La réunion commence à quinze heures.
La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.
Article 4 (suite) : Renforcement de l'utilisation et de l'accessibilité des directives anticipées
Amendement CS1410 de Mme Emeline K/Bidi
L'alinéa 10 aborde le cas de l'espace numérique de santé d'une personne majeure sous protection juridique qui n'est pas apte à exprimer sa volonté. Nous voyons une contradiction dans le fait que la personne chargée de la mesure de protection puisse gérer cet espace pour son compte « en tenant compte de son avis ». Comment une personne qui n'est pas apte à exprimer sa volonté peut-elle donner son avis ?
Nous proposons donc de supprimer l'alinéa 10, mais peut-être en existe-t-il une autre lecture.
Avis défavorable.
La phrase que vous voulez supprimer correspond à la formule introduite dans le code de la santé publique et celui de l'action sociale et des familles par l'ordonnance du 11 mars 2020 afin d'harmoniser leurs dispositions avec celles du code civil. L'objectif d'une telle formulation est de renforcer l'autonomie des personnes en veillant à ce qu'elles soient associées aux décisions prises, y compris lorsqu'elles ne sont pas pleinement en capacité d'exprimer une volonté libre et éclairée.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement CS1924 de M. Didier Martin.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS1411 de Mme Emeline K/Bidi.
L'amendement CS1414 de Mme Elsa Faucillon est retiré.
Amendement CS1848 de Mme Élise Leboucher
L'amendement tend à préciser que la mission de promotion de la santé assurée par Santé publique France comporte un volet de sensibilisation de la population au dispositif des directives anticipées et au rôle de la personne de confiance. Si 48 % des Français connaissent le dispositif des directives anticipées, seulement 18 % d'entre eux ont rédigé les leurs. Quant à la définition de la personne de confiance par la loi, seuls 42 % des Français la connaissent. Davantage sensibilisés, les citoyens pourraient faire des choix éclairés pour leur santé.
Cette sensibilisation est précisément le rôle du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Le site internet de cet organisme met à disposition de nombreuses ressources accessibles à tous les citoyens. Dans le cadre de la stratégie décennale des soins d'accompagnement, nous avons prévu de mieux sensibiliser grâce à des campagnes de communication, ciblées notamment sur les 18-35 ans, les plus de 55 ans et les professionnels de santé.
Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendements CS1145 et CS1146 de M. Sébastien Peytavie, CS777 de M. Paul-André Colombani, CE1850 de Mme Caroline Fiat, CS1952 de M. Didier Martin et CS646 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Afin que les directives anticipées soient davantage répandues et mieux acceptées, nous proposons que les rendez-vous de prévention aux trois âges de la vie – les questions de la fin de vie ne se posent pas qu'aux personnes âgées – soient l'occasion d'en informer les patients : l'amendement CS1145 propose qu'un livret soit remis et l'amendement de repli CS1146 propose une simple information.
Il n'est pas souhaitable d'imposer aux personnes de remplir leurs directives anticipées, mais il faut s'assurer qu'elles connaissent leurs droits. L'amendement CS777 tend à ce que la question des directives anticipées puisse être abordée dans le cadre des rendez-vous de prévention.
Par l'amendement CS1850, nous proposons qu'une discussion sur les directives anticipées et la personne de confiance soit engagée lors des consultations de prévention aux âges clefs.
Les rendez-vous de prévention mentionnés à l'article L. 1411-6-2 du code de la santé publique ont notamment pour objectifs de promouvoir l'activité physique et sportive et une alimentation favorable à la santé, prévenir les cancers, les addictions et l'infertilité et promouvoir la santé mentale et la santé sexuelle. Ils pourraient constituer des moments privilégiés pour faire connaître les directives anticipées et le dispositif de la personne de confiance, qui sont encore largement méconnus des Français. L'amendement CS1952 tend donc à ajouter comme objectif la promotion de la rédaction des directives anticipées et de la désignation de la personne de confiance.
Mon amendement vise à modifier l'article L. 1411-6-2 du code de la santé publique afin que les rendez-vous de prévention permettent de sensibiliser et d'informer sur la possibilité de rédiger des directives anticipées.
Nous sommes tous d'accord sur l'objectif. Je vous propose donc de retirer vos amendements au profit du mien, le CS1952, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Tous ces amendements sont intéressants, mais celui du rapporteur me semble être plus complet. Je demande donc le retrait des amendements au profit de ce dernier.
Je vais retirer l'amendement, mais les mots sont importants : l'amendement CS1952 utilise le verbe « promouvoir » quand d'autres amendements utilisent les verbes « informer » et « sensibiliser », qui traduisent mieux l'idée que les directives anticipées sont une liberté. La promotion place le médecin dans une position où il doit convaincre le patient de rédiger des directives anticipées.
Les directives anticipées doivent être mieux connues, mais je suis étonné que l'amendement CS1952 mette la promotion des directives anticipées sur le même plan que les autres objectifs. Nous devons être très attentifs à ne pas faire de cette promotion une démarche de culpabilisation. Il existe déjà suffisamment de culpabilisation dans notre société, et sur cette affaire en particulier, pour que nous en rajoutions encore.
Les amendements CS1145, CS1146, CS1850 et CS646 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CS777 puis adopte l'amendement CS1952.
Elle adopte ensuite l'article 4 modifié.
Il nous reste 1 300 amendements à examiner. Je précise que réuni avant notre séance de cet après-midi, le bureau de la commission spéciale a décidé que, pour chaque thématique, au moins un amendement déclaré recevable, peu importe le groupe l'ayant déposé, devait être débattu. En l'absence d'amendement recevable sur une thématique, les rapporteurs ont déposé un amendement pour que le débat puisse avoir lieu.
Après l'article 4
Amendements CS1135 et CS1134 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
Par l'amendement CS1135, nous proposons que la signature du contrat d'hébergement dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) donne systématiquement lieu à la remise d'un livret de sensibilisation sur les droits en matière de fin de vie et de soins d'accompagnement, et à une information sur la possibilité de rédiger ses directives anticipées ou de les actualiser. L'amendement CS1134 prévoit une simple information plutôt que la remise d'un livret.
Ce projet de loi n'est pas relatif aux Ehpad. Le fait générateur de l'application de ses dispositions est une pathologie, qui peut toucher des personnes jeunes.
Par ailleurs, je rappelle que plus tôt les directives anticipées sont rédigées, plus grandes sont les chances de les voir respecter. L'amendement me semble donc « contre-productif » au vu de l'âge moyen d'entrée en Ehpad.
Avis défavorable.
Le retard est tel qu'il me semble utile de compléter la promotion des directives anticipées lors des rendez-vous de prévention – donc bien avant l'âge moyen d'entrée en Ehpad – que nous venons d'adopter.
Les agences régionales de santé imposent déjà l'obligation de remplir les directives anticipées lors de l'entrée en Ehpad.
Lorsqu'on pose la question des directives anticipées aux familles amenant leur parent âgé en Ehpad, elles le vivent en général assez mal, car cela donne aux Ehpad cette image de mouroir dont ils voudraient se départir.
Les amendements sont successivement rejetés.
Amendement CS13 de M. Thibault Bazin
Cet amendement tend à garantir à tous l'accès aux formulaires relatifs aux directives anticipées et à la désignation de la personne de confiance, en chargeant les agences régionales de santé, en lien avec les caisses primaires d'assurance maladie, d'en assurer une large diffusion et en prévoyant également que le modèle soit rédigé de manière intelligible.
Il vise également à compléter l'article L. 1111-11 du code de la santé publique par un alinéa prévoyant qu'un référent « discussions anticipées » est nommé dans chaque équipe de soins.
Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a conçu de nombreuses ressources sur les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance afin qu'elles soient accessibles au plus grand nombre. Parmi ces ressources pédagogiques, certaines sont composées avec des pictogrammes et sont rédigées en méthode facile à lire et à comprendre (Falc) ou en braille. Elles peuvent également avoir un format audio, comme des podcasts ou des interviews avec des professionnels, ou vidéo. Le centre est chargé de diffuser et de faire connaître ces ressources auprès du plus grand nombre, professionnels et grand public.
Par ailleurs, le plan personnalisé d'accompagnement impliquera les équipes soignantes et sera l'occasion de faire connaître le dispositif des directives anticipées et de la personne de confiance. Il n'y a pas lieu de prévoir un référent dédié aux discussions anticipées.
Avis défavorable.
Le référent, qui est toujours la même personne, engrange un savoir-faire en la matière, ce qui est important. Je regrette donc les avis défavorables.
Nous sommes convaincus de la nécessité de faire des progrès sur l'intelligibilité et la diffusion des directives, mais nous ne sommes pas enthousiastes à l'idée d'avoir un référent dédié par équipe de soin. Cela poserait nécessairement un problème de coordination entre les différentes équipes et risquerait de soviétiser par la bureaucratisation. Gardons-nous donc de multiplier les référents.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS1155 de M. Thibault Bazin
Loin de moi l'idée de soviétiser le système ! Les référents permettent d'assurer une démarche qualité grâce à leur expertise et il en existe dans de nombreux domaines, comme ceux du risque dans les établissements et de la déontologie.
Le présent amendement tend à faire en sorte que les espaces de réflexion éthique régionaux puissent contribuer à la vulgarisation des directives anticipées.
Cela fait déjà partie de leurs attributions. Votre amendement étant déjà satisfait, je demande son retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS451 de M. Yannick Neuder, CS1067 et CS1066 de Mme Sandrine Rousseau et CS1757 de Mme Anne Brugnera
Nous proposons qu'une campagne sur les soins d'accompagnement, les directives anticipées et l'aide à mourir soit organisée après la promulgation de la loi. Avec l'amendement CS1066, elle serait réalisée par le Gouvernement et avec l'amendement CS1067, elle le serait par des associations.
Parce qu'il a des implications sociales, économiques et sanitaires, le deuil affecte les citoyens de tous les milieux sociaux et de toutes les générations : 88 % des Français ont vécu un deuil et 12 % d'entre eux ont contracté une maladie à la suite de la perte d'un proche. Il importe de sensibiliser sur les conséquences du deuil et d'informer sur les différentes modalités d'accompagnement des personnes endeuillées. Le Gouvernement doit se saisir pleinement du sujet du deuil à travers une campagne de santé publique complète, allant de l'information et de la prévention jusqu'à la prise en charge et à l'accompagnement, sur tout le territoire.
Tel est l'objet de l'amendement CS1757, travaillé avec l'association Empreintes.
Nous partageons l'objectif de ces amendements, mais cette mission est celle du Centre national de soins palliatifs et de la fin de vie, qui dispose des moyens pour la remplir.
Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
La stratégie décennale des soins d'accompagnement a vocation à mieux accompagner le deuil, notamment à travers des campagnes de sensibilisation. Elle prévoit de simplifier le parcours des familles endeuillées grâce notamment à l'automatisation du versement de la pension de réversion dans le cadre de la solidarité à la source, à l'encadrement des frais bancaires, à une simplification des démarches, à une information systématique dans les quinze jours suivant le décès, à une anticipation des démarches pendant que les personnes sont encore en vie et à l'accompagnement des familles endeuillées par des campagnes de sensibilisation nationale et des ressources numériques.
Nous envisageons également de travailler avec les professionnels de l'éducation afin d'accompagner les jeunes enfants confrontés de façon brutale au deuil pour la première fois, et d'accompagner les professionnels de santé avec une enquête d'évaluation du nombre d'établissements déclarant avoir mis en place des dispositifs d'accompagnement et de soutien.
Par ailleurs, la stratégie décennale prévoit des actions de communication sur les directives anticipées et les personnes de confiance afin que ce dispositif soit mieux connu de l'ensemble de la population et pas seulement des gens malades ou âgés. La communication sur l'aide à mourir demande une approche différente, qui ne peut passer par des spots à la télévision.
Je suis donc défavorable à ces amendements, qui sont satisfaits.
Je suis étonnée que ces amendements n'aient pas été déclarés irrecevables au regard de l'article 40 alors qu'ils créent une charge. Un de mes amendements proposant un accompagnement a été déclaré irrecevable à ce titre. Cela me semble incohérent.
Avec quels moyens la campagne proposée par l'amendement CS1757 pourrait-elle être menée ? On sait dans quelle situation de crise se trouve la psychiatrie. Nous préférons appeler à une meilleure indemnisation du congé de solidarité familiale et à des réformes permettant de lutter contre le non-recours.
Nous soutenons l'amendement CS451. Quand 17 % seulement des Français ont rédigé leurs directives anticipées et que la moitié d'entre eux ne connaissent même pas ce dispositif, on ne peut pas dire que tout va bien. Une campagne d'envergure mettant en œuvre des spots télévisuels, l'envoi d'information par l'assurance maladie ou des rendez-vous obligatoires est donc nécessaire – sans bien sûr forcer ceux de nos compatriotes qui ne souhaitent pas rédiger leurs directives anticipées.
L'irrecevabilité des amendements est devenue un gimmick dans les débats sur ce projet de loi et je partage l'incompréhension de la collègue Couillard.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS117 de Mme Sandrine Dogor-Such
Je ne dis jamais que tout va bien. Nous sommes là pour faire de la norme et pour dire qui doit faire quoi. Tel était le sens de mon propos sur les actions du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.
Pour en venir à l'amendement, il tend à remplacer les mots « obstination déraisonnable » par ceux d'« acharnement thérapeutique ». Or cette expression a été abandonnée par le corps médical, sans compter qu'elle est un oxymore : le soin est un acte de solidarité et d'amour incompatible avec l'acharnement – à moins d'accepter que l'amour puisse être violent.
Cette question du choix des termes, hautement philosophique, renvoie aux débats sur la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Elle a déjà été tranchée. L'expression « obstination déraisonnable » rappelle que la question n'est pas thérapeutique, mais morale puisqu'elle porte sur l'adéquation entre le traitement proposé et la volonté du patient ou de la patiente. Cet amendement doit être rejeté.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS17 de M. Thibault Bazin et amendements identiques CS304 de Mme Emmanuelle Ménard, CS911 de M. Philippe Juvin et CS1771 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)
La décision de limiter ou d'arrêter les soins prodigués à une personne hors d'état d'exprimer sa volonté ne peut être prise qu'à l'occasion d'une procédure collégiale et en recueillant, à défaut de directives anticipées, le témoignage de la personne de confiance ou celui des proches. Cette procédure ne prend pas toujours en compte l'avis du médecin traitant de la personne ou du médecin référent de la structure médico-sociale qui l'accompagne. Pourtant, ce médecin et l'équipe soignante ou médico-sociale, qui interviennent au quotidien auprès de la personne, sont les plus à même de poser un diagnostic averti sur sa situation réelle.
Lorsque la personne n'a jamais été en capacité de rédiger de directives anticipées ou de désigner une personne de confiance, il faut renforcer le rôle de la famille, dont la légitimité, pour être au plus près d'une volonté qui n'a jamais pu s'exprimer, est incontestable. Les arguments des proches et aidants doivent être pris en considération lors du débat sur la fin de vie de la personne avec qui ils vivent quotidiennement ou presque, et la possibilité doit leur être laissée de décider de ne pas s'exprimer sur le sujet afin d'éviter toute culpabilité.
L'amendement CS304, conçu avec le Collectif Handicaps, tend donc à élargir la composition de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique.
La décision d'arrêter les traitements ou de limiter les soins est généralement prise de façon collégiale, mais les études montrent que le médecin en charge du patient la prend encore seul dans 20 % des cas. En précisant qu'il prend l'avis du médecin traitant ou, le cas échéant, du médecin coordinateur de l'Ehpad, mon amendement identique aiderait à ce que soit davantage respectée l'obligation de collégialité.
Mon amendement a été travaillé avec le Collectif Handicaps et vise à détailler la composition de l'équipe pluridisciplinaire. Il précise qu'elle comprend au moins le médecin en charge du patient, son médecin traitant s'il en dispose d'un, le médecin référent de la structure médico-sociale qui l'accompagne le cas échéant et un professionnel de l'équipe de soins à domicile ou en établissement.
Il est plus opportun de prévoir cette composition dans la loi plutôt que dans un décret.
Je ne suis pas de cet avis. La loi n'a pas à préciser la composition de l'équipe pluridisciplinaire. Quand bien même ce serait le cas, cela poserait des difficultés pratiques, car l'on sait qu'il est parfois impossible de réunir autant de personnes en même temps.
Avis défavorable.
Même avis.
M. Juvin a indiqué que dans 20 % des cas, un médecin prenait seul la décision. Pourrait-il fournir la source de cette information ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1663 de Mme Patricia Lemoine
Pour nombre de personnes en situation de handicap complexe, l'alimentation et l'hydratation artificielles sont courantes et constituent un soin quotidien qui améliore leur qualité de vie. Or, depuis la loi du 2 février 2016, le code de la santé publique dispose que « la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés », sous certaines conditions qui ne sont pas explicitement précisées.
Pour éviter abus et souffrance, cet amendement, issu d'un échange avec le Collectif Handicaps, tend à inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d'État s'agissant de la prise en charge d'un patient qui se trouve hors d'état d'exprimer sa volonté. Selon la décision n° 375081 du 24 juin 2014, la procédure collégiale de décision d'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles doit être fondée sur un ensemble d'éléments médicaux et non médicaux « dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient ».
La loi Claeys-Leonetti considèrent l'hydratation et la nutrition comme un soin. Ce projet de loi n'a pas pour objet de modifier le droit applicable en matière de limitation et d'arrêt de traitement.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS1417 de Mme Elsa Faucillon
Cet amendement est également issu de propositions formulées par le Collectif Handicaps.
Quand des proches désapprouvent la décision prise dans un cadre collégial car ils estiment qu'elle va à l'encontre de la volonté du malade, ils peuvent saisir la justice. Mais cette procédure est longue. L'amendement leur permettrait d'enclencher une procédure de médiation, qui serait évidemment plus rapide mais également à même d'apaiser les débats et le climat autour du patient.
Ce sont des moments délicats. Le travail des équipes de soins consiste à soigner, à éviter l'obstination déraisonnable, à prendre en compte l'équilibre entre bénéfices et risques – qui détermine la décision médicale – et à informer les familles pour qu'elles comprennent pleinement la situation.
Une médiation a de fait lieu, y compris lorsque les choses sont tendues. Tous les établissements disposent d'un médiateur pour traiter certains recours et servir d'intermédiaire dans les cas difficiles. Les cadres de santé et les chefs de service ont aussi pour rôle de faire part des décisions de l'équipe soignante.
Il n'est donc pas nécessaire de modifier le droit applicable. Avis défavorable.
On peut en effet faire face à des situations extrêmement difficiles lorsque le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu'il n'a ni rédigé de directives anticipées, ni désigné une personne de confiance. Pour autant, créer une étape de médiation rendrait les choses encore plus compliquées et pourrait faire obstacle à l'application de la décision médicale collégiale de limiter ou d'arrêter les traitements afin de ne pas s'obstiner de manière déraisonnable.
Avis défavorable.
Le cas qui a été évoqué est extrêmement compliqué. C'est bien pour l'éviter au maximum qu'il convient d'encourager la rédaction des directives anticipées.
Quant à la médiation proposée par l'amendement, elle ouvrirait la porte à de nouvelles contestations – tant de la procédure que des médiateurs eux-mêmes. Attention à ne pas ouvrir une voie de recours qui soit une impasse.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS18 de M. Thibault Bazin
Je souhaite que l'on évite l'obstination déraisonnable, quel que soit l'âge du patient. Mon collègue Juvin m'a indiqué que c'est déjà le cas et je retire donc mon amendement.
L'amendement est retiré.
Amendement CS175 de Mme Emmanuelle Ménard
Cet amendement a pour but de s'assurer qu'il n'existe aucun rapport hiérarchique entre le médecin traitant et le médecin consultant, afin de garantir une parfaite autonomie de chacun d'eux.
L'amendement est sans objet. Le médecin traitant ne s'inscrit pas dans une hiérarchie. Et dans le cas où un rapport hiérarchique existe entre deux médecins dans un établissement, il n'est pas de nature à avoir un effet sur la conscience et l'impartialité de chacun des praticiens.
Avis défavorable.
Il est difficile d'imposer en pratique une absence de lien hiérarchique, car le médecin consulté peut appartenir au même service que le médecin qui reçoit la demande. Ils peuvent aussi avoir des liens hiérarchiques dans le cadre de la commission médicale d'établissement. L'amendement rendrait plus complexe la procédure au sein des établissements.
L'existence d'un lien hiérarchique entre les deux médecins intervenant dans la procédure n'est pas de nature à remettre en cause l'impartialité de la décision prise.
Avis défavorable.
Dans quel contexte intervient la demande en question ? S'il s'agit de l'application des directives anticipées, mentionner l'absence de lien hiérarchique entre les médecins n'a pas d'intérêt.
L'article R. 4127-37-2 du code de déontologie médicale dispose qu'« il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant ».
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS350 de M. Patrick Hetzel
Créés par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, les espaces de réflexion éthique régionaux constituent, en lien avec les centres hospitalo-universitaires, des lieux de formation, de documentation, de rencontres et d'échanges interdisciplinaires sur les questions d'éthique dans le domaine de la santé. Il apparaîtrait logique que ces espaces prennent toute leur part dans la diffusion de bonnes pratiques en la matière. L'enjeu est de mettre l'accent sur l'éthique du soin.
L'amendement est satisfait. Ces espaces fonctionnent bien. Les révisions de la loi relative à la bioéthique et le présent projet ont fait l'objet au préalable d'un travail de débat démocratique dans le cadre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et des espaces de réflexion éthique régionaux.
Avis défavorable.
Même avis.
Je précise que le code de déontologie médicale est de nature réglementaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS744 et CS743 de M. Laurent Panifous
Des rapports ont souligné la méconnaissance de la procédure de sédation profonde et continue. Afin de répondre à l'une des propositions de la Convention citoyenne, l'amendement CS744 prévoit d'informer les proches dans le détail sur cette procédure et ses conséquences, notamment lorsque celle-ci a lieu à domicile.
L'amendement CS743, qui suit, apporte une réponse à une autre difficulté révélée dans le cadre du rapport d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti : l'absence de codage de la procédure de sédation profonde et continue, qu'elle ait lieu dans un établissement médical ou à domicile. Il en résulte des problèmes de traçabilité et d'évaluation de la loi.
L'amendement propose tout simplement que cette procédure fasse dans tous les cas l'objet d'un codage en vue de son recensement dans le système national des données de santé.
Ce que vous proposez dans l'amendement CS744 n'est pas du tout nécessaire. La loi Claeys-Leonetti prévoit que la procédure de sédation profonde et continue peut être mise en œuvre jusqu'au décès du patient dans deux cas. D'une part, à la demande de ce dernier – et votre amendement est alors sans objet. D'autre part, lorsque le patient a perdu conscience, la décision est prise de manière collégiale après une discussion avec la personne de confiance et les proches.
Avis défavorable.
Demande de retrait de l'amendement CS743 au profit de mon amendement CS1968, qui porte sur la pratique de la sédation profonde et continue.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1968 de M. Didier Martin et sous-amendement CS1987 de M. Christophe Marion
L'amendement vise à établir une traçabilité des sédations profondes et continues jusqu'au décès.
Lors des travaux que nous avons menés avec Olivier Falorni et Caroline Fiat dans le cadre de la mission d'information sur l'évaluation de la loi du 2 février 2016, nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des données quantitatives et qualitatives sur cette procédure. Les équipes qui assurent les soins palliatifs ont fourni des réponses assez évasives. On ne nous a jamais expliqué de manière précise quels étaient les critères de décision, les protocoles de mise en œuvre et les réactions des patients mais aussi de leur entourage et de l'équipe soignante. Ces éléments doivent pourtant être connus dans une perspective de santé publique et d'évaluation de l'application de la loi.
Je vous propose que ces actes soient codifiés, afin qu'ils soient enregistrés de manière précise dans le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Ils devront être, à mon sens, assortis de données qualitatives, afin que les équipes qui travaillent parfois de manière un peu isolée puissent confronter leurs expériences d'un établissement ou d'une ville à l'autre, les pratiques n'étant pas les mêmes sur l'ensemble du territoire.
Il est en effet indispensable d'avoir une traçabilité de la sédation profonde. Les personnes auditionnées nous l'ont dit et nous aurions tous voulu davantage de données pour éclairer l'examen de ce texte.
Pour que cette traçabilité soit utile, je propose que les données soient transmises à la commission de contrôle et d'évaluation dont la création est prévue par l'article 17. Il s'agit seulement de prévoir cette transmission, et non de confier à cette commission un travail d'évaluation de ces informations – ce qui aurait constitué une charge au regard de l'article 40 de la Constitution. Il me semblerait néanmoins pertinent que cette commission utilise ces données pour éventuellement exercer un contrôle de la sédation profonde, voire de le lier à celui de l'aide à mourir.
Vous abordez un terrain un peu glissant. Cette commission de contrôle et d'évaluation sera chargée de l'aide à mourir. La sédation entre quant à elle dans la catégorie des soins. Effectuer un rapprochement entre les deux procédures ne me paraît pas du tout souhaitable.
Avis défavorable.
Comme je l'ai indiqué à l'occasion de la discussion de l'amendement CS1839, le Gouvernement s'est engagé à faire aboutir cette année les travaux techniques qui permettront d'identifier les actes de sédation profonde et continue. Je rappelle que cette procédure est engagée à la suite d'une décision collégiale et figure dans le dossier médical du patient. Il s'agit donc d'un sujet différent de celui de la commission de contrôle et d'évaluation, qui a pour mission de sécuriser la procédure d'aide à mourir prévue par ce projet.
Avis défavorable au sous-amendement CS1987.
En revanche, l'amendement du rapporteur propose un ajout intéressant. Il est en effet opportun d'organiser la traçabilité des procédures de sédation profonde et continue en assurant la remontée d'informations précises, afin de mieux suivre cette pratique, à l'hôpital comme en ville. Je suis donc favorable à cet amendement.
Notre groupe est plutôt favorable à l'amendement du rapporteur. Lors des auditions, l'absence de données consolidées sur la pratique de la sédation profonde et continue a été relevée à de nombreuses reprises.
Les remontées d'information impliquent-elles une codification de l'acte ? Comment seront prises en compte les procédures mises en œuvre en dehors des hôpitaux, c'est-à-dire à domicile ou par des équipes mobiles de soins palliatifs ?
Nous voterons en faveur de cet amendement parce qu'il va dans le même sens que l'amendement CS1839 de Caroline Fiat et apporte une réponse cohérente aux problèmes qui ont été soulevés lors des auditions et au cours de cette discussion. Comment procéder à des évaluations si l'on ne dispose pas d'éléments statistiques ?
Une petite remarque : le rapporteur m'a demandé de retirer l'amendement CS743, qui prévoyait presque exactement la même chose que le sien, en étant plus large puisqu'il évoquait aussi la sédation profonde et continue pratiquée à domicile. Je voterai néanmoins l'amendement du rapporteur car il s'agit d'une bonne mesure.
Cet amendement est intéressant et il fait écho à l'une des recommandations de la mission d'information sur l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti. Il est en effet étonnant de ne pas disposer des données permettant de savoir combien de sédations profondes et continues sont pratiquées. Les auditions n'ont d'ailleurs pas permis d'en savoir plus.
Je suis également d'avis que le sous-amendement de M. Marion est inquiétant. Il peut créer une confusion entre le suicide assisté et la sédation profonde et continue, alors que l'intention n'est pas du tout la même.
Reste la question de savoir ce que deviendra la loi Claeys-Leonetti si le projet qui nous est soumis est adopté. Son titre II ne s'articule pas avec cette loi et il en est de même pour les procédures. On ne fait plus mention de la sédation profonde et continue jusqu'au décès, laquelle est assortie de critères fixés par la loi.
Je soutiens évidemment l'amendement du rapporteur, mais aussi le sous-amendement de M. Marion.
Moins prudent que lui, j'avais déposé un amendement un peu plus ambitieux – probablement trop, puisqu'il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. J'y proposais d'instaurer une instance de contrôle et d'évaluation qui aurait été le pendant de celle prévue par l'article 17, mais chargée cette fois de suivre l'application de la loi Claeys-Leonetti sur la sédation profonde et continue. Cela pour répondre aux interrogations quasi unanimes qui ont été exprimées lors des auditions au sujet de l'application réelle de cette loi.
Tout d'abord, prévoir la traçabilité des actes liés à la sédation profonde et continue relève du règlement et non de la loi.
Ensuite, le code qui est déjà prévu pour les soins palliatifs n'est probablement pas assez précis. Mais la solution ne réside pas tant dans le fait de créer un nouveau code que de se pencher sur les très nombreuses raisons pratiques qui expliquent pourquoi les codages ne sont pas bien effectués dans les hôpitaux. De ce point de vue, l'amendement ne résout rien.
Nous attendons tous d'avoir les informations dont nous ne disposons pas. Néanmoins, la rédaction de cet amendement garantit-elle une réponse à cette demande ? Comment les données sont-elles collationnées et publiées ? Cela reste assez flou.
Je comprends que le législateur se préoccupe des données qui lui permettent d'évaluer, mais cet amendement pourrait être contre-productif.
J'entends qu'il est difficile d'évaluer la loi Claeys-Leonetti. Mais qu'est-ce qui est le plus important : évaluer cette loi ou soulager le patient ? Nous savons tous comment on procède à une sédation. Il faut tantôt administrer un peu de morphine – ce qui provoque une dépression respiratoire rapide – et tantôt davantage.
Dans la pratique, les actes peuvent être accomplis par un infirmier ou par un médecin. Faudra-t-il prévoir un code différent pour chacun ? Cette codification et cette transparence ne risquent-elles pas de freiner la pratique de cette sédation ? Je me préoccupe de l'intérêt du patient. L'important, c'est qu'il ne souffre pas ; l'évaluation est secondaire. C'est la raison pour laquelle je suis plutôt défavorable à ce type d'amendement.
De nombreux aspects ont été abordés, aussi bien techniques qu'humains ou éthiques.
Je ne crois absolument pas que ce projet va faire disparaître la sédation profonde et continue. Il ne concerne pas du tout les mêmes situations. De manière très synthétique, la loi Claeys-Leonetti s'adresse à des malades qui vont mourir ; ce projet de loi bénéficiera à des malades qui veulent mourir – c'est tout à fait différent. C'est un constat que Mme Fiat, M. Falorni et moi-même partageons.
Je ne vais pas trop rentrer dans la mécanique de la codification hospitalière, que je ne connais pas très bien. La sédation profonde et continue est pratiquée le plus souvent dans les unités de soins palliatifs, c'est-à-dire en milieu hospitalier. Elle est beaucoup plus rare en dehors de ce dernier, même si on soulage en cas d'hospitalisation à domicile.
La mise en œuvre de la sédation suppose de suivre un véritable protocole. Il faut savoir comment et quand agir afin d'être raisonnablement efficace pour s'assurer du confort et de la dignité du patient. L'évaluation de ces protocoles est un élément fondamental. Nous avons entendu des témoignages faisant état de procédures de sédation pratiquées sur des enfants d'une manière telle que les réactions de l'organisme prolongeaient les choses de façon insupportable, tant pour la famille que pour le personnel soignant.
Enfin, je salue l'élégance du propos de M. Panifous.
J'ai souvent dit que j'avais des convictions mais pas de certitudes. J'en ai pourtant une : si ce texte devait être voté, il ne mettrait pas un terme à la pratique de la sédation profonde et continue. Loin de là.
Tout d'abord, si nous adoptons l'aide à mourir, la situation de certains malades qui souffrent et doivent être accompagnés ne correspondra pas aux critères fixés dans ce texte, mais ils auront besoin d'une sédation profonde et continue. En l'occurrence, nous parlons non pas de la vieillesse mais de la maladie grave et incurable, qui peut malheureusement se déclarer à tout âge. Il n'est pas prévu d'ouvrir l'aide à mourir aux mineurs mais, pour ces derniers, la sédation profonde et continue restera malheureusement l'un des outils à la disposition du corps médical. Nous avons pu le constater dans le cadre de la mission d'information sur l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti.
La sédation profonde est effectivement destinée aux malades qui vont mourir ; l'aide à mourir sera proposée à des personnes qui veulent certes mourir, mais parce qu'elles vont mourir. Elles voudront mourir parce qu'elles sont condamnées par la maladie mais qu'elles ne veulent pas être condamnées à l'agonie. Il était important de le préciser.
J'aimerais ajouter quatre éléments aux propos du rapporteur général, auxquels je souscris.
Premièrement, ce que nous proposons, c'est une codification de l'acte de sédation profonde et continue, afin d'en garantir la traçabilité. Nous allons créer un codage spécifique « classification commune des actes médicaux » (CCAM) pour la ville, à côté du PMSI qui existe à l'hôpital.
Deuxièmement, je tiens à redire clairement que le présent projet de loi ne fera pas disparaître la loi Claeys-Leonetti, car la sédation profonde et continue s'adresse à des personnes qui ne sont plus conscientes et qui n'ont plus la capacité de s'exprimer de manière libre et éclairée. Ces personnes, du reste, peuvent avoir indiqué dans leurs directives anticipées qu'elles souhaitaient bénéficier d'une sédation profonde et continue. Il me paraît important de rappeler que la sédation profonde et continue permet d'accompagner les personnes qui ne sont plus conscientes. Il y a donc une complémentarité entre les deux textes.
Troisièmement, le titre Ier renforce la loi Claeys-Leonetti, avec toutes les dispositions relatives aux soins d'accompagnement et aux soins palliatifs.
Quatrièmement, la codification et la traçabilité ont aussi vocation à protéger les professionnels qui, dans le cadre de leur activité, sont conduits à prendre des décisions difficiles.
Pour toutes ces raisons, je réitère mon soutien à l'amendement CS1968.
La commission rejette le sous-amendement puis adopte l'amendement.
Amendement CS124 de Mme Sandrine Dogor-Such
Les directives anticipées ont été instaurées par la loi Leonetti de 2005 dans le but de renforcer la parole du patient et de faciliter la décision du médecin lorsque le malade ne peut plus donner son avis. En théorie, elles doivent permettre à chacun de décider à l'avance des mesures thérapeutiques à prendre ou à proscrire lorsqu'il arrivera en fin de vie.
Depuis 2016, en cas d'urgence vitale, la décision appartient au médecin dans le cadre d'une procédure collégiale obligatoire. Les directives ne sont pas consultées si le patient n'est pas lucide à ce moment-là. La réalité oblige à nuancer la valeur des directives anticipées : notre rapport à la mort évolue au fil du temps et des événements traversés. Il se transforme avec l'avancée en âge, toute comme l'appréhension consciente et inconsciente de l'échéance.
La liberté, c'est avant tout de changer d'avis. Le médecin conserve donc sa liberté d'appréciation. La volonté du patient s'arrête là où les règles de déontologie médicale commencent. La partie réglementaire du code de la santé publique l'illustre parfaitement.
Je peux souscrire à certaines de vos remarques, mais je ne comprends pas du tout le sens de votre amendement. Les directives anticipées ont leur utilité. La décision médicale est prise dans une situation donnée, en fonction de l'état du patient et conformément à l'art de la pratique médicale. Il va de soi que le médecin agit en conscience, avec les outils qui sont à sa disposition et conformes à la pratique médicale la plus performante.
Avis défavorable.
J'irai dans le même sens, en rappelant que les directives anticipées sont rendues opposables au médecin sans condition de temporalité en dehors de deux hypothèses : en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ou lorsque les directives sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS14 de M. Thibault Bazin
Il me paraît important de préciser que selon l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS), une personne consciente peut aussi demander la sédation profonde.
La mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti a montré que les personnes de confiance désignées n'ont pas toujours connaissance de ce dispositif, ni de ses implications. Nous proposons qu'un document informatif, dont le contenu serait déterminé par décret en Conseil d'État pris après avis de la HAS, soit mis à disposition des personnes de confiance désignées afin de les informer de leur rôle – et des limites de celui-ci.
Votre amendement me semble satisfait par l'adoption de l'amendement CS1849 de Caroline Fiat. Je vous invite donc à le retirer.
Même avis.
Il est vrai que la loi Claeys-Leonetti peut concerner des personnes aussi bien conscientes qu'inconscientes. Ce que je voulais souligner, c'est la différence entre les deux textes : la loi Claeys-Leonetti peut s'appliquer à des personnes inconscientes, mais le présent projet de loi ne concerne pas les personnes qui ne sont plus capables de donner leur consentement.
Vous ne répondez pas à la question que M. Thibault Bazin soulève avec son amendement. L'évaluation de la loi Claeys-Leonetti a montré que beaucoup de personnes de confiance n'ont pas connaissance du dispositif, et encore moins de ses implications. C'est un vrai problème, qui mérite d'être pris en compte dans la loi.
Aux termes de l'amendement CS993 qui a été adopté, « dans le cadre des directives anticipées, la personne peut indiquer son choix individuel du type d'accompagnement pour une aide à mourir lorsque la situation ne permet pas une expression réitérée en pleine conscience ». Il me semble que nous avons introduit une possibilité qui contredit l'esprit initial du projet de loi, selon lequel la personne malade doit être « en capacité d'exprimer sa volonté de façon libre et éclairée ».
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS16 de M. Thibault Bazin
Il s'agit d'harmoniser les définitions de la personne de confiance données par le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles, conformément aux préconisations de la mission d'évaluation de la loi de 2016.
Votre amendement est satisfait, puisque le mode de désignation de la personne de confiance a été simplifié et facilité par la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS1690 et CS1415 de Mme Emeline K/Bidi
L'amendement CS1690 vise à faciliter la désignation de la personne de confiance pour les personnes qui font l'objet d'une mesure de protection. Actuellement, elles doivent passer devant le juge des contentieux de la protection et attendre souvent plus de six mois pour obtenir une audience. Or la désignation d'une personne de confiance peut avoir un caractère d'urgence et, même quand ce n'est pas le cas, ces délais sont trop longs. Il convient donc de faciliter ce processus de désignation.
L'amendement CS1415 vise à créer un guide à l'attention des personnes de confiance. Chacun d'entre nous peut être désigné comme telle et il importe de savoir en amont ce que cela implique.
Avis défavorable aux deux amendements.
S'agissant du premier, l'équilibre prévu par la loi permet d'éviter toute confusion des rôles entre le tuteur et la personne de confiance. Le dispositif actuel s'en remet ainsi au juge pour apprécier s'il y a lieu, dans l'intérêt de la personne protégée, de maintenir une personne de confiance. Ce dispositif est respectueux de la volonté de la personne.
Quant à l'amendement CS1415, il est satisfait par l'adoption de l'amendement CS1849 de Mme Caroline Fiat.
La situation que décrit Mme K/Bidi est exacte, mais le problème se situe du côté de la justice et du juge des tutelles – j'y ai insisté à plusieurs reprises en tant que rapporteur spécial du budget de la justice. Ne nous trompons pas et n'allons pas à l'encontre de l'intérêt des personnes, qui est bien de passer devant un juge afin de s'assurer qu'elles ne sont pas victimes d'un abus de faiblesse. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour demander au ministre de la justice d'être actif sur ce point.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS1770 de M. Cyrille Isaac-Sibille
Alors que les directives anticipées doivent permettre d'éviter l'obstination thérapeutique, les médecins ne respectent pas toujours la volonté exprimée par le patient. Or la personne de confiance et la famille ont peu de recours lorsque c'est le cas. Une médiation doit pouvoir avoir lieu au sein de l'hôpital lorsque les directives anticipées ne sont pas respectées, afin de faire cesser l'obstination thérapeutique.
Nous avons déjà évoqué cette question à propos d'un autre amendement. L'obstination thérapeutique ne se défend pas, puisqu'elle est contestable et ne doit pas s'appliquer. C'est justement lorsqu'elle a lieu que l'on sort du cadre raisonnable.
Avis défavorable.
J'ai déjà rappelé les deux cas dans lesquels les directives anticipées peuvent ne pas s'appliquer. Avis défavorable.
Cette proposition devrait être approfondie, car il nous semble qu'un recours permettrait de gagner du temps. Mais la rédaction manque de clarté et nous ne prendrons pas part à ce vote.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS779 de M. Charles de Courson
Il s'agit de clarifier les dispositions de l'article L. 1111-12 du code de la santé publique relatives à la consultation de la famille ou des proches d'un patient incapable d'exprimer sa volonté, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable.
En l'absence de directives anticipées du patient et d'une personne de confiance désignée, le médecin doit recueillir le témoignage de la famille ou des proches, sans précision ni hiérarchie sur les personnes qu'il doit consulter, alors même que celles-ci ne sont pas toujours unanimes. Nous proposons d'expliciter clairement qu'il doit chercher le témoignage de l'époux, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin ou, à défaut et dans l'ordre, des enfants majeurs, des parents ou des frères et sœurs majeurs. Il s'agit d'éviter tout contentieux ou déchirement des familles. Cet amendement reprend exactement ce qui avait été adopté dans la proposition de loi d'Olivier Falorni.
Avis défavorable.
Il ne me paraît pas souhaitable d'établir une hiérarchie entre les proches du patient.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS1870 de Mme Élise Leboucher
La personne de confiance étant un relais précieux entre le patient, l'équipe soignante qui l'accompagne et ses proches, il importe qu'elle soit soutenue. Le projet de loi prévoit certes un soutien à l'entourage de la personne malade, mais le faible investissement annoncé dans les soins d'accompagnement nous inquiète. Toutes les personnes de confiance qui en auront besoin pourront-elles accéder au dispositif d'accompagnement psychologique ? Par ailleurs, de nombreuses personnes de confiance sont écartées de l'accès aux congés pour événements familiaux ayant trait au deuil d'un proche.
Afin de garantir que toutes les personnes de confiance puissent être accompagnées, nous sollicitons un rapport évaluant les besoins d'accompagnement psychologique des personnes de confiance, les conditions concrètes d'accès à cet accompagnement ainsi que de possibles mesures d'amélioration. Ce rapport explorerait, en outre, de possibles conditions d'aménagement de congés de deuil pour les personnes de confiance.
Votre demande me paraît satisfaite. La personne de confiance, y compris lorsqu'il s'agit d'un ami proche de la personne à accompagner en fin de vie, n'est nullement exclue du congé de solidarité familiale.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Ce n'est pas parce que la personne de confiance n'est pas membre de la famille qu'elle s'est moins investie psychologiquement et moralement dans l'accompagnement de la personne ou que le décès de cette dernière est moins violent pour elle. Et pourtant, on lui méconnaît un moment de repos pour souffler et faire son deuil.
La commission rejette l'amendement.
La réunion est suspendue de seize heures trente-cinq à seize heures cinquante.
Amendements identiques CS305 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1150 de M. Sébastien Peytavie, CS1418 de Mme Elsa Faucillon et CS1772 de M. Cyrille Isaac-Sibille, et amendements CS1744 de Mme Anne Brugnera et CS819 de Mme Christelle Petex (discussion commune)
Mon amendement, proposé par le Collectif Handicaps, vise à préciser que lorsque la personne majeure est dans l'impossibilité partielle ou totale de s'exprimer, la mise en place d'une communication alternative et améliorée doit permettre de rechercher prioritairement l'expression de son consentement éclairé pour toutes les décisions qui la concernent. Les personnes en situation de handicap doivent être associées à toutes les décisions qui les concernent, conformément à leur mot d'ordre « Rien pour nous sans nous ».
Cet amendement vient renforcer les dispositions du code de la santé publique en donnant aux personnes qui ne peuvent pas parler les moyens d'exprimer leur consentement, leur avis et leurs préférences dans les décisions qui concernent leur santé.
La participation des personnes handicapées aux décisions qui les concernent directement leur est souvent niée. L'amendement propose de recourir à la communication alternative et améliorée afin de permettre aux personnes handicapées d'exprimer leur consentement, leur avis et leur préférence sur leur santé de façon libre et éclairée. Cette proposition, issue d'une recommandation du Collectif Handicaps, est conforme à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Afin de mieux associer les personnes en situation de handicap aux décisions qui les concernent, l'amendement CS1418 propose de mettre en place une communication alternative et améliorée pour que celles qui sont dans l'impossibilité partielle ou totale de s'exprimer puissent tout de même faire valoir leur avis.
Cet amendement, effectivement proposé par le Collectif Handicaps, tend à prévoir le recours à une communication alternative et améliorée pour toutes les personnes handicapées se trouvant dans l'impossibilité partielle ou totale de s'exprimer.
L'amendement CS1744 a également été travaillé avec le Collectif Handicaps. Il vise à donner aux personnes non oralisantes les moyens d'exprimer leur consentement grâce à la mise en place d'une communication alternative et améliorée.
Mon amendement, qui a également été travaillé avec le Collectif Handicaps, vise à mettre en place une communication alternative et améliorée pour toutes les personnes se trouvant dans l'impossibilité partielle ou totale de s'exprimer. Il renforce les dispositions du code de la santé publique en donnant aux personnes non oralisantes les moyens d'exprimer leur consentement, leur avis ou leurs préférences.
Le recueil du consentement par tous les moyens adaptés à l'état de santé du patient est l'une des missions essentielles des soignants. Ce principe me semble bien établi et il ne me paraît pas utile d'ajouter de nouvelles dispositions dans la loi.
Avis défavorable à tous les amendements.
Dans notre pays, certaines personnes ont un droit juridique mais pas le mode de communication qui leur permettrait d'en faire usage. Pour sortir de cette contradiction, il existe une solution : la communication alternative et améliorée, qui permet d'utiliser autre chose que la parole pour se faire comprendre, comme l'expression corporelle, les mouvements du visage, la langue des signes ou l'usage de matériel. La combinaison de ces différentes formes de communication nous semble à même de garantir les droits des personnes qui n'arrivent pas à les faire valoir. Nous voterons ces amendements, qui viennent combler un manque dans notre droit.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS349 de M. Patrick Hetzel
Dans chaque établissement de santé, une commission des usagers veille à la qualité de la prise en charge. Nous proposons qu'elle puisse être saisie, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État après avis de la HAS, des difficultés de prise en charge des patients atteints d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme dans les unités de soins palliatifs.
Votre amendement est satisfait, puisque la mission que vous évoquez fait pleinement partie des attributions de la commission des usagers, qui est d'ores et déjà chargée de veiller au respect du droit des usagers et de participer à la politique de qualité de l'établissement sur l'ensemble de son champ d'activité.
Avis défavorable.
J'ajoute que cette commission est informée des difficultés de prise en charge rencontrées par les usagers et elle peut même s'autosaisir.
Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS10 de M. Thibault Bazin
L'article 14 de la loi Claeys-Leonetti prévoyait que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d'application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.
Huit ans plus tard, aucun des rapports prévus n'a été produit. L'une des préconisations de la mission d'évaluation de la loi était de porter le délai de remise de ces rapports à deux ans, pour être sûr de les avoir. C'est ce que je propose avec cet amendement.
Vous me mettez dans une situation délicate, puisque cela fait effectivement partie de nos conclusions... Il est vrai que le Gouvernement n'a pas fait ce que la loi lui demandait, mais comme je crois aussi à la force d'évaluation du Parlement, je m'en remettrai à la sagesse de la commission.
Même si je ne suis en fonction que depuis quatre mois, je prends sur moi cette responsabilité et m'en remets, moi aussi, à la sagesse de la commission.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS367 de M. Patrick Hetzel
Selon le professeur Emmanuel Hirsch, spécialiste des questions d'éthique médicale, le fait de donner la mort ne peut pas être considéré comme un soin. Dans une tribune publiée récemment, il a écrit que « les soins palliatifs ne peuvent être ni la caution ni l'alternative des protocoles de l'acte létal », que « le geste létal d'un médecin rompt un soin » et qu'il « ne l'achève pas ».
Conformément à la philosophie des soins palliatifs, nous proposons d'écrire qu'il n'existe pas de continuum entre les soins palliatifs, d'une part, et le suicide assisté ou l'euthanasie, d'autre part. Je vous invite à voter cet amendement, sauf évidemment si vous voulez inscrire dans la loi un nouveau paradigme créant ce continuum, ce que je n'ose imaginer.
Il n'y a pas de continuum : il y a les soins palliatifs et il y a l'aide à mourir. Et des demandes d'aide à mourir peuvent s'exprimer malgré une prise en charge palliative. La notion de « suicide assisté » ne figure pas dans ce projet de loi et il n'est donc pas approprié d'en parler.
Les soins palliatifs n'ont absolument pas comme finalité l'aide à mourir. Par opposition aux soins curatifs, ce sont des soins additionnels apportés à une personne, visant à limiter les douleurs et les souffrances liées à sa pathologie et à son traitement curatif. Votre amendement n'a pas sa place au titre Ier.
Avis défavorable.
Il y a le même continuum entre les soins palliatifs et l'aide à mourir qu'entre la vie et la mort.
Monsieur Hetzel, en écrivant qu'« il n'existe pas de continuum entre les soins palliatifs et le suicide assisté », vous sous-entendez qu'il y en a un. Les soins palliatifs et l'aide à mourir sont deux choses bien distinctes et c'est vous qui créez cette confusion.
La commission rejette l'amendement.
TITRE II Aide à mourir
Amendement de suppression CS1421 de M. Pierre Dharréville
J'aimerais partager les questionnements et les objections qui me semblent devoir être opposés. La gravité du sujet qui nous occupe appelle le doute.
Le projet de loi qui nous est proposé marque une rupture éthique. C'est une position politique que je prends, de gauche et communiste, et si je sais qu'il peut y en avoir d'autres. Nous partageons tous le même refus radical de la souffrance. Je ne crois pas que cette nouvelle possibilité d'abréger la vie constitue un soin, un progrès social ni un progrès fraternel. La loi actuelle permet de répondre à la quasi-totalité des situations mais on ne lui en n'a pas donné les moyens. Lorsque les personnes sont bien prises en charge et bien accompagnées, la demande de mort disparaît le plus souvent.
Nous sommes tous traversés de pulsions de mort, de pulsions de vie, parfois au même moment. Alors que la solution actuellement proposée par la société est celle de l'accompagnement, la question sera désormais posée : à partir de quand une vie ne vaut-elle plus d'être vécue ? C'est un basculement qui a une dimension anthropologique vertigineuse. Chacun sera renvoyé à son propre choix, à sa propre solitude.
Je ne pense pas que ce que vous proposez soit une solution. Je crois à l'égale dignité des personnes, quel que soit leur état de santé. Je ne crois pas à l'absolue liberté qui présiderait à la décision, a fortiori dans un moment de vulnérabilité : c'est une fiction. Méfions-nous du culte de la bien-portance, de la performance, de la productivité qui structure notre société. Nous sommes conditionnés par les rapports sociaux, les relations familiales, qui ne sont pas toujours magnifiques, le bain culturel dans lequel nous vivons et où l'on nous explique toute notre vie qu'on coûte trop cher à la sécurité sociale par nos conditions matérielles d'existence – même si de tout cela nous essayons de nous affranchir. Nous ne pouvons pas évacuer la question sociale, qui pèse plus encore au bout d'une vie.
Je serai amenée à vous faire des propositions concernant la définition de l'aide à mourir et les conditions d'accès.
J'émets un avis défavorable à l'amendement, car il vise à supprimer le titre II du projet de loi. Celui-ci vise à légaliser l'aide à mourir, clairement définie dans les différents chapitres du titre II, et prévoit de nombreuses garanties procédurales. Nous aurons de longs débats sur ces sujets.
Nous en arrivons à l'examen d'une partie très importante du texte. Cela nécessite de réfléchir ensemble. Personne n'a de certitudes quand il s'agit de vie et de mort ; personne ne détient la vérité. Le Gouvernement a souhaité proposer une réponse éthique à des besoins d'accompagnement et à des souffrances inapaisables qu'il nous semble particulièrement important de ne pas ignorer. C'est pourquoi le projet de loi ouvre l'accès à une aide à mourir et donne naissance à un nouveau modèle, dont nous allons débattre ensemble.
Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement qui supprimerait toute discussion.
L'aide à mourir ne sera pas une nouvelle liberté, mais un nouveau droit, qui n'enlèvera rien à personne.
La question du choix est très importante. Il n'y a pas de vérité, mais seulement des choix éthiques, philosophiques, religieux ; tous doivent être respectés. Ouvrir l'accès à l'aide à mourir consiste simplement à laisser à la personne la liberté de choisir jusqu'au bout les modalités de sa propre mort.
Enfin, le fait d'ouvrir ce choix est une manière de rassurer. Pour ceux qui sont confrontés à une échéance difficile, voire brutale, savoir qu'ils pourront bénéficier d'une aide à mourir apporte un réconfort. Mais ils conservent la possibilité de revenir sur leur décision le moment venu : voilà le véritable choix que nous souhaitons inscrire dans ce texte. Je voterai donc contre cet amendement.
Dans l'Oregon, où le suicide assisté est légalisé, la majorité de ceux qui en bénéficient sont les classes les plus pauvres. Vous parlez de volonté libre et éclairée. Or les conditions de vérification de cette liberté et de ce libre choix sont en réalité très parcellaires. Quant à la collégialité, le candidat au suicide assisté ne rencontrera qu'un seul médecin : ce sera un colloque singulier. Les fameuses conditions strictes sont en fait extrêmement lâches. Nous soutiendrons donc l'amendement de suppression de M. Dharréville.
Cela fait un an et demi que nous travaillons sur ce sujet dans le cadre du groupe d'études sur la fin de vie, présidé par Olivier Falorni, dont je tiens à saluer le travail.
L'aide à mourir, l'euthanasie et le suicide assisté sont des thèmes qui relèvent de l'intime conviction et de notre rapport à la vie et à la mort. La dignité et la fraternité supposent d'accompagner les personnes jusqu'à la fin en prenant leurs souffrances en considération. C'est précisément la réponse que permettent d'apporter les soins palliatifs. L'honneur de la France et de notre civilisation est d'avoir toujours choisi la voie des soins palliatifs.
Il y a deux ans, j'aurais probablement voté cet amendement de suppression. J'avais d'ailleurs refusé, et nous n'étions pas nombreux dans mon groupe, de m'associer à la démarche de notre rapporteur général, Olivier Falorni, sur sa proposition de loi entrouvrant la porte à l'aide à mourir. Je considère, comme Pierre Dharréville, que ce que nous allons peut-être voter constitue une rupture anthropologique. Le fait que ce soit un droit n'enlève rien à cela, ni au fait que c'est tout sauf un acte banal.
Ce qui m'amène aujourd'hui à entrer dans cette discussion avec un esprit d'ouverture et avec la volonté de faire aboutir un texte, c'est qu'il existe des situations humainement insupportables que la loi actuelle, malgré tous ses bienfaits, ne couvre pas. Elles sont peu nombreuses, mais elles sont pour moi inacceptables. C'est le travail que nous avons été nombreux à mener au cours des derniers mois qui m'a permis d'accepter ce saut anthropologique et éthique.
Si je soutiens l'équilibre général qui est proposé, je m'interroge néanmoins sur l'applicabilité de cette loi. Les critères proposés constituent des verrous qui ne sont pas d'une parfaite clarté ; certains introduisent même des formes d'injustice entre des pathologies, ce qui me pose de vrais problèmes de conscience. C'est à cela que j'aimerais travailler pendant la discussion de ce titre II.
Je voterai contre cet amendement de suppression, car je souhaite que nous débattions du titre II. À mes yeux, l'aide à mourir participe d'une œuvre de civilisation en prolongeant des intuitions qui remontent à la Révolution française : d'une part, l'individu est libre de choisir le moment où il souhaite mettre fin à son existence, parce que les conditions de dignité ne sont plus réunies à ses propres yeux et, d'autre part, aucun principe d'ordre public ne peut justifier qu'une personne soit contrainte à souffrir. La question se pose car il existe des souffrances réfractaires qui sont intolérables pour la personne qui les éprouve.
Les soins palliatifs ne s'opposent pas au droit à mourir. Une petite proportion des personnes prises en charge dans ce cadre demande à mourir. Les soins palliatifs ne conduisent pas à effacer totalement cette demande, ce n'est pas vrai. Il ne s'agit pas de mettre en doute l'engagement et le dévouement des salariés dans ces unités, qui font le maximum, mais ils sont confrontés à des personnes qui, parfois, estiment qu'elles sont arrivées au bout de leur parcours. Nous devons mettre fin à une grande hypocrisie : aujourd'hui, on aide des gens à mourir dans ce pays, mais on le fait dans l'ombre, de manière clandestine, et en pourchassant les personnes qui ont apporté leur aide.
En autorisant l'aide à mourir, ce texte historique reconnaît l'ultime liberté, celle de choisir le moment où l'on souhaite éteindre la lumière. Dans des conditions bien particulières, que je trouve néanmoins trop restrictives, il permet à chacun d'affirmer que son corps, sa vie, sa mort lui appartient, créant un droit individuel, comme pour l'avortement. C'est une loi laïque qui respecte toutes les croyances et la spiritualité de chacun. Je souhaite vraiment que cet amendement ne soit pas adopté et que ce titre soit maintenu.
Un sujet aussi difficile en appelle nécessairement à la conscience et au parcours de chacun. Pour ma part, j'ai évolué au fil des années et, instruit par ma pratique professionnelle, j'ai accompagné Olivier Falorni sur le texte précédent. Mais quels que soient nos parcours professionnels, nul n'est autorisé à donner des leçons à qui que ce soit.
J'ai beaucoup réfléchi aux notions de fraternité et de dignité. La dignité est-elle toujours au rendez-vous quand nous échouons à soulager des patients dont les douleurs sont réfractaires ? Ne peut-on les accompagner fraternellement dans leur souhait de mettre fin à leur existence quand les pathologies qui les affectent ne leur permettent plus de vivre dans la dignité ? Oui, il faut encadrer ce droit et ne pas en faire un acte de portée générale ; oui, il faut prévoir une forme de collégialité dans la décision, encore insuffisante à ce stade.
Les lois de 2005 et 2016 concernant les droits des malades et la fin de vie défendent les principes de non-abandon, de non-souffrance et de non-acharnement. Elles permettent d'accompagner des personnes en fin de vie mais n'autorisent pas à donner la mort.
La vie humaine est la valeur suprême de notre civilisation. On ne peut pas nier cependant la demande sociétale de légalisation de l'euthanasie, même si sa mise en pratique est loin d'être simple. Le manque de moyens dans les services de soins palliatifs entraîne une inégalité d'accès à un accompagnement de qualité en fin de vie. Il faut améliorer prioritairement cette prise en charge. Les lois qui existent apportent des solutions mais elles peinent à devenir effectives, car les moyens pour le développement de ces soins ne sont pas mis en place.
C'est la crainte de la souffrance qui entraîne la demande d'aide à mourir. Le respect de la dignité est souvent avancé pour justifier cette demande, mais peut-on réellement apprécier la dignité d'une personne à l'aune de son autonomie apparente ? Une personne très dépendante n'est-elle plus digne de vivre ? L'interdit de tuer permet au malade d'exprimer son hésitation entre son désir de mourir et celui de vivre. Quand un malade arrive en soins palliatifs et qu'il exprime son souhait d'en finir, l'équipe l'accueille en s'interrogeant sur la demande sous-jacente. Les témoignages révèlent que la plupart des malades n'ont en réalité pas envie de mourir.
L'argument qui m'a le plus frappée, au cours des auditions, est que les progrès de la médecine sont aujourd'hui tels que certaines maladies peuvent désormais être soulagées, sans toutefois que l'on puisse empêcher totalement les souffrances. Dans certaines situations, les souffrances ne peuvent être soulagées, même lorsque les soins palliatifs existent et sont effectifs. Il faut pousser à l'effectivité des soins palliatifs et des soins d'accompagnement si nous voulons que les patients aient un véritable choix, car c'est ce choix qui préservera leur dignité.
Je soutiens totalement l'amendement de Pierre Dharréville, parce que le sujet que nous abordons est vertigineux. Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde, dit-on. L'avis du Conseil d'État est extrêmement clair : ce texte traite bien de suicide assisté et d'euthanasie. Sur un tel sujet, mal nommer les choses est en soi un problème éthique. Il ne faut pas tromper les gens ; la loi doit être explicite et non chercher à louvoyer. Vous devez donc clairement dire que nous allons aborder les questions du suicide assisté et de l'euthanasie.
Dans son avis, le Conseil d'État a également rappelé qu'avant de légiférer sur le suicide assisté et l'euthanasie, il était nécessaire de permettre un accès réel aux soins palliatifs. Que cela ne soit pas au rendez-vous devrait nous empêcher d'examiner le titre II.
Les écologistes voteront contre cet amendement de suppression. Depuis 2002, nous soutenons l'adoption d'une législation donnant le droit de choisir d'abréger ses souffrances en mettant un terme à son existence. Le terme « aide à mourir » correspond à l'équilibre trouvé pour ce texte. Dans une volonté de heurter les esprits, certains voudraient le remplacer par « suicide assisté » ou « euthanasie ». Si ce dernier mot est utilisé dans certaines législations, il fait aussi référence à une période obscure de l'histoire, notamment de l'Allemagne nazie, qui a ainsi exterminé des « indésirables ».
Le droit que nous allons créer participe des principes d'égalité et de fraternité. Les personnes souhaitant recourir à l'euthanasie ou à l'aide à mourir peuvent certes se rendre en Suisse ou en Belgique, encore faut-il qu'elles en aient les moyens ; celles qui n'ont pas d'argent ne le peuvent pas. Il me semble indispensable, en tant que mouvement politique de gauche, d'affirmer que l'égalité, la fraternité et la prise en charge par la sécurité sociale sont essentielles dans l'ouverture de ce nouveau droit.
Quel sera le périmètre du dispositif de l'aide à mourir ? A-t-il pour vocation de s'adresser à des patients relevant de l'exception, envers lesquels nous éprouvons évidemment de la compassion, ou a-t-il au contraire pour ambition de s'adresser à tous, en ouvrant un nouveau droit à 2,5 % de la population, soit plusieurs centaines de milliers de personnes ?
Par ailleurs, les dispositions du texte ne seront-elles pas contre-productives en fragilisant les équipes de soins palliatifs, qui perçoivent cette loi comme contraire à l'objectif qu'elles se sont fixé ?
Enfin, pourquoi cette loi fait-elle reposer sur les seuls médecins la décision d'apporter à un patient le droit de choisir sa fin de vie ? N'est-ce pas une manière pour la société de se dédouaner ? Je souhaite obtenir des réponses à ces interrogations, raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement de suppression : le débat doit avoir lieu.
En l'état du droit, le suicide est libre ; seule l'incitation ou l'assistance au suicide est pénalisable. Combien y a-t-il de contentieux en la matière ? Fort peu. Combien de médecins ont été sanctionnés à l'issue de contentieux en la matière ? Pratiquement aucun. Faut-il donc vraiment lever cet interdit ? Nous pourrions commencer par appliquer la loi Claeys-Leonetti, ce qui nous prendrait déjà dix ans. Ensuite, nous examinerions la question d'une éventuelle levée de cet interdit.
La fraternité, qui est l'un de nos trois principes fondateurs, consiste à aider nos concitoyens à finir leur vie dignement, entourés de leur famille, de leurs amis et d'éviter les pressions économiques et psychologiques sur des personnes fragilisées dont les souffrances sont souvent réfractaires, pour une petite minorité, aux traitements antidouleur des soins palliatifs. Si nous levons cet interdit, la dérive commencera : c'est ce que démontrent toutes les expériences étrangères.
Il faut faire attention aux mots qu'on utilise. Le suicide est une décision brutale, surtout pour les proches et les aidants. Il ne faut pas le confondre avec l'aide à mourir. Il ne faut pas ignorer qu'à l'hôpital, il y a des malades qui se suicident parce que les soins palliatifs n'arrivent pas à leur apporter une solution. Ces personnes ne souhaitent pas vivre en sédation devant leurs proches, qui les voient mourir petit à petit.
On m'a rapporté des cas de patients qui se suicident à l'hôpital : ils refusent les soins palliatifs et mettent fin à leur vie tout seuls, ce qui est violent pour les proches comme pour les aidants. Un homme de 42 ans, père de deux enfants, s'est ainsi suicidé parce qu'il n'a pas eu accès à l'aide à mourir. S'il avait pu y recourir, il aurait vécu ses derniers instants d'une façon beaucoup plus noble, entouré de ses proches et de ses aidants. Ce cas n'est pas isolé.
Quant aux soins palliatifs, ils consistent à plonger quelqu'un dans la sédation en disant à la famille que cela durera quelques jours. Pour ma part, je l'ai vécu avec un parent : on m'a téléphoné trois heures après pour m'annoncer le décès de mon père. Quand on force un peu la dose, les soins palliatifs ne s'apparentent-ils pas à de l'euthanasie ?
Le ton et la teneur de vos interventions illustrent tout à la fois la gravité du sujet et le respect qui doit prévaloir tout au long de l'examen du titre II.
Il faut toujours avoir en tête les raisons pour lesquelles nous souhaitons légiférer. Nous avons la volonté, partagée, que ceux de nos concitoyens qui sont condamnés par la maladie ne soient pas, en plus, condamnés à subir une agonie et une souffrance insupportables. Les soins palliatifs sont une réponse primordiale, même si tous les malades ne peuvent pas être pris en charge de façon satisfaisante dans ce cadre. C'est sur la base de ce constat que nous engageons le débat sur l'aide à mourir.
Ce débat a aussi une dimension sémantique. Contrairement à ce que notre collègue Patrick Hetzel a dit, jamais le Conseil d'État n'a enjoint au Gouvernement de parler d'« euthanasie » et de « suicide assisté ». Dans de nombreux pays ayant adopté une législation sur la fin de vie, ces termes ne sont pas employés : au Canada, on parle d'aide médicale à mourir, en Nouvelle-Zélande, de mort assistée, en Australie, de mort assistée volontaire, en Oregon, de mort dans la dignité. Chaque pays choisit les termes qu'il souhaite utiliser.
Certains mots magnifiques ont été souillés par l'histoire. « Euthanasie » est un mot qui est apparu en 300 avant Jésus-Christ ; les Grecs considéraient alors qu'il s'agissait du meilleur cadeau que l'homme pouvait recevoir des dieux. Le régime nazi a utilisé ce mot de façon abjecte, pour organiser l'assassinat de masse des personnes handicapées. Personne dans cette salle n'imagine que l'idée de recourir à l'euthanasie telle qu'elle a été pratiquée par le IIIe Reich puisse effleurer le moindre cerveau. Ce mot a été souillé et cette souillure rend difficile, voire impossible de l'utiliser. C'est la raison pour laquelle, dans ma proposition de loi de 2021, je parlais d'aide médicalisée à mourir. Le mot d'euthanasie n'a rien à faire dans ce texte : nous devons utiliser un terme plus simple, plus humain, plus apaisant, parce qu'il s'adresse à des malades.
De la même façon, l'expression « suicide assisté » crée de la confusion. Personne dans cette salle ne remet en cause la lutte acharnée que nous devons mener pour la prévention du suicide. Une telle confusion serait dommageable. Par ailleurs, les pays qui utilisent ce terme n'ont pas connu de recrudescence des suicides. Le débat sémantique est important mais il n'est pas l'essentiel. Il faut d'emblée dire que ce que nous souhaitons, c'est proposer un ultime recours qui, dans des circonstances extrêmes, permettra, selon la belle étymologie grecque, de partir en douceur.
Les quatre députés de mon groupe présents aujourd'hui voteront contre l'amendement. Pour ma part, avant les auditions, j'aurais peut-être déposé un amendement pour proposer de retenir les termes d'euthanasie et de suicide assisté. Les auditions m'ont persuadée que le Gouvernement a eu raison de ne pas le faire. Je me souviens en particulier que le docteur Michèle Lévy-Soussan nous a fait part de son cheminement, nous expliquant comment elle en était arrivée à soutenir l'aide à mourir, alors qu'elle avait été responsable d'une unité de soins palliatifs pendant vingt-cinq ans. Elle nous a remerciés de ne pas utiliser les termes « suicide assisté » et « euthanasie », tout simplement parce qu'ils étaient inutilement blessants également pour les soignants.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS600 de Mme Justine Gruet, CS519 de M. Philippe Juvin, CS720 de M. Charles de Courson, CS628 de Mme Christine Loir, amendements identiques CS520 de Mme Marie-France Lorho et CS547 de Mme Annie Genevard, amendements CS353 de M. Patrick Hetzel, CS998 de M. Thibault Bazin, CS469 de M. Yannick Neuder et CS853 de M. Julien Odoul (discussion commune)
Mon amendement, de transparence, vise à clarifier le véritable objet du titre II : il m'apparaît essentiel d'y inscrire les notions de suicide assisté et d'euthanasie.
Ne choisissons pas de créer un droit nouveau sans avoir relevé le défi d'un accompagnement bienveillant pour chacun de nos concitoyens et ayons conscience que nous changerions, avec ce texte, de paradigme en nous plaçant du point de vue de l'individu, alors que le législateur se doit d'adopter des lois qui protègent le collectif et les plus vulnérables. Par ailleurs, j'ai très peur des dérives possibles du fait de l'ouverture d'un tel droit.
Je souhaite qu'apparaissent dans l'intitulé du titre II les mots « légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie ». Le suicide assisté désigne l'aide apportée à une personne qui souhaite mourir en lui procurant un environnement favorable et les moyens nécessaires ; l'euthanasie désigne très clairement un acte médical consistant à provoquer intentionnellement la mort d'un patient afin de soulager ses souffrances. L'un et l'autre sont exactement ce que nous allons faire.
Monsieur le rapporteur général, vous avez indiqué le 23 juin dernier, sur Public Sénat, que « la Convention citoyenne a dit que le suicide assisté seul n'était pas possible, qu'il fallait le suicide assisté et l'euthanasie ». Vous utilisiez alors les bons mots ; je regrette qu'ils aient changé. Cela montre bien qu'il existe une volonté de ne pas dire les choses, pour des raisons qui continuent à m'échapper.
L'aide à mourir, telle qu'elle est proposée dans ce texte, est en fait une assistance au suicide avec exception d'euthanasie. Les législations européennes qui ont été adoptées en la matière définissent précisément tant les actes de suicide assisté que ceux d'euthanasie. Il n'y aurait rien de pire que de dissimuler par des mots la réalité des choses. Disons-les, d'autant qu'il a été question pendant des mois de suicide assisté et d'exception d'euthanasie dans l'hypothèse où le malade ne pourrait pas déclencher lui-même son suicide.
J'insiste sur l'importance de la sémantique. Les auditions ont mis en lumière qu'il était absurde de ne pas assumer de parler d'euthanasie et de suicide assisté. Les mots ont un sens et les Français attendent de nous de la sincérité et de la clarté. La fin de vie, selon l'expression que vous aimez utiliser, n'est pas un sujet comme les autres : elle touche à l'intimité de chacun. Parlons clairement d'euthanasie et de suicide assisté.
Une fois n'est pas coutume, je vais citer le titre d'un ouvrage de Bourdieu, Ce que parler veut dire. La sédation profonde, au sens de la loi Claeys-Leonetti, est une aide à mourir, mais ce n'est pas la même que celle que vous proposez aujourd'hui. En tant que législateurs, nous avons besoin de clarté, les mots doivent être précis et il faut dire les choses : l'euthanasie et le suicide assisté sont l'objet du titre II.
Madame la présidente, lorsque vous étiez ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, vous avez chargé Erik Orsenna de composer un lexique destiné à préparer les esprits à ce que nous allions voter. Ce lexique, à ma connaissance, n'a pas été produit ou communiqué. Le Président de la République a lui-même dit qu'il n'aimait pas le mot « euthanasie ». Vous avez souligné, quant à vous, qu'il pouvait être perçu de manière violente. Mais dissimuler, euphémiser la réalité ne la fait pas disparaître. On ne peut qu'avoir le soupçon qu'il s'agit d'une opération visant à rendre socialement acceptable une démarche qui est profondément bouleversante pour notre société et à laquelle personnellement et en conscience je suis profondément hostile.
L'absence de définition des termes du projet de loi constitue une singularité préoccupante pour qui est attaché au droit. Le principe de clarté de la loi, affirmé par le Conseil constitutionnel en 2001, est un rempart contre l'arbitraire et l'interprétation approximative du droit. Nous déplorons donc que le projet de loi n'utilise pas des termes adéquats, contrairement à ce qui a été fait dans d'autres pays. L'aide à mourir qui vous sert à caractériser à la fois le suicide assisté et, dans quelques cas, l'euthanasie ne recouvre aucune réalité : elle ne permet pas aux personnes de « prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé », comme la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le demande pour toute énonciation d'une norme. C'est pourquoi mon amendement tend à remplacer les termes utilisés.
Ce que vous proposez est une rupture anthropologique et le projet de loi ne nomme pas correctement ce qu'il va autoriser : le suicide assisté et l'euthanasie, que tous les pays qui ont légalisé de tels actes en Europe ont désignés en ces termes. L'aide à mourir, ce sont les soins palliatifs et la sédation profonde et continue, c'est-à-dire ce que prévoit la loi Claeys-Leonetti. Aider à mourir est une chose ; ce n'est pas faire mourir.
Le Gouvernement dit vouloir mettre en avant le suicide assisté ; l'euthanasie serait réservée au cas dans lequel le patient ne peut pas s'administrer lui-même la dose létale. Or, lorsque le suicide assisté et l'euthanasie coexistent, on voit que se produit très rapidement une dérive dans laquelle l'euthanasie supplante le suicide assisté. Nous n'avons absolument aucune garantie en la matière. En outre, l'association de proches à l'acte létal, y compris avec l'accord du patient, ne semble pas exclue. Or cela doit être prohibé en raison d'évidents risques d'abus de faiblesse.
La manière dont on nomme les choses a des incidences. Comme l'a dit Annie Genevard, l'euphémisation traduit sans doute une volonté de rendre les choses socialement acceptables, alors que vous êtes fondamentalement en train de nous exposer à un risque énorme. Un arbitrage doit être fait entre les droits individuels et le vivre-ensemble. Le pouvoir de donner la mort a d'abord été confié au juge avant de lui être retiré ; la question qu'il faut se poser est celle du risque que nous allons créer en le confiant à un médecin.
J'essaie de prendre du recul et je me pose beaucoup de questions. Un choix sémantique a été fait. Ne risque-t-on pas ainsi de passer à côté d'un débat nécessaire sur le mal-être d'une partie de nos concitoyens, qui est tel qu'ils veulent mourir ? Ne devrions-nous pas concentrer notre énergie sur l'analyse des raisons, multiples, de ce mal-être ? Le taux de suicide des hommes de plus de 95 ans est six fois supérieur au taux moyen. Nous n'avons toujours pas un bon accompagnement pour le grand âge – une loi en la matière est toujours attendue – et pour le handicap. J'ai été marqué par les paroles de membres du CCNE qui se disaient inquiets du sentiment d'indignité d'un certain nombre de nos concitoyens, qui se trouvent inutiles et seuls, faute d'un accompagnement, et se posent dès lors la question de leur mort. La société a une responsabilité de fraternité à leur égard. Un certain nombre de demandes de mort pourraient disparaître si on savait accompagner. Le présent débat est nécessaire : si on ne répond pas aux questions, nous risquons de vraies dérives éthiques.
Je défends l'amendement CS469.
On parle officiellement d'assistance organisée au suicide en Suisse, d'euthanasie en Belgique et de terminaison de la vie sur demande et de suicide assisté en Hollande : les choses sont dites en Europe. « Aider à mourir » est, en revanche, un terme très général. Tous les soignants aident à mourir, mais ils le font, aujourd'hui, sans donner la mort. Si on décide de légaliser cela, il faut parler de suicide assisté et d'euthanasie par exception.
Mon amendement est de clarification. Même si toutes les sensibilités doivent être respectées et toutes les opinions entendues, il faut mettre des mots sur la réalité. Vous ne pouvez pas la masquer : il ne s'agit pas seulement d'une aide à mourir mais aussi d'une aide à tuer. L'aide à mourir, cela a été dit, existe déjà ; c'est la sédation profonde et continue jusqu'au décès, ce sont les soins palliatifs. Une confusion est entretenue pour rendre les choses acceptables ou aussi douces que possible, mais cela ne change pas la réalité. Pour que notre débat soit éclairé, donc sincère, il faut pouvoir dire qu'il est question d'euthanasie et de suicide assisté. Vous ne pouvez pas continuer à faire semblant et à avancer en entretenant la confusion. On doit évidemment rebaptiser le titre II en employant les bons mots.
J'ai envie de reprendre une belle formule qui a été utilisée pendant les auditions, « l'humanité compassionnelle ». C'est une bonne façon d'aborder ce sujet, complexe et intime, puisqu'il concerne des personnes malades qui savent qu'elles vont mourir, leur pronostic vital étant engagé, et qui subissent des souffrances intolérables, en faisant appel à l'autonomie des personnes et à leur libre arbitre, ce qui est très important. Le projet de loi s'efforce de mettre le patient au cœur de la décision, tout en l'accompagnant. Le débat sémantique que vous voulez ouvrir par vos amendements, parce que vous avez des objections sur le fond, n'a pas forcément de lien avec l'humanité compassionnelle qui conduit à proposer une nouvelle liberté, un nouveau droit pour les patients atteints d'une maladie incurable.
J'émets un avis très défavorable à ces amendements. L'aide à mourir est clairement définie à l'article 5 et, dans le cadre des conditions d'accès, à l'article 6. S'agissant du point de droit que vous évoquez, il ne faut pas faire dire au Conseil d'État ce qu'il n'a pas dit : il a précisé qu'il n'avait pas d'objection à l'égard de l'expression « aide à mourir », déjà utilisée par le Comité consultatif national d'éthique, qui parle d'« aide active à mourir ».
La notion d'aide à mourir présente l'avantage d'englober les deux modalités de mise en œuvre du dispositif prévu à l'article 5 et d'éviter de recourir à des notions qui seraient peu pertinentes au regard de la philosophie du projet de loi. Par ailleurs, l'aide à mourir ne peut être réduite ni au suicide assisté – le malade devra remplir des conditions strictes et être accompagné jusqu'au dernier moment, y compris, j'ose le dire, pour ne pas être confronté à une solitude extrême lors de son dernier geste – ni à l'euthanasie, car c'est en effet un mot souillé par l'histoire et il reviendra au malade de s'administrer la substance létale dans la plupart des cas. Le principe posé par le projet de loi est l'administration de la substance létale par la personne elle-même, l'administration par un tiers n'étant que l'exception, lorsque la personne n'est physiquement pas en mesure d'y procéder elle-même. Dans les deux hypothèses, la volonté libre, éclairée et répétée du malade sera une condition indispensable.
Je partage l'avis défavorable de Mme la rapporteure.
Ce texte fait suite à de nombreux travaux, que vous connaissez tous – ceux du CCNE, de la Convention citoyenne et de la HAS. Le CCNE a lui-même utilisé la notion d'aide active à mourir.
Le modèle que nous cherchons à construire correspond aux cas bien spécifiques de pathologies conduisant à un pronostic vital engagé, l'idée étant de respecter le choix du seul patient et l'avis du médecin, qui aura néanmoins travaillé avec d'autres médecins et des membres du personnel paramédical.
La fraternité, c'est l'écoute et l'accompagnement du patient qui se trouve en situation de vulnérabilité. La première approche qui y répond, tout le monde en est d'accord, ce sont les soins palliatifs, et c'est le sens du titre Ier du projet de loi. Mais la fraternité, c'est aussi être à l'écoute d'un patient que sa pathologie conduit à s'interroger sur sa fin de vie, parce qu'il ne veut plus souffrir, subir ; il en exprime et réitère la volonté. D'où la réflexion engagée sur un ultime recours.
Quels sont les termes utilisés ailleurs ? On parle d'aide médicale à mourir au Canada, de mort dans la dignité dans l'Oregon, de mort accompagnée en Nouvelle-Zélande et en Australie, d'euthanasie en Belgique et en Espagne et d'assistance au suicide au Luxembourg et en Suisse. Outre qu'il a en effet été souillé, le mot « euthanasie » ne constitue pas un référentiel ; l'utiliser n'apporte pas une clarté particulière. L'euthanasie est l'acte d'un tiers qui met délibérément fin à la vie d'une personne, qui le demande, dans l'intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable. La définition de l'euthanasie insiste sur l'intervention d'un tiers. Or tout l'esprit du projet de loi est qu'il n'y aura pas précisément d'intervention d'un tiers pour mettre fin à la vie.
Quant au « suicide assisté », cette notion est utilisée pour désigner le fait d'apporter à une personne, qui le demande, l'environnement et les moyens nécessaires pour mettre fin à sa vie. Cette définition peut laisser penser que toute personne qui le demanderait pourrait bénéficier d'un environnement et de moyens lui permettant de mettre fin à sa vie. Or ce n'est pas du tout l'esprit de ce texte. La notion de suicide assisté est trop imprécise.
Je dois dire que j'étais attachée aux termes habituels, mais que j'ai évolué : parler d'aide à mourir a le mérite d'être clair et de correspondre à la réalité. J'ai accompagné, au cours de ma carrière, des patients dont le souhait était de partir, entourés de leur famille, en établissement ou à domicile, et qui ont été apaisés par le fait d'être soulagés et entendus, sans avoir à agir dans l'illégalité.
Ce débat sémantique, nécessaire, n'est pas qu'un combat autour des mots ; c'est le véritable débat de fond.
Monsieur le rapporteur général, je peux entendre vos arguments à propos du terme « euthanasie ». Le point d'entrée de ce texte est le suicide assisté et, par exception, si la personne ne peut pas s'administrer elle-même la substance létale, l'euthanasie. La définition du suicide, je pense que nous pouvons tous nous accorder sur ce point, c'est se donner la mort soi-même. Le projet de loi propose de s'auto-administrer une substance létale : il s'agit donc d'un texte relatif au suicide assisté et à l'exception d'euthanasie. Il faut dire aux Français la vérité : c'est une exigence de transparence et un véritable devoir pour nous qui sommes des législateurs.
Monsieur le rapporteur général, si l'on suivait votre logique, on ne pourrait plus écouter Wagner et notre devise nationale serait amputée du mot « liberté » – je ne peux m'empêcher de penser à Mme Roland montant à l'échafaud, victime de la Terreur parmi des milliers d'autres personnes : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ». Le mot « liberté » a servi à certains pour justifier des abominations, mais il est toujours présent, fort heureusement, dans notre devise nationale. N'ayons donc pas peur des mots.
Nous avons tous compris que ce texte était soutenu par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), et il se trouve que je suis un partisan de ce droit. Or la dignité est consubstantielle à l'humanité du début à la fin ; c'est le cadre de vie qui est digne ou indigne. Nous devons tout faire pour accompagner les personnes en fin de vie dans un cadre digne.
On sent bien que le choix des mots est important : il dit tout des convictions de chacun. À cet égard, je n'ai rien à ôter aux arguments invoqués par le rapporteur général pour bannir du texte les termes « euthanasie » et « suicide assisté ».
La mort est l'état le plus démocratique, mais le chemin vers elle ne l'est pas dans notre pays : certains ont un choix et d'autres non. Certains peuvent avoir recours aux soins palliatifs, d'autres ne le peuvent pas, et nous sommes tous d'accord pour que chacun puisse avoir ce choix – c'est l'objet du titre Ier. On peut aussi avoir un choix différent selon les moyens financiers qu'on a ou selon son réseau social, par exemple quand on connaît un médecin, y compris quand le pronostic vital n'est engagé qu'à moyen terme. De même, on dispose parfois d'un autre choix quand on a les moyens d'aller en Suisse ou en Belgique. C'est dans un esprit de justice sur le chemin vers la mort que je soutiens ce texte. J'estime, par ailleurs, que les termes « euthanasie » et « suicide assisté » ne doivent pas y figurer, au contraire de l'expression « aide à mourir ».
Il est très important de définir ce que nous allons entendre par « aide à mourir » dans la suite du texte : il s'agit de l'administration d'une substance létale par la personne souhaitant mourir ou, lorsqu'elle n'est pas physiquement en mesure d'y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu'elle désignera elle-même. La notion d'aide à mourir désigne donc deux réalités différentes : celle d'une personne qui s'administre elle-même une substance létale, ce qui peut se définir comme un suicide assisté, et celle d'une personne qui n'a pas la capacité physique de se donner la mort et a donc besoin de l'aide active d'un tiers, ce qui correspond à une euthanasie. Je ne comprends pas les précautions prises pour enrober ces termes. Permettez-moi de citer encore Didier Sicard, ancien président du CCNE : « je suis plus hostile à sa rédaction qu'au principe même du texte. Car il évite [...] de nommer les choses dans leur crudité ».
Le Président de la République a dit, il y a quelques jours, qu'un nouveau droit ne serait pas forcément créé. Or ce texte ouvre, de fait, une possibilité nouvelle. S'agissant de mourir, peut-on parler de droit ? On se suicide parce qu'on ne voit pas d'autre possibilité et le texte tend à accompagner cela. Il existe des lois qui n'enlèvent rien à personne, mais qui ne sont pas souhaitables pour autant.
Je ne suis pas sûr que la formule retenue soit très adaptée : tout le monde se verra imposer un tel questionnement et la société sera convoquée, puisqu'il s'agira d'un droit-créance. Elle sera donc associée au geste, comme le seront certaines personnes, ce qui ne sera pas sans préjudice.
La loi Claeys-Leonetti, qui a complété la loi Leonetti initiale, donne les moyens de soulager des souffrances, et il faut le faire savoir. Le présent texte va bien au-delà d'éventuels cas non couverts, car il pêche très large : il est loin de traiter seulement les quelques cas sur lesquels le CCNE s'est appuyé, et il produira sa propre dynamique. Certains défendent ainsi, y compris dans le cadre de nos échanges, des possibilités plus larges encore, reposant sur un droit opposable et universel qui nous éloignera beaucoup de la question initiale.
Je reviens sur les propos tenus tout à l'heure par Thibault Bazin au sujet des personnes âgées. Tout le monde attend la loi grand âge pour assurer un meilleur accompagnement, mais ce n'est pas la question : être une personne âgée n'est pas une maladie grave et incurable qui occasionne des souffrances physiques. Ce projet de loi s'adresse aux malades, et surtout pas aux personnes âgées, sauf si elles sont atteintes d'une maladie grave et incurable s'accompagnant de souffrances physiques qu'on ne peut pas traiter.
Puisque vous voulez tous un débat sur la sémantique, sortons de l'hypocrisie. La sédation profonde et continue jusqu'à la mort recouvre actuellement deux réalités : si le patient ne l'a pas demandée, c'est une euthanasie ; s'il l'a demandée, c'est un suicide assisté. Ce texte conduira à une troisième réalité : des patients pourront décider, d'une façon libre et éclairée, de prendre un produit létal. L'aide à mourir couvre ces trois situations, et j'en félicite le Gouvernement.
Ce débat sémantique est essentiel ; bien nommer les choses permet de les clarifier. Nous nous inscrivons bien dans une démarche de suicide assisté et, par exception, quand la personne concernée ne peut ingérer elle-même la substance létale, d'euthanasie. Nous allons travailler sur un texte, et peut-être le voter, qui engendrera un changement anthropologique important. Avant de s'engager dans cette réflexion fondamentale, il faut, je le répète, bien nommer les choses. J'entends ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur général, quant à l'adoucissement des mots, qui est sans doute nécessaire, mais il ne faut pas se cacher qu'il s'agit d'un texte majeur. Je reconnais aussi la volonté du Gouvernement d'assurer un encadrement, en prévoyant des conditions très strictes. Seulement, on entrouvre une porte et tous les pays qui nous ont précédés ont fait sauter peu à peu les verrous. Je suis profondément convaincue que la porte sera grande ouverte, peut-être pas à la fin de l'examen du texte, mais dans deux, trois ou cinq ans. Ne l'ouvrons donc pas.
Ce débat sémantique est effectivement important. Je ne pense pas qu'il soit question d'un droit à mourir : ce n'est pas l'enjeu. En revanche, le texte ouvrira quatre autres droits : le premier est de décider le niveau maximal de souffrance qu'on accepte d'endurer ; le deuxième est de décider à quel moment on part ; le troisième est de décider à qui et comment on dit au revoir ; le quatrième est de ne pas avoir peur de ce qui va arriver, en sachant qu'on pourra y mettre fin. Ce n'est donc pas d'un droit à mourir qu'il est question, mais d'un droit à des formes de sérénité, de quiétude, qui sont aujourd'hui inaccessibles pour beaucoup de nos compatriotes.
Je n'ai pas beaucoup entendu parler de la place du patient lors de la défense de certains amendements.
J'ai bien conscience que nous avançons sur un chemin de crête, entre la volonté du patient et la société. Comme beaucoup, j'ai assisté aux auditions et j'ai réfléchi. J'ai entendu Alain Claeys se demander si une bonne application de la loi de 2016 permettait de traiter toutes les situations, et sa réponse a été très clairement non. En cas de maladie grave incurable, irréversible et s'accompagnant de souffrances insupportables, la possibilité d'avoir une aide à mourir ne me paraît pas, après mûre réflexion, être un choix entre la vie et la mort, car la mort est déjà là. Dans une telle impasse thérapeutique, il faut être capable de faire une vraie place au patient, d'entendre sa souffrance et de la reconnaître. Que proposent ceux qui sont hostiles à l'aide à mourir ? Ne rien faire pour ceux qui en expriment la demande, les laisser partir en Belgique ou en Suisse ou les laisser avec leurs souffrances.
Quoi de plus clair, en réalité, que le terme « aide à mourir » ? Il est compréhensible par chacun et chacune, sans qu'il soit besoin d'avoir fait de hautes études ou d'avoir suivi des cours d'histoire ou de sémantique. L'aide à mourir est l'expression la plus simple pour faire comprendre ce que veut dire et faire le projet de loi. Je le dis d'autant plus facilement que mon autre pays, les Pays-Bas, n'emploie pas ces termes et leur préfère celui d'euthanasie.
Je note que ce sont les opposants au texte et à l'ouverture de l'aide à mourir qui ont déposé ces amendements sémantiques. Ils s'en servent d'épouvantail, sans rien apporter en matière de clarté.
Je crois que le texte a trouvé les bons termes pour nommer ce que nous voulons promouvoir dans ce projet de loi.
Les auditions ont montré les travers de l'utilisation des termes que certains veulent nous faire adopter, termes qui ont été souillés par l'histoire, comme l'a rappelé le rapporteur général. Je soutiens le choix de l'expression « aide à mourir », qui englobe les deux modalités. Mais la terminologie mérite-t-elle vraiment des débats interminables ? L'essentiel n'est-il pas de chercher à soulager la personne qui vit des souffrances inapaisables ? C'est à cela que nous devons consacrer notre énergie et notre temps.
La commission rejette successivement les amendements.
L'amendement CS1419 de Mme Emeline K/Bidi est retiré.
Amendement CS1017 de M. Thibault Bazin
Je m'interroge sur les effets du projet de loi sur l'ensemble de la société. L'étude d'impact évoque un nombre limité de personnes concernées. Pourtant, M. Claeys l'a dit lors de son audition, ce texte n'est qu'une étape. N'y a-t-il pas un risque que la faculté se transforme en injonction pour ceux qui sont habités par un sentiment d'indignité ? Ce sentiment, qui naît d'un manque d'accompagnement et de la solitude, doit nous préoccuper, même s'il n'entre pas dans les critères d'éligibilité. La société a le devoir d'y apporter une réponse car il peut être à l'origine de demandes d'accès à l'aide à mourir.
Par ailleurs, le titre II ne risque-t-il pas de causer des souffrances aux membres de l'entourage de la personne concernée ? A-t-on étudié les éventuelles externalités négatives pour eux ?
Même avis.
Nombre d'entre vous ont évoqué, à juste titre, l'impasse thérapeutique. En revanche, rares sont ceux qui ont mentionné l'examen médical. Je souhaite insister sur l'équilibre du dispositif : d'un côté, la demande du patient, dans des conditions que nous aurons à travailler ; et de l'autre, l'examen médical.
Monsieur Bazin, vous vous interrogez à juste titre sur d'éventuelles conséquences négatives du projet de loi. Mais, compte tenu de la demande de la société, nous pourrions tout aussi bien examiner les effets de l'inaction.
Le projet de loi n'est pas le permis de tuer que vous présentez, le suicide assisté, l'euthanasie : vous utilisez ces termes pour faire peur, pour culpabiliser ceux qui sont favorables à ses dispositions. Moi, je crois que cette loi d'humanité et de solidarité peut avoir des effets positifs sur la société, en particulier sur les plus vulnérables.
Vos choix sémantiques reflètent ce que vous pensez, mais ils sont aussi dictés par une arrière-pensée : vous voulez faire passer l'idée que ce texte est un permis de tuer. Vous n'avez pas le droit de dire cela.
Enfin, n'oublions pas que la position de chacun dépend de son histoire.
Il n'y a pas d'un côté les partisans d'une loi d'humanité et, de l'autre, ceux qui seraient dénués d'humanité. Les différentes sensibilités doivent pouvoir s'exprimer et être respectées.
Ce qui préoccupe les patients aujourd'hui, plus que le droit à mourir, c'est le droit à ne pas souffrir. Or celui-ci n'est pas garanti. Lorsque les patients bénéficient du droit de ne pas souffrir, lorsqu'ils ont accès à la sédation profonde et aux soins palliatifs, ils renoncent à anticiper leur mort – c'est ce que disent la plupart des médecins.
Enfin, ce qui est dérangeant, M. Bazin l'a dit, c'est qu'on nous annonce déjà d'autres étapes alors même que la législation actuelle n'est pas appliquée, ou partiellement.
Dans ce débat sémantique, il n'est évidemment pas seulement question de mots : il s'agit de respecter le principe constitutionnel d'intelligibilité de la loi. D'abord, chers collègues, il faut savoir ce que nous votons.
Ensuite, l'étude d'impact est plus courageuse que la loi elle-même puisque le mot d'euthanasie y est employé à vingt-cinq reprises et ceux de suicide assisté à vingt-huit. Pourquoi ne pas dire clairement de quoi on parle ?
Le Conseil d'État ne vous a pas enjoint d'utiliser les mots que vous avez choisis. Il donne simplement une définition de l'aide à mourir parce que votre texte ne le fait pas. Je vous ai connu plus allants pour vous appuyer sur ses préconisations ou ses déclarations pour modifier les textes !
Puisque vous ne nous entendez pas sur la sémantique, faisons un peu de français. Le terme « aide » signifie soulagement, secours, autant de mots qui appartiennent au registre du soin. Une aide ne peut pas consister à administrer une substance létale pour provoquer intentionnellement la mort. L'aide à mourir existe déjà : ce sont les soins palliatifs. Nous vous le répétons, rétablissez la vérité des mots.
Le débat est tellement complexe et important qu'il mérite de ne pas être euphémisé ou rendu excessivement vague.
Le Président de la République a refusé d'utiliser le terme d'euthanasie parce qu'il ne voulait pas hystériser le débat. L'expression « aide à mourir » – difficile de faire plus vague –peut recouvrir des réalités très différentes, tandis que les termes « euthanasie » et « suicide assisté », débarrassés des connotations historiques que vous leur donnez pour les disqualifier, sont très précis.
L'euthanasie est destinée à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable. Elle est pratiquée pour nos animaux de compagnie sans que cela n'émeuve personne. Quant à l'assistance au suicide, elle consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même, en absorbant le produit létal qui lui a été délivré.
Je ne saisis pas la difficulté que poserait l'inscription dans la loi de ces termes précisément définis, sauf à vouloir dissimuler quelque chose.
Dura lex, sed lex. C'est ce à quoi je pense en entendant certains collègues vouloir imposer les mots d'« euthanasie » et de « suicide assisté ». Même s'ils ont sémantiquement raison, nous devons penser à ceux qui vont appliquer la loi : soignants, infirmières, médecins. Laissons-les utiliser les termes appropriés. Le malade les comprendra nécessairement puisque c'est lui qui demande à partir, qui demande une aide pour cela. Ne croyez pas que partir soit chose facile : même si l'on souffre, il faut un sacré courage, et on a besoin d'aide. C'est la raison pour laquelle ce mot est important pour moi.
La sédation profonde et continue jusqu'au décès suppose l'injection de produits. Nous poussons donc déjà vers la mort des patients parce qu'ils le demandent ou que l'équipe médicale en a pris collégialement la décision.
Vous ne voyez rien d'hypocrite, chers collègues, à employer ces termes de sédation profonde et continue jusqu'à la mort. Mais lorsqu'il s'agit de la décision libre et éclairée de le faire soi-même, en pleine conscience, pour partir de manière apaisée, vous revendiquez d'y accoler les termes d'« euthanasie » et de « suicide assisté ». Pourtant la notion d'« aide à mourir » couvre ces trois types de mort, de la même manière que les soins d'accompagnement englobent les soins palliatifs. Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de vous en convaincre, sans succès.
Depuis lundi, il est clair que lorsque nous ne sommes pas d'accord, c'est parce que nous ne parlons pas de la même chose. C'est la raison pour laquelle le texte comporte une définition très précise du nouveau droit qu'il ouvre : une aide à mourir pour des personnes atteintes d'une maladie grave et incurable, qui voient la mort devant eux et souffrent de façon intolérable. Il s'agit de les soulager en les aidant à mourir de façon apaisée et respectueuse.
Je connais le sujet, pour être médecin dans un service de soins de support depuis plus de vingt ans. Grâce au texte, nous allons essayer d'apporter de la paix à des personnes qui ont besoin qu'on les aide à mourir de façon apaisée et respectueuse.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS1420 de M. Pierre Dharréville
Il y avait pour moi un euphémisme dans l'expression « aide active à mourir ». Le mot « active » a été retiré, en ajoutant encore à mon sens dans l'euphémisme.
Nous devons nommer les choses. Dans mon esprit, il n'y a rien d'infâmant. La société a cessé de déshonorer la personne qui se suicide. Il vaut mieux dire les choses telles qu'elles sont pour qu'elles puissent être appliquées correctement. Il est indispensable de faire un effort d'intelligibilité et de lever les malentendus – et ils sont nombreux dans ce débat.
Certes, le Président de la République a dit qu'il n'aimait pas le mot « euthanasie », mais il me souvient qu'il a aussi dit ne pas aimer le mot « pénibilité »... Ce qu'aime ou pas le Président de la République n'est donc pas un critère pour moi.
Monsieur Pont, vous avez dit que nous avions sémantiquement raison, je le note.
Monsieur Pilato, la sédation profonde, ce n'est pas l'euthanasie. Dire cela, c'est ne pas avoir compris la loi Leonetti.
Madame Cristol, en tant que médecin dans un service de soins de support, vous aidez à mourir, comme tous les soignants d'ailleurs. Ce que propose ce projet de loi, c'est bien autre chose que l'aide à mourir, et il faut définir ce quelque chose.
J'appelle votre attention sur l'obligation constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. M. Pont l'a dit, nous avons sémantiquement raison de souligner que l'expression « aide à mourir » ne décrit pas la réalité. L'étude d'impact emploie les mots « euthanasie » et « suicide assisté », la loi ne le fait pas. En refusant de dire les choses, cette dernière présente une faille constitutionnelle.
Nous sommes le législateur, pas une association de bienfaisance. Lorsque j'entends un collègue dire qu'il faut édulcorer la réalité pour qu'elle soit mieux supportée, je pense qu'il fait fausse route et devrait se consacrer à d'autres fonctions.
Je ne suis pas médecin, je suis avocat. Je sais déjà quels seront les effets d'un défaut de qualification : des contentieux. Immanquablement, tante Geneviève, qui possède plusieurs appartements à Paris, va très bizarrement demander une aide active à mourir ; très rapidement, des intérêts contradictoires vont se manifester et un contentieux s'ensuivra. Que demandera le juge ? Une définition précise. Si la jurisprudence est aussi abondante, les magistrats le disent, c'est parce que la loi est parfois bavarde, mais pas précise. Soyons-le.
Depuis tout à l'heure, j'entends parler de fraternité et de dignité. Mais lorsqu'on répond à la souffrance par la mort, c'est un détournement de la fraternité. Quant à la dignité, les derniers moments d'une vie sont des instants précieux pour celui qui s'en va comme pour celui qui reste. La dignité consiste à pouvoir vivre jusqu'au bout avec le soutien de la famille, des amis, des personnels soignants ou des visiteurs. Il est de notre responsabilité d'accompagner ceux qui vont mourir.
En ce qui concerne la sédation profonde et continue, c'est l'évolution naturelle de la maladie qui mène au décès, pas la sédation. Certains services ont aussi recours à la sédation partielle pour les personnes qui ont peur de mourir et sont stressées.
Vous nous dites que l'avis du Conseil d'État ne pousse pas à faire référence à l'assistance au suicide ni à l'euthanasie. Je me permets de vous en lire un extrait : « Le projet de loi porte sur la fin de vie [...] . Il a pour objet principal de créer une “aide à mourir” entendue comme la légalisation [...] de l'assistance au suicide et, dans l'hypothèse où la personne n'est pas en mesure physiquement de s'administrer elle-même la substance létale, de l'euthanasie à la demande de cette personne. » Les termes sont bien utilisés.
La Constitution impose que la loi soit intelligible. Le projet de loi ne l'étant pas, il y a bien un problème de constitutionnalité qui pourrait être soulevé dans un recours devant le Conseil constitutionnel, et vous le savez.
Une personne, victime d'un accident, a perdu l'usage de son corps mais a toute sa tête. Si j'ai bien compris, il suffit que cette personne prisonnière de son corps refuse les soins – cela peut être simplement le fait de refuser de s'alimenter, même à la cuillère ou par une sonde – pour être plongée dans une sédation profonde et continue jusqu'à ce qu'elle meure. Je voudrais une définition de cet acte, parce que la finalité reste l'accompagnement de la personne vers la mort.
Sur le terrain, M. Tout-le-monde me dit : « aujourd'hui je vais bien mais quand ça ira mal, quand je serai fatigué, quand mon cancer va me manger, qu'est-ce que votre loi fera pour moi ? » Je lui réponds qu'on va l'aider à mourir, pas qu'on va l'euthanasier ! Ce sont des mots que les gens ne peuvent pas entendre, alors qu'ils comprennent très bien qu'on leur dise que cette loi pourra, si elle est votée, les aider à partir quand ils en auront besoin. Les gens ont besoin d'entendre cela. La loi a un effet placebo : le fait de savoir qu'il sera possible de traiter chaque cas selon des critères bien définis chasse l'inquiétude. Les gens vivent tranquillement en sachant qu'on les aidera à mourir quand il le faudra.
Je rappelle un point important : tant pour la sédation profonde et continue que pour l'aide à mourir, le fait générateur est une pathologie. En vertu de l'article 6, celle-ci fait partie des conditions que le corps médical doit examiner pour autoriser ou non une personne à bénéficier de l'aide à mourir. Il est important de souligner combien l'encadrement de la procédure est précis.
S'agissant des contentieux potentiels, le Conseil d'État n'a absolument pas mis en cause l'intelligibilité du projet de loi. Les juges auront à apprécier le respect des conditions d'éligibilité, d'une part, et celui de la procédure d'autre part. À la différence de la loi Claeys-Leonetti, le texte assure une traçabilité du début à la fin de la procédure, qui permet d'établir les responsabilités dans un souci de protection notamment du corps médical – dont je souligne le travail.
La commission rejette l'amendement.
Chapitre Ier Définition
Avant l'article 5
Amendement CS1953 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
Le projet de loi ne prévoit pas une codification des articles 5 à 17, qui portent sur la définition, les conditions d'accès, la procédure, le contrôle et l'évaluation de l'aide à mourir ainsi que sur la clause de conscience, et cela malgré le caractère permanent de ces dispositions.
Or, comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis du 4 avril dernier, le Conseil constitutionnel juge que la codification tend à faciliter l'accessibilité et l'intelligibilité des règles de droit, qui constituent un objectif à valeur constitutionnelle.
Suivant la recommandation du Conseil d'État et de professeurs de droit que nous avons auditionnés, nous vous proposons de codifier les articles 5 à 17 en créant une nouvelle section dédiée à l'aide à mourir et des sous-sections au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique. Ce chapitre serait désormais intitulé « Information des usagers du système de santé, expression de leur volonté et fin de vie ».
Cet amendement est intéressant en ce qu'il reconnaît la difficulté d'intelligibilité que nous avons soulevée tout à l'heure. Malheureusement il ne la résout nullement : l'ajout des mots « expression de la volonté et fin de vie » dans le titre du chapitre n'indique en aucun cas qu'une procédure particulière permettant d'abréger la vie est créée au sein dudit chapitre. Il enferme le texte dans une inintelligibilité que nous condamnons et qui soulève une difficulté constitutionnelle.
Je peine à mesurer l'impact de cet amendement. J'avais compris que les dispositions à venir ne figuraient pas dans le code de la santé publique. Dès lors, pourquoi modifiez-vous le titre du code ? Quelle est la portée de cette modification ?
L'exposé sommaire contredit les propos, au demeurant novateurs, selon lesquels la loi aurait un effet placebo. Il est écrit que le projet de loi ne prévoit pas en l'état actuel une codification des articles 5 à 17, qui portent sur la définition, les conditions d'accès, la procédure, le contrôle et l'évaluation de l'aide à mourir. On est très loin de l'effet placebo.
Je suis un peu embarrassé par cet amendement parce que plusieurs dispositions du titre II ne relèvent pas de la santé publique. Je comprends votre intention, madame la rapporteure, mais est-il bien raisonnable de modifier l'intitulé du chapitre du code ? Cela mérite plus ample réflexion de ma part.
Cet amendement en appellera d'autres toujours liés à la codification. En la matière, nous avons suivi la préconisation du Conseil d'État ainsi que de personnes auditionnées.
Par ailleurs, il n'a jamais été question d'une loi placebo. Quant à l'intelligibilité, le Gouvernement a eu justement le souci de présenter un texte explicite. J'ai estimé pour ma part qu'il était nécessaire d'inscrire dans le code de la santé publique les dispositions que nous allons voter dans les articles qui vont suivre.
Le Conseil d'État a recommandé la codification. Nous y faisons droit dans un souci de lisibilité et d'accessibilité pour nos concitoyens, à l'instar de ce qui a prévalu pour la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse ou la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
La commission adopte l'amendement.
Article 5 : Définition de l'aide à mourir
Amendements de suppression CS97 de M. Thibault Bazin, CS183 de M. Philippe Juvin, CS288 de Mme Christine Loir, CS354 de M. Patrick Hetzel, CS548 de Mme Annie Genevard, CS827 de Mme Lisette Pollet, CS1272 de M. Benoit Mournet et CS1423 de M. Pierre Dharréville
L'article 5 me laisse dubitatif. Ne risque-t-il pas de contrarier la réalisation de l'objectif du titre Ier de renforcer les soins d'accompagnement ? Une analyse empirique publiée en 2020 montre en effet que les soins palliatifs ont stagné, voire régressé dans les pays où le suicide assisté ou l'euthanasie ont été autorisés.
Lors de son audition par la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, Annabel Desgrées du Loû disait ceci : « Faire avancer vraiment l'accompagnement de la fin de vie pour tout le monde, et donc faire avancer de manière majeure nos soins palliatifs, va prendre énormément de temps, d'argent, de volonté. [...] Si on fait ça en parallèle, il sera plus facile de laisser les personnes choisir de mourir vite. Mais quelle est la liberté derrière ce choix ? Pour qu'il y ait autonomie et liberté, il faut que les différents termes du choix soient possibles. Si un terme est davantage possible que l'autre, voire que l'autre terme n'est pas possible du tout, ce n'est plus un choix. »
Alors que l'accès aux soins palliatifs ne sera pas garanti à court terme sur l'ensemble du territoire, n'y a-t-il pas un risque à appliquer l'article 5 avant que les dispositions du titre Ier soient concrétisées ? La stratégie décennale montre que le choix peut être biaisé.
Je tiens d'abord à soulever un point de principe : un État ne peut pas mettre en place un système qui donne volontairement la mort à l'un de ses membres. Ma deuxième remarque est d'ordre constitutionnel. Le Président de la République a insisté sur la valeur fraternité pour justifier la loi, et il est vrai que la fraternité est fondamentale envers les patients en fin de vie. Mais quelle fraternité y a-t-il à organiser la mort de l'un de nos concitoyens ? L'étude de la jurisprudence du Conseil constitutionnel révèle que nous sommes en désaccord sur la définition même de la fraternité.
Outre la manipulation des mots que nous ne cessons de condamner, nous considérons qu'autoriser l'euthanasie et le suicide assisté ouvrirait la voie à des abus et à des dérives. Cette crainte est légitime et les soignants la partagent. Chez nos voisins, la légalisation de l'euthanasie s'est malheureusement toujours accompagnée d'une extension de son champ d'application. Les garde-fous sautent peu à peu : en Belgique, elle est ouverte aux mineurs ; au Canada, aux personnes atteintes de maladies mentales ; aux Pays-Bas, une jeune femme de 28 ans a programmé sa mort pour dépression en ce mois de mai. Écarter cette pratique, c'est réduire le risque d'exploitation des personnes fragiles et vulnérables. Il nous faut renforcer et améliorer les soins palliatifs et l'accompagnement dans notre pays. Là est l'urgence.
Madame la ministre, pouvez-vous expliquer pourquoi les articles 5 à 19 n'ont pas été codifiés dans le code de la santé publique ? Deuxièmement, à la fin de l'article 5, il est écrit : « L'aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l'article 122-4 du code pénal. » N'aurait-il pas été plus logique d'introduire une exception à l'homicide volontaire à l'article 221-1 du code pénal ?
Ces étrangetés dans le fondement juridique du texte nous ramènent à son intelligibilité. Vous modifiez le code de la santé publique alors que la mesure émane du ministère de la santé, vous touchez au code pénal sans que la Chancellerie ait donné son avis, vous le faites dans un autre article que celui qui concerne l'homicide volontaire. Vous allez vers une évolution juridique qui constitue de surcroît une rupture anthropologique.
L'article 5 est le cœur du projet de loi. Il est normal que nous y passions du temps, car c'est là que se concentre la réalité du texte. Pour ma part, je demande sa suppression car je suis fondamentalement hostile à l'euthanasie et au suicide assisté. Tous les arguments invoqués en leur faveur appellent des contre-arguments.
La loi serait la conquête d'un droit nouveau, et même un acte de fraternité ? Mais il y a un fait troublant, c'est qu'une personne renonce à mourir quand on répond à ses problèmes de douleur et d'isolement. N'est-ce pas là que devrait se concentrer le soin ?
Le texte couvrirait des cas qui échappent à la loi Claeys-Leonetti ? Mais il ne répondra pas non plus à toutes les situations.
Ce droit serait strictement circonscrit ? Pourtant, dans tous les pays où il a été introduit, il a appelé un élargissement.
Enfin, une telle loi n'entraînerait aucun effet de contagion ? Mais au Canada, en huit ans, la demande d'euthanasie et de suicide assisté a connu une croissance exponentielle.
Tout cela ne peut pas ne pas nous faire réfléchir.
L'article 5 définit l'aide à mourir, un euphémisme qui ne masque pas le contenu réel du texte : le suicide assisté et l'euthanasie. Bien nommer les choses est essentiel à la bonne compréhension de la loi, et il ne faut pas atténuer la réalité des actes qui seront pratiqués. Rappelons que les lois belge, espagnole, hollandaise et luxembourgeoise emploient les mots d'euthanasie et de suicide assisté.
Autoriser l'euthanasie, c'est rompre le lien de confiance entre le patient et les soignants et transgresser l'interdit fondateur de notre civilisation, qui est de ne pas provoquer la mort. La priorité est au développement des soins palliatifs sur tout le territoire. Demander à une personne volontaire d'administrer la substance létale est inconséquent et montre une désinvolture surprenante. Quid des conflits d'intérêts, des potentielles divisions des familles, des traumatismes personnels qui pourraient s'ensuivre ? Pour ces raisons, mon amendement vise à supprimer la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie.
Mon amendement ne vise pas à tuer le débat, car deux humanismes s'affrontent autour de cet article, et j'ai le plus grand respect pour l'avis de chacun. Toutefois, je tiens à exprimer les trois raisons de ma réserve concernant l'aide à mourir.
Premièrement, même si je salue l'existence de la stratégie décennale des soins d'accompagnement, sur les 400 000 personnes qui en ont besoin, seules 200 000 accèdent aux soins palliatifs. Je crains que l'aide à mourir ne devienne un palliatif aux soins palliatifs.
Deuxièmement, les soignants en soins palliatifs, à quelques exceptions près, vivent cette disposition comme une négation de leur travail d'accompagnement. Nous discuterons plus loin des conditions d'accès à l'aide à mourir, mais je considère que le passage par les soins palliatifs doit être un préalable.
Enfin, l'éthique commence où le droit s'arrête. Le projet de loi légifère sur des pratiques existantes, mais je ne suis pas sûr qu'il change la donne. La semaine dernière, le président de l'ADMD m'a fait rencontrer, dans un Ehpad, des personnes souhaitant bénéficier de l'aide à mourir : le texte ne répond malheureusement pas à leurs préoccupations. Soit il va trop loin, soit il ne va pas assez loin.
Le Conseil d'État considère que l'introduction de l'horizon à moyen terme constitue « une rupture par rapport à la législation en vigueur, d'une part, en inscrivant la fin de vie dans un horizon qui n'est plus celui de la mort imminente ou prochaine et, d'autre part, en autorisant, pour la première fois, un acte ayant pour intention de donner la mort ». Tout cela va perturber l'éthique du soin et de la médecine et, potentiellement, la relation de confiance entre les soignants et les patients.
Deux logiques incompatibles s'affrontent. L'étude Jones-Paton de 2015 montre que la légalisation de la mort provoquée n'a pas diminué le nombre de suicides non assistés, plutôt le contraire. Ce texte de loi est un problème au moment où les soins palliatifs sont en situation d'insuffisance criante, où l'hôpital connaît une crise profonde et durable, où le droit à la retraite a été abîmé, où les pénuries de médicaments, y compris pour soulager la douleur, perdurent. Alors que le traumatisme de la pandémie a laissé pour trace une crise sociale profonde, il sera bientôt plus rapide d'obtenir un produit létal que de décrocher un rendez-vous dans un centre antidouleur.
Je crains que cette loi ne crée sa propre dynamique en ouvrant l'éventail des cas plus largement que ne l'avait prévu le CCNE, avec le risque que de nombreuses personnes mettent fin à leur existence de manière prématurée. Je crois que le droit a une fonction sociale, que la société doit être du côté du droit à vivre, du désir de vivre, et que la loi doit protéger. Ce n'est pas le cas de cet article.
La suppression de l'article 5 couperait court à tout débat et viderait le projet de loi de son sens. Je rappelle qu'il s'appuie sur les travaux de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti et sur l'avis 139 du CCNE, selon lequel « il existe une voie pour une application éthique de l'aide active à mourir », dans certaines conditions très précises. Ce serait aussi faire l'impasse sur les travaux des 184 membres de la Convention citoyenne et sur la qualité du travail du Conseil économique, social et environnemental, qui a accompagné ces citoyens bénévoles dans un cheminement qui les a menés à des conclusions à la fois modérées, pertinentes et tolérantes.
Avis défavorable.
Même avis.
Je veux répondre à plusieurs des arguments qui ont été soulevés.
Tout d'abord, la CEDH a reconnu, dans l'arrêt Mortier contre Belgique de 2022, la possibilité, pour un État, de mettre en place un dispositif d'aide à mourir.
Deuxièmement, le titre II sera codifié par d'autres amendements ; cela fait partie des travaux que nous avons menés avec les rapporteurs, que je remercie pour leur engagement.
Troisièmement, l'aide à mourir constituera une cause d'irresponsabilité pénale – ce que l'on appelle un fait justificatif – pour les professionnels de santé et les personnes qui agiront en respectant les conditions posées par la loi. Je rappelle que le code pénal définit le meurtre comme le fait de donner volontairement la mort à autrui, l'assassinat comme un meurtre commis avec préméditation ou guet-apens et l'empoisonnement comme le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort, mais qu'il énonce au premier alinéa de son article 122-4 que « n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives et réglementaires ». L'aide à mourir, autorisée et encadrée par la loi, n'entraînera donc pas de poursuites pénales.
Enfin, l'aide à mourir reposera sur les conditions définies à l'article 6, lesquelles sont validées par une expertise médicale ; on ne pourra pas y accéder de son propre gré. D'autre part, si l'aide à mourir peut avoir lieu dans un Ehpad, le fait d'être dans un Ehpad ne génère pas le droit à en bénéficier. Nous parlons d'une pathologie, non d'un état civil.
Je tiens à rappeler que les quelques citoyens de la Convention citoyenne n'ont aucune légitimité démocratique. Ce n'est pas parce qu'ils ont été tirés au sort que leur avis est inspiré par le Saint-Esprit.
L'humanité est complexe, pour le meilleur et pour le pire. C'est pourquoi la loi doit être la plus précise possible. L'article 5 est potentiellement source de graves dérives car il n'est pas intelligible par nos concitoyens – il n'y a pas que le Conseil d'État qui doive le comprendre. En n'identifiant pas clairement l'acte qui leur sera demandé, il n'apporte une protection ni aux soignants, ni aux patients et aux familles.
L'ancien ministre Jean Leonetti a eu une phrase très belle : « La main qui soigne ne peut pas être celle qui donne la mort. » Le projet de loi change clairement de paradigme. Au lieu de prendre le problème des soins palliatifs à bras-le-corps pour permettre à chacun de mourir dignement et sans souffrance, on veut légaliser le suicide assisté et l'euthanasie dans un texte qui, en associant cyniquement les trois sujets, prend en otage ces soins palliatifs. Je considère qu'une société qui fait cohabiter les soins palliatifs avec le suicide assisté et l'euthanasie est une société malade. Il y a un réel antagonisme entre une société qui cherche à supprimer la souffrance et une société qui cherche à supprimer la personne qui souffre.
Nous défendons ardemment cet article 5. Il est temps de sortir de l'hypocrisie : la loi Claeys-Leonetti accorde le droit au laisser-mourir, pas une aide à mourir. Ne croyez pas que les souffrances soient toutes effacées. Les auditions ont fait entendre des témoignages terribles : on cesse de vous hydrater et de vous alimenter pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines... La personne qui choisira l'aide à mourir par l'administration d'un produit létal aura la possibilité de choisir une autre fin pour sa vie. Quel soulagement pour les angoisses des personnes dont le pronostic vital est engagé ! Beaucoup seront soulagées de savoir qu'elles ont ce droit, sans forcément en user. En cela, l'article 5 est humaniste et fraternel.
À titre personnel, je voterai contre les amendements de suppression. Je suis favorable à la loi, car c'est un sujet sur lequel les Français nous attendent. Cependant, ce que je viens d'entendre me choque, et je ne peux pas laisser nos collègues insinuer que les soignants laisseraient des patients mourir de faim dans des douleurs atroces. La loi Claeys-Leonetti, même si elle ne couvre pas l'ensemble des cas, répond à un grand nombre de situations.
Pour le reste, je suis ouvert au débat. J'ai une ligne rouge claire concernant la collégialité et des doutes concernant les souffrances psychologiques liées à l'affection – si l'on m'annonçait aujourd'hui que je suis condamné, j'aurais certainement des souffrances psychologiques. Je serai également attentif à la nécessité de garantir un accès effectif aux soins palliatifs pour éviter que l'aide à mourir soit un palliatif à leur absence. Madame la ministre, pouvez-vous nous donner la liste des unités de soins palliatifs qui seront ouvertes, département par département, en indiquant leur date d'ouverture et le nombre de lits ? Avec le recours l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, nous n'avons aucune certitude.
Certains collègues ont évoqué un risque de dérive. Or c'est précisément en l'absence de loi que surviennent les dérives, lorsque les pratiques sont clandestines et hors de contrôle.
Il ne s'agit pas de tuer, mais de permettre à des personnes en fin de vie, condamnées par la médecine, d'entrer dignement dans la mort selon leur volonté et en fonction de leur capacité à supporter la souffrance, en choisissant à quel moment elle aura lieu et auprès de qui. La loi n'abandonne pas la prévention du suicide et elle n'ouvre pas l'aide à mourir aux personnes dont l'envie de suicide est la manifestation d'un syndrome anxiodépressif. Elle accepte la possibilité de souffrances psychologiques insupportables, à condition qu'elles soient provoquées par une pathologie qui engage le pronostic vital.
L'aide à mourir n'est pas contradictoire avec le respect de la vie. La France insoumise continue de batailler pour une vie digne en défendant l'accès aux soins et aux droits, la hausse des salaires et les minima sociaux.
De quel droit peut-on refuser à une personne en situation de souffrance extrême, atteinte d'une maladie grave et incurable, le droit à mourir ? Je ne comprends pas qu'on veuille supprimer l'article 5, qu'on veuille obliger ces personnes à continuer de vivre pour satisfaire ses propres convictions. Ce n'est pas votre choix, c'est le choix de la personne qui vit cette souffrance !
De grâce, laissons l'idée d'aide à mourir dans le texte : si le mot « euthanasie » était employé, les auteurs de ces amendements se jetteraient sur l'occasion de faire des rappels à l'histoire et nous accuser de vouloir assassiner des gens ! Je voterai contre ces amendements.
Sans surprise, nous voterons contre ces amendements. Toutefois, puisque les Pays-Bas ont été cités à plusieurs reprises comme exemple de graves dérives, y compris avec le cas d'une patiente de 28 ans atteinte de graves troubles psychiatriques, je tiens à rappeler que l'euthanasie y est encadrée par des médecins et validée à plusieurs reprises, y compris pour les troubles psychiatriques, et que ces derniers représentent en réalité une infime partie des cas, la majorité étant dus à des cancers en phase terminale. Les Pays-Bas ont plus de vingt-cinq ans de recul sur le soulagement que l'euthanasie peut apporter aux personnes qui souffrent de manière irrémédiable et à leurs proches. Il n'y a pas de dérive, c'est un argument que l'on emploie pour faire peur.
Notre groupe s'opposera fermement à ces amendements de suppression. On oppose systématiquement l'aide à mourir aux soins palliatifs. Pourtant, une prise en charge palliative de qualité ne conduit pas toujours à l'effacement du désir de mourir : une récente étude du CCNE, conduite sur le fondement de plus de 2 000 dossiers médicaux de patients admis en service de soins palliatifs, fait état de 9 % de patients qui expriment un souhait de mourir et de 3 % qui demandent une euthanasie. En audition, le docteur Michèle Lévy-Soussan, qui a été responsable d'une unité de soins palliatifs pendant vingt-cinq ans, nous a expliqué comment sa réflexion avait cheminé sur le sujet. Par ailleurs, on ne peut pas faire fi du vote de la Convention citoyenne, dont les membres se sont prononcés à 76 % en faveur des propositions du titre II.
Je crois profondément en la science, mais il existe des souffrances que l'on ne sait soulager et je considère qu'il faut accepter les limites de la médecine. De ce point de vue, le projet de loi est un texte d'humilité, mais aussi un texte d'humanité, puisque nous cesserons enfin de laisser les personnes seules face à leur souffrance. Il représente donc un progrès majeur. Je voterai contre la suppression de l'article 5.
La question n'est pas de savoir si la sédation profonde jusqu'à la mort prévue par la loi Claeys-Leonetti est suffisante, mais celle de la nature même de l'aide à mourir. Est-ce un soin ou un droit ? Chacun s'est exprimé sur le sujet, tantôt en parlant de soin, tantôt en parlant de droit, mais la question n'est pas abordée dans le texte. Si c'est un soin, est-ce un soin comme les autres ou un soin ultime, auquel on ne recourt que quand les soins palliatifs ne sont plus efficaces ? Si c'est un droit, les personnes éligibles pourront décider d'y recourir sans rien enlever à ceux qui sont contre. Il serait bon de clarifier cette question.
On entend souvent dire, pour s'opposer à l'aide à mourir, que les soins palliatifs répondent à toutes les souffrances. Bien sûr, grâce au travail remarquable des soignants et des bénévoles, les soins palliatifs apaisent les souffrances et il y a des personnes qui arrêtent d'exprimer leur envie de mourir quelques heures ou quelques jours après avoir commencé ces soins. C'est tant mieux. Mais, si l'immense majorité des malades atteints d'une maladie grave veulent vivre, ce n'est pas le cas de tous, les unités de soins palliatifs elles-mêmes le disent. Cette demande doit être d'autant plus entendue qu'elle est rare, et ce n'est pas parce qu'elle est rare qu'elle ne doit pas être entendue.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS169 et CS170 de Mme Emmanuelle Ménard et amendement CS355 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)
J'ai déposé ces deux amendements de repli qui disent clairement les choses, d'une part en nommant l'euthanasie comme telle, d'autre part en précisant qu'il s'agit d'une procédure et non d'un acte médical. Il s'agit de donner intentionnellement la mort à une personne qui la demande ; cela requiert une intervention humaine, en rupture avec le développement naturel d'une maladie qui pourrait conduire à la mort. Et, pour compléter ma citation de tout à l'heure, Didier Sicard, l'ancien président du CCNE, disait de ce projet de loi : « Ne pas parler expressément d'euthanasie ou de suicide assisté pour éviter des mots lourdement chargés ne peut être que la source de conflits incessants. »
Je propose une rédaction inspirée de la définition du suicide assisté de l'Académie suisse des sciences médicales, laquelle a été consultée en amont de la rédaction de la loi suisse : « L'assistance au suicide est l'acte accompli dans l'intention de permettre à une personne capable de discernement de mettre fin à ses jours, après la prescription de médicaments par un médecin à des fins de suicide. »
Puisque nous évoquions des exemples étrangers, je signale que certains acteurs qui étaient intervenus aux Pays-Bas sont revenus sur leurs pratiques et que la Belgique vient d'être condamnée par la CEDH pour un manque de contrôle, notamment pour non-respect des procédures et défaillance dans la détermination du clair consentement du patient. Les risques de dérive sont importants. Je ne les citerai pas toutes mais en Belgique, où il y a eu à la fois un effet de cliquet et un effet domino, il a fallu réécrire la loi à dix-neuf reprises pour des raisons d'intelligibilité.
Je remercie notre collègue qui, en évoquant l'arrêt Mortier contre Belgique, me permet de rappeler que cet arrêt a représenté une avancée très importante en jugeant que la loi sur l'euthanasie en Belgique était parfaitement conforme à la Convention européenne des droits de l'homme.
J'ajoute que l'une des différences de notre texte avec la loi Claeys-Leonetti tient au système d'information qui permet une traçabilité du début à la fin de la procédure.
Nous avons appelé à plusieurs reprises l'attention de la commission sur le risque d'inconstitutionnalité de ce texte qui n'utilise pas les bons mots. Vous ne pouvez pas vous référer à l'arrêt Mortier, qui utilise le mot « euthanasie » 345 fois dans son attendu, pour un texte qui ne le dit pas une seule fois ! De même, la Convention citoyenne, à laquelle vous vous référez souvent, a conclu à la nécessité d'instituer « le suicide assisté et l'euthanasie ». Nous répétons que l'absence de ces termes pose un problème constitutionnel.
Le premier amendement évoque des souffrances insupportables. Il n'est pas normal que des gens souffrent seuls en 2024, mais il faut savoir que la sédation profonde et continue sert à cela. On diminue la douleur en endormant le patient. Je rappelle aussi que les besoins d'hydratation et de nutrition sont diminués du fait de la perte des sensations de faim et de soif chez les personnes en fin de vie. C'est une hypocrisie de dire que la personne décède faute d'hydratation et de nutrition : on lui apporte un confort, et la survenue du décès est due à l'évolution naturelle de la maladie.
L'article 5 consacre une rupture anthropologique. Les amendements de Mme Ménard définissent l'euthanasie comme le fait de provoquer intentionnellement la mort d'un patient ; l'article 5 prévoit donc la dépénalisation d'un homicide. C'est un monstre juridique. Vous avez beau invoquer des garde-fous, il est peu probable que nous en restions là : un effet de cliquet se sera produit. Dans une tribune parue dans Le Monde, Theo Boer, initiateur de l'euthanasie aux Pays-Bas, nous avertit de nous garder de commettre les mêmes erreurs qu'eux !
La question de Mme K/Bidi mérite une réponse : s'agit-il de créer un nouveau soin, ou un nouveau droit ? Les implications ne sont pas les mêmes, alors quelle est votre intention réelle ? Le projet de loi semble plutôt verser dans le second registre que dans le premier.
Certains amendements emploient l'expression « suicide assisté » : il faut la bannir du texte. Ne laissons pas croire que l'aide à mourir pourra être utilisée par tous ceux qui souhaiteraient mettre fin à leurs jours. Elle devra répondre à des conditions médicales bien précises.
Quelles sont ces fameuses dérives des Pays-Bas, qu'on n'explicite jamais ? Soyons précis. Theo Boer, dont on parle souvent, n'a pas été à l'initiative de la loi néerlandaise, mais a fait partie d'un comité gouvernemental de contrôle de l'euthanasie. Il est de confession protestante, ce qui influe sur son avis.
Dans ce pays comme ailleurs, la population vieillit et les pathologies incurables ou graves se multiplient. C'est ce qui explique l'augmentation du nombre d'euthanasies. L'ancien Premier ministre des Pays-Bas, un chrétien-démocrate initialement opposé à la loi sur l'euthanasie, vient finalement d'y avoir recours avec sa femme ; tous deux étaient malades. Les mentalités évoluent. Quand on vieillit, qu'on est confronté à une maladie incurable, qu'on perd ses capacités et que la fin de vie se profile inéluctablement, on perçoit les choses autrement ; on peut faire le choix libre et éclairé de mettre fin à ses jours. Ce n'est pas une dérive, mais une belle évolution.
Depuis le début on nous dit que l'aide à mourir ne concerne que des malades, en aucun cas les personnes âgées, et voilà qu'on entend que ce sera une évolution naturelle ? Que, quand on est vieux et malade, on peut faire ce choix ?
J'ai posé plusieurs fois la question en audition : quand on a 92 ou 95 ans et qu'on présente des pathologies multiples, le pronostic vital à moyen terme est-il engagé ? Je n'ai pas obtenu de réponse.
Selon vous, madame la ministre, quel est le périmètre de l'aide à mourir ? Parlons-nous de quelques centaines de cas qui emportent la compassion de la société, ou d'un droit qui pourrait finir par représenter, comme en Belgique ou en Suisse, 2,5 % des décès ? Rapporté à la France, cela représenterait 15 000 cas par an.
Voyons ce qu'il en est dans les pays qui ont instauré un tel dispositif. En Belgique, le Centre de prévention du suicide n'a pas constaté d'évolution du taux de suicides depuis qu'existe l'aide à mourir. Les deux phénomènes ne concernent donc pas les mêmes personnes. Selon une étude canadienne de 2020 couvrant la période 2016-2018, les personnes qui recourent à l'aide à mourir sont plus fortunées que la moyenne, plus souvent mariées, et essentiellement atteintes d'un cancer. Cela ne correspond pas au profil des personnes vulnérables et isolées. Et une étude de 2022 croisant les données des États de Washington, de l'Oregon, du Montana et du Vermont ainsi que de la Belgique, de la Suisse et des Pays-Bas conclut à l'absence totale de corrélation entre le taux de suicides dans la population générale et les dispositifs d'aide à mourir.
En 2018, dix-huit ans après la légalisation, les Pays-Bas ont recensé quelque 6 150 euthanasies, soit 3,8 % des décès. Ce ratio appliqué à la France donnerait, dans dix-huit ans, si le projet de loi est voté, quelque 24 000 personnes recourant à l'aide à mourir.
L'aide à mourir est un droit que nous proposons, auquel le patient peut renoncer. Cette liberté lui est offerte de façon encadrée, sécurisée, accompagnée et tracée. Une étude menée en Oregon montre qu'au moins un quart des personnes renoncent à l'aide à mourir : c'est une donnée intéressante. Enfin, nous ne disposons d'aucune base pour établir le moindre début de statistiques concernant l'aide à mourir en France.
S'agissant de l'arrêt Mortier, la Belgique a été condamnée par la CEDH car les garanties d'indépendance de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie ont été jugées insuffisantes : cette commission comptait un médecin qui avait pratiqué l'aide à mourir.
L'aide à mourir est-elle un droit ou un soin ? Nous l'envisageons comme un droit ouvert sous conditions, dans un contexte déterminé. Nous examinerons ces conditions à l'article 6.
J'en viens aux Ehpad. Si le patient considère qu'il remplit les conditions précitées, il demandera à bénéficier de l'aide à mourir. Il se verra d'abord proposer des soins palliatifs. Il passera ensuite un examen médical qui le déclarera éligible ou non à l'aide à mourir. S'il l'est, il pourra en bénéficier, dans un Ehpad comme ailleurs, mais rien ne dit qu'il exercera effectivement ce droit.
Pour ce qui est du périmètre de l'aide à mourir, notre approche est compassionnelle, monsieur Isaac-Sibille. La construction du texte le montre bien. Le titre I er vise à renforcer les soins palliatifs. Comme vous en effet, j'ai rencontré des patients dans des unités de soins palliatifs et beaucoup m'ont confié qu'ils avaient changé d'avis entre l'annonce du diagnostic et leur prise en charge dans ces unités. Certains se satisfont de cette vie dans laquelle ils se sentent accompagnés et entourés, d'autres pas. Cette liberté individuelle est capitale, dès lors qu'elle est précisément encadrée. Enfin, je le répète, personne ne peut savoir si un patient qui demande à bénéficier de l'aide à mourir – perçue comme une « assurance », pour reprendre le terme de l'un d'entre vous – utilisera in fine ce droit. C'est pourquoi il n'est pas possible de faire de statistiques en la matière.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS1954 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie et CS1736 de M. Nicolas Turquois (discussion commune)
Comme tout à l'heure, je vous propose une codification de l'article 5. J'invite M. Turquois à retirer son amendement, qui me paraît moins complet que le mien.
L'amendement CS1736 partage en effet les mêmes objectifs que le vôtre, mais est peut-être moins abouti. Je le retire.
L'aide à mourir n'est pas un acte thérapeutique, mais une interruption des soins. Ce que vous voudriez inscrire dans le code de la santé publique est en complète contradiction avec le reste de ses dispositions, dont l'article L. 1110-5 qui définit les thérapies médicales comme « les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ».
Soupesons les bénéfices et les risques. L'étude d'impact évoque une centaine de patients potentiellement concernés chaque année. Certes, il est difficile de prévoir les dernières volontés des malades ; mais sachant que les suicides assistés représentent 3,8 % à 4 % des décès en Belgique et aux Pays-Bas, on peut estimer qu'à terme, ils concerneront 25 000 personnes par an en France, sur 660 000 décès annuels. Dans cette fourchette, où vous situez-vous ?
Je suis un peu ennuyée. J'ai la ferme conviction que l'aide à mourir n'est pas un soin, mais un droit encadré, sous conditions. Il serait donc paradoxal de l'inscrire dans le code de la santé publique, sans compter la symbolique négative que cela revêtirait.
Comparons ce qui est comparable. En Belgique et en Espagne, les conditions du recours à l'aide à mourir sont plus larges que celles que nous proposons. C'est pourquoi il est difficile d'avancer des prévisions chiffrées. Je me rapproche plutôt de la logique de l'Oregon, où le nombre de cas est beaucoup plus restreint.
Par ailleurs, c'est le Conseil d'État qui a recommandé de codifier ce droit pour le rendre plus accessible – il en fut de même pour l'interruption volontaire de grossesse.
L'amendement CS1736 étant retiré, la commission adopte l'amendement CS1954.
Amendement CS648 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Dès lors que l'aide à mourir est un droit, il faut l'indiquer clairement dans le texte, de sorte que toute personne puisse y recourir lorsque sa situation devient insoutenable. Il importe également de renforcer la prise en compte du choix du patient. Tel est l'objet de cet amendement, qui s'inspire de la proposition de loi de la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie visant à établir le droit à mourir dans la dignité, et de celle d'Olivier Falorni donnant le droit à une fin de vie libre et choisie.
Dans la préconisation 11 de son rapport « Fin de vie : faire évoluer la loi ? », le Conseil économique, social et environnemental « préconise, au nom du principe de liberté individuelle, de garantir solidairement le droit pour les personnes atteintes de maladies graves et incurables, en état de souffrance physique ou psychique insupportable et inapaisable, de demander l'aide active à mourir ». Nous proposons donc d'ajouter la mention suivante avant l'alinéa 1er : « Toute personne qui répond aux conditions de l'article 6 peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une aide à mourir. »
Votre amendement me semble satisfait par les articles 5 et 6, qui définissent l'aide à mourir et ses conditions d'accès. Je vous demande de le retirer.
Je lis dans l'article 5 que « l'aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d'une substance létale ». Pour moi, cela n'équivaut pas à l'ouverture d'un droit.
La formulation que vous proposez, lue à la lumière de votre exposé sommaire, appuie l'intention du projet de loi : créer un cadre permettant à toute personne remplissant les conditions fixées à l'article 6 d'accéder à un accompagnement et à une aide à mourir. L'amendement est donc satisfait.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CS37 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1425 de M. Pierre Dharréville
Il s'agit de supprimer les dispositions relatives à l'aide à mourir.
Nous nous éloignons manifestement de l'enjeu initial : il ne s'agit plus de traiter quelques cas isolés, mais d'établir un droit plus large. Je n'y suis pas favorable. Le fait d'institutionnaliser cette possibilité aura des effets sociaux problématiques. Cela constitue une rupture éthique, sociale et culturelle que je ne souhaite pas accompagner.
Je soutiens ces amendements, rendus d'autant plus pertinents par la codification opérée par la rapporteure.
Le Conseil d'État est plus prudent que vous ne le dites, madame la ministre. Dans son avis relatif au projet de loi, il appelle « l'attention du Gouvernement sur l'opportunité de procéder à la codification » et « estime » que cela pourrait figurer dans telle partie du code. Il précise : « Le Conseil d'État n'a toutefois pas été en mesure d'y procéder en raison du délai qui lui a été imparti pour examiner ce projet, particulièrement court au demeurant au regard des enjeux et des difficultés constitutionnelles ou conventionnelles qu'il soulève. » Quelles sont ces difficultés induites par la codification, et comment y répondrez-vous ?
Je soutiens aussi les amendements.
Une question demeure : combien de personnes recourront à l'aide à mourir ? À l'issue des auditions, j'en estimais le nombre à une centaine mais si l'on se rapproche de l'Oregon, comme l'envisage Mme la ministre, 4 000 personnes pourraient être concernées en France. Il est important de nous éclairer sur ce sujet.
Nous soutenons ces amendements. Lorsqu'un patient souffre trop, c'est la douleur qui doit s'arrêter, pas la vie. La réponse réside dans les soins palliatifs, certainement pas dans le suicide assisté et l'euthanasie. Les légaliser serait un renoncement. Ce serait aussi le reflet de votre échec à développer les soins palliatifs.
L'aide à mourir, telle que l'article 5 la définit, ne signifie pas provoquer la mort. Les personnes qui y recourront seront frappées par une maladie incurable face à laquelle les soins ne pourront plus rien. L'aide à mourir ne provoquera donc pas des morts supplémentaires, elle accompagnera la fin de vie dans des conditions que le patient aura choisies en son âme et conscience. Pour ces raisons, je m'oppose à ces amendements.
Il me semble que certains collègues ne cherchent pas à se mettre à la place des personnes concernées. L'envie de mourir n'est pas une lubie qui vous prend un beau matin. Il s'agit de personnes qui subissent des souffrances et dont le parcours de soins connaît des échecs ; on leur a parfois annoncé qu'aucun soin ne pourrait plus soulager leur maladie et leurs douleurs. Le patient doit avoir le choix. Il doit pouvoir opter pour les soins palliatifs, ce qui implique de les rendre plus accessibles, mais il doit aussi pouvoir décider d'être acteur de sa mort. Ce sont deux choses différentes.
Le périmètre de la loi sera circonscrit. Il est difficile d'évaluer le nombre de personnes concernées, mais les dispositions envisagées ne préfigurent pas une augmentation exponentielle des cas : ils resteront contenus et il n'y a pas lieu de craindre une dérive. C'est la différence entre le dispositif de l'Oregon, où le nombre de cas est stable d'année en année, et celui du Québec où il augmente.
Vous avez donné une lecture rapide de l'avis du Conseil d'État, monsieur Bazin. Relisons-le plus attentivement : « Le Conseil d'État n'a toutefois pas été en mesure d'y procéder en raison du délai qui lui a été imparti pour examiner ce projet, particulièrement court au demeurant au regard des enjeux et des difficultés constitutionnelles ou conventionnelles qu'il soulève. » C'est bien le projet de loi, au masculin, qui soulève ces difficultés, et non la codification...
La commission rejette les amendements
La réunion s'achève à vingt heures cinq.
Présences en réunion
Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Bérangère Couillard, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. François Gernigon, M. Joël Giraud, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, M. Patrick Hetzel, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Emeline K/Bidi, Mme Julie Laernoes, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Christophe Marion, M. Didier Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Frédérique Meunier, M. Yannick Neuder, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, M. Jean-François Rousset, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, M. David Valence, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Léo Walter
Excusées. – Mme Caroline Fiat, Mme Lise Magnier
Assistaient également à la réunion. – Mme Mireille Clapot, M. Fabien Di Filippo, Mme Emmanuelle Ménard, M. Benoit Mournet, Mme Christelle Petex, Mme Maud Petit, Mme Sandrine Rousseau