Madame la présidente, madame la Première ministre, mesdames et messieurs les députés, chers amis, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à cette haute tribune, au cœur même de la vie politique de votre pays, et de m'avoir offert la possibilité de prendre la parole devant l'Assemblée nationale française. Il est très important pour nous que nos amis et partenaires puissent voir et entendre les Ukrainiens, comme vous l'avez fait, madame la présidente, lors de votre venue.
Chère Yaël, je me souviens des moindres détails de votre visite à Kyïv. Quittant la capitale, nous nous sommes ensuite rendus en train dans la ville voisine de Tchernihiv. C'était un acte de courage. Je n'oublierai jamais la façon dont vous avez tenu les mains d'une femme âgée dont la maison avait été frappée par un missile. Vous avez vu de vos propres yeux l'ampleur des ravages qui touchent notre pays. Vous avez ressenti la douleur et le malheur de chaque Ukrainien. Votre visite a manifesté de manière éclatante la solidarité de la République française envers l'Ukraine et le soutien qu'elle apporte à notre indépendance et à notre intégrité territoriale, ces principes qui nous unissent.
Ce qui nous unit également, ce sont les ponts de toute sorte, qu'ils soient physiques ou symboliques. Ainsi, les ponts fraternellement offerts par la France à l'Ukraine ont contribué à rétablir le trafic routier dans la région de Tchernihiv, permettant d'acheminer les équipements militaires et l'aide humanitaire en provenance des pays alliés. Ces ponts, qui renforcent le soutien militaire et technique accordé à l'Ukraine, sont le symbole de l'amitié qui nous lie. Nous continuerons à l'avenir à construire de nouveaux ponts susceptibles d'unir encore plus étroitement nos deux pays.
L'agression à grande échelle de l'Ukraine par la Russie a débuté il y a bientôt un an. Nous connaissons mieux que quiconque son unique objectif : satisfaire l'aspiration criminelle de la Russie à la conquête de territoires qui ne lui appartiennent pas, priver l'Ukraine de sa souveraineté, faire obstacle à son avenir européen et euratlantique. La Russie emploie contre nous l'ensemble des arsenaux dont elle dispose et se livre à un chantage nucléaire envers le monde.
Madame la présidente, j'ai eu aujourd'hui la chance exceptionnelle de tenir entre les mains les trésors de la bibliothèque de l'Assemblée nationale. J'ai consulté un grand atlas de Johannes Blaeu dont les cartes représentent la cité antique de Chersonèse, en Tauride, comme on appelait autrefois la Crimée ; cette ville a donné son nom à Kherson, récemment libérée par l'armée ukrainienne. J'ai également vu un exemplaire édité en 1660 de la Description d'Ukranie, ce livre extraordinaire du grand ingénieur, cartographe, voyageur et écrivain français Guillaume Levasseur de Beauplan. Cet ouvrage mentionne le noble peuple des Cosaques zaporogues ; on y lit qu'il s'agit d'un peuple subtil, ne recherchant pas la richesse, mais très attaché à sa liberté, sans laquelle il ne saurait vivre. Trois cent soixante ans plus tard, l'Ukraine résiste, car, aujourd'hui encore, elle ne s'imagine pas vivre sans liberté.
À notre résistance, l'agresseur répond par des attaques contre nos villes, nos villages et nos infrastructures, privant ainsi les Ukrainiens de chauffage, d'électricité et d'eau courante. Depuis ce matin, ils ont déjà dû descendre à trois reprises dans les abris qui les protègent des missiles russes. L'agresseur cherche à leur ôter toute possibilité de vivre dignement. La propagande cynique de la Russie continue à produire ses mensonges, induisant en erreur aussi bien ses propres citoyens que ceux qui, dans le monde, y croient encore. Tous ceux qui participent à ce crime doivent être punis ; tous les responsables doivent être traduits devant la justice.
Ces agissements relèvent du terrorisme, ni plus ni moins ; c'est ainsi que se comporte un pays terroriste, un État terroriste. Une telle politique agressive et irresponsable représente une menace pour la démocratie et pour la liberté. La communauté internationale ne doit pas s'y tromper. Ainsi, le 23 novembre 2022, le Parlement européen a reconnu la Russie comme un État promouvant le terrorisme, employant les méthodes du terrorisme. Les assemblées parlementaires de l'Otan et du Conseil de l'Europe avaient d'ailleurs adopté des résolutions identiques. Par conséquent, je vous appelle, chers collègues, à reconnaître vous aussi la Russie en tant qu'État terroriste, dans les murs de l'Assemblée nationale, temple du droit et de la liberté.