Ce que vous proposez est une rupture anthropologique et le projet de loi ne nomme pas correctement ce qu'il va autoriser : le suicide assisté et l'euthanasie, que tous les pays qui ont légalisé de tels actes en Europe ont désignés en ces termes. L'aide à mourir, ce sont les soins palliatifs et la sédation profonde et continue, c'est-à-dire ce que prévoit la loi Claeys-Leonetti. Aider à mourir est une chose ; ce n'est pas faire mourir.
Le Gouvernement dit vouloir mettre en avant le suicide assisté ; l'euthanasie serait réservée au cas dans lequel le patient ne peut pas s'administrer lui-même la dose létale. Or, lorsque le suicide assisté et l'euthanasie coexistent, on voit que se produit très rapidement une dérive dans laquelle l'euthanasie supplante le suicide assisté. Nous n'avons absolument aucune garantie en la matière. En outre, l'association de proches à l'acte létal, y compris avec l'accord du patient, ne semble pas exclue. Or cela doit être prohibé en raison d'évidents risques d'abus de faiblesse.
La manière dont on nomme les choses a des incidences. Comme l'a dit Annie Genevard, l'euphémisation traduit sans doute une volonté de rendre les choses socialement acceptables, alors que vous êtes fondamentalement en train de nous exposer à un risque énorme. Un arbitrage doit être fait entre les droits individuels et le vivre-ensemble. Le pouvoir de donner la mort a d'abord été confié au juge avant de lui être retiré ; la question qu'il faut se poser est celle du risque que nous allons créer en le confiant à un médecin.