La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie. (n° 2327).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Jérôme Guedj.
Mesdames les rapporteures de la commission mixte paritaire, nous y voilà ! Le texte que vous nous soumettez comporte des avancées ; nous le reconnaissons depuis le début. À aucun moment, du reste, nous n'avons douté de votre volonté de défendre la question du grand âge, tant la procrastination des gouvernements, de toutes sensibilités, qui se succèdent depuis quinze ans est devenue insupportable pour nos concitoyens.
Madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, je souhaite vous poser trois questions auxquelles, je l'espère, vous apporterez des réponses précises.
Premièrement, comme je l'ai indiqué lors de la présentation de la motion de rejet préalable, le Gouvernement, qui a levé le gage, ferait preuve de transparence et de cohérence en communiquant à la représentation nationale l'estimation qu'il fait du coût budgétaire de la proposition de loi. Pour des acteurs soucieux des finances publiques, et qui motivent ainsi leur refus de tenir la promesse inscrite dans le texte, ce serait la moindre des choses.
Deuxièmement, je voudrais vous interroger sur la continuité de l'État. Le texte prévoit la création d'une conférence nationale de l'autonomie – un intitulé mal choisi puisqu'il renvoie aussi aux problématiques des personnes handicapées – quand votre prédécesseure – une autre Aurore que celle de Victor Hugo, que vous avez évoquée – estimait nécessaire, pour conduire une politique du vieillissement et de la longévité, de s'appuyer sur un comité interministériel. Une telle structure permettrait de développer une approche transversale de ces questions. Or la proposition de loi relève davantage d'une démarche médico-sociale, qui pourrait être celle de la direction générale de la cohésion sociale. J'ai beaucoup de respect pour la DGCS, mais le vieillissement réclame une approche plus holistique, plus transversale.
Ma troisième question recoupe les motifs de notre frustration – un doux euphémisme. Un article de cette proposition de loi prévoit la présentation d'un projet de loi de programmation pluriannuelle. Vous nous demandez de l'adopter alors que vous n'avez pris aucun engagement et que nous ignorons ce qu'il en est de la coconstruction de ce texte. Aurore Bergé et Élisabeth Borne avaient annoncé que l'ensemble des acteurs, les parlementaires, les élus locaux et les fédérations, seraient associés à sa rédaction. Concrètement, quel est votre calendrier ? Que se passera-t-il demain, si cette proposition de loi est adoptée ?
Les suites législatives « nécessaires », que vous avez évoquées, ne peuvent pas prendre la forme d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Pourquoi ? Je citerai un seul exemple, celui des postes en Ehpad, puisque c'est bien dans les moyens humains à mobiliser que réside l'enjeu principal.
Vous avez mentionné l'engagement, pris par le Président de la République lors de sa campagne électorale, de créer 50 000 postes dans ces établissements. Non seulement cet objectif est insuffisant – le double serait nécessaire, selon les acteurs du secteur, pour parvenir à un ratio d'encadrement suffisant –, mais vous n'avez créé que 3 000 postes dans le PLFSS pour 2023 et 6 000 postes dans le PLFSS pour 2024 ! En outre, vous avez repoussé l'échéance, puisque vous avez évoqué l'horizon 2030. Ces recrutements sont précisément l'enjeu d'une loi de programmation, dont le financement doit être discuté.
Encore une fois, pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire dans la perspective de la présentation du projet de loi de programmation, que prévoit le présent texte ?
Hélas, la confiance est rompue et j'ai du mal à vous croire. Pourtant, j'aurais aimé me réjouir qu'enfin, sous la pression de nos deux rapporteures et des parlementaires, nous puissions travailler dans cette perspective – sans pour autant imaginer obtenir gain de cause sur l'ensemble, idéal, des propositions que nous avons rédigées avec mes collègues du groupe Socialistes.
J'espère que vous répondrez à mes questions. Pour le moment, c'est une grande frustration, une grande déception et une grande amertume que nous éprouvons.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Comme nous l'avons souvent souligné, le vieillissement de la génération du baby-boom va provoquer une explosion du nombre des personnes âgées, qui deviendront bientôt plus nombreuses que les enfants de 15 ans. Bien que des avancées significatives aient été réalisées ces dernières années – je pense à la création de la cinquième branche ou au renforcement du soutien à domicile et à la reconnaissance des aidants –, les professionnels et les usagers attendent des actions fortes qui améliorent la lisibilité et favorisent le virage domiciliaire plébiscité par plus de 85 % des Français. L'enjeu est financier, sanitaire et social.
La proposition de loi répond à de nombreuses demandes de milliers de professionnels et de millions de personnes âgées. Elle résulte d'un débat nourri par différents travaux, y compris ceux menés par le Gouvernement dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) « Bien vieillir », et bénéficie des apports des deux chambres, dont le dialogue a permis d'aboutir à un accord en commission mixte paritaire (CMP). La mobilisation et le travail parlementaire, mené de concert avec le Gouvernement, témoignent de l'importance de cette problématique pour notre société.
Parmi les mesures proposées, je citerai : la création d'une instance de pilotage national, qui fera de la perte d'autonomie une priorité de nos politiques publiques ; des mesures visant à renforcer l'attractivité des métiers du domicile et le soutien à ces professionnels, telles que le déploiement de la carte professionnelle et un soutien financier à la mobilité. Le texte tend également à renforcer la lutte contre la maltraitance et à améliorer le repérage des personnes vulnérables.
La proposition de loi ne prétend pas résoudre tous les problèmes de la politique du bien vieillir dans notre pays ; nous savons, et ce depuis le début, qu'elle n'est pas la loi « grand âge » annoncée : c'est, en quelque sorte, un pied dans la porte, et c'est très bien ainsi. Elle comporte néanmoins des mesures importantes et a été enrichie durant son parcours. Je citerai le déploiement d'équipes locales d'accompagnement concernant les aides techniques – une proposition du groupe Horizons –, la sensibilisation universelle à la perte d'autonomie et à l'adaptabilité des logements ou encore la création d'un service public départemental de l'autonomie, pour garantir une réponse complète et coordonnée à chaque demande.
Il est crucial de s'attaquer à la gouvernance de l'écosystème du grand âge – établissements, services à domicile –, tant il a besoin d'être simplifié, structuré et plus lisible pour les acteurs et les usagers.
Nous soutiendrons la proposition de loi parce qu'elle va dans le bon sens et comporte de nombreuses avancées pour nos aînés et les professionnels qui les accompagnent, parce qu'elle n'est pas un projet de loi et qu'elle concourt au traitement d'un problème crucial pour notre société et pour l'avenir.
Certains souhaitent voter contre le texte ou s'abstenir, au prétexte qu'il n'incarne pas l'ambition ultime que nous nourrissons pour notre législation sur le grand âge. Je tiens à souligner le caractère erroné de cette approche. En effet, rejeter cette proposition, c'est tourner le dos à des avancées concrètes pour nos aînés, des avancées dont nous avons débattu et pour lesquelles certains se mobilisent tous les jours ; c'est négliger l'opportunité de reconnaître le travail des aides à domicile et de leur donner la possibilité d'avoir une carte professionnelle, négliger la création du service public départemental de l'autonomie (SPDA) et une multitude d'autres mesures qui représentent des progrès tangibles pour le bien-être de nos aînés.
Pour proposer une loi concrète qui améliore la vie des personnes âgées, nous devons débattre des questions cruciales du financement et de la gouvernance. Nous aurons ces discussions importantes ; la ministre s'y est engagée.
Enfin, je veux saluer, au nom du groupe Horizons, le travail accompli par les deux rapporteures et, plus largement, l'ensemble de la majorité présidentielle et tous les élus et acteurs qui se mobilisent pour faire avancer nos débats.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
La motion de rejet préalable présentée par nos collègues socialistes ne relevait ni de la démagogie ni du caprice. C'est une alerte que nous devons toutes et tous entendre. C'est un rappel des engagements pris par les ministres successifs et le Président de la République pour redonner, enfin, de la dignité aux personnes âgées et à celles et ceux qui prennent soin d'elles au quotidien.
Notre assemblée a elle-même pris acte de cette promesse en imposant au Gouvernement de présenter un projet de loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge et l'autonomie. Mais les promesses n'engagent que celles et ceux qui y croient…
Mesdames les rapporteures, madame la ministre, nous avons bien voulu vous faire confiance. Les professionnels du soin et de l'accompagnement, les personnes soignées et accompagnées y ont cru. Les députés de tous bords y ont cru, ou ont bien voulu y croire, y compris au sein de votre majorité. Depuis, toutes et tous, nous attendons.
Et nous ne cessons pas d'attendre, car l'intitulé de cette proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie est trompeur.
En effet, ce n'est pas la grande loi « grand âge et autonomie » qui nous a été tant promise. Le texte qui nous est présenté n'est même pas allé jusqu'au bout de son ambition puisque certaines avancées adoptées à l'Assemblée ont été restreintes ou supprimées par le Sénat – et parfois timidement rétablies en commission mixte paritaire.
L'obligation pour les Ehpad privés lucratifs de réserver une part de leurs bénéfices à l'amélioration des conditions de vie ? Supprimée. L'automatisation des sanctions à l'encontre des Ehpad qui ne se conformeraient pas aux injonctions – on parle ici de manquements graves à la qualité et à la sécurité des soins – des agences régionales de santé (ARS) ? Supprimée. La pérennisation de la fusion des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) et des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ? Supprimée également.
Nous reconnaissons qu'un certain nombre de propositions vont dans la bonne direction. Ce sont d'ailleurs certaines de ces avancées qui avaient conforté notre choix de voter pour le texte lors de son examen en première lecture.
Je mentionnerai l'instauration d'une conférence nationale de l'autonomie, chargée de définir les orientations et de débattre des moyens de la politique de prévention de la perte d'autonomie ; la création d'un service public territorial de l'autonomie, destiné à faciliter les démarches des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants et à garantir la coordination des différents acteurs impliqués ; le déploiement de groupements de coopération sociale ou médico-sociale, afin d'apporter une réponse de proximité aux besoins des personnes âgées ; la préservation des droits des personnes accompagnées, comme le droit de visite ; l'automatisation des signalements de maltraitance envers les personnes majeures en situation de vulnérabilité.
Oui, il y a des avancées, que le groupe Écolo – NUPES salue, mais où est le choc d'attractivité attendu en faveur des métiers du soin, de l'accompagnement et du lien ? Certes, le virage domiciliaire est enclenché, mais ne faut-il pas accélérer ? Nous légiférerons bientôt sur le droit à mourir dignement, mais qu'en est-il du droit à vieillir dignement ?
Ce droit aurait dû être consacré par une véritable loi sur le grand âge et l'autonomie.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Or il exige des moyens financiers. Nous devions déjà investir 6 milliards d'euros par an, puis 9 milliards d'euros à partir de 2030. Où sont-ils ? Vous ne pouvez pas nous les promettre, parce qu'ils ne sont pas compatibles avec votre logiciel, et vous le savez. Votre logiciel, c'est celui qui réclame une économie de 10 milliards d'euros sur les services publics ; c'est celui de Bercy, qui considère que tout ne peut pas être toujours gratuit, pour tout le monde.
De quoi parle-t-on, dès lors qu'aucun des PLFSS déposés par ce Gouvernement ne permettra d'investir dans le système de soin et d'accompagnement ? Avec cela, nous serons toujours en désaccord car, oui, nous n'avons ni la même vision du monde ni le même projet de société.
Quand des améliorations sont possibles, qu'elles vont dans le sens des attentes exprimées – en l'occurrence, par les personnes soignées, les personnes accompagnées et les professionnels – le groupe Écologiste ne s'oppose pas à un texte. Nous ne ferons donc pas obstacle à la proposition de loi mais, faute d'avoir obtenu des garanties suffisantes pour faire du bien vieillir une réalité, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Tout d'abord, je tiens à rectifier une erreur entendue plusieurs fois : il n'y a jamais eu d'unanimité sur ce texte puisque, depuis le départ, le groupe GDR a voté contre, considérant qu'on ne pouvait traiter la question du grand âge à moyens constants, et donc que ce texte n'était pas à la hauteur des besoins.
Dès 2030, plus d'un Français sur trois aura plus de 60 ans. En 2040, le nombre de personnes âgées très dépendantes, qui exigeront une prise en charge lourde, s'élèvera à 2,2 millions, contre 1,3 million aujourd'hui. Le reste à charge moyen en Ehpad est d'environ 1 900 euros ; 77 % des Ehpad publics sont en déficit, et c'est le cas de 92 % des Ehpad dans le secteur associatif. Le taux d'encadrement moyen est de six équivalents temps plein (ETP) pour dix résidents, quand il devrait être au minimum de huit ETP pour dix résidents, selon la Défenseure des droits. Voilà une partie du bilan du Gouvernement et du Président de la République s'agissant du grand âge.
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a limité la hausse des dépenses de la branche autonomie à 2,1 milliards d'euros. Dès lors, comment seront financés les 50 000 postes supplémentaires en Ehpad, d'abord promis pour 2027, puis repoussés à 2030 ?
Face à cette situation catastrophique et alarmante pour l'ensemble de nos concitoyens, la présente proposition de loi frise l'indécence.
Certes, elle comporte quelques mesures utiles, comme la création d'une carte professionnelle et l'instauration d'un soutien à la mobilité pour les travailleurs de l'aide à domicile, ou encore l'extension des droits des personnes accueillies en Ehpad. Mais d'autres dispositions tout aussi utiles ont malheureusement disparu au cours de la navette : c'est le cas de la mesure qui obligeait les Ehpad privés lucratifs à consacrer jusqu'à 10 % de leurs bénéfices à l'amélioration de l'hébergement des résidents, ou de celle qui imposait à tous les Ehpad de communiquer à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) le ratio du nombre d'encadrants rapporté au nombre de résidents. Cette proposition de loi, très peu ambitieuse à son origine, l'est encore moins à l'issue de la CMP.
Surtout, ce dont ont besoin les personnes vieillissantes et les professionnels qui en prennent soin, ce n'est pas de « diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie » – comme dans le titre, plus juste, donné par le Sénat. Ils ont besoin que ce gouvernement honore ses engagements, que la loi sur le grand âge, promise par Emmanuel Macron il y a bientôt six ans, soit discutée. Mais sans cesse ajournée, elle ne figure pas parmi les textes dont le Gouvernement prévoit l'inscription à l'ordre du jour prioritaire jusqu'à la fin de la session ordinaire. Faut-il en conclure, une bonne fois pour toutes, madame la ministre, que ce gouvernement ne présentera pas de projet de loi sur le grand âge ?
À défaut d'espérer un tel texte, nous voilà réduits à attendre une loi de programmation pluriannuelle. En novembre, la Première ministre, Élisabeth Borne, s'était engagée à ce qu'un tel texte soit présenté d'ici l'été, pour un examen et une adoption au cours du second semestre de 2024.
Mais le nouveau gouvernement n'a toujours pas confirmé ce calendrier. Et alors qu'il met en œuvre des mesures d'économies à hauteur de 10 milliards d'euros, annonce 20 milliards d'économies supplémentaires et remet en cause, frontalement, notre modèle de solidarité, nous sommes pour le moins sceptiques quant à ce qu'il adviendra de cette loi de programmation.
Il ne saurait s'agir, en matière de grand âge, d'abaisser nos exigences. Il faut un accompagnement de qualité pour tous, des conditions de travail dignes pour tous les professionnels du secteur, des moyens financiers à la hauteur des besoins des structures. Dans ce contexte, les députés communistes et ultramarins du groupe GDR voteront, une fois encore, contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.
Cela fait un an déjà que nous travaillons sur cette proposition de loi. Issue des rangs de la majorité, elle se composait initialement de quelques mesures positives concernant l'accompagnement de nos aînés, à domicile comme en établissement. Nous dénoncions alors, avec d'autres, le grand décalage entre ce texte et la promesse présidentielle, lancée en 2017, renouvelée avec force au lendemain de la crise sanitaire et réaffirmée en 2022 – c'était hier.
Il s'agissait de répondre enfin aux enjeux profonds soulevés par l'accompagnement des personnes âgées les plus dépendantes. Le Président de la République affirmait que notre pays allait se donner les moyens de ses ambitions en créant les conditions d'un vieillissement digne, à domicile comme en établissement. Il nous invitait à fixer les objectifs, et les moyens nécessaires à ce défi, au sein d'une grande loi sur le grand âge.
Les mois ont passé ; le texte restait bloqué, faute de garanties. Puis, à l'occasion d'un premier changement de gouvernement – et de ministre dédié –, nous avons exigé et obtenu l'engagement que ce texte, issu de la majorité, ne serait qu'un début, une étape, non une fin. La ministre en charge et la Première ministre se sont alors engagées à ce qu'une loi de programmation soit examinée avant la fin de l'année.
Notre groupe a donc accepté de prendre ce texte pour ce qu'il était : une proposition de loi qui apporte certaines réponses à des problèmes précis. Nous avions la parole du gouvernement que la loi sur le grand âge serait présentée rapidement, après tant d'attentes et de promesses pour les personnes âgées comme pour les professionnels.
Mais voilà qu'après un nouveau remaniement, cet engagement, pris il y a quelques semaines par une ministre, aujourd'hui titulaire d'un autre portefeuille, et une Première ministre, désormais députée, ne semble plus devoir être tenu par le nouveau gouvernement et le Président de la République lui-même.
Face à ce retournement, nous sommes nombreux à exprimer de la déception, de l'incompréhension, mais également de la colère. La parole donnée, surtout quand elle émane du plus haut sommet de l'État, doit être respectée ; elle est une parole d'honneur à laquelle on doit pouvoir se fier.
L'excuse d'un rejet par le Conseil d'État de l'article 2 bis B, qui contenait cet engagement, n'est pas un argument acceptable. Seule la volonté d'agir du Président et du Gouvernement, d'apporter ou non des solutions, est ici en cause. Un projet de loi suffirait.
La parole donnée n'étant pas honorée, cette proposition de loi, bien que porteuse de quelques mesures positives, se trouve vidée de sa promesse essentielle. Nous renouvelons donc notre appel à une grande loi qui permette à nos concitoyens de vieillir dignement, et à ceux qui les accompagnent de travailler dans de meilleures conditions.
Mon propos n'est pas de dire que rien n'a été fait. La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les 2,5 milliards d'euros qui lui ont été affectés par l'attribution d'une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) constituent un début solide. Cependant, nous ne sommes à la hauteur ni de l'enjeu ni de l'engagement. Et si la proposition de loi contient des mesures ponctuelles intéressantes pour nos aînés et les professionnels, elle souffre de la position du Gouvernement qui la considère comme un achèvement.
N'ayant pu obtenir, malgré nos multiples sollicitations, l'engagement du Gouvernement à présenter un projet de loi sur le grand âge, notre groupe s'abstiendra sur ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
La présente proposition de loi traite d'un enjeu central, au cœur des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens : la perte d'autonomie. De près ou de loin, en milieu rural ou urbain, chacun, sur ces bancs, a été confronté à l'histoire d'un parent, d'un voisin, d'un proche ou d'une simple connaissance qui, du jour au lendemain, a éprouvé le besoin qu'on lui tende la main.
Chacun d'entre nous peut se représenter ce qu'implique la dépendance. Qu'elle soit physique, mentale, émotionnelle ou sociale, elle implique d'abord une vulnérabilité dont il faut pouvoir s'accommoder, nécessite ensuite une adaptation à ce nouveau mode de vie contraint et exige enfin de la solidarité.
C'est cet élan de solidarité qu'il nous revient, en tant que législateurs, d'organiser à l'échelle de la société. Le mur démographique qui se dresse devant nous impose de penser, dès aujourd'hui, les besoins d'une société qui vieillit déjà, et continuera de vieillir. Selon l'Insee, les personnes âgées de plus de 65 ans représentaient 17 % de la population française en 2012 et 21 % en 2023 ; en 2030, leur part dans la population dépassera les 31 %.
Brouhaha.
Silence, je vous prie.
Face à ce constat, le choix de notre majorité est d'agir, sans attendre. Agir dans la continuité de l'action menée depuis 2017, dont le point d'orgue fut, en 2020, la création de la cinquième branche de la sécurité sociale ; agir dans la continuité des derniers PLFSS, qui ont marqué un soutien accru et continu aux métiers du grand âge.
Cette proposition de loi constitue une nouvelle étape, au sein d'une stratégie globale qui s'articule autour de trois piliers : prévenir, protéger, accompagner.
Tout d'abord, prévenir la perte d'autonomie et l'isolement. L'enjeu central d'une politique de prévention efficace est de mieux coordonner l'action des différentes structures et des différents agents, afin que le repérage précoce des fragilités soit systématisé. À cet égard, le texte crée un service public départemental de l'autonomie, pour les personnes âgées et handicapées, et pour les proches aidants. Ce guichet unique simplifiera le parcours de l'usager.
Ensuite, protéger nos aînés. Ce texte vise à leur garantir un meilleur accès aux droits et à en ouvrir de nouveaux, tels que l'instauration d'un droit de visite effectif pour les personnes hébergées en établissement – absolu pour les résidents en fin de vie, y compris durant une crise sanitaire. En renforçant le signalement des maltraitances, le texte entend poursuivre la dynamique de restauration du lien de confiance entre proches aidants et structures accueillantes.
Enfin, accompagner les professionnels. Leur tâche est une mission aussi noble qu'exigeante. Je tiens à saluer l'engagement quotidien d'un monde professionnel que je connais bien. La création d'une carte professionnelle est une juste reconnaissance de la spécificité de leurs métiers et le nouveau dispositif de soutien financier à la mobilité, inhérente à ces activités, constitue une avancée majeure.
J'entends les critiques formulées contre ce texte sur certains bancs, et le reproche du « trop peu » face à un défi stratégique pour la France, dans les années qui viennent. Cependant, le rôle d'un parti de gouvernement est d'avancer pour bâtir, même pas à pas, étape par étape. Face à un texte jugé parfois imparfait, mais qui comporte de réelles avancées, chacun se déterminera en fonction de sa vocation : bâtir ou s'opposer.
Considérant que cette proposition de loi constitue une étape majeure pour bâtir une société pleinement sensibilisée aux enjeux de la perte d'autonomie, le groupe Renaissance votera pour son adoption.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sur le texte de la commission mixte paritaire, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
La CMP est parvenue à un accord, mais permettez-moi de rappeler le contexte. Si ces vingt dernières années, la prise en charge de la perte d'autonomie a fait d'importants progrès dans les domaines scientifique, organisationnel et financier, notre pays comptera 21 millions de seniors de plus de 60 ans en 2030, 3 millions de plus qu'aujourd'hui. Permettre aux seniors de vivre en bonne santé est un défi d'une ampleur considérable.
Ce texte, à mille lieues des véritables problématiques du grand âge, ne répondra pas aux enjeux auxquels nous faisons face. Dès la première lecture, j'ai dénoncé le manque d'ambition et la pauvreté du contenu de cette proposition de loi qui, j'insiste, passe à côté d'innombrables sujets. De plus, nous attendons toujours la loi ambitieuse sur le grand âge, maintes fois promise par le Gouvernement.
La volonté politique du Gouvernement et de la majorité demeure donc insuffisante. Je crains même que la question du bien vieillir ne soit jetée aux oubliettes et remplacée par le texte relatif à la fin de vie, alors que l'aide à mourir, l'euthanasie et le suicide assisté ne constituent évidemment pas la bonne réponse à l'enjeu du vieillissement de la population.
N'oublions pas que 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile. Nous devons amplifier les mesures en faveur d'un véritable virage domiciliaire, améliorer les conditions d'hébergement en Ehpad, et répondre au besoin d'inclusion des personnes en situation de handicap.
Brouhaha.
Il faut un changement profond des méthodes d'accompagnement de la vieillesse, ainsi qu'un suivi de qualité, ce qui requiert des réformes d'envergure et des moyens renforcés.
Toutefois, le texte a le mérite de permettre quelques avancées. C'est particulièrement le cas des dispositions inscrites à l'article 3, qui consacre un droit de visite auquel nous tenons tant et qui était l'un des éléments phares du programme de notre candidate à la dernière élection présidentielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Chers collègues, veuillez laisser l'oratrice terminer son propos dans le silence.
Parmi les droits garantis à toutes les personnes prises en charge par les établissements sociaux et médico-sociaux, nous tenons absolument au droit opposable à la visite de proches, ainsi qu'au droit au maintien d'un lien social et à une vie familiale.
Rappelons qu'entre mai 2021 et janvier 2023, la Défenseure des droits a reçu 281 réclamations individuelles dénonçant des atteintes aux droits, ce qui confirme, pour reprendre ses mots, le « caractère systémique de la maltraitance au sein des Ehpad ». Le droit de visite apparaît donc d'autant plus essentiel, en ce qu'il permet le maintien des liens sociaux et familiaux.
Par ailleurs, je tiens à rappeler l'opposition du groupe Rassemblement national à l'article 9, qui dispense les petits-enfants et leurs descendants de fournir une aide pour l'hébergement. Alors que la solidarité familiale n'a jamais été aussi menacée et qu'il convient de renforcer la famille dans toutes ses dimensions, il nous paraît important de maintenir l'obligation alimentaire, prévue à l'article 205 du code civil, qui consiste à aider matériellement un membre de sa famille qui se trouve dans le besoin. De fait, l'article 9 ouvre la voie à la disparition de toutes les obligations liant les membres d'une famille entre eux.
Je tiens également à préciser que nous sommes favorables à l'instauration d'un droit opposable, pour les résidents des Ehpad, à l'accueil d'animaux domestiques, source de réconfort.
Le brouhaha s'amplifie.
Chers collègues, veuillez laisser la dernière oratrice de la discussion générale terminer son propos dans le calme.
Il convient néanmoins de rester vigilant sur l'application de ce droit, car la présence d'animaux peut emporter des conséquences, chaque établissement devant pouvoir décider de sa propre organisation.
Il est grand temps, également, de réfléchir à l'instauration d'un taux d'encadrement minimal des résidents dans chaque Ehpad, et d'augmenter le nombre de contrôles les concernant.
Brouhaha.
Il conviendrait à cet égard d'accorder aux parlementaires un droit de visite permanent des Ehpad et des établissements habilités au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), afin qu'ils puissent demander des comptes et signaler des manquements à la dignité humaine ou aux droits de la personne. Mon groupe, à l'initiative de Laure Lavalette, a déposé une proposition de loi en ce sens en novembre 2022.
Autre élément : dans un contexte d'inflation et de baisse du pouvoir d'achat, il est indispensable d'augmenter le montant des indemnités kilométriques des professionnels de l'aide à domicile.
Brouhaha continu.
Si ce bruit de fond, qui couvre la voix des orateurs, persiste, je suspendrai la séance. Si vous souhaitez faire traîner les choses, continuez ainsi !
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Le niveau sonore est insupportable, pour tous les orateurs ; je vous demande donc de revenir au calme ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
ou de sortir pour poursuivre vos discussions.
Madame Dogor-Such, veuillez conclure.
Il suffit de regarder le déficit de la sécurité sociale pour se convaincre que ce manque permanent d'anticipation sur l'évolution de la démographie française est inacceptable, et ce d'autant plus que le texte qui nous est soumis ce soir prévoyait initialement cette disposition, finalement supprimée.
Parce qu'il est de notre devoir de soutenir nos aînés et parce qu'elle contient les quelques mesures que j'ai évoquées, mon groupe votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
Chers collègues, j'y reviens : si vous entrez dans l'hémicycle, c'est pour écouter les orateurs, quels qu'ils soient, et si cela ne vous convient pas, vous pouvez sortir.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Si vous souhaitez mener des conversations privées, veuillez le faire à l'extérieur de l'hémicycle. Ici, on écoute les orateurs : c'est ainsi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission mixte paritaire, que nous écoutons donc dans le silence.
Après des mois de travail, nous arrivons, chers collègues, à l'aboutissement de cette proposition de loi. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une « proposition de loi » car, comme tous les textes de ce type, celui-ci ne peut à lui seul traiter l'ensemble des problématiques du sujet qu'il aborde.
Mme Caroline Fiat s'exclame.
L'ampleur de la question du grand âge est d'ailleurs considérable. Les enjeux sont sociaux, sanitaires, médico-sociaux et ont trait aussi bien à l'adaptation des cités et des logements, à la formation, qu'à l'attractivité des métiers. J'y insiste : qui, sur ces bancs, pourrait prétendre qu'une proposition de loi pourrait englober tous ces éléments ?
C'est donc bien sur une proposition de loi sur laquelle nous nous apprêtons à nous prononcer. Il ne s'agit pas d'un projet de loi plus important, mais ce texte comporte des mesures concrètes et pragmatiques qui seront immédiatement utiles.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous ne parlez même pas de la loi de programmation alors que vous en aviez fait approuver le principe par un amendement !
J'ajoute qu'au-delà de ce vote, nous continuerons de travailler ensemble. Les sujets sont vastes et d'autres véhicules législatifs nous permettront d'avancer plus avant.
Mme Caroline Fiat s'exclame.
Dans cette attente, l'adoption de ce texte nous ferait franchir un pas supplémentaire en faveur de nos aînés. Chers collègues, je compte sur un vote responsable de votre part en leur faveur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
La parole est à Mme Laurence Cristol, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Ce soir, après dix-huit mois d'examen de cette proposition de loi, nous avons l'occasion de montrer combien nous soutenons les professionnels de santé ,…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
…qui attendent le fameux guichet unique – il nous permettra de simplifier la vie de nos aînés –, qui attendent l'élaboration d'une stratégie de prévention de la perte d'autonomie, qui attendent le soutien des aides à domicile.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
N'oublions donc ni les professionnels, ni les personnes âgées, ni leurs aidants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, et je souhaite que nous l'écoutions dans le calme. Des amendements doivent être examinés, aussi aurez-vous l'occasion de vous exprimer.
Tout d'abord, je souscris pleinement aux propos de Mmes les rapporteures, sur lesquels je ne reviendrai pas.
Ensuite, je remercie les différents orateurs pour leurs interrogations. N'étant pas du genre à me défiler, j'essaierai d'y répondre, en commençant par celles de M. Guedj.
S'agissant de l'estimation du coût budgétaire de cette proposition de loi, elle s'élève à 500 millions d'euros, tous financeurs confondus.
Vous le voyez donc, monsieur Guedj, l'État est au rendez-vous et continue d'investir dans le grand âge : il n'y a absolument aucun désengagement de notre part.
En ce qui concerne le pilotage, le texte, que vous avez voté en première lecture, prévoit la création de la Conférence nationale de l'autonomie. Pensée sur le modèle de la Conférence nationale du handicap, elle nous permettra de réunir les acteurs concernés en vue de définir les grandes orientations.
Comme vous, je souscris pleinement à la nécessité de nous appuyer sur une approche interministérielle sur de nombreux sujets, tels que l'accessibilité, le logement ou encore le transport ; c'est-à-dire sur ce qui a trait au quotidien des personnes âgées.
Quant aux suites à donner à ce texte, je me suis exprimée, monsieur Guedj.
Mais si ! J'ai dit que je voulais travailler avec vous, afin que nous travaillions ensemble sur la question de la gouvernance, ou encore sur celle du développement de l'habitat intermédiaire, qui est attendu par nos concitoyens.
Et je veux travailler avec vous – ce qui vous concerne aussi, monsieur Guedj – sur la question du financement, qui est le nerf de la guerre. J'ai dit tout cela cet après-midi.
M. Peytavie a aussi évoqué un désengagement de l'État. Je répète que ce n'est absolument pas le cas.
Les chiffres étant vite oubliés – c'est la politique du zapping –, je les rappelle : entre 2022 et 2027, nous augmenterons de 5,2 milliards d'euros les ressources de la branche autonomie.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Celles-ci passeront ainsi de 17,5 milliards à 22,7 milliards d'euros. Il n'y a donc bien aucun désengagement de l'État : nous sommes au rendez-vous !
Mme Sandra Marsaud applaudit.
Vous avez d'ailleurs voté cette augmentation, je me permets de le dire.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est vrai ! Les membres de La France insoumise n'ont peut-être pas voté cette mesure !
Mêmes mouvements.
Chers collègues, je vous prie de laisser Mme la ministre conclure son intervention. Dans le cas contraire, je suspendrai la séance et nous voterons un peu plus tard.
Vous n'avez donc pas voté l'augmentation des crédits alloués à la branche autonomie, ce qui est dommage pour les personnes âgées.
Mêmes mouvements.
Vous l'assumez, dont acte. Pour ma part, je m'engage à sanctuariser ce qui a été voté.
En définitive, je compte sur vous pour voter cette proposition de loi, qui présente toute de même de belles avancées pour les personnes âgées.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, sur quelques bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.
L'amendement n° 1 de Mme Laurence Cristol, rapporteure, est un amendement de coordination.
L'amendement n° 1 , accepté par le Gouvernement, modifiant l'article 1er bis A, est adopté.
L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, modifiant l'article 12 quater, est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 273
Nombre de suffrages exprimés 228
Majorité absolue 115
Pour l'adoption 177
Contre 51
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
Je me réjouis vraiment de ce vote ,
« Libérez-vous ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
qui concrétise un travail parlementaire que je respecte, qui a duré un an et demi et qui comporte de très belles avancées pour les personnes âgées. Nous devons être au rendez-vous pour nos aînés.
MM. Benjamin Lucas et Maxime Minot s'exclament.
Je salue le travail des rapporteures, Mmes Laurence Cristol et Annie Vidal, qui se sont énormément investies.
Je note
la ministre déléguée se trouve vers les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES
que vous n'avez pas voté et que vous assumez donc votre désengagement !
Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et nous en sommes fiers ! Nous en sommes fiers ! Cela fait sept ans que nous travaillons sur ce sujet !
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes (n° 2308, 2333). Avant la présentation, pour oxygéner vos neurones, je vous propose de suspendre la séance pour cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.
Vingt-trois ans après l'adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dite About-Picard, l'organisation et la réponse pénale de L'État ne sont plus adaptées aux phénomènes nouveaux des dérives sectaires.
Il est donc impératif de renforcer notre arsenal juridique pour protéger les victimes face à ces phénomènes. C'est la raison de ma présence devant vous – et la raison de votre présence. La mobilisation de tous…
…est essentielle pour lutter contre toutes les formes de dérives sectaires. Le vote final de ce texte aura un impact fondamental pour adapter notre droit et, avec détermination, continuer le combat pour prévenir, punir et venir en aide aux victimes des mouvements sectaires.
C'est le sens de la stratégie nationale pluriannuelle de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027, qui décline treize objectifs et quarante mesures opérationnelles, parmi lesquelles le projet de loi dont nous discutons ce soir.
Je l'affirme avec clarté,…
Très drôle… C'est ma conviction profonde et l'esprit de ce projet de loi : l'État ne lutte pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen protège et garantit la liberté de conscience. Nous y sommes profondément attachés. C'est pourquoi nous avons collectivement travaillé à renforcer les garanties constitutionnelles de ce texte.
M. René Pilato s'exclame.
Mais l'État se doit de protéger ses citoyens contre les dérives sectaires, un fléau pour notre cohésion sociale et dont les pratiques dangereuses font des milliers de victimes chaque année – un fléau en constante évolution.
Illustrons ce propos : dans son dernier rapport, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudothérapeutes contre des pathologies cancéreuses – comme des injections de gui ou encore des interruptions de soins de médecine conventionnelle qui peuvent être particulièrement dangereuses. Voilà ce à quoi nos familles, nos enfants, nos grands-parents ou même nos amis peuvent être exposés. Face à ces charlatans, dont les méthodes d'embrigadement évoluent sans cesse, nous ne pouvons laisser les victimes et leurs proches seuls, livrés à eux-mêmes. Notre devoir est de les protéger ; tel est le rôle du législateur.
M. Benjamin Lucas s'exclame.
De nouvelles grandes tendances caractérisent les dérives sectaires et le phénomène est en expansion. Les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010 ; les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru les vulnérabilités de certains de nos concitoyens. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Le phénomène profite du développement des réseaux sociaux. Le gourou 2.0 est une tendance en constante expansion qui fédère de véritables communautés d'adeptes en ligne – et je ne parle pas des sphères complotistes qui prolifèrent, elles aussi, sur internet. Il est nécessaire d'en finir avec ces théories dangereuses qui ont déjà tué.
La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027 est le fruit d'un travail de concertation d'une ampleur inédite. Elle se structure autour de trois axes : un premier dédié à la prévention des risques de dérives sectaires ; un deuxième centré sur un meilleur accompagnement de proximité des victimes ; un troisième consacré au renforcement de l'arsenal juridique, dont le projet de loi constitue la mesure phare.
Contrairement à ce qui a été affirmé en commission, si ce projet de loi prévoit un renforcement de notre arsenal pénal, il n'est aucunement question d'abandonner la prévention et l'accompagnement des victimes.
Cette prévention doit être au cœur de nos politiques publiques et j'en ai fait un des maîtres mots de ma feuille de route. Elle est le versant nécessaire de la bonne application du texte dont nous discutons.
C'est pourquoi les effectifs de la Miviludes ont doublé ces dernières années afin d'assurer un soutien accru de l'État aux associations d'accompagnement des victimes, dont je tiens à saluer l'engagement. En outre, vous l'aurez constaté, nous avons lancé au début du mois une vaste campagne de communication et de sensibilisation du grand public. J'ai souhaité qu'elle vise directement les problématiques du quotidien des Français et expose les facteurs de vulnérabilité que des individus malveillants pourraient exploiter – comme la santé, la fortune, l'éducation ou l'éveil spirituel. Nous sommes déterminés à agir sur tous les terrains.
Ce projet de loi vise à réformer en profondeur notre dispositif juridique de lutte contre les dérives sectaires. Il aura des effets importants tant sur la répression des auteurs que sur l'indemnisation et l'accompagnement des victimes.
Le Gouvernement propose notamment la création de deux nouveaux délits : à l'article 1er , le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l'article 4, la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ou à l'adoption de pratiques qui exposent manifestement la personne visée à un risque grave pour sa santé.
On ne le répétera jamais assez : la santé est devenue un enjeu majeur dans la lutte contre les dérives sectaires. Elle fait l'objet de 25 % des signalements à la Miviludes. Ce nouveau délit nous permettra – c'est essentiel – de répondre à la prolifération de pratiques dangereuses.
Je sais que vous partagez mon constat, mais cela n'a pas empêché que les discussions soient particulièrement animées au sein de cet hémicycle lors de la première lecture. Les enjeux que je viens d'évoquer – de protection de la santé des Français – sont importants et nous avons donc, collectivement, travaillé à une nouvelle rédaction en première lecture.
En l'état, l'article 4 garantit explicitement la liberté de conscience en son alinéa 4 et la liberté de critique médicale en son alinéa 6. Sont par ailleurs exclus de son champ d'application les discours occasionnels – dans le cadre familial par exemple –, ainsi que les propos des lanceurs d'alerte.
Cette rédaction transpartisane apporte l'ensemble des garanties demandées par les deux chambres. Je déplore donc qu'une partie de cet hémicycle s'oppose encore à l'adoption de cet article.
Pour nos concitoyens, pour les familles qui ont vécu des drames et afin d'en éviter d'autres, sortons des postures politiques et prenons conscience de l'urgence qu'il y a à voter ce texte.
En cohérence avec la création d'un nouveau délit d'assujettissement psychologique et physique, prévue à l'article 1er du projet de loi, nous avons proposé qu'une circonstance aggravante soit instaurée pour plusieurs crimes et délits – meurtres, actes de torture et de barbarie, violences ou encore faits d'escroquerie –, commis dans un environnement sectaire. Cette mesure doit permettre d'adapter la réponse pénale au phénomène sectaire en tenant compte de la gravité de ces méthodes d'emprise.
Nous souhaitons aussi renforcer l'accompagnement des victimes. Dans des conditions particulièrement strictes, définies par décret, et après avis du ministère public, l'État dressera la liste des associations agréées. Cette procédure permettra de vérifier la solidité et la fiabilité des associations.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit l'obligation de transmettre toute condamnation ou décision de contrôle judiciaire aux ordres professionnels de santé, ce qui facilitera la prise de sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens déviants.
L'information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires sera améliorée en y associant davantage les services de l'État. Ces services d'experts pourront fournir aux juridictions judiciaires et aux parquets qui les sollicitent des informations susceptibles de les éclairer.
Je souhaite à présent vous parler des objectifs de la création d'un nouveau délit d'assujettissement psychologique ou physique. Nous souhaitons agir en amont de l'abus de faiblesse, en sanctionnant le fait même d'assujettir une personne par des « pressions graves, ou réitérées, ou de techniques propres à altérer le jugement », déjà mentionnées par le code pénal.
Ce nouveau délit permettra d'enrayer la mécanique néfaste de l'embrigadement sectaire – celle qui détruit la personnalité, coupe de l'environnement familial et ruine la santé. Cette mécanique est la porte ouverte à tous les abus.
Nous visons là deux objectifs. Il s'agit de pallier les insuffisances d'un cadre juridique qui n'est plus à même d'appréhender les nouvelles formes de dérives sectaires. Il s'agit aussi d'améliorer l'indemnisation des victimes en prenant mieux en compte le préjudice corporel qui résulte de l'altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire.
En l'état actuel du droit, les tribunaux prononcent de manière aléatoire la réparation de ce préjudice. Les victimes sont parfois découragées par les difficultés du combat judiciaire. Cette situation n'est pas acceptable : les victimes doivent être mieux protégées et indemnisées. C'est l'ambition de l'article 1er du projet de loi.
Madame la rapporteure, nous vous sommes reconnaissants pour votre engagement constant en faveur des victimes de dérives sectaires.
Votre expertise sur le sujet a été un atout lors de la construction de ce projet de loi et des discussions qui ont suivi.
Vous savez combien je suis attachée au travail parlementaire ; je salue les évolutions qui complètent utilement les propositions du Gouvernement. Je me réjouis qu'elles s'inscrivent dans une volonté commune de renforcer la lutte contre les dérives sectaires et de mieux protéger les victimes.
J'ai aujourd'hui toute confiance dans la mobilisation de cette assemblée pour continuer à défendre les victimes des dérives sectaires à l'occasion de cette nouvelle lecture.
J'ai une pensée pour l'ensemble des associations spécialisées, qui agissent au quotidien pour venir en aide aux victimes et à leurs familles ; leur action est cruciale. Je vous le dis avec gravité : elles ont besoin de ce texte pour aider les victimes, toujours plus nombreuses, à sortir de ces spirales néfastes. Elles ont besoin de nous pour en finir avec ce fléau qui menace nos compatriotes.
Aujourd'hui, c'est avant tout à elles et aux victimes que nous devons penser. Répondons présents, dépassons nos clivages et nos divisions pour nous rassembler autour d'une cause commune : la défense et l'accompagnement des victimes.
C'est ce qui me tient le plus à cœur et m'incite à continuer le combat.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Si nous sommes à nouveau réunis ce soir pour examiner le projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires, c'est que la commission mixte paritaire (CMP) n'a pas été conclusive. Nous aurions évidemment préféré que ce texte soit adopté à l'issue de la première lecture.
Force est de constater que les positions de chaque chambre étaient trop éloignées pour qu'un compromis soit trouvé, ou même envisagé.
J'avais fait de l'article 1er , qui crée un délit autonome de sujétion, et de l'article 4, qui sanctionne la provocation à l'abandon de soins, des lignes rouges. Je ne pouvais pas renier mes convictions et mettre à mal tous les efforts entrepris depuis six ans pour défendre les victimes en cherchant un accord à tout prix et en bradant le texte – je n'ai pu m'y résoudre, c'était impossible !
La lutte contre les dérives sectaires est en effet un combat que je mène depuis mon premier mandat. Dès 2018, alertée par le Centre national d'accompagnement familial face à l'emprise sectaire (Caffes) de Lille, je me suis intéressée de près à ce phénomène ;…
…j'ai écouté les victimes et leurs familles anéanties, entendu leur détresse, et perçu le besoin d'agir et de légiférer.
Ce combat, je l'ai d'abord mené avec les ministres Marlène Schiappa, puis Sonia Backès – à l'initiative des assises nationales de lutte contre les dérives sectaires – et enfin, avec pugnacité, à vos côtés, madame la ministre – chère Sabrina. Je vous remercie chaleureusement.
C'est au plus près du terrain que ma conviction s'est forgée et que j'ai pu mesurer l'immensité de ce défi.
Le constat est limpide : nous ne sommes pas suffisamment armés pour faire face aux dérives sectaires et aux nouveaux canaux qu'elles peuvent emprunter – sur les réseaux sociaux, à l'école, au sein de nos hôpitaux, sans oublier le business du bien-être. Ce sont nos lieux de vie et de sociabilité qui sont menacés.
J'ai la conviction profonde qu'en adoptant ce projet de loi, nous éviterons des drames et protégerons la vie de milliers de Français. N'est-ce pas là l'une des missions dévolues aux parlementaires que nous sommes ?
Aujourd'hui, l'heure est venue de prendre nos responsabilités.
Ce texte, dont les ambitions sont multiples, renforce notre arsenal juridique en permettant à nos magistrats de mieux caractériser et sanctionner l'infraction à caractère sectaire – car on ne rend pas justice sans savoir de quoi l'on parle.
Au-delà de l'article 4, qui a polarisé les débats,…
…rappelons les autres avancées essentielles de ce projet de loi : l'agrément pour les associations, qui leur permet de se constituer partie civile ; la transmission, par le parquet, des condamnations aux ordres professionnels ; la circonstance aggravante si les faits de sujétion sont commis en ligne ; les peines complémentaires de suspension et de bannissement pour exercice illégal de la médecine en ligne introduites par les sénateurs ; l'extension du délai de prescription, porté à dix ans à compter de la majorité. C'est sur l'ensemble de ces dispositions que nous aurons à nous prononcer.
Disons-le clairement, notre droit commun est insuffisant. Les délits d'abus de faiblesse, de pratique illégale de la médecine, de provocation au suicide, ou encore de mise en danger de la vie d'autrui ne permettent pas de punir les gourous à la hauteur des souffrances qu'ils engendrent.
Pour preuve, je ne donnerai qu'un seul chiffre, qui interpelle et questionne : 4 000 signalements reçus chaque année par la Miviludes, 15 condamnations. J'entends les critiques, en particulier sur le recueil des signalements, et j'en prends acte. Mais quand bien même il n'y aurait que 400 signalements pour 15 condamnations, le taux de sanction ne serait que de 3,75 % : dans quels autres domaines accepterions-nous de tels chiffres ?
Certainement pas pour les vols, le trafic de drogue, ou les violences intrafamiliales ! Pourquoi les acceptons-nous pour les dérives sectaires ?
Aujourd'hui, on juge partiellement, sans pouvoir rattacher une situation sectaire à un délit spécifique, tout simplement car un tel délit n'existe pas encore. Les gourous s'en sortent donc avec des amendes ou du sursis, et poursuivent à bas bruit leur entreprise macabre.
Au-delà des avancées législatives, ce projet de loi doit être un outil de sensibilisation auprès du grand public. Nous sommes les lanceurs d'alerte !
Ce texte n'a évidemment pas la prétention de tout résoudre. Il constitue cependant une étape cruciale puisqu'il place la lutte contre l'emprise sectaire au cœur de l'agenda politique – enfin, et pour de bon ! Trop souvent calfeutré, étouffé dans l'intimité familiale, ce sujet intègre désormais la sphère publique.
Nous pouvons mettre fin à l'impunité des gourous, à la honte des victimes et à leur sentiment de culpabilité ! Nous avons pour ambition de libérer la parole et de permettre à chacun d'être entendu. Je salue les victimes qui seront présentes demain, ici, en tribune. Pour elles, notre vote est synonyme d'espoir.
Je déplore que certains ne prennent pas encore conscience de l'ampleur du fléau. Pire, ils distillent de fausses informations, nourries d'approximations et de raccourcis fumeux, qui portent en particulier sur le fameux article 4. On m'accuse de tous les maux – de saper la liberté d'expression, de bâillonner la liberté scientifique et de mettre à mal la liberté de chacun de croire ou de ne pas croire. Ces accusateurs ont-ils seulement lu le texte ?
« Voici notre loi, lisez-la, et vous verrez qu'elle est faite de liberté, de franchise et de loyauté » : ces mots furent prononcés par Aristide Briand lors du débat sur la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
Comme un clin d'œil, ils résonnent avec le texte que nous examinons ce soir, fidèles à notre promesse républicaine.
C'est pourtant simple : nous créons un délit de provocation à l'abandon de soins lorsqu'elle entraîne une perte de chance et a des conséquences particulièrement graves sur la santé. Nous sanctionnons également les charlatans qui poussent nos concitoyens à suivre un traitement dangereux.
Naturellement, l'article 4 est encadré et borné par des critères stricts : le traitement proposé doit être présenté comme bénéfique pour la santé ; les pressions et manœuvres doivent être réitérées ; les chances de guérison du malade doivent être avérées ; l'intentionnalité du délit doit être appréciée par le juge.
Cet article a d'ailleurs fait l'objet d'une réécriture dans un esprit transpartisan – ce qui prouve qu'il n'est pas maudit, mais attendu !
Dernière obsession en date, ce texte viendrait entraver l'action des lanceurs d'alerte.
Soyons un peu sérieux : Irène Frachon, dont il a beaucoup été question, a-t-elle demandé à des patients d'abandonner leur traitement pour le remplacer par du jus de carotte ? Leur a-t-elle assuré que leur cancer disparaîtrait s'ils mangeaient de la viande crue ? Non, évidemment, mais certains d'entre vous utilisent encore et toujours cet argument fallacieux. L'opposition systématique a des limites et la lutte contre les dérives sectaires mérite mieux.
L'article 4 est essentiel car il est protecteur : il protège nos concitoyens fragiles, qui pourraient tomber sous l'emprise de pseudo-thérapeutes, et se retrouver pris au piège d'un discours unique, fumeux et dangereux. Il protège aussi le corps médical, et plus largement tous ceux qui respectent la loi et appellent de leurs vœux un cadre clair. Il permet de distinguer ce qui relève du délit de ce qui est autorisé. Il s'agit, en fin de compte, d'un enjeu de santé publique.
À l'heure où la vérité scientifique est plus que jamais menacée, l'article 4 est un rempart dressé contre un monde où tout se vaut et où les faits sont manipulés, constamment remis en question. Dans sa rédaction finale, il protège toutes les croyances et respecte pleinement les principes de notre État de droit.
Ce texte est un soulagement pour ceux qui ont appartenu à un groupe sectaire ou se sont trouvés sous la coupe d'un gourou. Il représente un espoir pour ceux qui sont aujourd'hui sous emprise. C'est un gage de sécurité pour ceux qui, demain, auront besoin de ce texte pour, avec l'aide des associations, faire valoir leurs droits et obtenir une juste réparation. Nous ne pouvons pas nous dérober.
Mes chers collègues, je souhaite que ce débat porte sur le texte à l'exclusion de toute autre chose, loin des outrances passées.
Le débat doit être constructif et apaisé : nous le devons aux victimes et à leurs familles.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous examinons un texte censé lutter contre les dérives sectaires. Vérifions donc sa portée : empêcherait-il le président Macron de recevoir le scientologue Tom Cruise à l'Élysée ? Non. Bloquerait-il la construction du nouveau quartier général de la scientologie à Saint-Denis ou celle de nouveaux bâtiments de la Famille missionnaire de Notre-Dame en Ardèche ?
« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
Non. Limiterait-il les baptêmes organisés par Marine Le Pen au sein de la Fraternité Pie X ?
Mêmes mouvements
Non. Permettra-t-il la restitution de l'argent perçu par Jean-Marie Le Pen en raison de ses accointances avec la secte Moon ?
Mêmes mouvements
Alors, quel est l'objectif de ce projet de loi ? Piétiner, suivant la procédure accélérée, tout le travail accompli depuis les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, il y a tout juste un an. À cette occasion, les experts avaient expliqué qu'il est nécessaire d'accompagner les victimes, de déconstruire le discours d'emprise, d'équiper les services de contrôle en ligne et de renforcer la Miviludes.
Madame la ministre vient de nous annoncer avoir doublé le nombre de postes de la Miviludes ; certes, mais il avait été divisé par deux juste avant ! Vous n'avez donc rien fait de nouveau.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les experts avaient également estimé qu'il fallait consolider les partenariats européens ; à cet égard, il vaut mieux voter pour la liste de l'Union populaire aux prochaines élections européennes, vous serez sûrs d'élire des gens qui ont envie de se battre contre des sectes en Europe !
Mêmes mouvements.
Qu'avez-vous retenu de toutes les préconisations des experts ? Rien, ou si peu : des peines, des sanctions, des amendes. Ce texte vise uniquement à aggraver les sanctions contre les gourous, comme si ces derniers consultaient le code pénal avant d'exercer une emprise sur une personne tierce !
Cela dit, nous pourrions voter un texte qui ne sert à rien : ce ne serait pas la première fois.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais pour une raison inconnue, vous avez déclenché la procédure accélérée – y avait-il une urgence ? Pas du tout –, qui vous a conduits à rédiger n'importe comment des dispositions exclusivement répressives, en inventant des peines dont la hiérarchie n'a aucun sens et qui redoublent des sanctions déjà existantes. Cela explique le rejet du Conseil d'État et du Sénat, que nous allons répéter ce soir.
En outre, l'article 3 présente un recul pour les victimes : il retire aux associations d'utilité publique le droit de se porter partie civile dans les procès pour dérive sectaire, pour le transférer à des associations qui auront obtenu un agrément. Pourquoi est-ce dangereux ? Tout d'abord parce que les associations agréées seront choisies par le ministère, c'est-à-dire par la majorité politique du moment – tout est dans le choix du mot agréer : comme le Port-Salut, c'est écrit dessus. Collègues, vous n'êtes pas éternels – personne ne l'est : si demain des sarkozystes, voire l'extrême droite, arrivaient au pouvoir, je crains le pire quant aux associations qui seraient alors agréées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est également dangereux parce qu'une relation d'emprise ne se rompt pas à coups de code pénal ; elle se détricote petit à petit, grâce à l'accompagnement des victimes, grâce au rétablissement du doute méthodique dans leur conscience, avec le soutien et l'investissement des organismes publics – tous les experts le disent. D'où nos recommandations et nos amendements visant à renforcer les prérogatives et les moyens de la Miviludes, ainsi qu'à systématiser un conventionnement avec les agences régionales de santé (ARS), permettant de faire remonter les alertes et de les traiter directement. L'adoption de ces amendements conférerait son efficacité à un texte inefficace : vous devriez nous remercier.
Seules quelques associations spécialisées savent engager le processus d'accompagnement des victimes et sont capables de soutenir ces dernières tout au long d'un procès, malgré la violence que constitue le fait de porter devant la justice les abus, l'emprise et les différentes formes de suggestion exercés à leur encontre. Celles que vous choisiriez par sympathie politique ne le sauront pas.
Je vous invite à prendre connaissance des procès contre Raël : il existe toute une littérature scientifique à ce sujet – et même un documentaire sur Netflix, si vous voulez gagner du temps. Une bonne partie des victimes se rétracte au cours des procès, faute d'un accompagnement suffisant. C'est ce qui nous menace demain avec cette espèce de kermesse aux agréments que vous mijotez, à la place d'associations stables, sûres et pérennes, grâce à la reconnaissance d'utilité publique.
D'une part, vous créez des sanctions pénales ; de l'autre, vous mettez en danger le processus pénal.
Une autre voie était possible : soutenir toutes les associations dans l'obtention de la reconnaissance d'utilité publique, afin notamment qu'elles disposent de suffisamment de personnel. Tel est le sens de nos amendements visant à mener des campagnes de prévention et de sensibilisation, que vous voterez, je l'espère.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais la question la plus centrale n'est pas posée : depuis un siècle, comment sommes-nous parvenus à faire reculer les sectes ? Grâce aux livres, à la science et à l'intelligence collective, plutôt que grâce à la matraque. Mettez de l'argent dans les écoles, dans la littérature scientifique et dans la santé publique !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous doterez ainsi les consciences de la force dont elles ont besoin pour tracer leur route loin des gourous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les dérives sectaires sont un fléau qui a gagné tous nos territoires et ne cesse de progresser. Nous avons tous à l'esprit les gens qui font du porte à porte pour vendre des marchandises, voire des idées plus ou moins farfelues, tout en tentant de nous mettre sous leur coupe. Désormais, le danger sectaire s'invite sur nos téléphones, nos réseaux sociaux, nos écrans ; bref dans bon nombre d'aspects de notre vie quotidienne.
Nous devons donc être vigilants, pour protéger nos concitoyens. La Miviludes ayant démontré son utilité dans la lutte contre les dérives sectaires, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires se réjouit de la consécration de son rôle et de ses fonctions. En première lecture, des amendements de notre collègue Béatrice Descamps ont permis de préserver son caractère interministériel et de renforcer ses liens avec le secteur associatif. Alors que par le passé, des rumeurs de dissolution, puis son rattachement au ministère de l'intérieur ont suscité des inquiétudes, cette consécration est la bienvenue.
Notre groupe salue également la volonté de mieux impliquer les associations, en ouvrant à toutes les associations agréées la possibilité de se constituer partie civile. Cependant, nous défendons un amendement visant à donner cette possibilité aux deux régimes : aux associations d'utilité publique comme aux associations agréées.
J'en viens au volet le plus sensible du texte : le renforcement de la réponse pénale. En dépit des réserves du Sénat, notre groupe comprend l'intérêt de l'article 1er , qui cible spécifiquement l'état de sujétion, indépendamment de tout abus. Ce délit autonome permettra surtout d'assurer de meilleures indemnisations et compensations des victimes ; nous y sommes favorables.
Notre position est nettement plus réservée s'agissant de l'article 4 qui vise à réprimer la provocation à l'abstention ou à l'abandon de soins, voire à des pratiques à risques. Il y a tout d'abord un problème de méthode, madame la ministre : vous avez d'abord annoncé à la presse le rétablissement de cet article, qui avait été supprimé, par le biais d'une seconde délibération. Cet article avait été battu en brèche, si je puis dire, par le Conseil d'État.
Madame la rapporteure, je n'ai guère apprécié votre discours consistant à faire de nous des irresponsables.
J'attends plus d'humilité et moins de provocation de la part du rapporteur d'un texte de loi. Informer la presse avant la représentation nationale n'est pas acceptable. Il est regrettable de songer que si l'on avait maintenu la suppression de cet article, la commission mixte paritaire aurait pu être conclusive, rendant l'application du texte plus rapide.
Je reconnais toutefois que la rédaction de l'article est plus équilibrée que le texte initial, même si elle soulève toujours des difficultés et des interrogations. Notre rôle de législateur consiste précisément à identifier ces problèmes et à leur prêter attention. Notre groupe considère que l'arsenal pénal actuel est suffisant ; tel est du reste l'avis du Conseil d'État. Par ailleurs, notre groupe s'interroge sur l'effectivité de la protection des lanceurs d'alerte. L'article 4 prévoit également que l'infraction n'est plus constituée si la provocation s'accompagne d'une « information claire et complète ». Je crains qu'il ne soit guère facile d'en juger. En tout état de cause, au-delà des réserves relatives à l'article 4, la majorité du groupe LIOT votera le texte.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Le présent projet de loi entend répondre à la hausse préoccupante des dérives sectaires, en particulier thérapeutiques. En 2021, le nombre de saisines de la Miviludes a augmenté de 86 % par rapport à 2015 ; un quart environ de ces saisines étaient en lien avec la santé.
Depuis une dizaine d'années, ces dérives thérapeutiques ont évolué : on y retrouve une multitude de groupes ou d'individus qui investissent en particulier les domaines de la santé, de l'alimentation et du bien-être, mais aussi le développement personnel, le coaching et la formation. Comme je l'ai rappelé tout au long de l'examen de ce texte, la crise sanitaire a été un terreau fertile pour les dérives sectaires. Nous avons vu émerger sur le web des « gourous 2.0 », de nouveaux maîtres à penser autoproclamés, agissant en ligne et mettant à profit la viralité des réseaux sociaux pour fédérer autour d'eux de véritables communautés.
Néanmoins, je tiens à rappeler que la lutte contre les dérives sectaires ne doit en aucun cas stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles ni la recherche du bien-être, encore moins entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, voire de choisir un autre type de traitement. Cela est essentiel à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle, en l'absence de pressions inappropriées. Il est nécessaire de protéger les victimes de ces dérives et les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et de manière plus efficace les personnes malintentionnées.
Je me réjouis du maintien de l'article 4 et des mots : « au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées ». En effet, la lutte contre les dérives sectaires doit être mesurée et ne doit en aucun cas se transformer en chasse aux sorcières. Loin de poser problème par elles-mêmes, les médecines dites non conventionnelles sont souvent des compléments essentiels au bien-être des personnes. Néanmoins, il incombe aux praticiens d'informer leurs patients de toutes les conséquences possibles sur leur santé.
Je tiens à féliciter à nouveau la rapporteure pour son travail. Tout au long des différentes étapes de l'examen du texte, elle a pris soin d'écouter avec attention les avis de chacune et de chacun. Je remercie également la ministre pour son implication. Les dérives sectaires sont un enjeu majeur de santé publique, nécessitant la pleine mobilisation des élus et des membres du Gouvernement. Ce travail collaboratif a permis d'aboutir à un texte à la fois protecteur et garant des libertés individuelles.
Les nouveaux moyens de communication ayant rendu plus difficile la lutte contre les dérives sectaires, il incombe aux législateurs d'éviter au maximum les angles morts. La vie et le bien-être de nos concitoyens sont en jeu. Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe Démocrate votera le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Nous avons tous parfaitement conscience des tenants et des aboutissants de ce texte relativement délicat puisqu'il vise à faire la jonction entre protection de la santé et protection des libertés individuelles. Cependant, chacun d'entre nous est convaincu de son absolue nécessité, compte tenu du développement du mécanisme sectaire, notamment grâce aux nouvelles techniques numériques, mais aussi en raison de la perte de valeurs et de repères dans la société – la crise sanitaire que nous avons traversée y a sans doute également contribué.
Si nous sommes d'accord pour reconnaître le développement des sectes, nous devons également nous mettre d'accord pour en combattre les dérives ; tel est précisément l'intérêt de ce projet de loi. Les débats ont montré que certains d'entre vous considèrent celui-ci comme liberticide, alors que d'autres estiment qu'il est inutile.
À nos yeux, il n'est ni l'un ni l'autre. Il n'est pas inutile, parce que nous devons évidemment lutter contre les graves dérives sectaires. Beaucoup ont d'ailleurs travaillé sur ce sujet, madame la ministre est très déterminée à agir et madame la rapporteure a partagé avec nous son expérience et la manière dont elle aborde le problème.
Le texte est utile car il prévoit renforcement des pouvoirs de la Miviludes. Cette mission ne pouvant pas mener une action exhaustive – nous le savons bien –, la réponse aux dérives sectaires échoit également à chacun d'entre nous.
Les associations, elles aussi, doivent être soutenues. Il y a débat, M. Molac l'a rappelé, sur le fait de savoir s'il faut étendre ou non la possibilité accordée aux associations agréées de se constituer partie civile, aux associations reconnues d'utilité publique.
L'un n'excluant pas l'autre, je n'y suis pas opposé, mais c'est une opinion personnelle.
Contrairement aux membres de la NUPES, nous considérons que le droit pénal n'est pas fantasmatique,…
…qu'il est absolument nécessaire et que s'il n'est pas adapté à la situation actuelle, il doit évoluer.
M. Ugo Bernalicis s'exclame.
Le droit pénal est encore fondé sur ce qui était auparavant l'abus de faiblesse, dont la première caractéristique était d'être qualifié par des données objectives – le fait d'être malade, le fait d'être enceinte, le fait d'être trop âgé ou trop jeune, entre autres. L'état de faiblesse était ainsi constaté par nature, en fonction de certaines propriétés sociales, mais, fort heureusement, le projet de loi prévoit de profondes évolutions en la matière.
Il introduit en effet la notion plus subjective de sujétion, que celle-ci soit physique ou psychologique.
Ce progrès était nécessaire et se lit à trois endroits du texte : l'article 10 crée un délit autonome et modernise le droit pénal, l'article 2 prévoit des circonstances aggravantes – nous avions besoin de sortir du cadre objectif que nous connaissions jusqu'alors – et l'article 4 vise à lutter contre les provocations à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical ou prophylactique. Ce dernier article a certes fait l'objet d'un avis très précautionneux du Conseil d'État, c'est le moins qu'on puisse dire, mais également d'un travail très important de Mme la ministre et des groupes de la majorité, au sens le plus large du terme – je n'ai pas oublié que certains des groupes qui n'appartiennent pas à la majorité présidentielle, ont voté le texte en première lecture.
J'espère qu'ils apporteront à nouveau leur soutien à ce projet de loi utile, nécessaire et, dans sa dernière version, protecteur des libertés. J'espère donc que nous irons tous dans le même sens, raison pour laquelle le groupe Renaissance votera le texte, sans aucune ambiguïté.
Applaudissements sur les bancs des commissions. – M. Thomas Rudigoz applaudit également.
« Fais que mes malades aient confiance en moi et mon art, pour qu'ils suivent mes conseils et prescriptions. Éloigne de leur lit les charlatans, l'armée des parents aux mille conseils et les gardes qui savent toujours tout, car c'est une engeance dangereuse, qui par vanité fait échouer les meilleures intentions de l'art et conduit souvent les créatures à leur mort. » C'est par ces mots que Maïmonide essayait d'éloigner du lit du patient ceux qui venaient y prodiguer des conseils sans maîtriser « l'art », pour reprendre son terme.
Le retour de ce texte en séance publique, en nouvelle lecture, après des débats constructifs en commission la semaine dernière, me fournit l'occasion de réaffirmer le soutien du groupe Horizons et apparentés à un texte complet qui barrerait fermement la route à l'ensemble des dérives sectaires, en considérant leurs nouvelles formes, leurs nouveaux instigateurs et leurs nouveaux modes de diffusion.
En tant que législateur, nous devons toujours avoir la main qui tremble…
…lorsque nous abordons des sujets aussi sensibles que les croyances et la liberté d'expression, mais notre rôle n'en est pas moins politique, notamment à cette étape du parcours législatif de ce texte. En séance publique, lors de la première lecture du projet, j'avais cité cette phrase de Voltaire : « Toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur. » Je tiens précisément à dissiper le doute et à nous préserver de l'erreur que constituerait un éloignement de l'intention initiale du projet de loi.
La lutte contre les dérives sectaires, phénomène qui porte atteinte à l'ordre public, aux droits fondamentaux, à la sécurité, voire à l'intégrité des personnes, est un enjeu de cohésion sociale, de santé et d'ordre public. Si ce dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de croyance est parfois difficile à détecter ou à qualifier, tant ces libertés forment le cœur de nos principes, une frontière est systématiquement franchie lorsqu'on parle de dérives sectaires : elles ont en effet des conséquences physiques ou psychologiques graves sur leurs victimes.
En 2001, la loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard, a consolidé notre arsenal législatif en réprimant notamment l'abus de faiblesse par sujétion psychologique. Toutefois, nous le savons tous ici : les dérives sectaires ont profondément évolué. Aux groupes à prétention religieuse ou spirituelle s'est ajoutée une multitude d'entités qui investissent les champs de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation ; des gourous 2.0 autoproclamés diffusent désormais leur doctrine sur des plateformes numériques et agrègent autour d'eux de véritables communautés.
En entraînant une crise de confiance envers la science et la parole médicale, la crise sanitaire a catalysé ces dérives dont la nature, les modes opératoires et l'ampleur sont préoccupants.
L'augmentation constante des saisines de la Miviludes en est le reflet et nous devons agir pour mieux prendre en compte l'évolution des techniques employées dans le cadre des dérives sectaires. Nous devons également ne pas être dupes : ces nouveaux gourous se savent protégés par la loi sur la liberté d'expression et se servent du manque de confiance des Français envers nous, leurs représentants politiques, pour renforcer les doutes de ceux qui les écoutent et affermir leur influence.
Aussi nous réjouissons-nous du maintien de l'article 4 par l'Assemblée, qui vise à répondre à un problème de santé publique nouveau mais dangereux, en créant un délit réprimant la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins et à l'adoption de pratiques qui exposent manifestement la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé.
Grâce aux travaux de la rapporteure et de M. Paris, nous avons abouti à une rédaction équilibrée de l'article 4, tout en restant attentifs à sa sécurisation juridique. Afin de prévenir tout risque d'inconstitutionnalité…
…il est apparu primordial de préciser que l'infraction de provocation à l'abandon de soin ne serait pas constituée si la personne concernée avait pu, même consciente des risques associés, exprimer sa volonté libre et éclairée de remplacer un traitement par un autre.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur le banc des commissions. – Mme Michèle Peyron applaudit également.
On assiste ces dernières années à une recrudescence des phénomènes sectaires. Ils prennent désormais de multiples formes et investissent les champs de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation. Leurs conséquences sur leurs victimes sont plurielles : isolement social, dépression, abandon de soins, escroquerie financière, mise en danger de la vie d'autrui, etc. La crise sanitaire et les périodes de confinement ont facilité l'émergence des groupes ou individus responsables de ces dérives, lesquels agissent très souvent en ligne.
De nombreux faits illustrent cette amplification, dont le nombre de saisines de la Miviludes atteste : 4 020 signalements – un record – ont été enregistrés en 2021. Ce chiffre augmente constamment depuis plusieurs années ; il progressait de 33 % entre 2020 et 2021 et de 86 % entre 2015 et 2021. Dans un quart des cas, les signalements reçus par la Miviludes portent sur des dérives dans le secteur de la santé et du bien-être, mais d'après l'exposé des motifs du projet de loi, les contours de ce phénomène, qui concerne toutes les catégories sociales, tous les âges et tous les milieux, sont encore trop méconnus.
Menacée en 2020 de disparition par le Gouvernement, par cette majorité, la Miviludes joue pourtant un rôle crucial dans l'accompagnement des victimes et dans le signalement des phénomènes sectaires.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Elle travaille en étroite collaboration avec les préfectures, les ordres professionnels, le pôle santé du Défenseur des droits et les ARS, ainsi qu'avec diverses organisations, telles que la Ligue contre le cancer ou l'Institut national du cancer (Inca). Elle doit être soutenue politiquement et maintenue dans l'exercice de ses missions.
Le projet initial nous a paru assez pauvre et bâclé. Impréparé, donc, il concentrait l'action publique sur la seule réponse pénale et, compte tenu des difficultés à trouver une définition juridique des phénomènes sectaires, il aurait eu peu d'efficacité. Comme l'a révélé le Conseil d'État dans son avis publié le 17 novembre 2023, il risquait d'être frappé d'inconstitutionnalité.
Le projet a depuis évolué au cours de la procédure parlementaire, notamment lors de son examen à l'Assemblée où l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) le ramène. À ce sujet, je salue l'apport de l'amendement à l'article 1er bis, déposé par notre collègue Marie Pochon pour supprimer certains avantages fiscaux scandaleux.
Évidemment, nous soutenons tout effort visant à lutter contre les dérives sectaires, mais nous tenons à vous refuser tout sentiment de victoire que pourraient vous inspirer nos votes, et vous inviter à vous faire assez petits. C'est en effet sous un angle quasi exclusivement répressif que vous avez abordé la lutte contre les dérives sectaires,…
…sans être à la hauteur des enjeux de la prévention, qui est pourtant au cœur du problème. En ce qui concerne précisément la prévention de ces dérives auprès du jeune public, l'état dramatique de la médecine scolaire, qui pourrait et devrait jouer un rôle central, affaiblit notablement votre discours.
Je parle de la santé à l'école mais je devrais parler de la santé tout court : la volonté de comprendre comment et pourquoi, au-delà des manipulations et des escroqueries, des personnes se détournent de la science et de la médecine vous manque. Les difficultés d'accès aux soins, les déremboursements massifs, les déserts médicaux, l'état affligeant d'un hôpital public que vous avez abandonné ou encore les suppressions de lits sont autant d'accélérateurs du désespoir et de la recherche de solutions alternatives aventureuses.
Après notre excellent collègue Clouet tout à l'heure, à mon tour de vous inciter à soutenir davantage l'école publique, l'accès à la culture et l'éducation populaire, facteurs essentiels de l'émancipation et de la capacité à construire son autonomie et une réflexion personnelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Que dire de votre manque total de crédibilité, madame la ministre, pour incarner ce combat ? Vous déclariez que « M. Raoult n'[était] pas n'importe qui » et vous avez joué le rôle d'intermédiaire entre lui et M. le Président de la République lors de la crise sanitaire du covid, ce que la presse a révélé.
Mme Sandra Regol applaudit.
Ce n'est pas vrai !
Nous ne pouvons donc que constater votre difficulté à incarner en toute sincérité le combat contre les dérives sectaires. Évoquant M. Raoult, je ne veux pas laisser le Rassemblement national en reste.
En effet, je garde en mémoire cette phrase de M. Bardella, invité d'une matinale de radio dans laquelle il déclarait : « Au Rassemblement national, nous sommes à la politique ce que M. Raoult est à la médecine. » Cela explique beaucoup de choses.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Il est vrai que l'intensification des dérives sectaires, depuis une dizaine d'années, est préoccupante. La Miviludes constate et nous fait connaître l'augmentation significative du nombre de saisines d'une année sur l'autre ; elle nous alerte également sur l'évolution du phénomène sectaire, de plus en plus atomisé et mouvant. Aux côtés des multinationales de la spiritualité – l'Église de scientologie en est un exemple – prolifèrent, depuis la crise sanitaire du covid, de multiples structures, discrètes et de petite taille, dans les domaines de la santé, du bien-être et de l'alimentation. Se multiplient également des gourous 2.0 qui, œuvrant sur les réseaux sociaux, diffusent des thèses complotistes et promettent un enrichissement rapide au prix de l'embrigadement dans des systèmes financiers pyramidaux…
…qui reposent sur un rapport modifié au travail et à la marginalité. Face à ces évolutions alarmantes, dont les chiffres ne représentent que l'aspect le plus visible, nous devons chercher à informer, mieux sensibiliser aux dangers et agir pour saisir plus justement ce phénomène évolutif et polymorphe, qui fait chaque année des milliers de victimes. Renforcer la lutte contre les dérives sectaires et les violences qu'elles engendrent constitue un enjeu national de santé et d'ordre public.
Oui, nous souscrivons à l'objectif annoncé par le projet de loi mais nous partageons aussi la circonspection qu'expriment les associations face au soudain regain d'intérêt du Gouvernement, après des années d'inaction.
Rappelons tout de même que la Miviludes, créée en 2002, a connu un déclin, voire un abandon progressif de la part des pouvoirs publics. La Cour des comptes notait ainsi en 2017 que ses « ressources budgétaires au demeurant très modestes […] ont été sensiblement réduites au cours des dix dernières années, signe d'un affaiblissement auprès des différents ministères ».
Surtout, on a pu craindre en 2020 la disparition pure et simple de cet organisme de l'État qui n'a dû son maintien qu'à l'ampleur des protestations.
Aussi, comme les associations, nous pensons que la lutte contre les dérives sectaires passe, d'abord, par le renforcement substantiel des moyens humains et matériels de la Miviludes.
Nous nous réjouissons à cet égard que ce texte lui confère un statut législatif mais nous nous interrogeons sur la volonté de ne pas mentionner directement dans la loi le nom de cette administration, comme c'est le cas pour beaucoup d'autres. Nous resterons vigilants afin d'éviter toute remise en cause du principe de sa consécration législative.
Pour le reste, nous regrettons que le texte propose essentiellement des mesures répressives,…
…dont on peut douter de l'efficacité concrète dans la lutte contre les dérives sectaires. Je note d'ailleurs que les textes qui nous ont été présentés me conduisent souvent à utiliser ce type d'argument : chaque problème dans la société semble appeler un renforcement de la répression. Or nous savons que cela n'a que peu d'efficacité.
Remplir les prisons n'empêche pas la persistance des phénomènes contre lesquels vous entendez lutter pas plus que des souffrances qu'ils infligent aux gens.
Pour notre part, nous pensons que la lutte contre les dérives sectaires exige en premier lieu d'octroyer les moyens matériels et humains nécessaires pour assurer l'effectivité des mesures existantes. Par ailleurs, nous considérons qu'on ne devrait modifier le droit qu'après une application efficiente des dispositions en vigueur et une évaluation précise de l'arsenal pénal existant.
Pour ce qui est de l'article 4, si nous considérons qu'il est indispensable de répondre à la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l'abandon de soins pourtant nécessaires à la santé ou l'adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques pour la santé, nous tenons à rappeler que de nombreuses incriminations existantes, telles que l'exercice illégal de la médecine, l'homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses, sont déjà réprimées par le droit. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'État a considéré que « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ».
Surtout, la rédaction de cet article, malgré certains efforts, reste insatisfaisante. Les réécritures approximatives dont il a fait l'objet au cours de la navette témoignent de la fragilité du dispositif proposé. Celui-ci ne permet en effet pas de concilier l'exercice de la liberté d'expression, de la liberté de choix et de refus des soins avec l'objectif de protection de la santé publique.
En définitive, comme en première lecture, nous ne voterons pas en faveur de ce texte, fragile juridiquement : il ne nous semble pas en mesure de lutter efficacement contre les dérives sectaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et, Écolo – NUPES.
La volonté de lutter contre les dérives sectaires suscite l'unanimité. Ces dérives sont en effet de plus en plus nombreuses et couvrent de nouveaux champs, qu'il s'agisse de la santé, de l'alimentation, du bien-être, du développement personnel ou encore du coaching. Elles prennent aussi appui sur de nouveaux canaux avec les réseaux sociaux. La situation nécessite que nous apportions une réponse : nous nous accordons sur ce constat.
Malheureusement, le projet de loi initial se focalisait presque uniquement sur la réponse pénale. L'arsenal pénal existant n'a pas été suffisamment évalué pour qu'on connaisse son efficacité. Les actions de prévention, pourtant indispensables en ce domaine, comme l'accompagnement des victimes ou les moyens supplémentaires à accorder à la justice, notamment aux enquêteurs spécialisés, constituaient autant de dimensions cruellement absentes de ce texte.
Le Sénat, en première lecture, a apporté d'importantes améliorations, je pense notamment à la reconnaissance législative de la Miviludes, occasion pour moi de souligner le rôle joué par l'un de ses anciens présidents, Georges Fenech, qui a accompagné sa croissance et son développement.
La commission mixte paritaire n'a pas pu pour autant parvenir à un accord et ce, pour deux raisons principales.
Elles tiennent tout d'abord aux défauts du texte initial : sa visée essentiellement répressive l'a orienté sur de mauvais rails. Elles sont liées ensuite au choix de la procédure accélérée qui ne répondait pourtant à aucun besoin – on connaît la tendance du Gouvernement à abuser de cet outil.
Alors que le cours normal de la navette parlementaire aurait permis d'améliorer progressivement la rédaction, nous avons dû nous en tenir à la confrontation des visions de chacune des chambres, ou plutôt de chacun des deux rapporteurs, ce qui a entraîné l'échec de la CMP.
Cette nouvelle lecture devrait être l'occasion d'amender ce projet de loi pour trouver un consensus et l'améliorer. Je pense en particulier à l'article 4, qui fait figure d'article maudit : après les critiques très sévères dont il a fait l'objet de la part du Conseil d'État, il a été supprimé au Sénat en première lecture, rétabli par la commission de notre assemblée, puis rejeté en séance, ce qui a nécessité une seconde délibération. Et lors cette nouvelle lecture, il n'a été adopté en commission qu'à une voix près.
L'empilement des rédactions rend le texte de plus en plus bricolé et de moins en moins lisible alors même que nous touchons à des sujets d'importance comme la liberté d'expression, la liberté d'opinion ou la liberté de conscience. Il nous faut donc trouver un équilibre qui garantisse ces libertés et nous interroger sur ce que deviendra cet article que la majorité s'entête à maintenir dans une rédaction qui n'est toujours pas stabilisée.
Nous aurons aussi à examiner certaines dispositions qui renvoient à la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Je voudrais parler tout particulièrement de l'identité de genre, question qui trouvera un écho particulier dans nos débats avec la publication en ce 19 mars d'un rapport de la sénatrice du Val-d'Oise, Jacqueline Eustache-Brinio, sur la transidentification des mineurs, qui constitue d'après elle l'un des plus grands scandales éthiques de la médecine moderne.
Nous devrons garder ses travaux en mémoire quand nous examinerons les ajouts opérés par voie d'amendement en première lecture, de manière beaucoup trop rapide, sans prendre en compte les troubles et les souffrances que vivent certains jeunes dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Les vidéos de cette chaîne ne constituent pas des conseils médicaux et n'ont aucune visée formative. Ces vidéos sont des interventions générales et impersonnelles sur la naturopathie et constituent un acte de communication à visée informative » : c'est le message qui s'affiche sur votre écran lorsque vous lancez une vidéo de Thierry Casasnovas, que sur X il intitule « Le jeûne est l'arme de destruction massive de ce système de la maladie ».
Pour nos collègues qui n'auraient pas suivi tous nos débats, peut-être faut-il que j'en dise un peu plus sur cette personne dont la chaîne YouTube rassemble près d'un million d'abonnés. Sur la page d'accueil de sa plateforme en ligne, RGNR pour « régénère », on peut lire les lignes suivantes : « Ce nouveau site a été créé pour répondre à la censure grandissante issue du DSA (Digital Services Act) entré en vigueur en Europe […] demandant aux plateformes internet de supprimer tout contenu présentant des informations litigieuses et suspectes en contradiction avec le narratif officiel. »
Vous trouverez sur cette plateforme un forum, des vidéos dites « non censurées », puis une page accessible aux seuls membres premium pour la modique somme de 15 euros par mois. À ce tarif, miracle, vous aurez accès aux fondamentaux du vitalisme ou de la détoxification par le jeûne et grâce à un code promo, vous aurez également 10 % de remise sur l'achat d'un extracteur de jus, équipement qui fait partie de son business.
Rappelons que cette personne a été mise en examen pour abus de confiance, faux et usage de faux, exercice illégal de la médecine, exercice illégal de la pharmacie, pratiques commerciales trompeuses, abus de biens sociaux, blanchiment et abus de faiblesse. Il est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de participer à des stages ou formations en rapport avec la santé, le bien-être, l'hygiénisme ou la naturopathie et d'organiser de tels stages ou formations. Pourtant, il publie toujours !
Chers collègues, combien de temps laisserons-nous ce genre d'individus inonder nos réseaux sociaux de vidéos qui prétendent guérir les maladies en tout genre ? Notre rôle est d'abord de protéger les victimes, bernées par ces illuminés qui vont à l'encontre de la science. Car oui, derrière ces vidéos, derrière ces gourous 2.0, il y a de vraies victimes : des personnes malades, des personnes fragiles, des personnes crédules, qui dépensent leur argent sans limite pour croire à un miracle qui n'arrivera pas. Derrière tout cela, il y a des vies brisées, voire des morts.
Alors, comme chacun d'entre nous, j'ai été sollicité, assez intensivement, je dois dire, par des personnes exprimant deux sortes d'inquiétudes concernant ce projet de loi. Sur la question de la liberté d'expression, que Thierry Casasnovas prétend défendre contre la censure gouvernementale, je tiens à rappeler que ce sont des membres du groupe Socialistes et apparentés qui ont insisté pour que soient protégés les lanceurs d'alerte en faisant adopter cet ajout à l'article 4 : « L'information signalée ou divulguée par le lanceur d'alerte dans les conditions prévues à l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ne constitue pas une provocation au sens du présent article. » Cette question des lanceurs d'alerte ne manquera toutefois pas d'être de nouveau soulevée car c'est devenu une sorte de lieu commun.
Sont aussi inquiètes les personnes qui défendent le droit à mourir dans la dignité. Elles craignent que l'arrêt des traitements qu'elles préconisent ne rentre dans le champ de la loi. Ce ne sera pas le cas, le texte est clair sur ce point : est visée la provocation « au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées, de toute personne atteinte d'une pathologie à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé de la personne visée ». L'arrêt du traitement ne saurait être considéré comme étant « bénéfique pour la santé » quand il est motivé par le souhait de mourir. Que ces personnes soient rassurées.
Ce projet de loi met à la disposition du juge tous les outils pour interpréter la loi dans le strict respect des libertés fondamentales. C'est bien de cela qu'il s'agit : donner des moyens aux juges pour protéger les victimes tout en garantissant les libertés fondamentales. En adoptant ce texte, nous apporterons un cadre supplémentaire à la justice, des outils de sanction pour mettre un terme à l'emprise des gourous sans foi ni loi, vénaux et cupides.
Bien évidemment, ce texte ne va pas au bout, comme l'a souligné notre excellent collègue Benjamin Lucas.
Il faut donner des moyens supplémentaires à la Miviludes, ce qui relève de la responsabilité du Gouvernement, et mettre l'accent sur les actions de prévention.
« Numéro un des signalements pour dérive sectaire pour la cinquième année consécutive grâce à vous toutes et tous – merci ! –, PDG de la secte du jus de carotte » : parce qu'il n'est plus tolérable de se faire narguer ainsi par des gens comme Thierry Casasnovas, votons ce texte, chers collègues.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LFI – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.
Le constat est le suivant : les moyens de communication actuels, par leur puissance de diffusion et leur viralité, favorisent l'émergence de charlatanismes et, corrélativement, fragilisent les plus faibles ou les personnes en situation de soumission psychologique. Ils représentent donc des risques accrus dans la propagation des dérives sectaires.
L'objectif commun est donc de mieux lutter contre ce phénomène. Dès l'origine, le groupe RN a soutenu la création d'un statut législatif pour la Miviludes. Il est également favorable au renforcement des peines applicables à l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie en ligne.
Tout cela faisait un texte de plus, mais qui allait dans le bon sens. Ce projet de loi est toutefois définitivement plombé par son article 4 : l'entêtement à le conserver en a fait un mauvais texte. Chacun a pu, dans un premier temps, constater l'inutilité de cet article, compte tenu de l'existence d'outils destinés à réprimer l'abus de faiblesse, l'exercice illégal de la médecine, la non-assistance à personne en danger, la mise en danger d'autrui ou encore d'autres incriminations.
Le Conseil d'État a souligné lui-même le caractère disproportionné des dispositions de l'article 4 par rapport au respect des libertés individuelles, parmi lesquelles, bien entendu, la liberté d'expression.
Puis le Sénat a supprimé l'article. Puis vous l'avez réintroduit en commission. Puis, en séance, notre assemblée l'a supprimé à son tour, après que vous avez été, madame la ministre, rappelée à l'ordre par un président de groupe, au motif que vous n'étiez pas assez sectaire car, comble de l'infamie, vous vous en étiez remise à la sagesse de l'Assemblée sur un amendement du groupe Rassemblement national.
Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Puis vous l'avez – sans l'avis préalable de la commission des lois, c'est-à-dire quasi illégalement – soumis à un deuxième vote, comme vous l'aviez annoncé le matin même sur les plateaux de télévision.
Enfin, après l'échec de la CMP, vous en proposez une version torturée, vidée de sens. La rédaction était à peu près claire, qu'on s'y oppose ou non, mais pour faire passer l'article, vous avez créé un monstre à lire. Puisque vous nous avez demandé de relire le texte, je cite votre réécriture : « Lorsque les circonstances dans lesquelles a été commise la provocation définie au premier alinéa permettent d'établir la volonté libre et éclairée de la personne, eu égard notamment à la délivrance d'une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé, les délits définis au présent article ne sont pas constitués, sauf s'il est établi que la personne était placée ou maintenue dans un état de sujétion psychologique ou physique, au sens de l'article 223-15-3. » Bon courage !
Cela revient à dire qu'un délit n'est pas constitué, sauf s'il est constitué. Quel parcours du combattant législatif, alors qu'à l'origine, nous étions tous d'accord sur les buts visés et sur la nécessité de moderniser le dispositif de lutte contre les dérives sectaires en tenant notamment compte des moyens modernes de communication ! Un mauvais texte demeure mauvais, encore plus lorsqu'il est mal réécrit. Vous ne pouvez pas diluer le poison potentiel de l'article 4 par des précisions alambiquées quant aux éléments constitutifs d'une infraction.
Enfin, vous excluez les lanceurs d'alerte du dispositif répressif. Cela est acceptable mais insuffisant. En effet, la définition du lanceur d'alerte peut faire débat. Nous considérons que la science doit accepter la contradiction, l'avis divergent, l'opinion minoritaire et que de tels avis ont parfois permis des progrès.
Enfin, beaucoup de lanceurs d'alerte ne disposent pas de ce statut lorsqu'ils commencent leur démarche. Nous maintenons que l'article 4 représente un risque pour ceux qui ne sont pas d'accord avec la vérité scientifique du jour qui, comme l'histoire l'a montré, n'est pas systématiquement celle du lendemain.
C'est la raison pour laquelle le vote du groupe Rassemblement national dépendra du maintien ou du retrait de l'article 4.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La nécessité de lutter contre les dérives sectaires faisait initialement l'objet d'un accord unanime : qui aurait pu s'y opposer ? Ces dérives sont en effet de plus en plus nombreuses et touchent de nouveaux domaines tels que la santé, l'alimentation, le bien-être ou encore le développement personnel. Elles se diffusent toujours plus vite et toujours plus facilement, notamment par le biais des réseaux sociaux. Bref, il faut agir.
Dans ces conditions, pourquoi examinons-nous le texte en nouvelle lecture après avoir échoué à trouver un accord ? C'est probablement parce que le projet de loi initial se concentrait essentiellement sur la réponse pénale, sans aborder les actions de prévention pourtant indispensables dans ce domaine. C'est probablement aussi parce qu'il ne visait pas à renforcer les moyens de la justice, notamment ceux des enquêteurs spécialisés. Toutefois, la cause principale de ce désaccord est sûrement l'article 4, qui tend à créer un nouveau délit constitué par la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, lorsque celle-ci peut entraîner des conséquences graves pour la santé des malades, au point de les exposer à un risque immédiat de mort ou de blessures.
L'objectif de l'article est bien sûr noble, mais sa rédaction initiale en faisait un remède pire que le mal, comme l'a souligné le Conseil d'État. Dès lors, il a été supprimé par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale en séance publique. Ne voulant rien entendre, vous nous avez imposé une seconde délibération. C'est alors à la sauvette qu'un nouvel article 4 est apparu, et c'est à la sauvette qu'il nous a fallu le sous-amender pour tenter de tirer les leçons des avertissements du Conseil d'État. Cela n'a pas suffi : vous avez refusé nos propositions et aucun accord n'a pu être trouvé en CMP.
Reprenons. Cet article permet de poursuivre et de réprimer les provocations à l'abandon de soins et à l'adoption de fausses pratiques thérapeutiques, qui mettent en danger la vie des personnes. Cela ne devrait pas poser de problème ; et pourtant !
La lutte contre les dérives sectaires ne doit en aucun cas nous conduire à condamner d'avance les pratiques dites non conventionnelles ou à entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical, liberté « essentielle à la maîtrise de son propre destin », comme l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans son arrêt 302/02 du 10 juin 2010. Il nous faut donc absolument protéger les victimes de ces dérives, mais également les praticiens honnêtes, tout en sanctionnant plus efficacement les personnes mal intentionnées.
Dans son avis du 9 novembre 2023, le Conseil d'État s'inquiétait déjà – inquiétude que je partage – des dangers que poserait l'article 4 pour l'équilibre entre la protection de la santé et la liberté des débats scientifiques. Il jugeait le risque trop grand que des soins dits non conventionnels ne puissent plus être promus, ce qui porterait nécessairement une atteinte disproportionnée à la liberté d'opinion et d'expression.
Lors de la seconde délibération, vous avez certes revu la rédaction de l'article – c'est tant mieux –, en précisant notamment que le délit n'est pas constitué « lorsque la provocation s'accompagne d'une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé et que les conditions dans lesquelles cette provocation a été faite ne remettent pas en cause la volonté libre et éclairée de la personne ». Par ailleurs, vous avez mentionné qu'une personne « placée ou maintenue dans un état de sujétion » ne peut être concernée par cette dérogation, car elle ne peut pas, par définition, consentir de manière libre et éclairée à des manœuvres destinées à la détourner des soins.
Il reste néanmoins quelques progrès à faire. La prudence devrait prévaloir lorsqu'on touche à la liberté d'expression et à la liberté de conscience. Ainsi, le cas des lanceurs d'alerte a suscité des inquiétudes dès le dépôt du texte : comment éviter de condamner sur le fondement de l'article 4 quelqu'un dont on s'apercevra, quelques années plus tard, qu'il était en réalité un lanceur d'alerte ? Cette question n'étant pas tranchée, je ne pourrai pas voter l'article 4 en l'état.
Je le répète, face à l'ampleur du phénomène, il est plus que regrettable que nous n'ayons pu nous mettre d'accord sur ce point. C'est vraiment dommage !
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.
Il vise à s'assurer que la liste des mouvements sectaires sera mise en ligne sur le site internet de la Miviludes afin que tous les citoyens y aient facilement accès. Cela permettrait par ailleurs que la dernière version actualisée soit toujours visible.
L'amendement et le sous-amendement portent sur les personnes morales ayant été condamnées. Or la Miviludes n'a pas accès à la liste des personnes condamnées, information qui relève du ministère de la justice.
Par ailleurs, l'objectif de l'amendement et du sous-amendement est satisfait car la mesure proposée est déjà possible en tant que peine complémentaire. Vos propositions reviendraient à rendre obligatoire et automatique cette peine complémentaire. Avis défavorable.
Défavorable à l'amendement et au sous-amendement. Je comprends pourquoi vous souhaitez publier la liste des mouvements sectaires condamnés, mais l'établissement d'une telle liste et son maintien à jour supposeraient une information systématique de la Miviludes. Cela représenterait une charge pour les juridictions. Cette liste serait par ailleurs une sorte de fichier de données sensibles parallèle au casier judiciaire, ce qui n'apparaît pas souhaitable.
M. Hadrien Clouet s'exclame.
Si les parquets informent les ordres professionnels de santé des condamnations prononcées, c'est parce que ces derniers peuvent prendre des sanctions disciplinaires à l'encontre des professionnels relevant de leur contrôle. Or la Miviludes ne dispose pas d'un tel pouvoir de contrôle à l'égard des personnes morales déclarées pénalement responsables.
Voilà, c'est pour cela qu'il aurait fallu changer les pouvoirs de la Miviludes !
Je rappelle enfin que les rapports d'activité de la Miviludes contribuent déjà à informer le public aussi exhaustivement que possible sur les dérives sectaires.
Le sous-amendement n° 87 n'est pas adopté.
L'amendement n° 32 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 24 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Le présent amendement s'inscrit dans la droite ligne de nos propositions habituelles : avant de s'engager sur le sentier de la répression, commençons par la prévention. Cela passe d'abord par l'éducation des plus jeunes, aussi proposons-nous d'intégrer dans les programmes scolaires du secondaire le thème des dérives sectaires, pour que les élèves aient l'occasion d'en débattre, au collège comme au lycée.
Il est particulièrement important d'aborder cette question au lycée car les élèves, à l'approche de la majorité, s'éloignent de l'influence parentale, voire s'y opposent, et se tournent vers d'autres figures d'autorité. Les relations qu'ils entretiennent avec leurs parents ne leur permettent pas forcément de discuter avec eux de leur expérience quotidienne.
Nous vous invitons donc à marcher avec nous sur le sentier de la prévention en adoptant cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Karim Ben Cheikh et Arthur Delaporte Applaudissent également.
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement n° 88 .
Il vise à préciser que la sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires est intégrée au programme d'enseignement moral et civique (EMC) au collège.
Nous avons déjà débattu de cet amendement en commission et en première lecture. Nous l'avons rejeté car il n'incombe pas à la Miviludes de prendre position sur les programmes scolaires.
D'ailleurs, le premier axe de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, dédié à la prévention, prévoit la sensibilisation des enfants et contient un volet spécifique à la protection de l'enfance. Ces mesures relèvent plutôt du domaine du règlement que de celui de la loi. Avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, je suis également défavorable au sous-amendement.
Madame Amiot, je comprends le sens de votre amendement, dont nous avons d'ailleurs déjà débattu. Vous proposez à nouveau d'étendre les missions de la Miviludes.
Vous voulez la charger de veiller, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, à ce que les programmes du secondaire incluent une sensibilisation des élèves à la question des dérives thérapeutiques et sectaires. Or la Miviludes n'est pas compétente, ni en matière médicale ni en matière éducative, pour s'exprimer sur la notion de dérive thérapeutique. Elle ne peut donc prétendre modifier les programmes d'enseignement scolaire pour en tenir compte. La définition des programmes d'enseignement secondaire relève du seul ministère de l'éducation nationale.
Par ailleurs, l'institution scolaire est déjà engagée dans la lutte contre les dérives sectaires. Dans ce domaine, elle s'est fixé pour mission d'assurer la sensibilisation et la formation des personnels et de contrôler les établissements privés hors contrat, l'instruction en famille (IEF) et les écoles.
Il ne faudrait pas oublier certains établissements privés sous contrat !
Pour ces raisons, je suis défavorable à l'amendement et au sous-amendement.
Étant donné que nous avons inscrit dans le droit, par exemple, la nécessité pour les programmes scolaires de lutter contre toute forme de discrimination, je trouve dommage de ne pas associer la Miviludes à l'éducation à la lutte contre les dérives sectaires et les dérives liées à la santé, d'autant que l'accompagnement des plus jeunes fait déjà partie de ses missions. Elle pourrait ainsi accompagner le ministère de l'éducation dans la construction d'un programme approprié en la matière.
Ensuite, le sous-amendement n° 88 de Mme Bonnet réduit la portée de l'amendement n° 24 . D'une part, il ne mentionne que le collège et efface donc le lycée. D'autre part, il précise le nom du programme dans lequel il faudrait l'insérer ; si, par la suite, cet intitulé change, la sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires n'aurait plus de cadre dans lequel s'inscrire.
Je pense donc qu'il faudrait voter contre le sous-amendement n° 88 pour conserver la portée de l'amendement n° 24 .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 88 n'est pas adopté.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 29
Contre 26
L'amendement n° 24 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
L'amendement vise à inscrire dans la loi la possibilité pour la Miviludes de conclure des partenariats avec des organismes privés intervenant dans le domaine de la santé.
Par le passé, la Miviludes a conclu ce type d'accords, notamment avec des fédérations ou des unions professionnelles, afin de mener des actions communes de prévention et d'information.
Cette faculté semble délaissée, alors même qu'elle permettait à la Miviludes de dépasser le cadre des relations entre administrations publiques pour agir dans le champ du privé et ainsi mieux lutter contre le nombre croissant de pseudo-praticiens et contre les dérives thérapeutiques.
Pour rappel, d'après l'exposé des motifs du projet de loi : « […] depuis une dizaine d'années, les dérives sectaires ont évolué : aux groupes à prétention religieuse viennent désormais s'ajouter une multitude de groupes ou d'individus qui investissent, notamment, les champs de la santé, de l'alimentation et du bien-être, mais aussi le développement personnel, le coaching, la formation, etc. »
Dans ce contexte, il semble nécessaire que la Miviludes puisse établir des partenariats avec des organismes privés afin de prévenir les dérives sectaires dans le domaine de la santé.
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement n° 89 .
Les acteurs de la santé sont essentiels dans la lutte contre les dérives sectaires, mais il faut aussi que les organismes privés intervenant dans le domaine de l'éducation puissent nouer des partenariats avec la Miviludes. C'est l'objet de ce sous-amendement.
Monsieur Molac, nous partageons bien évidemment votre préoccupation, mais l'amendement n° 50 est satisfait, comme nous l'avons établi en commission.
D'une part, la liste figurant à l'article 1er A n'est pas exhaustive ; elle n'exclut donc pas d'autres mesures. D'autre part, la stratégie nationale prévoit déjà des actions de la Miviludes avec les ordres professionnels ainsi qu'avec l'ensemble des personnels de santé, et pas seulement avec ceux qui exercent dans le privé.
Je vous demande donc de retirer l'amendement, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.
L'avis de la commission sur le sous-amendement n° 89 est également défavorable.
Même avis.
N'étant pas le rédacteur de cet amendement de Mme Descamps, je ne le retire pas.
Le sous-amendement n° 89 n'est pas adopté.
L'amendement n° 50 n'est pas adopté.
Il vise à préciser que la Miviludes doit contribuer à l'information et à la formation des agents des trois fonctions publiques.
Cette précision est essentielle pour éviter que la Miviludes ne concentre ses actions de formation sur les seuls agents de l'État, alors même que les agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière sont demandeurs de formation et ont besoin d'être sensibilisés aux risques des dérives sectaires.
En nouvelle lecture, en commission des lois, la rapporteure a fait le choix de supprimer la mention expresse des agents de la protection maternelle et infantile (PMI) et des agents territoriaux pour des raisons compréhensibles de clarification rédactionnelle. Cependant, en effaçant ces précisions, l'intention du législateur d'alerter la Miviludes sur les besoins des agents de tous les secteurs publics a disparu.
L'amendement permet donc une solution équilibrée, de compromis entre la version adoptée en première lecture et la version de la rapporteure. L'objectif est avant tout de s'assurer qu'aucune des trois fonctions publiques ne sera laissée de côté.
L'amendement est satisfait. Cependant, il a le mérite de préciser que tous les agents sont concernés, sans se lancer dans une énumération des différentes catégories de professionnels qui risquerait d'être lacunaire.
La commission s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée. Une commission bienveillante, vous l'aurez compris.
Vous souhaitez ajouter la mention des trois fonctions publiques pour éviter que la Miviludes ne concentre ses actions de formation sur les seuls agents de l'État. L'amendement est satisfait. L'article L. 7 du code général de la fonction publique dispose que les mots « agent public » désignent « le fonctionnaire et l'agent contractuel », et que le mot « fonctionnaire » désigne « le fonctionnaire civil de l'État, le fonctionnaire territorial et le fonctionnaire hospitalier mentionnés respectivement aux articles L.3, L.4 et L. 5 ».
La précision que vous proposez ne paraissant pas indispensable, le Gouvernement, lui aussi avec une grande bienveillance, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Mme la ministre et Mme la rapporteure s'en remettent à la sagesse de l'Assemblée, « avec bienveillance », ajoutent-elles. Cher monsieur Molac, permettez-moi de jouer le rapporteur.
Sourires.
L'amendement n° 33 ne change rien à la loi : dès lors que la Miviludes contribue à l'information et à la formation des agents publics, elle s'adresse évidemment aux trois fonctions publiques. Si j'avais été rapporteur, je vous aurais donc demandé de retirer l'amendement.
Cet amendement ne mange pas de pain ; peut-être veut-on vous acheter pour une miette. Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin.
Sourires. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous avez raison, monsieur Delaporte.
Je retire l'amendement, afin d'éviter une loi bavarde.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 26
Contre 32
L'amendement n° 33 n'est pas adopté.
Ce soir, on a l'impression d'être dans Un jour sans fin : c'est le jour de la marmotte ; pour la quatrième fois, nous répétons les mêmes choses…
Cependant, je suis persévérant, et j'essaierai de vous convaincre, madame la ministre et madame la rapporteure.
Donc, comme je l'ai déjà dit, ce projet de loi fait un pas – et c'est tant mieux – dans l'association des élus locaux, avec l'article 1er BA, qui permet de constituer des groupes de travail dédiés aux dérives sectaires dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et dans les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).
L'article 1er A vise bien les agents publics, mais à aucun moment les élus locaux. À de multiples reprises, j'ai expliqué que dans les communes rurales, qui ne comptent que 50, 100 ou 200 habitants, il n'y a pas d'agents publics. Par conséquent, ceux qui sont en première ligne auprès des Français victimes de ces dérives sectaires ne seront pas formés : les élus municipaux n'auront pas les clefs pour les accompagner. L'amendement vise donc à les intégrer expressément.
Mme la rapporteure dira que l'amendement n° 75 est satisfait, que, même si c'est implicite, les élus municipaux pourront solliciter la Miviludes.
Néanmoins, je vous propose de l'inscrire explicitement dans la loi afin qu'ils reçoivent effectivement ces formations.
L'amendement ne doit pas être totalement idiot car – cela avait fait parler –, madame la ministre, vous aviez courageusement –je tiens à le dire – respecté ce que le Premier ministre vous avait demandé : considérer les amendements, d'où qu'ils viennent, en se posant pour la première fois la question que les députés du groupe Rassemblement national se posent systématiquement : l'amendement va-t-il dans le sens de l'intérêt général ? Est-il bon ou mauvais ? Vous vous en étiez alors remise à la sagesse de l'Assemblée.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je vous invite toutes et tous à prendre votre courage à deux mains, à considérer cet amendement en faisant preuve de bon sens, à vous conformer à ce que les Français attendent de nous, c'est-à-dire à ne considérer que l'intérêt général, et donc à passer aux actes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Ménagé, vous savez ce que je vais vous répondre, puisque vous m'avez posé exactement les mêmes questions, en présentant les mêmes arguments. Cependant, la répétition fixant la notion, allons-y !
Sourires.
L'information et la sensibilisation des élus locaux constituent l'un des principaux objectifs de la stratégie nationale, l'objectif n° 2.
Les élus constitueront donc un public privilégié de cette sensibilisation. L'action associera aussi les associations d'élus telles que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), Départements de France et Régions de France. Pour les territoires d'outre-mer, un réseau de personnes référentes incluant notamment les élus locaux sera instauré pour élaborer des programmes adaptés aux spécificités de chaque territoire.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Même avis.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Que vous est-il arrivé pour que l'avis donné en première lecture se transforme en avis défavorable ? Éclairez-moi ; éclairez les Français ; éclairez la représentation nationale ! M. Maillard, qui est absent ce soir, vous a-t-il placé sous sa sujétion ?
Exclamations sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Êtes-vous entrée dans une dérive sectaire ? Les Français doivent savoir si votre position sur cet amendement du Rassemblement national, qui relève du bon sens, est libre et éclairée. Vous devriez avoir le courage de persister à vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée, le courage d'agir comme certains membres de la majorité tels que Mme Naïma Moutchou, qui osent aller dans le sens de l'intérêt général et non dans celui d'un camp. C'est que les Français attendent de vous.
« Bravo ! » et applaudissements et sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 16
Contre 38
L'amendement n° 75 n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre la France et le Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin ;
Suite de la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes ;
Discussion de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra