Tout d'abord, je tiens à rectifier une erreur entendue plusieurs fois : il n'y a jamais eu d'unanimité sur ce texte puisque, depuis le départ, le groupe GDR a voté contre, considérant qu'on ne pouvait traiter la question du grand âge à moyens constants, et donc que ce texte n'était pas à la hauteur des besoins.
Dès 2030, plus d'un Français sur trois aura plus de 60 ans. En 2040, le nombre de personnes âgées très dépendantes, qui exigeront une prise en charge lourde, s'élèvera à 2,2 millions, contre 1,3 million aujourd'hui. Le reste à charge moyen en Ehpad est d'environ 1 900 euros ; 77 % des Ehpad publics sont en déficit, et c'est le cas de 92 % des Ehpad dans le secteur associatif. Le taux d'encadrement moyen est de six équivalents temps plein (ETP) pour dix résidents, quand il devrait être au minimum de huit ETP pour dix résidents, selon la Défenseure des droits. Voilà une partie du bilan du Gouvernement et du Président de la République s'agissant du grand âge.
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a limité la hausse des dépenses de la branche autonomie à 2,1 milliards d'euros. Dès lors, comment seront financés les 50 000 postes supplémentaires en Ehpad, d'abord promis pour 2027, puis repoussés à 2030 ?
Face à cette situation catastrophique et alarmante pour l'ensemble de nos concitoyens, la présente proposition de loi frise l'indécence.
Certes, elle comporte quelques mesures utiles, comme la création d'une carte professionnelle et l'instauration d'un soutien à la mobilité pour les travailleurs de l'aide à domicile, ou encore l'extension des droits des personnes accueillies en Ehpad. Mais d'autres dispositions tout aussi utiles ont malheureusement disparu au cours de la navette : c'est le cas de la mesure qui obligeait les Ehpad privés lucratifs à consacrer jusqu'à 10 % de leurs bénéfices à l'amélioration de l'hébergement des résidents, ou de celle qui imposait à tous les Ehpad de communiquer à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) le ratio du nombre d'encadrants rapporté au nombre de résidents. Cette proposition de loi, très peu ambitieuse à son origine, l'est encore moins à l'issue de la CMP.
Surtout, ce dont ont besoin les personnes vieillissantes et les professionnels qui en prennent soin, ce n'est pas de « diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie » – comme dans le titre, plus juste, donné par le Sénat. Ils ont besoin que ce gouvernement honore ses engagements, que la loi sur le grand âge, promise par Emmanuel Macron il y a bientôt six ans, soit discutée. Mais sans cesse ajournée, elle ne figure pas parmi les textes dont le Gouvernement prévoit l'inscription à l'ordre du jour prioritaire jusqu'à la fin de la session ordinaire. Faut-il en conclure, une bonne fois pour toutes, madame la ministre, que ce gouvernement ne présentera pas de projet de loi sur le grand âge ?
À défaut d'espérer un tel texte, nous voilà réduits à attendre une loi de programmation pluriannuelle. En novembre, la Première ministre, Élisabeth Borne, s'était engagée à ce qu'un tel texte soit présenté d'ici l'été, pour un examen et une adoption au cours du second semestre de 2024.
Mais le nouveau gouvernement n'a toujours pas confirmé ce calendrier. Et alors qu'il met en œuvre des mesures d'économies à hauteur de 10 milliards d'euros, annonce 20 milliards d'économies supplémentaires et remet en cause, frontalement, notre modèle de solidarité, nous sommes pour le moins sceptiques quant à ce qu'il adviendra de cette loi de programmation.
Il ne saurait s'agir, en matière de grand âge, d'abaisser nos exigences. Il faut un accompagnement de qualité pour tous, des conditions de travail dignes pour tous les professionnels du secteur, des moyens financiers à la hauteur des besoins des structures. Dans ce contexte, les députés communistes et ultramarins du groupe GDR voteront, une fois encore, contre cette proposition de loi.