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Intervention de Arthur Delaporte

Séance en hémicycle du mardi 19 mars 2024 à 21h30
Lutte contre les dérives sectaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte :

« Les vidéos de cette chaîne ne constituent pas des conseils médicaux et n'ont aucune visée formative. Ces vidéos sont des interventions générales et impersonnelles sur la naturopathie et constituent un acte de communication à visée informative » : c'est le message qui s'affiche sur votre écran lorsque vous lancez une vidéo de Thierry Casasnovas, que sur X il intitule « Le jeûne est l'arme de destruction massive de ce système de la maladie ».

Pour nos collègues qui n'auraient pas suivi tous nos débats, peut-être faut-il que j'en dise un peu plus sur cette personne dont la chaîne YouTube rassemble près d'un million d'abonnés. Sur la page d'accueil de sa plateforme en ligne, RGNR pour « régénère », on peut lire les lignes suivantes : « Ce nouveau site a été créé pour répondre à la censure grandissante issue du DSA (Digital Services Act) entré en vigueur en Europe […] demandant aux plateformes internet de supprimer tout contenu présentant des informations litigieuses et suspectes en contradiction avec le narratif officiel. »

Vous trouverez sur cette plateforme un forum, des vidéos dites « non censurées », puis une page accessible aux seuls membres premium pour la modique somme de 15 euros par mois. À ce tarif, miracle, vous aurez accès aux fondamentaux du vitalisme ou de la détoxification par le jeûne et grâce à un code promo, vous aurez également 10 % de remise sur l'achat d'un extracteur de jus, équipement qui fait partie de son business.

Rappelons que cette personne a été mise en examen pour abus de confiance, faux et usage de faux, exercice illégal de la médecine, exercice illégal de la pharmacie, pratiques commerciales trompeuses, abus de biens sociaux, blanchiment et abus de faiblesse. Il est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de participer à des stages ou formations en rapport avec la santé, le bien-être, l'hygiénisme ou la naturopathie et d'organiser de tels stages ou formations. Pourtant, il publie toujours !

Chers collègues, combien de temps laisserons-nous ce genre d'individus inonder nos réseaux sociaux de vidéos qui prétendent guérir les maladies en tout genre ? Notre rôle est d'abord de protéger les victimes, bernées par ces illuminés qui vont à l'encontre de la science. Car oui, derrière ces vidéos, derrière ces gourous 2.0, il y a de vraies victimes : des personnes malades, des personnes fragiles, des personnes crédules, qui dépensent leur argent sans limite pour croire à un miracle qui n'arrivera pas. Derrière tout cela, il y a des vies brisées, voire des morts.

Alors, comme chacun d'entre nous, j'ai été sollicité, assez intensivement, je dois dire, par des personnes exprimant deux sortes d'inquiétudes concernant ce projet de loi. Sur la question de la liberté d'expression, que Thierry Casasnovas prétend défendre contre la censure gouvernementale, je tiens à rappeler que ce sont des membres du groupe Socialistes et apparentés qui ont insisté pour que soient protégés les lanceurs d'alerte en faisant adopter cet ajout à l'article 4 : « L'information signalée ou divulguée par le lanceur d'alerte dans les conditions prévues à l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ne constitue pas une provocation au sens du présent article. » Cette question des lanceurs d'alerte ne manquera toutefois pas d'être de nouveau soulevée car c'est devenu une sorte de lieu commun.

Sont aussi inquiètes les personnes qui défendent le droit à mourir dans la dignité. Elles craignent que l'arrêt des traitements qu'elles préconisent ne rentre dans le champ de la loi. Ce ne sera pas le cas, le texte est clair sur ce point : est visée la provocation « au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées, de toute personne atteinte d'une pathologie à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé de la personne visée ». L'arrêt du traitement ne saurait être considéré comme étant « bénéfique pour la santé » quand il est motivé par le souhait de mourir. Que ces personnes soient rassurées.

Ce projet de loi met à la disposition du juge tous les outils pour interpréter la loi dans le strict respect des libertés fondamentales. C'est bien de cela qu'il s'agit : donner des moyens aux juges pour protéger les victimes tout en garantissant les libertés fondamentales. En adoptant ce texte, nous apporterons un cadre supplémentaire à la justice, des outils de sanction pour mettre un terme à l'emprise des gourous sans foi ni loi, vénaux et cupides.

Bien évidemment, ce texte ne va pas au bout, comme l'a souligné notre excellent collègue Benjamin Lucas.

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