Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Thomas Cazenave

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Thomas Cazenave, ministre délégué :

J'ai fait de la lutte contre la fraude fiscale une de mes priorités. Vous l'avez souligné, c'est un enjeu majeur pour le consentement à l'impôt, la cohésion sociale et le redressement de nos comptes publics. La lutte contre la fraude nécessite une adaptation constante face à un droit en évolution et à des pratiques nouvelles. Il s'agit d'une guerre de mouvements qui exige d'ajuster notre réponse en permanence. La mission de contrôle fiscal doit s'adapter aux évolutions de la société, aux comportements des acteurs économiques, aux progrès technologiques et à l'internationalisation des échanges et de l'économie.

Les nouvelles technologies constituent un apport indéniable pour mieux lutter contre la fraude fiscale. Un des enjeux pour l'administration fiscale consiste à détecter les incohérences déclaratives, à exploiter les informations de différentes sources pour mieux cibler les dossiers à contrôler ou à régulariser. L'intelligence artificielle, notamment, permet d'utiliser la donnée de manière efficace. Les données, tant sur les professionnels que sur les particuliers, sont une des richesses de la DGFiP. Je pense aux données collectées au niveau national avec différentes bases, comme le fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), ainsi qu'aux données collectées au niveau international et aux échanges entre administrations fiscales, incluant les données sur les comptes bancaires et les déclarations d'activité pays par pays. Pour exploiter pleinement toutes ces informations, nous avons décidé en 2017 d'accélérer la modernisation des méthodes de travail du contrôle fiscal. Le contrôle fiscal est ainsi la première mission de la DGFiP à avoir mobilisé le potentiel de l'intelligence artificielle, en mettant en œuvre des méthodes modernes d'analyse de données et d'apprentissage automatique pour améliorer le ciblage de nos contrôles.

Cette complémentarité entre la technologie et les agents de la DGFiP est essentielle. Nous avons une organisation centralisée de la programmation qui alimente ensuite l'ensemble des services départementaux, régionaux ou interrégionaux avec des dossiers ciblés à contrôler. L'objectif est de mutualiser et de moderniser des travaux très chronophages et redondants, notamment les requêtages par les directions locales, afin que les agents de la DGFiP consacrent la majorité de leur temps au traitement des dossiers pré-identifiés.

Contrairement à ce qui a parfois été affirmé, le data mining ne diminue pas le rôle de l'homme dans son ensemble, mais vise à concentrer le savoir-faire des contrôleurs. Ces derniers excellent dans la gestion des dossiers les plus complexes, qui sont souvent ceux qu'ils préfèrent. Les productions issues de l'intelligence artificielle ne sont que des outils d'aide à la décision, mis à la disposition des agents. Les décisions en matière de contrôle ne proviennent jamais directement de l'analyse de données et résultent toujours des choix ou des initiatives des agents des services locaux de contrôle. L'IA est au service des agents et ne remplace jamais l'humain. À cet égard, le contrôle fiscal bénéficiera d'un renfort de 1 500 emplois d'ici 2027. Je le répète, malgré ce que vous avancez sur les réductions de postes à la DGFiP, qui sont liées à la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle, nous avons ajusté nos effectifs en conséquence.

Au-delà du recours au data mining, nous utilisons de nouvelles technologies. Le projet foncier innovant, qui nous permet de détecter des piscines non déclarées à partir de prises de vues aériennes, est un véritable succès. Lors du dernier projet de loi de finances, nous avons étendu l'expérimentation de l'utilisation en masse des données collectées sur les réseaux sociaux et autorisé les cyberenquêtes. Cette modernisation de nos moyens d'action porte ses fruits, permettant d'obtenir des résultats tout à fait notables.

La DGFiP dispose d'une structure en administration centrale dotée d'une grande infrastructure de stockage de l'ensemble des données fiscales en notre possession : déclarations déposées, données cadastrales, foncières ou financières. Elle regroupe également les données collectées à l'extérieur, telles que les données douanières, sociales, issues des échanges internationaux, et relatives aux avoirs détenus à l'étranger.

Les puissances de calcul des algorithmes de l'intelligence artificielle permettent de traiter 1 400 milliards de données par les ordinateurs de la DGFiP. Ces données sont plus facilement exploitées grâce aux algorithmes et à l'IA, comparativement à un traitement manuel effectué uniquement par les agents de la DGFiP. Nous avons identifié 300 situations potentiellement frauduleuses grâce au data mining. En 2023, les productions utilisant l'IA représentent 56 % des contrôles fiscaux externes locaux et 33 % des contrôles des particuliers dans les directions départementales. Ce chiffre atteint 40 % fin avril 2024, avec un objectif de 50 % en 2027. Les contrôles issus des analyses de données nationales ont permis de rappeler 2,1 milliards d'euros de droits et pénalités, contre 2 milliards en 2022. Ce chiffre ne peut pas être directement comparé au montant global de la fraude détectée, car il permet de traiter une masse de données, notamment les incohérences déclaratives. Le contrôle fiscal, et notamment le temps consacré par les agents, se concentre sur les montages les plus complexes. Les résultats financiers des dossiers issus de l'IA sont supérieurs à ceux constatés uniquement sur la base des dossiers identifiés par l'analyse humaine.

De manière générale, l'échange d'informations est la méthode la plus efficace pour lutter contre la fraude. À titre d'exemple, Gabriel Zucman, dans son dernier rapport sur l'évasion fiscale, explique que « l'évasion fiscale des particuliers a été divisée par trois au cours de la dernière décennie grâce au partage automatique des données bancaires ». Nous avons fait des progrès considérables dans la lutte contre l'évasion fiscale grâce à l'échange de données. Selon ce rapport, les particuliers placent 10 % du PIB mondial à l'étranger, dont 90 % des montants échappaient aux autorités fiscales. Désormais, la même proportion demeure placée à l'étranger, mais 75 % des montants sont connus des autorités fiscales et donc imposés. Ces avancées sont significatives. Les nouvelles technologies offrent un appui déterminant pour collecter, croiser les données, identifier des anomalies et enrichir notre capacité à lutter contre la fraude fiscale.

Nous devons désormais aller plus loin. C'est pourquoi je porte une initiative visant à renforcer nos moyens de lutte contre toutes les fraudes, en avançant sur trois axes. Premièrement, il est essentiel de mieux utiliser les données utiles à la lutte contre la fraude en décloisonnant les échanges d'information entre services. C'est le nerf de la guerre pour améliorer notre politique de lutte contre toutes les fraudes.

Deuxièmement, nous devons mieux répondre à l'utilisation des nouvelles technologies par les fraudeurs eux-mêmes. C'est une véritable course de vitesse. J'ai évoqué les mesures prises à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2024 pour renforcer nos outils sur les réseaux sociaux. Je souhaite désormais aller plus loin sur un sujet majeur pour moi, les cryptoactifs. La Banque centrale européenne estime que 5 millions de Français utilisent des cryptoactifs, alors que seulement 150 000 foyers déclarent des revenus liés à ces actifs. Pour cela, j'ai souhaité que la direction nationale d'enquêtes fiscales soit dotée de licences d'outils de détection pour couvrir les principales blockchains, notamment Bitcoin. Il nous faut compléter notre arsenal législatif, notamment pour aligner les capacités de réponse de l'administration face aux cryptoactifs sur les avoirs non déclarés à l'étranger. Cette évolution législative me semble indispensable.

Enfin, troisièmement, nous devons poursuivre la dynamique internationale pour accroître la transparence fiscale, notamment en matière immobilière. C'est le sens des actions que nous menons avec Bruno Le Maire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.