Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2023 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Francesca Pasquini et plusieurs de ses collègues visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (464, 1926).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l'article 107, alinéa 3 du règlement, nous entendrons tout d'abord les interventions des rapporteurs de la commission et du Gouvernement, puis nous examinerons les deux amendements déposés afin de corriger une erreur matérielle. Nous entendrons ensuite les explications de vote des groupes, avant de passer au vote sur l'ensemble du texte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Francesca Pasquini, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La présente proposition de loi est le fruit d'un travail initié il y a un an avec les associations de lutte contre le tabac et de protection de l'environnement. Cosignée par 166 députés, appartenant à huit groupes politiques différents, elle a été adoptée à l'unanimité en commission des affaires sociales. Le groupe Écologiste se félicite d'avoir été rapidement rejoint dans ce combat par des députés engagés, tels mon corapporteur Michel Lauzzana.

Notre objectif est simple : interdire les puffs, c'est-à-dire les cigarettes électroniques jetables ou à usage unique, dont il convient d'emblée d'indiquer qu'elles ne contiennent pas de tabac, mais peuvent contenir de la nicotine, une substance vénéneuse au double effet psychotrope et addictif. Avant que nous en venions au vote, il me semble nécessaire d'être très claire sur les produits visés par la proposition de loi.

En effet, l'initiative que nous défendons aujourd'hui ne s'attaque pas aux produits de vapotage rechargeables, qui servent souvent à sortir de la consommation du tabac, ni aux nouvelles formes de délivrance nicotinique. Je le précise pour que chacun dans cet hémicycle et parmi ceux qui nous écoutent comprenne que, même si des questions juridiques, économiques ou sanitaires peuvent se poser à propos de ces produits, nous avons fait le choix de nous focaliser uniquement sur les puffs pour aboutir assurément et rapidement à leur pure et simple interdiction. Les fabricants des puffs, ces objets au développement exponentiel et anarchique, visent surtout, au travers d'un marketing agressif et bien souvent illégal, à compenser le risque, pour les industriels du tabac, que les générations à venir ne fument plus du tout.

Apparues sur le marché français en 2021, les puffs ont un format compact et prêt à l'emploi beaucoup plus discret et pratique que les cigarettes électroniques rechargeables. Ces caractéristiques ont incité des commerçants aussi divers que des magasins de décoration, des kiosques à journaux ou des grandes surfaces à en proposer à leurs clients. Les puffs sont donc facilement accessibles et, de surcroît, de graves contournements de l'interdiction de vente aux mineurs ont été constatés. Ceux-ci en font un large usage, car leur prix est dérisoire et leurs arômes fruités et sucrés attirants, la discrétion du dispositif les faisant passer inaperçues auprès des parents. Ainsi, au Royaume-Uni, leur consommation a quadruplé au cours de la dernière année et, actuellement, huit puffs finissent à la poubelle toutes les secondes, soit cinq millions chaque semaine ! En France, 15 % des adolescents les ont déjà utilisées et la moitié d'entre eux ont découvert la nicotine à travers ces produits.

Nous avons également affaire, avec ce produit, à une véritable aberration sur le plan environnemental : le plastique et le lithium qui les composent ont un mode de production très consommateur de pétrole et d'eau ; extraits à l'autre bout du monde, dans des conditions déplorables, ces mêmes matériaux sont aussi polluants à la fin de leur cycle de vie car ils ne disparaissent jamais de notre environnement. Les vendeurs de produits de vapotage nous ont indiqué que le respect de l'obligation légale de reprise des déchets électroniques et électroménagers, catégorie à laquelle appartiennent les puffs, est presque nul. Les éco-organismes reconnaissent eux aussi être démunis car, même une fois épuisées, les puffs sont encore dotées d'une charge d'ions dans leur batterie qui les rend extrêmement inflammables.

Facilité d'usage, disponibilité du produit, publicité déguisée, cycle de vie très court : tous les éléments sont réunis, avec ces cigarettes électroniques jetables, pour qu'un scandale sanitaire et environnemental voie le jour. L'interdiction totale des puffs que nous vous proposons est donc une mesure de santé publique à double titre : il s'agit de protéger la santé de nos concitoyens, mais également de protéger l'environnement qui nous entoure. La santé des personnes n'étant pas indépendante de la santé des écosystèmes, nous devons agir face à ces aberrations sanitaires et environnementales. L'interdiction des puffs est une étape nécessaire pour protéger la santé de nos concitoyens.

Les débats en commission ont montré que la représentation nationale était tout entière mobilisée face aux nouveaux pièges tendus par l'industrie de la nicotine. Chers collègues, j'espère que vous serez nombreux à vous joindre à nous dans ce combat et que le texte sera adopté à l'unanimité. Ainsi cet hémicycle enverra-t-il un signal fort aux sénateurs, qui seront bientôt saisis du texte, et aux parlementaires européens, qui luttent, eux aussi, contre ce fléau.

Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Michel Lauzzana, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous voilà réunis, enfin, pour aborder la proposition de loi transpartisane visant à interdire les dispositifs électroniques jetables ou à usage unique, dits puffs. Enfin, ai-je souligné, car l'urgence est bel et bien là. D'ici le vote du texte tout à l'heure, plus d'une dizaine puffs auront été jetées dans la nature et n'importe quel mineur aura pu s'en procurer facilement, et ce malgré l'interdiction de la vente aux moins de 18 ans. Face à ce constat accablant, je suis heureux de finaliser aujourd'hui la première étape d'un processus législatif et réglementaire qui débouchera sur une interdiction pure et simple de la vente et de la fabrication des puffs en France à partir, je l'espère, de septembre 2024.

Au-delà de l'aberration environnementale mise en évidence par ma corapporteure, les puffs posent des risques majeurs en matière de santé publique, d'abord pour la santé des jeunes. L'Académie nationale de médecine les qualifie ainsi de « piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents » et les derniers chiffres de l'Alliance contre le tabac confirment qu'il s'agit d'une véritable porte d'entrée vers le tabagisme : 15 % des adolescents l'ont déjà utilisé et, parmi eux, 47 % ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce dispositif.

Outre la nicotine, les puffs peuvent contenir parmi leurs ingrédients du plastique et des métaux lourds, qui, une fois chauffés, produisent une vapeur dont l'inhalation est nocive pour les poumons, en particulier ceux des enfants. Les puffs ne sont pas un moyen de sevrage tabagique et représentent un danger environnemental et sanitaire. Leur interdiction est nécessaire et soutenue par tous les acteurs, que ce soient les citoyens, les scientifiques, les associations, les entreprises de vapotage ou même, c'est à noter, les buralistes.

Je rappelle que notre proposition de loi est ciblée : elle vise uniquement les puffs. Après son adoption définitive par le Parlement, le Gouvernement devra notifier la mesure à la Commission européenne, qui disposera d'un délai de six mois pour l'approuver ou la rejeter. Loin de représenter une entrave à la souveraineté du législateur, cette coordination est nécessaire dès lors que les biens et les services circulent librement dans le marché commun. L'exemple de la Belgique est important de ce point de vue, ce pays n'ayant pas réussi à interdire les puffs l'année dernière. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous focalisons la proposition de loi strictement sur ce dispositif afin de ne pas compromettre son approbation par la Commission européenne.

Je sais néanmoins que cette seule interdiction ne résoudra pas tous les problèmes liés au tabagisme en France. C'est pourquoi je salue vos annonces récentes, monsieur le ministre de la santé et de la prévention, dans le cadre du programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT). Vous avez fixé un double objectif : créer une génération sans tabac d'ici à 2032 et accompagner les fumeurs dans leur arrêt du tabac.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sachez que la représentation nationale se tient à vos côtés dans cette entreprise.

Je veux souligner, enfin, que ce texte émane d'un travail transpartisan. Je remercie tout particulièrement ma corapporteure Francesca Pasquini, mais également les députés Karl Olive et Bruno Studer,…

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…avec qui nous avons travaillé en bonne intelligence pour que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je remercie également les 162 autres députés, de huit bords politiques différents, qui ont cosigné la proposition de loi. Ce fléau touche tous nos territoires.

Je sais gré à mes collègues de la commission des affaires sociales d'avoir voté à l'unanimité en faveur de la proposition de loi et d'avoir abordé des problématiques complémentaires : je pense notamment aux sachets de nicotine, aux paquets neutres et aux espaces sans tabac, aux abords des écoles par exemple.

Chers collègues, je vous invite à poursuivre cette démarche transpartisane.

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C'est le souhait de nos concitoyens, qui ont choisi la composition de cette assemblée, et c'est le vœu que formulent des députés du groupe Renaissance, prêts à se mobiliser avec des partenaires et des parlementaires responsables pour mettre en avant des sujets dans l'intérêt de nos concitoyens. Je vous appelle donc à voter la proposition de loi et à poursuivre notre travail collectif de lutte contre le tabagisme et contre les produits nocifs conçus par l'industrie du tabac.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Louis Boyard applaudit également.

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La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

Grâce à des années de politique de santé publique volontariste, l'usage du tabac est en nette baisse chez les jeunes : leur prévalence tabagique est passée de 25 % à 16 % depuis 2017. Ce combat nécessite de la ténacité, de l'engagement et quelquefois des mesures impopulaires. Tous ceux qui sont sur ces bancs ce soir et les 166 signataires de la proposition de loi partagent cet engagement. Sans ce travail législatif qui conduit à sortir de la banalité un produit dont les fabricants font tout pour le rendre totalement anecdotique, voire ludique, je pense sincèrement que le Gouvernement n'aurait pas été en mesure d'annoncer les dispositions que j'ai présentées la semaine dernière dans le cadre du nouveau programme national de lutte contre le tabagisme.

Je salue donc les liens qui existent entre le Parlement et le pouvoir exécutif,…

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

…liens essentiels au-delà même du caractère transpartisan du texte. Je félicite les corapporteurs du texte, Francesca Pasquini et Michel Lauzzana, pour leur remarquable travail.

Le programme national de lutte contre le tabagisme que j'ai présenté la semaine dernière pourrait, vous le savez, se résumer au néologisme « débanalisation » : il faut, en effet, sortir de la banalité du tabac.

Il faut, bien entendu, agir sur le prix en rendant son augmentation visible pour nos concitoyens ; généraliser les espaces sans tabac, pour faire reculer celui-ci dans l'espace public, notamment à proximité des plus jeunes ; accompagner les fumeurs par différents moyens, en accordant une attention particulière aux plus précaires – il faut proposer une aide adaptée à chaque profil de fumeur.

Je vois sur ces bancs nombre de parlementaires engagés, tel Karl Olive,…

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

…dans l'action en faveur du sport santé, un complément essentiel de la politique de lutte contre le tabac. Tout cela me conforte dans l'idée que notre objectif d'une première génération débarrassée du tabac dès 2032 est réaliste et atteignable.

Cet objectif est toutefois loin d'être acquis. Pour l'atteindre, il fallait, j'en suis convaincu, conjuguer nos ambitions : celle qui s'exprime aujourd'hui au Parlement et celle que le Gouvernement a formulée dans le programme national de lutte contre le tabagisme. C'est d'autant plus vrai que les usages évoluent et que la réponse des pouvoirs publics doit rester adaptée et agile pour relever les nouveaux défis – défis qui correspondent en réalité aux innovations marketing que les grands industriels mettent en œuvre pour attirer les plus jeunes de nos concitoyens dans les filets du tabagisme.

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

Il y a encore dix ans, la lutte contre le tabagisme concernait quasi exclusivement la cigarette ; aujourd'hui, les pratiques et les produits sont multiples. Certains sont colorés et ludiques, ciblant clairement les jeunes, à grand renfort de marketing – plusieurs d'entre vous l'ont noté. Je parle bien sûr de l'objet qui nous occupe ce soir : la cigarette électronique jetable, à usage unique, qui porte – malheureusement – le joli nom de puff.

Par son prix compétitif, son emballage attractif, ses saveurs sucrées et fruitées, la puff est attractive et accessible, singulièrement pour les jeunes. Michel Lauzzana l'a souligné, elle a gagné une popularité inquiétante jusque chez les très jeunes, malgré l'interdiction de vente aux mineurs : parmi les enfants de 13 à 16 ans, un sur dix a déjà essayé la puff, un chiffre en constante augmentation. La puff, pourtant, n'est ni un moindre mal ni un outil de sevrage. En effet, son taux de nicotine, pouvant aller jusqu'à 20 milligrammes par millilitre, ouvre la voie à une forte dépendance. Elle crée aussi une accoutumance au geste de fumer. Tous ces éléments facilitent l'effet passerelle vers le tabagisme.

Au-delà de l'aspect sanitaire, vu sa composition et son caractère non rechargeable, la cigarette électronique jetable est un fléau environnemental, une bombe à retardement en parfaite contradiction avec l'esprit des lois que vous avez récemment adoptées, notamment la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec), dite antigaspillage.

L'importation de ce produit a déjà été interdite dans un territoire de la République, la Nouvelle-Calédonie ; en Europe, plusieurs pays – la Belgique, l'Allemagne et l'Irlande – s'acheminent également vers sa proscription, malgré les difficultés qu'a rappelées Michel Lauzzana.

Toutes ces raisons ont rapidement conduit tant l'Assemblée nationale, à l'initiative de ce texte, que le Gouvernement à proposer l'interdiction de la puff. La proposition de loi que nous examinons a été déposée dès novembre 2022 et soutenue par le Gouvernement il y a quelques mois. Je suis heureux d'être aujourd'hui à la tribune pour réaffirmer notre engagement en faveur de cette initiative.

Votre rôle, mesdames et messieurs les députés, a donc été déterminant, et je ne peux que le saluer. Je salue tout particulièrement les premiers signataires de la proposition de loi,…

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

…mais aussi l'esprit transpartisan qui nous a conduits ici et qui a prévalu en commission la semaine dernière.

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

Je ne suis pas surpris par ce cheminement. Toutes et tous ici, nous souhaitons atteindre l'objectif d'une génération sans tabac – même si nous mesurons les contraintes que cela imposera, y compris à nous-mêmes.

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

Nous connaissons tous les risques de ces produits pour la jeunesse. L'enjeu pour ce texte est avant tout de produire ses effets le plus rapidement possible. J'ai confiance dans le fait que les sénateurs l'accueilleront avec autant d'enthousiasme et de détermination que vous. La procédure de notification à la Commission européenne allongera le délai d'entrée en vigueur de quelques mois, mais elle est indispensable, car nous avons, face à nous, des acteurs très attentifs – et, s'il le faut, agressifs –, désireux de protéger leurs produits. La sécurité juridique de cette procédure est donc essentielle.

Bien sûr, la proposition de loi doit s'inscrire dans un travail plus large et de longue haleine. C'est un des volets du nouveau PNLT, qui vise à anticiper les évolutions du marché pour toujours mieux protéger nos concitoyens. Nous continuerons de travailler dans ce cadre à la diminution de l'attractivité des produits du tabac et du vapotage ; en particulier, le paquet neutre sera étendu à l'ensemble de ces produits. Nous aurons l'occasion d'échanger avec vous dans la perspective d'une nouvelle loi en ce sens.

J'ai également annoncé que j'engagerai prochainement un travail avec l'ensemble des parties prenantes pour limiter les arômes autorisés dans les produits du vapotage – là aussi, voie d'entrée détournée des jeunes dans le tabac.

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

Quand on voit, sur le site d'une des grandes marques du secteur, le « top 10 des meilleures saveurs », avec « marshmallow », « milk-shake fraise » ou « pastèque givrée »,…

Debut de section - Permalien
Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

…on mesure l'urgence.

Nous élaborerons aussi une feuille de route pour renforcer la surveillance des produits du tabac et du vapotage, et assurer ainsi une cohérence de la réglementation dès qu'un nouveau dispositif se présente. Il nous faut être armés a priori, par exemple face aux sachets de nicotine, qui représentent encore un nouveau mode de consommation, arrivé très récemment dans notre pays, et dont nous devons surveiller les conséquences pour les plus jeunes. Je sais pouvoir compter sur tous les parlementaires engagés, que je ne peux citer tant cet enjeu rassemble largement au sein des groupes.

Le 25 juin 1990, Claude Évin, ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, avait dit dans cet hémicycle : « [La] lutte contre le tabagisme […] a toujours eu dans nos institutions une valeur symbolique. Sans doute parce qu'il s'agit de légiférer sur des comportements, des activités et des habitudes de vie qui conduisent à la mort ou à la souffrance physique et psychologique […]. » Plus de trente ans après, ces mots sont toujours d'actualité, alors que nous franchissons, grâce à vous, une nouvelle étape dans cette lutte majeure – majeure car, je le rappelle, il s'agit de diminuer le terrible chiffre de 200 morts par jour à cause du tabac dans notre pays.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.

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Conformément à l'article 107-3, alinéa 2, du règlement, avant de passer au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission, j'appelle les amendements n° 1 et 2 , déposés afin de corriger une erreur matérielle. La parole est à Mme la rapporteure, pour les soutenir.

Les amendements n° 1 et 2 , modifiant l'article 1er , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

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Tout d'abord, je tiens à saluer le travail des rapporteurs sur cette proposition de loi qui vise à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Le fait qu'elle ait été cosignée par 166 députés, membres de huit groupes politiques de l'Assemblée, démontre que la représentation nationale peut trouver des compromis sur des questions majeures de santé – celle de la planète et celle de nos jeunes.

Pour comprendre l'importance de ce texte, il faut mesurer celle de la lutte contre le tabagisme, mais aussi sa difficulté. Les chiffres de Santé publique France (SPF) montrent le chemin que nous avons parcouru au fil des décennies face à ce fléau. Il y a une cinquantaine d'années, la part des personnes consommant du tabac quotidiennement s'élevait à 42 % ; en 2022, elle est passée sous la barre des 25 %. Cette baisse est particulièrement notable chez les jeunes de 17 ans :…

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…la proportion de consommateurs quotidiens a évolué d'une moyenne de 40 % en 2000 à 15,6 % en 2022. Alors que la consommation des jeunes connaît une baisse évidente, l'industrie du tabac a lancé de nouveaux produits tels que la cigarette électronique en 2010 et surtout la cigarette électronique à usage unique, appelée puff, en 2021.

La puff a connu un succès fulgurant. Sa popularité croissante chez les jeunes est liée à des stratégies de marketing agressives, des prix abordables – moins de 10 euros –, des emballages qui donnent envie, une variété de saveurs et la promotion d'influenceurs sur TikTok, Instagram ou Snapchat. Tout cela a eu pour effet de créer une nouvelle mode, une tendance. Les chiffres sont graves : d'après l'Alliance contre le tabac, 13 % des 13 à 16 ans en ont déjà fait usage ; d'après l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), c'est le cas de 34 % des élèves de troisième.

Or, bien qu'elles ne contiennent pas de tabac, les puffs renferment de la nicotine : le risque est celui d'un passage de la puff vers la cigarette traditionnelle. C'est pourquoi je profite de cette tribune pour faire passer un message de prévention à toutes celles et tous ceux qui m'écoutent : ne touchez jamais à quoi que ce soit qui vienne de l'industrie du tabac, c'est un piège !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.

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J'appelle également les responsables politiques à montrer l'exemple en ne vapotant pas dans l'hémicycle ou devant les caméras. Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France, avec 75 000 décès par an – un décès sur huit est dû au tabac –, soit 200 morts par jour ou une personne toutes les sept minutes. Ces chiffres ne sont pas des statistiques, ce sont des vies perdues, des familles déchirées, des tragédies évitables.

Mêmes mouvements. – Mme la rapporteure applaudit également.

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En interdisant les puffs, on rétablit une frontière entre les jeunes et l'industrie du tabac.

Ce sujet ne se limite cependant pas à la santé individuelle, car la consommation de puffs a également de graves conséquences sur la santé environnementale. Les cigarettes électroniques jetables, avec leurs composants en plastique et leurs batteries au lithium, ajoutent du malheur au malheur. Le temps où nous pouvions ignorer l'impact de nos choix sur l'environnement n'est plus.

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Vous l'aurez compris, dire non au tabac, c'est dire oui à la planète et à la santé. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'interdiction des cigarettes électroniques à usage unique.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Le groupe Les Républicains votera naturellement cette proposition de loi. Au début de l'année 2023, j'avais posé une question écrite à Mme la Première ministre l'invitant à mettre un terme à la consommation excessive de cigarettes électroniques jetables.

Les deux raisons qui rendent cette interdiction nécessaire ont été évoquées. La première est d'ordre sanitaire. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre : la puff représente un véritable danger pour la santé publique, celle des jeunes en particulier, et il fallait prendre des mesures rapidement pour y remédier. Un chiffre mérite d'être cité : 47 % des jeunes se sont initiés à la nicotine par la puff, soit près d'un sur deux – cela ne peut pas nous laisser de marbre. Nous devons réagir d'autant plus fermement que la tendance est alimentée par des stratégies marketing puissantes, par un packaging attrayant et par la promesse d'arômes sucrés. Si nous n'interdisons pas les cigarettes électroniques jetables, nous aurons du mal à lutter contre le savoir-faire de leurs fabricants.

La seconde raison est écologique. Il faut mettre un terme à la dérive que représentent les puffs dans ce domaine. Une fois utilisées, ces cigarettes deviennent des déchets non biodégradables qui menacent l'environnement et la biodiversité.

Face à ce double danger, la proposition de loi relève du bon sens – elle est d'ailleurs consensuelle et fait l'unanimité, dans la continuité des auditions menées en amont de l'examen du texte.

Avant de conclure, je veux rassurer les buralistes, dont nous avons besoin pour assurer le lien avec nos concitoyens dans les villages les plus reculés des territoires :

Mme Caroline Fiat applaudit

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ils ne doivent pas voir dans la proposition de loi une marque de défiance à leur égard.

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Ce sont les derniers commerces de proximité !

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Monsieur le ministre, j'ai été attentif à vos propos ce soir et, il y a quelques jours, dans les Vosges : vous avez raison, il faut modifier la réglementation relative aux produits contenant de la nicotine et mettre fin à la pratique croissante consistant à la consommer sous forme de gommes à mâcher. Pour protéger la santé de nos enfants, nous ne devons pas hésiter à prendre des mesures rapides et radicales.

Le groupe Les Républicains, conscient de la gravité de ce problème sanitaire, votera en faveur de la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem et sur les bancs des commissions.

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Alors que le programme national de lutte contre le tabagisme présenté la semaine dernière par le Gouvernement prévoyait l'interdiction des puffs, nous examinons ce soir un texte qui vise à interdire ces cigarettes électroniques jetables, néfastes pour l'environnement et la santé de nos concitoyens, en particulier des plus jeunes d'entre eux. Contrairement au système de vapotage rechargeable, principalement utilisé pour faciliter le sevrage – l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) l'a rappelé en septembre dernier –, aucune étude scientifique n'a prouvé que ces produits jetables à usage unique étaient efficaces pour un tel usage. Pis, en raison d'un marketing agressif, ils sont en passe de devenir un enjeu majeur de santé publique au sein des collèges et des lycées.

De plus en plus de jeunes, séduits par leur packaging et leurs arômes sucrés, utilisent ces produits, qui sont une porte d'entrée vers le tabagisme pour ces collégiens devenus dépendants de la nicotine. L'Académie nationale de médecine nous alerte : les cigarettes électroniques jetables représentent « un piège sournois pour les enfants et les adolescents ».

Les conséquences sont désastreuses sur le plan sanitaire, mais aussi environnemental. Une cigarette électronique jetable, du fait de sa composition et de l'impossibilité de la recharger, est un fléau environnemental. L'usage de ce produit entre en contradiction avec les principes de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et avec les initiatives prises pour mettre fin à l'usage unique.

Remarquons, d'autre part, que ces cigarettes électroniques sont surtout fabriquées en Chine. Si nous restons passifs, elles finiront par remplacer les systèmes de vapotage rechargeables fabriqués en France selon les normes Afnor (Association française de normalisation) définies en 2015. Les dispositifs de vapotage rechargeables français, comme en produit une entreprise de Cestas, dans ma circonscription, en Gironde, répondent à des exigences environnementales et sanitaires, contrairement aux dispositifs jetables. Nous devons préserver cette industrie.

Je remercie les rapporteurs d'avoir présenté ce texte transpartisan, que j'ai cosigné. Le groupe Démocrate, conscient des graves conséquences de l'usage de la cigarette électronique jetable pour la santé et l'environnement, votera pour la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions.

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Nous examinons ce soir la proposition de loi transpartisane qui vise à interdire la vente des puffs, ces cigarettes électroniques à usage unique très populaires chez les adolescents. Ce produit constitue un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents, mais aussi un fléau environnemental. Nous l'avons dénoncé, avec la sénatrice Catherine Procaccia dans la note n° 41 de l'Opecst, publiée fin septembre 2023 et intitulée Nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine : lever l'écran de fumée, que vous avez eu, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, l'amabilité de citer dans votre rapport.

Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France. Il était responsable de la mort de 75 000 personnes en 2015 – environ 13 % des décès – des suites d'un cancer, d'une maladie cardiovasculaire ou d'une pathologie respiratoire. Malgré la baisse de la consommation de tabac observée en France ces dernières années, 15,6 % des jeunes de 17 ans et 3,7 % des élèves de troisième déclarent fumer quotidiennement du tabac. Cette prévalence est particulièrement élevée par rapport aux autres pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et marquée par de fortes inégalités sociales.

L'addiction au tabac est principalement provoquée par la nicotine qu'il contient. Certains fumeurs tentent d'arrêter en recourant à la cigarette électronique. Cependant, depuis leur arrivée sur le marché, plusieurs formes de cigarettes électroniques sont apparues, les dernières en date étant ces fameuses cigarettes électroniques à usage unique, dites puffs. Elles sont vantées pour leur simplicité d'utilisation, leur côté pratique, par les professionnels du secteur et les usagers. Les fabricants ciblent une clientèle jeune grâce à des emballages et à des prix attractifs, malgré l'interdiction de vente aux mineurs, qui n'est pas suffisamment respectée.

Le marché de la puff a très rapidement explosé en France, notamment grâce à des prix attractifs et à une large distribution : magasins spécialisés dans le vapotage, sites internet, dont certains sont même appelés tout simplement « Puff », bureaux de tabac, enseignes comme Gifi ou Centrakor – bref, on en trouve partout.

La puff, c'est ce bâtonnet légèrement plus large qu'un stylo, au packaging accrocheur, à la couleur fluo et à l'arôme sucré. Les fabricants ont conçu un marketing à toute épreuve pour un produit qui peut contenir jusqu'à 20 milligrammes de nicotine, cette substance, nous le savons, provoquant l'addiction. Une puff coûte entre 8 et 12 euros, pour 500 bouffées, contre 30 euros environ pour une cigarette électronique rechargeable.

Nous sommes inquiets car les adolescents sont la première cible. Entre 2017 et 2022, l'usage par les adolescents de la cigarette électronique, puff comprise, a triplé. Selon une étude récente de l'Alliance contre le tabac et de l'institut BVA, publiée le 14 novembre dernier, 47 % des 13-16 ans se sont initiés à la nicotine par ce dispositif, ce qui représente une hausse de 19 points par rapport à l'an dernier. Ces pratiques sont nouvelles et les statistiques doivent être interprétées avec prudence, mais ces tendances doivent nous inquiéter.

Au-delà de leur alarmante popularité chez les adolescents, nous devons également nous soucier de l'empreinte environnementale de ces cigarettes électroniques jetables. Leur batterie n'est pas rechargeable et contient environ 0,15 gramme de lithium, ainsi que des métaux lourds. Ces métaux, nous les retrouvons partout, faute d'avoir trouvé le moyen de recycler les cigarettes électroniques à usage unique : celles-ci constituent donc des déchets complexes, mal collectés, mal recyclés, présents dans les sols, les nappes phréatiques et les océans.

Je salue l'initiative des auteurs de la proposition de loi, à laquelle j'ai d'ailleurs souscrit, ainsi que plusieurs de mes collègues. Le groupe Socialistes et apparentés votera pour l'interdiction des puffs.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.

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Sans surprise, le groupe Horizons et apparentés soutiendra cette proposition de loi, car nous devons interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Derrière l'emballage coloré et le goût attractif des puffs se cache la première cause de mortalité en France : le tabagisme tue 75 000 personnes chaque année, soit 200 décès par jour.

Vendues sans contrôler l'âge des acheteurs, en usant d'un marketing agressif à destination de nos jeunes, bien moins coûteuses que les cigarettes classiques, les puffs sont une bombe à retardement pour la santé de nos concitoyens et un frein à la lutte que nous menons collectivement contre le tabagisme et contre toutes les formes d'addiction.

En 2022, 13 % des adolescents entre 13 et 16 ans les ont déjà essayées et, pour 28 % d'entre eux, il s'agissait de leur première consommation de nicotine. Ce chiffre prouve que les puffs sont des produits toxiques, des produits d'appel, qui ouvrent la voie à l'addiction à la nicotine et au tabac.

J'espère que nous mettrons ce soir un terme à ce fléau sanitaire en suivant l'exemple de l'Allemagne, de la Belgique ou de l'Irlande, qui ont déjà interdit ces produits néfastes pour la santé et l'environnement. Car ces produits constituent aussi une aberration écologique, en totale contradiction avec les objectifs que la France s'est fixés pour réduire ses déchets.

Afin de prévenir la survenue de nouvelles addictions chez les jeunes et de renforcer la régulation des nouveaux produits du tabac, notre groupe a déposé, en commission, plusieurs amendements s'inscrivant dans la continuité des lois adoptées pour lutter contre le tabagisme – paquet neutre pour les produits de vapotage, interdiction des arômes ou des sachets de nicotine. Nous sommes heureux, monsieur le ministre, de constater que ces mesures font l'objet d'une attention particulière dans le cadre du programme national de lutte contre le tabagisme. Je pense, en particulier, à celle visant à limiter les arômes utilisés dans les produits de vapotage.

Les risques liés à ces nouveaux produits en appelaient à notre responsabilité collective et nous avons été à la hauteur de l'enjeu puisque ce texte transpartisan, qui a recueilli la signature de huit groupes et de bon nombre de députés, a été voté à l'unanimité en commission des affaires sociales.

Je remercie les corapporteurs pour leur engagement. Nous devons relever le défi d'une génération sans tabac dès 2032. Le groupe Horizons et apparentés votera pour ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur les bancs des commissions.

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Les Écologistes voteront résolument pour cette proposition de loi qui vise à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Nous nous félicitons de l'inscription à l'ordre du jour de ce texte transpartisan, à l'initiative de notre groupe. Je salue en particulier le travail de ma collègue Francesca Pasquini, qui s'est investie, en tant que rapporteure, pour que ce sujet primordial de santé publique soit inscrit à l'ordre du jour, et dont l'engagement a été tel qu'il lui a permis de réunir plus de 150 signatures dans huit groupes politiques différents.

Il est impossible d'échapper au phénomène des puffs, ces cigarettes électroniques jetables et colorées qui ont envahi tous les tabacs, les revendeurs, jusqu'à la grande distribution. Elles se sont d'abord immiscées dans le marché américain, avant d'infiltrer le marché français, il y a deux ans, sans que nous ne réagissions. Goût sucré, couleur criarde, facilité d'usage, ces produits sont marketés comme des bonbons, en ciblant clairement les plus jeunes. Ils sont prêts à l'emploi, ce qui facilite la création de nouvelles addictions. Pas moins de 15 % des 13-16 ans ont déjà tiré une bouffée d'une puff. Pour la moitié d'entre eux, c'était la première fois qu'ils consommaient de la nicotine.

En une bouffée – en une puff –, voilà une dépendance à vie qui se crée. Comment peut-on laisser des objets aussi néfastes pour la santé entre les mains d'enfants et d'adolescents ? Interdire purement et simplement ce dispositif est un impératif éthique. Nous ne pouvons pas laisser des marques s'enrichir sur le dos des jeunes générations en faisant naître de graves dépendances. Les puffs ne sont pas simplement une menace pour la santé de tous, elles sont aussi une aberration environnementale. Elles reproduisent en effet un modèle de consommation rapide, fondé sur le jetable, qui n'est pas compatible avec les objectifs écologiques. Que l'on considère les puffs sous l'angle des déchets ou des ressources, elles sont une absurdité.

Trois ans après l'adoption de la loi Agec, et alors que tout le monde convient que les dispositifs à usage unique sont une ineptie, il est aberrant que les puffs, classées parmi les déchets d'équipements électriques et électroniques, soient soustraites à la réglementation sur le recyclage des déchets. Les puffs, qui ne sont pas recyclables, sont jetées n'importe où et n'importe comment. Or elles présentent un risque non négligeable d'incendie car leur batterie est facilement inflammable.

En outre, les puffs contiennent du lithium, ressource précieuse, notamment pour la fabrication des batteries de véhicules électriques. Il convient de faire preuve d'un minimum de cohérence. Nous ne pouvons pas simultanément nous inquiéter du manque de lithium pour produire des véhicules électriques et fermer les yeux sur sa présence dans les puffs ! Si vous pensez que cette utilisation est marginale, j'espère que ce chiffre vous fera réfléchir : en 2022, la quantité de lithium nécessaire à la production des puffs aurait pu permettre la fabrication de 11 000 batteries de véhicules électriques.

Après les annonces décevantes du plan antitabac la semaine dernière par le Gouvernement, la présente proposition de loi présente un réel intérêt. Il convient d'interdire de toute urgence ces dispositifs qui vont à contresens de la lutte contre le tabagisme et contre les addictions et qui présentent un danger réel pour la santé publique et pour l'environnement.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons ce texte et espérons que l'Assemblée votera pour l'interdiction des puffs.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.

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Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Yannick Monnet.

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Depuis leur apparition en France en 2021, les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, appelés couramment puffs, ont suscité de nombreuses réprobations de la part de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, du Comité national contre le tabagisme, de l'Alliance contre le tabac et de l'Académie nationale de médecine.

Une tribune signée par une vingtaine de médecins tabacologues et militants écologistes, parue dans Le Monde le 30 avril dernier, dénonçait le fléau environnemental et sanitaire que représentent ces cigarettes électroniques à usage unique spécifiquement élaborées pour attirer les adolescents, avec un emballage attractif, des saveurs sucrées et fruitées et un prix relativement faible. Disponibles chez les buralistes, ainsi que dans la grande distribution ou sur internet, les puffs ont rapidement séduit un public jeune et insuffisamment conscient de la dépendance qu'elles instaurent tant à la nicotine qu'à la gestuelle du fumeur. Il est ainsi démontré qu'elles constituent une porte d'entrée vers le vapotage durable et vers le tabac.

Sur le plan environnemental, la situation n'est pas meilleure. Plastique, lithium, métaux lourds : les composants non biodégradables et non recyclables des vapoteuses jetables ont des effets certains sur l'environnement, tout particulièrement en matière de pollution de l'eau et des sols.

Que les députés décident de réagir en tenant compte des alertes lancées par les différentes études menées sur le sujet est une bonne chose. Les députés communistes et ultramarins du groupe GDR voteront pour la proposition de loi.

Toutefois, l'interdiction des puffs ne doit pas nous conduire à délaisser d'autres problèmes, parmi lesquels ceux liés aux réseaux sociaux, qui contribuent très largement à la promotion de ce type de dispositifs auprès des jeunes.

« Exactement ! » sur certains bancs du groupe LFI – NUPES.

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D'autre part, les cigarettes électroniques jetables et les sachets de nicotine, évoqués en commission, sont au cœur de la stratégie des industriels du secteur du tabac.

Applaudissements sur certains bancs du groupe LFI – NUPES.

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Philip Morris aspire ainsi à réaliser la moitié de son chiffre d'affaires au moyen de la vente de produits sans fumée en 2025. Ces dispositifs représentent la marque un moyen de contrer la baisse des ventes de cigarettes traditionnelles dans de nombreux pays occidentaux ; c'est aussi un levier pour la promotion du tabac lui-même. British American Tobacco aurait ainsi dépensé plus de 1 milliard d'euros pour promouvoir ses produits sans tabac sur les réseaux sociaux, selon une enquête du Guardian publiée en 2021.

Reste aussi en suspens la question cruciale de la politique de prévention des addictions et d'accompagnement des personnes souffrant d'addiction, qu'elle soit au tabac, à l'alcool, aux jeux en ligne ou aux écrans. Cette réflexion, nous aurions souhaité la mener dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais, comme chacun le sait, ce n'est désormais plus permis.

Nous pensons que si le législateur doit interdire des dispositifs dont le danger est avéré, il doit également mieux encadrer les logiques marchandes peu soucieuses de la santé publique et de l'environnement, ainsi qu'améliorer la prévention et la réparation.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.

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Notre groupe soutient l'interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, convaincu que le principe de précaution doit s'appliquer. Nous avons conscience que le rapport bénéfices-risques est encore mal connu. Les études à notre disposition ne permettent pas de conclure à la plus forte toxicité de ces dispositifs comparativement à la cigarette ou à d'autres produits du tabac, mais elles ne permettent pas d'exclure qu'ils aient des effets négatifs sur la santé. Surtout, elles montrent que les puffs ne permettent pas le sevrage. Dire qu'elles sont une alternative moins nocive au tabac ne suffit pas à en faire un produit de substitution. Elles ne doivent pas être un outil de la politique de lutte contre le tabagisme, comme c'est le cas dans certains pays. Le pire – c'est le principal argument qui doit motiver leur interdiction –, c'est qu'elles peuvent avoir un effet d'entraînement, au point que l'Alliance contre le tabac les considère comme des prédateurs de la jeunesse.

Le marketing est clairement ciblé sur les jeunes, y compris les mineurs – en dépit de l'interdiction –, avec des produits colorés et des goûts attractifs, voire enfantins, le tout accompagné de messages vantant leur moindre toxicité, voire leur non-toxicité, messages contre-productifs pour la lutte contre le tabagisme.

Dernier argument en faveur de l'interdiction : l'impact écologique avéré des produits à usage unique, qui contiennent des composants toxiques pour l'environnement.

Le groupe LIOT soutiendra la proposition de loi, mais regrette que le texte n'ait pas été au-delà de la seule interdiction des puffs. Nous avions proposé en commission de mettre en œuvre les recommandations de l'Opecst, comme l'utilisation d'emballages neutres pour les produits de vapotage ou l'interdiction des arômes dits pièges à enfant pour les cigarettes électroniques. Nous prenons bonne note de votre engagement à le faire, monsieur le ministre, mais à quelle échéance ? Nous avions également suggéré d'améliorer l'information, notamment à destination des plus jeunes. Il faut combattre l'idée que les dispositifs de vapotage sont moins nocifs pour la santé sous prétexte qu'ils contiennent peu ou pas de nicotine. Nous regrettons que cette proposition n'ait pas été retenue.

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Ce serait bien aussi que la Première ministre cesse de vapoter…

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Le plan antitabac présenté la semaine dernière doit intégrer ces aspects et mieux anticiper l'avènement de nouveaux produits, comme le tabac à chauffer, le tabac à mâcher ou à priser ou les sachets de nicotine. Nous devons renforcer notre action à destination des fumeurs pour les aider à arrêter le tabac et mieux les accompagner. Gardons en tête que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France.

Applaudissements sur les bancs des commissions.

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Enfin ! Après un an de travail, la proposition de loi transpartisane visant à interdire les dispositifs de vapotage à usage unique, dits puffs, va être adoptée. Il s'agit d'une avancée majeure, qui montrera la voie à nos voisins européens.

Le fléau des cigarettes électroniques jetables est préoccupant pour les adolescents et pour l'environnement. Les puffs sont une nouvelle porte d'entrée dans la dépendance à la nicotine et aux produits du tabac. Le marketing, le goût – malabar, carambar, fraise tagada, pastèque givrée –,…

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Il n'y a pas que la pastèque qui est givrée…

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…la couleur des paquets, les publicités illégales sur les réseaux sociaux visent principalement les adolescents. On voit des collégiens, parfois même des écoliers, y succomber et vapoter des puffs devant les grilles des établissements – par exemple à Poissy. C'est préoccupant car les puffs contiennent des taux de nicotine beaucoup trop importants pour des cerveaux en formation, ainsi que des produits chimiques, du lithium, du plastique. Plus de 1 million de puffs sont jetées chaque semaine sans qu'on puisse les recycler. Dans toutes les circonscriptions, on les retrouve dans la nature, sur les plages, dans les parcs, dans les rivières.

Au cours des derniers mois, une prise de conscience s'est opérée parmi les acteurs français. Acteurs du vapotage, buralistes, associations environnementales, médecins, Gouvernement : tous ont exprimé, publiquement ou lors des auditions, leur mobilisation contre ce dispositif. La proposition de loi bénéficie d'un soutien unanime.

Les puffs sont une nouvelle porte d'entrée vers le tabac, cette industrie de la dépendance, cette industrie de la mort. On ne le rappellera jamais assez : le tabagisme fait 75 000 morts chaque année dans notre pays et 200 morts par jour. Derrière ces statistiques, ce sont autant de personnes, de vies, de familles brisées et endeuillées.

Permettez-moi d'évoquer brièvement l'histoire d'une de ces victimes : Philippe, fumeur depuis son adolescence. D'abord une taffe, puis une clope, puis un paquet, puis une cartouche : il est devenu addict à la nicotine et aux différents poisons contenus dans ces cigarettes qu'il consommait chaque jour depuis tant d'années. Philippe est mort trop tôt : il avait 46 ans. Philippe était mon frère aîné. J'ai été témoin personnellement des ravages de cette industrie sur nos vies. Voilà pourquoi je la combats de toutes mes forces.

De nombreux adolescents succombent à cause d'elle, du fait de la consommation de cigarettes traditionnelles ou de nouveaux produits tels que les puffs. Je le rappelle : 15 % des ados ont déjà consommé des puffs ; 47 % ont été initiés à la nicotine par leur intermédiaire ou par celui des sachets ou des billes de nicotine, qui peuvent in fine conduire aux produits du tabac. Il s'agit d'un tremplin nocif, suivi d'une descente inéluctable aux enfers.

Cette proposition de loi transpartisane s'inscrit dans le prolongement du programme national de lutte contre le tabagisme présenté la semaine dernière par M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention, que je salue. Ce premier pas devra être suivi d'autres textes. Nous devons réfléchir collectivement à la lutte contre les autres nouveaux produits contenant de la nicotine, comme les sachets de nicotine ou les billes de nicotine, ainsi qu'à la vente en ligne et au contrôle de l'âge, de manière à atteindre l'objectif d'une génération sans tabac. Ne soyons pas dupes de ce qui se joue, ne prenons pas de retard dans ce combat.

Les règles européennes nous obligent à avancer progressivement, mais je ne doute pas que ce premier pas nous incitera à poursuivre de manière transpartisane la lutte contre les autres produits. Je ne doute pas non plus que le Gouvernement apportera son soutien aux travaux parlementaires à venir afin que nous puissions atteindre l'objectif d'une génération sans tabac.

Avant le vote du texte et, je l'espère, son adoption unanime, je tiens à remercier les rapporteurs Francesca Pasquini et Michel Lauzzana, ainsi que Bruno Studer, pour la qualité des échanges et des travaux que nous menons depuis plusieurs mois. Merci aussi à l'ensemble de nos collègues pour la rigueur et l'excellence avec lesquelles ils ont conduit l'examen de la proposition de loi jusqu'au vote de ce soir.

Nous ne ferons preuve d'aucune mansuétude envers l'industrie du tabac. La proposition de loi bénéficiera du soutien unanime du groupe Renaissance.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions. – M. Philippe Bolo applaudit également.

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Vendues au prix attractif d'environ 8 euros l'unité, les puffs sont des minicigarettes électroniques et jetables, non rechargeables, aux arômes sucrés ou fruités – fraise, banane, bonbon, j'en passe et des meilleures – et aux emballages colorés. Popularisées en France au moyen des réseaux sociaux tels que TikTok ou Instagram, elles sont à la mode chez les adolescents. En 2022, l'Alliance contre le tabac indiquait que 13 % des adolescents âgés de 13 à 16 ans en avaient déjà utilisé une et que pour 28 % d'entre eux, il s'agissait de leur première consommation de nicotine.

Vapoter des puffs est mauvais pour la santé et pour l'environnement. La plupart d'entre elles contiennent de la nicotine – une puff équivaut en moyenne à quarante cigarettes. Or les jeunes sont particulièrement vulnérables à la nicotine en raison de ses effets sur le développement de leur cerveau. L'accoutumance à la nicotine est par ailleurs la porte d'entrée vers le tabagisme.

Enfin, l'empreinte environnementale des puffs est importante. Les consignes de tri, qui indiquent que les puffs doivent être jetées à la déchetterie ou dans les boîtes destinées aux piles usagées ou aux déchets électroniques, sont peu ou pas respectées.

Plusieurs pays, comme la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne, la Belgique ou le Royaume-Uni, ont interdit ou envisagent d'interdire la commercialisation des puffs ; d'autres – l'Islande, les Pays-Bas, le Danemark – en restreignent les arômes.

Le Rassemblement national se félicite de l'adoption à l'unanimité en commission de la proposition de loi visant à interdire les puffs dans notre pays. Nous saluons cette décision importante pour la santé de nos enfants et pour l'environnement. Notre groupe votera pour ce texte avec volontarisme et responsabilité.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 108

Nombre de suffrages exprimés 104

Majorité absolue 53

Pour l'adoption 104

Contre 0

La proposition de loi est adoptée.

Applaudissements sur tous les bancs.

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Vous avez vu, monsieur le président Maillard, nous avons voté pour !

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Monsieur Viry, vous avez soulevé à juste titre un problème important : la situation des buralistes. Lorsque M. Darmanin était ministre de l'action et des comptes publics, nous avions ébauché avec lui une réflexion sur la reconversion des buralistes vers des activités multiservices. Leur accompagnement est de toute évidence nécessaire dans le cadre du nouveau programme national de lutte contre le tabagisme.

Monsieur Colombani, le rejet des amendements de votre groupe par la commission a été un crève-cœur. Ils étaient tout à fait bienvenus, tout comme ceux du groupe Horizons et apparentés, évoqués par M. Christophe. Si nous les avons repoussés, c'était pour ne pas fragiliser la proposition de loi.

M. Paul Christophe acquiesce.

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Celle-ci sera notifiée à la Commission européenne et nous voulons qu'elle entre en vigueur le plus rapidement possible. Il était important de nous cantonner aux puffs.

Merci à tous, chers collègues, d'avoir permis l'adoption de cette proposition de loi transpartisane !

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

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Je vous remercie à mon tour, chers collègues, d'avoir adopté cette proposition de loi à l'unanimité. Je tiens à remercier M. le ministre de la santé et de la prévention, mon collègue rapporteur Michel Lauzzana, ainsi que nos collègues Bruno Studer et Karl Olive, qui ont contribué au succès du texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

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Je tiens également à remercier le groupe Écologiste et tous les collègues de la NUPES de m'avoir soutenue. Mes remerciements vont aussi à M. Benoît Rinnert, administrateur de la commission des affaires sociales, et aux collaborateurs qui ont travaillé sur le texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (1162, 1911).

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La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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C'est un grand honneur pour moi d'aborder à cette tribune un sujet sur lequel je travaille depuis de nombreuses années. Je suis l'auteur de la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. Ce texte a amélioré les dispositifs existants et, surtout, créé l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), un acteur aujourd'hui reconnu.

Depuis la promulgation de cette loi, que s'est-il passé ? D'autres lois ont amélioré les dispositifs. On a commencé à affecter les biens confisqués à la police et à la gendarmerie – notamment les belles voitures rapides –, puis à la justice. Ensuite, la loi du 8 avril 2021 améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale a constitué une étape importante, que je tiens à saluer : elle a permis l'affectation des biens confisqués au service de la population. Cette idée a été empruntée aux Italiens, qui la mettent en œuvre dans le cadre de la lutte antimafia.

Parallèlement à ces évolutions législatives s'est produite, surtout, une évolution des mentalités. Il y a quinze ans, un bon policier ou un bon magistrat disait : « J'ai réussi, car il y a tant de voyous en prison, condamnés à tant d'années de prison ferme. » Désormais, le premier critère est plutôt la saisie et la confiscation des avoirs. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux : je sais l'énergie que vous déployez pour amplifier ce changement de culture.

Si nous voulons que le crime ne paie plus, nous devons parvenir à saisir et à confisquer les avoirs criminels. Tel est le cœur de ma démarche. Il y a quinze ou vingt ans, de nombreux détenus géraient, depuis leur établissement pénitentiaire, la fortune qu'ils allaient retrouver à leur libération. De même, aujourd'hui, une personne condamnée à une peine de prison avec sursis peut se réjouir en sortant du tribunal : « Je n'ai rien eu ! » Si on lui confisque ses biens, au moins aura-t-elle fait l'objet d'une sanction.

Prenons un troisième exemple, tiré de la vie quotidienne. Lorsqu'une personne est placée en garde à vue, elle n'est pas nécessairement appelée à comparaître immédiatement ni condamnée à une peine de prison. Si, en sortant de sa garde à vue, elle rentre chez elle à pied parce que sa voiture a été saisie, la société aura envoyé un premier signal en s'attaquant à son train de vie ostentatoire : il se sera passé quelque chose et la perception des proches et des victimes en sera changée.

M. Bertrand Pancher applaudit.

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Dix ans après la promulgation de la loi du 29 juillet 2010, nous avons franchi une nouvelle étape : le Premier ministre Édouard Philippe a demandé à notre excellent collègue Laurent Saint-Martin et à moi-même d'évaluer les dispositifs en vigueur et de proposer des améliorations. Parmi les trente-quatre propositions que nous avons formulées, vous avez retenu la plus audacieuse, monsieur le ministre, à savoir la création d'antennes régionales de l'Agrasc – ce dont je veux aussi vous remercier. Pour être efficace, il ne suffit pas de disposer d'une agence à Paris ; nous avons besoin de relais en province,…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Absolument !

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…à même de diffuser à tous les services enquêteurs de police et de gendarmerie, ainsi qu'aux magistrats, le mode d'emploi de la saisie et de la confiscation. Les antennes régionales de l'Agrasc doivent être des centres de ressources et de formation pour favoriser le développement de la saisie et de la confiscation dans les tribunaux et les cours d'appel du pays. C'est d'ailleurs cette approche qui a permis une augmentation considérable des montants saisis et confisqués.

Dans notre rapport, outre des mesures d'organisation, nous avons proposé des dispositions de nature législative. Celles-ci font l'objet de la présente proposition de loi.

Tout d'abord, le nombre de contentieux croît. Dans de nombreuses affaires, la défense consacre davantage d'énergie à éviter à la personne mise en cause la saisie et la confiscation de ses biens plutôt que le prononcé de la peine. Il en résulte que les chambres de l'instruction sont débordées. Au cours des auditions – je remercie la vingtaine d'institutions et d'organismes qui y ont participé, malgré des délais contraints –, on nous a indiqué que la contestation des décisions de saisie représentait 40 % du contentieux dans certaines chambres de l'instruction. Autrement dit, celles-ci sont embolisées. C'est pourquoi nous proposons, à l'article 1er , que ces contestations soient examinées non plus par la chambre de l'instruction, mais par un juge unique, désigné par le premier président de la cour d'appel.

Ensuite, nous entendons agir en faveur des victimes. L'article 2 vise à étendre l'assiette des biens saisis qui peuvent servir à les indemniser. Il y a par ailleurs un problème de procédure : on demande à la victime de se manifester auprès de l'Agrasc dans un délai trop bref, d'où la forclusion de nombreuses demandes d'indemnisation. C'est pourquoi nous proposons de porter le délai de deux à six mois. D'après l'Agrasc, cela suffirait à régler le problème.

Enfin, l'article 3 tend à combler un vide juridique. Lorsque le juge prononce la confiscation d'un bien immobilier, si le voyou l'occupe, il faut tout recommencer à zéro, en engageant, devant le juge civil, une procédure qui peut durer un an et demi et se révéler coûteuse, non pas tant en raison des honoraires d'avocat que des frais d'entretien courant de l'immeuble, que l'Agrasc est obligée de payer. C'est pourquoi nous proposons que la décision de confiscation d'un bien immobilier constitue un titre d'expulsion à l'encontre de la personne condamnée. Notons cependant que le même problème se pose lorsque le bien immobilier est occupé par la petite amie du voyou ou par l'un de ses proches.

Les travaux en commission ont permis trois grandes avancées. Premièrement, grâce à un amendement du président de la commission des lois – à ma connaissance, bien que je travaille sur le sujet depuis des années, c'est la première fois que l'on avançait cette idée –, il sera désormais possible d'affecter aux fédérations sportives des biens meubles saisis susceptibles de se déprécier. Les fédérations sportives sont des organismes d'intérêt public, et je pense que cette mesure sera appréciée dans tout le pays.

Deuxièmement, notre collègue Ugo Bernalicis a présenté un amendement visant à inscrire dans la loi la mission de formation confiée à l'Agrasc. Cette disposition m'a semblé tout à fait bienvenue et la commission a suivi mon avis.

Troisièmement, j'ai proposé que, sauf décision contraire du juge spécialement motivée, la confiscation d'un bien soit obligatoire lorsqu'il est le moyen, l'objet ou le produit de l'infraction. Par cette mesure forte, adoptée par la commission, nous entendons encourager résolument le recours à la saisie et à la confiscation.

Je remercie les collègues qui ont déposé des amendements en vue de la séance de ce soir. Je les ai examinés avec la plus grande ouverture d'esprit possible. Toutes les mesures proposées ne sont pas possibles immédiatement et certaines se heurtent à la Constitution, mais nous essayerons de donner un avis favorable à toutes celles qui améliorent les dispositifs de saisie et de confiscation. Notre objectif commun doit être de donner à la chaîne pénale – policiers et gendarmes, magistrats – le maximum de moyens opérationnels pour que la saisie et la confiscation se développent dans notre pays. Ce faisant, nous servirons non seulement la justice, mais aussi la paix sociale.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et LIOT.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis très heureux de vous retrouver ce soir pour examiner une proposition de loi de votre collègue Jean-Luc Warsmann tendant à renforcer les dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Nous sommes réunis ce soir pour envoyer un message clair : nul ne doit tirer profit de son crime. Il est indispensable que les peines prononcées par les juridictions pénales visent cet objectif afin que le crime ne paie plus.

C'est, vous l'avez rappelé, avec la loi du 9 juillet 2010, dite loi Warsmann, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, que notre approche des enquêtes a enfin évolué. Votre loi, monsieur le rapporteur, a acté qu'il était désormais nécessaire d'investiguer sur le patrimoine des délinquants et criminels et que nos moyens d'enquête et de poursuite, aux fins de confiscation des avoirs criminels, devaient être renforcés.

Deux axes, consacrés par cette loi, ont ainsi rénové notre approche et notre action judiciaire. D'une part, les possibilités de saisies, au stade de l'enquête, ont été étendues à tous les biens confiscables afin que les juridictions de jugement puissent in fine confisquer l'ensemble des avoirs criminels. D'autre part, l'État s'est doté, pour la première fois, d'un dispositif de gestion des biens saisis et confisqués. C'est ainsi que l'Agrasc a vu le jour.

Disons-le clairement : ce nouvel arsenal s'est révélé d'une efficacité redoutable. L'Agrasc est devenue le bras armé de l'État pour aller chercher réparation auprès des délinquants en les tapant au portefeuille – si vous m'autorisez l'expression. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le montant des saisies n'a cessé d'augmenter depuis la création de l'Agrasc. En 2011, 109 millions d'euros étaient saisis contre 771 millions d'euros, dix ans plus tard, en 2022, soit une multiplication par sept. Le développement des saisies et confiscations en matière pénale occupe désormais une place majeure et constitue un axe fort de la politique pénale du ministère de la justice.

Je m'engage d'ailleurs devant la représentation nationale à ce que cette mobilisation totale perdure et s'amplifie sans relâche. Les policiers, gendarmes, douaniers, procureurs de la République, les juges d'instruction et juges des libertés et de la détention s'emparent chaque année plus fortement de ce levier de lutte contre le crime. Le montant des confiscations traitées s'élevait à 86 millions d'euros en 2020 tandis qu'en 2022, il se hissait à près de 172 millions d'euros, soit une multiplication par deux. L'efficacité de l'Agrasc ne cesse de croître puisqu'en 2022, l'exécution des confiscations a bondi de près de 14 %.

Mais il faut aller plus loin, frapper plus vite et plus fort le patrimoine des criminels et des délinquants. Après une décennie de progrès incontestables, en particulier lors de ces trois dernières années, certaines lacunes ont été identifiées et il convient de les combler ; c'est ce que nous allons tenter de faire ensemble ce soir.

Monsieur le rapporteur, vous avez conduit avec Laurent Saint-Martin – que je salue chaleureusement – des travaux d'évaluation de l'ensemble du dispositif. Dans votre rapport intitulé « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner » remis le 26 novembre 2019, vous estimiez – à juste titre – qu'il existait encore des marges de progrès dans cette matière. Je vous rejoins sur le constat et je suis ravi que nous ayons pu travailler ensemble pour renforcer notre arsenal pénal.

Plusieurs recommandations de ce rapport ont d'ores et déjà été mises en œuvre. Je voudrais d'abord évoquer le redimensionnement de l'Agrasc, que j'ai défendu avec force, afin de développer son emprise territoriale. Nous avons ouvert des antennes à Lille, à Rennes, à Marseille, à Lyon, à Fort-de-France, à Nancy et à Bordeaux, qui s'ajoutent à l'antenne originelle parisienne. Ces huit antennes assurent avec une efficacité redoublée l'ensemble des missions de l'Agence au plus près de nos juridictions et des réalités locales de la délinquance, pour améliorer la gestion des scellés à visée confiscatoire et l'exécution des décisions de confiscation.

Désormais, les biens immobiliers confisqués peuvent donner lieu à une réaffectation sociale, pour que soient développés des programmes d'intérêt public. Grâce à la loi du 8 avril 2021 que j'ai défendue avec les députés Dimitri Houbron et Didier Paris, des associations, des fondations ou des foncières solidaires peuvent se voir attribuer des immeubles confisqués aux délinquants par nos juridictions pénales.

C'est précisément ce que nous avions fait ensemble, monsieur le rapporteur, lors d'un déplacement mémorable à Coudekerque-Branche en janvier 2023, afin de remettre les clés du premier immeuble saisi par la justice à l'association Habitat et Humanisme.

À mon sens, cette pratique incarne l'idée même de justice. C'est en mettant en œuvre ce type d'actions, fermes, efficaces mais justes que nous retisserons un lien de confiance entre l'institution judiciaire et nos concitoyens.

Nous avons ainsi basculé dans une autre dimension, inspirée par les dispositions italiennes antimafia, qui nous inscrit au plus proche des besoins des communes et des territoires, au bénéfice, plus direct encore, de nos concitoyens.

Trois immeubles ont été affectés socialement en 2022. Une villa confisquée par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a été remise à une association chargée de prévenir la récidive en matière de violences conjugales. L'immeuble confisqué par le tribunal correctionnel de Dunkerque, que j'évoquais précédemment, a été remis à une association pour y réaliser des logements sociaux. Un logement, confisqué par le tribunal correctionnel de Montpellier, a été réaffecté pour accueillir des réfugiés ukrainiens.

Un autre progrès permettant la restitution des biens mal acquis aux populations spoliées, a été consacré par la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Désormais, le produit des biens confisqués dans le cadre des affaires de biens mal acquis par des dirigeants étrangers peut être affecté au financement de l'action de coopération et de développement au profit des populations des pays concernés.

Enfin et surtout, nous avons considérablement renforcé les moyens de l'Agrasc. Ma politique au ministère de la justice est claire : si nous voulons des résultats, il faut y mettre les moyens.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Lorsque nous avons mis des moyens, il nous faut évidemment des résultats. C'est pourquoi les effectifs de l'Agrasc sont passés de quarante-cinq agents en 2020 à plus de quatre-vingt-cinq en 2022, soit, là encore, une multiplication par deux.

Pour que le crime ne profite plus, il nous faut encore renforcer notre législation, afin de consolider les actions judiciaires. Tel est l'objet de cette proposition de loi : combler certaines failles et parfaire un édifice, même s'il repose déjà sur des bases solides. Il nous faut pouvoir saisir plus et confisquer mieux les produits des crimes et des profits générés par les délinquants. Cet objectif, que je sais recherché par l'auteur de cette proposition de loi, nous oblige et nous rassemble.

Les dispositions de la proposition de loi, qui facilitent notamment les ventes avant jugement, sont plus que bienvenues. L'article 1er prévoit en effet d'accélérer la vente des biens saisis avant jugement en allégeant les modalités des voies de recours. Le but est de frapper les délinquants au portefeuille et, surtout, de les frapper vite.

L'objectif de l'article 2 est clair : améliorer l'indemnisation des victimes. Pour cela, les parties civiles pourront désormais obtenir le paiement de leurs dommages et intérêts non seulement sur les biens confisqués définitivement, mais également sur les biens dévolus à l'État et ceux ayant fait l'objet d'une décision de non-restitution. Les parties civiles auront désormais la possibilité de saisir l'Agrasc dans des délais moins contraints pour être indemnisés.

Enfin, l'article 3 renforce l'efficacité des saisies en ne permettant plus que des proches du délinquant ou du criminel continuent de profiter des biens qui auraient été saisis par la justice.

Les travaux de la commission des lois ont aussi permis d'enrichir le texte, en particulier en prévoyant la confiscation obligatoire des biens ayant été saisis au cours de l'enquête et qui constituent l'instrument ou le produit de l'infraction. À l'évidence, les débats à venir s'annoncent passionnants mais je suis convaincu que sur ce texte d'intérêt public, nous aboutirons le plus rapidement possible à un consensus transpartisan.

L'engagement du Gouvernement, et du ministère de la justice en particulier, pour lutter contre la délinquance et la criminalité, est total. La preuve en est que nous activons tous les leviers à notre disposition, à savoir une agence dédiée, des moyens supplémentaires inédits et une politique pénale ferme. Il est temps, ce soir, de franchir une nouvelle étape pour que le crime ne paie pas, pour que le crime ne paie plus.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Laure Blin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de loi que nous étudions vise à améliorer le dispositif de confiscation des biens criminels, plus de dix ans après la loi défendue par le rapporteur, pionnière en matière de saisie des avoirs en France. Cette loi était une véritable avancée qu'il convient de compléter afin d'en améliorer l'efficacité. En effet, il est indispensable d'empêcher les délinquants et criminels de pouvoir jouir du bénéfice de leurs méfaits – d'où l'importance de la confiscation des biens. Au-delà de la prison, nous devons continuer de toucher les malfaiteurs au portefeuille pour créer un véritable effet dissuasif. Saisir les avoirs déstabilise les réseaux mafieux et criminels, constituant en cela un levier très puissant.

Dans le détail de ses mesures, ce nouveau texte simplifie la procédure en cas d'appel de la décision de vente. Il permettra également de mieux indemniser les victimes dans la gestion des biens confisqués et de renforcer l'efficacité des condamnations pénales en disposant que la décision de confiscation d'un immeuble vaudra expulsion de ses occupants.

L'activité de l'Agrasc est en pleine explosion : en 2022, elle a saisi 4 300 biens meubles pour une valeur de près de 16 millions d'euros, et un nouveau département immobilier créé en 2021 lui a déjà permis de vendre 170 immeubles.

Le texte que nous examinons a la double vertu de priver les criminels de leurs profits et d'indemniser les victimes lésées. En augmentant de deux à six mois le délai au cours duquel les victimes peuvent demander réparation de leur préjudice sur la base des biens saisis par l'Agence, cette proposition renforce l'effectivité de leurs droits.

S'attaquer aux possessions immobilières est essentiel, en particulier contre le grand banditisme. Nous avons à l'esprit l'exemple de la saisie des immeubles de la mafia italienne à la fin des années 1980, qui avait constitué une grande première en la matière.

Afin d'éviter à l'Agrasc d'enchaîner les procédures contentieuses, dont la durée moyenne est de dix-huit mois, ce texte instaurera le principe selon lequel confiscation définitive vaut titre d'expulsion.

Comme le souligne le rapport de la commission, l'Agrasc est devenue une agence publique reconnue pour son efficacité, qui a essaimé localement dans les juridictions chargées de la criminalité organisée et de la délinquance économique. À ce titre, la territorialisation de l'Agrasc s'est généralisée : le déploiement de sept antennes locales est jugé positivement. Chaque situation locale étant différente, cette territorialisation permettra une adaptation aux particularismes criminels locaux.

La confiscation des biens est souvent beaucoup plus dissuasive pour les criminels que l'enfermement. Il est important que la société connaisse l'existence de ces saisies ou confiscations. À ce titre, l'opération de communication menée par les ministères de l'intérieur et de l'économie, qui a consisté à exhiber des Ferrari et autres voitures de sport saisies, nous semble aller dans le bon sens.

Nous saluons la réussite de l'Agence, dont les effectifs ont effectivement doublé en dix ans, ce qui a permis, l'an dernier, de saisir plusieurs millions d'euros provenant de trafics. Si ces saisies ont une vocation sociale et redistributive, il ne faut pas rester au milieu du chemin. En comparaison, l'Italie a confisqué plus de 11 milliards d'euros à la mafia en une vingtaine d'années.

Le groupe Les Républicains votera donc ce texte, puisqu'il affaiblira les réseaux criminels en France tout en offrant une meilleure indemnisation à nos concitoyens.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le recours aux sanctions pécuniaires en matière pénale, qu'il s'agisse de l'amende ou de la confiscation, s'est considérablement développé depuis plusieurs années. De la confiscation du véhicule du délinquant routier à l'amende forfaitaire délictuelle du petit revendeur de stupéfiants, les pouvoirs publics ont su élaborer des solutions innovantes et, je le crois, performantes.

Le renforcement des procédures de saisie et confiscation des avoirs criminels s'inscrit dans un projet plus large et plus ambitieux. En effet, ces procédures peuvent non seulement concerner la petite et moyenne délinquance, que je viens d'évoquer, mais aussi constituer un moyen de lutte opérationnel contre la grande délinquance voire contre la criminalité organisée.

Nos collègues italiens, on l'a souligné, ont été précurseurs en la matière dans leur lutte contre la mafia, à partir des années 1990 ; je me souviens de la confiscation du premier hôtel, en 2001, à Palerme, par mes collègues italiens de l'époque.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Absolument.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet hôtel avait été ensuite affecté à des fins sociales.

Je remercie le rapporteur de défendre ce sujet depuis de nombreuses années. La loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale avait été un outil très efficace pour le magistrat que j'étais alors.

La présente proposition de loi – issue du rapport que vous avez remis à la suite de la mission d'évaluation conduite en 2019 avec notre ancien collègue Laurent Saint-Martin – a pour objet, non de créer de nouvelles procédures, mais d'améliorer les outils existants.

L'article 1er confie au délégué du premier président de la cour d'appel, plutôt qu'à la chambre de l'instruction – pardonnez-moi pour le jargon juridique, mais on ne se refait pas – le soin d'examiner les ordonnances du juge d'instruction ou les décisions du parquet prises en vue de l'aliénation de biens saisis ou confisqués, lorsque leur conservation n'est plus utile à la manifestation de la vérité. Il faut retenir qu'une telle disposition allège le déroulement de la procédure sans porter préjudice aux droits des personnes mises en cause ni des tiers de bonne foi.

L'article 2 élargit l'assiette des biens dont le produit peut être utilisé pour indemniser les victimes. Par ailleurs, le délai accordé aux victimes ayant obtenu l'allocation de dommages-intérêts pour être indemnisées par l'Agrasc est porté de deux à six mois. Par ces deux dispositions de fond et de forme, la situation des victimes se trouvera sensiblement améliorée.

Enfin, l'article 3 prévoit que la décision définitive de confiscation d'un bien immobilier vaut titre d'expulsion à l'encontre de la personne condamnée. Cette disposition renforce l'efficacité de la décision pénale au profit de l'Agrasc et, le cas échéant, des victimes de l'infraction. Nous avions discuté en commission des lois de la rédaction de cet article, du fait d'un léger écart avec l'exposé des motifs, mais je crois qu'elle est à présent suffisamment claire : seul le condamné est visé. Vous avez déposé l'amendement n° 23 , monsieur le rapporteur, pour viser également les occupants du chef de la personne condamnée ; cela me paraît judicieux.

Notons un autre ajout opportun intervenu en commission des lois : le caractère désormais obligatoire de la peine complémentaire de confiscation, sauf décision des juges spécialement motivée, lorsque les biens saisis ont servi à commettre l'infraction ou lorsqu'ils sont le produit ou l'objet de cette infraction.

Beaucoup d'amendements ont été déposés en vue de l'examen en séance ; je regrette qu'ils ne l'aient pas été en commission des lois. En effet, certains d'entre eux auraient mérité une meilleure évaluation sur le plan juridique – je pense notamment à la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) – et en matière d'étude d'impact. L'Agrasc fonctionne bien, ses effectifs ont été doublés, mais il faut prendre garde à ne pas lui faire perdre son efficacité en étendant démesurément ses compétences.

Quoi qu'il en soit, le groupe Démocrate, même s'il sera peut-être réservé quant à certains amendements, soutiendra avec enthousiasme les trois articles de cette proposition de loi.

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Permettez-moi, cher Jean-Luc Warsmann, de vous remercier pour votre engagement, depuis 2010, sur ce sujet majeur. Vous avez, en 2010, 2019 et aujourd'hui, suivi pas à pas ce bébé qui est le vôtre .

M. le rapporteur sourit

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le bébé est devenu un grand garçon !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est un beau bébé, qui se porte bien et qui nous donne beaucoup de satisfaction.

Le débat public est régulièrement traversé de réflexions quant au sens de la peine, notamment à l'occasion de délits ou de crimes qui nous heurtent plus que d'autres. Ainsi, l'opinion publique se trouve souvent conduite à réclamer des peines plus lourdes, des peines planchers ou d'autres mesures de privation de liberté souvent disproportionnées et incompatibles avec la tradition juridique française. C'est oublier qu'en matière d'activités criminelles, la peine de prison ne constitue pas le seul outil à disposition du juge – oubli réparé en premier lieu grâce à vous, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En effet, depuis 2010, la confiscation et la saisie des avoirs criminels se développent et ont permis de frapper les acteurs de la criminalité organisée beaucoup plus durement que par des peines d'emprisonnement. En 2022, plus de 771 millions d'euros d'avoirs criminels ont ainsi été saisis, en nette hausse par rapport à l'année précédente. C'est le résultat d'un recours croissant des juges à cet outil mais aussi, et surtout depuis deux ans, le fruit du développement de l'Agrasc en région – l'Agence dispose désormais d'antennes dans cinq métropoles, aux quatre coins du pays.

Depuis la loi du 8 avril 2021 améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, l'affectation des biens immobiliers saisis a été facilitée et les saisies ont plus que doublé.

On peut se satisfaire grandement de la première décennie d'existence de l'Agrasc, mais plusieurs domaines d'améliorations demeurent. Vous les avez énumérés, monsieur le rapporteur, dans votre rapport de 2019.

Dans la présente proposition de loi, vous proposez quelques avancées techniques, que le groupe Socialistes et apparentés a soutenues. Des évolutions bienvenues ont été apportées en commission, en particulier sur l'automaticité de la peine complémentaire de saisie et confiscation, sauf décision spécialement motivée. En inversant ainsi la logique, nous permettrons de généraliser ces peines et d'amplifier tant leur efficacité que leur nature dissuasive. Les criminels sauront qu'à leur sortie de détention, ils ne retrouveront pas le produit de leur infraction.

Les évolutions proposées par le président de la commission des lois en matière d'affectation des biens saisis à des clubs sportifs ou la mesure de nos collègues de La France insoumise en matière de formation des magistrats, sont également bienvenues et utiles. La première mérite d'être élargie au-delà des seuls clubs sportifs.

J'ai déposé pour ma part plusieurs amendements. Il me semble utile, en premier lieu, de mieux faire connaître l'activité de l'Agrasc, et de faire apprécier au grand public la nature des saisies. Je proposerai donc, à travers l'amendement n° 3 , qu'en complément du rapport annuel, une liste des biens saisis et confisqués soit mise en ligne trimestriellement sur la page qui lui est dédiée sur le site du ministère de la justice. Ces listes existent déjà et il suffira d'en masquer les données confidentielles avant de les publier, sans charge excessive pour l'administration.

Je défendrai également l'amendement n° 4 à l'article 3, sur la question des expulsions de propriétaires de biens immobiliers saisis – nous aurons l'occasion d'y revenir.

Mon groupe votera bien évidemment pour cette proposition de loi – avec enthousiasme, pour reprendre la formule de ma collègue Vichnievsky. Je remercie très sincèrement le rapporteur d'avoir permis cette évolution positive, sans alourdir les procédures, mais en facilitant et en généralisant le dispositif.

Cette proposition de loi favorise la lutte contre la corruption, contre le blanchiment d'argent, et constitue un formidable outil de paix sociale : comme l'a dit monsieur le ministre, il faut savoir saisir plus et confisquer davantage.

Enfin, nous invitons le Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre des recommandations non législatives identifiées dans le rapport que M. Warsmann a remis au Premier ministre en 2019, afin que l'outil de saisie et de confiscation des avoirs criminels connaisse un nouveau développement salutaire.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je veux d'emblée, moi aussi, remercier Jean-Luc Warsmann pour l'intégralité de son œuvre ,

Sourires sur divers bancs

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

et pour le travail qu'il mène depuis plusieurs années déjà sur ce sujet important : la saisie et la confiscation des avoirs criminels.

Vous avez eu l'occasion de le dire, monsieur le rapporteur, la culture française en matière de répression de la délinquance n'est pas imprégnée des procédures de saisie et de confiscation ; il s'agit d'une évolution récente. Les premières réformes adoptées, et les travaux qui ont suivi, datent en effet d'une décennie : je pense évidemment, en 2010, à la création de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués ; en 2019, à votre mission d'information commandée par le Premier ministre Édouard Philippe, et à votre rapport commun avec notre ancien collègue Laurent Saint-Martin, que nous avions adopté en commission des lois ; je pense aux modifications législatives de 2020 et 2021 que nous avons soutenues avec le Gouvernement, afin d'étendre le champ d'application de ce dispositif ; enfin, à l'ouverture des antennes régionales, qui ont permis des avancées considérables, et aux moyens budgétaires supplémentaires qui ont été encore récemment affectés à l'Agrasc.

Tout cela allait dans le bon sens. Mais d'autres évolutions sont nécessaires pour rendre le système de saisie et de confiscation encore plus performant et efficace pour les victimes – c'est un point important.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La réponse à la délinquance peut prendre, le cas échéant, la forme d'une peine de prison, mais pas seulement. La sanction est d'autant plus dissuasive et efficace que nous touchons au portefeuille, au patrimoine, aux affaires des délinquants. C'est l'idée que, même une fois la peine d'emprisonnement purgée, le crime ne paie toujours pas.

Certaines activités criminelles, disons-le, rapportent gros : le trafic d'armes, le trafic de stupéfiants, la cybercriminalité et l'escroquerie, mais aussi la criminalité environnementale, dont on parle moins, qui connaît un développement inquiétant, avec un rapport bénéfice-risque plutôt favorable à ceux qui s'y adonnent. J'évoquerai rapidement un exemple très parlant : le trafic transfrontalier de déchets dangereux et leur enfouissement illégal engendrent des revenus annuels comparables à ceux issus du trafic de cannabis, soit environ 10 milliards d'euros à l'échelle de l'Union européenne ; ce n'est pas rien.

Pour démanteler ces réseaux, les autorités de poursuites pistent, suivent les flux financiers, infiltrent, captent des données ; mais elles peuvent aussi, en complément, geler, saisir, confisquer les capitaux, les biens matériels et les biens immobiliers, pour priver les délinquants de leurs profits illicites et tarir les ressources du crime.

Nous pouvons encore améliorer les dispositifs de gestion des biens saisis, la maîtrise des frais de justice – point important en matière de dépense publique – et l'indemnisation des victimes. C'est l'objet de ce texte.

L'article 1er propose de confier au premier président de la cour d'appel, ou à un conseiller par lui désigné, la compétence sur les procédures de contestation des décisions prises avant jugement des biens meubles saisis. C'est une mesure de bonne administration de la justice, qui permettra de délester les chambres de l'instruction – très chargées, comme chacun sait – et de réduire les délais de réponse.

L'article 2 élargit l'assiette des biens dont le produit peut être reversé aux victimes : il s'agit d'une avancée incontestable.

L'article 3, enfin, présente un intérêt évident, même s'il pose question sur le plan du droit. Il vise à introduire, à l'article 131-21 du code pénal, le fait que la décision définitive de confiscation d'un bien immobilier constitue un titre d'expulsion à l'encontre de la personne condamnée. Lors de la confiscation d'un immeuble, l'Agrasc entamera une procédure de droit commun pour expulser l'occupant ou le locataire. Or l'objectif, même indirect – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur –, ne saurait être de sanctionner un occupant de bonne foi. Il conviendra de clarifier ce point.

Enfin, j'ai déposé deux amendements, le premier visant à étendre la mise à disposition à titre gratuit de biens meubles aux associations ou aux fondations reconnues d'utilité publique, le second visant à mettre à disposition des biens immobiliers aux collectivités locales. Si le premier a passé le filtre de l'article 40 de la Constitution, le second n'a pas eu cette chance et n'a pas survécu. Cela étant, je crois qu'avec le précieux soutien du Gouvernement, que je remercie, nous pourrons avancer sur cette question importante pour les élus locaux.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je prends !

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Pour toutes ces bonnes raisons, le groupe Horizons votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur quelques bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.

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La saisie et la confiscation des gains criminels sont une nécessité non seulement pour sanctionner et réparer, mais aussi pour priver la criminalité organisée de ressources qui lui permettent de prospérer. Je salue votre engagement sur ce sujet, monsieur le rapporteur : cet engagement est ancien et se traduit désormais par ce texte, qui permettra d'améliorer le cadre judiciaire de la lutte contre la délinquance financière. Des discussions connexes sont en cours au niveau européen : je pense, entre autres, à la proposition de directive relative au recouvrement et à la confiscation d'avoirs, qui a été adoptée en commission au Parlement européen.

La législation sur la saisie et la confiscation des avoirs criminels est longtemps restée lacunaire. Initialement, la saisie au cours de l'enquête ne visait qu'à assurer la conservation des preuves ou à retirer des mains des suspects des objets considérés comme dangereux. La confiscation n'était alors vue que comme un accessoire de la sanction. Ce n'est que progressivement qu'elle est devenue un objet en soi des politiques publiques.

Les réformes les plus importantes, comme le gel des avoirs terroristes, ont été réalisées sous l'impulsion du Groupe d'action financière (Gafi) et de l'Union européenne. Et c'est grâce à la loi du 9 juillet 2010, dont vous êtes l'un des auteurs, monsieur le rapporteur, que la saisie a été rendue possible dès le stade de l'enquête afin de garantir l'effectivité des peines de confiscation ordonnées lors du jugement. Cette loi a également donné naissance à l'Agrasc, établissement public dirigé par un magistrat dont il convient de reconnaître l'efficacité. Depuis sa création, l'Agence a considérablement étendu son activité, notamment grâce à l'augmentation de ses effectifs et à l'établissement d'antennes régionales. Ces mesures utiles doivent être soutenues et renforcées.

De nouvelles pistes peuvent être explorées pour améliorer le dispositif actuel. C'est le sens du rapport que vous avez établi avec Laurent Saint-Martin et que vous avez remis en 2019 au Premier ministre. Le présent texte en reprend certaines recommandations et permettra ainsi d'améliorer les droits des parties civiles en élargissant l'assiette des biens ouvrant droit à indemnisation et en accordant un délai supplémentaire pour demander à l'Agrasc la réparation des préjudices. La proposition de loi rendra également possible l'expulsion de la personne condamnée du bien confisqué, sur décision du juge du siège.

Je me réjouis des amendements adoptés en commission, qui vont eux aussi dans le bon sens. Je pense bien sûr au renforcement de la formation continue des magistrats et des agents de la police judiciaire sur le fonctionnement de l'Agrasc, mais aussi à la peine complémentaire obligatoire de confiscation.

Nous serons attentifs à la rédaction finale de l'article 3, certains points restant à ajuster. Les amendements qui ont été déposés sur cet article me laissent quelque peu circonspect dans la mesure où la version actuelle du texte paraît suffisante.

Et si nous défendrons nous-mêmes quelques amendements, les députés du groupe Écologiste voteront cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.

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Nous examinons ce soir la proposition de loi de notre collègue Jean-Luc Warsmann, qui vise à améliorer l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Le texte a été amplement décrit par les orateurs qui m'ont précédé. Il a été adopté à l'unanimité lors de son examen en commission : c'est dire s'il va dans le bon sens.

Il permettra d'améliorer la gestion des biens saisis et de mieux maîtriser les frais de justice. Il vise également à simplifier l'indemnisation des victimes dans la gestion des biens confisqués, ainsi qu'à renforcer l'efficacité des condamnations pénales en la matière. Enfin, il prévoit de renforcer la formation des magistrats et des personnels des services de police judiciaire. À cet égard, le groupe Gauche démocrate et républicaine salue le travail commun réalisé en commission, où plusieurs amendements issus de différents groupes de l'Assemblée ont été adoptés afin de parfaire le texte.

Le droit en matière de saisie et de confiscation des avoirs criminels a longtemps été figé dans notre pays. Depuis une dizaine d'années, les pouvoirs publics tendent à accroître les moyens permettant d'identifier et d'appréhender les profits générés par la délinquance et le crime organisé. L'évolution que connaît la législation, pour laquelle vous êtes pour beaucoup, monsieur le rapporteur, notamment au travers de la loi du 9 juillet 2010 – loi Warsmann –, est ainsi à saluer. Cette dernière a mis en exergue la volonté des pouvoirs publics de simplifier et d'améliorer l'efficacité des saisies pénales, afin de garantir que le crime ne paie pas.

Cette loi a également créé l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, sur laquelle je ne reviendrai pas. M. le ministre a rappelé les chiffres : son bilan est très positif. En 2022, les sommes encaissées par l'Agrasc se sont en effet élevées à 487 millions d'euros, hors saisies immobilières, tandis que les saisies confirmées par un jugement se sont établies à 171 millions d'euros. Ces chiffres correspondent à une hausse significative de 6,3 % par rapport à l'année précédente, sachant que les opérations visant des cryptoactifs, nouveau vecteur important de blanchiment, ont explosé, avec une progression de 319 %.

Les sommes d'argent issues des ventes des biens confisqués sont notamment affectées au budget général de l'État, à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, à des associations de prévention du proxénétisme et de la traite des êtres humains, ou encore aux juridictions et aux services d'enquêtes luttant contre la criminalité et la délinquance organisées. Rappelons également que, depuis 2021, un bien saisi peut être affecté à une association d'utilité publique, mesure que nous saluons particulièrement et que de nombreux orateurs ont également soulignée.

Instrument des plus efficaces contre des formes de délinquance et de criminalité en constante évolution, le dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels, néanmoins, peut toujours être amélioré. C'est le sens de cette proposition de loi et la raison pour laquelle les députés communistes et des pays ultramarins du groupe GDR – NUPES la voteront et soutiendront tous les amendements qui permettront de l'améliorer encore davantage.

À qui profite le crime ? Grâce ce texte, il profitera aux associations et aux personnes nécessiteuses.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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Ce texte, dont nous nous apprêtons à examiner les articles, est le fruit d'un travail de longue haleine mené par notre collègue Jean-Luc Warsmann ; un travail qui, plus de dix ans après une première loi ayant créé la culture de la confiscation des avoirs criminels dans notre pays, nous conduit désormais à accomplir un autre pas en avant – un pas de géant même – dans la lutte contre la grande délinquance et le crime organisé. Ce travail nous invite également à rappeler un principe simple, quoique fondamental : le crime ne doit pas payer.

La confiscation des biens criminels doit non seulement priver la personne condamnée de tout profit, mais aussi permettre d'indemniser les victimes. C'est tout le sens de cette proposition de loi, qui augmente le délai permettant aux victimes de demander une réparation de leur préjudice à partir des biens saisis par l'Agrasc, ainsi que de la simplification de la procédure d'expulsion des criminels une fois leurs immeubles confisqués.

Associée à une répression pénale comprenant des peines classiques d'amende et de prison, la confiscation permet d'attaquer le gain du crime. Il s'agit sans aucun doute de la mesure la plus redoutée par les groupes mafieux qui, de l'aveu même de la procureure de Paris, sont désormais sans limites s'agissant aussi bien des financements, de leur projection géographique que du recours à la violence.

Des pays voisins tels que les Pays-Bas et la Belgique constatent ainsi avec impuissance l'emprise grandissante de la Mocro Maffia, qui menace gravement leur fonctionnement démocratique, tandis qu'en France s'est ouvert le 6 novembre dernier le procès de la mafia nigériane, qui est en plein essor à Marseille.

Cette situation européenne particulièrement inquiétante doit nous interpeller en tant que législateurs et nous inciter à sortir de ce qui est parfois un déni de réalité. Il me semble que c'est précisément ce que nous faisons quand nous nous dotons d'outils ayant démontré leur efficacité en Italie.

À cet égard, cette proposition de loi, déjà ambitieuse, a encore été enrichie en commission des lois, où le travail parlementaire a permis d'inclure des avancées majeures. C'est notamment le cas de l'article 3, qui fixe le caractère obligatoire de la confiscation des avoirs criminels en relation avec l'infraction, sauf motivation contraire du juge. Voilà de quoi accroître les ambitions de notre politique d'identification, de saisie et de confiscation des biens criminels, qu'illustrait déjà la montée en puissance de l'Agrasc.

En 2022, 4 300 biens meubles d'une valeur de près de 16 millions d'euros ont été saisis, soit une augmentation de 60 % en un an. L'Agence dispose aussi depuis 2021 d'un nouveau département immobilier, qui a vendu un total de 170 immeubles l'an dernier, pour un gain de plus de 35 millions d'euros.

Cependant, malgré cette progression fulgurante, nous demeurons loin des résultats atteints par l'Italie, pays qui a confisqué pour plus de 11 milliards d'euros de biens à la mafia au cours des vingt dernières années, et qui a généralisé leur usage social. Pour la seule année 2019, 947 biens criminels y ont été mis au service de l'économie sociale et solidaire, par l'intermédiaire de 505 associations, de 26 fondations, de 27 écoles, de 16 associations sportives ou encore de 5 organismes de formation professionnelle. Nous touchons là l'idée fondamentale du modèle italien dont il faut nous inspirer. Mettre les biens criminels au service de l'intérêt général, c'est rendre les fruits du crime organisé aux citoyens et démontrer que les systèmes mafieux ne l'emportent pas sur la défense du bien commun.

En toute cohérence avec la logique vertueuse de cette proposition de loi, la principale piste d'évolution pour ancrer la culture de la confiscation en France est de lui donner une véritable portée symbolique. C'est ce que j'avais proposé, associé à l'ensemble des députés de Corse, au travers d'un amendement qui visait à mettre des biens confisqués à la disposition non seulement d'associations, mais aussi de collectivités territoriales. Eu égard à leur connaissance du terrain et à leur ancrage au sein des territoires, ces dernières représentent en effet les partenaires idéaux pour porter des projets d'intérêt général adaptés aux besoins locaux. Cet amendement tendant à élargir le périmètre de l'affectation des biens confisqués ayant malheureusement été déclaré irrecevable, il revient désormais au Gouvernement de prendre ses responsabilités pour avancer sur ce point qui, je le crois, fait consensus.

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En conclusion, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendront pleinement ce texte, et je tiens à de nouveau saluer notre collègue Jean-Luc Warsmann pour son engagement et la qualité exemplaire de son travail.

Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.

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Il faut taper les délinquants au portefeuille : si la maxime est ancienne, l'idée juridique est en réalité assez neuve puisque vous en avez la paternité, monsieur le rapporteur. Elle remonte à 2010 et vous veillez depuis assez fiévreusement sur votre nouveau-né qui, s'il grandit au fil du temps, conserve un même principe : permettre de procéder à des saisies en cours d'instance, puis à des confiscations au terme de celle-ci comme peine complémentaire ou principale.

Pour reprendre la vieille maxime de Beccaria, ce qui fait l'efficacité de cette peine, et la rend dissuasive, ce n'est pas sa sévérité, mais sa certitude – la certitude de la saisie des biens de la personne condamnée ou en passe de l'être.

Monsieur le rapporteur, vous défendez un texte que le bureau de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a proposé à la conférence des présidents, à l'époque où on l'autorisait encore à présenter des textes transpartisans. C'est aussi cela, le travail de notre commission : savoir choisir parmi les meilleures propositions de loi, afin de faire évoluer la législation quand c'est nécessaire.

Votre loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale élargit le champ des biens susceptibles d'être saisis ou confisqués, clarifie les procédures pénales applicables et améliore la gestion des biens saisis. Ainsi, quand, en 2011, le montant des biens saisis s'élevait à 109 millions d'euros, il est passé à 484 millions en 2021 ; les confiscations d'actifs ont, quant à elles, explosé, de 700 000 euros en 2011 à 150 millions en 2021. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu doubler les effectifs de l'Agrasc, qui sont passés de 45 à 83 personnes et, enfin, l'Agence a commencé à se déployer sur le territoire ; tout cela n'est pas étranger à cette success story.

Pour aller plus loin, en 2019, le Premier ministre, Édouard Philippe vous a confié avec Laurent Saint-Martin – que je salue – une mission qui s'est traduite par le rapport intitulé « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner ». Certaines de ses nombreuses propositions étaient de nature législative et font l'objet des trois articles du texte que vous nous avez présenté en commission des lois.

Le premier article vise à simplifier la procédure de contestation des décisions prises avant jugement. Pourquoi ? Devant la certitude de ces saisies ou confiscations, les prévenus préfèrent retarder l'échéance, anticiper, voire s'organiser, notamment en transférant leur patrimoine à des conjoints.

L'article 2 renforce les droits des victimes d'infractions pénales, en facilitant les indemnisations prélevées sur les avoirs criminels. Il vise à élargir l'assiette des biens pouvant être saisis et prolonge de deux à six mois le délai pendant lequel les victimes peuvent solliciter une indemnisation. Enfin, l'article 3 prévoit que la décision de confiscation des biens immobiliers vaut titre d'expulsion pour la personne condamnée.

La commission a amendé le texte, et je suis l'auteur de certaines de ces modifications – vous avez relevé ma créativité ,

Sourires

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notamment pour ce qui concerne les fédérations sportives, à qui les véhicules saisis lors de rodéos pourront être attribués. Nous avons également plaidé pour une meilleure formation des agents ou l'obligation de confiscation des biens saisis.

Puisque nous sommes invités à faire toujours mieux, nous sommes favorables à la saisie-attribution au profit des collectivités ou de leurs regroupements et à la reconnaissance d'une nouvelle mission des officiers de police judiciaire (OPJ) – identifier les avoirs criminels. Nous souhaitons également que la procédure d'expulsion s'applique au propriétaire, mais aussi à l'occupant, afin que personne ne profite du bien aux dépens des victimes.

Il faut taper les voyous au portefeuille, et le faire efficacement. Le message doit être clair, ici et au cours de la navette parlementaire : la criminalité organisée doit être avertie de l'intransigeance du législateur et de la détermination de toute la République.

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Cette proposition de loi est fondamentale : elle permet de renforcer l'efficacité de la politique pénale dans la lutte contre la criminalité organisée et tous les trafics. Je remercie une nouvelle fois mon collègue champenois Jean-Luc Warsmann pour le long travail qu'il accomplit depuis 2010 en faveur du renforcement de la politique pénale et pour faciliter les saisies et confiscations.

Le rapport du service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) pour les années 2021 et 2022 indique que la criminalité organisée développe de nouvelles activités, comme la prostitution logée ou l'ubérisation du trafic de drogue, en plus de ses activités illégales traditionnelles – escroquerie, trafic de drogue, extorsion, et ainsi de suite. Selon ce même rapport, l'activité principale reste le trafic de drogue, qui a généré 2,7 milliards de profits en 2021 et 2022, et qui est à l'origine de 80 % des règlements de compte et de 25 % des armes saisies.

Si les conflits ont lieu, pour l'essentiel, en Île-de-France et à Marseille, ils s'étendent désormais à des villes moyennes, comme Besançon ou Belfort. Les activités criminelles se développent en outre massivement dans les petites villes et les zones rurales – nous l'avons constaté lors des émeutes. Ainsi, dans mon département, l'Aube, le trafic de stupéfiants a augmenté de plus de 34 %, et leur usage de plus de 25 %, malheureusement.

C'est pourquoi il faut développer de nouvelles antennes régionales de l'Agrasc car les quatre antennes créées en 2021 à Marseille, Lyon, Rennes et Lille ont démontré leur efficacité, en permettant aux juridictions de réaliser plus de 771 millions d'euros de saisies en 2022.

Grâce à l'action remarquable de ses agents, l'Agrasc s'autofinance et contribue même fortement au budget de l'État. Il est donc fondamental de créer et de déployer très rapidement ces nouvelles antennes, afin d'envoyer un message clair aux criminels : en France, en 2023, les activités criminelles et les trafics de drogue ne doivent plus être rentables !

D'ailleurs, selon un rapport sénatorial de 2017, ce n'est pas la peine d'emprisonnement, mais la confiscation de ses biens et actifs, qui conduirait le condamné à faire appel car les délinquants souhaitent uniquement gagner de l'argent. C'est pourquoi, je le répète, nous plaidons pour le développement de l'Agrasc, afin que les activités criminelles cessent d'être rémunératrices : il faut élargir et faciliter les confiscations et les saisies pour lutter directement contre les trafics. Ainsi, la confiscation rapide des bateaux des passeurs permettrait de lutter contre les trafics d'êtres humains.

Si les saisies et confiscations jouent un rôle clé dans la prévention et la dissuasion, elles permettent également une réparation concrète et rapide pour les victimes – nous ne parlons pas assez d'elles – alors que certains criminels organisent leur insolvabilité et l'évasion de leurs capitaux avec l'aide des nouvelles technologies et du dark web.

En outre, ce message de prévention et de dissuasion doit se doubler d'un message de fermeté judiciaire – que le Gouvernement n'apporte hélas pas et qu'il n'apportera plus – et d'un sursaut pénal. Il faut sacraliser l'intégrité physique des victimes, en alourdissant les peines judiciaires des agresseurs.

Enfin, nous plaidons pour un tournant migratoire afin de réduire drastiquement l'immigration.

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Vous vous êtes trompés de débat, l'immigration, c'était la semaine dernière en commission, et ce sera la semaine prochaine dans l'hémicycle !

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Emmanuel Macron lui-même le reconnaît : « Quand on regarde aujourd'hui la délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des faits de délinquance qu'on observe viennent de personnes qui sont des étrangers ». Quelle victoire pour le Rassemblement national !

Alors, mes chers collègues, donnons à l'Agrasc tous les moyens pour saisir et confisquer les avoirs criminels en votant ce texte, consensuel, mais dotons-nous également d'une politique pénale plus ferme afin d'envoyer un message clair à tous les délinquants !

Ce texte ne suffira pas. Seul un gouvernement ferme sur l'immigration, ferme sur l'application des peines et pratiquant la tolérance zéro vis-à-vis des criminels sera à la hauteur. Ce texte est un petit pas pour la justice, mais nous sommes loin du grand pas pour la France, malheureusement. Nous proposerons ce tournant pénal aux Français en 2027.

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Pour conclure, nous espérons que Marine Le Pen sera bientôt à la place d'Emmanuel Macron ,…

Applaudissements sur les bancs du groupe RN ; exclamations sur les bancs du groupe RE

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce ne sera que la troisième fois qu'elle essaie !

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…et que le magistrat et député RN Jean-Paul Garraud sera à votre place, monsieur le garde des sceaux !

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En attendant, nous disons à nos concitoyens : tenez bon, on arrive !

Mêmes mouvements.

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Ce texte est important ; c'est une pierre à l'édifice de l'Agrasc, même s'il existe des marges de progression dans la lutte contre la délinquance économique et financière. Le moment est particulier puisque nous nous situons au carrefour de la démocratisation de la saisie et de la confiscation : il s'agit désormais de pouvoir affecter une partie des biens concernés à des usages ayant une utilité sociale. Ce texte est donc bienvenu et salutaire. Notre collègue Warsmann a beaucoup travaillé sur le sujet, et je le salue.

Pour éviter de tenir un propos redondant sur les bienfaits de l'Agrasc, déjà évoqués par les autres orateurs, j'irai à l'essentiel. La proposition de loi ayant été examinée avec une certaine hâte, toutes les propositions de niveau législatif figurant dans le rapport que vous avez rédigé avec Laurent Saint-Martin ne s'y trouvent pas. Pourtant, beaucoup le mériteraient, même si je ne suis pas d'accord avec toutes.

C'est pourquoi, entre l'examen en commission et la séance publique, nous avons travaillé, notamment afin d'élargir les missions des officiers de police judiciaire à l'identification du patrimoine des criminels. Même si la rédaction de nos amendements est différente, cette première étape d'identification est cruciale pour l'enquête car elle permet, ensuite, de saisir et de confisquer efficacement.

J'en profite pour ouvrir une petite parenthèse : la police judiciaire, au sens large, n'est pas en bonne santé dans notre pays. Il conviendrait de renforcer ses attributions, ses prérogatives et ses moyens, comme nous le préconisions, avec Marie Guévenoux, dans notre rapport.

Mme Caroline Fiat applaudit.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Votez les budgets !

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La départementalisation de certains services de police n'est pas forcément bienvenue car elle a un impact sur la police judiciaire – la presse s'en fait l'écho. En outre, au sein de la police judiciaire, la lutte contre la délinquance économique et financière est malheureusement le parent pauvre des enquêtes, les procureurs de la République que j'ai pu rencontrer au cours de la mission d'information me l'ont confirmé. Même s'ils souhaitent appliquer les consignes de politique pénale en matière de saisies et confiscations ou, plus largement, de délinquance économique et financière, en face, les enquêteurs ne sont pas forcément disponibles.

Les marges de progression sont donc considérables et c'est d'autant plus intéressant que les résultats sont sonnants et trébuchants pour le budget de l'État – et pas uniquement en cas de saisie de biens immobiliers. Il s'agit d'un service public hyper-rentable, il ne faut pas l'oublier.

Certains de nos amendements visent à élargir les possibilités d'affectation. Je suis circonspect sur l'application de l'article 40, et je n'ai pas vraiment saisi pourquoi certains de nos amendements étaient recevables et d'autres pas.

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Quoi qu'il en soit, nous plaidons pour que les biens saisis puissent être affectés aux collectivités territoriales ou aux bailleurs sociaux publics. Ainsi, quand la procédure judiciaire arrive à son terme, le produit du crime profite à l'intérêt général et les biens des criminels deviennent des biens communs.

Nous souhaitons également que le grand public soit informé de la saisie et de la confiscation, une pancarte pouvant par exemple être apposée sur les bâtiments en question pour matérialiser la procédure, et la décision d'affectation à un bailleur social ou à une association par exemple.

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Nous proposerons aussi un délai supplémentaire pour l'affectation. Votre rapport le souligne, monsieur Warsmann, le délai est trop rigide et empêche parfois l'agence d'affecter les biens, car la procédure n'est pas aussi rapide et simple qu'on l'imagine.

Enfin, votre rapport préconisait de supprimer les fonds de concours. C'est peut-être le rendez-vous manqué de ce projet de finances. Prenons rendez-vous pour le prochain,…

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…afin que l'intégralité du produit des confiscations soit reversée au budget général de l'État et que l'on ne dépende pas du montant des confiscations pour financer tel ou tel projet d'intérêt général.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 40 .

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Depuis 2020, la justice peut ordonner l'affectation des avoirs saisis ou confisqués à l'Office français de la biodiversité (OFB). Nous souhaitons étendre cette mesure de bon sens aux parcs naturels nationaux et régionaux, afin qu'ils puissent être les destinataires directs de ces biens.

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Cet amendement s'inscrit dans la logique des textes existants. À l'évidence, nous ne pouvons inclure tout le monde dans le texte, mais l'ajout proposé est très clairement défini et limité : les parcs naturels nationaux et régionaux sont des organismes d'intérêt général, dans la lignée de l'OFB. Je donne donc un avis favorable sur cet amendement.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable, et je lève le gage.

Mme Caroline Fiat s'exclame et applaudit.

L'amendement n° 40 est adopté ; en conséquence, l'amendement n° 38 tombe.

M. Gérard Leseul applaudit.

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Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l'amendement n° 36 .

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En 2021, nous avons fait un choix important : donner la possibilité de mettre gratuitement à disposition des associations et des fondations reconnues d'utilité publique (Arup et Frup) les biens immobiliers saisis. Il s'agissait d'une grande avancée pour ce secteur dédié à l'intérêt général, les postes immobiliers représentant une lourde charge.

Je propose d'aller plus loin – de boucler la boucle en quelque sorte – en autorisant également les affectations à titre gratuit des meubles saisis. Ce serait très précieux pour les Arup et les Frup : ces réaffectations sociales les aideraient à remplir leurs missions. Je propose de faire un pas supplémentaire vers ces organismes à but non lucratif, qui renforcent la solidarité et la cohésion nationales et font donc œuvre utile.

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Cette proposition est également cohérente au regard du droit existant. Il faudra définir très précisément quels organismes pourront bénéficier des affectations sociales : des organismes qui servent l'intérêt général et sont à but non lucratif – nous ne pourrons pas tout approuver.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais nous approuvons beaucoup de choses !

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis favorable, et je lève le gage.

L'amendement n° 36 est adopté.

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L'amendement n° 34 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.

L'amendement n° 34 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 43

Nombre de suffrages exprimés 43

Majorité absolue 22

Pour l'adoption 43

Contre 0

L'article 1er , amendé, est adopté à l'unanimité.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 14 .

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Nous souhaitons que le code de procédure pénale indique explicitement que l'enquête patrimoniale et l'identification des avoirs criminels aux fins de saisie puis de confiscation font partie des missions de l'officier de police judiciaire, au côté, notamment, du recueil des preuves.

Nous n'avons pas choisi d'amender les mêmes passages du code de procédure pénale que le rapporteur, mais cet amendement est proche des amendements identiques n° 22 et 31 que nous examinerons dans un instant.

Mmes Caroline Fiat et Cécile Untermaier applaudissent.

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Sur le fond, je suis tout à fait favorable à cette proposition – il faut changer de culture. Ce qui est ressorti des auditions de la gendarmerie et de la police va dans le même sens : quand un officier de police judiciaire fait correctement son travail, il doit procéder à une enquête patrimoniale avant d'interpeller. Immédiatement après l'interpellation, qui a généralement lieu à six heures du matin, il doit déclencher le blocage des comptes bancaires et faire saisir tous les biens qu'il a pu préalablement identifier.

Cher collègue, vous avez choisi d'amender l'article 14 du code de procédure pénale, qui porte sur la différence entre la police administrative et la police judiciaire. Après avoir étudié la question, amender l'article 17 paraît plus opportun – les services de la Chancellerie partagent sans doute cette position. Comme je ne voudrais pas donner un avis défavorable, je vous serais très reconnaissant de retirer l'amendement. Vous pourrez à juste titre revendiquer une part de la paternité des amendements n° 22 et 31  !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous partageons l'avis de la commission. Nous sommes tout à fait favorables à cet amendement, mais, pour des raisons légistiques, nous proposons un retrait au profit des amendements n° 22 et 31 . M. Bernalicis aura quoi qu'il en soit la paternité de cette disposition !

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Je ne réclame absolument aucune paternité – ce ne serait pas juste pour le rapporteur, puisque cette proposition figure dans son rapport, pas dans le mien. Je retire l'amendement n° 14 .

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

L'amendement n° 14 est retiré.

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Les amendements identiques n° 22 de M. le rapporteur et 31 de M. Paul-André Colombani sont défendus.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis favorable.

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Je suis évidemment favorable à ces amendements. Il faudra se coordonner avec le ministère de l'intérieur pour qu'il tire toutes les conséquences de cette adoption,…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Beauvau fera ce que Beauvau doit faire !

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…notamment en ce qui concerne la formation des officiers de police judiciaire. Cette formation est désormais proposée lors de la formation initiale de 12 mois en école de police. Il faudrait que le ministère de l'intérieur intègre le plus rapidement possible ces éléments à la maquette de formation pour la renforcer, puisque nous en faisons une des missions impératives de l'officier de police judiciaire.

Les amendements identiques n° 22 et 31 sont adoptés.

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Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 25 , 33 et 43 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 25 .

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Notre proposition porte sur un sujet évoqué lors des auditions, la CJIP. Les personnes morales poursuivies pour atteinte à la probité doivent, si elles sont condamnées, indemniser les victimes et verser une amende. Si les services de police et la justice ont procédé à des saisies, ils ne peuvent s'appuyer sur la législation actuelle pour conserver les biens saisis.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Exactement !

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Dans les faits, ces biens doivent être rendus. Au mieux, on considère que la valeur des biens saisis contribue au paiement de l'amende – ce n'est pas satisfaisant.

Nous vous proposons donc un petit coup de scalpel juridique : la convention judiciaire d'intérêt public doit prévoir, outre l'indemnisation des victimes et le paiement de l'amende, la possibilité de conserver ce qui a été saisi et confisqué.

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L'amendement n° 33 de M. Paul-André Colombani est défendu.

La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 43 .

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Nous souhaitons étendre les obligations imposées aux personnes morales lorsqu'elles concluent des conventions judiciaires d'intérêt public sur proposition du procureur. La CJIP, aujourd'hui bien connue, a été introduite dans le droit pénal en 2016. Par principe, les écologistes sont plutôt réservés sur ce mécanisme transactionnel, même s'il faut bien reconnaître qu'il est utile pour sanctionner rapidement la grande délinquance.

Le code de procédure pénale prévoit deux obligations imposées au titre de cette convention : le versement d'une amende d'intérêt public au Trésor public, et l'application d'un programme de mise en conformité sous le contrôle de l'Agence française anticorruption (AFA). Pour avoir échangé avec les équipes du parquet national financier (PNF), je pense qu'il serait utile d'ajouter – comme dans d'autres conventions – une troisième obligation, le dessaisissement de la chose support, produit de l'infraction commise par la personne morale, dans l'hypothèse où des saisies ont été ordonnées.

Les amendements identiques n° 25 , 33 et 43 , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

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Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 21 rectifié et 30 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 21 rectifié .

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Les choses se sont beaucoup améliorées, mais ne sont pas encore parfaites. Il arrive qu'un tribunal soit saisi sans que l'Agrasc soit mise au courant, ou qu'elle reçoive bien le produit de la saisie, mais qu'elle ne soit pas tenue informée des suites de la procédure. Peut-être le voyou, peu fier de lui, n'ose-t-il pas demander la récupération ! Mais il se peut aussi que l'Agrasc ne sache tout simplement pas qu'il y a eu confiscation.

Nous proposons d'inscrire dans la loi l'obligation d'informer l'Agrasc. Il s'agit aussi d'un appel à ce que la future procédure numérique permette d'automatiser cette transmission d'information dès qu'il y a saisie ou confiscation. Cela garantit la sécurité juridique, mais aussi la sécurité comptable de l'Agrasc, et permet d'assurer un suivi financier.

Les amendements identiques n° 21 rectifié et 30 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

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Je suis saisie de quatre amendements, n° 15 , 48 , 49 et 50 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 48 , 49 et 50 sont identiques et font l'objet d'une demande de scrutin public par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 15 .

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L'ensemble de ces amendements tendent à permettre d'affecter les biens confisqués aux collectivités territoriales.

Au travers de l'amendement n° 15 , je propose de modifier le texte pour en inverser la logique : après une confiscation, l'État doit d'abord vérifier s'il peut affecter les biens saisis à une collectivité territoriale ou à une association par exemple – il n'a pas en soi vocation à les garder ou à les vendre. Ce devrait être le mode opératoire normal,…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Excellent !

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…sauf décision motivée du conseil d'administration de l'Agrasc,…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

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…puisqu'on ne peut pas toujours mettre les biens à disposition de quelqu'un.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, c'est vrai !

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Au moins faut-il commencer par s'interroger sur la possibilité d'une affectation, et à qui. Mon amendement a la particularité, par rapport aux autres amendements de cette discussion commune, de tendre à rendre obligatoire cette façon de procéder.

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La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 48 .

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La présidente Moutchou et le député Colombani ont déposé des amendements de bon sens – c'est tautologique ! Ils proposaient d'étendre le dispositif d'affectation sociale aux collectivités territoriales. Cette proposition m'a paru tout à fait pertinente, car elle pouvait à l'évidence permettre à des projets d'intérêt général d'aboutir.

Alors que je m'apprêtais à donner un avis favorable, ces amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution – dont acte. Au nom du Gouvernement, j'ai décidé de les reprendre pour que ces dispositions pertinentes puissent voir le jour.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Elles sont attendues en Corse, notamment par le président Marcangeli et le député Colombani, mais elles profiteront évidemment à tout le pays.

Le législateur le sait : il me trouvera toujours à ses côtés pour améliorer la lutte contre la délinquance et la grande criminalité.

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La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement n° 49 .

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Je remercie le Gouvernement et le ministre d'avoir repris cet amendement qui avait été déclaré irrecevable. Nous aurions raté une occasion de prendre une mesure symboliquement forte mais aussi profondément utile.

J'en profite aussi pour remercier le collectif Massimu Susini, avec lequel nous avons travaillé, et qui est très impliqué dans la lutte contre la mafia en Corse.

Mme Caroline Fiat applaudit.

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Les membres de ce collectif sont présents ce soir dans les tribunes du public : je les remercie pour tout le travail qu'ils nous ont permis d'accomplir.

Cette proposition est primordiale en ce qu'elle permet d'impliquer tous les citoyens dans la lutte contre le banditisme et le crime organisé. Disons-le trivialement : quand un bien passe des mains d'un criminel aux caisses de l'État, ce n'est pas concret pour les citoyens. Une crèche ou un organisme de formation professionnelle créé par une commune grâce à des biens confisqués, c'est du concret : c'est la preuve que ce qui leur a été pris leur a été rendu, et que ces ressources peuvent servir au bien commun.

Les collectivités territoriales sont mieux qualifiées que quiconque pour monter des projets d'intérêt général en adéquation avec les besoins locaux. C'est tout le but de cette proposition qui semble faire l'objet d'un consensus.

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La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l'amendement n° 50 .

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Cet amendement particulièrement important a pour objet d'ajouter les collectivités territoriales à la liste des personnes morales pouvant bénéficier du dispositif d'affectation sociale des immeubles confisqués. La réaffectation de ces biens serait ainsi effectuée au plus près des territoires. Les collectivités territoriales sont les mieux placées pour ce faire, puisqu'au niveau local, elles incarnent l'intérêt général à la plus petite échelle et l'action solidaire au bénéfice de nos concitoyens. Adopter cet amendement serait en outre une forme de reconnaissance du travail et de l'action qu'accomplissent les élus locaux et leurs équipes. J'adresse mes remerciements au ministre, qui nous permet ce soir de concrétiser cette avancée pour les territoires.

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Favorable sur les amendements identiques n° 48 , 49 et 50 . En revanche, je demande le retrait de l'amendement n° 15 – à défaut, j'y serais défavorable – car il vise certes à ajouter les collectivités territoriales au dispositif mais comporte deux éléments qui me semblent problématiques : l'obligation et la gratuité de l'affectation sociale.

Monsieur le ministre l'a rappelé, depuis 2022, il est possible de faire bénéficier de l'affectation sociale des biens immobiliers confisqués à trois types de bénéficiaires. Imposer l'obligation de l'affectation sociale à ces bénéficiaires, auxquels s'ajouteraient les collectivités territoriales, me semble prématuré. Le législateur l'envisagera sans doute dans quelques années, mais nous ne sommes qu'au début du mouvement, qu'il s'agit pour l'instant de faciliter.

S'agissant de la gratuité de l'affectation sociale, je préconise de laisser l'Agrasc en décider et éventuellement négocier. Dans certains cas, la gratuité s'impose, mais dans celui d'un immeuble en mauvais état situé sur la promenade des Anglais, à Nice, par exemple, elle ne va pas de soi – on pourrait sans doute en faire quelque chose.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout à fait.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Demande de retrait de l'amendement n° 15 , sinon avis défavorable. Avis favorable sur les amendements identiques n° 48 , 49 et 50 .

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Qu'importe le flacon des amendements, pourvu qu'on ait l'ivresse !

Sourires.

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M. le ministre a rappelé le chemin tortueux emprunté par ces amendements jusqu'à leur recevabilité ; ils expriment une très forte demande, qui émane de différents acteurs, y compris en Corse. Ces amendements ne sont pas anodins.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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Non seulement l'affectation des biens immobiliers confisqués aux collectivités territoriales renforce l'exemplarité de la confiscation, mais elle responsabilise ces dernières, qui sont garantes de l'intérêt général – on espère qu'elles le resteront longtemps. Il importe de détourner le sens de ces biens mal acquis, en en garantissant une bonne utilisation au service de l'intérêt général. Compte tenu de l'importance des mesures que nous nous apprêtons à adopter, il n'est pas inutile de nous y appesantir quelque peu.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Je maintiens l'amendement n° 15  ; les députés de La France insoumise soutiendront également les amendements n° 48 , 49 et 50 .

Je n'ai pas bien compris l'exemple pris par le rapporteur : pourquoi envisagerait-on de ne pas donner certains biens immobiliers ? Pour les faire fructifier au bénéfice de l'État ? Il est déjà possible de les affecter à l'État, à des associations d'utilité publique, à des fondations, à des collectivités territoriales. Il s'agit, avec cet amendement, de prévoir que les biens immobiliers confisqués sont affectés par principe à des fins sociales, et que par exception, sur décision motivée du conseil d'administration de l'Agrasc, il demeurera possible de leur appliquer une autre affectation. Tel est l'esprit de cet amendement ;…

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…je ne voudrais pas voir son intention caricaturée.

Peut-être l'Agrasc n'est-elle pas encore suffisamment robuste pour adopter un tel mode de fonctionnement, mais il faudra sans doute y venir – c'est un autre sujet. Lorsque les moyens seront au rendez-vous, il sera nécessaire de réfléchir plus avant à l'affectation des immeubles et des biens confisqués.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est extraordinaire, il n'a voté aucun budget et il critique tout ! On a doublé le personnel de la justice et ça ne va toujours pas !

L'amendement n° 15 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 43

Nombre de suffrages exprimés 43

Majorité absolue 22

Pour l'adoption 43

Contre 0

Les amendements identiques n° 48 , 49 et 50 sont adoptés.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels ;

Discussion de la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos ;

Discussion de la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer.

La séance est levée.

La séance est levée le mardi 5 décembre 2023 à zéro heure cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra