La presse est aujourd'hui dans une situation très critique : elle souffre de difficultés conjoncturelles majeures qui viennent s'ajouter aux fragilités structurelles du secteur. En 2022, 3,6 millions d'exemplaires relevant de la presse régionale étaient imprimés chaque jour, contre 5,6 millions dix ans auparavant. Ce seul chiffre illustre la baisse des ventes et la raréfaction du lectorat.
Le prix de la tonne de papier a doublé en un an, pour atteindre près de 900 euros en 2022. Selon les estimations de la filière, la hausse du coût du papier pourrait représenter un manque à gagner de 120 millions d'euros.
Si toute la presse est touchée à des degrés divers, la presse quotidienne régionale – dont la pagination est importante – l'est particulièrement. À noter que la hausse du coût de l'énergie affecte aussi le coût de distribution, de transport et de fabrication de la presse. Même la presse numérique n'est pas épargnée, car elle subit l'augmentation des tarifs des hébergeurs.
En somme, si les éditeurs parviennent à absorber une part de la hausse de ces coûts, notamment par le biais de l'augmentation des prix et d'une réduction de la pagination déjà mise en œuvre par une majorité d'éditeurs, tout le secteur court un réel risque de déstabilisation.
En parallèle, il convient de rappeler que la presse est depuis 2017 incluse dans la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des papiers graphiques. En obligeant les producteurs à avoir une vision de leurs produits depuis leur mise sur le marché jusqu'à la fin de leur usage, la REP applique le principe pollueur-payeur. La France est un pays moteur dans ce domaine, puisqu'elle est le premier en Europe à avoir mis en place le système de REP.
La presse est donc présente depuis 2017 dans la filière REP des producteurs de papiers graphiques. Toutefois, étant considérée comme un secteur particulièrement sensible, au même titre que les livres, elle bénéficiait d'une dérogation lui permettant de contribuer à sa filière sous la forme de prestations en nature, par le biais de la mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier.
Ce système existait bien avant 2017, mais à partir de cette date, il est devenu une alternative obligatoire au paiement d'une écocontribution à l'éco-organisme. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire – loi Agec – a mis un terme à ce régime dérogatoire : elle dispose qu'à compter du 1er janvier 2023, l'écocontribution de la presse doit être en numéraire. La charge que représente ce financement direct pour la presse est estimée entre 15 et 22 millions d'euros.
Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour d'une semaine qui lui est normalement dédiée, car ce sujet me mobilise depuis déjà un bon moment. Les auditions menées ont permis un échange constructif avec toutes les parties prenantes. Je me réjouis aussi de l'intérêt que ce sujet a suscité chez mes collègues de tous les groupes politiques : nos discussions ont permis de construire un texte plus riche, plus fort.
Revenons au fond de cette proposition de loi. Il s'agit de revenir à la possibilité pour la presse de prodiguer une écocontribution en nature, à condition que soit signée et mise en œuvre une convention de partenariat avec l'État engageant la presse à mettre à disposition gratuitement des encarts destinés à communiquer auprès des lecteurs sur la transition écologique.
Cela permettra d'amplifier les messages diffusés depuis de nombreuses années. Ces encarts seront accessibles à l'État et éventuellement à ses agences, mais également, comme nous l'avons précisé, aux collectivités territoriales.
L'adoption de cette proposition de loi ne serait pas un blanc-seing accordé à la presse : les titres qui ne s'engageraient pas dans cette convention de partenariat exigeante devront s'acquitter d'une contribution financière. La convention sera un outil négocié avec les syndicats de la presse. Elle incarnera la volonté de l'État – et la nôtre – de continuer d'exiger de la presse un engagement total pour garantir des processus de fabrication plus propres et plus durables, ainsi que le recyclage des déchets issus du secteur.
Comme je l'ai indiqué, nombre de nos collègues ont travaillé sur ce texte. Je les en remercie. Grâce à nos échanges et aux amendements que nous avons adoptés, c'est un texte enrichi qui est sorti de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il n'est pas question de revenir sur ce qui a été construit en commission, mais bien de s'appuyer sur cette base de travail pour l'enrichir.
Après l'examen du texte en commission la semaine dernière, plusieurs éléments ont été précisés à propos de la convention de partenariat, pour mieux l'encadrer, en amont de la rédaction du décret d'application. D'une part, les encarts seront conçus comme un outil à la disposition des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des associations, qui pourront ainsi communiquer à destination du grand public, par exemple sur la politique de tri et de recyclage à l'échelle locale. À cet égard, les collectivités seront consultées en amont de la signature de la convention. Elles seront ensuite amenées à définir les modalités d'usage des encarts avec les publications de presse, au niveau national ou local.
D'autre part, des exigences environnementales seront fixées pour prévenir tout recul des efforts réalisés par la presse depuis des années en contrepartie de son écocontribution en nature. Pour bénéficier du système de la contribution en nature, les éditeurs de presse doivent en effet respecter plusieurs critères relatifs à l'usage de papier recyclé, à la provenance du papier, à l'usage d'huiles minérales – qui sont appelées à disparaître – et à l'élimination de produits perturbant le recyclage. Je souhaite que ces exigences, qui visent notamment à ce qu'ils incorporent au moins 75 % de papier recyclé dans leur papier journal, soient maintenues. L'objectif de tels critères est de faire des journaux et magazines des produits hautement recyclables et de contribuer ainsi à une chaîne vertueuse de fabrication et de réutilisation.
Je propose également que les conventions de partenariat soient signées pour une durée de trois ans renouvelables, afin que le respect des critères qui y figurent puisse être évalué à ce terme.
J'insiste par ailleurs sur l'importance que revêt la mise à disposition d'un tel dispositif d'encarts pour les collectivités territoriales. Informer sur les gestes de tri et l'économie circulaire reste nécessaire pour sensibiliser les Français à ces pratiques. Les encarts seront autant d'espaces disponibles que les collectivités territoriales pourront utiliser, sans les payer comme des pages de publicité, pour sensibiliser nos concitoyens à la transition écologique et plus particulièrement au recyclage.
La réflexion sur la filière REP des producteurs de papier nous a conduits à nous intéresser à celle des producteurs d'emballages ménagers, dont l'écocontribution s'élève à environ 900 millions d'euros par an et dont le principal éco-organisme agréé est d'ailleurs le même que celui de la filière des papiers graphiques, à savoir Citeo. Dans une logique de synergie, et en concertation avec le Gouvernement, la proposition de loi vise à fusionner la filière des emballages ménagers et celle des papiers graphiques. L'organisation de ces filières relève du pouvoir réglementaire, lequel pourrait prévoir un cahier des charges unique pour la filière nouvellement créée. Il s'agit de faire en sorte que le respect de la responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papiers graphiques soit assuré par des éco-organismes agréés simultanément, s'ils le souhaitent, pour ces deux grandes catégories de produits.
L'amendement n° 64 que nous avons adopté en commission garantit que cette fusion n'interviendrait pas au détriment de l'une des deux filières. Pour répondre aux inquiétudes exprimées au cours de l'examen du texte, nous affirmons ainsi que quelle que soit l'organisation retenue pour la nouvelle filière, les producteurs d'emballages ménagers ne verront pas leurs charges augmenter pour compenser celles des producteurs de papiers graphiques, et vice-versa.
J'ai bien conscience, par ailleurs, du fait que le soutien à la presse ne doit pas porter préjudice aux finances des collectivités locales. Nous cherchons, à travers cette proposition de loi, un équilibre permettant aux collectivités de bénéficier du dispositif créé par la convention de partenariat. Soyez assurés que nous n'ignorons ni les enjeux du traitement des déchets ménagers, ni les évolutions de la législation.
Il convient de donner à la presse les outils nécessaires pour prendre pleinement part au défi de la transition écologique, tout en l'accompagnant dans la crise qu'elle traverse, en gardant notamment le souci de préserver la presse quotidienne régionale dans nos territoires respectifs. Ainsi, nous poursuivrons notre engagement en faveur de sa pérennité, de sa liberté, de son indépendance et de son pluralisme.
C'est un texte enrichi par le travail de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire que nous nous apprêtons à examiner. Plus d'une quarantaine d'amendements ont été déposés par des députés, siégeant à droite comme à gauche de l'hémicycle. Je souhaite vivement que certains puissent être intégrés au texte.