Depuis la directive-cadre de l'Union européenne du 19 novembre 2008, la France a à cœur d'instaurer une société plus responsable des déchets qu'elle produit. L'affirmation du principe de responsabilité élargie des producteurs a été une avancée majeure dans ce combat. Nous sommes l'un des pays qui a le plus recours aux filières à responsabilité élargie : elles sont au nombre de vingt-trois en France, dont certaines encore en cours de création. Je tiens à rappeler l'importance de la loi antigaspillage pour une économie circulaire, que nous sommes nombreux à avoir votée en 2020 et qui a permis de créer progressivement onze filières supplémentaires. Cette loi constitue une référence au niveau européen. Permettez-moi de saluer Véronique Riotton, qui en était la rapporteure et qui s'est beaucoup investie sur ce sujet.
Pour lutter contre les externalités négatives, nous avons largement adopté le principe pollueur-payeur, qui oblige les producteurs de déchets à intégrer le coût de gestion de ceux-ci dans le coût de production. Ce principe a fait ses preuves tant en matière de réduction des déchets que d'amélioration de leur traitement. Nous y sommes particulièrement attachés, car en incitant à l'écoconception, on verdit concrètement notre industrie.
Cette proposition de loi se concentre sur deux filières à responsabilité élargie parmi les plus importantes : celle des emballages ménagers, première filière à avoir été créée, dès 1992, et celle des imprimés papiers et des papiers à usage graphique. En 2018, 1,3 million de tonnes de déchets de la filière papiers ont été traités, dont 57 % ont été recyclés.
Ces deux filières ne font pas face aux mêmes défis. Alors que la filière REP papiers concerne des quantités de moins en moins importantes de déchets du fait de la numérisation des pratiques, celle des emballages ménagers ne cesse de monter en puissance, notamment du fait de l'essor du commerce en ligne. C'est pourquoi il est proposé, à l'article 1er de cette proposition de loi, de fusionner ces deux filières.
La presse fait face à de nombreux défis, liés notamment à la numérisation des médias et à une baisse des ventes continue depuis plus de vingt ans, qu'est venue accentuer la crise de la covid. Une presse libre, indépendante et pluraliste est nécessaire pour faire vivre notre démocratie. C'est pourquoi l'article 2 de cette proposition de loi vise à exonérer la presse de sa contribution financière, sous réserve de la signature d'une convention qui mettrait à disposition des filières, et surtout des collectivités territoriales en charge de la collecte, du traitement et du recyclage des déchets, des encarts pour communiquer. Les collectivités territoriales ont en effet cette obligation.
Cette exonération de la presse, qui représente 40 % de la filière papier, représente tout de même un manque à gagner de 20 millions d'euros par an pour les collectivités territoriales, même s'il est vrai qu'elles ne touchaient pas encore cette somme, mais l'attendaient en 2023. Toutefois, la mise à disposition d'encarts dans la presse leur procurerait une compensation en leur évitant une dépense. Reste que ce sont les collectivités territoriales qui seront les plus touchées par cette proposition de loi, y compris dans leur mission de collecter des déchets en vue de leur recyclage.
Il faut cependant rappeler que l'État a reversé 150 millions d'euros aux collectivités en cette fin d'année 2022 pour leur politique de traitement des déchets. L'exonération financière, certes soumise à la signature d'une convention comportant des obligations relatives à l'environnement, n'ouvre-t-elle pas une boîte de Pandore pour d'autres filières à responsabilité élargie ? Nous ne le souhaitons évidemment pas. Elle pose d'autres questions, notamment celle de l'évaluation de l'impact de la mesure. Nous nous réjouissons donc de l'adoption d'un amendement visant à obtenir un rapport sur ce point.
La question du financement de la presse doit également être soulevée. Au vu de la situation de celle-ci, il est compréhensible que nous votions les dispositions de cette proposition de loi. Toutefois, elles ne suffiront pas à résoudre le problème global de la presse dans notre pays.
En dépit de ces alertes, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce texte qui manifeste une ambition forte quant à l'information de nos concitoyens. Nous continuerons à exercer notre vigilance, notamment lorsque nous recevrons le rapport évaluant l'effet de la mesure et la nécessité de revenir sur cette question.