La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Madame la Première ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada de l'Ukraine.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent très longuement.
Il y a quelques mois, j'ai pris la tête d'une délégation de l'Assemblée nationale se rendant à Kyïv pour exprimer l'appui indéfectible des députés français à l'Ukraine et à son peuple. Le président Stefantchouk nous a accueillis chaleureusement. Avec lui, nous sommes allés au contact des Ukrainiens. Nous avons vu leur extraordinaire résistance, leur détermination à se battre contre l'agresseur russe et leurs premiers efforts pour reconstruire le pays.
À cette occasion, M. le président de la Rada, vous nous avez demandé de relayer votre voix auprès de l'opinion publique française et internationale. C'est ce que nous avons fait. Le 30 novembre, à l'issue d'un débat nourri, l'Assemblée nationale a voté une résolution affirmant son soutien à l'Ukraine et condamnant la guerre menée par la fédération de Russie. Depuis, plusieurs députés se sont rendus à Kiev pour signifier directement leur soutien. Aujourd'hui, à l'occasion de la visite de M. Stefantchouk, l'Assemblée nationale arbore les couleurs ukrainiennes : elle accueille une exposition des œuvres de Christian Guémy – nous venons de l'inaugurer ensemble – et organise plusieurs réunions associant nos commissions permanentes et le groupe d'amitié France-Ukraine nouvellement constitué.
L'agression russe se poursuit, effroyable, avec son lot d'exactions et de crimes de guerre, de bombardements aveugles et de destruction. Chaque jour apporte des nouvelles accablantes ; mais chaque jour, les démocraties s'unissent pour apporter tout le soutien nécessaire à l'Ukraine. Car l'Ukraine doit gagner cette guerre : elle doit retrouver son intégrité territoriale et la paix.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et LIOT.
Pour la soutenir dans ce combat, la représentation nationale est pleinement mobilisée aux côtés du gouvernement français, car le combat de l'Ukraine a aussi pour enjeu la défense de nos valeurs démocratiques, de l'humanisme, de la liberté. Aussi nos deux assemblées viennent-elles de signer un protocole d'accord, particulièrement utile pour préparer l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, où l'appelle son destin – car l'Ukraine fait partie de la famille européenne. Monsieur le président Stefantchouk, vous pourrez témoigner, lors de votre retour à Kiev, de l'entière mobilisation de la représentation nationale française en faveur du peuple ukrainien et de sa souveraineté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et LIOT, et sur quelques bancs du groupe RN. – M. André Chassaigne applaudit également.
C'est avec beaucoup d'émotion et de plaisir et avec une grande amitié que je vous cède à présent la parole.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la Première ministre, mesdames et messieurs les députés, chers amis, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à cette haute tribune, au cœur même de la vie politique de votre pays, et de m'avoir offert la possibilité de prendre la parole devant l'Assemblée nationale française. Il est très important pour nous que nos amis et partenaires puissent voir et entendre les Ukrainiens, comme vous l'avez fait, madame la présidente, lors de votre venue.
Chère Yaël, je me souviens des moindres détails de votre visite à Kyïv. Quittant la capitale, nous nous sommes ensuite rendus en train dans la ville voisine de Tchernihiv. C'était un acte de courage. Je n'oublierai jamais la façon dont vous avez tenu les mains d'une femme âgée dont la maison avait été frappée par un missile. Vous avez vu de vos propres yeux l'ampleur des ravages qui touchent notre pays. Vous avez ressenti la douleur et le malheur de chaque Ukrainien. Votre visite a manifesté de manière éclatante la solidarité de la République française envers l'Ukraine et le soutien qu'elle apporte à notre indépendance et à notre intégrité territoriale, ces principes qui nous unissent.
Ce qui nous unit également, ce sont les ponts de toute sorte, qu'ils soient physiques ou symboliques. Ainsi, les ponts fraternellement offerts par la France à l'Ukraine ont contribué à rétablir le trafic routier dans la région de Tchernihiv, permettant d'acheminer les équipements militaires et l'aide humanitaire en provenance des pays alliés. Ces ponts, qui renforcent le soutien militaire et technique accordé à l'Ukraine, sont le symbole de l'amitié qui nous lie. Nous continuerons à l'avenir à construire de nouveaux ponts susceptibles d'unir encore plus étroitement nos deux pays.
L'agression à grande échelle de l'Ukraine par la Russie a débuté il y a bientôt un an. Nous connaissons mieux que quiconque son unique objectif : satisfaire l'aspiration criminelle de la Russie à la conquête de territoires qui ne lui appartiennent pas, priver l'Ukraine de sa souveraineté, faire obstacle à son avenir européen et euratlantique. La Russie emploie contre nous l'ensemble des arsenaux dont elle dispose et se livre à un chantage nucléaire envers le monde.
Madame la présidente, j'ai eu aujourd'hui la chance exceptionnelle de tenir entre les mains les trésors de la bibliothèque de l'Assemblée nationale. J'ai consulté un grand atlas de Johannes Blaeu dont les cartes représentent la cité antique de Chersonèse, en Tauride, comme on appelait autrefois la Crimée ; cette ville a donné son nom à Kherson, récemment libérée par l'armée ukrainienne. J'ai également vu un exemplaire édité en 1660 de la Description d'Ukranie, ce livre extraordinaire du grand ingénieur, cartographe, voyageur et écrivain français Guillaume Levasseur de Beauplan. Cet ouvrage mentionne le noble peuple des Cosaques zaporogues ; on y lit qu'il s'agit d'un peuple subtil, ne recherchant pas la richesse, mais très attaché à sa liberté, sans laquelle il ne saurait vivre. Trois cent soixante ans plus tard, l'Ukraine résiste, car, aujourd'hui encore, elle ne s'imagine pas vivre sans liberté.
À notre résistance, l'agresseur répond par des attaques contre nos villes, nos villages et nos infrastructures, privant ainsi les Ukrainiens de chauffage, d'électricité et d'eau courante. Depuis ce matin, ils ont déjà dû descendre à trois reprises dans les abris qui les protègent des missiles russes. L'agresseur cherche à leur ôter toute possibilité de vivre dignement. La propagande cynique de la Russie continue à produire ses mensonges, induisant en erreur aussi bien ses propres citoyens que ceux qui, dans le monde, y croient encore. Tous ceux qui participent à ce crime doivent être punis ; tous les responsables doivent être traduits devant la justice.
Ces agissements relèvent du terrorisme, ni plus ni moins ; c'est ainsi que se comporte un pays terroriste, un État terroriste. Une telle politique agressive et irresponsable représente une menace pour la démocratie et pour la liberté. La communauté internationale ne doit pas s'y tromper. Ainsi, le 23 novembre 2022, le Parlement européen a reconnu la Russie comme un État promouvant le terrorisme, employant les méthodes du terrorisme. Les assemblées parlementaires de l'Otan et du Conseil de l'Europe avaient d'ailleurs adopté des résolutions identiques. Par conséquent, je vous appelle, chers collègues, à reconnaître vous aussi la Russie en tant qu'État terroriste, dans les murs de l'Assemblée nationale, temple du droit et de la liberté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, SOC et HOR, et sur quelques bancs du groupe LR.
Dans ces murs ont été prises des décisions importantes, parmi lesquelles la résolution que vous avez adoptée le 30 novembre afin d'affirmer votre soutien à l'Ukraine et de condamner l'agression russe. Cette résolution soutient l'idée particulièrement importante de la création d'un tribunal spécial. Cette juridiction devra établir la responsabilité de chaque criminel, qu'il s'agisse des idéologues qui ont défendu cette agression insensée, des donneurs d'ordres directs, ou encore de ceux qui ont personnellement tué, violé, mutilé. Personne ne doit échapper à sa responsabilité ; c'est cela, la justice.
Je remercie le peuple français, son président, son gouvernement et vous tous pour l'aide apportée à l'Ukraine depuis le début de cette agression à grande échelle. Je vous remercie avant tout pour votre aide sur le plan militaire. Votre décision d'accroître les forces de l'Ukraine avec des systèmes de défense antiaérienne, de fournir des blindés, notamment des chars, a encouragé d'autres pays à faire de même. La France a toujours été un leader et elle le sera encore à l'avenir.
Grâce à vous, nous avons enrichi notre lexique de nouveaux mots français : nous savons désormais ce que désignent « Crotale », « Caesar » (camion équipé d'un système d'artillerie), « LRU » (lance-roquettes unitaire) ou « AMX-10 RC ». Nous sommes prêts à continuer à enrichir notre vocabulaire avec d'autres termes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, SOC et HOR.
Au sol, les chars Leclerc français viendront accroître nos forces avec les Leopard, les M1 Abrams et les Challenger. Dans les airs, les Mirage et les Rafale, avec d'autres avions de nos alliés, protégeront le ciel ukrainien. Donnez-nous les avions ; donnez-nous les ailes de notre victoire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et Dem.
Ces ailes protégeront notre Ukraine mais aussi l'ensemble de l'Europe.
Chers membres de l'Assemblée nationale, la plus haute valeur que nous partageons est l'humanité. Je remercie le peuple français, en particulier toutes les familles qui ont accueilli mes concitoyens, au nom de chacun des 100 000 Ukrainiens qui ont trouvé refuge en France.
Applaudissements.
Vous avez donné aux enfants ukrainiens la possibilité de poursuivre leur scolarité et leurs études ; vous avez assuré aux Ukrainiens une protection sociale ; vous avez créé des possibilités pour qu'ils trouvent un travail. Nous n'oublierons jamais votre attitude envers nos concitoyens. Vous les avez accueillis comme les membres de votre propre famille, de la famille française et européenne.
L'Ukraine revient à ses sources européennes malgré la résistance féroce de Moscou. Nous remercions de tout cœur la France d'avoir accordé à l'Ukraine le statut de candidat à l'Union européenne. Le peuple ukrainien, qui fait preuve d'une force extraordinaire, s'épanouira au sein de la grande famille européenne. Nous travaillons sur notre législation et sur l'introduction des réformes nécessaires. Nous savons ce que nous devons faire et comment le faire. Nous avançons le plus vite possible, même dans les conditions que nous impose la guerre.
Le président de l'Ukraine, le gouvernement et le parlement se montrent inflexibles dans la lutte contre la corruption, afin d'éradiquer ce phénomène. Ainsi, au cours des dix derniers jours, plusieurs fonctionnaires de haut niveau peu scrupuleux ont dû démissionner ; ils seront traduits en justice et devront répondre de leurs actes, car c'est cela, la démocratie.
L'Ukraine achèvera le plus vite possible ces réformes afin de mettre en œuvre toutes les mesures demandées par la Commission européenne. Nous espérons que cela nous permettra d'ouvrir dès cette année les pourparlers pour l'entrée dans l'Union européenne.
Nous espérons également que la France accordera son soutien politique à la demande d'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'Otan, dans le contexte du sommet de l'Alliance atlantique qui aura lieu à Vilnius les 11 et 12 juillet 2023. Nous avons prouvé par notre lutte que nous pouvons et que nous devons devenir membres de la famille européenne et de l'Alliance atlantique.
Nous cherchons souvent dans l'histoire l'explication de ce qui nous arrive aujourd'hui. Je tiens à évoquer dans ce noble hémicycle l'événement historique qu'est l'Holodomor, la famine qu'a étudiée l'historien français Laurent Rucker. Du fait des actions génocidaires du régime de Staline et de cette famine artificielle organisée en 1932 et 1933, des millions d'Ukrainiens ont péri. La reconnaissance par la France de l'Holodomor comme un génocide sera un signal fort et important. En effet, comme l'a fait le régime soviétique par le passé, le régime de Poutine n'aspire qu'à une chose : détruire la nation ukrainienne.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et SOC.
Dès lors, je vous demande de contribuer à la reconnaissance par le Parlement de la famine de 1932 et 1933 comme un génocide du peuple ukrainien.
Cette guerre s'achèvera avec notre victoire commune – j'en suis persuadé. Après cette victoire, viendra la période de la reconstruction de l'Ukraine. Nous espérons que la France, son gouvernement et ses entreprises, se joindront activement à cette reconstruction, qui doit être un succès pour l'ensemble du monde civilisé.
Je m'adresse à vous au nom de tous les Ukrainiens qui se battent et donnent leur vie pour leur liberté et leur dignité. Je parle au nom des citoyens ukrainiens qui, aujourd'hui même, aident l'armée, continuent à travailler, à étudier, en croyant en leur victoire et en espérant une vie pacifique. Nous voulons vivre dans une société pacifique et civilisée que personne ne menace ; c'est pourquoi nous proposons un plan de paix.
Au sommet du G20, le 15 novembre 2022, le président Volodymyr Zelensky a proposé aux leaders mondiaux notre plan de paix en dix points. Nous savons que la France est un leader puissant qui aidera à le réaliser. C'est précisément grâce à l'aide de la France et de nos autres partenaires et alliés que nous voulons fixer les points clés d'une organisation de l'espace euratlantique à l'issue de la guerre qui comprenne des garanties pour l'Ukraine. Nous comptons beaucoup sur le soutien de la France au plan de paix proposé par le président ukrainien.
En Ukraine, tout le monde a parfaitement entendu les propos du Président de la République Emmanuel Macron : « Nous vous aiderons jusqu'à la victoire et nous serons ensemble pour bâtir une paix juste et durable. Comptez sur la France et comptez sur l'Europe. » Nous avons entendu ces paroles sous les tirs, sur le champ de bataille, où elles ont retenti plus fort que les explosions des obus ou que les sirènes des alertes aériennes.
Chers amis, en guise de conclusion, permettez-moi, depuis cette haute tribune, de partager avec vous un rêve. Je me souviens que, lors du championnat d'Europe de football 2012, un match entre les équipes nationales de France et d'Ukraine a eu lieu à Donetsk, au stade Donbass Arena ; il a été interrompu par un orage. Moins de deux ans plus tard, l'agression et l'occupation russes ont interrompu notre vie pacifique. La guerre est entrée dans notre maison, portant la mort et la destruction. Je voudrais tant que nous gagnions ensemble ce match contre la mort et que nos équipes nationales puissent de nouveau jouer à la Donbass Arena dans Donetsk libéré.
Applaudissements.
Ce sera le match de notre victoire commune, le match de la paix et de la mémoire. Ce sera le match d'une vie nouvelle.
Je vous remercie de votre attention. Gloire à l'Ukraine et vive la France !
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Monsieur le président de la Rada, je vous remercie au nom de la représentation nationale.
Mes chers collègues, je vous propose de suspendre la séance le temps que le président de la Rada, Rouslan Stefantchouk, rejoigne la tribune pavoisée aux couleurs de l'Ukraine, avant d'en venir aux questions de chaque groupe politique consacrées à la situation en Ukraine, ainsi que nous en avons décidé en conférence des présidents.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les dix premières questions porteraient sur l'Ukraine. La durée maximale de chacune d'entre elles a été fixée à trois minutes et elles donneront lieu à une réponse groupée de Mme la Première ministre.
Des enfants et des femmes frappés par les bombes, jetés sur les routes par millions, des centaines de milliers de civils et de soldats tués. Voilà le terrible bilan de la folie meurtrière déclenchée il y a près d'un an par le sinistre Poutine qui a fait le choix irresponsable d'envahir l'Ukraine, le choix du sang et des larmes. Ce choix viole les règles du droit international, met en péril la sécurité en Europe et relance une désastreuse course aux armements.
Ce constat implacable nous rappelle une évidence, trop peu évoquée en ces heures de déchaînement de violence : notre seul horizon doit être celui de la paix. Oui, la paix, sans que cette exigence ne puisse être perçue comme un signe de capitulation. En effet, il y a bien un agresseur – il est clairement désigné – et un pays en état de légitime défense, que nous soutenons sans ambiguïté en lui apportant les moyens de se défendre pleinement. C'est dans ce cadre que doit continuer de s'inscrire notre engagement militaire, avec la volonté de ne pas devenir cobelligérants et de ne pas contribuer à une dangereuse escalade guerrière par la livraison d'armes lourdes offensives qui serait bien plus qu'un simple enrichissement du vocabulaire.
Nous avons un autre devoir, tout aussi important : celui de porter assistance à une population courageuse plongée dans le tumulte et le chaos. C'est ce que nous faisons dans nos communes depuis le début du conflit, grâce à l'action des élus et des bénévoles, et à la générosité des familles accueillant des réfugiés. Je veux saluer ce mouvement fraternel, cette main tendue à nos amis ukrainiens, représentés aujourd'hui par le président de leur assemblée nationale.
Ce soutien passe aussi par la recherche d'une solution diplomatique la plus rapide possible, comme le demandent les mouvements pacifistes de l'Ukraine et de la Russie. À l'inverse d'une escalade guerrière, dans laquelle aucune limite ne serait plus posée à l'utilisation des armes les plus destructrices, il faut ouvrir les chemins de la paix : n'oublions jamais, chers collègues, les 80 millions de morts des deux guerres mondiales du siècle passé. C'est la raison pour laquelle il nous semble urgent de remettre l'ONU au centre des discussions.
Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France a un rôle important à y jouer. Madame la Première ministre, la France est-elle prête à engager des moyens diplomatiques plus importants auprès de l'ONU pour parvenir à la définition d'un cadre de sécurité collective, durable, et acceptable par toutes les parties impliquées ? Par ailleurs, êtes-vous prête à répondre favorablement à la demande que j'ai formulée avec mon collègue Fabien Roussel au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES concernant l'organisation à l'Assemblée nationale d'un débat sur la position de la France en matière de livraison d'armes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Madame la Première ministre, monsieur le président de la Rada, le groupe parlementaire La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale souhaite tout d'abord adresser tout son soutien à ses homologues ukrainiens et au peuple ukrainien meurtri par la guerre. Nous formons le vœu qu'une solution diplomatique soit trouvée au plus vite afin de garantir le retour de la paix.
Madame la Première ministre, il est du devoir de la France de soutenir et d'aider l'Ukraine et les Ukrainiens, y compris en matière militaire. Mais alors que ces derniers jours, l'Allemagne, les États-Unis et d'autres pays ont annoncé la livraison d'armes lourdes à l'Ukraine, notre préoccupation est double : si les Ukrainiens doivent pouvoir se défendre face à l'agression des Russes, il faut éviter que le conflit ne monte en puissance. Au-delà même de la question de savoir si nous disposons de stocks suffisants et d'équipements adaptés pour nous engager dans cette voie, nous partageons tous ici la volonté de ne pas alimenter une logique d'escalade et de ne pas précipiter notre pays au seuil d'une guerre totale.
Le Président de la République lui-même est conscient de ce danger, qui déclarait en octobre 2022 : « Nous soutenons l'Ukraine dans sa résistance, sans participer à la guerre, parce que nous ne voulons pas de guerre mondiale. » Nous partageons cette position, et c'est pourquoi nous demandons l'organisation d'un débat à l'Assemblée nationale sur le rôle que la France doit tenir dans le conflit. Dans cette optique, et afin d'éclairer leur réflexion, les parlementaires doivent pouvoir disposer d'informations stratégiques. La gravité des enjeux mérite un débat démocratique, et je sais que plusieurs groupes y sont favorables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par ailleurs, l'invasion russe en Ukraine pose la question de la reconstruction du pays à long terme. À l'initiative de notre groupe, la commission des affaires étrangères a récemment reçu une délégation de défenseurs de l'environnement ukrainiens, parmi lesquels une députée de la Rada. Ils revendiquaient notamment la prise en compte des conditions sociales et écologiques dans le processus de reconstruction : les saccages causés par l'armée russe en Ukraine ne doivent pas laisser place à d'autres, causés par la prédation des multinationales.
Sur ce sujet, j'espère, madame la Première ministre, que vous vous désolidarisez des propos tenus par le président délégué du Medef à Bercy au sujet de la reconstruction de l'Ukraine. Il avait en effet déclaré : « C'est l'occasion […] – pardon de l'expression […] – de tirer parti de ce qui s'est produit ».
Murmures sur plusieurs bancs du groupe RE.
La période appelle à la décence : les horreurs de la guerre ne sauraient représenter une chance économique. Nous souhaitons donc qu'un débat soit organisé concernant les modalités de l'aide française et européenne à la reconstruction de l'Ukraine, afin que le Parlement soit associé à ce processus.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour finir, permettez-moi d'adresser, au nom de mon groupe, un soutien politique et humaniste au peuple ukrainien, qui vit la terreur et l'horreur, ainsi qu'aux Russes qui subissent et s'opposent à une guerre voulue par Poutine.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
À travers vous, monsieur le président de la Rada, c'est l'engagement, le courage et la résistance du peuple ukrainien que nous voulons honorer cet après-midi. Jour après jour, les Ukrainiens forcent l'admiration du monde. Pour nous, il n'y a aucun doute : oui, la Russie a violé la souveraineté ukrainienne et porte seule la responsabilité du retour de la guerre en Europe, avec son cortège insensé de crimes contre l'humanité, de Boutcha à Kharkiv.
Madame la Première ministre, si la France doit aider l'Ukraine – et notre pays n'a cessé d'étendre son soutien militaire, humanitaire et financier –, le conflit, figé depuis l'automne, connaît depuis plusieurs semaines des mouvements inquiétants, laissant entrevoir la perspective d'une offensive de grande ampleur de la Russie, qui pourrait aligner jusqu'à un demi-million de nouveaux conscrits.
Le président Poutine, habité par les idées de destruction et de reddition de l'Ukraine, s'est engagé dans une guerre qui n'a aucun sens politique ou économique – à moins de vouloir reconstituer le glacis soviétique. Malgré le maintien d'un fil de communication – parfois ténu – avec l'agresseur depuis le début du conflit, les espoirs de trouver une porte de sortie négociée à court terme s'amenuisent devant l'intransigeance russe : aucune négociation n'est évidemment possible tant que l'Ukraine est sous les bombes.
La France, grande puissance – européenne notamment – et membre de droit du Conseil de sécurité des Nations unies, a vocation à imaginer la fin de la guerre. Pourtant elle ne fait pas entendre sa voix singulière : notre pays donne le sentiment d'être à la remorque de ses partenaires européens et de son allié américain ,
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RE
parfois en décalage avec eux et sans initiative propre. Elle n'est pas à la hauteur de son histoire : sans doute la position française souffre-t-elle de l'isolement du Président de la République jusque dans son propre pays,…
…une des seules démocraties dans laquelle le chef de l'État n'évoque pas ses options stratégiques avec le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la Première ministre, vous devez vous appuyer sur le Parlement pour construire la position française. Vous devez partager avec nous un état des lieux réaliste de nos capacités en matière de soutien militaire, et nous présenter les scénarios de désescalade et de paix pour l'Ukraine qui guident le Gouvernement. La solidarité de la France envers le peuple ukrainien sera d'autant plus solide qu'elle sera éclairée et partagée : êtes-vous prête à organiser un débat au Parlement sur ce sujet ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
À l'instar de toutes les assemblées démocratiques, la Rada d'Ukraine est sœur de notre Assemblée nationale, et votre présence aujourd'hui, monsieur le président de la Rada, est d'autant plus symbolique que cela fera bientôt un an que la Russie a déclenché ce qu'elle refuse, encore et toujours, d'appeler une invasion, malgré des dizaines de milliers de morts, malgré les bombes lancées sur Kyïv, Kharkiv, Kherson ou encore Odessa, malgré les milliers de crimes de guerre, de tortures, de viols, d'attaques délibérées et ciblées d'écoles et d'hôpitaux, d'exécutions sommaires et les souffrances infligées à tout un peuple – un peuple dont Vladimir Poutine est, depuis un an, le persécuteur et le bourreau systématique.
En dépit du déséquilibre des forces, face à l'agression préméditée et massive de l'armée russe, l'Ukraine a tenu. Elle a tenu, d'abord, grâce au courage de ses citoyens et de ses dirigeants. Elle a tenu, aussi, parce que nous, Français, Européens, démocrates, nous sommes alliés sans fléchir et avons répondu présents en sanctionnant durement la Russie, même quand certains nous demandaient de cesser toute sanction. Malgré le prix à payer, nous avons montré que nos valeurs ne sont pas à vendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
En accueillant des millions d'Ukrainiens fuyant les combats, nous avons rappelé que la fraternité n'était pas un vain mot ; en fournissant un soutien à la fois humanitaire et militaire à l'Ukraine, nous avons prouvé que les intimidations ne nous empêcheront jamais de venir en aide à un État souverain et à un peuple libre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Merci, monsieur le président de la Rada, de vos mots pour notre pays et nos concitoyens. Dans toutes ses actions, la France a fait honneur à ses principes : dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, elle a ainsi organisé, en décembre, un sommet qui a permis de récolter des millions d'euros pour l'aide d'urgence et la reconstruction de l'Ukraine. En début d'année encore, la France était la première à annoncer, par la voix de son président, l'envoi de chars de combat aux forces ukrainiennes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
À ceux qui demandent jusqu'à quand nous soutiendrons l'Ukraine, nous n'apportons qu'une seule réponse : jusqu'à sa victoire.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Tant que l'Ukraine n'aura pas recouvré sa pleine souveraineté et les Ukrainiens leur liberté, nous serons à vos côtés, comme nous le serons, demain, pour célébrer votre appartenance à l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Alors qu'une nouvelle attaque massive de la Russie est à craindre au printemps, il nous incombe de continuer, encore et toujours, à soutenir les Ukrainiens dans la résistance. Madame la Première ministre, quel nouveau soutien militaire la France entend-elle fournir dans ce cadre, en coordination avec ses alliés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Henri Alfandari applaudit également.
Madame la Première ministre, monsieur le président de la Rada, chers collègues, nous sommes profondément touchés par le drame que subit le peuple ukrainien. C'est pourquoi nous avons toujours condamné l'invasion du territoire souverain de l'Ukraine et appelé au rétablissement des principes du droit international, piétinés depuis bien trop d'années par ceux qui devraient les défendre.
Cette guerre européenne fratricide a vu naître une remarquable mobilisation, qui cherche à atténuer la souffrance de ceux qui subissent le conflit. Elle est le témoignage de notre identité, car elle n'est pas née uniquement de l'action des nations, mais également des initiatives locales, qui ont rassemblé dans un même élan les peuples et leurs corps politiques. L'accueil des réfugiés et le soutien matériel nécessaire à un peuple souffrant du froid et de la faim sont admirables. Mais si nous comprenons la politique de livraison d'armes défensives, qui traduit la volonté de défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale des nations, il est légitime de s'interroger sur une poursuite de l'escalade, dont l'issue nous est inconnue.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Au-delà du drame humain, la poursuite de cette guerre risque de renverser définitivement l'équilibre du monde : la victoire militaire de la Russie lancerait un signal dramatique à ceux qui pensent pouvoir, demain, régler leurs conflits territoriaux par la force ; la livraison au compte-gouttes d'armements offensifs signerait probablement une guerre de Cent Ans ; et un engagement total de l'Otan, seule hypothèse permettant véritablement d'envisager une victoire de l'Ukraine, conduirait à une troisième guerre mondiale. Si le conflit n'est pas résolu par la voie diplomatique, les pays qui siègent au Conseil de sécurité des Nations unies auront échoué à défendre la paix. Ils seront retournés à l'application de la loi du plus fort, annihilant ainsi la souveraineté des peuples et l'espoir d'une justice internationale. C'est pourquoi nous soutenons les actions diplomatiques du Gouvernement en faveur de la paix.
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RE.
L'instabilité géopolitique mondiale, conséquence des choix de la Russie, nous oblige à une grande prudence. Ne mésestimons pas non plus les nouvelles alliances de la Russie qui, séparée de l'Europe, est devenue un partenaire privilégié de l'Inde et de la Chine. Alors que la paix a disparu des consciences, il est nécessaire de commencer dès aujourd'hui son édification. C'est pourquoi je vous demande solennellement, madame la Première ministre, si le Président de la République peut faire entendre au monde qu'un espoir demeure en organisant avec l'ensemble des parties une grande conférence pour la paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le président de la Rada, je vous remercie pour votre intervention. Votre présence ici nous engage : j'avais déjà eu l'occasion de le faire chez vous, à Kyïv, en décembre, mais au nom du groupe Horizons et apparentés, que je préside, je veux vous assurer à nouveau de tout notre soutien.
Près d'un an après le début de la guerre en Ukraine, et quatre-vingt-dix ans après la plus grande famine que le pays ait connue, voilà que resurgit le spectre de l'Holodomor – M. le président l'a évoqué. La Russie menace une nouvelle fois la sécurité alimentaire des peuples, c'est donc nécessairement l'affaire de tous. Rappelons qu'avant l'invasion russe, l'Ukraine était le quatrième exportateur mondial de maïs et de blé. Mais avec la guerre, la Russie a d'abord imposé un blocus en mer Noire, qui n'a ensuite été levé qu'au prix d'âpres négociations et d'un contrôle accru sur les exportations maritimes.
Depuis s'ajoutent au manque de carburant les dommages continuellement infligés aux infrastructures de stockage et aux machines agricoles. Les agriculteurs sont donc en première ligne dans ce conflit. Il a fallu aider l'Ukraine à écouler sa production en dépit des blocus. La France et l'Union européenne l'ont fait, en créant des corridors de solidarité qui lui ont permis de dégager 15 milliards d'euros de revenus ; il reste que les capacités du dispositif sont limitées par son coût logistique et par des goulets d'étranglement. Pour qu'il continue de porter ses fruits, si j'ose dire, des investissements supplémentaires devront être consentis. De surcroît, l'Union européenne finance, avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), un programme de soutien aux agriculteurs ukrainiens.
Si, face à l'invasion russe, l'aide militaire constitue une nécessité à court terme, nous devons également nous engager pour faire en sorte que ce conflit n'aggrave pas une famine mondiale déjà fortement accrue par les sécheresses qui frappent le continent africain. Par conséquent, madame la Première ministre, ma question sera double : premièrement, dans l'éventualité d'un nouveau blocus en mer Noire, comment pouvons-nous améliorer et pérenniser les corridors de solidarité ? Deuxièmement, est-il possible d'envisager d'autres programmes de soutien aux agriculteurs ukrainiens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Après avoir entendu dans l'hémicycle, à la fin de la précédente législature, le président Zelensky s'exprimer depuis Kyïv, après avoir rencontré le Premier ministre ukrainien, M. Chmygal, dans l'enceinte du Palais-Bourbon, je tiens à remercier le président de la Rada pour l'honneur qu'il fait à la représentation nationale française et à vous renouveler en sa présence, madame la Première ministre, l'expression du soutien indéfectible des députés du groupe Socialistes et apparentés à l'action française et européenne en faveur de l'Ukraine
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et RE
depuis ce funeste 24 février, ainsi qu'aux sanctions prises contre la Russie de Vladimir Poutine et ses dirigeants.
Les occasions ne nous ont d'ailleurs pas manqué de manifester ce soutien par le dépôt ou le vote de résolutions, mais aussi, de manière plus directe, par la voix de Valérie Rabault lorsque celle-ci vous a accompagnée, madame la présidente, ainsi qu'une délégation de députés, en Ukraine. Nous sommes désormais nombreux à nourrir l'espoir, j'oserai même dire la conviction, que la victoire sur l'obscurantisme du régime de Poutine est non seulement possible mais, pour nous tous, nécessaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Cette victoire ne sera complète que lorsque l'Ukraine aura recouvré sa pleine et entière souveraineté, c'est-à-dire ses frontières internationalement reconnues, celles de 1991 ;
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et RE. – Mme Lisa Belluco applaudit également
elle suppose également la création d'un tribunal spécial visant à établir les responsabilités et juger les auteurs des crimes commis lors de la guerre, le versement d'indemnités, la libération de tous les Ukrainiens déportés en Russie.
Cependant, je voudrais à présent, madame la Première ministre, vous interroger au sujet d'une autre aide que nous devons à l'Ukraine. Après un tel conflit, gagner la paix, une paix civile durable, constitue un défi non moins vertigineux que de gagner la guerre. Si l'unité des Ukrainiens force aujourd'hui l'admiration, ils retrouveront dans la victoire les divisions politiques et culturelles qui, comme dans tout autre État, existaient avant la guerre ; s'y superposeront les cicatrices et traumatismes du conflit, l'expérience de la mort, de l'exil en Europe pour les uns, de la déportation en Russie pour les autres, de la résistance aux forces d'occupation, ou au contraire d'un rôle de supplétif de celles-ci, comme nous le rappellent les récentes lois ukrainiennes ayant trait à la collaboration. Des tensions pourraient se faire jour, et avec elles une forme d'instabilité.
Dès lors, ma question est la suivante : comment faire en sorte qu'à l'union dans la guerre succèdent l'union dans la paix, la concorde, la réconciliation ? Madame la Première ministre, comment les autorités françaises, en lien avec les autorités ukrainiennes et nos partenaires européens, peuvent-elles anticiper ce formidable défi : aider l'Ukraine, notamment grâce au processus d'adhésion à l'Union européenne, à retrouver sa paix intérieure ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Au-delà de la guerre, au-delà du devoir de solidarité collective, durable, sans faille, qui est le nôtre jusqu'à la libération du peuple ukrainien et au rétablissement de sa souveraineté dans les limites internationalement reconnues de son territoire, je souhaiterais aborder une question proche de l'impératif catégorique : celle du sens profond que revêt la promesse d'une adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Porte-parole d'un groupe passionnément attaché à la construction de l'Europe, je vous invite, madame la Première ministre, à tordre le cou à l'idée perverse selon laquelle cette adhésion sonnerait le glas de l'aventure communautaire, telle qu'à l'appel des Français et des Allemands, nous l'avons conçue et menée à partir du 9 mai 1950.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Guillaume Garot applaudit également.
Nous, au MODEM, faisons le pari inverse : nous attendons de ce grand rendez-vous un double enrichissement de notre projet commun. Par son courage, par son héroïsme, l'Ukraine nous enseigne que le droit n'est rien quand la force n'est pas, que l'exemplarité est vaine quand l'esprit de résistance fait défaut ,
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – M. Dominique Potier applaudit également
que l'Union ne sera qu'une apparence si elle ne se donne pas les moyens d'armer ses valeurs. Grâce à vous, chers amis d'Ukraine, nous faisons enfin nôtres les paroles que Thucydide prête à Périclès : « Il n'y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans vaillance ».
Si l'Ukraine nous rappelle au devoir de vaillance nous lui ouvrons un monde dont l'accès lui avait jusque-là toujours été refusé : un monde où la force n'exclut pas le droit, où l'on sait que l'on ne défend vraiment ses intérêts légitimes qu'à la condition de prendre en compte ceux des autres, où les gens s'envisagent au lieu de se dévisager, où nul n'ignore qu'il n'est pas d'élargissement qui vaille sans un solide renforcement des institutions communes. C'est la rencontre de ces deux exigences qui fera de l'Europe un acteur à part entière. En 1051, Anne de Kyïv, fille de Iaroslav le Sage, devenait reine de France par son mariage avec Henri Ier , troisième souverain de la dynastie capétienne. Mille ans ont passé depuis lors, et la princesse d'Ukraine, naguère lointaine, désormais toute proche, est de retour parmi nous. Puissions-nous, madame la Première ministre, mes chers collègues, l'accueillir pour ce qu'elle est devenue : une immense figure de résistance, qui s'est donné la mission d'arracher nos peuples désorientés à leur somnolence historique et qui, pour citer Malraux, porte aux yeux du monde l'honneur de l'Europe entière « comme un invincible songe ».
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes RE et HOR. Plusieurs députés appartenant à ces trois groupes se lèvent.
À travers vous, monsieur le président de la Rada, vous qui combattez avec courage, avec force, avec détermination l'invasion russe, c'est le peuple ukrainien que je souhaite saluer : face à vous, le mythe de la puissance russe s'est étiolé. Au nom du groupe écologiste, je tiens à vous assurer de notre soutien et de notre solidarité. Dans ce combat, l'Ukraine défend des valeurs que nous partageons : liberté et démocratie. Par conséquent, c'est l'honneur de la France que d'avoir accueilli les Ukrainiens arrachés à leur maison, à leur famille, à leurs amis.
La Russie de Vladimir Poutine espérait isoler l'Ukraine de l'Europe : elle nous a rapprochés. Nos peuples n'ont jamais été aussi liés ; demain, une Ukraine rétablie dans son intégrité territoriale intègrera pleinement l'Union européenne. Face au retour de la guerre à ses portes, celle-ci n'a pas failli : des sanctions ont été prises, la solidarité internationale, européenne, française s'est organisée en vue de fournir aide humanitaire et matériel militaire. Une telle solidarité se révèle indispensable à la victoire, puisque la stratégie russe consiste à priver l'Ukraine et les Ukrainiens de tout : d'énergie, de soins, d'eau potable et, autant que possible, d'avenir. La guerre brise des vies – peut-être est-ce là un lieu commun, mais il convient de le rappeler lorsque tout un peuple subit les bombardements, les tortures, les viols, la mort. La guerre empoisonne des terres : les munitions dispersées, les mines enfouies sur plus de 250 000 kilomètres carrés mettent en danger la vie des Ukrainiens et contaminent les sols les plus fertiles d'Europe. La guerre saccage un pays et son patrimoine : 200 000 hectares de forêt brûlés, 900 aires naturelles protégées et un tiers des espaces protégés affectés par le conflit.
Enfin, cette guerre met l'Europe en danger. Les infrastructures nucléaires ukrainiennes sont régulièrement prises pour cibles ; devenues des zones de combat, leur sécurité n'est jamais complètement garantie. Elles constituent ainsi un péril non seulement pour l'Ukraine mais, je le répète, pour toute l'Europe, d'autant que le nucléaire est aussi un levier d'influence au sein d'un monde incertain où l'indépendance énergétique devient cruciale. Pendant des années, nous avons fait de Poutine un partenaire politique, car l'Union européenne ne pouvait se passer des énergies fossiles russes ; aujourd'hui, l'uranium russe demeure susceptible, par l'intermédiaire de l'entreprise Rosatom, de se transformer en outil de chantage. Nous devons mettre un terme à tout ce qui nous maintient dans la dépendance vis-à-vis de la Russie !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la Première ministre, alors que l'uranium a été exclu du champ de l'embargo décidé à l'encontre de la Russie, comment comptez-vous soustraire enfin la France à ce levier d'influence russe et l'émanciper de ses fournisseurs d'uranium autoritaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je tenais à saluer tout d'abord le courage des Ukrainiens, hommes et femmes, qui vivent désormais depuis un an sous une menace constante : ils ont montré au monde entier ce que signifie l'engagement d'un peuple résolu à défendre son territoire. Depuis février dernier, la Russie a fait le choix de la guerre, de l'escalade ; la France reste aux côtés du droit, en ce sens que, comme il est normal, elle prend toute sa part de l'aide fournie à un État voisin et ami en détresse. De manière régulière, appuyée, suivie, nous apportons ainsi à l'Ukraine un soutien diplomatique et matériel, et nous affirmons notre sincère solidarité avec le peuple ukrainien. Cette aide n'est pas uniquement nationale, du ressort de l'État : elle provient de toutes les strates territoriales – communes, départements, régions, comme le Grand Est en offre un parfait exemple.
En plus de la diplomatie, de l'humanitaire, de l'armement, nombreux sont les domaines dans lesquels notre pays dispose d'une réelle expertise. Nous comptons beaucoup d'entreprises dont les compétences peuvent et doivent être mises au service de cette cause ; il convient de mobiliser ces acteurs économiques au service de la population ukrainienne afin de bâtir la paix qui succédera à la guerre et que nous appelons de nos vœux. Dès à présent, il faut identifier les besoins, déterminer les secteurs prioritaires, reconstruire les infrastructures civiles détruites, qu'il s'agisse d'accès à l'énergie, à l'eau, aux produits agroalimentaires, à la santé, à l'éducation, aux transports.
Madame la Première ministre, ma question sera simple : comment la France se positionne-t-elle, y compris en se coordonnant avec les autres États membres de l'Union européenne, en vue de prendre part à moyen et long terme à l'effort de reconstruction de l'Ukraine ?
Il y a près d'un an, la Russie lançait une offensive contre l'Ukraine – une attaque fondée sur des mensonges, au mépris de toutes les règles du droit international, une attaque brutale et meurtrière.
Depuis près d'un an, l'Ukraine subit les assauts et les bombardements russes. Civils, hôpitaux, écoles et même convois humanitaires sont ciblés. Mais depuis près d'un an, l'Ukraine résiste, tient et repousse les forces russes.
Monsieur le président Rouslan Stefantchouk, je veux saluer votre présence à l'invitation de la présidente Yaël Braun-Pivet. À travers vous, je veux dire mon respect et mon admiration pour le courage exceptionnel des forces armées et du peuple ukrainien.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et Écolo – NUPES.
Monsieur le président, en attaquant votre pays, ce sont nos valeurs que la Russie cherche à atteindre. Ce sont les droits humains, la liberté et la démocratie, qu'elle a voulu faire plier. Nous devons défendre ces valeurs. La lâcheté aujourd'hui provoquerait les conflits demain. Alors, comme l'a assuré le Président de la République, nous sommes et nous resterons avec vous jusqu'à la victoire.
Mesdames et messieurs les députés, le soutien de la France, de l'Europe et des alliés passe d'abord par des livraisons d'armements. Nous sommes l'un des premiers contributeurs dans la livraison d'équipements, de munitions et dans la formation de centaines de soldats ukrainiens. Ce sont des équipements qui font la différence sur le terrain. Je pense aux canons Caesar, aux lance-roquettes unitaires ou encore aux systèmes antiaériens Crotale. Début janvier, le président Emmanuel Macron a annoncé la livraison de chars légers AMX-10 RC, répondant à la demande ukrainienne en matière de blindés et lançant une dynamique. Depuis, d'autres pays ont annoncé la livraison de chars à l'Ukraine. Nous sommes prêts à étudier les demandes supplémentaires des Ukrainiens, en veillant au respect de trois principes. D'abord, notre aide ne doit pas provoquer d'escalade. Ensuite, elle doit être utile et efficace rapidement. Enfin, elle ne doit pas affaiblir nos propres capacités de défense. Celles-ci augmenteront significativement ces prochaines années, comme le proposera le futur projet de loi de programmation militaire. Sur ces fondements, le ministre des armées étudie les options possibles. Chaque pays dispose de domaines d'excellence et nous devons nous coordonner au mieux avec nos alliés. Par ailleurs, nous avons créé un fonds spécial de soutien de 200 millions d'euros pour permettre à l'Ukraine de commander les équipements auprès des industriels français. Enfin, nous prenons toute notre part dans la Facilité européenne pour la paix, qui aide à équiper et à former les forces ukrainiennes.
Mais notre soutien à l'Ukraine ne se limite pas à la question des équipements, loin de là. Notre réponse face à l'agression, ce sont également les sanctions contre la Russie. En lançant cette guerre, la Russie pensait diviser l'Union européenne. Elle a échoué : au contraire, nous avons fait bloc. Moins de vingt-quatre heures après l'attaque, un premier paquet de sanctions était adopté. Aujourd'hui, nous en avons adopté neuf. Finance, banque, commerce, propagande, intérêts des oligarques : ce sont des sanctions fortes, massives, dans tous les domaines. Notre but est de rendre le coût de la guerre insupportable pour la Russie. Et n'en déplaise aux admirateurs des régimes forts, ces sanctions fonctionnent.
Paralysie du système productif, difficultés à réorienter les exportations, difficultés d'approvisionnement : la récession russe devrait atteindre 5,5 % en 2023 selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Bien sûr, cette guerre a des conséquences sur nos compatriotes. C'est pourquoi nous avons adopté les mesures les plus protectrices d'Europe face à la montée des prix. La France est un des pays où l'inflation est la plus faible en Europe et, avec le Gouvernement, nous continuerons à protéger nos compatriotes contre les conséquences du conflit.
Notre soutien à l'Ukraine est également diplomatique. Il vise à isoler chaque jour davantage la Russie sur la scène internationale. Aujourd'hui, les faits sont là. L'adoption des résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU de mars et octobre 2022, par une très large majorité d'États, l'a montré. J'ajoute que nous avons reconnu pleinement l'appartenance de l'Ukraine à la famille européenne. Je pense notamment à la décision historique du Conseil européen de juin dernier, qui lui a accordé à l'unanimité le statut de candidat.
Mais notre soutien est aussi humanitaire. Plus de 275 millions d'euros ont été mobilisés et 2 700 tonnes de matériel livrées par la France. La conférence « Solidaires du peuple ukrainien », organisée à l'initiative du Président de la République en décembre dernier à Paris, a permis de recueillir 1 milliard d'euros d'engagements nouveaux concentrés sur l'aide d'urgence pour permettre à l'Ukraine de passer l'hiver. Pour sa part, la France a donné la priorité au secteur énergétique, avec notamment la fourniture à l'Ukraine de générateurs électriques de haute puissance ou encore de millions d'ampoules LED. La conférence a également abouti à la mise en place du mécanisme de Paris, qui permet de faire le lien entre les demandes exprimées par les autorités ukrainiennes et les dons internationaux.
Ce soutien humanitaire va de pair avec l'accueil sur notre territoire de personnes fuyant la guerre. Plus de 100 000 ressortissants ukrainiens ont été accueillis et près de 20 000 enfants scolarisés. Je veux saluer ici la mobilisation des associations, des ONG, des collectivités et de nos concitoyens. J'ajoute que l'Europe a été au rendez-vous : la protection temporaire a été accordée aux déplacés ukrainiens. C'était une première.
Notre soutien consiste enfin à accompagner dès maintenant la reconstruction de l'Ukraine. À la conférence de Lugano, début juillet, nous avons décidé de parrainer la reconstruction de l'oblast de Tchernihiv, selon le mécanisme proposé par le président Zelensky. Une plateforme sur la reconstruction réunit désormais les membres du G7 et les institutions financières internationales ; nous y prenons toute notre part. En parallèle, et après la conférence de Berlin d'octobre dernier, nous avons mobilisé à Paris plus de 700 entreprises pour contribuer à la reconstruction du pays.
Au-delà de son soutien à l'Ukraine, notre pays, avec l'Europe, tient son rang face aux crises provoquées par ce conflit, notamment face au risque de pénurie alimentaire mondiale. Dès le mois de mars dernier, le Président de la République a pris les devants en lançant l'initiative Farm – mission pour la résilience alimentaire et agricole. L'initiative des corridors de solidarité destinée à répondre au blocus imposé par la Russie a permis d'exporter plus de 23 millions de tonnes de produits céréaliers d'Ukraine par voie terrestre. Avec les exportations permises par l'initiative céréalière en mer Noire, ce sont plus de 37 millions de tonnes de produits agricoles qui ont été exportées vers le marché mondial. Dans le même temps, nous soutenons les efforts de la Roumanie en soutenant les capacités logistiques et de navigation dans les ports de Galati et de Sulina. Nous livrerons prochainement une première pilotine.
Pour être efficace, notre action doit être coordonnée. Sur tous les sujets, elle s'inscrit dans un cadre européen. Dans ce contexte, je me réjouis qu'un sommet entre l'Union européenne et l'Ukraine se tienne ce vendredi 3 février. Il sera l'occasion de réaffirmer le caractère indéfectible de notre soutien, qui se chiffre aujourd'hui à près de 50 milliards d'euros, tous sujets confondus. Surtout, ce sommet sera l'occasion de rappeler notre volonté commune de poursuivre et d'intensifier notre action.
Nous resterons aux côtés de l'Ukraine tout au long du conflit mais la paix se construira autour d'une table de négociation. Nous saluons et nous soutenons la proposition de paix en dix points du président Zelensky. Une fois de plus, l'Ukraine cherche les conditions de la paix quand la Russie entretient les conditions de la guerre. Avec l'Europe, avec les alliés, nous serons jusqu'au bout aux côtés des Ukrainiens, jusqu'au bout pour défendre nos valeurs, et jusqu'au bout nous protégerons les Français des conséquences de la guerre.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, et sur quelques bancs des groupes LR et SOC.
Merci, madame la Première ministre, et merci au président Stefantchouk.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et, se tournant vers la tribune, applaudissent longuement M. Rouslan Stefantchouk.
Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à nos deux nouveaux collègues élus dimanche dernier : M. René Pilato, député de la première circonscription de Charente
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et Mme Laure Miller, députée de la deuxième circonscription de la Marne.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je salue également la réélection de M. Bertrand Petit, député de la huitième circonscription du Pas-de-Calais.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Enfin, je vous informe que j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une décision portant annulation de l'élection législative des 12 et 19 juin 2022 dans la première circonscription de l'Ariège, à la suite de laquelle Mme Bénédicte Taurine avait été proclamée élue.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre. Vendredi dernier, le collectif « Nos services publics » publiait une note qui a de quoi nous laisser perplexes, notamment en ce jour où nos concitoyens déferlent par millions dans la rue pour vous dire que le retrait de votre réforme n'est pas négociable !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette note est intitulée « Le déficit est-il artificiellement gonflé pour justifier la réforme ? »
Le déficit de notre système de retraites par répartition, qui vous sert d'épouvantail pour justifier de voler leurs deux plus belles années de retraite à l'ensemble de nos compatriotes, dépend pour une part significative de l'emploi public. Plus de masse salariale publique, c'est plus de cotisations dans les caisses de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Or, entre juin 2021 et septembre 2022, les projections d'emploi public produites par Bercy – par vos services ! – et transmises au Conseil d'orientation des retraites – COR – pour réaliser ses calculs ont été très fortement dégradées. Ces projections prévoient en effet, pour la fonction publique d'État et territoriale, l'impossibilité de recruter au-delà du remplacement des départs pendant toute la durée du quinquennat – c'est-à-dire une rigidification des recrutements dans les services publics inédite depuis 2012. Concernant les salaires, les hypothèses retenues par le Gouvernement prévoient un quasi-gel des rémunérations sur toute la durée du quinquennat – donc en réalité, en tenant compte de l'inflation, une baisse de près de 11 % de la rémunération réelle des fonctionnaires entre 2022 et 2027.
Si la masse salariale publique évoluait comme la masse salariale totale des secteurs public et privé, la moitié du déficit des retraites serait comblée à horizon 2030, avec une hausse de 3,3 milliards d'euros de cotisations. Je vous pose clairement la question, madame la Première ministre : envisagez-vous de mettre en danger le fonctionnement de nos services publics, déjà à l'os, tout en rabotant drastiquement le pouvoir d'achat des fonctionnaires déjà dans la galère ? Ou justifiez-vous votre réforme injustifiable et brutale par un déficit artificiellement gonflé et dramatisé ?
Où se situe votre mensonge ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Permettez-moi d'apporter d'abord une réponse à votre question précise puis de revenir sur ce qui sous-tend son idée générale. Vous évoquez les hypothèses retenues dans le rapport du COR en matière d'évolution de la rémunération des agents publics. Je voudrais d'abord dire, concernant les hypothèses d'évolution de la rémunération et des effectifs des fonctions publiques territoriale et hospitalière, que le COR a retenu les mêmes que dans ses rapports précédents.
Le choix des hypothèses ne soulève donc pas de difficulté majeure. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui gère les retraites de ces deux fonctions publiques, accuse il est vrai un déficit de 6 à 8 milliards d'euros, alors qu'elle couvre environ 10 % de la population active et 10 % des retraités.
S'agissant de la fonction publique d'État, l'argument que vous souhaitez déployer ne tient pas puisque l'État assure l'équilibre du régime de retraite de ses fonctionnaires…
…à tel point que le taux de cotisation de l'État dépasse 75 % pour les agents administratifs et 125 % pour le personnel militaire. Les variations de rémunération des agents publics, quelles qu'elles soient, n'ont pas d'impact sur le solde du système de retraite. J'espère vous avoir ainsi convaincue que vos arguments ne tiennent pas.
Votre question me permet de rappeler que la réforme est nécessaire, pour une seule raison : alors qu'il y avait 3 cotisants pour un retraité dans les années soixante-dix, il n'y a plus aujourd'hui que 1,7 cotisant pour un retraité et il n'y en aura plus demain que 1,2.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela se traduit dans les chiffres : le déficit atteindra 1,8 milliard d'euros par an dès 2023 et se creusera année après année, pour atteindre 12,5 milliards par an en 2027 et 25 milliards en 2035. Si on ne fait rien, nous aurons en dix ans 150 milliards d'euros de dette supplémentaire. Notre responsabilité, celle que nous assumerons…
…c'est de sauver le système par répartition.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Permettez-moi d'exprimer ma fierté d'être à vos côtés aujourd'hui, pour la première fois.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je veux vous faire part d'une forme de satisfaction à voir le Rassemblement national reculer dans notre hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je veux aussi dire ma reconnaissance à l'égard des électeurs de la deuxième circonscription de la Marne. Le mandat qu'ils m'ont confié m'honore et, surtout, m'oblige.
La majorité est très engagée en faveur de la préservation de l'environnement, et plus particulièrement de la qualité de l'air. À cet égard, les zones à faibles émissions (ZFE) sont un outil utile : en tant qu'adjointe au maire de Reims et avec la participation des élus locaux, nous avons établi une ZFE que nous avons voulue très pragmatique et la plus adaptée possible à notre territoire. Mais nous avons ressenti une forme de défiance de la part de certains de nos concitoyens à l'égard de cette ZFE,…
…défiance d'ailleurs largement instrumentalisée et alimentée par le Rassemblement national, à l'occasion de l'élection législative qui vient de se dérouler.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Le Rassemblement national a choisi un nouveau cheval de bataille pour opposer les Français les uns contre les autres – urbains contre ruraux, modestes contre plus fortunés – et faire primer le principe de libre circulation sur un objectif de santé publique, l'amélioration de la qualité de l'air.
Comment accompagner les habitants lors de l'installation d'une ZFE ? Comment les convaincre qu'il s'agit d'une mesure juste ? Comment aider les plus modestes d'entre eux ? Comment agir en faveur des habitants de notre belle ruralité ? Surtout, comment concilier la préservation de l'environnement et la liberté de circulation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je vous félicite, madame la députée, d'avoir remporté cette élection sur votre nom, après avoir été attaquée en tant qu'adjointe à l'environnement d'une ville qui a mis en place une zone à faibles émissions.
Le RN n'a eu de cesse de relater les mêmes fake news, les mêmes intox…
…expliquant que l'objectif de cette mesure était d'ennuyer les Français plutôt que de les protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La méthode utilisée à Reims pour installer une ZFE s'appuie sur l'intelligence locale et la concertation, par exemple pour déterminer quelles dérogations pouvaient être accordées – en faveur des personnes atteintes d'affections de longue durée, en cas de déménagement ou encore pour les artisans. Les élus locaux se sont saisis du sujet et la preuve est faite que l'idée selon laquelle l'accès à la ville serait interdit au plus grand nombre n'est qu'un fantasme éloigné de toute réalité.
Comme vous l'avez rappelé, l'enjeu est de préserver la santé de nos concitoyens : près de 47 000 personnes décèdent chaque année de la pollution de l'air, soit une perte d'espérance de vie pouvant atteindre deux à trois ans.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Manifestement, certains, en plus d'être climatosceptiques, doutent du lien entre cancers et pollution de l'air – laquelle provoque notamment la mort d'une partie de nos concitoyens les plus fragiles ! L'honneur de la politique, c'est précisément de les protéger,…
…y compris en tordant le cou à la démagogie ! Je pense à ceux qui vous expliquent qu'ils sont d'accord avec l'objectif mais qui sont aux abonnés absents dès qu'il s'agit de passer aux actes ! Alors, madame la députée, je vous dis bravo, merci et bienvenue !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vendredi dernier, nous avons célébré vendredi le 78
Après un exil de deux mille ans, après l'Inquisition, après les pogroms cosaques, après la Shoah, le peuple juif est retourné à Jérusalem, sa terre ancestrale. En 1948, l'État d'Israël renaît – un État démocratique, moral et fort.
Non, que ce soit clair : l'État d'Israël n'est pas une compensation de la Shoah, car le sionisme existe depuis deux mille ans. Mais la réalité est que si l'État d'Israël avait existé à cette époque, il n'y aurait jamais eu la Shoah – la Shoah que le régime sanguinaire iranien rêve de reproduire.
C'est ce 27 janvier, jour symbolique, qu'un djihadiste a choisi pour abattre à Jérusalem, devant une synagogue, sept civils, dont une réfugiée ukrainienne – j'ai une pensée pour eux et leurs familles.
Si la France a condamné cet attentat – je m'en réjouis –, une certaine gauche et des grands médias parlent de « colons juifs » et d'« ultraorthodoxes » pour justifier à demi-mot le terrorisme, le même que celui qui frappe aussi à Paris ou à Nice. Pas un mot de condamnation de la part de ceux-là mêmes qui, deux jours plus tôt, parlaient de massacres alors qu'Israël ne fait que se défendre et éliminer des bombes à retardement humaines avant qu'elles ne passent à l'acte. Pour cette gauche, tuer des Juifs, c'est de la résistance !
Pire, ce sont les mêmes qui accueillent en héros à l'Assemblée nationale Salah Hamouri, cadre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation terroriste notamment responsable de l'attentat de la rue Copernic, qui a ensanglanté la France !
Célébrer, dans le temple de notre démocratie, un terroriste qui a reconnu avoir programmé l'attentat contre le grand rabbin d'Israël, voilà le nouvel antisémitisme. Je ne parle pas d'antisionisme mais bien d'antisémitisme !
Madame la Première ministre, ne jugez-vous pas intolérable la visite de Salah Hamouri à l'Assemblée nationale ? À quarante-huit heures de la rencontre, à l'Élysée, entre le Premier ministre israélien et le Président de la République, quels sont les gestes forts que la France compte accomplir afin de soutenir le gouvernement israélien dans la lutte contre le terrorisme ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le député, je comprends votre émotion et je la partage. Vendredi, un Palestinien radicalisé a ciblé une synagogue à Jérusalem, dans une attaque abjecte, le jour de shabbat, au sortir de la prière et, qui plus est, un 27 janvier, journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah.
Vous l'avez dit, la France a aussitôt condamné cet attentat dans les termes les plus clairs. Nos pensées vont aux familles des personnes décédées et aux blessés. Certains groupes terroristes, en Palestine et ailleurs, ont célébré cette attaque, dans une posture de haine méprisable qui ne résoudra rien – au contraire.
Semaine après semaine, nous assistons à une escalade très grave des tensions, en Israël et dans les Territoires occupés. On ne compte plus les actes de violence et les victimes. La trajectoire actuelle ne peut mener qu'à davantage d'affrontements, de haine et de souffrances. Il est indispensable de l'infléchir.
La France réitère sa position : elle est déterminée à œuvrer à la paix, sur la base du droit international et de la solution à deux États – la seule qui permettra aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en paix et en sécurité, comme ils en ont le droit.
Ce message constant de la France, le Président de la République le répétera au Premier ministre israélien, qu'il recevra jeudi soir. Pour ma part, je le porterai auprès d'autres pays de la région, où je me rendrai cette semaine. Il est urgent, tout autant que nécessaire, de restaurer un horizon politique qui manque aujourd'hui cruellement.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Madame la ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, nous saluons le lancement, par la Première ministre, du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, que vous avez la mission – magnifique – de conduire.
Le 20 janvier, le conseil scientifique de la Dilcrah, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, a été dissous par sa déléguée. Ce conseil composé d'universitaires, qui avait pour objet d'éclairer les politiques menées par la Dilcrah, était traversé depuis le mois de mai 2022 par de multiples tensions sur les questions de transidentité, liées à l'appartenance du président à l'Observatoire de la petite sirène. Cette association, jugée transphobe par certains membres du conseil scientifique, a été créée par Céline Masson et Caroline Eliacheff, deux psychanalystes qui dénoncent régulièrement les dérives potentielles du transgenrisme chez les mineurs.
S'il est tout à fait possible d'être en désaccord avec les positions de cet observatoire – la déléguée de la Dilcrah les a même portées sur le terrain pénal en les signalant au Parquet, sans succès d'ailleurs –, il ne semble pas que le débat ait eu lieu. L'accusation de transphobie dont les deux psychanalystes font l'objet est lourde. Elle soulève un problème spécifique, celui des mineurs. Doit-on considérer le désir de transition d'un enfant comme indiscutable, au point d'accéder à une demande de médicalisation, aux conséquences potentiellement irréversibles ?
Ou doit-on poser des conditions ? C'est tout le débat, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant – principe à valeur constitutionnelle.
En outre, cette dissolution nous conduit à nous interroger sur le respect des libertés académiques et plus largement, sur la protection de la liberté d'expression. Pouvez-vous nous éclairer sur les conditions de cette dissolution ? Nous comptons sur vous pour que le combat contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, que vous menez de façon déterminée dans le cadre de ce plan national, se poursuive en cohérence avec notre idéal républicain et universaliste.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et SOC.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations nous tient particulièrement à cœur et nous y consacrons toute notre énergie. Il nous revient de traquer inlassablement ces haines qui entaillent notre pacte social, fondé sur l'universalisme – un universalisme républicain, donc humaniste ; pas un universalisme dévoyé qui nie l'existence d'un monde pluriel. L'universalisme auquel nous aspirons est celui qui offre à chacune et à chacun la dignité qui lui revient. La Première ministre a présenté hier un plan de quatre-vingts mesures concrètes, que je suis fière de piloter aux côtés de ministres et d'une majorité engagés.
Le conseil scientifique dont vous avez évoqué la dissolution n'avait pas de cadre juridique ; ni sa composition ni ses missions n'étaient définies par un texte. Force est de constater qu'il ne produisait plus grand-chose depuis plusieurs mois. Dans la lutte contre notre ennemi commun, seule l'efficacité compte. C'est donc pour nous appuyer plus efficacement sur la communauté scientifique que nous avons choisi de renouveler les modalités de travail avec les chercheurs, dont l'expertise, dans divers domaines, est une ressource précieuse.
Nous avons la même ambition pour le futur plan de lutte contre la haine anti-LGBT+. Je serai toujours intraitable face aux haines, qu'il s'agisse du racisme, de l'antisémitisme, de l'homophobie ou de la transphobie – il n'y a pas de hiérarchie. Vous pouvez compter sur ma détermination pour les combattre sans relâche.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Madame le Premier ministre, vous avez qualifié votre réforme de « réforme de justice ». Avec un âge légal de départ à la retraite fixé à 64 ans, que répondez-vous aux salariés qui devraient atteindre les quarante-trois annuités à 62 ans et devront travailler deux ans de plus que les autres ? Ce sont les mères de famille, les ouvriers, les employés et tous les travailleurs de seconde ligne – souvent des femmes – qui seront dans ce cas !
Vous avez également qualifié votre réforme de « réforme de progrès ». Or vous faites peser l'essentiel des efforts sur la classe moyenne. En quoi est-ce un progrès ? Plus les débats avancent, plus les Français découvrent la réalité de votre réforme, et plus ils y sont opposés – c'est assez logique.
Le RN n'a pas déposé un seul amendement ! Vous exercez votre droit à la paresse législative !
Les manifestations du jour, complémentaires de l'opposition que nous menons ici sur divers bancs, illustrent bien cette opposition grandissante. Nous comprenons que vous ne soyez pas très à l'aise car, comme le rappelle le Conseil d'orientation des retraites (COR), ce ne sont pas les dépenses de retraite qui posent problème mais bien les recettes, ce qui découle directement de vos politiques.
Et comme si cela ne suffisait pas, après avoir délocalisé l'industrie française et ses emplois, après avoir détruit la productivité, base de notre modèle de retraite par répartition, le Gouvernement continue de tirer les salaires vers le bas avec le futur texte sur l'immigration. En effet, le titre de séjour pour les métiers en tension aggravera la paupérisation de notre pays et de nos travailleurs. Nous avons appris il y a quelques jours deux chiffres qui illustrent votre politique migratoire : en 2022, les motifs économiques sont en hausse de plus de 45 % et les régularisations de sans-papiers ont augmenté de 8 %.
Au lieu de servir les desiderata de la Commission européenne et, derrière, le lobby des fonds de pension, pourriez-vous, s'il vous plaît, écouter l'appel à l'aide des Français en leur épargnant cette réforme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous interrogez Mme la Première ministre et le Gouvernement sur le relèvement progressif de l'âge de l'ouverture des droits de 62 à 64 ans. Est-ce un effort ? Oui, un effort de travail supplémentaire demandé aux Français pour garantir la pérennité du système par répartition.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis le début des concertations, l'objectif que nous poursuivons avec la Première ministre est de faire en sorte qu'il soit le plus justement réparti.
Vous avez évoqué plus particulièrement la durée de cotisations et le cas de celles et ceux qui, au moment où ils atteindront l'âge légal, auront cotisé peut-être plus longtemps qu'exigé. C'est une situation qui existe déjà dans le système actuel : sur les 800 000 personnes qui partent chaque année à la retraite, 180 000 ont un nombre de trimestres cotisés supérieur à ce qui est requis. Retournons-nous vers le passé : avant que ne soit créé le dispositif pour carrière longue en 2003, …
…l'âge de départ à la retraite était fixé à 60 ans et la durée de cotisation était de trente-sept ans et demi. Ceux qui commençaient leur carrière à 23 ans partaient donc autour de 60,5 ans en ayant travaillé exactement le temps requis tandis que ceux qui commençaient à 15 voire à 14 ans devaient travailler quarante-cinq ou quarante-six ans pour avoir le droit de partir à la retraite à 60 ans. Cet écart entre la durée minimale de cotisation requise et le nombre de trimestres cotisés par les assurés, le dispositif pour carrière longue a permis de le réduire et depuis, chaque réforme a contribué à le réduire davantage.
Il y a parfois dans le débat une facilité – mais je ne vise pas votre question, madame la députée – qui consiste à considérer la durée de cotisations requise comme un plafond. En réalité, depuis que notre système de retraite a été créé, la durée de cotisations nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein est un plancher. Je le redis, un quart des assurés travaillent déjà au-delà de ce qui est requis.
Tout ce que nous avons fait avec la Première ministre, c'est de réduire au maximum l'écart pour établir un maximum d'égalité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je souhaite associer à ma question ma collègue Laurence Vichnievsky ainsi que les parlementaires du Puy-de-Dôme et l'association Objectif capitales. Le prochain rapport sur la période 2023-2032 du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), présidé par notre collègue David Valence, est très attendu, à tel point que certains extraits sont d'ores et déjà connus.
L'Auvergne est le territoire métropolitain le plus mal relié à la capitale sur le plan ferroviaire.
Le trajet entre Clermont-Ferrand et Paris prend trois heures trente, du moins quand tout va bien.
M. André Chassaigne applaudit.
De nombreuses défaillances techniques liées au vieillissement du matériel roulant et des infrastructures provoquent fréquemment des retards qui suscitent la colère des usagers. Victime de décennies de sous-investissements structurels et de promesses d'investissements non tenues, l'axe ferroviaire Clermont-Paris fait pourtant partie des trois lignes structurantes des trains d'équilibre des territoires (TET).
L'État s'est engagé financièrement à hauteur de 760 millions d'euros jusqu'en 2026. Toutefois, pour diverses raisons, des retards sont pris dans la régénération de la ligne et la livraison de nouvelles rames.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Agir au plus tôt pour garantir une ligne de qualité, durable et efficace est une question de survie pour notre territoire d'autant que, selon le rapport du COI, l'engagement de l'État prendrait fin en 2026. Or nous avons besoin de poursuivre les investissements pour moderniser la ligne et ramener le temps de trajet à deux heures trente.
« La grande vertu du rapport du COI sera de mettre sur la table une liste de priorités et une nouvelle programmation » a déclaré le ministre délégué chargé des transports le 5 octobre dernier au Sénat. Mes questions seront simples : la ligne structurante Clermont-Paris fait-elle partie des priorités de l'État au-delà de 2026 ? Est-elle inscrite dans un programme de modernisation ? Si tel est le cas, pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LR. – Mme Christine Pires Beaune et M. André Chassaigne applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Madame la députée, j'ai le plaisir de vous répondre en l'absence de Clément Beaune. Le 24 février prochain aura lieu la réunion annuelle du comité de suivi des dessertes ferroviaires mais vous le savez, des réunions associant l'ensemble des parlementaires des départements traversés se tiennent à intervalles plus rapprochés pour se pencher sur ces questions. Après s'être rendu à Clermont et à Vichy, le ministre délégué chargé des transports a pris l'engagement de vous tenir régulièrement informés des actions engagées pour mettre fin aux retards que vous évoquez.
Il est prévu de consacrer 1,1 milliard d'euros à la régénération de la ligne Clermont-Paris et à l'amélioration du confort des usagers. Les rames devront être livrées dans leur totalité en 2026 et la première sera mise en circulation dès 2025. Malgré les incidents liés aux retards pris dans les travaux de régénération, la régularité s'est améliorée au premier semestre – le taux est de 86 % contre 78 % au semestre précédent – mais évidemment, ce sont ces travaux qui permettront à cette ligne structurante de trouver toute sa place dans la carte ferroviaire que nous avons définie.
Le rapport du COI présidé par votre collègue David Valence sera remis dans les prochains jours et viendra éclairer la méthodologie choisie par le Gouvernement pour tenir compte de ces enjeux. Il ne vous aura pas échappé, si vous avez pu en lire quelques pages, qu'il contient des propositions structurantes guidées par une ambition cohérente avec la transition écologique comme avec la nécessité de rapprocher les territoires et d'améliorer le confort des usagers.
Mme Delphine Lingemann et M. Nicolas Turquois applaudissent.
Le 1er février, les tarifs des péages d'autoroute vont augmenter de près de 5 %. Face à ce racket, les gilets jaunes de Lyon mènent aujourd'hui une opération « péage gratuit » et je les soutiens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Pour reprendre les mots de la CGT Énergie de Marseille, « c'est illégal, mais c'est moral ».
Selon Le Canard enchaîné, un rapport remis au ministre de l'économie il y a deux ans préconisait de baisser le prix de péages de 60 % mais vous l'avez gardé secret.
M. Le Maire a déclaré au Medef : « un superprofit, je ne sais pas ce que c'est ». Eh bien, nous allons vous le dire : en 2021, les sociétés d'autoroutes ont réalisé 3,9 milliards de profits.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Et que font-elles fait de ces superprofits ? Augmentent-elles les salaires ? Non, elles donnent tout aux actionnaires : 3,3 milliards en 2023, soit 85 % des bénéfices !
Jean-Luc Mélenchon a raison : oui, accumuler ces milliards sur le dos des Français est immoral ; oui, ces actionnaires sont des parasites !
Le Gouvernement s'engage-t-il à rendre public le rapport sur les autoroutes jusqu'à maintenant gardé secret ? Le ministre de l'économie et d'autres membres du Gouvernement ont-ils à titre personnel des conflits d'intérêts avec ces entreprises, chose qui pourrait expliquer un tel laxisme ? Le ministre va-t-il faire cesser le racket des automobilistes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
À ces trois questions, j'ajoute un conseil : comme le proposait Jean-Luc Mélenchon, renationalisez les autoroutes, 77 % des Français y sont favorables !
Mêmes mouvements.
Faites enfin respecter l'intérêt général et la volonté du peuple afin qu'ils l'emportent sur l'intérêt privé et l'égoïsme des riches.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
J'ai bien noté que votre question s'adressait à Bruno Le Maire et je vais vous y apporter une réponse.
Le 1er février, il y aura une augmentation des tarifs des péages, conformément aux clauses inscrites dans les contrats, qui prévoient une indexation sur l'inflation. Celle-ci n'est toutefois pas entièrement répercutée, selon les souhaits du Gouvernement. En outre, selon une clause spécifique, les véhicules électriques bénéficient d'une réduction de 5 % des prix au titre de la transition écologique.
L'essentiel de votre question n'est pas là, je l'ai bien compris. Si un rapport a été demandé, c'est pour obtenir davantage des sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) du point de vue fiscal.
Nous avons en ce moment deux contentieux avec des sociétés d'autoroute. Pour le premier, qui porte sur l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT), nous avons gagné une manche le 13 janvier dernier devant le tribunal administratif.
Le deuxième renvoie, quant à lui, à la contribution exceptionnelle des concessions autoroutières.
Ce rapport a pour but de nourrir l'argumentation du Gouvernement et le fait que des contentieux soient en cours explique qu'il n'a pas été encore publié. L'enjeu pour nous est de chercher l'argent dans ces profits importants, avec une obsession : la fin des concessions.
Vous dites que la solution serait de nationaliser les autoroutes mais cela impliquerait de consacrer 40 milliards d'argent public à leur rachat pour ensuite les financer. Ce n'est pas ce que la transition écologique commande de faire. Il faut au contraire prélever de l'argent sur les sociétés d'autoroutes pour être en mesure de financer le report modal, notamment sur le ferroviaire. Les SCA sont à ce titre les premières contributrices de l'AFITF France – Agence de financement des infrastructures de transport de France.
M. David Valence applaudit.
Eh bien, monsieur le ministre, vous devriez suivre les recommandations du rapport, alors : récupérez le contrôle des autoroutes dès 2026 ou taxez les sociétés à 63 %, voilà ce qu'il faut faire ! Là, vous ne faites qu'attendre et vous rendez l'État impuissant. Un peu de bonne volonté : les Français se font racketter et ils en ont ras le bol !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas et M. Jérôme Guedj applaudissent également.
Alors que les arbitrages relatifs aux moyens d'enseignement occupent activement les services déconcentrés de l'éducation nationale, les suppressions de postes à venir pour la rentrée prochaine sont une source d'angoisse pour les communautés éducatives rurales.
Ces suppressions de postes viennent percuter les efforts menés par les collectivités rurales et les services déconcentrés de votre ministère. Le stade expérimental du dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER), qui ne concerne que trois académies, les suppressions de moyens d'enseignement et les réalités vécues par les enseignants et les familles en matière de mobilité nous amènent à nous interroger.
Nous ne pouvons pas faire disparaître nos ruralités, lesquelles se renouvellent toujours davantage dans leur mode d'organisation pour relever les nouveaux défis qui se présentent à elles. L'école est au cœur des préoccupations des élus ruraux. Elle est souvent la colonne vertébrale des politiques qu'ils déploient au service de la cohésion et de l'attractivité de leurs territoires. Surtout, l'école rurale est un levier essentiel pour accompagner l'égalité des chances, ambition que vous soutenez, et pour permettre aux enfants et aux familles de construire sereinement leur avenir.
Ne serait-il pas temps de réexaminer certains des critères utilisés pour fermer les classes, notamment le nombre d'élèves par classe annualisé ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Depuis la rentrée 2019, aucune fermeture d'école ne peut intervenir sans l'accord du maire.
Nous faisons face à une forte baisse de la démographie scolaire : 90 000 à 100 000 élèves de moins sont prévus pour la prochaine rentrée et celles à venir, ce qui porte le total à un demi-million pour l'ensemble du quinquennat. Dans votre département d'Indre-et-Loire, il y aura ainsi 756 élèves de moins à la rentrée 2023. Néanmoins, les suppressions de postes ne se font pas de manière arithmétique.
Le taux d'encadrement, sur l'ensemble du territoire comme dans votre département, va continuer à s'améliorer.
Il est de 22,3 % en Indre-et-Loire et nous visons vingt-deux élèves par classe.
Les territoires ruraux ne sont pas traités de la même manière…
Nous tenons compte du fait que les services publics ne sont pas répartis comme ailleurs et nous prêtons une attention particulière à leur situation. Toutefois, les directions académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) sont parfois obligées de regrouper plusieurs niveaux dans les mêmes classes tout en veillant à maintenir le chiffre d'environ vingt-quatre élèves au plus par classe pour les grandes sections, les CP et les CE1.
Enfin, nous en sommes à ce stade au début de l'évaluation du processus pour la rentrée 2023 et je sais que vous êtes régulièrement en lien avec le directeur académique de votre département. Un dialogue se construit, des évolutions verront encore le jour d'ici au mois de juin et à la fin du mois d'août : le processus est donc en cours, rien n'est définitif et le dialogue avec les élus locaux est maintenu.
Mmes Nadia Hai et Stella Dupont applaudissent.
J'étais tout à l'heure place d'Italie, dans ma circonscription, où il y avait vraiment beaucoup de monde.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
J'ai bien sûr discuté avec les personnes présentes, qui avaient des questions à vous poser. Je vous les livre, car elles sont intéressantes et mériteraient d'ailleurs que vous les entendiez, que vous les écoutiez et même que vous y répondiez parce que la sagesse de la rue, c'est quelque chose !
Je commence par la question de Lisa : « Croyez-vous vraiment que les gens de plus de 55 ans qui sont au RSA retrouveront du travail pour cotiser ? » Je précise qu'elle ne parlait bien sûr pas des quinze à vingt heures de travail gratuit obligatoire que vous imposez ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
La question de Pierre, également : « Pourquoi ce serait aux petites gens de payer pour que les retraites soient à l'équilibre ? » Bonne question, en effet ! Ensuite, celle de Thomas : « Avez-vous repéré, madame la Première ministre, que dans un système comptable, il y a des dépenses mais aussi des recettes ? » Il faut dire que Thomas est économiste, alors, forcément !
Robin, aussi : « Je fais mes études, mais au rythme où vont les choses, j'ai peur de mourir avant la retraite ! »
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et LR.
Karine, elle, s'interrogeait : « Pourquoi le Gouvernement dit-il que ce truc se fait dans l'intérêt de tous, alors qu'il ne touche que les plus précaires, les carrières hachées et les carrières longues ? »
Brouhaha sur les bancs des groupes LR et RN.
Nicolas ensuite, au sujet du handicap : « Les personnes ayant fait l'objet d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) devront-elles également effectuer des trimestres supplémentaires » ? Maryse : « Sommes-nous censés mourir au travail ? » Nathalie demande : « Comment les années de travail des sans-papiers sont-elles comptées ? Le projet de loi ne le précise pas. » Lila : « Quand en finirons-nous avec les 49.3 ? »
Valérie : « Je n'ai pas envie de travailler jusqu'à 64 ans. Comment fait-on ? »
Mêmes mouvements.
Sourires.
Leinka, encore : « Je suis médecin à la retraite. Je suis là pour tous les patients que j'ai soignés de troubles musculo-squelettiques. Que deviendront-ils ? »
Marie-Pierre, 83 ans, voulait vous rappeler que vous étiez auparavant socialiste, et demande : « Pourquoi avoir tant changé ? »
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Madame la députée, je note que vous avez besoin qu'on vous aide à poser vos questions !
Sourires sur plusieurs bancs des groupes RE et LR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Je note, à travers les questions que vous faites mine de relayer, que vous vous faites en réalité l'écho de la désinformation, des fake news et des mensonges que vous ne cessez de proférer s'agissant du système de retraite.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je note une différence entre nous…
Mme Sandrine Rousseau proteste.
Je suis sûr que Mme Rousseau prendra plaisir à écouter la fin de ma réponse. Je note une grande différence entre vous et les bancs de la majorité, qui ne tient qu'en un seul mot : responsabilité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il y a un an éclatait le scandale de la gestion des Ehpad, avec Orpea au banc des accusés : maltraitance par négligence, rationnement de la nourriture et des équipements de soin, manque de personnel ou encore détournement de fonds publics.
Les membres du Gouvernement et les députés de la majorité défilaient alors sur les plateaux, larmes aux yeux et main sur le cœur, promettant qu'il y aurait un avant et un après. Mais, de l'aveu même du président de l'Observatoire du grand âge, en un an « rien n'a changé » et les contrôles sont faits « à la va-vite ». Bref, rien de nouveau en faveur de nos anciens, qui restent en grande difficulté.
Vous avez annoncé que les inspections autrefois conduites tous les vingt à trente ans devraient couvrir les 7 500 établissements français d'ici à 2024. Mais avec seulement 18 % d'entre eux contrôlés à ce jour, l'objectif ne sera pas tenu. Pire, il n'existe toujours aucun référentiel comme base de contrôle et le syndicat des directeurs d'Ehpad dresse ce terrible constat : « Le plus souvent, on nous demande d'envoyer par e-mail des documents comptables et administratifs ».
Alors que la maltraitance se poursuit, vous avez refusé, il y a quelques jours, une proposition de loi de bon sens, présentée par notre collègue Laure Lavalette, visant à créer un droit de visite des parlementaires dans les Ehpad notamment.
Le taux d'encadrement moyen de trois soignants pour dix résidents est au centre du problème. Dans son rapport publié à la mi-janvier, la Défenseure des droits recommande un taux de huit encadrants pour dix résidents, taux en dessous duquel, malgré toute la bonne volonté et la bienveillance des soignants, il n'est pas possible de travailler sans maltraitance. Ce n'est pas la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023, qui ouvre 3 000 recrutements alors que 20 000 seraient nécessaires en urgence, qui résoudra le problème !
Combien de lanceurs d'alerte, de signalements par plateforme numérique et de rapports vous faudra-t-il encore ? La loi sur le grand âge se fait attendre depuis vingt-cinq ans. Ma question est donc simple : quand nos aînés seront-ils enfin mieux considérés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Vous l'avez rappelé, la publication, il y a un an, du livre Les Fossoyeurs a provoqué un choc de conscience chez l'ensemble de nos compatriotes. Ce terrible choc a été suivi d'une réponse puissante de la part des pouvoirs publics, afin d'éradiquer des établissements ainsi que des activités à domicile ces actes scandaleux, qui ont de nouveau été mis en lumière il y a quelques jours dans plusieurs reportages.
Cette réponse puissante s'est traduite par le contrôle des établissements : 400 Ehpad ont ainsi été contrôlés immédiatement après la publication de l'ouvrage ; plus de 1 400 l'ont été à ce jour et je peux vous confirmer que l'ensemble des 7 500 établissements que compte notre pays le seront d'ici à la fin de l'année 2024. Ces contrôles ont donné lieu à des réponses fortes : plus de 1 800 injonctions et 11 saisines du procureur de la République. Il faut désormais que le processus s'accélère pour que les choses changent concrètement dans l'ensemble des Ehpad.
J'ai fait de la lutte contre la maltraitance dans les établissements l'une des priorités de mon action. Je lancerai, dans quelques jours, les états généraux de la lutte contre la maltraitance afin de réunir l'ensemble des parties prenantes, ainsi qu'une plateforme de signalement…
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
…parce qu'il est important, comme l'ont rendu possible les lanceurs d'alerte, que la parole se libère dans les établissements et que les familles puissent signaler l'ensemble de ces maltraitances. C'est ce qui se passe aujourd'hui.
Pour faire face au vieillissement de la population, notre pays doit s'organiser, grâce notamment aux 9 milliards d'euros inscrits dans la trajectoire de la branche autonomie, au lancement du recrutement de 50 000 professionnels soignants dans les Ehpad pour les cinq ans à venir…
…et grâce à l'augmentation du nombre de places dans les services de soins infirmiers à domicile.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.
Ma question, à laquelle j'associe ma collègue Caroline Yadan, s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Demain, la ville de Lyon s'apprêtait à accueillir à l'occasion d'une conférence sur les accords d'Oslo, à l'initiative de son maire Grégory Doucet, un sinistre personnage : Salah Hamouri.
M. Pierre Dharréville proteste.
D'autres villes, de Gennevilliers à Aubervilliers, n'hésitent pas non plus à mettre à l'honneur un individu qui a été reconnu coupable d'appartenance à une entreprise collective…
…en vue de commettre des actions terroristes sur le territoire israélien.
Nous devons ce renoncement salutaire à des héros tels que Claude Bloch, dernier rescapé du camp d'Auschwitz, qui vit à Lyon et a tourné le dos à la représentante du maire pour protester contre la venue de M. Hamouri.
Si la France a condamné son expulsion par l'État d'Israël et défend son droit à un procès équitable, sa participation à ce simulacre de conférence aurait été un scandale. Oui, c'eût été un scandale que de prendre prétexte d'une pseudo-conférence universitaire pour réhabiliter un homme condamné par l'État d'Israël pour sa participation à la tentative d'assassinat du grand rabbin Ovadia Yossef. C'eût été un scandale, parce que l'on ne met pas impunément à l'honneur un homme dont les liens avec une organisation classée comme terroriste par l'Union européenne sont avérés.
Cette banalisation de la haine n'est, hélas, que le dernier épisode d'une tentative de réhabilitation de cet individu par une partie de cet hémicycle qui, dans l'indécence la plus totale, a osé comparer son extradition à une déportation, n'hésitant pas à l'acclamer à sa descente d'avion ou à le recevoir au sein de notre institution, la déshonorant de sa présence.
Ma question est donc simple : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de protéger les Français en général et les citoyens juifs en particulier des actions qu'il pourrait entreprendre sur le sol français, telles que l'apologie de la haine ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem et sur quelques bancs du groupe RN.
Vous avez raison, monsieur le député Lefèvre. Heureusement que le maire de Lyon a renoncé à la mise à l'honneur et à la participation de cette triste personnalité, devant les appels à la fois de sa propre population, notamment lors de la commémoration de ce week-end que vous avez évoquée, et de la représentante de l'État puisque, à ma demande, la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes a prévenu le maire que si cette conférence devait être maintenue, l'État se verrait contraint de l'interdire pour menace à l'ordre public. Il est heureux que le maire de Lyon ait renoncé à son projet mortifère, car il n'y a, dans notre pays, aucun doute quant à notre volonté de lutter contre l'antisémitisme.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je veux également souligner votre action, monsieur le député, en tant que nouveau président du groupe d'études sur l'antisémitisme et rappeler que, grâce au travail mené par les forces de l'ordre, les préfets de la République mais aussi les associations, nous avons constaté une diminution d'un quart des actes antisémites au cours de l'année 2022. Cependant, il ne faut pas crier victoire trop vite, puisque 430 actes antisémites ont encore eu lieu en 2022, des insultes, des attaques physiques, des attaques contre des lieux de culte, contre des écoles confessionnelles ainsi que d'innombrables insultes et ignominies sur les réseaux sociaux.
Devant la mobilisation de toute la France, puisque le problème de l'antisémitisme est celui de tous les Français et non pas seulement celui des concitoyens de confession juive, 1 500 cyberpatrouilleurs seront au rendez-vous de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur que vous avez votée. De même, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), qui permet de signaler la haine en ligne, sera désormais ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Enfin, la protection de tous les lieux de culte juifs, de leurs lieux communautaires et des écoles – qui ont malheureusement connu, vous le savez, le terrorisme ces dernières années – sera bien évidemment poursuivie. Je sais que votre bureau, monsieur le député, c'est le terrain. Aidez-nous à travailler ensemble contre l'antisémitisme !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Les présidents Ciotti et Marleix ont exprimé leur volonté d'accompagner le Gouvernement dans une réforme des retraites qui soit juste, en particulier pour les plus petites d'entre elles. Si, pour le Gouvernement, la réforme juste concerne le territoire métropolitain, pour le groupe Les Républicains elle doit concerner aussi les territoires ultramarins.
Or les ultramarins partent, en moyenne, plus tard à la retraite, perçoivent des pensions plus faibles et meurent plus jeunes ! En outre-mer, la retraite moyenne pour une carrière complète est de 20 % inférieure à la moyenne nationale et le taux de grande pauvreté des retraités est treize fois supérieur à celui de métropole. Pire encore, à Mayotte, la pension moyenne est de 276 euros alors que l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) est plafonnée, pour des raisons que j'ignore, à 50 % de celle de droit commun !
La réforme des retraites est donc une occasion à saisir afin d'améliorer deux situations spécifiques : le système de retraite à Mayotte et les petites retraites agricoles en outre-mer, notamment aux Antilles. C'est pourquoi le groupe Les Républicains vous propose de mettre en place dans les territoires ultramarins un dispositif de rachat de trimestres à un prix raisonnable pour les agriculteurs et les travailleurs agricoles, de supprimer sans délai la discrimination de la décote de 50 % de l'Aspa à Mayotte et de porter la pension moyenne à Mayotte à 400 euros au moins, au lieu des 276 euros actuels.
Aussi pouvez-vous, madame la Première ministre, préciser les initiatives que vous envisagez de prendre pour répondre à nos propositions et améliorer le sort des retraités ultramarins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous évoquez les retraites en outre-mer, et vous avez raison de souligner que le régime qui y est appliqué crée des différences. Votre question revêt plusieurs aspects, à commencer par celui des salariés de l'agriculture. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous devons relever un défi : au-delà du régime général, la mise en place du régime complémentaire Agirc-Arrco doit être une priorité pour les salariés de l'agriculture. Cela relève toutefois d'une discussion entre les partenaires sociaux, puisque ce sont eux qui assurent la gouvernance de l'Agirc et de l'Arrco. Nous pouvons y œuvrer ensemble, à la fois pour mener un travail de conviction…
…et pour faire en sorte que les salariés de l'agriculture des territoires d'outre-mer soient mieux couverts, et de façon plus juste.
Vous avez aussi évoqué les retraités à Mayotte. Vous le savez mieux que personne, la situation de ce territoire est très spécifique : le régime obligatoire ne s'y applique que depuis 1987, il n'y a pas de régime complémentaire obligatoire, et la durée de cotisation constatée est particulièrement basse. On n'y compte que 2 500 bénéficiaires du système de retraite, pour des pensions de 287 euros – niveau très faible. Plusieurs dispositifs ont été adaptés, que ce soit par le biais d'une minoration – vous avez évoqué l'allocation de solidarité aux personnes âgées – ou d'un mode de calcul parfois un peu plus favorable pour l'accès à certaines prestations – je pense notamment à la validation d'office d'un certain nombre de trimestres entre 1997 et 2002.
Une période de convergence s'applique également en ce qui concerne les cotisations et le nombre de trimestres requis, pour partie jusqu'en 2023 et pour partie jusqu'en 2036.
La situation de Mayotte n'est pas spécifiquement traitée dans le projet de loi que nous avons présenté avec Mme la Première ministre ; ce territoire n'y apparaît pas, car nous avons fait le choix de ne pas appliquer la réforme à Mayotte. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas travailler la question. D'ici à l'examen du texte, je propose que nous réfléchissions, avec tous les parlementaires de Mayotte, à la façon dont nous pouvons améliorer la situation, la rendre plus juste, mieux protéger les retraités et accélérer la convergence à l'occasion d'une revalorisation et d'une amélioration des conditions de gestion des retraites à Mayotte.
Nous sommes à votre disposition pour y travailler pendant le débat qui a cours actuellement, et pas après : on nous a fait beaucoup de promesses, mais elles n'ont jamais été tenues depuis au moins quinze ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Réforme des retraites
Nous vivons une journée historique, de celles qui redonnent au peuple sa puissance.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Nous sommes des millions dans la rue, et la colère monte encore contre votre réforme.
Madame la Première ministre, vous rabâchez que cette réforme n'est plus négociable. Vous pariez donc sur un passage en force contre l'avis de l'immense majorité des Français et contre tous les syndicats de salariés – un passage en force qui étouffera la démocratie parlementaire par un recours au 49.3 déguisé.
Mêmes mouvements.
Comme vous n'avez plus d'arguments valables, vous tombez dans la grossièreté et dans l'insulte : votre ministre de l'intérieur et des outre-mer compare les opposants de la réforme aux rois fainéants.
À qui parlez-vous ainsi : à tous les travailleurs essentiels qui tiennent le pays depuis deux ans ? Vous n'avez pas compris : c'est la France du travail qui est dans la rue, celle du travail qui use, celle des travailleurs qui se lèvent à 4 heures du matin à Bondy pour faire le ménage dans les bureaux de La Défense dès 7 heures, celle qui ne pourra pas tenir deux ans de plus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Sébastien Jumel applaudissent également.
Nous aimons le travail, mais le travail dignement rémunéré, qui donne du sens et qui offre une retraite heureuse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est vrai, nous n'aimons pas le travail exploité, celui qui nourrit les profits des actionnaires ; c'est bien pour cela que nous n'aimons pas votre réforme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous dites que la grève est irresponsable : vous n'avez sans doute jamais fait grève, moi si. Savez-vous ce que c'est que de perdre une journée de salaire ? La grève des travailleurs, c'est un choix responsable et grave.
Mêmes mouvements.
Par votre acharnement, vous produisez le chaos. C'est vous, et vous seule, qui êtes responsable du blocage du pays, car le peuple résiste et refuse d'être écrasé une fois de plus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes seule, et nous sommes des millions. Jusqu'où irez-vous pour imposer votre projet funeste ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Sébastien Jumel applaudissent également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Comme vos arguments ne sont pas nouveaux, ma réponse ne sera pas nécessairement nouvelle.
Je l'ai déjà dit : cette réforme est nécessaire parce que le système est structurellement déficitaire. Le déficit cumulé atteindra 150 milliards d'euros dans les dix prochaines années ; le déficit annuel se chiffrera à 12,5 milliards en 2027 – c'est demain – et à 20 milliards en 2035 – là encore, c'est demain. Nous voulons que l'effort que nous demandons aux Français soit le plus justement réparti.
Les Français ne veulent pas de votre réforme ! Il y a quelques années, vous n'en vouliez pas non plus !
Nous le faisons avec l'aménagement des carrières longues, ou encore avec la prise en compte de la pénibilité.
Allez porter des charges lourdes, on verra ce que vous prendrez en compte !
Parmi les exemples que vous avez cités, nombreux sont ceux qui bénéficieront à la fois de l'amélioration du compte professionnel de prévention et d'une meilleure prise en compte des critères ergonomiques : postures pénibles, exposition aux vibrations, port de charges lourdes…
Exclamations prolongées sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est infernal, on a les tympans crevés !
Parmi ceux que vous avez cités, nombreux sont ceux qui bénéficieront du relèvement de la pension minimale. La réforme que nous défendons comporte des progrès sociaux…
…qui sont aussi une manière d'accompagner l'effort demandé aux Français. Restez dans la vérité au sujet de cette réforme : dites ce qu'elle contient véritablement, plutôt que d'essayer de la déformer et de faire peur aux gens.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le répète : cette réforme est nécessaire et juste ; c'est pour cela que nous la mènerons.
Comme d'habitude, vous pensez avoir raison contre tout le monde, mais tout le pays est debout, et tout le pays sera debout demain. C'est ce qui vous fera perdre !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Réforme des retraites
…partout en France, de Paris à Marseille, de Laval à Toulouse ou à Maubeuge, pour dire non à la réforme des retraites que vous voulez imposer. Ils sont encore plus nombreux que le 19 janvier.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cette protestation de grande ampleur vient des profondeurs du pays, parce qu'elle touche à l'idée même que les Français se font de la justice.
Les Français ont bien compris qu'avec la retraite à 64 ans, ce sont les ouvriers, les employés et les salariés qui ont fait des études courtes qui devront consentir les plus grands sacrifices. .
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC
Ils ont bien compris que les femmes, en particulier, seraient pénalisées, pour reprendre le mot d'un ministre du Gouvernement.
Pour ne pas brutaliser le pays, pour ne pas le fracturer davantage, pour ne pas ajouter de l'injustice aux inégalités, quand allez-vous retirer votre réforme ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous nous interrogez sur le sens de notre réforme : j'ai eu l'occasion d'y répondre.
Vous nous interrogez en particulier sur ceux qui commencent à travailler tôt : le dispositif que nous mettons en place permet justement de mieux les protéger.
Mme Caroline Fiat s'exclame vivement.
Le système actuel se caractérise par deux niveaux de prise en compte : d'une part, ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans – ils sont peu nombreux – peuvent partir à 58 ans ; d'autre part, ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans bénéficient – si l'on peut dire – de deux années de départ anticipé. Nous créons un troisième niveau pour tenir compte de ceux qui commencent à travailler entre 16 et 18 ans : grâce à cette mesure, nous faisons en sorte que l'effort attendu des Français soit le plus justement réparti, et que ceux qui ont commencé extrêmement tôt soient protégés.
Quelles raisons amènent les uns ou les autres à travailler plus tard ? Nous proposons certes un relèvement de l'âge de départ,…
…mais il faut citer une autre raison : la réforme que vous et moi avons soutenue en 2013 – vous étiez membre du Gouvernement, monsieur Garot – a entériné le passage de quarante-deux à quarante-trois annuités de la durée minimale donnant droit à une retraite à taux plein. Je suis parfois perplexe, moi aussi : en écoutant votre question, je me demande si vous défendez la position de votre premier secrétaire – la retraite à 60 ans avec quarante-trois années de cotisation, c'est-à-dire une machine à décote – ou la position de votre nouveau premier secrétaire délégué, qui considère que c'est illusoire.
Protestations sur les bancs du groupe SOC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le débat sera utile s'il est de bonne foi, et si vous ne recourez pas à la malhonnêteté intellectuelle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Vous avez d'abord essayé de nous faire croire que la réforme était juste : personne ne vous a cru.
« Des mensonges ! » sur quelques bancs du groupe SOC.
Vous avez essayé de nous faire croire que le régime était au bord de la faillite : personne ne vous a cru.
Vous ajoutez que les Français doivent faire un effort, et vous voulez imposer l'âge de départ à 64 ans : nous ne vous suivrons pas davantage. Sortez de votre obstination et de votre entêtement, et écoutez les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous allons retrouver les propos que vous avez tenus pendant la réforme Touraine, ce sera drôle !
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Tandis que s'ouvre, cette semaine, l'examen du projet de loi sur les retraites, nous devons à la population d'avancer dans un contexte serein. Qu'on soit pour ou contre cette réforme, très bien.
Qu'on soit là pour affirmer des convictions, en particulier si elles divergent, très bien aussi, c'est le but, mais il se produit ici quelque chose de très vicieux : tous les moyens sont-ils bons pour défendre des convictions ?
M. Benjamin Lucas s'exclame.
Ce que contient le texte est écarté au profit de ce qu'on veut lui faire dire, car l'objectif est de mettre les Français dans la rue. S'agit-il vraiment de lutter pour l'intérêt collectif ? On peut se le demander.
Lors d'une première étape, vous avez alimenté les plateaux télévisés en propos démagogues, en contre-vérités et en mensonges.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous soutenez par exemple qu'une aide-soignante atteinte de polyarthrite partira à 64 ans,…
…alors que le texte réaffirme que les travailleurs handicapés prendront leur retraite à partir de 55 ans – c'est donc un mensonge.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous passez à la deuxième étape de votre communication, avec des agissements tendancieux et la fermeture de mairies par solidarité – sous-entendant que même les instances de la République s'opposent à cette réforme. C'est le summum de l'instrumentalisation.
La maire de Paris évoque une mesure symbolique – elle est surtout symbolique du piège dans lequel certains sont tombés : sous prétexte de défendre l'intérêt du peuple, ils veulent gagner en popularité par tous les moyens. Le droit de grève est un droit individuel. Monsieur le ministre, que pensez-vous d'un employeur – a fortiori d'un employeur public – qui décide de fermer sa structure par solidarité avec une manifestation ?
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Dans une période de mobilisation sociale, deux principes doivent être respectés, notamment pour ce qui concerne les agents publics et les employeurs publics. Le premier principe est le droit de grève : c'est un droit constitutionnel, garanti, que nous respectons. Chacun peut faire grève lorsqu'il le souhaite et qu'il le juge utile.
Le deuxième principe est celui de la neutralité du service public.
Et M. Guerini, qui ne respecte pas le règlement général sur les protections de données ?
Vous nous interrogez sur le droit, en particulier sur l'appréciation que nous pourrions avoir des déclarations et des décisions de la maire de Paris ou de maires d'autres villes. Je pourrais rappeler que dans une décision de 2005, le Conseil d'État a indiqué que les bâtiments publics – les mairies au premier chef – devaient rester neutres, et qu'on ne pouvait pas afficher des signes symboliques, politiques ou philosophiques sur les façades des équipements municipaux et publics.
Quand une mairie affiche son soutien à un pays, c'est donc un signe interdit ?
Je pourrais aussi rappeler que la cour d'appel administrative de Lyon a condamné une mairie qui avait fermé ses services en solidarité avec un mouvement social.
Je pourrais par ailleurs évoquer les articles L. 711 et suivants du code de la fonction publique : ils rappellent le principe du service fait et écartent la possibilité de payer les agents grévistes – car, si la grève est un droit, le paiement des jours de grève n'est pas toléré.
Au-delà de ces questions de droit, que le juge appréciera peut-être un jour, il se pose une question morale et politique.
Ayant été maire d'Annonay pendant dix ans,…
…j'ai eu maintes occasions d'être en conflit ou en opposition avec les gouvernements qui se sont succédé, mais jamais je n'ai pris les usagers en otages.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Jamais je n'ai fait usage des services municipaux pour instrumentaliser un procès politique, encore moins un procès en légitimité.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Jamais je n'ai fait peser sur la collectivité quelque pression que ce soit – que ce soit pour faire grève ou pour prendre son poste. C'est un principe de neutralité, mais aussi de respect et de responsabilité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Demain, le prix des péages va augmenter de 4,75 %. Comme d'habitude, vous invoquez l'inflation pour vous dédouaner, mais les Français doivent savoir qu'en l'occurrence, cet argument est faux.
Nous apprenons l'existence d'un rapport de l'Inspection générale des finances, l'IGF, déposé sur votre bureau en 2021 et opportunément resté dans un placard à quelques mois de l'élection présidentielle.
Nous apprenons que, depuis 2006, la rentabilité des grandes sociétés d'autoroutes serait passée de 7 à 12 %. L'IGF indiquerait qu'avec la même qualité de service public, le prix des péages pourrait être baissé – écoutez bien – de 60 %. Enfin, si nos autoroutes étaient toujours exploitées par l'État, les caisses pourraient récolter 50 milliards. Vous cherchez de l'argent pour équilibrer le système des retraites. Au lieu de faire de la casse sociale, allez chercher cet argent dans la poche des actionnaires des sociétés autoroutières.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, je vous ai envoyé la semaine dernière un courrier. Vous devez communiquer ce rapport à la représentation nationale. Vous avez dit tout à l'heure que vous refusiez de le faire. Que cachez-vous ? Dans le même temps, vous osez vous féliciter d'une baisse de 5 % des tarifs des péages pour les plus riches qui achètent une voiture électrique. Il est inacceptable que les Français qui bossent trinquent sur l'autel de la rentabilité des grandes entreprises autoroutières.
Jean-Luc Mélenchon, sors de ce corps !
Depuis des années, Marine Le Pen demande la nationalisation des autoroutes car il s'agit là du bien commun des Français. De façon plus générale, votre gouvernement a passé les six dernières années à matraquer les automobilistes avec une constance qui frise le sadisme. Vous refusez de baisser les taxes sur le carburant – vous les avez même augmentées. Vous instaurez des ZFE, des zones à faible émission, pour empêcher les plus modestes d'accéder aux centres-villes. Vous avez misé sur une politique de sécurité routière reposant sur le tout-répressif.
Ma question est donc la suivante : quand arrêterez-vous de matraquer les automobilistes et défendrez-vous enfin le pouvoir d'achat des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Votre intervention comporte deux parties. La première, portant sur un sujet spécifique, rejoint totalement la question posée par votre collègue de La France insoumise. Cela nous rappelle que les propositions de Marine Le Pen sont les mêmes que celles de Jean-Luc Mélenchon.
L'une d'elles consiste à dépenser 40 milliards pour racheter des sociétés d'autoroute.
Cela signifie que l'on consacrerait précisément l'argent des Français à un tel rachat alors qu'on pourrait l'utiliser d'une autre manière.
Vous affirmez que nous invoquons l'inflation. Or la question n'est pas là. Il faut savoir que des contrats ont été passés au milieu des années 2000 – ni vous ni moi n'étions alors dans cette assemblée. Ces contrats mentionnent des clauses, l'une d'elles portant sur l'inflation. L'indexation du prix sur l'inflation date donc de cette époque. La réalité, c'est que nous ne pouvons augmenter les taxes et les règles que dans le cadre juridique applicable. Or c'est exactement ce que nous faisons.
Deux contentieux sont en cours, notamment à la suite de la disposition votée dans le cadre de la loi de finances de 2020.
Je vous redonnerai mon adresse car je n'ai pas reçu de courrier de votre part me demandant la communication de quelque rapport que ce soit.
Répondez déjà aux questions écrites ! Si vous avez besoin de travail, on va vous donner une liste !
La raison est relativement simple : vous savez très bien qu'en 2020 et 2021 je n'occupais pas cette fonction.
L'autre partie de votre question dépasse ce cadre précis. Vous estimez que le problème serait celui du matraquage systématique des automobilistes. Je sais que vous êtes partisan d'un retour inconditionnel à l'autorisation de rouler à 90 kilomètres à l'heure,…
…au permis à vingt-quatre points plutôt qu'à douze…
…et à un modèle consistant à encourager les Français à se déplacer en automobile.
Celui qui défend une vision idéologique, c'est vous.
Notre préoccupation constante est la protection des Français. Cela vaut pour les règles en matière de sécurité routière, pour le problème de surmortalité liée à la pollution de nos villes et aux moteurs diesel…
…mais aussi pour la lutte contre le dérèglement climatique.
Je fume des Gauloises et je roule en diesel, ça vous pose un problème ?
Votre scepticisme vis-à-vis de ces enjeux explique sans doute la radicalité de vos positions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous ne m'avez pas répondu. J'aimerais savoir si le rapport nous sera communiqué.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Rude journée pour vous, monsieur le ministre du travail. Si l'on regarde la situation un peu froidement, avec du recul, vous êtes en fâcheuse posture.
Vous avez essayé d'imposer une réforme qui n'a pas de majorité, l'ensemble des organisations syndicales appelle à manifester et le pays est dans la rue de manière encore plus forte aujourd'hui. Il faut mesurer l'ampleur de la colère. Même dans votre majorité et sur les bancs de la droite, le doute s'est installé. Vous avez pourtant déployé une énergie considérable à essayer de convaincre, de discréditer ou de décourager.
Et maintenant, il faut écrire le scénario du retrait, de l'abandon de cette réforme manifestement illégitime. C'est le plus sage. C'est ce qui vous honorerait le plus. Tout le monde louerait votre esprit de lucidité et de responsabilité.
Car personne ne vous croit quand vous parlez de justice et de progrès social ou quand vous vous présentez en sauveur du système. Tout le monde a bien compris la brutalité de cette réforme, la dégradation sans justification du droit à la retraite – deux ans de volés. Tout le monde a bien compris que votre projet était d'allonger le temps de travail d'un maximum de personnes et de faire baisser les pensions des autres.
Finalement, il faut le prendre avec philosophie : vous avez essayé, vous n'avez pas réussi.
La République va mieux quand le Gouvernement est en phase avec la volonté populaire, elle en sort grandie quand on trouve l'issue d'un conflit et l'apaisement dans la justice.
Ce sera un moment désagréable à passer – je ne veux pas vous le cacher – mais il faut s'y préparer. Le plus tôt sera le mieux. Vous serez soulagé ensuite, et le monde du travail aussi.
La seule issue raisonnable, c'est de renoncer. Je comprends bien que vous n'allez pas pouvoir me le dire là, maintenant, tout de suite…
Mais si, tout de suite !
…d'autant plus que je souhaitais au départ m'adresser à la Première ministre – mais elle est partie. Dites-nous au moins à quelle heure vous avez rendez-vous pour réévaluer la situation et quel pourrait être le calendrier d'une telle annonce.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Je vous remercie pour vos propos et pour la bienveillance avec laquelle vous exprimez votre crainte que ce soit pour moi un moment désagréable à passer. Si je n'ai aucun doute s'agissant de votre bienveillance à mon égard, je ne suis pas tout à fait convaincu que ce soit votre première priorité cette semaine.
Vous me demandez d'écrire le scénario du retrait. Or nous le connaissons déjà : si nous retirions cette réforme, le système serait déficitaire et s'écroulerait.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Le niveau moyen des pensions des retraités baisserait de 20 %, comme l'a indiqué le Conseil d'orientation des retraites. Je ne suis pas sûr que vous souhaitiez la fin du système par répartition,…
Il n'est pas menacé, nous avons des solutions alternatives, nous allons en discuter pendant deux semaines !
…je suis encore moins convaincu que vous soyez favorable à une baisse du niveau de vie relatif des retraités. Vous souhaitez protéger ces derniers ainsi que notre système, nous aussi. C'est la raison pour laquelle nous défendons cette réforme.
Elle permet en effet d'équilibrer et de pérenniser le système, de la manière la plus juste possible.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Réforme des retraites
Je veux prendre le relais de mon collègue de Mayotte et exposer la réalité des retraites sur ce territoire.
On compte 2 615 retraités à Mayotte. Vous les avez oubliés et nous invitez à réfléchir ensemble à leur situation ; soit. Gagnons un peu de temps et rappelons que le plafond, qui sert de base de calcul pour la sécurité sociale, est fixé par le Gouvernement à 65,3 % du montant national. C'est votre entière responsabilité. Paris nivelle Mayotte par le bas.
En effet, la retraite moyenne s'élève à 276 euros par mois à Mayotte, en deçà du seuil national de pauvreté. Nos anciens y sont condamnés à l'indignité, le système leur promet l'indigence.
La retraite la plus faible s'y élève à 9 euros par mois. Sachez que cela correspond au prix d'un pack d'eau puisque nous n'avons pas assez d'eau potable.
Car il est impossible de parler des retraites sans évoquer le coût de la vie, celui du panier alimentaire étant, je vous le rappelle, 60 % plus cher à Mayotte. L'inflation y dépasse celle de l'Hexagone, atteignant 7,1 % sur notre île. Au 1er janvier, le Smic est passé à 1 709,28 euros en métropole et à 1 290 euros à Mayotte. Nous travaillons tout autant – je rassure tout le monde –, pourtant nous sommes payés 419 euros de moins. Encore une discrimination par décret, une pauvreté systémique pour nous, Mahoraises et Mahorais.
Vous parlez de justice à propos de cette réforme qui ne propose rien pour Mayotte, rien pour les ultramarins, rien pour les fonctionnaires ultramarins qui voient s'éteindre l'indemnité temporaire de retraite. Or ces personnes demandent simplement de pouvoir cotiser davantage pour espérer une retraite digne. Quelle justice pour les travailleurs et pour les retraités de Mayotte ? Quelles mesures proposez-vous ?
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Tout d'abord, nous n'avons pas oublié les retraités de Mayotte. Dans ma réponse à M. Kamardine, j'ai dit que nous savions très bien quelle était la situation particulière du régime de retraites sur cette île. Je le répète, il est très récent puisque le régime de base obligatoire a été créé en 1987. Il n'existe pas de régime complémentaire obligatoire et l'on ne dénombre aujourd'hui que 2 500 pensionnés environ.
Lorsque nous reconstituons la carrière des salariés concernés, il apparaît que seules neuf années ont été réellement cotisées, même si nous savons que cette situation est le fruit d'une histoire administrative plus longue à construire.
Nous observons actuellement des points de convergence, s'agissant de l'assiette de cotisation – fixée jusqu'en 2036 –, du nombre de trimestres exigés pour avoir droit à une retraite à taux plein tout comme des questions relatives aux complémentaires que j'ai évoquées dans ma réponse à votre collègue.
Madame la députée, j'aimerais aller au bout de ma réponse.
Vous l'avez dit vous-même, la retraite moyenne à Mayotte est de 276 euros. Est-ce acceptable ? Non. Ce problème est-il simple à résoudre ? Non plus. Serait-il possible d'appliquer le projet que nous défendons à la situation des assurés et des pensionnés de Mayotte ? Ce n'est pas souhaitable car les paramètres de cette réforme ne correspondent pas à la situation que vivent là-bas les assurés aussi bien que les pensionnés.
Je l'ai dit à M. Kamardine : mettons à profit cette période d'examen du texte pour travailler à l'accélération de la convergence, ce qui passe – parmi tous les autres paramètres – par une revalorisation des pensions. Je ne sous-estime pas le travail qui nous attend et je sais combien la colère que vous exprimez aujourd'hui à travers votre question traduit une réelle impatience. Mettons-nous tout simplement au travail.
Le projet, tel que nous le défendons ne serait pas bon s'il était appliqué à Mayotte. En revanche, nous devons profiter du débat pour apporter des réponses à ceux que vous représentez ici.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Hélène Laporte.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (n° 761).
La parole est à M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Au moment de présenter les grandes lignes de l'accord trouvé entre nos assemblées sur ce texte visant à l'accélération du déploiement des énergies renouvelables, je souhaite avant tout remercier la ministre Agnès Pannier-Runacher d'avoir présenté ce projet de loi important pour notre transition énergétique, ainsi que les rapporteurs des deux chambres mais aussi tous les députés et tous les sénateurs qui ont contribué à l'enrichir. Ce texte, en effet, est le fruit d'une construction partagée. Ainsi, à l'Assemblée nationale, environ 40 % des amendements adoptés en séance sont issus de l'opposition et, lors de la préparation de la commission mixte paritaire – CMP – avec le Sénat, les discussions ont été intenses et longues, mais ont toujours permis de trouver des compromis. Pour ce qui me concerne, je me suis particulièrement attaché à améliorer l'articulation entre le déploiement des énergies renouvelables et le droit de l'urbanisme, en particulier à l'article 3 du texte, sur lequel a porté une partie des débats.
Nos efforts collectifs, j'en suis convaincu, ont permis d'aboutir à une planification efficace et cohérente, centrée sur les besoins de nos territoires et ayant trouvé l'équilibre entre l'accélération de la transition énergétique et la sécurisation de nos collectivités : je pense notamment à la logique ascendante de cette planification introduite par les sénateurs, notamment par Didier Mandelli, qui place les communes au cœur du dispositif. Elles sont en effet les premières concernées par les installations de production d'énergies renouvelables et doivent pouvoir y associer étroitement les populations. Nous leur confions ainsi la mission importante d'identifier des zones d'accélération d'énergies renouvelables qui ouvriront des droits à des régimes financiers et administratifs préférentiels, à l'exemple des possibilités offertes aux sociétés d'économie mixte – SEM – dans les zones d'activités. En outre, les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – et les schémas de cohérence territoriale – Scot – seront étroitement associés à cet effort, et je veux en remercier le groupe Socialistes qui a tenu cette ligne d'un bout à l'autre.
Le référent préfectoral aux énergies renouvelables, autre ajout salutaire du projet de loi, établira la cartographie des zones d'accélération, le comité régional de l'énergie indiquant sous la forme d'un avis s'il estime que les zones définies sont suffisantes par rapport aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie – PPE – et, en cas d'insuffisance, les communes devront revoir leur copie.
Le texte de la CMP enrichit également le projet de loi en ce qui concerne les secteurs d'exclusion en élargissant la faculté de prendre de tels territoires aux communes dotées d'une carte communale et, par le biais du Scot, à celles en RNU, c'est-à-dire soumises au règlement national d'urbanisme, répondant ainsi à une demande légitime du groupe LIOT. La rédaction adoptée prévoit que de tels secteurs ne peuvent être définis qu'après validation d'une cartographie suffisante des zones d'accélération, une démarche qui placera les communes au centre de l'effort de planification écologique avec l'accompagnement de l'État, sans oublier les intercommunalités qui veilleront à la cohérence de cet effort collectif.
Autre enjeu de la transition énergétique : permettre au réseau public de transport et de distribution d'électricité de s'adapter rapidement à la multiplication des sites de production et à la montée en puissance des besoins. C'est pourquoi nous avons décidé d'inscrire dans la loi, à l'article 6, l'évolution du régime de raccordement des réseaux qui vise, pour l'essentiel, à accélérer les procédures, voire à les anticiper.
J'en viens aux autres dispositifs examinés par la commission des affaires économiques, ce qui m'amène à saluer tout particulièrement le travail du rapporteur Éric Bothorel, qui a mené des discussions sur un très grand nombre de dispositions de toute première importance. Ainsi, l'accord avec le Sénat sur les articles 8 à 10 permet de libérer le foncier nécessaire au développement des énergies renouvelables en mobilisant les domaines publics mais aussi en ouvrant des dérogations – très encadrées – aux lois « littoral » et « montagne ».
Par ailleurs, l'installation de méthaniseurs en zone agricole a été sécurisée juridiquement à l'article 16 nonies tout en assurant un développement raisonné et raisonnable de cette source d'énergie.
À l'article 18, la CMP a définitivement supprimé le dispositif de partage de la valeur avec les clients résidentiels. En revanche, les porteurs de projets devront financer des initiatives locales émanant des communes ou des intercommunalités, ou bien encore des projets de protection et de sauvegarde de la biodiversité. Je tiens à saluer les progrès importants qui ont été réalisés sur la question majeure de l'agrivoltaïsme, sur laquelle je laisserai mon collègue Bothorel revenir en détail. Le compromis trouvé…
Sourires.
…permet de concilier utilement l'incitation à ces pratiques et leur encadrement, pour préserver nos zones agricoles et forestières, dans le respect des positions de l'Assemblée, en réglementant les ouvertures d'installations par la mise en place d'un document-cadre.
La commission mixte paritaire a surmonté un véritable défi en accélérant de façon décisive le déploiement local des énergies non renouvelables sans pour autant remettre en cause le principe de la concertation et de l'acceptabilité. Les élus et les populations seront toujours mieux associés aux projets car ce n'est qu'au prix d'un tel renforcement des instances de concertation et de démocratie locale que notre transition écologique peut être menée à bien.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem.
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Après presque cinq heures de réunion en CMP, l'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Les deux chambres avaient parfois des attentes divergentes et des logiques différentes, mais nous avons recherché un accord politique qui tienne compte de la nécessité d'aboutir à un texte ambitieux tenant compte des défis énergétiques et climatiques.
L'accord obtenu permet de préserver l'ambition initiale du texte et même de l'enrichir encore en y intégrant de nombreux apports venus des différents groupes politiques lors de la première lecture. Je tiens évidemment à saluer l'ensemble des rapporteurs de ce texte, mes collègues Aude Luquet, Henri Alfandari et Éric Bothorel, ainsi que nos homologues au Sénat, Didier Mandelli et Patrick Chauvet, avec qui nous avons mené un travail de concertation approfondie dans la perspective d'améliorer et de consolider les dispositions adoptées lors de la première lecture. Je me réjouis tout particulièrement de la qualité des discussions entre l'Assemblée nationale et le Sénat : nos échanges ont été denses et exigeants, mais toujours marqués par une capacité d'écoute et de dialogue qui nous a permis d'aboutir à l'élaboration d'un texte commun. Je tiens également à remercier les différents responsables de ce texte qui ont contribué à faire aboutir cet accord, dont Laurence Maillart-Méhaignerie, Luc Lamirault et Bruno Millienne pour la majorité, ainsi que Sébastien Jumel, Emmanuel Maquet et Clémence Guetté, entre autres.
Je présenterai brièvement les éléments-clés des évolutions relatives aux articles dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, à savoir ceux des titres Ier A, Ier , III et III bis .
Le titre Ier A est consacré aux mesures favorisant l'appropriation territoriale des énergies renouvelables. Après avoir beaucoup évolué au gré de son examen par les parlementaires, le contenu de ce titre s'est stabilisé autour de plusieurs dispositions permettant la bonne insertion paysagère des énergies renouvelables. L'article 1er BA prévoit ainsi que les schémas de cohérence territoriale intègrent l'insertion et la qualité paysagères des activités concernées en leur sein, tandis que l'article 1er CBA acte la prise en compte de la saturation visuelle dans les autorisations accordées.
Le titre Ier vise, lui, à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, de la phase d'instruction jusqu'au raccordement. Lors de la CMP, nous avons amélioré la lisibilité de l'article 1er relatif à la procédure d'autorisation environnementale en recentrant son contenu sur trois mesures claires, consensuelles et désormais pérennes : la première ouvre la possibilité pour l'autorité administrative compétente de rejeter une demande d'autorisation pendant la phase d'examen ; la deuxième porte sur l'amélioration de la diffusion de l'information ; la troisième concerne la suppression du certificat de projet. En outre, l'article 4 reconnaît une raison impérative d'intérêt public majeur à certains projets d'installation d'énergies renouvelables, et il a été réajusté pour supprimer la référence gaz bas-carbone et pour inclure dans le champ du dispositif les stations de transfert d'énergie par pompage, les fameuses Step. Nous avons également réintroduit l'article 5, consacré aux litiges, dans une version proche du projet de loi initial, ce qui permettra de rationaliser les procédures contentieuses sans – cela va de soi – remettre en cause ni entraver d'aucune manière les droits au recours.
Le titre III vise à accélérer le développement des installations de production d'énergie renouvelable en mer selon un cadre planifié, défini à l'article 12, dont la CMP a consolidé la rédaction sur le plan juridique pour le rendre plus efficace. Je note d'ailleurs qu'un effort de clarté a été accompli ; je tiens, pour la deuxième fois, à saluer notre camarade Jumel. Désormais, cette planification se fera dans le cadre de la révision des documents stratégiques, façade par façade ; une première cartographie des zones prioritaires pour le développement de l'éolien en mer sera réalisée dès 2024 – c'est désormais écrit noir sur blanc, de la manière la plus claire qui soit.
Le développement de l'éolien en mer est une source de dynamisme économique pour nos ports. L'article 15 ter, dont la rédaction a été renforcée par la commission mixte paritaire, prévoit à ce sujet un soutien de l'État aux opérations d'aménagement des infrastructures portuaires, industrielles et logistiques. J'espère que cela inspirera certaines mesures du futur projet de loi sur l'industrie verte.
Enfin, le titre III bis comprend une série de mesures portant sur des énergies renouvelables aussi diverses que la pico-hydroélectricité ou la géothermie. Là encore, la CMP a été l'occasion d'améliorer la rédaction du texte. En particulier, elle a fait évoluer la rédaction de l'article 16 quater B pour clarifier l'extension des missions du médiateur de l'hydroélectricité et mieux articuler son action avec celle du médiateur des énergies renouvelables.
En conclusion, je vous invite à voter le texte adopté par la commission mixte paritaire pour deux principales raisons. Premièrement, ce projet de loi est ambitieux et marque de très grandes avancées en faveur de l'écologie, de notre transition énergétique et de la souveraineté française. Deuxièmement, il est le fruit d'une concertation politique poussée et d'un travail parlementaire sérieux ; chaque groupe, grâce à sa vision et à l'adoption de ses amendements, a contribué à l'enrichir. Ce texte est pour les générations futures et les populations les plus exposées à ces dérèglements, qui comptent sur nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur les bancs des commissions.
Deux tiers : c'est la part d'énergies fossiles dans notre consommation finale d'énergie. Deux tiers de gaz, de fioul, de pétrole, dont nous ne pouvons pas nous passer aujourd'hui pour notre industrie, pour nous déplacer et nous chauffer ; deux tiers d'énergies fossiles importées, au détriment de notre balance commerciale comme de notre souveraineté.
Deux mille trente-cinq : c'est la date à laquelle vingt-six de nos cinquante-six réacteurs nucléaires arriveront au terme de cinquante années d'exploitation. Tous devront alors passer le cap d'un contrôle de sûreté approfondi pour être prolongés dix années de plus. Vous le savez, en matière énergétique, 2035 c'est demain.
Soixante pour cent : c'est, selon Réseau de transport d'électricité (RTE), la proportion d'électricité que nous devrons produire en plus à l'horizon 2050 pour répondre aux besoins croissants d'électrification de l'industrie, des transports et des bâtiments, si toutefois nous voulons devenir le premier grand pays industriel au monde à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone.
Ce projet de loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables est une réponse à ces trois chiffres : trois chiffres qui soulignent la nécessité d'agir ; trois chiffres qui démontrent à quel point notre pays se trouve à un tournant historique. Si nous voulons devenir enfin maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d'aucune énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, tant la marche à franchir est haute.
Nous devons accélérer. Accélérer, car nous sommes le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables. Accélérer, car face au dérèglement climatique, tous les scientifiques nous disent que nos prochains objectifs devront être encore plus ambitieux.
Voici l'ambition de ce texte : lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets d'énergie renouvelable – ni plus, ni moins. Il ne s'agit ni d'allouer des moyens financiers, qui sont déjà prévus dans le projet de loi de finances, ni d'anticiper la future loi de programmation sur l'énergie et le climat, dont nous cernons déjà les contours, ne serait-ce que parce qu'elle nous conduira à déployer plus d'énergies renouvelables.
Pour répondre à cette ambition d'accélération, j'avais pris un engagement devant vous, celui de coconstruire ce texte avec tous ceux qui veulent agir pour le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de nos entreprises, avec tous ceux qui veulent défendre l'indépendance industrielle, énergétique et politique de notre pays, avec tous ceux qui veulent véritablement lutter contre le dérèglement climatique.
Après plus de quatre-vingt-dix heures de débats en commission, puis en séance, et l'adoption de 645 amendements qui, pour près de la moitié, étaient défendus par les groupes d'opposition,…
Sourires.
…de droite comme de gauche, vous avez fini par voter le texte en première lecture, à rebours des caricatures que l'on entend parfois. Nous pouvons être fiers de notre démocratie parlementaire et de cette méthode inédite de coconstruction.
Pour la première fois, nous créons un système de planification qui met les élus locaux au centre du jeu, qui leur fait confiance. La commission mixte paritaire a permis de préciser le dispositif, en simplifiant le système et en conférant aux comités régionaux de l'énergie un rôle de vigie sur les zones d'accélération et d'exclusion, eu égard aux futurs objectifs de la programmation pluriannuelle régionalisée. Je le rappelle : pas de zones d'accélération, pas de zones d'exclusion. C'est un levier offert aux élus pour aménager leur territoire en décidant des zones dans lesquelles ils vont en priorité développer des projets d'énergies renouvelables. Le pouvoir de proposition revient aux élus et ce sont eux qui ont le dernier mot sur le zonage. En conséquence, aucune commune ne pourra se voir imposer la création d'une zone d'accélération sur son territoire. Cependant, la somme des potentiels de ces zones devra être à la hauteur des ambitions de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
J'en viens au développement de l'agrivoltaïsme. Je l'ai maintes fois répété, notre objectif est de concilier l'indépendance alimentaire et l'indépendance énergétique. Avec ce texte, sur lequel vous vous prononcerez aujourd'hui, je crois pouvoir dire que nous sommes à la hauteur de l'enjeu. Pour la première fois, nous donnons, en droit, une définition de l'agrivoltaïsme avec des conditions et un encadrement équilibrés et clairs. Le texte vient également encadrer l'installation de panneaux photovoltaïques sur le sol agricole, afin qu'aucune terre fertile ne soit sacrifiée et qu'aucune forêt ne soit inutilement coupée.
En effet, nous favorisons l'accélération des énergies renouvelables dans les zones déjà artificialisées. En la matière, les bâtiments constituent une priorité ; au reste, vous aviez déjà voté des mesures importantes dans le cadre de la loi « climat et résilience ». Nous avons rehaussé les objectifs de développement de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments neufs et lourdement rénovés. Surtout, la commission mixte paritaire a renforcé l'ambition du texte sur les bâtiments existants. Elle a introduit l'obligation de couvrir les bâtiments non résidentiels ayant une emprise au sol au moins égale à 500 mètres carrés d'un procédé de production d'énergies renouvelables, soit d'un système de végétalisation. Je salue cette avancée, qui était attendue par plusieurs groupes.
Par ailleurs, nous avons facilité l'implantation de projets d'énergies renouvelables sur tous les délaissés routiers, ferroviaires et fluviaux – c'est une avancée massive et inédite. En outre, nous avons retenu un seuil obligatoire pour l'installation d'ombrières sur les parkings de 1 500 mètres carrés, ce qui va considérablement augmenter le nombre de parkings soumis à cette obligation.
Ces avancées représentent en potentiel, et hormis la réalisation d'autres projets, l'équivalent de sept années de production d'énergie par des installations photovoltaïques. Ces avancées n'étaient pas écrites ; c'est grâce à vos propositions et à nos échanges que nous avons encore rehaussé notre exigence.
Le partage de la valeur figure aussi parmi les apports majeurs de ce texte. Il doit permettre que les habitants des communes tirent directement parti des retombées des projets d'énergies renouvelables et qu'ils soient associés à leur réussite. La création d'un fonds de financement d'action locale pour les collectivités et d'un fonds dédié à la biodiversité, de même que l'ouverture d'un financement participatif associant les habitants aux projets, sur leur territoire, sont des apports essentiels, que nous avons soutenus.
Nous avons entendu certaines craintes. Nous avons complété ces dispositifs en permettant aux collectivités de soutenir directement leurs habitants, notamment les ménages en situation de précarité énergétique.
Enfin, je me réjouis que ce texte comporte des mesures facilitant le développement des énergies renouvelables dans les territoires d'outre-mer, sans lesquelles il n'aurait pas été complet. Les énergies renouvelables sont en effet stratégiques pour assurer l'autonomie des territoires ultramarins, d'autant que plusieurs d'entre eux connaissent des difficultés en la matière. Je tiens donc à remercier les députés d'outre-mer et, plus largement, des zones non interconnectées, pour le travail collectif mené sur ces sujets.
Mesdames et messieurs les députés, nous avons démontré que les chemins pour bâtir des compromis existent. Il s'agit désormais de les emprunter, pour agir et lutter contre le dérèglement climatique, pour construire notre indépendance énergétique, pour protéger le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de nos entreprises.
Face à de tels enjeux, nous n'avons pas le luxe de nous retrancher derrière des postures idéologiques. Certains diront que le texte ne va pas assez loin parce qu'il refuse de sacrifier la biodiversité et notre souveraineté alimentaire pour construire n'importe où des installations de production d'énergies renouvelables, d'autres parce qu'il reconnaît le rôle clé des élus de terrain pour mettre en œuvre notre politique énergétique. Cela signifierait que vous préféreriez l'immobilisme à l'action, l'inaction climatique à la responsabilité. C'est d'autant plus surprenant que certains, sur ces bancs, ont fait de l'accélération de la production d'énergies renouvelables l'alpha et l'oméga de leur programme en matière énergétique.
Les Français et les élus de terrain, eux, ne s'y sont pas trompés. Ils appellent de leurs vœux l'adoption de ce texte. Je ne peux que vous dire : entendez leur appel !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
Et vous, entendez l'appel des Français qui manifestent dans la rue aujourd'hui !
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission mixte paritaire.
Trois mois : c'est le temps qu'il aura fallu pour que notre parlement examine ce projet de loi sur les énergies renouvelables. Trois mois, c'est assez peu au regard d'un processus certes classique mais nécessaire, compte tenu de l'urgence. L'accord trouvé en commission mixte paritaire, qui nous réunit aujourd'hui, symbolise notre volonté d'avancer ensemble ; il est bienvenu dans un contexte politique et géopolitique plus que jamais tendu.
Accélérer le développement des énergies renouvelables est indispensable pour assurer notre souveraineté énergétique, pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et ainsi diminuer notre niveau d'émissions de gaz à effet de serre. Nous devons à nos générations futures un mix énergétique vertueux. N'est-il pas évident d'utiliser les potentialités durables que notre planète nous offre, telles que le vent, le soleil ou la houle, pour produire de l'énergie propre ? C'est tout l'objet du projet de loi qui est soumis à votre vote. Chers collègues, nous avons su, ensemble,…
…l'enrichir, en insistant sur la nécessaire planification dans nos territoires – oui, monsieur Jumel ! Nous le savons, la transition énergétique passera par le terrain. C'est la raison pour laquelle les communes…
…sont au cœur de notre stratégie énergétique : nous avons décidé d'un meilleur partage du bénéfice des installations d'énergies renouvelables entre les porteurs de projets et les communes. Ce nouveau partage de la valeur permettra également de financer des mesures en faveur de la biodiversité – quelle avancée majeure !
Par ailleurs, nous avons donné à d'autres acteurs la possibilité de produire des énergies renouvelables. C'est le cas de nos agriculteurs, qui peuvent désormais développer des installations agrivoltaïques tout en préservant leur capacité de production agricole. De plus, dans cette perspective d'accélération, nous favorisons l'implantation d'installations de production d'énergies renouvelables sur des terrains déjà artificialisés. Je pense notamment aux délaissés autoroutiers, aux friches, aux entrepôts ou encore aux parkings.
Cette accélération passe aussi par un article essentiel qui a fait l'objet de nombreux débats au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, puis en séance. Je veux parler de l'article 4, qui permet la reconnaissance de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) pour certains projets d'énergies renouvelables.
Le présent texte est certes fondamental, mais il ne constitue pas l'alpha et l'oméga de notre stratégie énergétique. Les sources d'énergie renouvelable ne s'opposent pas ; l'enjeu est de travailler à leur complémentarité.
Ce qui nous réunit ici – « ensemble », comme dirait M. Jumel –, c'est un accord en commission mixte paritaire. Soyons fiers du travail réalisé ensemble, avec nos collègues sénateurs, dont je salue l'engagement et l'esprit constructif.
Cet accord en CMP, fruit d'un travail collectif et exigeant, est une victoire pour notre parlement. C'est également une victoire pour notre souveraineté énergétique. Telle est l'assemblée que je souhaite mettre en avant : celle qui travaille ensemble pour trouver des compromis et faire avancer notre pays. Tout cela, nous l'avons fait dans un dialogue constant, notamment avec Mme la ministre, que je remercie.
À chaque étape de l'examen du texte, on nous disait que c'était impossible. Pourtant, nos commissions ont su travailler de concert, et je salue à cet égard mon collègue Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques. On nous disait aussi qu'une majorité serait difficile à trouver. Pourtant, nous l'avons fait, et je remercie tous mes collègues, les rapporteurs et les oppositions, qui ont su, dès le stade de la commission, travailler collectivement pour parvenir à cette CMP conclusive. C'est là un exemple. Gageons que nous pourrons reproduire à l'avenir, sur d'autres textes, de tels débats constructifs, car seul l'intérêt général doit guider nos actions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je rappelle que, lors de la lecture des conclusions d'une commission mixte paritaire, les interventions dans la discussion générale valent explications de vote.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Sébastien Jumel.
De mémoire de député, je n'ai jamais connu de CMP aussi ubuesque et opaque, aussi peu transparente sur la nature des accords conclus. À force de vouloir négocier avec tout le monde, on finit par négocier avec soi-même !
Pour reprendre un terme employé par le ministre de l'intérieur, qui semble préoccupé par un état d'esprit qui conduirait au bordel permanent, peut-on dire que le texte règle le bordel qui règne dans le pays en matière d'énergies renouvelables ? Non, bien évidemment, il ne règle rien de ce bordel organisé.
D'abord, vous vous révélez incapables de reprendre la main sur le marché et d'incarner un État stratège, qui planifie et régule. J'en veux pour preuve que la crise énergétique s'enkyste. La semaine dernière, j'ai réuni les boulangers de ma circonscription, et les mesures que vous proposez ne résolvent pas leurs problèmes. Chaque jour, je suis saisi par des entreprises de mon territoire, notamment des PME, qui me disent que votre incapacité à reprendre la main sur la construction des prix va fragiliser leur souveraineté.
Autrement dit, ce texte ne remet pas en cause la sacro-sainte règle du marché qui se régale de tout.
Ensuite, pour en venir au texte lui-même, vous avez refusé de prendre en considération des propositions solides et pragmatiques qui auraient permis de définir des seuils de saturation, afin d'éviter la situation que nous connaissons dans les Hauts-de-France, dans le nord de la Seine-Maritime et dans le Grand Est, à savoir un trop-plein d'énergies renouvelables qui étouffe et humilie les territoires.
M. Jean-Louis Bricout acquiesce.
Nous voudrions mieux partager, avec d'autres, l'effort de développement des énergies renouvelables.
Vous avez refusé de prendre en considération, en les rejetant parfois de quelques voix à peine, des amendements solides relatifs à la commande publique et au relèvement du niveau d'exigence environnementale, qui auraient permis de structurer des filières de production made in France.
Vous avez gravé dans le marbre de ce texte un grand nombre de reculs démocratiques et environnementaux, toujours au nom du marché qu'il faudrait satisfaire. Vous avez rétabli au forceps la raison impérative d'intérêt public majeur, que plusieurs d'entre nous considéraient comme une ligne rouge à ne pas franchir si l'on voulait garantir une bonne acceptabilité du développement des énergies renouvelables.
Enfin, malgré les efforts sérieux et sincères des rapporteurs, que je reconnais, vous aboutissez à une planification complètement alambiquée et floue. Vous sous-entendez que les maires pourraient reprendre la main sur la définition des zones propices ou des zones d'accélération, selon l'appellation retenue, mais ne dites rien du fait que les préfets pourront continuer à favoriser le développement de projets dans les zones qui n'auront pas été définies comme prioritaires par les élus de proximité, tout en concédant aux intercommunalités la possibilité d'émettre, dans le cadre des Scot, des avis dont on ignore s'ils seront conformes, simples ou uniquement destinés à amuser la galerie.
S'agissant des énergies renouvelables en mer, je concède que vous avez progressé, sur notre proposition, en ce qui concerne l'élaboration des documents stratégiques de façade (DSF). Toutefois, vous êtes là encore restés au milieu du gué, en refusant de graver dans le marbre la protection de la pêche artisanale à dimension humaine, que la profession vous demandait, ainsi que la protection de la bande côtière, signe qui était attendu et aurait été apprécié par nos pêcheurs, confrontés au Brexit, à la pêche à la senne démersale et à de nombreuses autres pratiques qui pillent nos fonds et portent atteinte à l'identité de nos ports et à ce qui fait leur originalité.
Vous avez négligé nos propositions visant à sortir de la logique de marché. Vous persistez à ne pas vouloir promouvoir un concept qui pourrait être utile dans d'autres domaines : la loi qui protège, la loi qui prend soin, la loi qui favorise l'égalité territoriale et l'égalité républicaine. À un moment où, droits dans vos bottes, vous continuez à vouloir porter de rudes coups au modèle de protection sociale à la française,…
…à un moment où vous êtes confrontés à un blackout social, qui s'est exprimé lors de manifestations massives dans tout le pays, notamment dans les villes moyennes, le groupe communiste est heureux de vous confirmer qu'il votera contre ce mauvais projet de loi.
L'examen du présent texte aura été l'occasion de véritables échanges, de discussions souvent nourries en commission et en séance, mais aussi au ministère. Bien sûr, et c'est normal, tout le monde n'y trouvera pas nécessairement son compte. Néanmoins, je le dis en toute sincérité, notre groupe y a vu une certaine écoute et une certaine volonté de coconstruire la loi.
Oui, les députés du groupe LIOT ont pu noter un certain nombre d'avancées. C'est parce que la France est en passe d'échouer, de ne pas tenir ses engagements en matière de déploiement des énergies renouvelables, donc ses objectifs de décarbonation, que nous devons agir en responsabilité. Oui, nous considérons qu'accélérer est une nécessité, parce qu'il faut en finir avec les énergies fossiles ; parce que le nucléaire, malgré ses vertus, ne peut répondre à l'urgence immédiate ; parce qu'il faut tout simplement rattraper notre retard, afin de consolider le mix énergétique et de prendre en compte l'enjeu du réchauffement climatique.
Nos territoires y sont prêts, mais ils doivent être pris en considération et respectés. C'est une exigence ; c'est le mandat que nos populations nous ont donné. La transition écologique ne peut se faire contre les territoires, même les plus reculés, même les plus oubliés. Ils sont la France, nos paysages, notre patrimoine. En un mot, ils sont notre fierté. Oui, il faut produire mieux, plus vertueux et plus respectueux. Nous le devons à nos élus locaux et à notre population. Or, pour pouvoir accélérer, il faut paradoxalement savoir freiner, surtout là où l'acceptabilité fait défaut.
Madame la ministre, vous ne soupçonnez pas à quel point nos populations sont attachées à la beauté de nos territoires. Pour vous en convaincre je vous invite à découvrir le film La Guerre des Lulus, qui a été tourné chez moi, en Thiérache.
Vous y verrez l'abbaye de Saint-Michel, le familistère Godin, des bocages, des forêts. Les prises de vues sont exceptionnelles. À l'occasion d'une avant-première, j'ai assisté aux échanges entre l'équipe du film et le public local : vous n'imaginez pas la fierté sur les visages de nos administrés !
Cette terre a beaucoup donné, de tout temps d'ailleurs. Tel a été le cas lors du déploiement de l'éolien : les paysages sont ultra-saturés. Ce que veulent nos habitants, lorsque l'effort a été fait, lorsqu'ils n'en peuvent plus, c'est avoir les moyens de s'opposer à de nouvelles installations.
C'est pourquoi notre groupe défendait une planification globale, qui laissait la possibilité de définir à la fois des zones d'accélération et des zones d'exclusion. Nos propositions et nos discussions ont permis certaines avancées. La planification sera désormais possible, y compris dans les plus petites communes, qui sont couvertes par des cartes communales. C'était là une exigence forte de notre part.
Peut-être aurait-il fallu aller plus loin. Notre inquiétude la plus grande concerne l'entrée en vigueur de la planification, qui n'interviendra pas avant mai 2024. Autant dire que l'anarchie actuelle reste de mise. Il y a même un risque que les porteurs de projets n'accélèrent leur mise en œuvre avant que la loi n'empêche les moins souhaités d'entre eux. Nous aurions pu y remédier en instituant un taux d'effort, comme nous vous l'avions proposé. Il s'agirait de mieux reconnaître que certains de nos territoires se sont déjà beaucoup engagés en la matière.
Compte tenu de toutes ces critiques, il faut que vous votiez contre le texte !
Autre regret, malgré nos demandes répétées : nous n'avons pas avancé sur la question des zones non interconnectées. Pourtant, le développement des énergies renouvelables leur est indispensable pour progresser vers l'autonomie énergétique. Les appels d'offres sont trop peu réguliers ; le soutien à la géothermie et les financements demeurent insuffisants. Heureusement, vous avez affirmé une volonté d'adapter des dispositions aux spécificités des outre-mer et de la Corse, et nous vous en remercions.
À l'heure du bilan, à l'issue de nos débats, nous saluons le trajet parcouru par ce projet de loi : les quelques mesurettes techniques qu'il comptait initialement ont été étoffées par le travail parlementaire ; sur certains sujets, oppositions et Gouvernement ont malgré tout su converger.
Cela sera-t-il suffisant pour permettre une accélération du déploiement des énergies renouvelables ? Nous le souhaitons. Les mesures votées favoriseront-elles l'acceptabilité ? Nous l'espérons. En tous les cas, nous resterons vigilants sur ces deux points.
Ne pas voter cette loi, ce serait rester au point mort, tourner le dos à certaines avancées, laisser perdurer l'anarchie actuelle. C'est pourquoi la majorité du groupe LIOT votera en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. le président de la commission mixte paritaire et Mme Jacqueline Maquet applaudissent aussi.
La parole est à M. Éric Bothorel, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Le compromis est un art. D'après Georg Simmel, c'est même « une des plus grandes inventions de l'humanité ». Mardi dernier, députés et sénateurs ont élaboré un texte de compromis, sans compromissions : l'accélération du déploiement des énergies renouvelables est restée notre boussole, notre cap, pour offrir à notre pays les moyens de renforcer sa souveraineté énergétique et de réduire son impact carbone, tout en préservant la biodiversité et en agissant en faveur du pouvoir d'achat de nos concitoyens, dans un contexte géopolitique et énergétique troublé. La France répond présente pour relever ces défis.
Le texte issu de la CMP est le fruit d'un équilibre transpartisan et d'un travail de plusieurs mois. Je remercie chaleureusement mes collègues rapporteurs et tous les parlementaires qui se sont investis, sans compter leurs heures, de même que tous les acteurs de la filière qui se sont mobilisés, ainsi que les administratrices et administrateurs de l'Assemblée, qui ont fourni un travail formidable. Enfin, je tiens à saluer l'excellent travail de Mme la ministre et de son équipe, qui ont su, tout au long de l'examen du texte, faire vivre une méthode de coconstruction, la méthode Pannier-Runacher.
Le Sénat, qui a examiné le projet de loi avant l'Assemblée nationale, a considérablement enrichi le texte présenté par le Gouvernement, en y intégrant les dispositions d'une proposition de loi relative à l'agrivoltaïsme et en plaçant les collectivités territoriales au cœur de la stratégie d'accélération. Il a introduit des mesures de simplification en matière d'hydrogène, d'hydroélectricité et de biogaz. Il a en outre promu les projets d'autoconsommation portés par les communes ou les bailleurs sociaux.
L'Assemblée nationale a ensuite précisé plusieurs dispositions introduites par la chambre haute, tout en posant plusieurs principes forts pour la protection de la biodiversité. Camarade et collègue Jumel, je m'inscris en faux contre vos propos : nous n'avons nullement sacrifié la biodiversité, bien au contraire. Notre fil rouge a été de mobiliser tous les leviers d'accélération disponibles pour nos énergies renouvelables : la simplification des procédures, la libération du foncier, la mise en place de nouveaux leviers financiers. Le texte qui résulte de la CMP a maintenu ce cap.
L'agrivoltaïsme, intégré au texte par nos collègues sénateurs, est doté d'un cadre juridique solide. Les agriculteurs pourront désormais se saisir de ce nouvel outil au service de l'agriculture, sans que la production d'électricité vienne concurrencer la production et l'emploi agricoles, et sans que la qualité des sols soit altérée.
Je salue les apports de notre collègue Potier, mais aussi ceux venus des rangs écologistes et de La France insoumise, puisque nous avons travaillé ensemble avec Mme Guetté, M. Tavel, Mme Trouvé et M. Fournier.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Nous avons préservé les apports du Sénat, notamment la mention de l'agrivoltaïsme dans les objectifs de la politique énergétique nationale ainsi que les précisions sur la compatibilité entre l'agrivoltaïsme et les aides de la politique agricole commune (PAC) ; c'est le travail du côté droit de l'hémicycle, mais aussi de la majorité, qui a permis de progresser sur ces éléments. Le défrichement en zone forestière pour poser des panneaux photovoltaïques est désormais interdit au-delà de 25 hectares ; c'était une priorité pour les agriculteurs. Je me félicite du maintien de ces dispositions introduites par notre assemblée.
L'implantation de panneaux pourra être autorisée sur des sols incultes identifiés par un document-cadre établi sur la proposition des chambres départementales d'agriculture et publié par arrêté préfectoral pris après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées. On donne les clés du tracteur à celles et ceux qui le conduisent. Ce dispositif fait confiance aux acteurs locaux pour identifier les terrains les plus à même d'accueillir les installations, en articulation avec les zones d'accélération pour lesquelles mon collègue Henri Alfandari était le rapporteur.
La valeur générée par les énergies renouvelables sera partagée pour financer des projets des communes ou des EPCI ainsi que des projets de sauvegarde de la biodiversité. Parmi ces projets locaux, des mesures de lutte contre la précarité énergétique pourront être financées ; c'est un apport important du groupe socialiste à l'Assemblée que nous avons eu à cœur de conserver dans le texte final. Par ailleurs, pour assurer un raccordement effectif des éoliennes en mer, nous autorisons l'implantation d'ouvrages de transport d'électricité par dérogation à la loi « littoral ». Le Sénat a été entendu dans sa volonté de mieux associer les élus locaux à cette dérogation. Enfin, pour créer les conditions d'une concurrence équitable et pour que les énergies renouvelables constituent un vivier de richesses et d'emplois dans le territoire, nous confortons la possibilité d'exclure une offre contenant des produits issus de pays tiers qui n'ont pas d'accord de réciprocité pour les marchés relatifs aux installations et équipements de production d'énergies renouvelables.
Les équilibres dessinés par chaque chambre ont été respectés dans le projet de loi que nous votons aujourd'hui. Je souhaite que la méthode qui a guidé cet exercice de construction au-delà de nos familles politiques respectives puisse nous inspirer à l'avenir.
Avec ce texte relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, la France affirme son statut de puissance écologique et renforce son autonomie stratégique, tout en se donnant les moyens d'atteindre les objectifs européens de neutralité carbone à l'horizon 2050. Je m'inscris donc dans la continuité des propos de Mme la ministre : la France est au rendez-vous de l'histoire. Le groupe Renaissance votera en faveur de ce projet de loi ambitieux.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Merci pour le sketch, merci pour le spectacle, merci pour la pièce de théâtre qui nous a été offerte pendant près de cinq heures en commission mixte paritaire pour finaliser un texte visant à accélérer la déconstruction du modèle électrique français. Un scénario cousu de fil blanc où tout était négocié à l'avance entre les macronistes, les socialistes et les Républicains du Sénat.
Tout ce beau monde, main dans la main, qui ressuscite l'UMPS, qu'il convient désormais d'appeler LREM : cela pourrait être touchant, émouvant même, si les conséquences de cette manœuvre politique – dont on mesurera très prochainement, j'en suis sûr, l'étendue et le cynisme – ne s'annonçaient pas tragiques.
« Quelle mâle gaieté, si triste et si profonde / Que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer ! », écrivait Musset.
Oui, on devrait pleurer de voir avec quelle détermination vous vous employez à détruire un modèle fondé sur le nucléaire et l'hydroélectricité, garant de notre souveraineté énergétique et de notre compétitivité, qui fonctionnait depuis quarante ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On devrait pleurer de voir le niveau de soumission qui vous conduit à suivre les directives européennes, le petit doigt sur la couture du pantalon, et à embrasser le modèle allemand qui fait tourner à plein régime ses centrales à gaz et à charbon.
« Mais oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On devrait pleurer de voir à quel point votre écolo-hypocrisie sert à remplir les poches des promoteurs d'énergies intermittentes au détriment des Français et, en premier lieu, au détriment des riverains de ces projets qui, face au déploiement anarchique d'éoliennes gigantesques, ne peuvent désormais compter sur aucun autre groupe politique que celui du Rassemblement national.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Même les LR du Sénat, qui prétendaient défendre la ruralité, ont tout abandonné ; gageons que les maires des petites communes s'en souviendront aux prochaines élections sénatoriales.
Oui, on devrait pleurer. En réalité, les Français pleurent déjà quand on les menace de coupures en plein hiver, quand ils reçoivent leur facture d'électricité ou la nouvelle grille tarifaire multipliée par trois, par cinq, par dix. Allez demander aux boulangers, aux bouchers-charcutiers, à tous ces artisans que nous rencontrons dans nos circonscriptions et qui nous disent qu'ils vont crever ! Pas plus tard que tout à l'heure, le seul et unique boulanger de la petite commune du Cailar, dans le Gard, me disait au téléphone : « Je suis mort. » C'est ça, la réalité, chers collègues !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Oui, les Français pleurent : ils comprennent que si les factures flambent, c'est parce qu'au sein du marché européen de l'énergie, le prix de l'électricité dépend de celui du gaz, c'est-à-dire du coût de production de la centrale à gaz la plus chère. Et pourquoi active-t-on des centrales à gaz en Europe ? À cause des énergies intermittentes qui ne fonctionnent pas quand il n'y a ni vent, ni soleil. Ce matin, par exemple, l'électricité provenant du solaire représentait 0 % de l'électricité disponible en France ; du côté de l'éolien, c'était 4,8 %, avec 8 000 éoliennes. Je vous invite à vérifier par vous-mêmes. Avec ce texte, vous voulez multiplier les installations d'éoliennes et de panneaux solaires partout sur le territoire. Mais zéro fois zéro, cela fait toujours zéro !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Pierre Cordier applaudit également.
Je le redis ici : le développement irraisonné des énergies fatales que vous proposez est une erreur ; plus qu'une erreur, une forfaiture. Nous devons renouer avec ce qui a fait notre réussite, comme ne cesse de le proposer Marine Le Pen. Nous devons investir massivement dans le nucléaire et l'hydraulique, accélérer la construction de nouveaux réacteurs, entretenir nos barrages et encourager la recherche et le développement dans les énergies au potentiel important : l'hydrogène, la géothermie et la biomasse.
D'autant qu'à ce jour, nous n'avons aucune industrie nationale crédible en matière d'éolien et de photovoltaïque. En injectant des dizaines de milliards d'euros dans ces énergies, nous finançons donc des multinationales étrangères.
En plus d'être une absurdité sur le plan technique, énergétique et économique, rappelons une dernière fois que ces installations auront des conséquences importantes sur les paysages, sur la biodiversité – cela a été dit – et, bien sûr, des répercussions dramatiques sur la valeur du foncier, sur l'activité touristique et sur l'attractivité des territoires. Ce projet, dont la constitutionnalité pourrait être discutée, marque un point de rupture. C'est un véritable coup de force à l'encontre de la France périphérique, de la France des campagnes, cette même France qui encaisse sans rien dire, qui peine à se faire entendre et qui, pourtant, subit tant.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Alors que la classe politique française s'illustre une fois de plus par le décalage de la réponse apportée aux besoins actuels du pays, dans la perspective d'une réindustrialisation attendue et nécessaire, seuls les députés du RN font preuve de lucidité et d'ambition.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est pourquoi, chers collègues, nous voterons contre ce texte et appelons une dernière fois les députés courageux de cet hémicycle, s'il y en a, à faire de même. Beaucoup d'entre vous le savent, mais je le répète : le temps nous donnera raison.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avant d'aborder le fond du texte, je voudrais vous faire part de quelques réflexions générales.
La première est relative aux conditions même de l'examen du texte en CMP. La tenue de cette réunion à huis clos en a fait l'antichambre de négociations obscures avec des partenaires choisis par la seule minorité présidentielle. Dès lors, nous ne sommes pas étonnés que vous vous soyez mis d'accord pour supprimer plus de la moitié des dix-huit amendements de notre groupe adoptés en première lecture. La coconstruction que vous érigez comme principe restera un simple élément de langage.
Au-delà des questions de forme, nous nous interrogeons sur votre volonté réelle d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Celle-ci est en réalité à géométrie variable : si le Gouvernement a fait le choix, pendant la trêve des confiseurs, de publier plusieurs arrêtés qui auraient dû faire l'objet d'une discussion parlementaire dans le cadre de ce projet de loi, à l'inverse, les décrets d'application de la loi « climat et résilience » sur l'installation des comités régionaux de l'énergie et sur les déclinaisons régionales de la PPE n'ont toujours pas été pris, dix-huit mois plus tard, alors même qu'ils sont un élément central de la planification prévue à l'article 3.
Nous sommes donc en droit de penser que le projet de loi n'est qu'un alibi pour avancer vers une reprise du nucléaire. Si nous faisons le parallèle entre ces deux textes, c'est bel et bien parce qu'il y a deux poids, deux mesures. J'en donnerai deux exemples.
Premièrement, alors que la planification du déploiement des énergies renouvelables tourne en rond, puisque le référent préfectoral ne peut toujours pas terminer la procédure pour atteindre les objectifs de la PPE, l'État reprend clairement la main sur l'installation de nouvelles centrales nucléaires en imposant une mise en compatibilité autoritaire des documents d'urbanisme. On est très loin du droit de veto des communes pour l'implantation d'éoliennes.
Deuxième exemple : alors que nous dénoncions un projet de loi qui ne partait pas des besoins et qui ne se fixait aucun objectif, nous avons été renvoyés à la discussion de la future PPE. Là encore, le projet de loi nucléaire fixe, lui, des objectifs très clairs, en engageant la construction de six à quatorze nouveaux réacteurs, et pourquoi pas de neuf réacteurs supplémentaires. Comble du cynisme, nous apprenons par la presse que la France pourrait défendre un objectif de 45 % d'énergies renouvelables au niveau européen, mais seulement si les objectifs assignés à chaque État membre sont pondérés en fonction de l'intensité carbone de leur mix électrique – autrement dit, si la reprise du nucléaire nous permet de nous dispenser du nécessaire effort de développement des renouvelables. Vous l'aurez compris, nous ne sommes pas dupes de cette entourloupe générale qui confine à la malhonnêteté intellectuelle.
Pour revenir précisément sur le texte, toutes les lignes rouges ont été franchies. Le droit de veto pour les maires, transformé en droit de veto pour les conseils municipaux, est maintenu dans les procédures de planification ; entre les nouvelles restrictions et la présence des zones d'exclusion, on se demande bien où pourront s'implanter de nouvelles installations d'énergies renouvelables.
La RIIPM est conservée dans sa pire version, sans être fléchée dans les zones d'accélération ; demeurent donc des atteintes potentiellement très lourdes au droit de l'environnement et au principe de non-régression. La participation du public, pourtant consacrée dans la Charte de l'environnement, est de nouveau contournée, puisque l'article 2 a été réintroduit en CMP. Sur l'agrivoltaïsme, les apports de l'Assemblée ont été rayés d'un trait, puisque la définition que nous avions contribué à obtenir disparaît du texte, ouvrant les vannes à un détournement massif de la fonction nourricière des terres et à un mitage des forêts. Sur le photovoltaïque, la possibilité de contourner l'obligation d'installer des ombrières sur les parkings a été renforcée. Certes, l'article 11 ter sur l'obligation de couverture photovoltaïque des bâtiments existants a été réintroduit, mais en proposant une alternative entre le photovoltaïque et la végétalisation ; sauf erreur de ma part, la végétalisation ne produit aucune énergie.
Pour conclure, je reviendrai sur l'absence totale de réflexion concernant les mécanismes de marché. Alors que nos concitoyens sont étranglés par leurs factures d'énergie, vous n'avez pas voulu entendre nos propositions pour encadrer l'activité des fournisseurs alternatifs, y compris d'énergies renouvelables ; vous n'avez pas voulu revenir sur la disparition des tarifs réglementés que nous vous proposions ; vous avez balayé l'idée d'instaurer un acheteur unique afin d'apporter de la transparence et des prix qui soient réellement le reflet des coûts de production, et non des phénomènes spéculatifs de marché. Au contraire, vous avez contribué à l'anarchie du système par la généralisation des contrats de gré à gré, qui laisseront la fixation des prix à la main des acteurs privés, alors que l'énergie est un bien commun dont l'accès doit être garanti par l'État dans le cadre d'un service public.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous confirmons donc notre vote négatif sur ce projet de loi et nous prenons d'ores et déjà rendez-vous pour porter l'exigence d'un scénario 100 % renouvelables dans la prochaine loi de programmation sur l'énergie et le climat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Charles Fournier applaudit également.
Ce texte relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables revient pour la dernière fois devant notre assemblée, après examen par la commission mixte paritaire. Malheureusement, il porte plus que jamais les stigmates d'un texte mal ficelé, idéologique et totalement décalé par rapport aux urgences énergétiques.
Ce que nous dénoncions dès le début de l'examen du projet de loi est toujours d'actualité. Comment peut-on faire voter dans l'urgence un texte sur l'énergie qui ne concerne qu'un complément aléatoire et intermittent à notre énergie principale ? Comment peut-on imaginer décliner la stratégie opérante d'une programmation pluriannuelle de l'énergie devenue l'antithèse de la nouvelle doxa présidentielle, miraculeusement frappée par l'apparition du saint atome dans l'antre de l'anachorète élyséen ? Comment peut-on encore vouloir faire croire que l'avenir de notre souveraineté électrique passe par la plantation à marche forcée de forêts d'éoliennes dans nos campagnes, venteuses ou pas, et de panneaux photovoltaïques sur toutes les toitures de France et de Navarre, ensoleillées ou pas ?
Décidément, le Gouvernement a un vrai problème de timing. C'est à croire que le maître des horloges est totalement déboussolé ou que le balancier du tic-tac a été arrêté le 24 avril 2022, comme quand le deuil frappe une maison dans nos campagnes. Sur les retraites, sur la PPE, sur le nucléaire comme sur les énergies renouvelables, le Gouvernement est systématiquement dans le mauvais tempo, pas au bon moment ; trop tôt, trop tard. Bref, ce texte n'avait rien d'urgent et il n'apportera aucune réponse concrète à notre dépendance énergétique à l'égard de pays voisins qui se frottent déjà les mains à l'idée de pouvoir continuer à nous vendre de l'électricité à prix d'or.
Une chose est sûre, le texte issu de la commission mixte paritaire conduit à s'interroger sur la volonté réelle du législateur d'écouter les Français sur ces sujets souvent clivants et de les associer aux décisions. Certes, la planification a été revue, puisqu'elle laisse désormais la main aux élus locaux, mais elle reste très imparfaite.
Les Français vont voir se multiplier les installations de production d'énergies renouvelables dans des zones approuvées par les exécutifs locaux, mais il restera toujours des zones de droit commun et le développement de ces installations restera anarchique. Ce point fait l'objet d'un désaccord profond entre nous, tout comme d'ailleurs la question de la distance minimale nécessaire entre l'implantation d'une éolienne et une maison.
Votre immobilisme est une grave erreur. Augmenter la distance minimale entre les habitations et les parcs éoliens n'avait rien d'une opposition stricte au développement de ces installations. Une fois de plus, vous avez manqué une occasion de répondre à la colère des Français directement confrontés à la présence des éoliennes, contrairement aux donneurs de leçons de l'administration parisienne.
Nous en sommes convaincus : imposer une idéologie à un territoire qui n'y est pas réceptif ne peut pas fonctionner. Fixer une distance minimale d'implantation en fonction de la hauteur du mât, plutôt que les 500 mètres prévus aujourd'hui, n'était pas insurmontable, madame la ministre. C'était simplement du bon sens !
Autre point rédhibitoire : le maintien de la raison impérative d'intérêt public majeur dans tous les territoires, dans les zones d'accélération et en dehors, pour tous les projets d'énergies renouvelables. C'est certainement le point le plus emblématique et le plus problématique du texte, puisqu'il aura des conséquences à la fois sur la faune, la flore, les paysages et les sites remarquables.
Comment comprendre d'ailleurs la position du groupe Écologiste – NUPES, qui va s'abstenir sur un texte qui entraînera un véritable écocide ?
Madame la ministre, en privilégiant les exigences de la Commission européenne et des investisseurs privés au détriment de la qualité de vie de nos concitoyens qui vivent dans les campagnes, vous faites le jeu des populistes et des outrances.
S'agissant des avis rendus par les architectes des bâtiments de France, sur lesquels nous avons exprimé des inquiétudes, je répète que ce texte ouvre la voie à des aberrations qui porteront atteinte au patrimoine architectural, rural et littoral de la France, cher à notre collègue Emmanuel Maquet, député de la Somme.
Le projet de loi se traduira par des millions de tonnes de béton déversées près de nos côtes pour installer des éoliennes gigantesques, qui détruiront la biodiversité marine et pollueront cet horizon dont les Français sont si fiers.
Vous l'aurez compris, nous estimons que ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. L'énergie déployée par le Gouvernement pour le faire aboutir aurait été plus utile si elle avait été employée à un véritable travail de renégociation ou de remise en cause du système européen de l'énergie – ou, tout au moins, à une réflexion sur un texte global nous permettant de bénéficier enfin d'une électricité moins chère. Car c'est cela qu'attendent nos concitoyens, nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME), nos artisans et nos commerçants – les boulangers notamment.
Face à la hausse des factures, ils attendent bien autre chose que des ministres adeptes du brassage de vent.
C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Aude Luquet, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour le vote définitif d'un texte incontournable : incontournable pour renforcer notre production durable d'énergie et protéger notre environnement ; incontournable pour diversifier notre mix énergétique à côté du nucléaire ; incontournable pour garantir notre indépendance ; incontournable, enfin, pour préserver le pouvoir d'achat des Français.
Plus que jamais, nous voyons aujourd'hui à quel point l'énergie est un pilier fondamental de notre souveraineté et combien la fluctuation de son coût a des effets sur notre quotidien. Nous devons absolument nous affranchir des énergies fossiles, massivement importées, en accélérant notre transition énergétique par une électrification massive de nos usages, par une plus grande sobriété énergétique et par une meilleure efficacité énergétique. Ce triptyque est indispensable et indissociable si nous voulons atteindre l'objectif de la neutralité carbone en 2050.
Le projet de loi constitue une étape supplémentaire pour garantir aux générations futures une planète et une énergie durables. L'éolien, le photovoltaïque, la biomasse et la géothermie constituent autant d'outils dont nous allons accélérer le déploiement grâce à ce texte. Après le Sénat en première lecture, l'Assemblée nationale a également enrichi le texte du Gouvernement.
Je tiens à remercier Mme la ministre de la transition énergétique, qui a eu à cœur de privilégier un dialogue constant avec l'ensemble des groupes. Ce dialogue, nous l'avons poursuivi avec mes collègues rapporteurs tout au long de la préparation et du déroulement de la commission mixte paritaire, en nous efforçant de dépasser les clivages partisans. Si le compromis est un art difficile, nous avons su collectivement, sénateurs et députés, faire preuve d'un esprit constructif, que je tiens une nouvelle fois à souligner. Il nous a permis, grâce au soutien des sénateurs Les Républicains, de trouver un accord sur un texte équilibré et ambitieux. Certains regrettent que nous ne soyons pas allés plus loin, d'autres pensent que nous en faisons trop : c'est la preuve, selon moi, que nous avons trouvé le juste équilibre entre l'ambition et la faisabilité.
Plusieurs avancées doivent être soulignées. Avec ce texte, nous plaçons les élus locaux au cœur de la planification territoriale des énergies renouvelables et nous faisons des maires des acteurs incontournables pour identifier les zones d'implantation les plus pertinentes sur leur territoire. Pour l'éolien en mer, une planification dans les zones économiques exclusives (ZEE) sera privilégiée, grâce à une cartographie définissant les zones prioritaires à l'horizon 2050. En ce qui concerne l'agrivoltaïsme, nous préservons l'interdiction du photovoltaïque au sol sur les terres agricoles : les ouvrages photovoltaïques devront y être déployés en hauteur pour ne pas entraver les cultures et l'élevage. Quant au partage des bénéfices, les énergies renouvelables déployées dans une zone devront contribuer au financement de projets locaux et de projets en faveur de la préservation de la biodiversité.
S'agissant des articles pour lesquels j'étais rapporteure, je me félicite des mesures que nous avons adoptées pour accélérer le développement de l'énergie solaire. Notre objectif est de multiplier par dix notre puissance photovoltaïque. Pour ce faire, nous levons les freins au développement de l'énergie solaire aux abords des routes et des voies ferrées et nous obligeons les gestionnaires de parkings de plus 1 500 mètres carrés à couvrir au moins la moitié de leur superficie avec des ombrières photovoltaïques – cette surface était de 2 500 mètres carrés dans le texte initial. Nous allons également favoriser les installations de production d'énergie solaire sur les toits des bâtiments non résidentiels nouveaux et lourdement rénovés. Ainsi, 50 % des surfaces devront être couvertes à compter de 2027, soit près de deux fois plus que la mesure adoptée dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience.
En commission mixte paritaire, nous avons encore enrichi le texte en rendant obligatoire, à l'horizon 2028, l'installation d'un procédé de production d'énergies renouvelables ou d'un système de végétalisation sur les toitures des bâtiments non résidentiels existants. C'est une avancée non négligeable. À travers l'ensemble des articles du projet de loi, nous faisons un choix clair : nous privilégions les zones déjà artificialisées pour préserver les espaces naturels. Le climat et la biodiversité sont des enjeux indissociables, il est important de le rappeler. Parce que le projet de loi, fruit d'un travail transpartisan, constitue une étape importante pour assurer un avenir durable à notre pays, le groupe Démocrate le soutiendra sans hésitation.
Pour conclure, je tiens à remercier les administratrices et les administrateurs, ainsi que mon collaborateur, pour leur accompagnement tout au long de l'élaboration du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés ont d'emblée exprimé leur volonté de coconstruire le projet de loi, ayant fait le constat, comme beaucoup ici, du manque d'ambition de la France en matière d'énergies renouvelables au cours des deux dernières décennies et de son incapacité à penser la place du nucléaire comme énergie de transition. Nous devons accélérer la production d'énergies renouvelables et nous l'avons affirmé à plusieurs occasions.
Je pense, en particulier, à une tribune publiée dans Le Monde en novembre 2022 que j'ai signée avec deux présidents de région, celui de la Bretagne et celui de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), et avec le président délégué d'Intercommunalités de France (ADCF) et le président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France. Dans ce texte, nous affirmions que le déploiement des énergies renouvelables pouvait être « la grande aventure industrielle et d'aménagement du territoire de la décennie ». C'est donc avec enthousiasme que mon groupe a abordé la discussion du projet de loi, en veillant à deux exigences : le partage des sols et le partage de la valeur.
S'agissant du partage des sols, avec près de soixante-dix amendements adoptés, le groupe Socialistes et apparentés est l'un de ceux qui ont obtenu le plus grand nombre d'arbitrages favorables. Grâce à nos propositions, le projet de loi a opéré une véritable bifurcation, qu'il s'agisse des ombrières, des toitures des bâtiments, de l'adaptation des radars des bases aériennes, de l'inventaire obligatoire du potentiel de production par les entreprises publiques et privées ou de l'ouverture de voies navigables, nouveau potentiel de développement à côté du réseau ferré et du réseau routier.
Sur la question de la biomasse et des sols, nous avons obtenu un arbitrage positif en faveur d'une nouvelle voie de développement de la méthanisation, avec des composants issus à 100 % d'effluents d'élevage, afin d'ouvrir le débat de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Enfin, nous avons souligné l'impérieuse nécessité de protéger nos sols naturels et agricoles et, pour cela, de prévoir une planification en déterminant, grâce à l'expertise agricole des chambres d'agriculture, de l'État et des collectivités territoriales, la part des sols utiles à la PPE et disponibles pour des installations éoliennes et photovoltaïques.
En ce qui concerne le partage de la valeur, second axe de notre contribution, nous avons permis d'éviter sa dissémination au bénéfice d'individus en proposant des compensations distribuées collectivement par le bloc communal et dirigées vers la protection de la nature et de la biodiversité, mais aussi vers la lutte contre la précarité. Le partage de la valeur passe également, et peut-être surtout, par la facilitation de l'émergence de filières françaises et européennes en matière d'énergies renouvelables. Nous ne sommes pas condamnés à être éternellement dépendants de puissances étrangères.
« Bravo ! » sur les bancs des commissions. – Brouhaha.
L'adoption de nos amendements sur l'orientation et l'accélération de la commande publique, sur le principe de la réciprocité commerciale avec nos partenaires et en tenant compte du cycle de vie des produits et des bilans carbone à l'horizon 2026, constitue une avancée importante. Ce sont autant de signaux donnés à notre industrie et notre recherche.
Forts de ce bilan, nous réaffirmons notre soutien au texte, comme en première lecture, sous réserve toutefois d'une clause de revoyure. Car nous avons également des regrets, s'agissant, en particulier, de la planification. À écouter la droite sénatoriale, le projet de loi ne tiendrait pas la route. Devant le congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France, la Première ministre a déclaré que pour la puissance publique, le couple de l'avenir serait l'intercommunalité et le préfet. Avec ce texte, nous donnons aux communes des pouvoirs exorbitants dans leur face-à-face avec les multinationales. Il faudra tôt ou tard que nous retrouvions la raison. Les collectivités territoriales assument aujourd'hui la gestion du cycle de l'eau, le développement économique et l'urbanisme de leurs territoires. Nous devrons leur donner demain, grâce à des dispositions claires, la possibilité de déployer les énergies renouvelables dans le cadre de la planification des sols et de délégations de service public.
Pour conclure, tout au long des débats sur le projet de loi, les députés de gauche ont défendu une vision claire du développement des énergies renouvelables en France – nous espérons que nous la partagerons un jour avec d'autres démocrates. Le modèle des énergies renouvelables ne peut pas être celui d'EDF dans son épopée d'après-guerre. Il pourrait, en revanche, s'inspirer du développement des syndicats des eaux, lorsque l'État a accompagné la montée en puissance des collectivités. Un tel processus passe obligatoirement par la maîtrise du partage des sols et de la commande publique et par la capacité technique d'accompagner les collectivités dans la valorisation de leurs ressources, pour le bien commun et pour un usage local. Le modèle des syndicats des eaux et des SEM garantit un modèle d'économie sociale et territoriale qui seul peut assurer le partage de la valeur et la protection des sols.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables est indispensable pour permettre à la France de sortir à terme des énergies fossiles. Notre stratégie est claire : la sobriété énergétique est notre premier objectif pour réduire de 10 % notre consommation en deux ans. Nous devons par ailleurs étendre notre parc nucléaire, ce qui prendra malheureusement du temps. Le développement rapide des énergies renouvelables est donc un impératif.
Notre mix énergétique doit donc reposer sur le nucléaire et les énergies renouvelables si nous voulons atteindre nos objectifs de souveraineté énergétique et de décarbonation. Le texte issu des travaux de la CMP comporte 116 articles, contre 20 dans le texte initial. Son examen au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, a permis d'augmenter le nombre des énergies renouvelables mobilisées et concernées, et d'organiser une meilleure répartition des implantations.
Les avancées en la matière se concentrent à l'article 3, qui constitue la colonne vertébrale de la stratégie de programmation du déploiement de ces énergies.
Je tiens à remercier Henri Alfandari, notre rapporteur, qui n'a pas ménagé ses efforts, à la fois pour rédiger efficacement le texte et pour convaincre de son bien-fondé, afin de replacer les élus locaux – communaux et intercommunaux – au cœur de cette transition énergétique. Ces derniers pourront notamment instaurer des zones d'accélération, et à l'inverse d'exclusion, s'agissant des projets d'implantation d'énergies renouvelables. Cela leur permettra de mettre en place une véritable concertation avec leur population.
Les zones d'accélération bénéficieront en outre d'une modulation tarifaire favorable qui permettra d'en favoriser le déploiement. Grâce au travail précité, l'implantation de nouveaux parcs éoliens se fera dans le cadre d'une planification concertée. De plus, la réduction des nuisances lumineuses et sonores des éoliennes terrestres fera régulièrement l'objet d'une analyse.
Brouhaha.
Le texte garantit par ailleurs aux communes et aux intercommunalités sur lesquelles s'implanteront les divers projets d'énergies renouvelables un meilleur retour sur investissement, puisqu'elles bénéficieront d'au moins 85 % des taxes correspondantes. Les 15 % restants seront alloués à des mesures en faveur de la biodiversité.
Si le texte a été enrichi au fil du travail parlementaire, j'éprouve personnellement quelques regrets, madame la ministre. Je regrette d'abord le manque d'avancées permettant de favoriser la petite hydroélectricité, notamment à des fins d'autoconsommation ;…
…ensuite, le fait que le fonds de garantie ne puisse être utilisé pour le biogaz et les méthaniseurs ; et enfin, l'absence de mesures visant à accélérer et à rendre plus flexibles les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. Ces derniers restent trop rigides et des moyens devraient être prévus pour qu'Enedis puisse y déroger lorsque les capacités sont disponibles. Je formule le souhait que l'on y retravaille dans le cadre de prochains textes.
Je tiens à remercier Vincent Thiébaut et l'ensemble des députés du groupe Horizons et apparentés pour avoir défendu avec moi plusieurs amendements. En effet, en plus de replacer les élus de terrain au centre des décisions, le texte permettra de favoriser la réalisation de projets d'autoconsommation collective, de développer la production et l'utilisation d'hydrogène bas-carbone, d'intégrer la géothermie et aussi d'instaurer une expérimentation en matière de production d'azote à la ferme. Il contribuera ainsi à de nouveaux usages des énergies renouvelables et au soutien du monde agricole, en lui permettant de lutter contre la flambée des prix des intrants de synthèse grâce à l'innovation.
Vous l'aurez compris, le groupe Horizons et apparentés votera avec plaisir en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Je ne sais pas s'il y a un lien de cause à effet, mais à chaque fois que je prends la parole sur ce texte, l'hémicycle se remplit !
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mais peut-être est-ce simplement parce que le vote va bientôt avoir lieu…
Arrivés au terme des discussions communes sur ce projet de loi, nous devons nous prononcer sur une version remaniée, puisque plus de 161 modifications ont été étudiées pendant près de cinq heures en commission mixte paritaire. Depuis le début de l'examen du texte, nous avons apprécié le travail parlementaire auquel il a donné lieu et le dialogue qui s'est engagé – même si, en ce qui nous concerne, les discussions se sont achevées après notre vote dans l'hémicycle. Nous avons exprimé une abstention de réserve, et c'est sans doute pour cette raison que nous n'avons été associés ni à la préparation ni aux discussions de la commission mixte paritaire.
M. Guillaume Kasbarian s'exclame.
Les points de blocage qui avaient motivé notre abstention n'ont donc pas été discutés et s'il y a eu recherche de compromis, cela s'est fait sans nous.
Nous déplorons la méthode qui a présidé à cette CMP : plus de 1 000 pages ont été mises sur la table le jour même de la réunion, et seuls ceux qui avaient pu discuter et négocier en amont, ayant connaissance des échanges préalables, pouvaient saisir la teneur de ces discussions. Pour ceux qui en avaient été exclus, c'était – évidemment – tout à fait impossible. Adresser ces propositions à tous les membres de la commission mixte paritaire vingt-quatre heures avant sa réunion n'aurait pas été un luxe !
M. Maxime Laisney applaudit.
Je dirai quelques mots sur le texte lui-même. Il comprend de nombreuses corrections rédactionnelles mais sa substance évolue peu, si bien que les avancées, comme les reculs, donnent toujours le sentiment d'un texte inabouti.
Nous sommes satisfaits de voir que certains des acquis que nous avions obtenus ont été maintenus, en particulier la modulation tarifaire, la création d'un observatoire et d'un médiateur des énergies renouvelables, ainsi que les règles concernant l'autoconsommation collective.
Mais ces acquis pèsent peu face à l'ensemble des reculs et des faiblesses que nous avions soulignés. Au lieu de garantir une planification lisible impliquant de manière positive les territoires, le texte ne permet aucun contrôle des représentants de l'État sur les communes qui, in fine, ne seront pas tenues de respecter les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Pire, l'avis conforme des maires est désormais exigé à chaque phase d'élaboration de la cartographie. Il est assez cocasse, d'ailleurs, que la commune vote un avis conforme sur la copie qu'elle rend : elle va valider sa propre copie, ce qui est assez original ! Les maires auront ainsi une sorte de droit de veto sur les zones d'accélération.
Cependant, nous nous réjouissons que le texte rende impossible, pour les communes qui n'auront pas établi de zones d'accélération permettant d'atteindre les objectifs de la PPE, la création de zones d'exclusion de l'éolien. Mais encore faut-il que ces objectifs fassent l'objet d'une territorialisation précise, visiblement si difficile à obtenir !
Par ailleurs, le texte ne saisit pas l'occasion d'aller plus loin dans l'exploitation de gisements significatifs permettant la production d'énergies renouvelables, comme les toitures des bâtiments commerciaux et publics, les parkings de petite taille ou encore les zones d'activité. La réintroduction de l'article 11 ter, voté par le Sénat, se fait dans une version amoindrie.
Nous regrettons aussi que l'amendement « albédo », qui visait à prescrire l'emploi de certains matériaux susceptibles de réfléchir l'énergie solaire sur les toits, ait été supprimé, tout comme celui proposant la solarisation des toits des logements sociaux, qui avait été défendu par notre collègue Peytavie. Ces exemples montrent bien à quel point le texte nous prive d'un véritable soutien aux dispositifs innovants en la matière.
La raison impérative d'intérêt public majeur ne fait l'objet d'aucun garde-fou, et la manière dont elle est finalement rédigée est insatisfaisante. En prévoyant que la dérogation relative aux espèces protégées peut quand même s'appliquer en dehors des zones d'accélération, la loi ne pose en fait aucune limite.
La CMP a aussi supprimé l'encadrement de la méthanisation, qui aurait permis d'interdire l'irrigation des cultures intermédiaires destinées à ce type de production d'énergie. C'est un des nombreux exemples de la faible place accordée à la protection de l'environnement dans le texte. La notion même d'énergie renouvelable demeure ambiguë, puisque la promotion du « bas-carbone » en brouille la définition.
Trop de questions restent en suspens : comment maintenir une trajectoire sans définir des objectifs et sans impliquer tous les échelons ? Comment rattraper notre retard sans rehausser nos ambitions ? Que se passera-t-il lors de la mise en application de la loi, compte tenu du manque de planification ?
Par ailleurs, le Sénat puis le Gouvernement ont supprimé l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Ce qui n'était pas possible pour les énergies renouvelables, à savoir fixer une ambition, vous le faites pour le nucléaire.
Pour toutes ces raisons, le nouveau texte contribue à réduire encore davantage la portée du texte initial. Encore une fois, nous ne voulons pas voter contre : introduire une planification, une définition de l'agrivoltaïsme et des mesures concernant la solarisation – quelle qu'en soit la teneur – vaut mieux que rien du tout.
Parce que la CMP n'a pas permis de revenir sur nos points de désaccord, nous maintenons notre vote initial : nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La discussion générale est close.
Sur le vote du texte de la commission mixte paritaire, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir les amendements n° 11 , 12 , 13 , 15 , 6 , 14 , 16 , 2 , 3 , 4 , 5 , 17 , 18 , 1 , 9 , 8 , 10 et 7 , qui sont des amendements de coordination rédactionnelle et peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Il s'agit en effet des classiques amendements de coordination rédactionnelle qui viennent invariablement en conclusion d'un long texte, à la suite d'une CMP. Puisqu'ils ne modifient pas le sens du texte et se contentent d'introduire les bons renvois aux codes concernés, je n'ai pas de commentaires particuliers à faire. Je voudrais juste préciser, à l'attention de M. le député Laisney, que le décret sur les comités régionaux de l'énergie est bien publié sur Légifrance.
Je voudrais simplement préciser que tous ces amendements ne sont pas rédactionnels.
L'amendement n° 16 modifie ainsi l'article 5, que l'Assemblée nationale avait supprimé parce qu'il engageait une réforme de fond du régime contentieux des autorisations environnementales, c'est-à-dire de l'ensemble du droit de l'environnement, bien au-delà du seul sujet des énergies renouvelables. Cet amendement ajoute que les conditions d'application de la disposition seront précisées par décret en Conseil d'État – ce qui montre à quel point elle est bancale –, mais je tenais à rappeler que l'Assemblée nationale avait rejeté l'article 5.
Les amendements n° 11 , modifiant l'article 1er bis, et 12, modifiant l'article 1er ter, sont successivement adoptés.
Sur l'amendement n° 16 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 13 , modifiant l'article 1erter, et 15, modifiant l'article 1er quinquies A, sont successivement adoptés.
Sur l'amendement n° 2 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 6 , modifiant l'article 3, et 14, modifiant l'article 4, sont successivement adoptés.
Les cinq minutes requises pour procéder au scrutin public sur l'amendement n° 16 ne sont pas écoulées. Êtes-vous tous d'accord pour passer au vote ?
Exclamations sur divers bancs.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Puisque les groupes ne sont pas tous d'accord pour procéder au scrutin sur l'amendement n° 16 , la séance est suspendue pour trois minutes ; nous reprendrons pour le vote.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 388
Nombre de suffrages exprimés 362
Majorité absolue 182
Pour l'adoption 198
Contre 164
L'amendement n° 16 , modifiant l'article 5, est adopté.)
Sur l'amendement n° 7 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 397
Nombre de suffrages exprimés 386
Majorité absolue 194
Pour l'adoption 208
Contre 178
L'amendement n° 2 , modifiant l'article 6 bis A, est adopté.
Les amendements n° 3 , modifiant l'article 6 bis B, 4, modifiant l'article 6 bis, et 5, modifiant l'article 6 ter C, sont successivement adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 388
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue 169
Pour l'adoption 211
Contre 126
L'amendement n° 17 , modifiant l'article 11 bis, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 400
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue 170
Pour l'adoption 210
Contre 129
L'amendement n° 18 , modifiant l'article 11 ter, est adopté.
Les amendements n° 1 , modifiant l'article 11 decies, 9, modifiant l'article 16 nonies, 8, modifiant l'article 16duodecies, et 10, modifiant l'article 17, sont successivement adoptés.
Pouvons-nous passer au vote sur l'amendement n° 7 , même s'il reste deux minutes avant la fin du temps réglementaire ? Y a-t-il une opposition ?
Protestations sur de nombreux bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 395
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue 169
Pour l'adoption 211
Contre 126
L'amendement n° 7 , modifiant l'article 18, est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 409
Nombre de suffrages exprimés 386
Majorité absolue 194
Pour l'adoption 217
Contre 169
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Pour que nous puissions passer à la suite de l'ordre du jour, j'invite ceux qui le souhaitent à quitter l'hémicycle dans le calme et rapidement.
La parole est à M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
La presse est aujourd'hui dans une situation très critique : elle souffre de difficultés conjoncturelles majeures qui viennent s'ajouter aux fragilités structurelles du secteur. En 2022, 3,6 millions d'exemplaires relevant de la presse régionale étaient imprimés chaque jour, contre 5,6 millions dix ans auparavant. Ce seul chiffre illustre la baisse des ventes et la raréfaction du lectorat.
Le prix de la tonne de papier a doublé en un an, pour atteindre près de 900 euros en 2022. Selon les estimations de la filière, la hausse du coût du papier pourrait représenter un manque à gagner de 120 millions d'euros.
Si toute la presse est touchée à des degrés divers, la presse quotidienne régionale – dont la pagination est importante – l'est particulièrement. À noter que la hausse du coût de l'énergie affecte aussi le coût de distribution, de transport et de fabrication de la presse. Même la presse numérique n'est pas épargnée, car elle subit l'augmentation des tarifs des hébergeurs.
En somme, si les éditeurs parviennent à absorber une part de la hausse de ces coûts, notamment par le biais de l'augmentation des prix et d'une réduction de la pagination déjà mise en œuvre par une majorité d'éditeurs, tout le secteur court un réel risque de déstabilisation.
En parallèle, il convient de rappeler que la presse est depuis 2017 incluse dans la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des papiers graphiques. En obligeant les producteurs à avoir une vision de leurs produits depuis leur mise sur le marché jusqu'à la fin de leur usage, la REP applique le principe pollueur-payeur. La France est un pays moteur dans ce domaine, puisqu'elle est le premier en Europe à avoir mis en place le système de REP.
La presse est donc présente depuis 2017 dans la filière REP des producteurs de papiers graphiques. Toutefois, étant considérée comme un secteur particulièrement sensible, au même titre que les livres, elle bénéficiait d'une dérogation lui permettant de contribuer à sa filière sous la forme de prestations en nature, par le biais de la mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier.
Ce système existait bien avant 2017, mais à partir de cette date, il est devenu une alternative obligatoire au paiement d'une écocontribution à l'éco-organisme. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire – loi Agec – a mis un terme à ce régime dérogatoire : elle dispose qu'à compter du 1er janvier 2023, l'écocontribution de la presse doit être en numéraire. La charge que représente ce financement direct pour la presse est estimée entre 15 et 22 millions d'euros.
Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour d'une semaine qui lui est normalement dédiée, car ce sujet me mobilise depuis déjà un bon moment. Les auditions menées ont permis un échange constructif avec toutes les parties prenantes. Je me réjouis aussi de l'intérêt que ce sujet a suscité chez mes collègues de tous les groupes politiques : nos discussions ont permis de construire un texte plus riche, plus fort.
Revenons au fond de cette proposition de loi. Il s'agit de revenir à la possibilité pour la presse de prodiguer une écocontribution en nature, à condition que soit signée et mise en œuvre une convention de partenariat avec l'État engageant la presse à mettre à disposition gratuitement des encarts destinés à communiquer auprès des lecteurs sur la transition écologique.
Cela permettra d'amplifier les messages diffusés depuis de nombreuses années. Ces encarts seront accessibles à l'État et éventuellement à ses agences, mais également, comme nous l'avons précisé, aux collectivités territoriales.
L'adoption de cette proposition de loi ne serait pas un blanc-seing accordé à la presse : les titres qui ne s'engageraient pas dans cette convention de partenariat exigeante devront s'acquitter d'une contribution financière. La convention sera un outil négocié avec les syndicats de la presse. Elle incarnera la volonté de l'État – et la nôtre – de continuer d'exiger de la presse un engagement total pour garantir des processus de fabrication plus propres et plus durables, ainsi que le recyclage des déchets issus du secteur.
Comme je l'ai indiqué, nombre de nos collègues ont travaillé sur ce texte. Je les en remercie. Grâce à nos échanges et aux amendements que nous avons adoptés, c'est un texte enrichi qui est sorti de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il n'est pas question de revenir sur ce qui a été construit en commission, mais bien de s'appuyer sur cette base de travail pour l'enrichir.
Après l'examen du texte en commission la semaine dernière, plusieurs éléments ont été précisés à propos de la convention de partenariat, pour mieux l'encadrer, en amont de la rédaction du décret d'application. D'une part, les encarts seront conçus comme un outil à la disposition des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des associations, qui pourront ainsi communiquer à destination du grand public, par exemple sur la politique de tri et de recyclage à l'échelle locale. À cet égard, les collectivités seront consultées en amont de la signature de la convention. Elles seront ensuite amenées à définir les modalités d'usage des encarts avec les publications de presse, au niveau national ou local.
D'autre part, des exigences environnementales seront fixées pour prévenir tout recul des efforts réalisés par la presse depuis des années en contrepartie de son écocontribution en nature. Pour bénéficier du système de la contribution en nature, les éditeurs de presse doivent en effet respecter plusieurs critères relatifs à l'usage de papier recyclé, à la provenance du papier, à l'usage d'huiles minérales – qui sont appelées à disparaître – et à l'élimination de produits perturbant le recyclage. Je souhaite que ces exigences, qui visent notamment à ce qu'ils incorporent au moins 75 % de papier recyclé dans leur papier journal, soient maintenues. L'objectif de tels critères est de faire des journaux et magazines des produits hautement recyclables et de contribuer ainsi à une chaîne vertueuse de fabrication et de réutilisation.
Je propose également que les conventions de partenariat soient signées pour une durée de trois ans renouvelables, afin que le respect des critères qui y figurent puisse être évalué à ce terme.
J'insiste par ailleurs sur l'importance que revêt la mise à disposition d'un tel dispositif d'encarts pour les collectivités territoriales. Informer sur les gestes de tri et l'économie circulaire reste nécessaire pour sensibiliser les Français à ces pratiques. Les encarts seront autant d'espaces disponibles que les collectivités territoriales pourront utiliser, sans les payer comme des pages de publicité, pour sensibiliser nos concitoyens à la transition écologique et plus particulièrement au recyclage.
La réflexion sur la filière REP des producteurs de papier nous a conduits à nous intéresser à celle des producteurs d'emballages ménagers, dont l'écocontribution s'élève à environ 900 millions d'euros par an et dont le principal éco-organisme agréé est d'ailleurs le même que celui de la filière des papiers graphiques, à savoir Citeo. Dans une logique de synergie, et en concertation avec le Gouvernement, la proposition de loi vise à fusionner la filière des emballages ménagers et celle des papiers graphiques. L'organisation de ces filières relève du pouvoir réglementaire, lequel pourrait prévoir un cahier des charges unique pour la filière nouvellement créée. Il s'agit de faire en sorte que le respect de la responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papiers graphiques soit assuré par des éco-organismes agréés simultanément, s'ils le souhaitent, pour ces deux grandes catégories de produits.
L'amendement n° 64 que nous avons adopté en commission garantit que cette fusion n'interviendrait pas au détriment de l'une des deux filières. Pour répondre aux inquiétudes exprimées au cours de l'examen du texte, nous affirmons ainsi que quelle que soit l'organisation retenue pour la nouvelle filière, les producteurs d'emballages ménagers ne verront pas leurs charges augmenter pour compenser celles des producteurs de papiers graphiques, et vice-versa.
J'ai bien conscience, par ailleurs, du fait que le soutien à la presse ne doit pas porter préjudice aux finances des collectivités locales. Nous cherchons, à travers cette proposition de loi, un équilibre permettant aux collectivités de bénéficier du dispositif créé par la convention de partenariat. Soyez assurés que nous n'ignorons ni les enjeux du traitement des déchets ménagers, ni les évolutions de la législation.
Il convient de donner à la presse les outils nécessaires pour prendre pleinement part au défi de la transition écologique, tout en l'accompagnant dans la crise qu'elle traverse, en gardant notamment le souci de préserver la presse quotidienne régionale dans nos territoires respectifs. Ainsi, nous poursuivrons notre engagement en faveur de sa pérennité, de sa liberté, de son indépendance et de son pluralisme.
C'est un texte enrichi par le travail de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire que nous nous apprêtons à examiner. Plus d'une quarantaine d'amendements ont été déposés par des députés, siégeant à droite comme à gauche de l'hémicycle. Je souhaite vivement que certains puissent être intégrés au texte.
Alors poursuivons ensemble le travail de consensus entamé en commission.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La majorité parlementaire a, sous la précédente législature, défendu et adopté des lois fondamentales pour notre politique d'économie circulaire. La loi Agec, puis la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, ont démontré notre ambition environnementale et notre volonté d'accélérer la transition écologique. Grâce à ce socle législatif, la France fait désormais figure d'exemple sur la scène européenne et internationale en matière d'économie circulaire.
Je souhaite que le présent texte s'inscrive dans cette dynamique. La proposition de loi des députés Denis Masséglia et Aurore Bergé vise à simplifier le cadre de la filière REP des papiers, sans diminuer sa performance environnementale. Elle tend aussi à faire évoluer le dispositif de responsabilité de la presse en maintenant la possibilité de contribution en nature, tout en préservant le niveau d'ambition environnementale exigé par l'État.
Les filières à responsabilité élargie des producteurs sont les piliers de notre stratégie fondée sur le principe du pollueur-payeur, en France comme à l'échelle européenne. La loi Agec a renforcé les ambitions des filières REP et prévu d'en créer onze nouvelles. En 2025, elles représenteront environ 6 milliards d'euros d'écocontribution, destinés à financer la réparation et le réemploi des produits ainsi que la collecte des déchets et leur recyclage. Le Gouvernement veillera donc particulièrement à ce que les performances de chacune de ces filières s'améliorent constamment.
La fusion proposée de la filière des papiers et de celle des emballages ménagers est cohérente avec la logique de collecte simplifiée des déchets que nous avons instaurée : si la proposition de loi est adoptée, il y aura une seule filière REP pour un seul bac jaune. En effet, les papiers imprimés et les emballages en papier ou en carton sont collectés, triés et recyclés ensemble. La fusion garantira également une vision commune aux deux filières en matière d'écoconception. Nous appelons tous régulièrement à simplifier les processus pour assurer une meilleure performance.
Outre cette simplification, la fusion des deux filières du bac jaune apportera une pérennité à la filière des papiers, qui est confrontée à un changement d'équilibre économique, la production de papier ayant diminué de 12 % en seulement deux ans. Cette tendance est d'ailleurs appelée à se poursuivre. Je pense bien sûr aux effets de l'usage du numérique, mais également à l'expérimentation – qui concerne actuellement 10 % de la population – du dispositif Oui pub, qui modifiera les pratiques du secteur dans les prochaines années.
Dans ce contexte, la fusion s'imposera tôt ou tard, dans tous les cas. En la décidant dès à présent, nous prenons nos responsabilités pour assurer la pérennité de la filière. La fusion permettra de mieux partager les coûts structurels de gestion du bac jaune et du recyclage, donc d'améliorer l'assise financière et la visibilité des acteurs. Des craintes ont été exprimées lors de l'examen du texte en commission mercredi dernier. L'adoption de l'amendement n° 64 de M. le rapporteur, qui prévoit très clairement que la filière des emballages ne paiera pas pour celle des papiers et inversement, me semble de nature à les apaiser.
Je sais que les débats se concentrent majoritairement sur la deuxième disposition du texte, ce que je comprends parfaitement. Nous faisons tous le même constat : la situation économique de la presse est telle que nous devons trouver ensemble des solutions : vous, en tant que législateurs, et nous, en tant que Gouvernement. Pour autant – et j'y tiens tout particulièrement –, il n'est nullement question d'exonérer un secteur de sa responsabilité environnementale.
C'est pourquoi nous nous sommes tous interrogés, à travers ce texte, sur la meilleure façon d'adapter le dispositif de responsabilité de la presse tout en maintenant l'ambition environnementale du secteur. Je rappelle que des dispositifs adaptés sont déjà prévus par la loi Agec lorsque cela est pertinent, comme pour la filière de valorisation des plastiques agricoles ou celle des engins de pêche contenant du plastique. C'est dans cet esprit que la proposition de loi prévoit de pérenniser le dispositif de contribution en nature de la presse au lieu de lui substituer une contribution financière : il s'agit de renforcer le dispositif de responsabilité déjà existant.
Vos débats en commission, que j'ai suivis avec une grande attention, ont mis en lumière vos préoccupations. Je les partage et je souhaite y répondre pleinement. Vous avez déjà beaucoup travaillé pour améliorer ce texte. Il était prévu initialement de définir un cadre renforcé et d'imposer aux acteurs de la presse de payer s'ils refusaient de se soumettre à la contribution en nature. Vous avez maintenu cette disposition importante.
M. le rapporteur a enrichi le texte en imposant l'inscription de critères de performance environnementale dans la convention de partenariat. Mme la députée Brulebois a souhaité préciser que les encarts devraient informer le public sur « l'économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité ». Vous savez mon attachement à ces questions. Je salue donc ces améliorations. Je précise d'ailleurs très clairement que les encarts ne sauraient être utilisés à des fins promotionnelles : ils devront être exclusivement destinés à sensibiliser les citoyens à l'économie circulaire ainsi qu'à la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité. La convention de partenariat devra le prévoir très clairement et très précisément, pour ne laisser place à aucune dérive.
Je tiens enfin à souligner un point très important : le Gouvernement estime que les collectivités doivent bénéficier de la contribution en nature apportée par la presse imprimée. Nous sommes également favorables à l'adoption, par la commission, d'une mention prévoyant que les collectivités territoriales seront consultées dans le cadre de l'élaboration de la convention de partenariat. M. le député Guy Bricout a déposé un amendement afin d'étendre ce principe de concertation à la définition du contenu des encarts. Je salue cet ajout et je souhaite qu'il soit conservé.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutiendra cette proposition de loi. Dans tous les cas – j'insiste sur ce point auprès de vous, mais également auprès de ceux qui nous écoutent –, soyez assurés qu'il maintiendra son ambition en matière de déploiement des filières REP prévues dans la loi Agec, qui ne sont aucunement remises en cause. J'en veux pour preuve les nombreuses filières créées depuis l'adoption du texte, comme celle des produits du tabac en 2021 ; ou, en 2022, les filières des jouets, des articles de bricolage et de jardin, et des articles de sport et de loisirs. Certaines seront constituées cette année, comme la filière REP des matériaux de construction du secteur du bâtiment, celle des véhicules hors d'usage, celle des pneumatiques, ou encore celle des emballages utilisés par les professionnels de la restauration. D'autres sont à venir, comme la filière des textiles sanitaires à usage unique en 2024, ou encore celle des déchets d'emballages industriels et commerciaux en 2025.
Le débat en commission a été très riche. Je souhaite que nous le poursuivions aujourd'hui, dans une démarche constructive.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Dans la bataille des retraites qui se noue hors de cette enceinte, deux modèles de société s'opposent : diminuer le temps de travail pour mieux partager les richesses, ou travailler au seul bénéfice de l'accumulation indécente du capital. Cette proposition de loi, qui vise à fusionner les filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et de papier, est l'occasion de débattre d'un autre antagonisme, au moins aussi important : celui qui oppose la logique d'accumulation du capital – qui va de pair avec la société de consommation, laquelle est au cœur du débat qui nous occupe aujourd'hui – à la préservation des ressources naturelles.
L'écologie scientifique et les sciences de l'environnement – je suis moi-même chercheur – nous enseignent que nous habitons une planète aux ressources naturelles finies. Hélas, le système économique qui régit nos activités ne tire pas les conséquences de ces enseignements. Il nous pousse à produire et à consommer toujours plus pour que certains puissent s'enrichir sans aucune limite, oubliant que dans un monde fini, cette spirale infernale du productivisme et du consumérisme n'est pas durable.
Évidemment, il reste préférable de recycler une partie des déchets produits par cette société de consommation. Nous progressons d'ailleurs en ce sens, puisque 72 % des emballages sont désormais recyclés. Mais le recyclage, lui aussi, produit des gaz à effets de serre et induit une dépense d'énergie.
Les avancées en matière de recyclage ne doivent pas masquer le fait le plus important, que je tiens à souligner : l'absence de baisse du volume des ordures ménagères. En effet, les ménages français produisent 39 millions de tonnes de déchets par an, soit 3 millions de tonnes de plus qu'en 2005. Chacun peut d'ailleurs constater la multiplication des emballages, guidée par une logique de marketing ou de packaging. Les sacs de tri ne désemplissent pas, bien au contraire : le consommateur a plutôt l'impression de remplir sans cesse le tonneau des Danaïdes. On lui demande d'ailleurs de financer le recyclage des emballages, puisque ce coût entraîne en fin de compte une hausse du prix du produit. Pourtant, ces emballages lui sont souvent imposés par la société de consommation et son cortège de publicités.
Pire : pour ceux qui en tirent profit, le déchet devient une marchandise comme les autres. Selon vous, il est urgent de fusionner deux filières de recyclage pour que la moins rentable bénéficie du soutien économique de la plus rentable, en l'occurrence les plastiques – même si vous prétendez le contraire. Mais pour qu'une filière soit rentable, il faut que le flux soit important, c'est-à-dire que le nombre de déchets augmente. La logique du marché pousse donc à augmenter le nombre de déchets recyclables. Ne voyez-vous pas en quoi cette logique est pernicieuse ?
L'idée que nous résoudrons par le marché et par le recyclage le pillage des ressources naturelles et la pollution qu'elle engendre prévaut depuis plus de trente ans. Le principe du pollueur-payeur, qui s'inscrit dans cette logique, montre à présent ses limites. Notre empreinte écologique a même recommencé à augmenter entre 2015 et 2019.
Cette proposition de loi ne permet d'envisager ni la réduction du flux de déchets, ni la remise en cause du modèle de surproduction et de surconsommation. Dès lors que les déchets sont valorisés grâce au recyclage, ils ne constituent plus pour vous un problème écologique, mais une source de profits. Pour notre part, nous estimons urgent de débarrasser la gestion des déchets de la logique du marché.
S'il est vrai que des synergies peuvent exister entre deux filières à REP, l'exposé des motifs démontre mal la pertinence de cette fusion. De nombreux observateurs des filières en question doutent de son utilité. D'ailleurs, un amendement de M. le rapporteur adopté en commission précise que le calcul de l'écocontribution des producteurs d'emballages ménagers restera strictement séparé de celui des producteurs de papier.
Les députés du groupe La France insoumise considèrent que l'enjeu essentiel consiste à réduire la quantité de déchets produits. Le meilleur déchet est en effet celui que nous ne produisons pas. Des solutions existent : par exemple, il est urgent d'interdire les plastiques à usage unique et le suremballage, ou encore de rendre obligatoire le recyclage et le compostage. Le texte ne contient rien qui permette d'avancer dans cette voie.
L'article 2 vise à conserver l'exemption, menacée par la loi Agec, dont bénéficie le secteur de la presse : plutôt que de contribuer financièrement à la filière à REP, il pourra ainsi y contribuer en nature. Il faut évidemment aider les éditeurs de presse, fragilisés par l'augmentation des prix du papier et de l'énergie. Néanmoins, le texte ne résout pas réellement ce problème. En effet, cette exemption ne compense en rien l'augmentation des coûts qui frappe le secteur. Il conviendrait plutôt de revoir la procédure d'attribution des aides, afin de favoriser le pluralisme de la presse en soutenant les médias de proximité. Or le Gouvernement n'en fait pas une priorité, puisque les moyens alloués aux médias de proximité dans le budget pour 2023 diminuent, en euros constants, par rapport à 2022.
Par ailleurs, l'exonération de l'écocontribution créerait un précédent important, susceptible de conduire à une remise en cause plus générale du fonctionnement des REP. Il faut s'abstenir de mélanger les différents sujets. Je sais que le secteur de la presse souhaite obtenir cette exemption, mais il s'agirait selon moi d'une victoire à la Pyrrhus, puisque le Gouvernement, au prétexte qu'il a cédé sur ce point, pourrait alors se dispenser de rechercher de réelles solutions à la crise de la presse.
Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale votera contre cette proposition de loi dans sa rédaction actuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La proposition de loi de notre collègue Denis Masséglia vise deux objectifs : d'une part, fusionner les filières de recyclage dites REP du papier graphique et des emballages ménagers ; d'autre part, maintenir la possibilité pour la presse de payer en nature l'écocontribution, au moyen d'encarts publicitaires à vocation élargie à la transition écologique dans son ensemble.
Le système de la responsabilité élargie des producteurs, créé en 1992 pour organiser le recyclage et financer les entreprises du secteur, concrétise le principe du pollueur-payeur. Faire fusionner la filière du papier graphique et celle des emballages ménagers présente un avantage certain. En effet, selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), la quantité de déchets traités continue d'augmenter, entraînant la hausse des contributions perçues par les recycleurs. Parallèlement, l'usage du papier décline, induisant naturellement une baisse continue de la quantité de papier à recycler. Il paraît donc logique d'intégrer la filière du papier, désormais modeste, à la filière plus significative des emballages ménagers. Ce changement simplifiera la vie des Français, qui pourront jeter les déchets en question dans une seule poubelle au lieu de deux, et rationalisera le travail des collectivités territoriales, qui n'organiseront plus qu'une seule collecte. Cette fusion n'entraînera aucun changement en ce qui concerne la quantité de déchets, leur taux de recyclage ou leur taux d'acquittement.
Sachant que le gisement de papier à recycler continuera à décliner, l'existence même d'une REP dédiée au papier est menacée à long terme. Elle a donc tout intérêt à s'intégrer à une filière dynamique recyclant des matières similaires et ayant atteint la masse critique de rentabilité – pour rappel, la quantité de déchets papier est dix fois inférieure à celle des emballages ménagers. Ainsi, la participation financière des producteurs d'emballages pourra contribuer à la préservation de la filière de recyclage du papier graphique. En effet, nous ne devons pas laisser dévaloriser le papier noble, blanc, celui des livres, des cahiers et des journaux, par son recyclage sous forme de carton ; nous devons le maintenir dans le cycle de recyclage du papier de qualité. Dans ce secteur comme dans bien d'autres, gardons à l'esprit l'importance de privilégier la production française. Comment pourrait-il en être autrement au pays de La Fontaine, Zola ou Hugo, dès lors qu'il s'agit du papier, le support noble et historique de la culture écrite française ?
Rappelons-nous l'objectif de circularité de la loi Agec, visant le réemploi et la réduction des déchets. Tant que la production de déchets ménagers ne décroîtra pas comme décroît la production de papier, nous pourrons légitimement attendre de la filière globale qu'elle préserve celle du papier.
La presse, grâce au support papier, demeure, dans toute sa diversité, le vecteur essentiel de notre vitalité démocratique. Sa pérennité et son indépendance sont les piliers de la liberté d'expression. Ainsi, selon une étude parue le 24 janvier dans le journal La Croix, l'information publiée dans la presse papier reste perçue comme la mieux traitée, la plus rigoureuse, donc la plus imperméable aux fausses informations.
Aussi devons-nous nous garder d'oublier que cette presse indépendante, essentielle au débat public, qui agit au service du libre arbitre de chaque citoyen, est menacée. La chute constante des tirages et la réduction des personnels des rédactions nous obligent à prendre des mesures adaptées : faire peser sur la presse une nouvelle taxe mettrait en danger son fragile équilibre économique. En outre, le mouvement actuel de concentration conduit à l'acquisition des publications en difficulté par des groupes spécialisés dans d'autres secteurs d'activité. Cette tendance n'est pas de nature à renforcer l'indépendance des lignes éditoriales, bien au contraire. Ainsi, il paraît bien normal que ces bienfaiteurs qui considèrent la presse comme un actif dans leur portfolio contribuent effectivement au financement de l'innovation dans le secteur, et plus largement à la filière de recyclage. Après tout, comme l'a bien montré Le Monde diplomatique, il n'existe guère qu'une poignée de patrons de presse, ce qui laisse peu de place à des groupes dédiés purement à la presse. Après Canal+, verra-t-on l'acquisition par Bolloré du journal L'Humanité ?
Sourires.
En tout cas, ce n'est pas notre projet.
Il convient donc de maintenir la possibilité d'une écocontribution en nature, pour protéger les publications les plus modestes et les groupes indépendants. La mise à disposition d'encarts publicitaires représente évidemment un investissement opportun. En mettant à profit ce support pour renforcer l'éducation populaire à la sobriété énergétique, au recyclage, à la lutte contre le gaspillage et à la transition écologique en général, nous répondrons aux préoccupations des Français. En outre, il faut saisir cette occasion de mettre cet outil à la disposition des collectivités locales, qui pourront ainsi faire la promotion de leurs initiatives dans tous ces domaines.
Le groupe Démocrate votera donc ce texte, mais demande la création d'une mission d'analyse des ressources et subventions dont bénéficie la presse française, afin de mesurer précisément les moyens dont elle a besoin pour répondre à ses obligations environnementales.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
L'examen du texte en commission a permis d'établir un fait : cette proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier porte mal son nom. Nos débats n'ont d'ailleurs pas porté sur ce sujet, mais bien sur la sortie de la presse de la REP papiers, car il s'agit là du cœur du texte.
Soyons clairs : personne ne met en doute les difficultés que connaît le secteur de la presse depuis plusieurs années. Je souhaite d'ailleurs exprimer mon soutien à la presse nationale et régionale, essentielle à notre démocratie. En effet, la diffusion d'une information objective et le pluralisme d'opinion sont les conditions même de la liberté d'expression inhérente à notre modèle républicain.
Néanmoins, si nous partageons la volonté de protéger la presse écrite, nous n'approuvons pas la méthode promue par ce texte. En effet, faire sortir ce secteur de la filière REP papiers enverrait un très mauvais signal aux acteurs qui mettent sur le marché des produits générant des déchets. Cela risque par ailleurs d'entraîner un effet boule de neige s'étendant à tous les secteurs en difficulté, ce qui irait à rebours de nos objectifs de recyclage, alors même qu'il convient d'accélérer en la matière.
À l'heure actuelle, la filière REP papiers fonctionne convenablement, grâce à la gestion saine qu'assurent conjointement les collectivités et l'éco-organisme Citeo, qui permet d'ailleurs, grâce aux gestes de tri des citoyens, d'atteindre un taux de recyclage d'environ 62 %. Jusqu'au 31 décembre 2022, la presse écrite pouvait, au choix, s'acquitter financièrement de son écocontribution ou s'en acquitter en nature, en mettant à disposition des encarts publicitaires. Si votre proposition de loi est adoptée en l'état, Citeo ne pourra plus réclamer d'écocontribution à ce secteur, ce qui aura pour conséquence directe la baisse des moyens alloués aux collectivités territoriales chargées de la prévention, de la collecte, du tri et du recyclage du papier. C'est d'ailleurs pour cette raison que les trois associations Cercle national du recyclage, Amorce et Intercommunalités de France s'opposent à ce texte, arguant qu'il va « à l'encontre de la dynamique de recyclage, du financement de la collecte, du tri et du recyclage des papiers ».
Pour justifier votre proposition de loi, vous invoquez la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui, d'après votre lecture, imposerait un règlement en numéraire de l'écocontribution, excluant ainsi la possibilité d'une contribution en nature. En clair, vous dites : pour soutenir économiquement la presse, sortons-la de la REP papiers et évitons de lui demander une contribution financière à la protection de l'environnement.
Ayant lu attentivement cette directive, nous pensons qu'il existe une solution plus responsable, une solution de compromis, qui permettrait de maintenir le secteur de la presse au sein de la REP papiers tout en adaptant notre droit aux réalités économiques du secteur, mais aussi aux règles européennes en vigueur. Celles-ci autorisent en effet la presse à s'acquitter de son écocontribution à la fois financièrement et en nature, en contribuant à hauteur de 50 % par des encarts destinés à la communication environnementale des collectivités territoriales, et à hauteur de 50 % par des versements à l'éco-organisme. J'ajoute que le Gouvernement pourrait également renforcer les subventions allouées à la presse pour l'aider à verser son écocontribution – je pense notamment à la presse quotidienne régionale.
Nous comptons vous soumettre par voie d'amendement cette solution de compromis qui permet à la fois de soutenir la presse et de consolider la filière REP papiers, ce qui nous rapprochera de nos objectifs en matière de recyclage. Elle est plus rigoureuse et plus robuste que le système de conventions de partenariat promu dans le texte, qui n'a pas réellement convaincu en commission. Elle répond également aux inquiétudes dont nous ont récemment fait part les collectivités, les associations et les éco-organismes.
Ne faisons pas d'économies de bouts de chandelle sur un modèle de développement durable qui fait ses preuves.
Nous espérons vivement être entendus. Autrement, le groupement Socialistes et apparentés votera contre ce texte, qui n'apporte aucune solution ambitieuse et exigeante pour consolider et préserver la filière REP papiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Depuis la directive-cadre de l'Union européenne du 19 novembre 2008, la France a à cœur d'instaurer une société plus responsable des déchets qu'elle produit. L'affirmation du principe de responsabilité élargie des producteurs a été une avancée majeure dans ce combat. Nous sommes l'un des pays qui a le plus recours aux filières à responsabilité élargie : elles sont au nombre de vingt-trois en France, dont certaines encore en cours de création. Je tiens à rappeler l'importance de la loi antigaspillage pour une économie circulaire, que nous sommes nombreux à avoir votée en 2020 et qui a permis de créer progressivement onze filières supplémentaires. Cette loi constitue une référence au niveau européen. Permettez-moi de saluer Véronique Riotton, qui en était la rapporteure et qui s'est beaucoup investie sur ce sujet.
Pour lutter contre les externalités négatives, nous avons largement adopté le principe pollueur-payeur, qui oblige les producteurs de déchets à intégrer le coût de gestion de ceux-ci dans le coût de production. Ce principe a fait ses preuves tant en matière de réduction des déchets que d'amélioration de leur traitement. Nous y sommes particulièrement attachés, car en incitant à l'écoconception, on verdit concrètement notre industrie.
Cette proposition de loi se concentre sur deux filières à responsabilité élargie parmi les plus importantes : celle des emballages ménagers, première filière à avoir été créée, dès 1992, et celle des imprimés papiers et des papiers à usage graphique. En 2018, 1,3 million de tonnes de déchets de la filière papiers ont été traités, dont 57 % ont été recyclés.
Ces deux filières ne font pas face aux mêmes défis. Alors que la filière REP papiers concerne des quantités de moins en moins importantes de déchets du fait de la numérisation des pratiques, celle des emballages ménagers ne cesse de monter en puissance, notamment du fait de l'essor du commerce en ligne. C'est pourquoi il est proposé, à l'article 1er de cette proposition de loi, de fusionner ces deux filières.
La presse fait face à de nombreux défis, liés notamment à la numérisation des médias et à une baisse des ventes continue depuis plus de vingt ans, qu'est venue accentuer la crise de la covid. Une presse libre, indépendante et pluraliste est nécessaire pour faire vivre notre démocratie. C'est pourquoi l'article 2 de cette proposition de loi vise à exonérer la presse de sa contribution financière, sous réserve de la signature d'une convention qui mettrait à disposition des filières, et surtout des collectivités territoriales en charge de la collecte, du traitement et du recyclage des déchets, des encarts pour communiquer. Les collectivités territoriales ont en effet cette obligation.
Cette exonération de la presse, qui représente 40 % de la filière papier, représente tout de même un manque à gagner de 20 millions d'euros par an pour les collectivités territoriales, même s'il est vrai qu'elles ne touchaient pas encore cette somme, mais l'attendaient en 2023. Toutefois, la mise à disposition d'encarts dans la presse leur procurerait une compensation en leur évitant une dépense. Reste que ce sont les collectivités territoriales qui seront les plus touchées par cette proposition de loi, y compris dans leur mission de collecter des déchets en vue de leur recyclage.
Il faut cependant rappeler que l'État a reversé 150 millions d'euros aux collectivités en cette fin d'année 2022 pour leur politique de traitement des déchets. L'exonération financière, certes soumise à la signature d'une convention comportant des obligations relatives à l'environnement, n'ouvre-t-elle pas une boîte de Pandore pour d'autres filières à responsabilité élargie ? Nous ne le souhaitons évidemment pas. Elle pose d'autres questions, notamment celle de l'évaluation de l'impact de la mesure. Nous nous réjouissons donc de l'adoption d'un amendement visant à obtenir un rapport sur ce point.
La question du financement de la presse doit également être soulevée. Au vu de la situation de celle-ci, il est compréhensible que nous votions les dispositions de cette proposition de loi. Toutefois, elles ne suffiront pas à résoudre le problème global de la presse dans notre pays.
En dépit de ces alertes, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce texte qui manifeste une ambition forte quant à l'information de nos concitoyens. Nous continuerons à exercer notre vigilance, notamment lorsque nous recevrons le rapport évaluant l'effet de la mesure et la nécessité de revenir sur cette question.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Au premier abord, cette proposition de loi semble très technique. Cela a été dit, il s'agit de fusionner deux filières à responsabilité élargie des producteurs dont les déchets sont très souvent collectés dans les mêmes bacs par les collectivités territoriales : la filière papiers et la filière emballages ménagers.
Derrière cette fusion, ce texte introduit néanmoins une disposition autrement plus importante : la sortie, pour les éditeurs de presse, de toute filière à responsabilité élargie des producteurs.
Avec ce dispositif, les éditeurs de presse sont purement et simplement exemptés de responsabilité à l'égard des déchets qu'ils produisent. Il me semblait pourtant que vous étiez très attachés à cette notion de responsabilité.
Nous l'avons expliqué en commission et M. le rapporteur l'a lui-même soutenu,…
…l'objet principal de cette proposition de loi est de venir en aide au secteur de la presse – ambition louable, car nous savons tous que ce secteur est en difficulté.
Le groupe Écologiste – NUPES doute cependant de la pertinence de la solution proposée pour aider la presse écrite, et cela pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, la philosophie générale du texte est incompatible avec l'ambition écologique. Aider une filière en difficulté financière, à l'image de la presse écrite, ne doit pas se faire au détriment de ses obligations environnementales.
Les entreprises sont responsables des produits qu'elles mettent sur le marché et elles doivent le rester. Nous risquons ici de créer un précédent dangereux. D'autres secteurs en difficulté pourraient demander également à sortir des filières REP. Pourquoi ne pas exonérer, par exemple, le secteur du bâtiment ?
Ensuite, le dispositif proposé induit un recul écologique. Jusqu'au 1er janvier 2023, la loi instaurait un choix simple pour les éditeurs de presse : payer une écocontribution pour financer la gestion des déchets papier ou mettre à disposition des encarts publicitaires dédiés au recyclage, à condition d'incorporer 50 % de papier recyclé dans leurs publications. Avec ce texte, vous proposez de supprimer la contribution financière et d'instaurer une mise à disposition d'encarts publicitaires, mais sans aucune condition environnementale.
C'est la première fois que l'on sort un secteur du système de REP. C'est un très mauvais signal, à contre-courant de la logique pollueur-payeur.
Enfin, cette proposition de loi menace les finances des collectivités. Selon Amorce, la presse écrite verse 3 millions d'euros d'écocontribution aux collectivités pour financer la collecte et le tri du papier. Au 1er janvier 2023, avec la fin prévue de la contribution en nature, les éditeurs auraient même dû verser 17 millions d'euros de plus. Cette proposition de loi entraîne donc une perte de recettes importante, alors même que les coûts de collecte, de tri et de recyclage augmentent.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – NUPES accueille défavorablement ce texte. C'est d'ailleurs une position partagée par nombre de nos collègues, y compris au sein de la majorité.
Malgré plusieurs propositions d'amélioration du texte en commission, celui-ci a trop peu évolué. Notre groupe défendra donc la suppression de l'article 1er de la proposition de loi. Si nous ne l'obtenons pas, nous vous proposerons des amendements visant à proroger le système actuel de contribution de la presse à sa filière REP, ou au moins à garantir le maintien de ses objectifs environnementaux. Si aucune de ces adaptations n'est adoptée, nous serons contraints de voter contre le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Depuis des années, nous sommes régulièrement conduits à évoquer dans cet hémicycle la situation de la presse, en particulier celle de la presse écrite : faillite de Presstalis, baisse du nombre de lecteurs, fragilité financière de plusieurs quotidiens et hebdomadaires, explosion du coût du papier. On pourrait ajouter à cette liste un phénomène de concentration et d'accaparement par quelques milliardaires des médias, presse écrite comprise. La difficulté rencontrée par la presse indépendante pour se développer est pour nous un sujet majeur de préoccupation. Si nous ne voulons pas voir tout un secteur de l'information disparaître, nous devons agir vite pour améliorer l'attribution des aides à la presse et moderniser les seuils du dispositif anticoncentration.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la proposition de loi. J'entends et comprends les réticences à voir exonérer les éditeurs de presse de la responsabilité élargie des producteurs de la filière papier. Oui, il est important que les producteurs assument le coût du traitement de leurs déchets ; surtout, il faut diminuer le volume des déchets, qui continue d'augmenter.
Mais la presse écrite ne peut être considérée comme une filière comme une autre. La France a été le seul pays à intégrer la presse dans le champ de la responsabilité élargie.
Il faut également noter que le secteur du livre est déjà exonéré de ces obligations. Nous ne pouvons traiter la presse écrite d'une manière différente.
Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis, applaudit.
Il y avait à mon sens urgence à légiférer pour ne pas fragiliser un secteur en grande souffrance. En effet, l'article 72 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire conduisait à ce qu'au 1er janvier 2023, les éditeurs de presse ne puissent plus verser leur écocontribution en nature, sous forme d'encarts destinés à informer le lecteur sur les gestes de tri et le recyclage. La fin de ce régime dérogatoire allait se matérialiser en une taxe sur les éditeurs de presse estimée à 22 millions d'euros en 2023.
La presse ne peut être traitée comme les emballages. Son rôle social, son rôle dans notre démocratie justifient amplement l'exception que nous nous apprêtons à lui accorder. De plus, il ne s'agit pas de l'exonérer de ses obligations. Au contraire, les avancées obtenues dans les deux commissions, notamment à travers le conventionnement, font d'elle un élément important du tournant écologique que nous devons prendre. La presse n'est pas en dehors de la société, elle joue et continuera à jouer son rôle dans la transition écologique.
Cependant, et malgré notre soutien à cette proposition de loi, nous proposons d'ouvrir la réflexion, comme nous l'avons fait en commission, sur une restriction de cette exception à la presse d'information politique et générale, qui répond à des critères en termes d'intérêt général plus stricts que le reste des publications.
Je pense que cette mesure, qui fait l'objet d'un amendement du groupe GDR – NUPES, peut faire office de compromis pour allier les deux impératifs qui entrent ici en tension : soutien à la presse et à l'information ; nécessité pour les entreprises de contribuer aux traitements de leurs déchets.
Concernant la fusion des deux filières, des interrogations demeurent, tant elles sont déséquilibrées si l'on considère les volumes. En effet, le volume de papier traité diminue ; dans le même temps, nos usines de papiers recyclés ferment, de sorte qu'il est désormais indispensable de se fournir à l'étranger. Il y a là une véritable difficulté, qui n'est que trop peu abordée dans cette proposition de loi.
Malgré ces réserves, les députés communistes voteront en faveur de ce texte, car il semble nécessaire de sortir la presse, comme le livre, du régime d''écocontribution financière, en contrepartie de la mise à disposition d'encarts d'information sur la transition écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra