Intervention de Paul-André Colombani

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2023 à 21h30
Saisie et confiscation des avoirs criminels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul-André Colombani :

Ce texte, dont nous nous apprêtons à examiner les articles, est le fruit d'un travail de longue haleine mené par notre collègue Jean-Luc Warsmann ; un travail qui, plus de dix ans après une première loi ayant créé la culture de la confiscation des avoirs criminels dans notre pays, nous conduit désormais à accomplir un autre pas en avant – un pas de géant même – dans la lutte contre la grande délinquance et le crime organisé. Ce travail nous invite également à rappeler un principe simple, quoique fondamental : le crime ne doit pas payer.

La confiscation des biens criminels doit non seulement priver la personne condamnée de tout profit, mais aussi permettre d'indemniser les victimes. C'est tout le sens de cette proposition de loi, qui augmente le délai permettant aux victimes de demander une réparation de leur préjudice à partir des biens saisis par l'Agrasc, ainsi que de la simplification de la procédure d'expulsion des criminels une fois leurs immeubles confisqués.

Associée à une répression pénale comprenant des peines classiques d'amende et de prison, la confiscation permet d'attaquer le gain du crime. Il s'agit sans aucun doute de la mesure la plus redoutée par les groupes mafieux qui, de l'aveu même de la procureure de Paris, sont désormais sans limites s'agissant aussi bien des financements, de leur projection géographique que du recours à la violence.

Des pays voisins tels que les Pays-Bas et la Belgique constatent ainsi avec impuissance l'emprise grandissante de la Mocro Maffia, qui menace gravement leur fonctionnement démocratique, tandis qu'en France s'est ouvert le 6 novembre dernier le procès de la mafia nigériane, qui est en plein essor à Marseille.

Cette situation européenne particulièrement inquiétante doit nous interpeller en tant que législateurs et nous inciter à sortir de ce qui est parfois un déni de réalité. Il me semble que c'est précisément ce que nous faisons quand nous nous dotons d'outils ayant démontré leur efficacité en Italie.

À cet égard, cette proposition de loi, déjà ambitieuse, a encore été enrichie en commission des lois, où le travail parlementaire a permis d'inclure des avancées majeures. C'est notamment le cas de l'article 3, qui fixe le caractère obligatoire de la confiscation des avoirs criminels en relation avec l'infraction, sauf motivation contraire du juge. Voilà de quoi accroître les ambitions de notre politique d'identification, de saisie et de confiscation des biens criminels, qu'illustrait déjà la montée en puissance de l'Agrasc.

En 2022, 4 300 biens meubles d'une valeur de près de 16 millions d'euros ont été saisis, soit une augmentation de 60 % en un an. L'Agence dispose aussi depuis 2021 d'un nouveau département immobilier, qui a vendu un total de 170 immeubles l'an dernier, pour un gain de plus de 35 millions d'euros.

Cependant, malgré cette progression fulgurante, nous demeurons loin des résultats atteints par l'Italie, pays qui a confisqué pour plus de 11 milliards d'euros de biens à la mafia au cours des vingt dernières années, et qui a généralisé leur usage social. Pour la seule année 2019, 947 biens criminels y ont été mis au service de l'économie sociale et solidaire, par l'intermédiaire de 505 associations, de 26 fondations, de 27 écoles, de 16 associations sportives ou encore de 5 organismes de formation professionnelle. Nous touchons là l'idée fondamentale du modèle italien dont il faut nous inspirer. Mettre les biens criminels au service de l'intérêt général, c'est rendre les fruits du crime organisé aux citoyens et démontrer que les systèmes mafieux ne l'emportent pas sur la défense du bien commun.

En toute cohérence avec la logique vertueuse de cette proposition de loi, la principale piste d'évolution pour ancrer la culture de la confiscation en France est de lui donner une véritable portée symbolique. C'est ce que j'avais proposé, associé à l'ensemble des députés de Corse, au travers d'un amendement qui visait à mettre des biens confisqués à la disposition non seulement d'associations, mais aussi de collectivités territoriales. Eu égard à leur connaissance du terrain et à leur ancrage au sein des territoires, ces dernières représentent en effet les partenaires idéaux pour porter des projets d'intérêt général adaptés aux besoins locaux. Cet amendement tendant à élargir le périmètre de l'affectation des biens confisqués ayant malheureusement été déclaré irrecevable, il revient désormais au Gouvernement de prendre ses responsabilités pour avancer sur ce point qui, je le crois, fait consensus.

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