmer ou infirmer que, dans le courant de l'année, ces éléments pourraient conduire à une remise en cause, au moins partielle, du crédit d'impôt recherche ?
Deuxièmement, en ce qui concerne les revalorisations des pensions, l'obligation d'équilibre du CAS Pensions nécessite une subvention de l'État, qui est appelée à augmenter, tandis que les recettes sont insuffisantes. Vous avez vous-même abordé la question de la revalorisation des retraites. Si le taux des contributions salariales des fonctionnaires doit être aligné sur celui du secteur privé, comment comptez-vous le financer ?[SM4] Si ce n'est pas le cas, envisagez-vous une sous-valorisation ou une absence de revalorisation des retraites cette année ?
En ce qui concerne la question des débitants de tabac, notamment les buralistes, il est important de rappeler que le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2023 a prévu une revalorisation ou une indexation sur l'inflation des taxes appliquées au prix du paquet de cigarettes. Cette mesure a été discutée avec les représentants des buralistes, notamment avec le président de la Confédération nationale des buralistes, Philippe Coy. Cependant, il convient de noter que le prix du paquet de tabac ne dépend pas uniquement des taxes. Les fabricants ont également augmenté leurs prix, ce qui nécessite de considérer à la fois les taxes et les prix fixés par les fabricants.
Par ailleurs, il est essentiel de souligner que 300 millions d'euros sont alloués pour accompagner les buralistes dans la sécurisation de leurs commerces, surtout dans des contextes de violences urbaines où certains ont été pris pour cible. En outre, ces fonds visent à encourager la diversification de leurs activités. J'ai visité de nombreux débits de tabac qui, en plus de leur activité principale, peuvent devenir partenaires de la DGFiP pour les paiements, diversifiant ainsi leur commerce. Nous les aidons donc à sécuriser et transformer leur activité dans le cadre du plan de transformation. Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire d'aider les débitants de tabac à ne plus dépendre exclusivement de la vente de tabac.
Enfin, avec Bruno Le Maire, nous avons adressé une lettre aux deux commissaires européens compétents pour demander la réouverture de la directive européenne afin d'harmoniser les taxes sur le tabac. En effet, il est bien connu que, pour les buralistes transfrontaliers, une grande partie de la consommation de tabac passe par l'importation, parfois légale, bien que régulée par le cadre communautaire. Nous avons également donné des consignes aux douanes pour lutter contre le trafic et la contrefaçon de tabac.
Monsieur Di Filippo, j'ai été clair sur le CIR. Je n'apprécie pas les termes « remise en cause » pour une politique qui produit des résultats en termes d'attractivité et de localisation de l'activité de recherche et développement. Cependant, s'il existe des abus ou des dispositifs peu utiles au sein du CIR, il n'y a aucune raison de refuser d'examiner certains paramètres ou dispositifs spécifiques. C'est dans ce sens que Bruno Le Maire a pris des engagements, que je réitère ici. Une revue des dépenses consacrée aux aides aux entreprises, incluant le CIR, nous éclairera sur la possibilité de revoir ce dispositif. Toutefois, il n'est pas question de remettre en question globalement ce dispositif, qui constitue une des bases de notre politique d'attractivité. Si, pour la cinquième année consécutive, nous sommes le pays le plus attractif, ce n'est pas sans lien avec l'existence du CIR.
Concernant le CAS Pensions, je tiens à rappeler, Monsieur Di Filippo, que pour deux années consécutives, il présente un déficit. Nous surveillons le déficit cumulé, et nous ne savons pas s'il sera résorbé en 2025 ou 2026, conformément à l'obligation de la LOLF. À ce moment-là, nous envisagerons des contributions employeurs réajustées pour assurer l'équilibre.
Nous arrivons maintenant au second temps de la discussion de notre commission d'évaluation des politiques publiques (CEPP), qui portera sur la thématique d'évaluation retenue par Madame Charlotte Leduc, relative à l'usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal.
La commission procède ensuite à la discussion sur la thématique d'évaluation relative à l'usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal (Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale).
En ces temps d'austérité budgétaire, la lutte contre l'évasion fiscale devrait être une priorité absolue pour le gouvernement. L'évasion fiscale coûte chaque année entre 80 et 120 milliards d'euros aux caisses de l'État. Cet argent manque cruellement à nos services publics et à nos ambitions écologiques. Il est donc impératif de s'attaquer sérieusement à ce problème, plutôt que de réduire encore les dépenses publiques, ce qui ne ferait qu'aggraver la situation économique et sociale du pays. Depuis deux ans, je travaille sur les moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre l'évasion fiscale. Aujourd'hui, je souhaite me concentrer sur un point précis, l'usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal.
Depuis plus de dix ans, la DGFiP expérimente l'utilisation du data mining dans la programmation du contrôle fiscal. Il est temps de faire le bilan de cette politique. La montée en puissance du data mining à la DGFiP résulte d'abord du travail de la mission requêtes et valorisation, créée en 2014. En octobre 2020, avec la création du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF), cette mission est devenue le bureau SJCF-1D. En 2017, l'objectif a été fixé que le data mining représente 50 % de la programmation des contrôles fiscaux externes hors recherche. Cet objectif a été atteint en 2022.
De ce point de vue, la mise en place de l'intelligence artificielle dans le contrôle fiscal semble donc une réussite. Les différents ministres qui se sont succédé ont d'ailleurs vanté les mérites de l'intelligence artificielle, glorifiant les gains de productivité permis par l'usage du data mining dans le contrôle fiscal. Cependant, la réalité est moins reluisante lorsqu'on examine de plus près les résultats. En 2023, les contrôles issus d'une programmation via le data mining n'ont rapporté que 2,07 milliards d'euros, soit moins de 15 % des sommes mises en recouvrement sur l'année, alors que 56 % des contrôles proviennent désormais des listes data mining. Dans ces conditions, il est difficile de parler de formidables gains de productivité.
Plutôt que de se focaliser sur le nombre de contrôles d'origine data mining, il serait pertinent de s'intéresser à l'efficacité réelle de la mise en œuvre des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal. Permettent-elles d'augmenter significativement les sommes mises en recouvrement ? Permettent-elles réellement de dégager du temps pour les agents de terrain ? Conduisent-elles à une meilleure couverture du secteur économique ou à un traitement plus exhaustif des dossiers chaque année ?
C'est avec ces questions en tête que j'ai entamé mon travail d'investigation et d'audition en vue de ce printemps de l'évaluation. Je tiens à remercier Monsieur Iannuci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal, ainsi que Monsieur Clabecq, chef du bureau du data mining, pour leur accueil et les échanges approfondis avec les agents du bureau. Mon travail révèle que les nouvelles technologies peuvent constituer un outil pertinent pour améliorer les performances du contrôle fiscal. Cependant, deux conditions doivent être remplies.
Premièrement, la montée en puissance du data mini ng ne doit pas être utilisée pour justifier des suppressions de postes ni remettre en cause les qualifications et l'expérience des contrôleurs sur le terrain. Deuxièmement, l'efficacité des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal doit être évaluée rigoureusement afin que ces outils soient correctement calibrés pour une utilisation optimale. Actuellement, aucune de ces conditions n'est remplie.
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, les baisses d'effectifs se sont poursuivies année après année, avec une réduction de 1 895 ETP en sept ans. De plus, nous ne disposons d'aucune évaluation des gains de productivité liés à l'utilisation de l'IA dans le contrôle fiscal. Les coûts financiers, humains et environnementaux de la mise en place du data mining n'ont jamais été évalués. Enfin, la situation matérielle des agents sur le terrain continue de se dégrader. Les représentants syndicaux m'ont alerté sur l'obsolescence du matériel à leur disposition, tandis que les fraudeurs utilisent des moyens de plus en plus sophistiqués pour échapper à l'impôt. La Cour des comptes fait le même constat et déplore depuis plusieurs années la dette technologique qui se creuse à la DGFiP. En matière de contrôle fiscal, la mise en place du data mining est donc l'arbre qui cache la forêt. Le manque d'investissement matériel, humain et de formation dans ce domaine est dénoncé de toutes parts, et le gouvernement en porte l'entière responsabilité.
Pour remédier à cette situation, je formule aujourd'hui une première série de recommandations. Il est urgent d'évaluer réellement les résultats financiers du data mining, impôt par impôt, ainsi que l'évolution du nombre de contrôles effectués, quelle que soit la source de programmation. Il faut également évaluer les coûts réels du data mining depuis 2014, y compris les coûts environnementaux. Un plan d'apurement de la dette technologique doit être mis en place dans l'ensemble des services de la DGFiP participant à la lutte contre l'évasion fiscale. Il est nécessaire d'évaluer les gains de productivité engendrés par l'introduction du data mining en regard des diminutions d'effectifs dans le contrôle fiscal depuis 2014. Enfin, je réitère ma recommandation, déjà formulée à deux reprises lors de l'examen des derniers PLF, d'adopter a minima un moratoire sur les suppressions de postes dans le contrôle fiscal et d'embaucher pour revenir aux effectifs de 2010. Il faut des agents sur le terrain si nous voulons sérieusement nous attaquer à l'évasion fiscale.
Au-delà de l'évaluation nécessaire de l'efficacité des nouvelles technologies en termes financiers, il est également indispensable d'évaluer les changements organisationnels que l'introduction de l'IA a engendrés. Tout d'abord, le recours à l'IA doit être plus transparent. Les algorithmes sont construits à partir des expériences de contrôle antérieures. Comment dès lors s'assurer de l'absence de biais ? Une programmation du contrôle fiscal qui ne serait capable de détecter que les schémas de fraude déjà connus, et donc échouerait à mettre au jour les nouvelles méthodes de fraude, raterait clairement sa cible. Or, rien, dans ce que j'ai pu observer, ne permet aujourd'hui de garantir l'absence de tels biais. Il est donc urgent d'établir la transparence sur les technologies utilisées par le bureau du data mining devant une commission indépendante associant organisations syndicales, CNIL et élus. La DGFiP devra démontrer périodiquement que les outils utilisés ne comportent pas de biais.
La montée en puissance de la programmation issue du data mining a totalement bouleversé l'organisation interne de la DGFiP. Les agents de terrain subissent cette évolution sans être associés aux décisions et avec un accompagnement défaillant. Ces fonctionnaires, attachés à leur métier et au service public, décrivent une perte de sens et une réduction des initiatives locales, pourtant extrêmement rentables d'après les données fournies par la DGFiP elle-même. Si nous voulons que les acteurs de terrain s'emparent des nouveaux outils mis à leur disposition, il est nécessaire de repenser l'accompagnement de cette révolution technologique. Je propose donc de mieux associer les agents de terrain au retour d'expérience sur l'usage du data mining, en impliquant les organisations syndicales dans l'évolution des algorithmes.
Après plus de dix ans de développement des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal, il est étonnant que la DGFiP n'ait toujours pas cherché à faire évoluer les compétences en interne. Le recours à l'IA dans le contrôle fiscal nécessite des compétences rares et spécifiques. Un quart des effectifs du bureau est composé de data scientists, mais ceux-ci sont presque tous contractuels, faute de profils qualifiés au sein de la DGFiP. L'expérience accumulée par ces contractuels est hautement valorisable auprès d'entreprises privées, comme en témoigne l'importance du turn over. La souveraineté, la fiabilité et la sécurité du contrôle fiscal peuvent donc se retrouver menacées à terme. Compte tenu de la spécificité des profils de data scientists et de l'investissement que constitue leur recrutement pour les services concernés, je préconise la mise en place d'une filière interne de recrutement mutualisé entre les différents services de l'État qui ont recours à ces compétences.
L'usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal peut être un outil pertinent pour améliorer l'efficacité financière de cette politique et progresser vers la justice fiscale. La mise en place du data mining a souvent entraîné une réduction des postes et une perte de sens du métier pour les agents de terrain. Cette situation est absurde, car le data mining n'a pas pour vocation de remplacer le contrôle de terrain. Il intervient uniquement dans la phase de programmation des contrôles, laissant ensuite aux vérificateurs le soin d'étudier les dossiers un par un. En continuant à supprimer des postes de vérificateurs, le gouvernement a mis en danger la cohérence globale du système de contrôle. Nous devons rétablir un maillage fin de brigades sur l'ensemble du territoire. Les 1 500 créations de postes annoncées au printemps dernier ne résoudront pas le problème, d'autant plus qu'il s'agit de redéploiements et non de véritables embauches. Ces 1 500 ETP ne compensent même pas la perte de près de 1 900 emplois sur les sept dernières années. La lutte contre l'évasion fiscale mérite une attention plus soutenue.
Chers collègues, bien que le sujet que j'aborde puisse sembler technique, il touche à la cohésion nationale et à la souveraineté de notre pays. Sans justice fiscale, il n'y a pas de contrat social, ni de politique publique d'envergure pour relever les défis sociaux, écologiques et géopolitiques auxquels nous faisons face. Depuis plus de deux ans, je propose des avancées dans ce domaine. J'ai publié deux rapports contenant cinquante-huit propositions. Avec les collègues de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) de notre commission, j'ai présenté un plan de lutte contre les fraudes bien plus ambitieux que celui du gouvernement, qui ne propose que des mesures marginales. Lors des derniers PLF, j'ai défendu plusieurs dizaines d'amendements visant à doter les agents du contrôle fiscal des moyens nécessaires à leur mission, essentielle d'un point de vue budgétaire et de justice fiscale. Les solutions existent, il vous appartient de les adopter.
J'ai fait de la lutte contre la fraude fiscale une de mes priorités. Vous l'avez souligné, c'est un enjeu majeur pour le consentement à l'impôt, la cohésion sociale et le redressement de nos comptes publics. La lutte contre la fraude nécessite une adaptation constante face à un droit en évolution et à des pratiques nouvelles. Il s'agit d'une guerre de mouvements qui exige d'ajuster notre réponse en permanence. La mission de contrôle fiscal doit s'adapter aux évolutions de la société, aux comportements des acteurs économiques, aux progrès technologiques et à l'internationalisation des échanges et de l'économie.
Les nouvelles technologies constituent un apport indéniable pour mieux lutter contre la fraude fiscale. Un des enjeux pour l'administration fiscale consiste à détecter les incohérences déclaratives, à exploiter les informations de différentes sources pour mieux cibler les dossiers à contrôler ou à régulariser. L'intelligence artificielle, notamment, permet d'utiliser la donnée de manière efficace. Les données, tant sur les professionnels que sur les particuliers, sont une des richesses de la DGFiP. Je pense aux données collectées au niveau national avec différentes bases, comme le fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), ainsi qu'aux données collectées au niveau international et aux échanges entre administrations fiscales, incluant les données sur les comptes bancaires et les déclarations d'activité pays par pays. Pour exploiter pleinement toutes ces informations, nous avons décidé en 2017 d'accélérer la modernisation des méthodes de travail du contrôle fiscal. Le contrôle fiscal est ainsi la première mission de la DGFiP à avoir mobilisé le potentiel de l'intelligence artificielle, en mettant en œuvre des méthodes modernes d'analyse de données et d'apprentissage automatique pour améliorer le ciblage de nos contrôles.
Cette complémentarité entre la technologie et les agents de la DGFiP est essentielle. Nous avons une organisation centralisée de la programmation qui alimente ensuite l'ensemble des services départementaux, régionaux ou interrégionaux avec des dossiers ciblés à contrôler. L'objectif est de mutualiser et de moderniser des travaux très chronophages et redondants, notamment les requêtages par les directions locales, afin que les agents de la DGFiP consacrent la majorité de leur temps au traitement des dossiers pré-identifiés.
Contrairement à ce qui a parfois été affirmé, le data mining ne diminue pas le rôle de l'homme dans son ensemble, mais vise à concentrer le savoir-faire des contrôleurs. Ces derniers excellent dans la gestion des dossiers les plus complexes, qui sont souvent ceux qu'ils préfèrent. Les productions issues de l'intelligence artificielle ne sont que des outils d'aide à la décision, mis à la disposition des agents. Les décisions en matière de contrôle ne proviennent jamais directement de l'analyse de données et résultent toujours des choix ou des initiatives des agents des services locaux de contrôle. L'IA est au service des agents et ne remplace jamais l'humain. À cet égard, le contrôle fiscal bénéficiera d'un renfort de 1 500 emplois d'ici 2027. Je le répète, malgré ce que vous avancez sur les réductions de postes à la DGFiP, qui sont liées à la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle, nous avons ajusté nos effectifs en conséquence.
Au-delà du recours au data mining, nous utilisons de nouvelles technologies. Le projet foncier innovant, qui nous permet de détecter des piscines non déclarées à partir de prises de vues aériennes, est un véritable succès. Lors du dernier projet de loi de finances, nous avons étendu l'expérimentation de l'utilisation en masse des données collectées sur les réseaux sociaux et autorisé les cyberenquêtes. Cette modernisation de nos moyens d'action porte ses fruits, permettant d'obtenir des résultats tout à fait notables.
La DGFiP dispose d'une structure en administration centrale dotée d'une grande infrastructure de stockage de l'ensemble des données fiscales en notre possession : déclarations déposées, données cadastrales, foncières ou financières. Elle regroupe également les données collectées à l'extérieur, telles que les données douanières, sociales, issues des échanges internationaux, et relatives aux avoirs détenus à l'étranger.
Les puissances de calcul des algorithmes de l'intelligence artificielle permettent de traiter 1 400 milliards de données par les ordinateurs de la DGFiP. Ces données sont plus facilement exploitées grâce aux algorithmes et à l'IA, comparativement à un traitement manuel effectué uniquement par les agents de la DGFiP. Nous avons identifié 300 situations potentiellement frauduleuses grâce au data mining. En 2023, les productions utilisant l'IA représentent 56 % des contrôles fiscaux externes locaux et 33 % des contrôles des particuliers dans les directions départementales. Ce chiffre atteint 40 % fin avril 2024, avec un objectif de 50 % en 2027. Les contrôles issus des analyses de données nationales ont permis de rappeler 2,1 milliards d'euros de droits et pénalités, contre 2 milliards en 2022. Ce chiffre ne peut pas être directement comparé au montant global de la fraude détectée, car il permet de traiter une masse de données, notamment les incohérences déclaratives. Le contrôle fiscal, et notamment le temps consacré par les agents, se concentre sur les montages les plus complexes. Les résultats financiers des dossiers issus de l'IA sont supérieurs à ceux constatés uniquement sur la base des dossiers identifiés par l'analyse humaine.
De manière générale, l'échange d'informations est la méthode la plus efficace pour lutter contre la fraude. À titre d'exemple, Gabriel Zucman, dans son dernier rapport sur l'évasion fiscale, explique que « l'évasion fiscale des particuliers a été divisée par trois au cours de la dernière décennie grâce au partage automatique des données bancaires ». Nous avons fait des progrès considérables dans la lutte contre l'évasion fiscale grâce à l'échange de données. Selon ce rapport, les particuliers placent 10 % du PIB mondial à l'étranger, dont 90 % des montants échappaient aux autorités fiscales. Désormais, la même proportion demeure placée à l'étranger, mais 75 % des montants sont connus des autorités fiscales et donc imposés. Ces avancées sont significatives. Les nouvelles technologies offrent un appui déterminant pour collecter, croiser les données, identifier des anomalies et enrichir notre capacité à lutter contre la fraude fiscale.
Nous devons désormais aller plus loin. C'est pourquoi je porte une initiative visant à renforcer nos moyens de lutte contre toutes les fraudes, en avançant sur trois axes. Premièrement, il est essentiel de mieux utiliser les données utiles à la lutte contre la fraude en décloisonnant les échanges d'information entre services. C'est le nerf de la guerre pour améliorer notre politique de lutte contre toutes les fraudes.
Deuxièmement, nous devons mieux répondre à l'utilisation des nouvelles technologies par les fraudeurs eux-mêmes. C'est une véritable course de vitesse. J'ai évoqué les mesures prises à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2024 pour renforcer nos outils sur les réseaux sociaux. Je souhaite désormais aller plus loin sur un sujet majeur pour moi, les cryptoactifs. La Banque centrale européenne estime que 5 millions de Français utilisent des cryptoactifs, alors que seulement 150 000 foyers déclarent des revenus liés à ces actifs. Pour cela, j'ai souhaité que la direction nationale d'enquêtes fiscales soit dotée de licences d'outils de détection pour couvrir les principales blockchains, notamment Bitcoin. Il nous faut compléter notre arsenal législatif, notamment pour aligner les capacités de réponse de l'administration face aux cryptoactifs sur les avoirs non déclarés à l'étranger. Cette évolution législative me semble indispensable.
Enfin, troisièmement, nous devons poursuivre la dynamique internationale pour accroître la transparence fiscale, notamment en matière immobilière. C'est le sens des actions que nous menons avec Bruno Le Maire.
La question n'est pas de se priver ou non de l'intelligence artificielle et des outils numériques. Il s'agit de déterminer si ces technologies renforcent les résultats en matière de lutte contre la fraude ou si elles servent, comme cela a parfois été évoqué, à remplacer le personnel. D'après mes observations, entre 2008 et 2019, les contrôles sur place ont diminué de 13 % et les contrôles sur pièces de 56 %. Ces chiffres avaient d'ailleurs été mentionnés par les syndicats de votre ministère lors de nos rencontres avec la DGFiP. Parallèlement, les résultats financiers des contrôles fiscaux sont passés de 15,63 milliards d'euros en 2008 à 15,2 milliards en 2023, après une chute à 13,86 milliards en 2019. Je parle ici en euros courants. Durant cette période, l'inflation a atteint 23 %. On constate donc que les résultats ne sont pas aussi impressionnants qu'on pourrait le croire, malgré le développement de l'IA et la réduction significative des effectifs ministériels sur le long terme. Vous avez récemment rétabli certains effectifs, mais globalement, les réductions ont été considérables. Je pense que la question mérite d'être posée, notamment en ce qui concerne l'externalisation de l'IA. Lorsque nous nous sommes rencontrés au ministère, vous m'avez indiqué que vous alliez examiner les préoccupations soulevées par les syndicats à ce sujet. Ceux-ci nous avaient en effet signalé que les algorithmes n'étaient pas développés par Bercy, mais appartenaient à des sociétés privées travaillant sur ces questions d'IA. Cela pose un problème de dépossession des outils numériques et des algorithmes sur lesquels nous travaillons. Avez-vous des réponses à apporter à ce sujet ?
En 2023, par rapport à 2022, nous avons augmenté de 25 % les contrôles fiscaux, démontrant ainsi qu'il n'y a aucune baisse de l'activité de contrôle fiscal. Cette augmentation s'explique par l'allocation de moyens supplémentaires. Vous l'avez reconnu, en 2023, et cela continuera en 2024, les effectifs dédiés au contrôle fiscal ont été renforcés. Il est important de faire attention lorsque l'on compare les redressements fiscaux, car certaines années ont été marquées par l'impact des cellules de régularisation, désormais fermées, qui ont influencé les montants comparés. En neutralisant l'effet de ces cellules, je confirme une efficacité croissante des redressements dans la lutte contre la fraude fiscale.
Un autre point essentiel à clarifier concerne la maîtrise par la DGFiP des nouvelles technologies, notamment l'intelligence artificielle et les algorithmes. Initialement, nous nous sommes appuyés sur des compétences extérieures pour nous aligner sur les meilleures pratiques en matière d'intelligence artificielle. Aujourd'hui, après avoir investi dans ces développements et appris à utiliser les algorithmes au service de nos métiers, la compétence en intelligence artificielle est entièrement internalisée au sein de la DGFiP. Madame la rapporteure spéciale l'a mentionné dans son rapport, soulignant que c'est un enjeu de recrutement et d'attractivité. Il est crucial de retenir les meilleurs talents. La titularisation ne suffit pas à elle seule à fidéliser un spécialiste des algorithmes ou un data scientist. L'intérêt du métier et les conditions de travail sont également déterminants. Pour vous rassurer, la compétence en intelligence artificielle est désormais totalement internalisée. Concernant la deuxième étape, qui porte sur l'utilisation des données issues des réseaux sociaux, aucun prestataire n'interviendra dans cette expérimentation. Nous disposons des capacités d'investissement nécessaires pour mener cette phase en interne. J'espère avoir répondu à votre question et vous avoir rassuré.
Je remercie la rapporteure pour ce rapport d'information sur l'usage des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal, car j'ai appris de nombreux éléments. Je partage votre constat sur le fait que le recours à l'intelligence artificielle soulève de nombreuses questions concernant l'évolution des agents de terrain, notamment en matière de formation et de réorganisation des postes. L'utilisation d'algorithmes et d'intelligence artificielle est devenue incontournable. Historiquement, ces nouvelles technologies ont souvent été accusées de nombreux maux. Monsieur le ministre, je souhaite aborder deux sujets.
Premièrement, pour lutter contre les trafics de drogue, vous avez récemment annoncé votre intention de mettre en œuvre le 100 % scan des colis. Pourriez-vous nous préciser les délais de cette mesure et les prochaines échéances concernant le 100 % scan ? Ma seconde question porte sur la fraude de certains propriétaires qui changeraient leur résidence secondaire en résidence principale. Nous avons supprimé la taxe d'habitation sur la résidence principale, mais la taxe d'habitation sur la résidence secondaire existe toujours. Nous avons également permis à 3 000 communes d'appliquer une surtaxe d'habitation sur la résidence secondaire. Certains contribuables pourraient permuter leurs habitations principales avec leurs résidences secondaires afin de bénéficier d'une fiscalité moins importante.
Avec la nouvelle déclaration de juillet, dans quelle mesure le gouvernement effectue-t-il des contrôles en la matière et quelles difficultés rencontre-t-il ? Quelles solutions envisagez-vous ? Les déclarations complémentaires sur GMBI peuvent-elles améliorer cette situation ?
Je souhaite réitérer certains messages et poser quelques questions. Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne critique pas l'utilisation du data mining, bien au contraire. Je considère cette technologie comme une avancée significative, à condition qu'elle soit véritablement mise au service des agents. Vous avez mentionné le redéploiement de 1 500 postes, mais il est important de rappeler que les effectifs ont considérablement diminué ces dernières années. Cette réduction d'effectifs, combinée à l'arrivée du data mining, a permis de maintenir les résultats du contrôle fiscal à un niveau stable. Cependant, ces résultats ne sont pas exceptionnels, surtout si l'on considère que l'évaluation de la fraude semble être en augmentation. Si les chiffres ne sont pas en augmentation, cela signifie que nous ne suivons pas la réalité de la fraude. Il est également essentiel de se pencher sur la rentabilité des opérations issues du data mining. Bien que cette technologie permette de traiter des affaires à faible rendement, il serait souhaitable que ces affaires dégagent réellement du temps pour les agents, leur permettant ainsi de se consacrer à des tâches de recherche plus intéressantes et pertinentes. Or, les résultats du contrôle fiscal montrent que ce n'est pas le cas actuellement. Monsieur le président de la commission des finances a également évoqué l'importance du contrôle sur place pour les agents, qui constitue un levier essentiel pour obtenir des résultats. Cependant, les chiffres montrent une diminution dans ce domaine.
Je souhaite réagir à ce propos, car vous mentionnez fréquemment les travaux de Gabriel Zucman. J'avais déjà répondu à ce sujet. Gabriel Zucman met en avant les résultats positifs et les avancées significatives obtenues grâce à la levée du secret bancaire. Lorsqu'il utilise cet exemple, c'est généralement pour introduire son propos et souligner la nécessité d'aller plus loin, en proposant des mesures que nous avons parfois du mal à mettre en œuvre. Je pense notamment à la taxation unitaire et aux moyens alloués à la lutte contre l'érosion des bases fiscales. Vous vous arrêtez souvent aux propos introductifs de Monsieur Zucman. Il serait pertinent d'examiner l'ensemble de ses travaux et de les promouvoir. Je me tiens à votre disposition pour avancer sur ce sujet.
En matière de lutte contre le trafic de drogue, il existe un champ d'action qui nous éloigne légèrement de la DGFiP, mais auquel je réponds volontiers. Cela concerne notamment les drogues de synthèse, qui nécessitent une évolution de nos méthodes, en particulier dans le domaine douanier. Il s'agit du contrôle des plateformes logistiques de fret postal. Pourquoi ? Parce que dans ces réseaux de trafic, l'utilisation du fret de petits colis est courante. En résumé, on achète et vend sur le darknet, puis on fait livrer par fret postal. Nous avons donc installé des scanners sur les grandes plateformes logistiques, capables de pré-identifier le risque de présence de stupéfiants, ce qui permet d'accroître l'efficacité des contrôles douaniers. On peut établir un parallèle entre la complémentarité douanier-intelligence artificielle et douanier-inspecteur, contrôleur, vérificateur des impôts. Plutôt que d'ouvrir les colis en fonction d'informations, nous les ouvrons en fonction des scans et des identifications. Nous obtenons de très bons taux de transformation lors de l'ouverture des colis dans les plateformes, notamment aéroportuaires. L'objectif est de développer un nouvel algorithme pour identifier le risque de présence de drogue de synthèse et de scanner tous les colis dans ces plateformes. Nous travaillons avec les gestionnaires des entrepôts pour atteindre un taux de 100 % de scans dans les prochaines années.
Concernant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, vous avez raison de souligner le risque manifeste de fraude. C'est un axe de contrôle de la DGFiP pour s'assurer que les redevables s'acquittent bien de cette taxe. Le projet GMBI, malgré ses difficultés de lancement, doit nous aider à fiabiliser les données. Ces données seront utilisées dans l'ensemble des bases de données de la DGFiP, notamment avec des algorithmes de data mining pour identifier des incohérences. J'avais annoncé lors d'une précédente audition que nous utiliserions l'intelligence artificielle pour détecter des incohérences dans les déclarations de biens immobiliers, comme nous l'avons fait pour les piscines, afin d'améliorer notre efficacité.
Pour répondre à madame la rapporteure spéciale, j'évoquerai deux éléments le data mining et les affaires à faible rendement. Nous concentrons l'utilisation des algorithmes pour analyser en profondeur et identifier un certain nombre d'incohérences, notamment déclaratives, ce qui permet un gain de temps considérable. Ensuite, le temps des agents est véritablement consacré à l'examen minutieux des affaires, aux déplacements sur le terrain et aux contrôles.
Il est important de souligner que nous ne revenons pas en arrière concernant les contrôles sur place. La loi de finances pour 2024 inclut une disposition très attendue par l'ensemble des agents de la DGFiP, et particulièrement par les contrôleurs, suite à l'assassinat de Ludovic Montuelle. Cette disposition permet d'effectuer des contrôles non pas au domicile des particuliers ou des entreprises, mais dans d'autres lieux, en raison des risques parfois encourus par ceux qui réalisent ces contrôles. Cela signifie que nous n'abandonnons pas du tout cette mission, qui demeure souvent très utile et essentielle. En revanche, nous avons sécurisé les conditions dans lesquelles elle s'exerce.
Nous lisons attentivement Gabriel Zucman, nous l'auditionnons et le rencontrons. Un travail est mené au niveau international pour garantir une fiscalisation adéquate des plus fortunés et des plus mobiles. Nous l'avons affirmé, Bruno Le Maire l'a également réitéré, nous y sommes favorables. Cependant, nous ne soutenons pas une solution purement franco-française, car nous estimons qu'elle serait inefficace. Ce que nous avons accompli pour les multinationales avec l'impôt minimum sur les sociétés doit nous servir de guide méthodologique pour progresser dans un cadre de négociation à l'OCDE, notamment en ce qui concerne les particuliers désormais.
Je tiens à exprimer ma gratitude envers la rapporteure spéciale Charlotte Leduc pour avoir choisi ce thème d'évaluation, qui met en lumière les perspectives prometteuses qu'offrent les nouvelles technologies pour améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude. Bien que certaines incertitudes subsistent quant au chiffrage précis des sommes recouvrées grâce à ces technologies, je suis convaincu que, sans la modernisation de nos pratiques, nous n'aurions jamais atteint les montants records de recouvrement pour fraude fiscale constatés en 2023. Dans un monde en pleine mutation numérique, les méthodes employées par les fraudeurs deviennent de plus en plus sophistiquées, nécessitant que nous les combattions avec des moyens équivalents. Je regrette toutefois que ce rapport d'évaluation n'ait pas adopté une approche comparative, notamment en ce qui concerne les pratiques des pays de l'Union européenne. À cet égard, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer comment nous nous situons par rapport à nos voisins européens en matière d'utilisation des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal ? Et les meilleures pratiques employées dans d'autres pays mériteraient-elles d'être expérimentées chez nous ?
Je souhaite remercier notre collègue Charlotte Leduc pour son intervention sur le data mining et, plus largement, sur l'intelligence artificielle au service de la lutte contre la fraude fiscale. Personnellement, je ne doute pas de l'intérêt de ces nouveaux outils et je n'ai aucune opposition de principe. Cependant, ils ne doivent pas être utilisés uniquement dans un objectif de réduction des coûts, notamment en ce qui concerne les ressources humaines. Il est essentiel de disposer de personnel pour analyser les données, qui seront de plus en plus nombreuses, et pour corriger ces données si nécessaire.
Prenons l'exemple du foncier innovant. L'expérimentation, puis la généralisation sur les piscines ont fonctionné, et vous allez étendre cette méthode aux bâtiments en collaboration avec des géomètres experts. Ces derniers sont inquiets, monsieur le ministre, en raison du nombre d'erreurs potentielles et de la nécessité de toujours se rendre sur le terrain. Il faut des hommes et des femmes pour traiter les affaires remontées par les aviseurs fiscaux. Par exemple, certaines affaires datant de 2017 ne sont toujours pas traitées en 2024, ce qui révèle un manque évident de ressources humaines. Il est indéniable que les contrôleurs et tout le personnel travaillant à la lutte contre la fraude fiscale sont indispensables, car leurs actions rapportent des recettes significatives. Ma question porte sur le nouveau service de renseignement fiscal, dont vous avez parlé précédemment, qui sera basé aux douanes et non à Bercy. Pourquoi sa mise en place est-elle si longue ?
Monsieur le député Geismar, vous avez raison, il est impératif de pouvoir combattre à armes égales. C'est tout notre enjeu. Nous sommes engagés dans une course permanente avec les fraudeurs, et cela ne se limite pas au domaine fiscal. Nous avons évoqué le champ douanier avec les drogues de synthèse. Nous faisons face à de nouveaux schémas et approches en permanence, et c'est tout l'enjeu de la mobilisation de nos équipes d'adapter notre réponse.
En matière fiscale, lorsqu'on examine ceux qui sont les plus avancés dans l'utilisation des données, on trouve notamment le Royaume-Uni, l'Autriche, l'Australie et la Belgique. Nous considérons, sans fausse modestie, que nous sommes bien placés à l'échelle internationale en termes de capacité d'action et d'utilisation de l'intelligence artificielle par les équipes de la DGFiP. Cependant, nous ne voulons pas nous arrêter là, non pas pour rivaliser avec nos homologues européens, mais pour lutter contre les fraudeurs. Notre objectif est d'être encore plus efficaces. Nous disposons de 1 400 milliards de données, et nous pouvons les exploiter davantage en les croisant, en ciblant les incohérences. C'est un enjeu fondamental.
Madame la députée Christine Pires Beaune, je pense que nous sommes tous d'accord cet après-midi pour ne pas opposer la technologie aux agents. Il faut chercher la bonne complémentarité. Vous prenez l'exemple de « Foncier innovant » et de l'utilisation de l'IA pour les bâtiments, avec les géomètres experts de notre réseau. Cependant, le contrôle n'est jamais automatique. L'IA est toujours une aide pour les équipes de la DGFiP, permettant de cibler les dossiers à examiner, d'émettre des alertes et d'éviter de perdre du temps sur des tâches rébarbatives ou chronophages avec un faible rendement. Il n'y a jamais d'automaticité. Ce que nous devons bâtir, ce que nous avons déjà commencé à bâtir avec le contrôle fiscal, et que nous continuerons à développer dans d'autres domaines d'activité grâce à l'intelligence artificielle, c'est cette complémentarité d'action. C'est pourquoi, sur l'ensemble du territoire, la DGFiP organise fréquemment des groupes de travail réunissant des agents de terrain et ceux travaillant sur les algorithmes, afin d'optimiser leur efficacité et leur utilité. Il est nécessaire de dissiper les inquiétudes et les malentendus, et d'apprivoiser collectivement ces nouveaux outils. J'en suis convaincu, et c'est tout l'enjeu de l'encadrement de la DGFiP pour réussir cette intégration.
Concernant l'unité de renseignement fiscal, son installation se fera progressivement. Nous avons pris l'arrêté il y a quelques semaines, mais les habilitations nécessaires sont assez longues à obtenir pour une mise en place opérationnelle. Ce processus est également influencé par un contexte particulier, notamment les Jeux Olympiques, qui peut ralentir certaines procédures habituellement plus rapides. Sachez que nous y travaillons intensément et qu'une vingtaine d'agents supplémentaires rejoindront l'unité de renseignement fiscal d'ici la fin de l'année. Nous faisons notre maximum, car nous considérons que c'est un point de faiblesse actuel et que nous gagnerons beaucoup en efficacité.
Monsieur le ministre, j'ai quelques questions concernant le rapport sur le data mining et le contrôle fiscal. Pourquoi seulement 15 % du recouvrement provient-il du data mining, alors que, selon l'annexe du rapport, le data mining oriente 33 % des contrôles sur les particuliers et 56 % sur les professionnels ? Comment expliquez-vous cette disparité ?
Ensuite, madame la rapporteure soulève une question pertinente l'intelligence artificielle est-elle plus efficace pour certains types d'impôts ? Par exemple, est-elle plus performante pour la TVA que pour l'impôt sur le revenu (IR) ou l'impôt sur les sociétés (IS) ?
Enfin, sur les 15 milliards d'euros mis en recouvrement, quel montant est effectivement recouvré ? Existe-t-il une différence notable entre les contrôles issus du data mining et les contrôles plus traditionnels ?
Il peut sembler incompréhensible qu'il y ait 15 % de recouvrements grâce au data mining, alors que cette méthode oriente plus de 50 % des contrôles. Cette répartition des rôles entre les agents de la DGFiP et les contrôleurs est essentielle. Les experts se concentrent sur les dossiers à fort enjeu, caractérisés par des mécanismes sophistiqués et ayant un impact significatif sur les recouvrements. Ces dossiers, qualifiés de « petits dossiers » par la rapporteure spéciale Charlotte Leduc et de « petites affaires » par la DGFiP, sont plus facilement détectés par l'intelligence artificielle. Cette distinction illustre la répartition des tâches, l'intelligence artificielle identifie les incohérences et les fraudes à faible enjeu, tandis que les équipes de la DGFiP se consacrent aux fraudes à fort enjeu.
Les premiers résultats montrent que cette méthode est plus efficace pour les professionnels que pour les particuliers, avec des résultats nettement meilleurs pour les premiers.
En ce qui concerne les 15 milliards d'euros, vous soulignez à juste titre, monsieur le député de Courson, le succès de la lutte contre la fraude fiscale. Sur les 15 milliards redressés, 11 milliards ont effectivement été recouvrés.
Je vais maintenant interroger la commission pour qu'elle autorise la publication de ce rapport. Nous passons maintenant au rapport sur le crédit d'impôt spécifique à la Corse, thème retenu par Madame Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale. Madame Christine Pires Beaune, vous pouvez intervenir d'où vous le souhaitez[MC5].
Puis la commission procède à la discussion sur la thématique d'évaluation Les crédits d'impôts spécifiques à la Corse (Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale).
Pour ce Printemps de l'évaluation, j'ai choisi d'examiner les crédits d'impôt spécifiques à la Corse. Les 7 et 8 mai derniers, j'ai participé avec vous, monsieur le président, et d'autres membres de notre commission à un déplacement à Bastia, sur l'invitation de notre collègue Michel Castellani, pour discuter de l'autonomie fiscale de la Corse. Dans la continuité de ces travaux, j'ai souhaité approfondir la question des crédits d'impôt propres à la Corse dans le cadre de mon rapport spécial. Avant de poursuivre, je rappelle que la mission Remboursements et dégrèvements retrace l'ensemble des restitutions que l'administration fiscale est conduite à réaliser au bénéfice des contribuables. Les décaissements liés aux crédits d'impôt s'élèvent à 18 milliards d'euros. Ce montant ne représente qu'une partie du coût de ces dépenses fiscales pour les finances publiques, car la part directement imputée sur l'impôt entraîne une moindre recette fiscale pour l'État. Les niches fiscales constituent donc un sujet majeur de ma mission. Au cours des années précédentes, j'ai également étudié le crédit d'impôt pour les services à la personne ainsi que le crédit d'impôt recherche.
Je reviens maintenant au cœur de mon sujet, les crédits d'impôt spécifiques à la Corse. Il en existe deux. Le premier est le crédit d'impôt pour l'investissement, qui devait prendre fin le 31 décembre 2023 et a été reconduit jusqu'à fin 2027 par la loi de finances pour 2023, suite à un amendement de notre commission. Le second n'est pas un crédit d'impôt à part entière, mais un couple de taux particuliers applicables pour la Corse au titre du crédit d'impôt innovation (CII), qui est lui-même une extension du crédit d'impôt recherche. Actuellement, ce dispositif prendra fin le 31 décembre de cette année. Ces deux dépenses fiscales relèvent de ma mission car elles entraînent des restitutions et donc une consommation de crédit sur les Remboursements et dégrèvements. Toutefois, ces deux crédits d'impôt ne sont pas les seuls dispositifs fiscaux propres à la Corse. Le principal est constitué par les taux particuliers de TVA.
Sur la base des chiffres de 2022, le crédit d'impôt pour l'investissement représente un coût de 104 millions d'euros pour les finances publiques. Près de 60 millions d'euros sont directement restitués aux entreprises bénéficiaires, inscrits sur les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements. Le crédit d'investissement bénéficie à environ 5 500 petites et moyennes entreprises, dont la très grande majorité est domiciliée en Corse. Comme son nom l'indique, il permet aux PME d'obtenir un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, qu'elles réalisent en Corse. Ce crédit correspond à 20 % du prix de revient hors taxe et hors aide publique. Pour les entreprises de moins de 11 salariés, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros, le crédit d'investissement s'élève à 30 % du coût de l'investissement. Ce crédit d'impôt concerne principalement l'IS, mais il faut noter que près de 20 % des bénéficiaires sont imposés à IR, ce qui représente plus de 15 % de son montant total.
À ce propos, je regrette que les informations de l'administration fiscale sur l'imputation de ce crédit d'impôt sur l'IR soient beaucoup moins bien connues que celles sur l'IS. Ce crédit d'impôt a été reconduit en loi de finances pour 2023 jusqu'au 31 décembre 2027, suite à un amendement de notre collègue Michel Castellani, qui le limitait initialement jusqu'à 2025, puis du sénateur Panunzi. De manière générale, ce dispositif fait l'objet d'un certain nombre d'amendements chaque année en loi de finances. La dernière modification en date a précisé ce que le législateur entendait par travaux de rénovation d'hôtel, à l'initiative de notre collègue Jean-Félix Acquaviva. Il est important de noter que le secteur de l'hébergement et de la restauration est le principal bénéficiaire du crédit d'investissement pour les entreprises imposées à l'IS, puisqu'il concentre plus de 40 % de son montant. Le secteur du commerce suit avec 15 %, et celui de la construction avec 10 %. Tous secteurs confondus, il ressort de mes auditions que le tourisme constitue la principale activité économique soutenue par le crédit d'impôt investissement, représentant environ les trois quarts des bénéficiaires.
Concernant le crédit d'impôt innovation, le deuxième crédit d'impôt que j'ai examiné, il est difficile d'en estimer précisément le montant. Le crédit d'impôt innovation est en réalité un taux particulier du CIR destiné à certaines dépenses d'innovation des PME. À l'échelle nationale, il représente un coût de 300 millions d'euros, en plus des plus de 7 milliards d'euros du CIR. En Corse, des taux particuliers sont appliqués, 35 % pour les moyennes entreprises et 40 % pour les petites entreprises. J'espère obtenir des chiffres plus précis à ce sujet. En termes de chiffrage, les dépenses privées de R&D en Corse ne s'élèvent qu'à un peu plus de 5 millions d'euros, soit moins de 0,1 % du CIR au niveau national. Seulement 33 entreprises ont bénéficié du CIR en Corse et 6 du crédit d'impôt innovation.
Ces éléments montrent que le coût et l'impact économique de ce crédit d'impôt sont bien inférieurs à ceux du crédit d'impôt investissement. Cela s'explique également par le fait que les taux particuliers mentionnés sont les seuls vestiges d'un dispositif plus large de soutien aux dépenses de R&D en Corse, datant de 2018, qui n'a jamais été pleinement appliqué en raison de sa non-conformité aux règles européennes sur les aides d'État.
Pour revenir au crédit d'impôt investissement, il est difficile d'évaluer son impact sur l'économie insulaire. Mes auditions révèlent que l'effet de ce crédit d'impôt est mal connu des services de l'État. La Cour des comptes note également que les dépenses fiscales en faveur de la Corse n'ont jamais été évaluées, malgré ses recommandations répétées. Elle rappelle que la dernière évaluation remonte au rapport du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011, qui avait déjà mis en doute leur efficacité. L'article 43 de la loi de finances pour 2023 disposait que le gouvernement devait remettre au Parlement un rapport évaluant notamment l'efficacité des mesures au regard des objectifs fixés. À la lecture de ce document, il apparaît que ce n'est guère le cas. Durant mes travaux, j'ai également rencontré des difficultés pour obtenir des données autres que celles fournies par l'administration fiscale, qu'il s'agisse de la Dreets, de l'Insee ou encore d'économistes.
C'est pourquoi je recommande en premier lieu qu'une véritable étude d'impact soit menée. Cela permettrait, d'une part, d'éviter les effets d'aubaine et, d'autre part, de modifier ces dispositifs afin qu'ils favorisent réellement un développement économique équilibré de la Corse. Les effets d'aubaine, l'optimisation fiscale, voire la fraude fiscale, constituent les principaux risques du crédit d'investissement, des risques d'ailleurs partagés par tout régime fiscal dérogatoire au droit commun. Je rappelle qu'avant 2019, une partie du crédit d'impôt était détournée pour financer des résidences secondaires, renforçant ainsi la spéculation immobilière au détriment de la population locale. Cette situation a été corrigée grâce à un amendement de notre collègue Acquaviva. Toutefois, le risque de détournement persiste, notamment parce qu'il n'existe pas de minimum de lits pour les établissements de tourisme et que la seule condition de disposer d'équipements et de services communs suffit.
Le contournement de l'intention du législateur est malheureusement facilité par la difficulté d'apprécier les différents critères d'obtention du crédit d'impôt investissement. Par exemple, il est complexe de déterminer le caractère de non-remplacement d'un investissement, la nature même de l'investissement, l'affectation réelle d'un bien à l'activité d'une entreprise, ou encore le respect de la durée de conservation, qui doit être de cinq ans. Pour illustrer ce point, je vais citer un exemple précis. Une entreprise a acquis un hélicoptère pour des travaux de levage et de réparation, une activité éligible au crédit d'impôt investissement. Lorsque vous consultez les registres de vols censés répertorier les transports liés aux travaux éligibles au crédit d'impôt, vous constatez des déplacements de personnes vers des destinations de loisirs, comme des terrains de golf sur la Côte d'Azur ou en Italie. L'affectation principale de l'hélicoptère à une activité éligible au crédit d'impôt apparaît pour le moins incertaine. J'aurais également pu évoquer, si le temps me le permettait, les bateaux et les avions.
Le fait que le crédit d'impôt soit réservé aux PME et que le taux soit plus élevé pour celles de moins de 11 salariés peut encourager la multiplication de sociétés ou d'entrepreneurs individuels. Dès lors, je m'interroge sur l'opportunité d'accorder à l'administration fiscale la possibilité de réaliser des instructions sur place, à l'instar de ce qui est possible pour les crédits de TVA, ce qui n'est pas envisageable aujourd'hui. Une gestion régionalisée des dossiers de crédit d'impôt au niveau de la direction régionale des finances publiques à Ajaccio, y compris pour les dossiers déposés sur le continent, permettrait d'assurer une égalité de traitement et de renforcer la capacité de contrôle des services des finances publiques.
En l'absence d'une étude d'impact pertinente, je considère qu'au vu des informations disponibles, il serait judicieux de recentrer ces dispositifs fiscaux à l'avenir. Ils pourraient être regroupés sous un seul crédit d'impôt et orientés vers des secteurs prioritaires comme la santé ou la transition énergétique, et peut-être moins vers le tourisme, dont le développement semble consolidé.
Mon analyse des crédits d'impôt spécifiques à la Corse s'inscrit évidemment dans une critique plus large des dépenses fiscales en général, comme le montrent mes travaux et mes amendements, notamment concernant le crédit d'impôt recherche ou le crédit d'emploi à domicile.
La Corse bénéficie en effet de plusieurs dispositifs fiscaux spécifiques visant à atténuer les inconvénients liés à l'insularité et à faciliter le développement économique de l'île. En 2023, ces neuf dépenses fiscales spécifiques représentent un montant total de près de 300 millions d'euros, notamment sur la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Plusieurs de ces dispositifs visent à stimuler l'investissement en Corse en réduisant le coût du capital investi.
Le crédit d'impôt pour l'investissement en Corse, par exemple, bénéficie aux petites et moyennes entreprises en soutenant l'investissement à hauteur de 20 % du prix de revient. Ce soutien est même renforcé pour les très petites entreprises, avec un taux de crédit d'impôt porté à 30 %. Ce dispositif est essentiel pour l'économie insulaire et nous avons régulièrement l'occasion de l'améliorer dans les projets de loi de finances. Il y a deux ans, nous avons précisé que les évacuations sanitaires d'urgence faisant l'objet d'un marché public avec les centres hospitaliers d'Ajaccio et de Bastia étaient éligibles au crédit d'impôt. Plus récemment, en loi de finances pour 2024, à l'initiative du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), nous avons précisé la nature des travaux de rénovation d'hôtels et des établissements de santé éligibles aux dispositifs. En 2023, le crédit d'impôt pour l'investissement en Corse a représenté plus de 100 millions d'euros pour 5 500 bénéficiaires.
Toujours pour soutenir l'investissement en Corse, il est utile de rappeler le volet spécifique de la réduction d'impôt dite Madelin pour les fonds d'investissement de proximité dédiés à la Corse. Alors que le taux de droit commun de la réduction d'impôt pour le soutien en capital des PME est de 18 %, il est porté à 30 % pour le fonds d'investissement de proximité (FIP) Corse. L'évaluation récente menée par l'Inspection générale des finances (IGF), l'an dernier, a conclu globalement au faible impact des FIP et des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI). Toutefois, elle a souligné que l'objectif régional d'investissement caractérisant le FIP était correctement rempli en Corse.
Je mentionnerai également un dispositif spécifique visant à soutenir l'économie de l'île la majoration du taux du crédit d'impôt innovation. Ce dispositif vise à encourager les dépenses de recherche des petites et moyennes entreprises. En Corse, le taux est ainsi porté de 30 % à 35 % pour les moyennes entreprises, et à 40 % pour les petites entreprises. Cela permet de prendre en compte les surcoûts liés à l'insularité.
Le besoin d'évaluation a été rappelé, comme vous l'avez souligné, madame la rapporteure spéciale. Le rapport transmis en fin d'année fournit des éléments concernant ce crédit d'impôt, mais nous partageons la nécessité de mieux évaluer les dépenses fiscales, tant du côté du gouvernement que du Parlement, pour nous assurer de leur efficacité.
Vous avez également évoqué un ciblage accru en faveur de la transition énergétique et de la santé. Ces deux défis sont particulièrement importants pour des territoires comme la Corse, et il nous faudra y travailler.
Pour conclure, je rappelle que ces différents dispositifs s'appuient sur les facilités permises par l'encadrement européen des aides d'État, notamment le règlement général d'exemption par catégorie, dont la dernière version est entrée en vigueur en début d'année. Cette version a intégré plusieurs évolutions soutenues par la France en faveur de la transition écologique.
Le rapport de Christine Pires Beaune est particulièrement intéressant, car il résulte d'un déplacement que nous avons effectué. Ce déplacement a été d'autant plus rentable que nous n'avons pas chômé lors des auditions, et les informations recueillies sont précieuses. Nous avons rencontré divers acteurs économiques de l'île, notamment ceux de la chambre de commerce. Les dispositifs spécifiques, tels que les crédits facilitant la création d'entreprises, ont été abordés. Bien que ces crédits soient utiles pour la création, ils peinent à assurer la pérennité des entreprises, ce qui nous a été signalé. Nous avons également interrogé l'efficacité de certains dispositifs, comme le taux de TVA réduit. Ce taux vise à contrebalancer la discontinuité et l'insularité de l'île, mais paradoxalement, le prix à la consommation reste plus élevé que sur le continent. Il est donc nécessaire de réexaminer ces mesures. Ce rapport est d'autant plus pertinent dans le contexte des discussions sur l'autonomie, où la question de la fiscalité sera probablement abordée. Il propose de cibler certains secteurs spécifiques, au-delà du tourisme, comme la santé et la transition énergétique, qui sont essentiels. Cependant, une réflexion plus globale sur l'économie et la fiscalité corses s'impose.
J'ai proposé plusieurs amendements qui pourraient être examinés avant le mois de novembre. Par ailleurs, je tiens à remercier Monsieur Cazaux. Je me suis rendue une seconde fois en Corse, à Ajaccio cette fois, et je remercie l'administrateur qui m'a accompagnée. Nous avons rencontré la direction régionale des finances publiques, la Dreets ainsi que la chambre de commerce et d'industrie de Corse.
Je tiens à remercier notre collègue Christine Pires Beaune pour son rapport essentiel à l'évaluation des dépenses fiscales. Toutefois, l'évaluation des dispositifs fiscaux spécifiques à la Corse doit être menée avec prudence en raison de son caractère insulaire et de la nécessité du soutien étatique au développement économique. Le crédit d'impôt pour l'investissement en Corse est fondamental pour le tourisme, mais également pour le commerce et la construction sur l'île. Une seule question liée aux travaux de notre rapporteur, monsieur le ministre, le rapport d'évaluation souligne un déficit de qualité des données, ce qui nuit à l'évaluation des dispositifs fiscaux. Quels dispositifs avez-vous mis en place ou envisagez-vous pour améliorer la qualité des données disponibles concernant ces dépenses fiscales ?
Madame Pires Beaune soulève la question de l'utilité et de l'efficacité des crédits d'impôt. Prenons l'exemple du crédit d'impôt qu'elle a examiné, le CII-C. Une partie de ce crédit d'impôt n'est-elle pas captée par les vendeurs de matériel, par exemple ? C'est une situation que nous avons déjà constatée dans les Dom-Tom, où il y a une captation par une partie. Notre collègue pose cette question légitime. Il est extrêmement difficile d'y répondre de manière précise.
Concernant la TVA, elle mentionne dans l'introduction de sa synthèse une baisse des taux de TVA de 139 millions d'euros. Qui en bénéficie ? Les distributeurs ou les consommateurs ? L'objectif est que ce soit les consommateurs. Je ne sais pas si le ministre a des idées à ce sujet. Abordons maintenant les FIP. Ils ne sont pas uniquement présents en Corse, mais il faut reconnaître que c'est un échec. Aucun FIP n'a enregistré de rentabilité positive. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut mettre fin à l'expérience des FIP. En effet, les FIP ont permis de plumer l'épargnant, contrairement aux FCPI. Quelle est la position du ministre sur cette question ?
Pour répondre à l'intervention de Christine Pires Beaune, qui signalait son intention de travailler sur des amendements, j'ai compris qu'il s'agissait d'un appel à examiner en amont les amendements que vous souhaiteriez déposer dans la suite du rapport. Mes services et moi-même sommes à votre disposition pour vous assister, que ce soit avant le PLF ou sur ce type de sujet, dans le format que vous souhaitez. Nous sommes toujours prêts à aider à la rédaction des amendements ou, du moins, à vous fournir notre avis sur les propositions d'amendements, afin de les rendre aussi précis que possible.
Monsieur le député Laqhila, vous avez raison. Le rapport de madame la députée Christine Pires Beaune nous incite à mieux évaluer et renseigner les dispositifs. Sur cette base, mes services vont enrichir l'évaluation des dispositifs. Je crois qu'il y a une contribution importante grâce au rapport remis par Christine Pires Beaune, qui nous encourage à mieux documenter ces éléments.
Pour répondre à monsieur le député de Courson, la question de la captation des avantages fiscaux se pose également en matière de TVA à taux réduits. Nous avons eu l'occasion de nous opposer lors du dernier PLF, car vous souhaitiez souvent mettre en place des taux réduits de TVA. Effectivement, les taux réduits de TVA soulèvent souvent la question de savoir qui profite réellement de cette réduction de taux. Je parlais du groupe Liot, monsieur le député de Courson. Il est vrai que j'ai quelque peu généralisé, mais cette question est légitime et se pose fréquemment. En effet, il existe une difficulté notable liée à la prise en compte de l'insularité et des surcoûts associés que ces dispositifs visent à couvrir.
Concernant le FIP, vous avez mentionné que ce dispositif n'est pas très utile. L'accès aux données sur le FIP Corse est parfois compliqué en raison du secret statistique, car peu de contribuables sont concernés. Nous veillons scrupuleusement à respecter le secret fiscal lors des évaluations. Comme l'a évoqué, je ne sais plus si c'est la rapporteuse spéciale dans ce rapport ou si je l'ai rappelé dans mon propos liminaire, la territorialisation et l'impact en Corse sont plutôt soulignés dans l'évaluation de l'IGF, qui a par ailleurs été assez sévère sur un certain nombre de dispositifs, dont les FIP.
Sur la question de la récupération de la TVA, il est impératif d'examiner les situations de monopole privé en Corse. Avez-vous entendu Charles de Courson ? Il est essentiel de se pencher également sur ces situations, notamment en ce qui concerne la distribution. Nos interlocuteurs de l'exécutif n'ont pas seulement omis de nous en parler, mais ils ont aussi souligné certains aspects importants. Je sollicite la commission pour qu'elle autorise la publication de ce rapport d'information. Je suis convaincu que personne ne s'y opposera. La proposition est donc acceptée. Passons maintenant au dernier rapport, présenté par monsieur le rapporteur spécial, Mohamed Laqhila, qui disposera de dix minutes pour aborder la gestion durable et optimisée du patrimoine immobilier de l'État.
Enfin la commission en vient à la discussion sur la thématique d'évaluation Défis et stratégies pour une gestion durable et optimisée du patrimoine immobilier de l'État
(M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial)
J'ai souhaité consacrer les travaux de ce printemps de l'évaluation aux défis et aux stratégies pour une gestion durable et optimisée du patrimoine immobilier de l'État. Notre parc immobilier, bien plus qu'un ensemble de bâtiments et de terrains, constitue un véritable outil de travail pour l'exercice des missions de services publics dont l'État a la charge. C'est un puissant levier de transformation de l'action publique dans le contexte de la transition environnementale et numérique.
J'ai identifié deux axes de travail fondamentaux pour l'élaboration de notre politique immobilière. Le premier concerne la connaissance de notre parc immobilier, car l'État ne peut définir sa stratégie sans savoir ce qu'il possède et dans quel état se trouvent ses biens. Le second axe porte sur l'organisation de la fonction immobilière, le Gouvernement ayant récemment annoncé la création d'une foncière publique. Au terme de mes travaux, je constate que la connaissance par l'État de son propre patrimoine demeure lacunaire, notamment en ce qui concerne l'état de vétusté des biens et leur valorisation. Je suis également arrivé à la conclusion que le projet de foncière pourrait constituer un mode de gestion vertueux, à condition de respecter certaines conditions.
S'agissant de la connaissance par l'État de son patrimoine immobilier, bien que les progrès des outils informatiques permettent une description assez fidèle du contenu de son parc, des marges de progrès importantes subsistent quant à l'état des biens et leur valorisation.
Plusieurs éléments viennent étayer ce constat. Tout d'abord, l'indicateur de vétusté des biens est faiblement renseigné dans le document de politique transversale (DPT) « Politique immobilière de l'État ». Ensuite, nous observons un véritable manque de données techniques et d'exploitation dans l'inventaire, et notre connaissance de la consommation énergétique des bâtiments reste partielle. Enfin, contrairement à la majorité des pays européens, nous ne disposons pas d'un indicateur de satisfaction des utilisateurs des bâtiments, ce qui nous permettrait d'identifier les besoins et d'adapter le parc en conséquence. Suite à son rapport sur la politique immobilière de l'État de décembre dernier, j'ai interrogé la Cour des comptes. Celle-ci considère que ces limites sont principalement dues au fait que les acteurs qui saisissent des données immobilières sont les services occupants dans le cadre de la gestion courante des bâtiments, et non les utilisateurs directs des applications. Il en résulte une faible incitation à renseigner ces données, d'autant que certaines applications sont complexes d'utilisation. En l'absence de données fiables dès l'origine, l'État ne peut disposer d'une vision complète de son inventaire et donc prendre les décisions appropriées.
Je propose plusieurs améliorations pour optimiser l'inventaire immobilier de l'État. Premièrement, il est essentiel de mettre en place des outils communs de mesure de l'état et des coûts de fonctionnement des biens, après avoir recensé les bonnes pratiques auprès des différents ministères. Deuxièmement, il convient de développer un plan de contrôle interne pour garantir la fiabilité des données immobilières et prévoir un indicateur de cette fiabilité. Troisièmement, il est nécessaire de mobiliser les avancées en matière de data science pour concevoir des outils dynamiques et proactifs de suivi de l'inventaire.
De plus, la méthode de valorisation du patrimoine immobilier de l'État, évalué à près de 74 milliards d'euros fin 2023, repose sur l'utilisation de la valeur vénale pour certains biens. Cependant, cette méthode paraît incertaine et fait l'objet de réserves récurrentes de la part de la Cour des comptes. Elle a d'ailleurs été abandonnée début 2024 pour les immeubles de bureaux et de logements.
En ce qui concerne l'organisation de la fonction immobilière, celle-ci présente d'importantes limites. En pratique, la distinction entre l'État propriétaire et les services occupants n'est pas respectée. Les ministères occupants assument les prérogatives du propriétaire, comme le montre l'architecture budgétaire éclatée en quarante-cinq programmes. La majorité des crédits immobiliers sont intégrés aux programmes des ministères, tandis que les outils interministériels, tels que le CAS Immobilier, ne représentent que 12 % du montant total. Cette confusion des rôles ne responsabilise pas les ministères et les incite à rediriger les crédits vers d'autres priorités.
Ensuite, certains ministères disposent d'une gestion immobilière structurée, tandis que d'autres dépendent d'agences. Cette gestion en silos empêche une mise en œuvre cohérente et efficace de la politique immobilière, notamment pour des sujets transversaux comme l'adaptation au changement climatique et la transition énergétique.
La stratégie immobilière de l'État n'est pas formalisée dans un document synthétique avec des doctrines d'arbitrage claires. Les documents existants, tels que le DPT Immobilier ou la circulaire de 2023 d'occupation des surfaces, ne constituent pas une stratégie opérationnelle complète. Par exemple, la réduction de 25 % de l'emprise sur dix ans n'est pas accompagnée d'un calendrier de mise en œuvre. La direction de l'immobilier de l'État (DIE) m'a indiqué que la rédaction d'un tel document était en cours. Pouvez-vous confirmer cette information et préciser les grands axes de ce document stratégique ?
Face à ces défis, le projet de foncière présenté par le gouvernement me semble pertinent. Ce mode de gestion, où une agence propriétaire des actifs immobiliers de l'État les loue aux ministères occupants, est plébiscité par de nombreux pays européens. Prenons l'exemple allemand : l'Agence fédérale des biens immobiliers possède la quasi-totalité des biens fédéraux depuis 2005 et facture aux ministères un loyer, ce qui lui permet de financer des opérations de construction et d'entretien à la charge du propriétaire. Les bénéfices dégagés sont ensuite reversés au budget général afin de contribuer au désendettement de l'État. Le cas du Royaume-Uni est également intéressant. Dès 2018, le gouvernement britannique a créé une agence immobilière devenue progressivement propriétaire des immeubles de bureaux et qui facture leur occupation au prix du marché. Cette agence est également chargée de conseiller les ministres dans la gestion de leurs biens, en s'assurant de la conformité de leur plan avec la stratégie immobilière nationale. Enfin, une comparaison avec le secteur privé disposant d'un patrimoine foncier important m'a paru pertinente. C'est notamment le cas de La Poste, qui dispose d'une foncière détenant l'intégralité des actifs du groupe, soit plus de 9 000 biens pour une surface d'environ 6 millions de mètres carrés. La foncière loue ensuite ces biens aux autres branches du groupe à la valeur du marché.
Sachant que tous les pays ayant décidé d'y recourir n'envisagent pas de l'abandonner, je salue l'annonce faite par le ministre en février dernier de créer une foncière publique pour l'immobilier de l'État. Mes travaux ont précisé ce projet, qui concerne les immeubles de bureaux des ministères des finances et de l'intérieur, les sites multi-occupants et les biens devenus inutiles des régions Grand-Est et Normandie, soit environ 1 million de mètres carrés. La foncière, pilotée dès début 2025 par l'Agence de gestion de l'immobilier de l'État, deviendra propriétaire des actifs et facturera un loyer aux occupants. Bien que certaines questions restent à trancher, comme le périmètre du pilote et le calcul des loyers, ce projet offre un modèle économique vertueux. Il incitera les ministères à réduire les surfaces en imposant un loyer et centralisera des experts en gestion d'actifs, professionnalisant ainsi la fonction immobilière, une compétence affaiblie par la décentralisation. Elle permettra également de générer des recettes supplémentaires en développant de nouveaux modes de valorisation des immeubles, à l'instar de la foncière du groupe La Poste, qui utilise les biens devenus inutiles pour créer des résidences seniors, des logements sociaux ou encore des espaces de coworking, et qui a ainsi réalisé un chiffre d'affaires de 900 millions d'euros en 2023.
Afin de mener ce projet à son terme, il est recommandé que le périmètre de la foncière soit le plus large possible afin d'incarner pleinement le rôle de l'État propriétaire. L'exclusion de certains biens pourra se décider au cas par cas, et seulement si les ministères disposent des compétences métiers nécessaires. Ensuite, bien que la réforme doive être mise en œuvre progressivement et associer l'ensemble des acteurs concernés, il ne faut pas que les premières difficultés, inévitables dans le cadre d'un projet d'une telle ampleur, conduisent à son abandon pur et simple. Cette réforme doit donc bénéficier d'un portage politique de haut niveau afin d'incarner pleinement son caractère interministériel. Monsieur le ministre, confirmez-vous le soutien du Gouvernement à ce projet de foncière et prenez-vous l'engagement qu'il sera bien mené à son terme ?
Enfin, la création de cette foncière devra s'accompagner d'une réflexion plus large sur l'évolution de la gouvernance de la politique immobilière de l'État et de son architecture budgétaire. Sur ce dernier point, Monsieur le ministre, comment se répartiraient les compétences entre la foncière et la DIE ? Devrait-elle être directement rattachée au ministre et non à la DGFiP, comme c'est actuellement le cas, afin de réellement incarner l'État propriétaire ?
Le patrimoine immobilier de l'État est aujourd'hui confronté à des défis considérables, notamment en matière de transition écologique et d'adaptation aux nouveaux usages et attentes de nos agents et usagers. L'évolution de l'action publique impose que la politique immobilière de l'État garantisse un usage performant et sobre de son parc immobilier, tout en préservant les intérêts financiers de l'État.
Avec une consommation estimée à 16 térawattheures par an, les 95 millions de mètres carrés du parc immobilier de l'État représentent une part significative de la consommation d'énergie de l'immobilier en France. Réduire la consommation d'énergie et l'empreinte carbone de ce patrimoine contribue à atteindre nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Depuis 2018, près de 5 milliards d'euros ont été engagés pour la rénovation énergétique des bâtiments de l'État, incluant le plan de rénovation des cités administratives, le plan de relance, le plan de résilience et, plus récemment, un nouvel appel à projets pour la rénovation énergétique du parc immobilier de l'État dans le cadre de notre planification écologique. Au-delà des investissements, la réussite de la transition environnementale nécessite des actions de densification. J'ai fixé l'objectif de réduire de 25 % les surfaces tertiaires occupées, ce qui implique l'amélioration du ratio de surface par agent et la mise en place de nouveaux espaces de travail.
L'objectif est de parvenir à une sobriété permettant de diminuer les dépenses de location, d'entretien, de consommation énergétique et de rénovation, en réduisant le nombre de bâtiments. Il s'agit également de mieux entretenir le parc conservé et d'adapter les espaces de travail des agents publics aux nouveaux usages et besoins actuels, tels que le télétravail, le travail en mode projet et la transversalité. Cette gestion volontariste du patrimoine immobilier de l'État vise aussi à limiter les risques financiers liés à l'obsolescence du parc, ce qui impacte les charges d'exploitation, et à développer une stratégie de dynamisation des recettes liées au domaine.
En 2023, les résultats ont été très bons dans ce domaine. Je rappelle que le montant des redevances domaniales s'est établi à un peu plus de 1 milliard d'euros, soit une hausse de 20 %, et que les recettes de cession ont augmenté de 37 %, avec 645 biens cédés pour une valeur de 280 millions d'euros. Pour mener cette politique, des travaux de planification ont été réalisés, se traduisant par l'élaboration de schémas pluriannuels de stratégie immobilière dans chaque ministère et de schémas directeurs immobiliers régionaux dans l'ensemble des territoires. Les financements interministériels pour la rénovation de l'immobilier sont désormais conditionnés à l'existence d'une stratégie immobilière : pas de schémas, pas de financements.
Cependant, et comme votre rapport le souligne, Monsieur le député, des marges de progrès importantes subsistent concernant la connaissance de l'état des biens et leur valorisation.
Par ailleurs, la politique immobilière est marquée par une hétérogénéité des organisations et par la fragmentation des outils, des moyens, des responsabilités et des compétences. Ces raisons nous ont conduits à engager une transformation radicale vers un modèle de foncière permettant d'identifier plus clairement les responsabilités du propriétaire et des occupants locataires. Vous le soulignez à juste titre, aujourd'hui, la distinction entre l'État propriétaire et les services occupants est insuffisamment faite. La foncière sera un outil professionnel pour la gestion de l'État propriétaire, permettant de dépasser une des limites que vous identifiez, à savoir la grande diversité des organisations et des modalités de gestion selon les différents ministères. Dans ce cadre, la foncière permettra à l'ensemble de l'État de mener à bien la transition environnementale et de générer de la valeur, grâce à une gestion active de son parc immobilier. La fixation des loyers que les services occupants paieront aux propriétaires constituera par ailleurs une véritable incitation à l'optimisation du parc. L'identification d'une responsabilité claire sera également un levier puissant pour améliorer les outils et les données de connaissance du parc.
Une telle évolution de la gouvernance de l'immobilier d'État doit être envisagée et mise en place progressivement. C'est pourquoi nous utilisons un projet pilote pour instaurer la foncière dans les meilleures conditions. Vous recommandez d'ailleurs que la foncière s'inscrive dans le périmètre le plus large possible. Je partage cet objectif et souhaite que le pilote, qui sera bientôt lancé, s'inscrive dès 2025 dans un périmètre ambitieux. Il doit ainsi couvrir l'immobilier des bureaux des ministères de l'intérieur et des finances en régions Grand-Est et Normandie. J'ai également souhaité que des sites en Île-de-France y soient intégrés dès 2025, conformément à une recommandation du CIE. Cette réforme, pour moi très structurante, suppose de garantir aux occupants la pleine maîtrise de leurs choix immobiliers. Cette nouvelle organisation doit leur apporter un immobilier de qualité, sobre et rationalisé. Elle est conduite en parfaite concertation avec les ministères pilotes. L'objectif de ces actions est d'obtenir un patrimoine en meilleur état, plus sobre et mieux valorisé, ce qui est bénéfique pour nos finances publiques. Nous avons d'ailleurs réduit la facture d'énergie de l'État de 150 millions d'euros en 2023, grâce à une baisse de la consommation d'énergie.
Je suis maintenant prêt à répondre aux trois questions posées par le rapporteur spécial à la fin de son intervention. La première question porte sur la publication d'une feuille de route stratégique pour la DIE. Celle-ci est en cours de finalisation et sera publiée dans les prochains jours. J'ai également demandé que le DPT soit aligné avec ces nouvelles orientations stratégiques, conformément à vos recommandations.
Concernant le projet de création d'une foncière, je réaffirme mon engagement total pour mener à bien cette réforme structurelle, qui touche à la fois à l'organisation et aux dépenses de fonctionnement. Bien que complexe, je suis déterminé à la mener à terme. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors du projet de loi de finances pour 2025, car la création de la foncière nécessitera également une traduction financière et budgétaire. J'espère que nous pourrons entrer dans le détail de ce projet, qui me tient particulièrement à cœur et qui est recommandé depuis des années par le CIE. Il est temps de concrétiser cette initiative. Il faudra également revoir le CAS Immobilier à cette occasion. Un important travail budgétaire nous attend pour accompagner la mise en place de cette foncière dans les semaines et mois à venir.
Enfin, s'agissant de la gouvernance de la politique immobilière de l'État, la création de la foncière aura un impact sur la DIE, qui continuera à définir la politique immobilière de l'État, tandis que l'opérationnel sera conduit par la foncière.
Avez-vous envisagé de travailler sur la déconcentration de la gestion immobilière de l'État ? Durant le plan de relance, des investissements très structurants ont été réalisés pour la rénovation thermique des bâtiments de l'État. Les préfets avaient cependant peu de latitude pour réallouer des fonds destinés à un ministère ou un bâtiment, ne pouvaient pas les utiliser dans les délais impartis, alors qu'un autre en aurait eu besoin. En pratique, sur le terrain, nous gagnerions certainement en efficience et en proximité en accordant davantage de marge de manœuvre aux préfets, sans pour autant défaire le travail effectué par la DIE, qui a une vision nécessairement plus distante.
L'analyse réalisée met en lumière un manque de pilotage global, nécessitant une évolution. Ce manque de pilotage entraîne des problèmes d'optimisation des surfaces, d'entretien et d'optimisation des cessions, comme l'a souligné le rapporteur spécial. Le système de foncière proposé semble intéressant. J'aimerais formuler quatre remarques à ce sujet.
Premièrement, il est impératif de confier cette mission à de véritables professionnels du secteur. C'est un métier à part entière, et cela constituera un enjeu majeur. Un soutien politique est également nécessaire, comme l'a mentionné le rapporteur spécial, car des résistances sont à prévoir. Ces résistances seront toutefois moindres si un travail de terrain est effectué, sans que tout ne vienne nécessairement d'en haut.
Deuxièmement, la création de filiales a été évoquée dans le rapport spécial. Je pense que cela sera nécessaire. En l'absence de réactivité et de proximité, les administrations risquent de reconstituer des enveloppes pour traiter les questions non prises en charge par la foncière, créant ainsi un double problème.
Troisièmement, la fixation du prix m'interpelle. Il y aura un loyer à payer, et si celui-ci est fixé au prix du marché, certains budgets pourraient exploser. Cela m'inquiète, Monsieur le ministre. Je ne sais pas comment le prix sera déterminé.
Enfin, la transparence dans les objectifs et la gestion est essentielle. Trop souvent, on constate un manque de clarté dans les circuits de décision et les systèmes de financement des agences de l'État. Il est crucial de garantir une véritable transparence de gestion pour assurer le succès du projet. En tout cas, le projet en lui-même est intéressant.
L'immobilier de l'État est une organisation très complexe, avec une relative connaissance des surfaces, mais une certaine méconnaissance de l'état du parc. Il est nécessaire de progresser dans ce domaine. Je tiens à saluer le travail de la DIE et de ses équipes, qui ont beaucoup évolué ces dernières années. Ces équipes pluridisciplinaires effectuent un travail de fond et seront un acteur important dans la création de la foncière. Nous avons toujours rencontré des problèmes de dissociation entre occupants et propriétaires.
La foncière sera un outil intéressant, mais il faudra avancer prudemment. J'entends parler de filiales et autres structures similaires, mais je mets en garde sur ce point. Il est crucial d'être très vigilant sur le choix de l'outil par rapport aux filiales, mais nous pouvons nous féliciter de ce choix. Monsieur le ministre, vous nous avez communiqué le calendrier. Le Conseil immobilier de l'État souhaite depuis longtemps la création d'une foncière d'État, car nous pensons que c'est un outil pertinent. Le calendrier est établi. Pouvons-nous estimer les économies potentielles grâce à cet outil ? Je les chiffre à plusieurs milliards. Est-ce réaliste et comment avancer dans cette direction ? Ensuite, il sera essentiel de veiller à ce que, au niveau local, nous ayons des personnes capables de répondre aux besoins du terrain et de prioriser les actions.
Enfin, concernant les investissements, il est impératif d'adopter une vision à long terme. Cela signifie que les constructions doivent être durables. Nous avons parfois eu tendance à ne faire que de la rénovation, ce qui m'avait interpellé il y a quelques années. Il est important de se concentrer sur des investissements amortissables sur le long terme et dont les effets, notamment sur les économies d'énergie, sont rapidement visibles.
Pour répondre au député Mournet, qui nous invite à déconcentrer davantage, je sais son attachement à l'État déconcentré. La politique immobilière de l'État a déjà été déconcentrée, s'appuyant désormais sur des pôles régionaux. Cela nous permet d'obtenir de bons résultats, y compris en matière de cession. Nous redonnons ainsi la capacité d'agir, de prendre des décisions et d'identifier les cessions ou les mouvements de regroupement de services. Lors de mes déplacements, j'en discute directement avec les préfets, qui portent des projets immobiliers de l'État en interministériel. C'est de cette manière que nous parvenons à resserrer le parc immobilier, à réduire les surfaces et à améliorer les conditions de travail de nos agents. Les crédits de la DIE sont également déconcentrés. Nous allons assez loin dans ce modèle de déconcentration, tel que demandé par le Président de la République et le Premier ministre dans le cadre de la réforme de l'État. Les préfets élaborent des schémas directeurs, et cette orientation, Monsieur le député, nous la partageons pleinement.
Monsieur le député Lottiaux, je vous remercie pour votre soutien au projet. Vous soulignez les problèmes de pilotage, mais je tiens à mettre en avant les grands progrès réalisés ces dernières années avec la création de la DIE et ses équipes professionnelles. Nous avons considérablement avancé. Nous sommes à un moment charnière où il est nécessaire de franchir une nouvelle étape. La foncière représente cette nouvelle étape après la création de la DIE. Je souhaite rendre hommage à la qualité des équipes de la DIE, qui portent bien cette mission. Nous avons un enjeu majeur de maintien et de développement de professionnalisation de la filière. Attirer des équipes spécialisées dans l'immobilier au sein de l'État n'est pas toujours facile en raison de la concurrence. C'est ainsi que nous gérerons efficacement notre patrimoine.
Concernant la question délicate de la fixation des loyers, celle-ci dépendra à la fois des budgets alloués par les ministères et de l'équilibre économique de la foncière. Aujourd'hui, les équipes ont travaillé avec rigueur pour ajuster le niveau des loyers, car il est essentiel de ne pas commettre d'erreurs. Si nous nous contentons d'appliquer les loyers du marché, certaines situations pourraient empêcher le bon fonctionnement des ministères. Nous devons donc travailler avec le terrain, ce que nous faisons actuellement. C'est pourquoi nous lançons deux projets pilotes dans deux régions, en plus de l'Île-de-France, afin de tester ce modèle de manière approfondie. Ce modèle représente un changement majeur.
Pour répondre au président Mattei, je partage son avis sur la qualité des équipes de la DIE et la transformation qu'elles ont opérée. Il est certain que nous pouvons réaliser des économies, et je souhaite que nous en fassions. Je ne m'aventurerai pas à avancer un chiffre précis, mais vous avez évoqué, Monsieur le président, plusieurs milliards d'euros. Ce qui est certain, c'est que je souhaite que nous puissions réduire les surfaces pour améliorer la qualité de notre parc immobilier, le rénover sur le plan énergétique et réaliser des économies.
Je sollicite la Commission pour qu'elle autorise la publication de ce rapport. Je pense qu'il n'y a pas de problème.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 17 heures
Présents. - M. Christian Baptiste, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Éric Coquerel, M. Fabien Di Filippo, M. Luc Geismar, M. Mohamed Laqhila, Mme Charlotte Leduc, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, M. Louis Margueritte, M. Jean-Paul Mattei, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, Mme Eva Sas
Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux, M. Jean-René Cazeneuve, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, Mme Lise Magnier, M. Emeric Salmon, M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - M. Charles de Courson, Mme Mathilde Hignet