France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux révélations des Uber Files et au rôle du Président de la République dans l'implantation d'Uber en France, et la proposition de loi visant à augmenter le salaire minimum interprofessionnel de croissance à 1 600 euros net, initialement inscrites à l'ordre du jour de ce matin, ont été retirées par leurs auteurs.
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (n° 293, 488).
Rappels au règlement
Il est fondé sur l'article 100, relatif à l'organisation. J'apprends que les deux premiers textes inscrits à l'ordre du jour en ont été retirés.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, la proposition de loi visant à augmenter le salaire minimum était à mon sens le plus important de la journée. Le 16 octobre, vous avez mis des tas de gens dans la rue pour défendre le pouvoir d'achat.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
Ce texte nous offrait l'occasion de débattre du Smic, cela me semblait le plus important, mais vous préférez la tauromachie !
L'intérêt des journées de niche est de révéler les priorités des groupes.
Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur.
Les rappels au règlement doivent se fonder sur un article du règlement. Vous invoquez la bonne organisation du débat, or le règlement autorise les auteurs des propositions de loi à les retirer. C'est le choix qu'ont fait les auteurs des textes que vous citez ; pour le reste, l'ordre du jour est maintenu.
La parole est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.
Il repose sur le même fondement. Certes, le règlement offre cette possibilité. Bien sûr, les groupes font des choix…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Demandez la parole, si vous souhaitez intervenir ! On a toute la journée pour s'exprimer !
Votre groupe a effectué des choix en interne : il a préféré la fuite en avant, la surenchère sociétale, aux mesures visant à lutter contre les problèmes sociaux.
Selon moi, qu'on soit pour ou contre, la question de la hausse du Smic à 1 600 euros aurait mérité un débat, et nous en avions l'occasion.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je m'étonne également de cette décision par égard pour nos collègues qui ont travaillé sur les textes retirés de l'ordre du jour.
Ils ont appris hier soir, au tout dernier moment, que les interventions et les amendements qu'ils avaient préparés sont annulés, d'un coup de baguette magique. Je regrette les choix qui ont présidé à l'organisation de notre séance.
Comme je l'ai précédemment rappelé, le règlement intérieur autorise les auteurs…
En tant que présidente, je peux répondre. Le règlement intérieur permet aux auteurs des textes de les retirer de l'ordre du jour à tout moment. Je prends note de votre grande déception,…
Il est également fondé sur le même article.
Nous avons appris que les auteurs de la proposition de résolution n° 295 rectifiée et de la proposition de loi n° 328 ont retiré leurs textes. Ainsi, les pauvres, le pouvoir d'achat et tout ce qui s'ensuit, constituent pour les membres du groupe LFI – NUPES des centres d'intérêt très relatifs.
Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, ces textes, particulièrement le premier, offraient une possibilité de s'opposer à Emmanuel Macron, mais LFI ne souhaite pas le faire. En fait, ce sont les électeurs de LFI qui portent des cornes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le président Chenu, vous connaissez parfaitement le règlement. Celui-ci prévoit également, chers collègues, à l'article 58, alinéa 3, que le président peut retirer la parole à l'orateur lorsque, manifestement, « son intervention n'a aucun rapport avec le règlement ou un fait personnel,…
…ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, ou si un précédent rappel au règlement avait le même objet ». Ce sera désormais le cas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Mathilde Panot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
« Rien n'est jamais définitivement acquis. Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. »
« Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes. » Simone de Beauvoir prononça ces mots en 1974. À la lumière du présent, ils nous livrent un constat terrible : l'histoire des droits des femmes a quelque chose d'implacablement répétitif, car s'il existe un invariant de notre civilisation humaine, c'est la domination des hommes sur les femmes et les velléités de contrôle sur leur corps.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les États-Unis, la Pologne, la Hongrie, l'Italie et d'autres pays d'Europe, se sont déjà engouffrés dans cette guerre impitoyable, réduisant les femmes à un sort misérable. Nous savons qu'à chaque sursaut réactionnaire, les droits des femmes sont en première ligne. J'ai une pensée émue pour Izabel et Agnieszka, deux femmes polonaises mortes de ne pas avoir pu avorter dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mmes Sandrine Rousseau et Christine Pires Beaune, ainsi que M. Erwan Balanant, applaudissent également.
En effet, la restriction des droits sexuels et reproductifs n'a jamais abouti à une diminution du nombre d'avortements – jamais ! Les femmes ont toujours avorté, même au péril de leur vie. Avant 1975, si les mieux loties partaient à l'étranger, les autres ingurgitaient de l'eau oxygénée, du détergent, du vinaigre, s'introduisaient dans l'utérus une aiguille à tricoter, un épi de blé, une brosse à dents, de l'eau savonneuse, pour mettre un terme à leur grossesse. Voici la réalité des sévices que des femmes pouvaient s'infliger, entraînant parfois leur mort. Oui, la seule conséquence de la privation des femmes du droit à avorter, c'est l'avortement clandestin – et, le plus souvent, la mort. Pour les femmes, de telles lois entraînent toujours un destin funeste.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Personne ne peut prédire l'avenir. Introduire le droit à la contraception et à l'avortement dans la Constitution, c'est conjurer l'effroi qui nous saisit lorsque, ailleurs, les droits des femmes font l'objet de coups de boutoir. Il s'agit de donner un socle à notre vigilance, afin de parer aux basculements imprévisibles dont seule l'histoire humaine a le secret.
Certes, nous le faisons en conscience qu'il n'est de marbre assez tenace pour y graver un droit pour l'éternité. Mais les droits fondamentaux, à nos yeux, doivent bénéficier de la plus solide garantie que nous pouvons leur conférer. Cette proposition de loi vise à nous prémunir d'une régression, en faisant de l'atteinte à ce droit la tâche la plus ardue possible. Quiconque souhaitant s'y attaquer devra avoir les mains liées. Notre volonté est claire : ne laisser aucune chance aux personnes hostiles à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Voici la question posée en creux de ce texte : souhaitez-vous laisser une chance aux pourfendeurs du droit à l'avortement et à la contraception ? Si votre réponse est non, si comme nous, vous trouveriez insupportable un recul dans ce domaine, vous n'avez plus qu'à le voter.
En revanche, si vous souhaitez leur laisser une chance, soyez clairs sur le fond. À vous entendre, il n'y aurait ici que des obstructeurs, mais personne d'hostile à l'interruption volontaire de grossesse.
Cessez d'avancer masqués ! Quels propos les femmes n'ont-elles pas entendus sur leur droit à disposer d'elles-mêmes ?
Vos amendements nous servent les poncifs les plus éculés : les femmes devraient avoir l'autorisation de leur compagnon ou de leur mari pour avorter, les mineures devraient être privées de ce droit, l'embryon et le fœtus seraient des enfants à naître, l'avortement devrait être présenté comme un drame.
L'histoire a quelque chose de terriblement répétitif. Des années 1970 à nos jours, la teneur des débats n'a pas changé.
Ici même, les frontières s'effacent. Le prétendu cordon sanitaire qui séparerait les différentes nuances de droite devient lâche. Ainsi, les amendements du groupe LR se confondent avec ceux de l'extrême droite, réunis dans une même passion hostile aux droits des femmes. Un continuum misogyne se dessine sous nos yeux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
Collègues, vos résistances n'ont rien d'original, tant le contrôle du corps des femmes s'inscrit dans une histoire millénaire. Sachez que « bigoterie parlementaire » est un oxymore.
Mêmes mouvements.
Le sort des femmes n'a pas à dépendre de vos conservatismes. Vous pensez que vos convictions vous appartiennent, quand elles n'appartiennent qu'à la longue histoire de la domination masculine.
Ailleurs, vos avatars voient leur monde mourir et tentent de lui donner un dernier sursis. À ce moment précis de l'histoire, le Parlement s'honorerait en votant la proposition de loi. En introduisant ces droits dans la Constitution, la France s'illustrerait, en tant que nation pionnière en matière de droits des femmes. C'est avec cette certitude que nous avons collectivement réfléchi aux différentes rédactions possibles de ce texte. Il s'agit d'un travail transpartisan, et je salue et remercie ici mes collègues : M. Erwan Balanant, Mmes Anne-Cécile Violland, Marie-Noëlle Battistel et Elsa Faucillon, et M. Jérémie Iordanoff.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Introduire le droit à la contraception et à l'avortement dans notre Constitution revient aussi à formuler aux nouvelles générations la promesse qu'elles ne seront pas moins bien protégées que leurs mères. C'est faire acte de progrès humain, en affirmant collectivement la nécessité de ces droits. C'est une manière de briser enfin la partition historique entre les sphères privée et politique, qui veut que les droits sexuels et reproductifs soient impropres à entrer dans notre texte suprême. Les droits à l'avortement et à la contraception vont de pair, et ne sont pas une affaire de bonnes femmes. Ils ne doivent pas être cantonnés à la sphère du domicile, assignant les femmes à des tâches silencieuses de reproduction sociale. Les droits sexuels et reproductifs sont la condition de possibilité de notre communauté politique, et relèvent de l'égalité et de la citoyenneté.
Je ne suis pas venue seule : une pétition pour l'inscription de ces droits dans la Constitution a d'ores et déjà recueilli 160 000 signatures citoyennes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Derrière une proposition de loi, il y a toujours une foule. Celle-ci est guidée par une inlassable quête d'émancipation, de maîtrise de sa propre existence ; c'est une foule de femmes et d'hommes, de militantes infatigables, d'associations et de collectifs, sans lesquels le plus grand nombre ne perçoit pas un droit comme une nécessité. Collègues,…
…nous tenons ce jour le fil de l'histoire. J'espère que ce texte sera voté, ce qui rendrait hommage à leur juste combat.
Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.
Après le Sénat le mois dernier, l'Assemblée nationale examine à son tour une proposition de loi constitutionnelle (PPLC) visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, déposée par Mme Mathilde Panot.
Laissez-moi vous dire en préambule que j'en suis heureux. Le 13 juillet dernier, j'avais solennellement déclaré au Sénat qu'en tant que garde des sceaux, je soutiendrais toutes les initiatives parlementaires visant à constitutionnaliser le droit à l'IVG.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Me voici donc au rendez-vous pour dire à cette assemblée, comme je l'ai dit au Sénat le mois dernier, que le Gouvernement est favorable à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.
L'histoire fourmille d'exemples de libertés fondamentales que l'on croyait acquises mais qui ont pourtant été rayées d'un trait de plume par les événements, les crises ou les lames de fond. C'est encore plus vrai des droits des femmes, parce que nos sociétés les ont bafoués durant des siècles.
Les événements qui se déroulent hors de nos frontières, partout dans le monde, nous le montrent avec force et acuité, comme la décision que la Cour suprême des États-Unis a prise en juin : le droit à l'avortement, qu'on croyait acquis depuis cinquante ans ne l'était, en réalité, pas du tout. Désormais, l'interruption volontaire de grossesse n'est plus un droit garanti par la Constitution fédérale. Les États sont donc libres de l'interdire ; certains ne s'en privent pas.
Parce que nous avons désormais la preuve que plus aucune démocratie, pas même l'une des plus grandes, n'est à l'abri, il nous faut rester particulièrement vigilants. Les auteurs de la présente proposition de loi, présentée par Mme Panot, proposent d'inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. J'entends déjà des voix murmurer, s'élever, pour dire que l'exemple américain n'est pas transposable en France, où le droit à l'IVG est bien protégé.
Il est vrai que nos institutions fonctionnent différemment et que le Conseil constitutionnel français n'est pas la Cour suprême américaine. Il est vrai aussi que depuis que le droit à l'IVG a été consacré pour la première fois dans notre droit par la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, dite loi Veil, il a été conforté au fil des ans. Je pense à la dernière loi en date, celle du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement, défendue par votre ancienne collègue Albane Gaillot, qui a allongé le délai légal de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines ; à la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a supprimé le critère de la situation de détresse ; ou encore la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, dite loi Neiertz, qui a dépénalisé l'autoavortement et créé le délit d'entrave à l'IVG.
Néanmoins, graver dans le marbre de la Constitution le droit fondamental à l'IVG me paraît plus que nécessaire en ces temps agités. D'abord, cette inscription aurait une valeur symbolique et bien sûr juridique. La Constitution est le texte fondateur de notre État de droit, le socle commun des valeurs et des libertés fondamentales de notre société. Inscrire le droit à l'IVG dans notre texte fondamental permettrait de le consacrer comme un droit fondamental et non simplement comme une liberté-autonomie.
M. Erwan Balanant applaudit.
Ensuite, il faut bien convenir de cette évidence : changer la Constitution est beaucoup plus difficile que changer la loi. Aujourd'hui protégé au niveau législatif, le droit à l'IVG sera demain protégé au niveau constitutionnel. Cela signifie que le législateur ne pourra pas le remettre substantiellement en cause ; seul le pouvoir constituant le pourrait. La démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux sont des biens précieux : il est de notre devoir de les préserver. Ne prenons pas de risque et protégeons le droit à l'IVG.
Le droit à l'avortement, largement partagé au sein de l'Union européenne, a toutefois été récemment remis en question par plusieurs de nos voisins – vous l'avez rappelé, madame la présidente Panot. En Hongrie, par exemple, les femmes ne peuvent plus avorter sans avoir préalablement dû écouter les battements de cœur du fœtus. Certes, il m'est difficile de me mettre à place des femmes qui subissent cela, mais je voudrais qu'on s'arrête un instant, dans le silence et le recueillement, sur la violence inouïe infligée aux femmes hongroises par cette obligation. Je le dis tout net : tant que je serai garde des sceaux et tant que cette majorité gouvernera, nous ne permettrons jamais qu'une telle violence soit imposée aux femmes françaises.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
L'avenir charrie pourtant sa part d'incertitudes ; c'est pourquoi nous voulons constitutionnaliser ce droit, d'autant qu'il ne fait l'objet d'aucune harmonisation dans l'Union européenne. À cet effet, le Président de la République a lancé en janvier dernier le chantier ambitieux, mais ô combien nécessaire, de l'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce faisant, l'Union européenne, qui nous a déjà apporté la paix, apportera aux droits des femmes la protection qu'ils méritent.
Mesdames et messieurs les députés, ne vous trompez pas : inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution n'est pas une mesure gadget, un artifice de communication ou une réaction de panique devant un exemple lointain. Inscrire le droit à l'IVG, cette liberté fondamentale et inaliénable de la femme, est une sécurité pour toutes les femmes de notre pays. Les temps troublés et les remous ne sont jamais loin du frêle esquif de la démocratie. Faites en sorte que nous ne nous lamentions pas de n'avoir pas sauvegardé aujourd'hui ce droit fondamental qui pourrait être remis en cause demain.
Que les choses soient claires : il ne s'agit pas là d'une entreprise aisée. Je le dis avec gravité : on ne doit toucher à la Constitution que d'une main tremblante. C'est pourquoi il nous faut avoir à l'esprit que la rédaction que vous retiendrez aujourd'hui, lundi prochain ou lors des futurs débats, sera déterminante. Une rédaction inadaptée pourrait conduire à consacrer un accès sans aucune condition à l'IVG – à des IVG réalisées bien au-delà de la limite légale en vigueur, par exemple. Une écriture mal soupesée pourrait également se révéler trop rigide et empêcher une adaptation possible du dispositif actuel, si celle-ci était nécessaire, comme en mars dernier. Au cours des débats, nous devrons rester très vigilants sur ces possibles effets de bord. Il nous faudra également le rester sur le choix de la place à laquelle inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution, afin de donner à cette reconnaissance tout son sens et toute sa cohérence au regard des autres dispositions constitutionnelles.
Je ne veux pas ternir votre enthousiasme, mais il nous faut désormais tenir compte du vote du Sénat du 19 octobre dernier.
En effet, modifier la Constitution nécessite que la proposition de révision soit adoptée dans des termes identiques dans les deux chambres. Or les sénateurs ont rejeté d'emblée la proposition de loi de la sénatrice Mélanie Vogel, qui ressemblait peu ou prou à la version dont nous débattons aujourd'hui. De nombreux amendements seront débattus et c'est le rôle du Parlement que d'affiner les textes qu'il examine. Toutefois, je me dois de rappeler ce principe de réalité : mener à son terme ce chantier historique nécessite de prendre en compte toutes les contraintes politiques en présence dans les deux chambres. C'est pourquoi je suis réservé quant à l'écriture actuelle, qui n'a à mon sens quasiment aucune chance d'aboutir compte tenu de mes discussions qui ont eu lieu au Sénat le mois dernier.
Si je me félicite que la commission des lois de l'Assemblée ait quant à elle adopté deux textes, je peux vous dire d'emblée que celle du Sénat n'a pas accepté un texte qui visait à constitutionnaliser également l'accès à la contraception. C'est pourquoi, conformément à mon engagement et aux déclarations fortes de la Première ministre, je soutiendrai les propositions qui se concentrent sur l'IVG, car la Constitution ne peut se modifier si on laisse de côté l'une des deux chambres. Si nous voulons donner à ce chantier commun toutes les chances d'aboutir, il nous faut faire preuve de réalisme. Sur ce point, l'écriture actuelle de la proposition de loi de la présidente Aurore Bergé et de votre collègue Marie-Pierre Rixain nous semble plus à même d'aboutir.
Mme Sarah Tanzilli applaudit.
Mais j'ai noté, madame la présidente Panot, que des amendements avaient été déposés en ce sens ; je les lis avec sagesse. Toutefois, la rédaction idoine, à la fois ambitieuse, calibrée, fidèle à l'esprit de la Constitution et à notre ambition, reste encore à dénicher.
C'est pourquoi le travail du Parlement doit se poursuivre, ainsi que l'a indiqué le Président de la République la semaine dernière. Je veux d'ailleurs saluer de manière républicaine l'ensemble des initiatives qui se sont fait jour dans les deux chambres, qu'elles émanent de l'opposition ou de la majorité. Je vous livre le fond de ma pensée : je reste optimiste, car le Sénat n'a rejeté le texte que par dix-sept voix. Je considère que c'est un échec porteur d'espoir. Le Sénat a, si j'ose dire, assumé son vote de rejet, tout en se montrant particulièrement ouvert au dialogue. Je constate avec tristesse que l'on peut se livrer à ce petit jeu d'obstruction parlementaire sur un sujet aussi grave.
Mme Sarah Tanzilli et M. Erwan Balanant applaudissent.
J'observe que ce sont les mêmes qui nous reprochent d'importer les débats américains et qui importent les pires méthodes américaines : nous avons ce matin une mauvaise leçon de filibustering – en bon français.
Achetez un dictionnaire franco-anglais !
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Je peux vous le traduire en russe si vous préférez !
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Vous allez comprendre : la nuit dernière, des dizaines de sous-amendements ont été déposées, sans répit, et ce, alors que le sujet qui nous réunit ce matin est particulièrement grave : le droit des femmes à disposer de leur corps. Le droit à l'interruption volontaire de grossesse est une condition indispensable à l'émancipation des femmes sans laquelle l'égalité, principe cardinal de notre République en vertu de l'article 2 de la Constitution, ne saurait être pleinement respectée.
Je le répète, pour ces messieurs-dames qui produisent des amendements comme on produirait des gravillons pour gripper la machine : la volonté politique est là. Le Gouvernement est favorable à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution ; l'Assemblée nationale, je l'espère, sera favorable à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution ; je ne perds pas espoir, avec un dialogue nourri et un travail approfondi, que le Sénat soit peut-être favorable à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.
C'est pourquoi je vous le dis à tous, comme je l'ai dit à vos collègues sénateurs le mois dernier : travaillons encore, cheminons ensemble afin de mener à bien cette réforme historique…
…afin que nous puissions dire avec la plus grande force qui soit aux générations actuelles et futures de Françaises, « Mesdames, votre corps vous appartient », point.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Commençons par un petit problème arithmétique : sachant que, sur les 577 sièges que compte cet hémicycle, 215 sont occupés par des femmes, et qu'en France, une femme sur trois avorte au cours de sa vie, combien de femmes qui voteront aujourd'hui pour ou contre notre proposition de loi ont eu ou auront recours à l'avortement ? La réponse, c'est 71. Parmi nous, 71 femmes ont avorté ou avorteront.
Si j'avais un peu plus de temps devant moi, je vous donnerais des estimations plus précises, par groupe politique. Au sein du groupe Rassemblement national, par exemple, on dénombre trente-trois femmes : on peut donc estimer qu'environ onze d'entre elles ont avorté ou avorteront un jour.
Murmures sur les bancs du groupe RN.
Car oui, les femmes de droite avortent aussi, y compris celles dont les amis comparent l'avortement à un génocide ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
y compris celles dont les principes religieux interdisent cet acte. En effet, lorsqu'on se retrouve face à une perspective aussi vertigineuse que celle de devenir mère alors qu'on ne le désire pas,…
…on n'est plus guidé par des principes ou des croyances en particulier. On est guidé par des aspirations humaines que nous partageons toutes et tous : la volonté de choisir notre propre vie, de vivre dignement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
L'avortement est crucial pour les femmes. La preuve, c'est qu'elles sont tout aussi nombreuses à avorter lorsque l'IVG est interdite. Elles sont donc prêtes à mettre en danger leur santé, voire leur vie, en pratiquant des IVG clandestines non sécurisées. Avant la loi Veil, environ 250 femmes mouraient chaque année en France des suites d'un avortement. Celles qui ne mouraient pas étaient nombreuses à souffrir de conséquences graves sur leur santé : des septicémies, des hémorragies, voire parfois la stérilité définitive. Celles qui ne parvenaient pas à avorter, quant à elles, pouvaient voir leur vie entièrement bouleversée et, parfois, détruite.
C'est pour ces raisons que nous nous battons aujourd'hui pour assurer une meilleure protection juridique au droit à l'avortement ainsi qu'à la contraception. Ainsi, parmi les femmes qui, aujourd'hui, voteront contre une meilleure protection du droit à l'IVG, un certain nombre d'entre elles ont sans doute elles-mêmes avorté.
Mais assez parlé des femmes ; parlons un peu des hommes ici présents. Combien d'entre vous, collègues de droite, ont une compagne ou une ex-compagne qui a pratiqué une IVG ?
Mêmes mouvements.
Combien d'entre vous ont une fille à la maison et seront bien contents qu'elle puisse accéder librement à l'avortement le jour où elle en aura besoin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
En fait, en écoutant les débats sur cette question depuis quelques mois, je suis frappée par une certaine hypocrisie. L'hypocrisie de ces députés qui sont prêts à voter contre une meilleure garantie du droit à l'IVG, simplement parce qu'ils et elles savent très bien que si ce droit est un jour menacé, ce ne sont pas eux ni leurs proches qui auront à en subir les conséquences.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ils savent très bien qu'il leur suffira de payer une certaine somme ou de prendre un billet d'avion pour l'étranger, et leur problème sera réglé.
Mêmes mouvements.
L'hypocrisie, aussi, de ces députés qui osent affirmer, encore et encore, que le droit à l'IVG n'est pas menacé en France, qu'aucun parti politique ne souhaite s'y attaquer, que nous importons un débat qui serait totalement étranger à la France. Et pendant ce temps, mes collègues et moi recevons à l'Assemblée un courrier d'une organisation anti-IVG contenant un fœtus en silicone, qui nous explique qu'avorter est un crime. Ce sont là des méthodes et une rhétorique qui n'ont rien à envier aux mouvements pro-vie américains.
Cette même organisation anti-IVG a organisé, hier soir, une conférence au Parlement européen à Strasbourg, sur le thème « S'opposer à l'IVG en Europe et aux États-Unis : la voie à suivre ».
Ici même, à l'Assemblée, plusieurs membres d'un groupe de 89 députés se sont exprimés contre l'avortement au fil des années et jusqu'à récemment. Certains d'entre vous ont qualifié l'IVG de génocide…
…et appelé à son déremboursement. D'autres ont même affirmé qu'ils étaient pour l'abrogation de ce droit s'ils arrivaient un jour au pouvoir.
Mais bien entendu, aujourd'hui, devant nous, vous ne tenez pas le même discours. Vous avancez toutes sortes de raisons techniques et juridiques pour voter contre la PPLC. Mme la rapporteure a très bien expliqué que vos arguments ne sont pas valables. Nous savons toutes et tous que la véritable raison pour laquelle vous vous y opposez, c'est que vous êtes contre l'IVG.
D'ailleurs, les innombrables amendements d'obstruction que vous avez déposés le montrent très bien : votre but n'est pas d'améliorer le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
C'est simplement d'empêcher qu'il soit voté et même débattu. Vous semblez vous être bien amusés en rédigeant certains amendements. Vous proposez de remplacer ou de compléter la PPLC par des articles sur la procréation médicalement assistée – PMA – ou sur les droits des étrangers qui n'ont aucun rapport avec elle. Vous proposez de remplacer le titre de notre proposition de loi par « Proposition de loi constitutionnelle visant à laisser croire que l'IVG serait remise en question en France ».
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
La capacité des femmes à disposer librement de leur corps et de leur vie n'est-elle qu'un jeu pour vous ? Vous savez, je ne vous pose pas cette question à la légère. Je vais vous lire le témoignage de Josette, une femme de Dordogne qui m'a raconté son histoire.
Le retrait de la proposition de loi portant le SMIC à 1 600 euros, vous en pensez quoi ?
« C'était en 1960, j'avais 14 ans. Un soir, je vois ma maman dans la baignoire, toute pâle. Elle avait 36 ans. Je me rappellerai toujours son regard apeuré. Mon père a appelé une ambulance, et c'est la dernière fois que j'ai vu ma mère. Elle est décédée trois semaines plus tard à l'hôpital de Strasbourg. À l'époque, je ne comprenais pas. On m'a juste dit qu'elle était morte d'une septicémie. J'ai été obligée de quitter l'école et de m'occuper de mes cinq frères et sœurs jusqu'à mes 20 ans. Ce n'est qu'à 20 ans, en discutant avec ma tante, que j'ai compris que ma mère était décédée d'un avortement. À l'époque, évidemment, il était interdit d'avorter. Elle l'avait fait toute seule, avec les moyens du bord. Ma mère a eu six enfants, et j'ai appris plus tard que ce n'était pas la première fois qu'elle avait tenté d'avorter. Elle devait avoir peur de tomber enceinte à chaque rapport, d'autant que mon père se mettait en colère contre elle à chaque fois que cela arrivait. Ces souvenirs restent très douloureux pour moi. Ce sont des traumatismes qui restent. Ce sont des vies qui sont détruites ou bouleversées à cause des avortements clandestins : celle de ma mère, évidemment, mais aussi la mienne, celle de mes frères et sœurs, et celle de mon père. Je raconte cette histoire parce que ma colère doit servir à quelque chose. Aujourd'hui encore, je suis enragée quand j'entends des gens dire qu'ils sont contre l'avortement ou qu'ils veulent limiter ce droit. La maternité doit rester un choix. »
Comme Josette, je m'adresse aux collègues qui s'opposent à l'inscription de l'IVG et de la contraception dans la Constitution.
Vous savez, sur ce sujet, je ne peux pas parler avec autant de détachement et d'assurance que vous. Je ne parviens pas à mettre de côté tous les signaux d'alerte qui nous poussent, mes collègues et moi, à vouloir mieux protéger notre droit à l'IVG contre les soubresauts électoraux. Oui, nous avons peur de voir revenir un temps où nous serons à nouveau contraintes de mettre nos vies en danger pour avorter. Un temps où les hommes pourront à nouveau décider de nos propres destins. Pensez-vous vraiment que notre inquiétude ne mérite pas d'être prise au sérieux, alors même que les femmes de tant de pays autour de nous sont en train de vivre précisément ce que nous craignons ? Qu'avez-vous peur de perdre en votant une proposition de loi constitutionnelle qui entraînera une protection plus forte de nos droits ?
D'autant qu'en votant ce texte, vous allez contre la volonté des Françaises et des Français : 87 % d'entre eux se sont prononcés en faveur de l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Et ce chiffre ne change quasiment pas selon l'appartenance politique : les électeurs et électrices du Rassemblement national et des Républicains sont tout aussi favorables à cette mesure que les électeurs et électrices de gauche.
Tous les groupes politiques qui défendent de manière générale l'IVG et les droits des femmes ont déclaré qu'ils voteraient notre proposition de loi constitutionnelle. Bien entendu, certains ont émis des réserves ; ils ont déposé des amendements. Mais ils la voteront. Quant à vous, qui cherchez à tout faire pour qu'elle ne passe pas, qui osez vous présenter comme favorables au droit à l'IVG,…
…alors même que vous vous opposez à une mesure qui permettrait simplement de mieux protéger ce droit, sachez que nous ne sommes pas dupes.
La droite conservatrice, réactionnaire et misogyne, opposée aux droits des femmes, montrera son vrai visage aujourd'hui, et les femmes de France vous regardent.
Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.
Les avancées consacrées par la loi Veil, il y a quarante-sept ans, sont désormais acceptées par une immense majorité de nos concitoyens. Ce texte a traversé les âges pour protéger les droits des femmes dans tous nos territoires.
Aujourd'hui, la question nous est donc posée de savoir s'il faut aller plus loin et inscrire le droit à l'accès à l'IVG et à la contraception dans notre Constitution. Je m'exprime en mon nom et en celui d'une partie des députés de mon groupe, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, au sein duquel nous sommes libres de nos votes.
Comme beaucoup de mes collègues, je tiens à rendre hommage au combat pour le droit des femmes mené par Simone Veil en 1975, qui est entré dans l'histoire et reste cependant d'actualité. Il ne tient qu'à nous de le poursuivre et de consacrer solennellement ce droit dans notre norme la plus élevée.
Aujourd'hui, les Françaises nous écoutent avec une attention particulière. J'aimerais d'abord répondre à ceux qui laissent entendre que nous serions suffisamment protégés en France, qu'il n'est nul besoin de sécuriser le droit à l'IVG. Je leur dis que l'optimisme est une qualité mais qu'il ne doit pas mener à l'aveuglement. La loi Veil est une garantie essentielle pour le droit à l'IVG mais ce droit est inscrit dans la loi ordinaire. Une autre loi pourrait le limiter, le restreindre et revenir sur ces acquis. Des revirements jurisprudentiels peuvent également intervenir, conduisant à des décisions inattendues, que ce soit dans le bon sens ou dans le mauvais.
Il est inutile d'aller jusqu'aux États-Unis pour trouver des exemples inquiétants, certains pays membres de l'Union européenne en donnent déjà. En Pologne, le tribunal constitutionnel a réduit de manière drastique l'accès à l'avortement, au rebours de l'équilibre juridique qu'il avait trouvé dans les années quatre-vingt-dix. En 2015, le gouvernement portugais a décidé de mettre à la charge des femmes tous les frais liés à l'arrêt de leur grossesse. En Espagne, un projet de loi, approuvé en 2013 en Conseil des ministres, prévoyait de limiter l'IVG aux cas de grave danger pour la vie, la santé physique ou psychologique de la mère ou de viol, avant d'être retiré face au tollé qu'il a suscité.
Dans notre pays, certains organismes militent également contre la protection de l'IVG. Souvenez-vous qu'il n'y a pas si longtemps, au mois de janvier 2020, une campagne anti-IVG avait été affichée dans les espaces publicitaires du métro de notre capitale.
Il est vrai que, pour l'instant, en France, aucun mouvement politique d'ampleur ne demande l'abolition pure et simple du droit à l'IVG. Est-ce une raison de ne rien faire ? Devrions-nous rester les bras croisés sous prétexte que le danger de voir ce droit amoindri n'est pas encore à la porte de notre assemblée ? Au contraire, nous devons agir pendant que nous le pouvons, tant qu'une majorité d'entre nous est contre tout recul de ce droit.
Ce que je veux dire à cet hémicycle, c'est que l'improbable n'est pas impossible, et que le rôle d'un élu, d'un représentant de la Nation est d'anticiper et d'agir, pour faire face à ce qui est aujourd'hui considéré comme hautement incertain. Ne prenons pas de risque, ne parions pas sur un sujet aussi important. Le droit à l'IVG fait pleinement partie de notre contrat social. Les droits des femmes sont des droits fondamentaux, le droit à l'IVG mérite d'être inscrit au sein de notre Constitution.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
À ceux qui disent que cette PPLC est d'ordre symbolique, je veux dire qu'il ne s'agit aucunement de faire semblant mais de renforcer une protection ordinaire pour lui offrir un bouclier constitutionnel à la hauteur des enjeux. Certes, lorsqu'il prend sa plume pour réviser la Constitution, le législateur doit agir avec prudence. Mais le droit à l'IVG est une flamme qu'il faut entretenir si nous ne voulons pas un jour le voir régresser au point de s'éteindre, comme c'est le cas dans de trop nombreux pays du monde.
La consécration de ce droit effectif par cette PPLC devra également se traduire concrètement dans les territoires, afin d'assurer à toutes les femmes le droit à l'accès à l'IVG, en particulier dans les zones rurales où la cartographie médicale et le manque de moyens sont trop souvent des obstacles.
Mes chers collègues, je fais le choix de renforcer les acquis de la loi Veil et de parer à un avenir incertain, en actant cette consécration au rang constitutionnel. Je voterai pour cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le 24 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis, en annulant l'arrêt Roe versus Wade, qui reconnaissait le droit à l'avortement dans l'ensemble des États fédérés,…
…a pris une décision lourde de sens et de conséquences. En raison de cette volte-face historique de la juridiction suprême des États-Unis, la population américaine est, petit à petit, privée de l'un de ses droits fondamentaux, celui de disposer en conscience et librement de son corps. L'onde de choc de cette régression historique bouleverse nos convictions et brise le mouvement, que l'on croyait continu,…
…des progrès du droit des femmes à disposer de leur corps. Ce séisme politique outre-Atlantique nous contraint à nous interroger sur notre capacité à anticiper de tels revers en France et en Europe.
Rappelons tout d'abord que cette décision n'emporte aucune conséquence juridique sur notre continent. Elle nous permet pourtant de constater que, si l'IVG est autorisée dans la majeure partie de l'Union, son accès y est parfois entravé. Le constat est regrettable : le droit d'avorter est aujourd'hui fragilisé sur notre continent. Ces situations nous obligent à repenser les garanties offertes par notre droit. Oui, en France, l'accès à l'IVG est garanti par la loi Veil. Oui, la jurisprudence constitutionnelle l'a considéré comme conforme à la Constitution. Oui, notre bloc de constitutionnalité, en particulier l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, reconnaît la liberté de la femme. Oui, la loi du 2 mars 2022 est venue renforcer l'accès au droit, en portant à quatorze semaines de grossesse le délai de recours à l'IVG. Fort heureusement, aucun parti politique français n'a verbalisé, à ce jour, son souhait de revenir sur la loi Veil.
Mais devons-nous nous accommoder de cet état de fait, au motif que notre Constitution n'aurait pas vocation à cataloguer des droits individuels ? Quelle difficulté y aurait-il à renforcer, en ces temps troubles, les gages donnés à la préservation des droits reproductifs et sexuels des femmes ? Si nous débattons aujourd'hui, c'est que le droit à l'IVG ne bénéficie pas de la protection la plus forte qui soit : son inscription dans notre norme suprême, la Constitution.
Or, une quasi-unanimité se dessine actuellement, tant chez nos concitoyens que sur notre échiquier politique. La société française le veut – huit Français sur dix se disent y être favorables – et, sur les bancs de notre hémicycle, les députés de tout bord ou presque ont manifesté leur adhésion à cette constitutionnalisation. J'insiste sur le mot « presque », car le nombre d'amendements déposés par certains me laisse soupçonner une forme d'obstruction, ou du moins l'expression d'une opposition peu subtile, tout en essayant de sauver les apparences.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
J'en reviens à notre sujet. En ces temps de nécessaire protection des droits des femmes et du renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes, la constitutionnalisation de l'IVG serait un signal fort et un message utile au reste du monde car, à ce jour, aucune Constitution ne reconnaît ce droit de façon positive. Si nous actons qu'il existe un consensus pour réviser la Constitution, cela ne doit pas se faire à la légère – vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux. Si le dispositif retenu par la présente proposition répond au principal objectif de consécration constitutionnelle du droit à l'IVG, sa rédaction actuelle n'est pas totalement satisfaisante. C'est la raison pour laquelle, grâce au fruit d'un travail collectif et transpartisan, dont je me réjouis – je salue à cet égard Mme la rapporteure, Mathilde Panot –, nous vous proposerons une rédaction différente. L'amendement que nous défendrons en ce sens prouve que, au-delà de nos divergences politiques, nous avons su avancer ensemble sur un sujet sociétal majeur.
La nouvelle écriture proposée est plus protectrice des droits que nous voulons garantir. Avec une formulation positive, nous reconnaissons un droit à l'interruption volontaire de grossesse et nous posons un principe intangible dans la Constitution, en renvoyant à la loi le soin d'en garantir l'effectivité et l'égal accès. En d'autres termes, cette nouvelle formulation consacrerait le caractère fondamental de ce droit, la nécessité de son encadrement par la loi, mais aussi un principe de non-régression en la matière, rendant inconstitutionnel tout dispositif législatif qui porterait atteinte à son exercice. Mon groupe souhaite également que la contraception ne figure pas dans le dispositif : si tel est le cas, il votera ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Cinq, c'est le nombre d'initiatives parlementaires qui ont été prises ces derniers mois pour inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. Deux, c'est le nombre de celles qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, en commission, ces quinze derniers jours. Quatre-vingt-un pour cent, c'est le pourcentage des Français qui sont favorables à l'inscription du droit dans la Constitution. Ces chiffres démontrent bien le consensus autour de l'importance et de l'urgence à constitutionnaliser le droit à l'IVG. À cet égard, je remercie la rapporteure, Mathilde Panot, pour son travail et pour ses méthodes collaboratives, pour parvenir à la version la plus consensuelle possible. Je salue également notre collègue Aurore Bergé, pour sa proposition, ainsi que Guillaume Gouffier-Cha pour notre collaboration au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (DDF). Sans surprise, je soutiens toutes ces initiatives, qui convergent et cheminent vers le même objectif, comme la proposition que ma collègue Cécile Untermaier et moi-même avons déposée.
Alors que, le 24 juin dernier, la Cour suprême américaine ouvrait la possibilité de restreindre ou d'interdire le droit à l'avortement,…
…que, sur notre propre continent, les atteintes à l'IVG se multiplient : la Pologne a récemment interdit l'avortement, quand Malte ne l'a jamais autorisé ; la Hongrie contraint désormais les femmes à écouter battre le cœur du fœtus avant de procéder à l'IVG ; le Portugal demande à nouveau l'autorisation parentale pour les jeunes filles mineures ; l'Italie laisse peu de doute sur ses intentions de bafouer ce droit.
Alors que les entraves au droit à l'avortement sont prégnantes et menaçantes, la constitutionnalisation de l'IVG devient donc un enjeu majeur pour les droits des femmes. Si, en France, aujourd'hui, il n'y a pas de menace directe au droit à l'IVG,…
…les exemples cités à l'instant démontrent bien qu'il faut se garder de toute illusion sur ce qu'il pourrait advenir : c'est bien au droit constitutionnel qu'il revient de prévenir de telles atteintes. L'absence actuelle de remise en cause de l'avortement dans notre pays constitue précisément la raison pour laquelle le droit à l'IVG doit être constitutionnalisé dès maintenant.
Dès lors que le droit fondamental serait inscrit dans la Constitution, il serait protégé d'initiatives politiques qui tendraient à lui porter atteinte. Cela permettrait également de faire progresser sa protection réelle, notamment en matière d'accès aux services de santé. Enfin, en étant la première à inscrire ce droit dans sa Constitution, la France confirmerait son attachement aux droits des femmes et enverrait un message fort aux autres pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je tiens à rappeler que mon groupe demande une telle consécration depuis la réforme constitutionnelle de 2018 : nous avons déposé une première proposition de loi à cette fin en juin 2019.
Ces multiples initiatives, aussi positives soient-elles, ne doivent cependant pas pour autant nous amener à nous perdre dans des débats sémantiques, ni nous éloigner de l'objectif commun d'une inscription dans la Constitution. Tel était le sens de la communication que j'ai présentée à la DDF jeudi dernier, avec mon collègue Gouffier-Cha. C'est pour cette raison que nous avons également travaillé, de manière transpartisane, avec la rapporteure, à une proposition de rédaction consensuelle, sur les différentes questions qui ont fait débat ces deux dernières semaines. Notre objectif est d'inscrire, dans le nouvel article 66-2 de la Constitution, que « la loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'avortement ».
Mon groupe soutiendra bien évidemment d'autres versions plus ambitieuses, comme celles visant à inscrire le droit à la contraception, ou encore à modifier l'article 1er de la Constitution. La version que nous vous proposons, chers collègues, est cependant celle qui nous semble respecter les exigences des uns, tout en apaisant les inquiétudes des autres. Elle nous permettrait de faire tomber tous les amendements d'obstruction habituels d'une partie de la droite et de l'extrême droite, et d'envoyer le message fort que la nation est prête à inscrire ce droit dans la Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Enfin – et je terminerai par là –, j'appelle le Gouvernement à reprendre cette version consensuelle sous la forme d'un projet de loi, car – comme vous le savez, monsieur le ministre – c'est le véhicule législatif le plus adapté pour une adoption du texte par le Parlement réuni en Congrès. Quand on voit comment quelques-uns parviennent aujourd'hui à obstruer le débat, comme ils ont su le faire à chaque fois qu'il a été question de protéger l'avortement dans cet hémicycle, on peut craindre qu'en cas de référendum, les mouvances anti-choix ne soient suffisamment organisées et financées pour mener une campagne de désinformation sur le sujet.
Nous ne voulons pas d'un débat public nauséabond et insultant à l'encontre de toutes les femmes. C'est pourquoi nous vous demandons de reprendre ce texte dans un projet de loi, pour lequel nous voterons. Nous comptons sur vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La France, pays de Simone Veil, pays de la liberté, se doit d'être exemplaire : nous ne transigeons pas et ne transigerons jamais avec le droit à l'IVG. Protéger ce droit, c'est protéger les femmes,…
…c'est protéger la France contre un retour aux faiseuses d'anges, aux avortements sur la table d'une arrière-cuisine, qui laissaient des femmes mutilées, humiliées, ravagées. L'accès à l'IVG est aussi une question de santé publique, puisqu'il garantit que cet acte, qui est toujours un drame pour celles qui y ont recours, sera pratiqué sans risque physique ni psychique. Le groupe Horizons et apparentés estime qu'il est absolument nécessaire que ce droit continue d'être protégé et renforcé. Il faut que chacun d'entre nous soit, à chaque instant, extrêmement vigilant à ce que rien ne vienne le restreindre, d'aucune manière que ce soit.
Sa remise en cause, même indirecte, par la Cour suprême des États-Unis, est absolument inacceptable. Même si certains pays européens attaquent ce droit, il est plutôt rassurant de constater qu'aujourd'hui, la France est dans une situation très éloignée de celle des États-Unis. Notre réaction doit donc être empreinte de mesure et de tempérance. Nous partageons l'idée que, dans ce contexte, inscrire ce droit dans notre Constitution, serait un symbole politique fort envoyé aux femmes et aux hommes français, mais aussi au monde entier. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la pertinence de cette réaction, émotionnelle. N'y avait-il aucune autre réponse à apporter au cas particulier américain ?
Pour autant, les débats en commission nous ont éclairés. Ils ont permis de nous réjouir qu'un consensus sur le principe même de la constitutionnalisation du droit à l'IVG existe. Cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à la meilleure manière de l'inscrire dans notre Constitution, bien au contraire. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'il soit précisé qu'il revient à la loi de garantir l'effectivité de l'accès à l'IVG. Une telle rédaction recueillerait notre assentiment : d'une part, il ne nous semble pas pertinent d'inclure la contraception dans la présente PPLC ; d'autre part, la nouvelle formulation permettrait de faire peser sur le législateur la responsabilité d'encadrer la loi, tant sur les conditions d'accès – notamment en termes de délai –, que sur la clause de conscience des médecins. Il revient en effet à la représentation nationale d'organiser les conditions dans lesquelles toute personne peut avoir recours à l'IVG.
Notre groupe, profondément attaché au droit à l'IVG, n'aura, durant le débat, qu'une seule boussole : à aucun moment, le droit à l'IVG ne doit être remis en cause, par quiconque. Plus encore, il nous appartient, à tous, de veiller à l'équilibre défini par la loi Veil, de le préserver chaque jour et pour toutes les femmes. Ce droit essentiel mérite qu'on dépasse les clivages politiques, les prises d'otages idéologiques, voire caricaturales.
Cette constitutionnalisation ne doit surtout pas occulter le travail qui reste à fournir pour permettre que toute personne qui en fait la demande puisse effectivement avoir recours à ce droit, quels que soient son âge, sa situation géographique ou sa situation sociale.
Madame la rapporteure, je tiens à souligner la qualité de la collaboration transpartisane qui s'est établie entre nous : vous avez pris en considération nos remarques sur la nouvelle rédaction et nous vous en remercions.
Le groupe Horizons votera donc en faveur de la constitutionnalisation du droit à l'interruption volontaire de grossesse.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT.
Le droit à l'interruption volontaire de grossesse a été acquis de haute lutte.
Il aura fallu attendre 1975 pour que l'avortement soit ne serait-ce que dépénalisé. Il faut croire que la liberté des femmes à disposer de leur corps n'allait pas de soi pour tout le monde.
Je veux rendre hommage aux femmes qui ont pratiqué l'avortement clandestin, au Mouvement de libération des femmes, à Simone Veil et à toutes celles qui se sont battues en France, et qui se battent encore à travers le monde, pour faire reconnaître ce droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La loi Veil est une victoire pour l'émancipation des femmes, et une révolution sur laquelle personne ne propose de revenir. Ce débat, en France, est tranché.
Mais une question se pose : faut-il constitutionnaliser le droit à l'interruption volontaire de grossesse ?
Le contexte international, cela a été rappelé, est très inquiétant. Nous ne pouvons pas ignorer ce qui se passe aux États-Unis, en Hongrie, en Pologne, peut-être demain en Italie. La régression du droit et de l'accès à l'IVG est une dramatique réalité.
À l'heure actuelle, rien dans notre texte fondamental ne protège directement le droit à l'avortement ; et nous savons à quel point la jurisprudence constitutionnelle laisse au législateur une grande latitude d'action. Non, rehausser le niveau de protection juridique de l'IVG n'est pas un luxe.
Mais je veux surtout insister sur le fond, sur la possibilité de donner à un principe la considération qui lui est due. Il faut savoir reconnaître dans l'IVG un droit fondamental, tout simplement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous devons lui conférer une valeur constitutionnelle parce que c'est un principe qui revêt cette portée et parce qu'il nous est cher. La liberté d'interrompre une grossesse est une condition de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il y va de la pleine citoyenneté des femmes.
Dans la même logique, nous pensons que le droit à la contraception doit figurer aussi dans notre constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, nous avons une opportunité historique de graver dans le marbre ce qui doit l'être, et par la même occasion de porter une parole qui résonne au-delà de nos frontières. La France serait dans son rôle en affirmant haut et fort que l'interruption volontaire de grossesse est un droit fondamental.
Il y a semble-t-il une majorité dans cette assemblée pour avancer dans cette voie. Certes, il faudra encore convaincre au Sénat.
Et je veux justement m'adresser aux Républicains qui siègent parmi nous, parce que je crois aux vertus du débat parlementaire.
Les discussions ont été longues en commission et les positions sont connues. Ayez l'audace d'accepter une inscription dans le texte principal, à l'article 1er , ou à tout le moins au titre VIII. La rédaction qui vous sera proposée par amendement est succincte et équilibrée. Elle vise à garantir l'effectivité du droit dans son état actuel – ni plus, ni moins. Il n'est pas nécessaire d'agiter des peurs sans fondement.
J'appelle en conséquence les auteurs des amendements hors sujet et des amendements qui ne sont que mauvais prétextes à les retirer.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mesurez les blessures que vous faites aux femmes, sur une matière aussi grave, par tant d'obstruction, parfois de légèreté, et surtout de mauvaise foi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Je sais les pressions, je connais les logiques partisanes, mais je veux croire aussi en la puissance que peuvent avoir, dans des moments déterminants, les convictions personnelles et le courage.
Cette réforme constitutionnelle, si nous arrivons à la mener à bien, sera l'aboutissement d'un long et beau combat. Sortons un instant des postures. Je vous invite à adopter ce texte à une large majorité, dans un esprit de responsabilité, de conviction et de concorde.
Mmes et MM. les députés des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Pourquoi vouloir constitutionnaliser le droit à l'interruption volontaire de grossesse ?
D'abord, tout simplement, parce que nous considérons qu'il s'agit là d'un droit fondamental, et qui doit être consacré comme tel. Nos corps, nos choix : voilà ce que nous voulons affirmer avec cette constitutionnalisation.
Ce droit a été conquis dans la douleur – la douleur de toutes celles qui ont avorté dans la clandestinité, et de toutes celles qui en sont mortes. Il a été conquis de haute lutte par des militantes féministes, très souvent menacées ; c'est aussi en leur mémoire, en leur honneur, que nous voulons constitutionnaliser le droit à l'IVG.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous pensons aussi que cette inscription dans la Constitution contribuerait à lever le tabou qui entoure encore aujourd'hui l'avortement. Une femme qui veut avorter avorte ; la maternité est un choix, et c'est ce qui rend l'acte de devenir mère encore plus beau.
Nous voulons cette constitutionnalisation car nous savons que ce droit peut être remis en cause à la faveur de l'une des crises qui s'accumulent dans nos sociétés. Il ne faut pas se le cacher : les attaques répétées à l'encontre de ce droit sont légion. Selon le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, entre 2009 et 2018, près de 86 milliards de dollars ont été versés aux mouvements anti-droits des femmes et antiavortement. Qui peut dire qu'il n'y a pas de danger qui plane sur le droit à l'interruption volontaire de grossesse ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également.
Nous voulons aussi cette constitutionnalisation pour toutes ces femmes plus vulnérables quand un droit est menacé. Je citerai ici la plaidoirie de Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny : « C'est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée. » Nous le savons : quand un droit est menacé, ce sont d'abord les plus vulnérables et les plus pauvres qui sont en danger.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est bien de ces femmes-là que les corps sont en permanence en danger.
Dernière raison pour cette constitutionnalisation : nous constatons, y compris dans notre pays, combien l'effectivité du droit à l'avortement est menacée. Depuis quinze ans, 130 centres d'IVG ont été fermés ; et vu l'état de la santé publique dans notre pays, oui, on peut dire que l'effectivité de ce droit est menacée.
Ce n'est pas l'inscription dans la Constitution qui réglera ce problème !
Je veux m'adresser maintenant aux députés des groupes Les Républicains et Rassemblement national qui veulent faire obstruction à ce texte, qui ont crié un peu partout, soit en commission, soit dans les médias, qu'ils étaient tout à fait favorables à ce droit et qu'aucun danger ne le menaçait. Franchement ! À la lecture de vos amendements, comment peut-on croire que ce droit n'est pas menacé dans notre pays ?
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Erwan Balanant applaudit également.
S'il n'y a pas de mauvaise foi de votre part, retirez ces amendements pour laisser un débat responsable, rigoureux, plein de conviction se tenir. Vous en avez encore la possibilité !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Oui, vous nous confirmez qu'il existe bel et bien un danger ; vous nous confirmez, par là même, qu'il faut constitutionnaliser, parce que le moment est propice : n'attendons pas que le danger se précise pour graver ce droit dans le marbre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je remercie nos collègues des groupes Démocrate et Horizons qui se sont déclarés favorables à cette constitutionnalisation. La rapporteure a mené là un travail important.
À nos collègues du groupe Renaissance, je dis : faisons un travail sérieux. Oui, il faut de la rigueur pour constitutionnaliser. Je vous en implore, pas de jeux tactiques, pas de tentatives de leadership.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RE.
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nos corps méritent autre chose.
Nous ne faisons pas que soutenir cette proposition de loi. Nous menons ce combat et nous espérons qu'il sera mené par le plus grand nombre aujourd'hui.
Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent.
« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. » Simone Veil a prononcé ces mots le 26 novembre 1974. Quarante-huit ans après, ils résonnent toujours en nous.
L'interruption volontaire de grossesse est avant tout le combat des femmes, mais c'est aussi un combat de toute notre société pour que soit reconnu le droit des femmes à disposer de leur corps. Rappelons que jusqu'en janvier 1975, l'avortement constituait un délit pénal, sanctionné de cinq ans de prison. Les médecins qui le pratiquaient pouvaient être condamnés à l'interdiction d'exercer et les femmes concernées étaient contraintes de se rendre à l'étranger ou de recourir à des avortements clandestins.
La reconnaissance de l'IVG a ainsi été le fruit d'une longue lutte, qui a commencé grâce à notre famille politique. On se souvient du « Manifeste des 343 », de l'acquittement de la jeune Marie-Claire et de débats d'une rare violence au Parlement, où Simone Veil, soutenue par Jacques Chirac, a défendu son texte avec acharnement malgré les attaques personnelles.
Comme elle le soulignait si justement ce 26 novembre 1974, ici même, « c'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »
Depuis ce moment fondateur qu'a été la loi du 17 janvier 1975, la liberté d'interrompre sa grossesse n'a cessé d'être confortée. À sept reprises, le législateur l'a renforcée, en supprimant la notion de « détresse », en allongeant les délais de recours à l'avortement, en prévoyant le remboursement à 100 % par la sécurité sociale. En 2001, l'IVG est devenue un véritable droit pour la femme ; jusque-là, elle n'avait été que dépénalisée.
Aucun d'entre nous n'envisage aujourd'hui de remettre en cause l'accès à l'IVG.
À l'heure où les Français sont touchés par de multiples crises, il paraît tout à fait décalé d'ouvrir un débat qui, s'il est ouvert aux États-Unis, n'existe pas en France.
Dans ma circonscription, on me parle du pouvoir d'achat, du coût de l'électricité et du carburant, mais absolument pas de la constitutionnalisation de l'IVG.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ce n'est pas parce qu'aux États-Unis, en juin dernier, la Cour suprême a révoqué l'arrêt qui garantissait le droit des Américaines à avorter, qu'en France nous devons avoir le même débat dans la foulée. Or les deux propositions de loi constitutionnelles, tant celle déposée par la majorité que celle de La France insoumise, évoquent toutes les deux la décision américaine dans leur exposé des motifs.
Dans notre pays, le droit à l'IVG fait déjà l'objet d'une protection constitutionnelle solide et durable.
Solide, parce que l'IVG figure dans notre droit depuis 1975 ; durable, parce que le Conseil constitutionnel l'a toujours jugée conforme à la Constitution. Par quatre fois, il s'est prononcé en sa faveur : en 1975, en 2001, en 2014 et en 2016.
Le Conseil constitutionnel a attaché en 2001 l'IVG à la liberté personnelle de la femme, protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Si la constitutionnalisation de la reconnaissance de l'IVG doit intervenir, elle doit se faire d'une main tremblante. C'est pour cela que nous défendrons un amendement visant à constitutionnaliser également les principes fondateurs de la loi Veil : le droit de la femme à demander l'interruption volontaire de sa grossesse et le respect de tout être humain dès le commencement de la vie.
En proposant, à l'article unique de cette proposition de loi constitutionnelle, d'inscrire dans la Constitution que « nul ne peut porter atteinte au droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception [et que] la loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à ses droits », les signataires du texte visent à modifier en profondeur l'équilibre de notre droit, tel qu'il est issu de la loi du 17 janvier 1975, en supprimant toutes les mesures d'équilibre et de protection de l'enfant à naître qu'elle contient, notamment le délai légal pour recourir à l'IVG et la nécessaire prise en charge par un médecin de la femme souhaitant avorter.
Il y a donc un véritable risque d'inscrire dans la Constitution un droit à l'avortement sans conditions et jusqu'au terme de la grossesse. Ainsi, l'amendement n° 48 , que je vous invite à adopter, mes chers collègues, vise à ajouter la loi Veil au nombre des textes fondamentaux auxquels le constituant rappelle son attachement.
Enfin, à tous ceux qui, en commission des lois, ont dit que, ce faisant, nous reviendrions à la loi de 1975 stricto sensu,…
…je répondrai que vous instrumentalisez ce texte pour être perçus comme des progressistes, en enfermant les autres députés dans des contre-vérités insupportables.
Notre objectif est d'éviter que n'émergent de multiples contentieux sur les délais de recours à l'IVG.
Il me semble que nous devrions plutôt nous intéresser au manque d'information et de prévention, qui oblige de nombreuses femmes à recourir à l'IVG.
En définitive, le groupe Les Républicains ne donnera pas de consigne de vote sur ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes réunis pour examiner le premier des deux textes inscrits au calendrier de notre assemblée visant à garantir dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse. Cette concomitance d'agenda n'est pas le fruit du hasard. Elle atteste d'une nécessité apparue à tous les défenseurs des droits des femmes : celle de se prémunir contre toute régression de ces droits, acquis de haute lutte, et qui, n'en déplaise à certaines personnes présentes ici, sont effectivement, profondément et gravement menacés.
En effet, si le revirement de jurisprudence intervenu aux États-Unis ne nous concerne pas directement, celui-ci nous renvoie au message déjà cité de Simone de Beauvoir : « Rien n'est jamais définitivement acquis. Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. »
En Europe également, le droit à l'IVG est attaqué. En Pologne, en Hongrie, les coups de boutoir pleuvent, et l'Italie de Giorgia Meloni risque d'emprunter le même chemin régressif.
La France serait-elle une île, imperméable aux théories réactionnaires qui ciblent à chaque fois les droits des femmes et particulièrement le premier d'entre eux : celui de maîtriser son corps et donc son destin ? Force est de constater que non.
La propagande antiavortement prospère sur internet et sur les réseaux sociaux, diffusée par des associations qui, par-devant, soignent leur communication et, par-derrière, harcèlent les élus qui défendent cette cause en leur envoyant des fœtus en plastique – associations qui, en réalité, considèrent que les femmes qui avortent sont des meurtrières.
La propagande prospère ici aussi, comme nous le constatons à la lecture des amendements déposés sur ce texte. On fait du sabotage pour empêcher qu'une majorité ne se dégage pour garantir le droit à l'IVG. On véhicule insidieusement l'idée selon laquelle le droit à l'IVG n'est pas vraiment un droit, qu'il doit s'appréhender comme un dispositif dérogatoire, qu'il s'agit d'une tolérance. Or une tolérance, on peut y mettre fin à tout moment.
Vous l'aurez compris, l'enjeu est fort. Il est de protéger le droit de nos filles et de nos petites-filles, en leur permettant de continuer à maîtriser leur corps et leur vie face à des mouvements réactionnaires qui agissent à bas bruit, mais qui sont bien présents en France, tant dans ces murs qu'en dehors.
Il s'agit aussi de faire de notre République la première démocratie à protéger le droit à l'IVG en l'inscrivant dans sa Constitution, de positionner la France à l'avant-garde du combat en faveur des droits des femmes, et d'envoyer un message d'espoir à tous ceux et à toutes celles qui mènent ce combat à travers le monde.
Dans ce contexte, vous comprendrez que la détermination du groupe Renaissance à conférer au droit à l'IVG la garantie la plus forte qu'offre notre hiérarchie des normes est totale. C'est pour cette raison qu'à l'initiative d'Aurore Bergé et de Marie-Pierre Rixain, entre autres, notre groupe a déposé dès le 30 juin dernier une proposition de loi constitutionnelle.
Et c'est également pour cette raison que nous voterons en faveur du texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Olivier Falorni applaudit également.
Celui-ci présente en effet d'importantes similitudes avec celui que notre groupe a déposé. Comme notre proposition de loi constitutionnelle, celle-ci tend à garantir constitutionnellement le droit à l'IVG et à prévoir la création d'un article 66-2 au titre VIII de la Constitution, relatif à l'autorité judiciaire, gardienne de nos libertés individuelles.
Il existe toutefois des différences notables entre nos deux textes. La présente PPLC inclut le droit à la contraception, à l'instar de celle déposée par la sénatrice Mélanie Vogel, rejetée le mois dernier par le Sénat. Aussi fait-il peu de doutes que le présent texte subirait le même destin funeste s'il devait être soumis à l'examen de la chambre haute de notre Parlement.
Autre différence notable : au groupe Renaissance, il n'y a pas à la fois un discours de défense des droits des femmes pour les Françaises et les Français, et un discours de protection et de soutien à l'égard de ceux qui avouent violenter les femmes, quand il s'agit d'un des leaders du parti.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Ce combat ne souffre d'aucune compromission, or c'est ce que vous faites, chers collègues du groupe La France insoumise – NUPES, en soutenant éhontément Adrien Quatennens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Et Damien Abad, on en parle ? Et Gérald Darmanin ? C'est nul ce que vous faites !
Malgré ces réserves majeures et malgré les désaccords profonds et nombreux que nous avons avec le groupe La France insoumise – NUPES, nous voterons cette proposition de loi car, face aux menaces et au nom de cette responsabilité forte que nous avons vis-à-vis de nos filles et de nos petites-filles ainsi que des combattantes et des combattants féministes du monde entier, le combat en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps ne peut souffrir aucun atermoiement, ni aucune considération partisane.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Et c'est parce que nous sommes déterminés à faire aboutir la constitutionnalisation du droit à l'IVG que, quelle que soit l'issue du présent texte, le groupe Renaissance défendra jusqu'au terme de son examen la proposition de loi constitutionnelle qu'il a déposée.
Car notre texte, voté à une très large majorité par la commission des lois, est le seul qui présente de sérieuses chances d'aboutir et ainsi d'atteindre notre objectif commun : garantir dans notre Constitution le droit à l'IVG.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'idée d'afficher solennellement au fronton de la République certains principes, dont un droit à l'IVG, présente incontestablement un attrait.
Plusieurs députés des groupes RE, LFI – NUPES et Écolo – NUPES continuent de s'interpeller mutuellement.
Mes chers collègues, seule Mme Bordes a la parole. Je vous remercie de l'écouter dans le silence.
Applaudissement sur quelques bancs du groupe RN.
Cependant, aussi séduisante que soit cette idée de prime abord, il n'en demeure pas moins qu'elle pourrait produire des effets inverses à ceux prétendument recherchés.
Tout d'abord, le fait d'inscrire un droit à l'IVG dans la Constitution ne permettrait pas de résoudre la question majeure de l'effectivité de l'accès à ce droit. À mon sens, l'urgence est en effet moins de compléter la Constitution que d'appliquer enfin les textes législatifs car, près de cinquante ans après la loi Veil, nombreuses sont encore les femmes désireuses de recourir à une IVG à ne pas y parvenir dans de bonnes conditions, se heurtant à un manque de médecins et de sages-femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Face à ces obstacles, trop nombreuses sont encore les femmes contraintes de sortir de l'Hexagone pour aller subir une IVG dans des pays beaucoup mieux organisés que le nôtre sur toutes ces questions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Ce problème de l'accès effectif à l'IVG suppose donc une réorganisation de notre système de soins totalement défaillant dans ce domaine, et l'instauration de mesures destinées, entre autres, à remédier aux déserts médicaux. Il ne sera pas résolu par un accroissement, voire un empilement des droits. Non, l'inscription de l'accès à l'IVG au Panthéon des valeurs de la France, si symbolique soit-elle, ne réglera pas le problème que rencontrent les femmes au quotidien pour exercer ce droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Au-delà de ce constat, la rédaction même de l'article unique de la PPLC pose de sérieuses difficultés, que nous ne pouvons pas éluder. Il n'y a d'ailleurs aucun consensus sur la manière de constitutionnaliser un droit à l'IVG : les différents textes déposés tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, dont la rédaction est chaque fois différente, démontrent clairement combien il est difficile de rédiger cette disposition.
C'est vous qui créez les difficultés ! Vos amendements en sont la preuve !
M. le ministre de la justice lui-même n'en disconvient pas, lui qui, le 19 octobre devant les sénateurs – et aujourd'hui devant nous –, déclarait qu'« une rédaction inadaptée pourrait en effet conduire à consacrer un accès sans condition à l'IVG. Je pense, par exemple, à une IVG bien au-delà de la limite légale en vigueur, ce qui n'est pas souhaitable – nous en convenons. »
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En effet, la formulation proposée dans le présent texte laisse à penser que l'accès à l'IVG serait un droit inconditionnel et absolu, sans que le législateur ne puisse y fixer de bornes.
Le législateur doit pouvoir fixer les conditions de son exercice, comme pour toutes les libertés publiques. Or il n'est pas déraisonnable de penser qu'au détour d'une QPC – question prioritaire de constitutionnalité – puisse surgir une demande de recours à l'IVG bien au-delà du délai légal puisque, aux termes de la proposition de loi constitutionnelle, « nul ne pourrait être privé du droit à l'IVG » – je le répète, ce dont M. le ministre de la justice n'a pas disconvenu.
Ce risque est d'autant plus à craindre que Mme la rapporteure Panot indique, dans la présentation de son texte, que l'accès à l'IVG serait également un « droit-créance au bénéfice de la personne enceinte qui impose aux pouvoirs publics une obligation de résultat » – disposition qui, du point de vue de la sécurité juridique, serait éminemment dangereuse.
Par ailleurs, la mention selon laquelle « la loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif [aux] droits » à l'IVG et à la contraception paraît également hasardeuse, en ce que cela ouvrirait la voie à une sorte de stipulation pour autrui en matière d'IVG.
Dès lors, la rédaction problématique de ce texte fait que, s'il était adopté, il pourrait produire des effets allant à l'encontre des droits qu'il est censé protéger.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous ne pouvons apporter quelque modification que ce soit à la Constitution sans apprécier les effets collatéraux, inattendus, voire pervers que celle-ci pourrait emporter. Cet impératif de prudence doit immanquablement être observé par les législateurs que nous sommes, de sorte de ne pas ouvrir, ici ou là, la boîte de Pandore, et de ne pas voir se créer des droits et, partant, des revendications impossibles à prévoir, donc à contenir.
Mes chers collègues, vous ouvrez un débat en vue de modifier la Constitution. Comprenez que nous souhaitions y incorporer des mesures qu'il nous semble primordial d'inscrire dans notre texte suprême et qui, elles, changeraient le quotidien de nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Une fois de plus, je répéterai ce que je ne cesse d'affirmer quand nous abordons la question de l'interruption volontaire de grossesse, à savoir que jamais je ne me permettrai de juger une femme qui a recours à l'avortement et que je comprends, bien entendu, qu'on puisse y avoir recours.
Cela étant, cette précaution oratoire, nécessaire tant les caricatures vont bon train, n'est pas le sujet. Non, ce qui nous occupe ce matin n'est pas d'être pour ou contre l'IVG, mais pour ou contre son inscription dans la Constitution.
Pour ma part, je ne crois pas que l'accès à l'IVG doive être inscrit dans la Constitution, et ce pour trois raisons principales.
La première est que c'est est inutile. J'ai entendu certains députés expliquer que l'IVG est menacée en France et qu'il faudrait par conséquent la protéger encore un peu plus. Mais par quoi est-elle menacée ? Par qui ?
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1975, toutes les modifications législatives sont allées dans le sens de l'élargissement et de l'assouplissement des conditions requises pour avorter, avec l'allongement des délais par deux fois, la suppression du délai de réflexion, la suppression du consentement parental pour les mineures,…
…la suppression de la notion de détresse, l'instauration d'un délit d'entrave, le remboursement intégral, etc.
Aucun risque non plus de revirement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a toujours admis les différentes réécritures législatives en considérant qu'il ne lui appartenait pas de se substituer au législateur. Bien au contraire, ce serait évidemment la remise en cause de l'IVG par la loi qui serait immédiatement censurée par le Conseil constitutionnel !
Le texte est inutile, donc. Et je trouve étonnante votre référence à la décision de la Cour suprême des États-Unis du 24 juin 2022 pour justifier votre proposition de loi. Elle me laisse pantoise tant il est évident qu'on ne peut en aucun cas importer en France un débat lié aux spécificités constitutionnelles des États-Unis, qui ne ressemblent en rien aux nôtres ! Je me permets de vous rappeler, au passage, que rendre à chacun des États fédérés le pouvoir de légiférer n'est rien d'autre que la démocratie, même si, comme beaucoup d'entre nous, je mesure le risque d'un retour en arrière dans certains de ces États. On l'a déjà constaté d'ailleurs. Mais quel rapport avec la situation constitutionnelle en France ? Aucun !
Le texte est dangereux enfin. Toucher à la Constitution sur une question sociétale comme l'avortement, et a fortiori la contraception, c'est ouvrir la boîte de Pandore et donner prise à toutes les surenchères. Demain, vous voudrez y mettre l'euthanasie, le droit au changement de sexe, la PMA et la gestation pour autrui (GPA)… j'arrête ici le catalogue de tous les sujets qui, à un moment donné, vous paraîtront devoir devenir des droits inaliénables : vous ne manquerez pas d'idées en la matière…
De plus, en faisant de l'accès à l'avortement un droit illimité, vous bouleversez les équilibres trouvés par la loi Veil, dont vous ne cessez pourtant de vous réclamer. Finis les délais ! Seize, vingt-quatre, trente semaines… Chacun pourra surenchérir. Pour ceux qui l'ont trop vite oublié, c'est sur vos bancs que l'avortement pour détresse psychosociale jusqu'à la veille de l'accouchement a été voté une première fois en août 2020, avant, fort heureusement, de se voir retoquer.
Mme Béatrice Roullaud applaudit.
Le texte est également dangereux pour la clause de conscience spécifique des médecins et des personnels médicaux, puisque deux droits fondamentaux s'opposeront alors : le droit à l'IVG et la liberté de conscience. Là encore, je n'oublie pas votre acharnement à tenter de la supprimer contre l'avis même de tout le corps médical, en février dernier.
Vous l'aurez compris, je pense que vous prenez le problème à l'envers. Comme le souligne le professeur Israël Nisand : « Tout le monde peut s'accorder sur l'idée qu'il vaut mieux prévenir les IVG […] plutôt que d'avoir à les réaliser, que ce soit du point de vue éthique, psychologique ou économique. » Or que disent les chiffres sur les effets des lois à répétition que vous votez pour faciliter l'avortement en France ? Au total, 223 300 IVG ont été enregistrées en 2021, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Le nombre reste stable et ne diminue nullement d'année en année, ce qui devrait vous inquiéter ou vous conduire à vous poser des questions. Quelle est l'urgence aujourd'hui : constitutionnaliser l'IVG ou mettre en place une véritable politique de prévention de l'avortement, notamment chez les jeunes ? Chacun ses priorités.
En France, nous possédons tous les instruments juridiques nécessaires pour protéger les droits de la femme. Alors, cessez de jouer sur la peur d'une remise en cause de l'accès à l'avortement, que vous savez impossible. Mais difficile pour vous de résister à ce petit coup politique, n'est-ce pas ? Cela porte un nom : la démagogie. Une fois de plus.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je voudrais d'abord saluer les orateurs qui ont rappelé le contexte dans lequel s'inscrit l'examen de ces propositions de loi – je parle au pluriel, et je vais vous expliquer pourquoi. Ce contexte, c'est celui du cinquantième anniversaire du procès de Bobigny ; c'est également celui de la décision de la Cour suprême des États-Unis qui, indirectement en tout cas, en renvoyant aux États fédérés la possibilité de décider de leur législation sur l'avortement, a gravement remis en cause ce droit aux États-Unis d'Amérique.
C'est enfin celui de remises en cause répétées, dans plusieurs États de l'Union européenne, du droit à l'avortement : en Pologne, où il n'est plus possible d'avorter lorsque des malformations sont constatées sur le fœtus ; en Hongrie, où l'on exige des femmes qui souhaitent pratiquer un avortement qu'elles entendent préalablement les battements du cœur de l'enfant à naître.
C'est de la torture !
Je rejoins la position du ministre : oui, c'est une véritable torture. Cette litanie pourrait ne pas s'arrêter ici, quand on connaît les positions réitérées de Mme Menoni… de Mme Meloni, pardon – je n'arrive même pas à prononcer son nom ,
« Minable ! » sur les bancs du groupe RN
qui est pourtant l'alliée de certains députés qui siègent sur ces bancs.
Sur un tel sujet, il s'agit non de faire de la communication mais d'avancer et, pour pouvoir avancer, j'aurais préféré que nous ayons pu examiner les deux propositions de loi qui ont été déposées par le groupe Renaissance et par le groupe La France insoumise, comme la procédure le permettait avant la réforme constitutionnelle de 2008, sachant que plusieurs questions se posent à nous.
Nous nous sommes beaucoup interrogés et parfois, malheureusement, écharpés sur des problèmes de rédaction, puisque, comme vous le savez, une première tentative visant à faire adopter une proposition de loi identique à celle-ci a échoué. Elle a échoué à cause d'un élément, qui ne figure d'ailleurs pas dans la proposition de loi du groupe Renaissance, à savoir l'inscription dans le texte constitutionnel, en plus de la garantie du droit à l'IVG, de la garantie du droit à la contraception.
Sur ce principe, nous sommes totalement d'accord ; en revanche, dans un souci de pragmatisme et pour que la réforme constitutionnelle puisse aller à son terme, nous avons dû, pour cette fois-ci, y renoncer.
Se pose ensuite la question de l'endroit où insérer dans la Constitution ce droit à l'IVG. Son inscription à l'article 1er pourrait-elle recueillir l'approbation du Sénat ? Il semble que non. En revanche, son inscription à l'article 66-2 apparaît comme une voie plus prometteuse.
Cela étant, je ne suis pas sûr que la rédaction qui nous est proposée ici puisse recueillir l'assentiment du Sénat. En effet, lorsque nous avons adopté, en février dernier, l'allongement du délai légal de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines, nous l'avons fait sans l'accord du Sénat, qui souhaitait que soit spécifié que le droit garanti s'exerçait dans les conditions prévues par la loi, afin que le législateur garde la main sur la manière dont est encadré le recours à l'IVG.
D'où mon intervention devant vous ce matin. Si, sur le principe, y compris dans sa portée la plus ambitieuse, la majorité et de nombreux groupes politiques de cette assemblée souhaitent la constitutionnalisation de l'IVG comme ils souhaitent celle du droit à la contraception, nous devons dans les faits nous montrer pragmatiques pour que ce texte poursuive son cheminement et pour permettre soit la convocation du Congrès à Versailles, soit l'organisation d'un référendum en vue de soumettre la question à la délibération populaire. Pour cela, vous savez que l'article 89 de la Constitution exige que la proposition de révision soit préalablement votée dans les mêmes termes par les deux chambres. Beaucoup de groupes souhaitent ici y parvenir, encore faut-il que le texte franchisse l'obstacle du Sénat.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
À la demande du Gouvernement, je suspends la séance pour une durée de cinq minutes.
La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.
Si l'on inscrivait dans la Constitution que nul ne peut être privé du droit à l'interruption volontaire de grossesse, l'équilibre de notre droit, tel qu'issu de la loi du 17 janvier 1975, serait modifié en profondeur, car toutes les mesures d'équilibre et de protection de l'enfant à naître contenues dans cette loi seraient supprimées. Je pense bien sûr au délai légal de l'IVG ou au recours à un médecin. Le présent amendement vise donc à ajouter la loi Veil aux textes fondamentaux auxquels se réfère le préambule de la Constitution.
C'est notre famille politique qui a créé l'acte fondateur du droit à l'IVG et nous voulons le garantir dans le respect de la loi ordinaire telle qu'elle est appliquée aujourd'hui, notamment avec un délai de recours limité à quatorze semaines de grossesse et une clause de conscience spécifique réservée aux soignants.
L'objectif de l'amendement est également d'éviter de multiples contentieux sur le délai de l'IVG. La formulation actuelle est, selon moi, beaucoup trop vague car elle laisse à penser qu'une IVG pourrait être admise jusqu'à la fin du terme, sans condition.
Cet amendement a été discuté et rejeté en commission. La loi de 1975 fixe certes de grands principes, mais je rappelle que ses dispositions, qui furent originellement l'objet d'une expérimentation de cinq ans avant d'être pérennisées par la loi, ont profondément évolué depuis son vote : prolongation du délai de recours de dix à quatorze semaines ; possibilité d'une réalisation par d'autres professionnels que les médecins, notamment les sages-femmes – je rappelle, monsieur le ministre, que les décrets d'application de cette dernière disposition se font toujours attendre – ; suppression du délai de réflexion ; création du délit d'entrave dont nous avons parlé tout à l'heure ; prise en charge de l'IVG à 100 % par l'assurance maladie.
L'adoption de l'amendement risquerait donc d'ouvrir la voie à des régressions. Nous préférons garantir le droit à l'IVG par la Constitution en précisant, comme le proposent les amendements transpartisans à l'article unique, que cette garantie concerne le droit à l'IVG tel qu'il existe actuellement.
Je donne donc un avis défavorable à cet amendement et je précise que je ne m'exprimerai pas sur l'ensemble des amendements suivants car ils n'ont rien à voir avec le droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Mon avis à ces amendements d'obstruction est défavorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.
Vous proposez une alternative à la constitutionnalisation de l'IVG par l'ajout de l'article 66-2 à la Constitution prévu par la présente proposition de loi. Votre amendement tend à compléter le premier alinéa du préambule de la Constitution de 1958 par la référence aux principes fondamentaux de la loi Veil du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse.
Cette solution ne me semble pas idéale. Dans sa version originelle, le premier alinéa du préambule de la Constitution rappelait l'attachement du peuple français aux valeurs et aux droits et devoirs immuables qui ont fondé notre République. L'ajout postérieur de la Charte de l'environnement n'a pas modifié cet équilibre car celle-ci a été conçue et rédigée pour être constitutionnalisée, ce qui n'a pas été le cas de la loi du 17 janvier 1975. Cette dernière a certes posé certains des grands principes qui structurent encore aujourd'hui la liberté de recourir à l'IVG, mais elle reste soumise aux aléas du temps.
Il est donc difficile d'insérer la disposition que vous proposez dans le préambule de la Constitution. C'est la raison pour laquelle j'exprime une réserve.
La référence aux principes fondamentaux de la loi Veil pose problème. Ce texte totémique et fondateur a en effet très largement évolué : seul son article 8, relatif aux frais de soins et d'hospitalisation, demeure en vigueur. Les principes du recours à l'IVG sont désormais inscrits dans le code de la santé publique.
Enfin, votre amendement pourrait avoir des effets contraires à ceux que vous escomptez puisque tous les acquis obtenus depuis le vote de la loi Veil pourraient être remis en cause. Qu'en serait-il par exemple de l'allongement du délai de recours à l'IVG à quatorze semaines de grossesse ? N'oublions pas que la loi de 1975, dans sa version originelle, ne suspendait les dispositions pénales relatives à l'IVG que pour une durée de cinq ans.
Pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, je suis défavorable à votre amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 2, de notre règlement. Dans le cadre de la discussion générale, notre collègue de la France insoumise a en effet interpellé plusieurs de ses collègues. Elle a tenu une comptabilité d'un mauvais goût qui dépasse les limites en calculant le nombre de femmes qui, dans notre groupe, auraient pu procéder à un avortement.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dresser des listes de gens qui ont réalisé un avortement ou une quelconque opération ne fera jamais partie de nos pratiques ! Vous parlez d'hypocrisie, mais vous êtes experts en la matière, car vous vous êtes assis sur le Smic !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le garde des sceaux, vos arguments, qui font valoir que la constitutionnalisation risque de poser des problèmes, sont extrêmement intéressants.
Ils me donnent l'occasion de souligner un paradoxe. Un comité de réflexion, créé en 2008 et présidé par Simone Veil, s'était penché sur l'opportunité d'inscrire de nouveaux droits et principes fondamentaux dans le préambule de la Constitution. Il avait répondu par la négative, même s'il n'était pas spécifiquement question de l'IVG. Nous nous trouvons donc face à un débat de fond sur les conséquences de l'insertion de dispositions nouvelles dans le préambule de la Constitution. Nous ne devons pas l'esquiver. Lors de la discussion générale, le risque systémique de l'affaiblissement de certains droits à la suite de l'inscription d'un droit dans la Constitution, notamment si celui-ci est prévu par une loi, n'a pas été mentionné. N'oublions pas de considérer l'incidence globale de la constitutionnalisation d'un droit.
Josiane Corneloup l'a très bien rappelé : la loi Veil est une loi d'équilibre qui a, tout en consacrant la liberté de la femme, protégé la vie de l'enfant à naître. C'est bien la question : devons-nous constitutionnaliser cet équilibre ou préférons-nous constitutionnaliser un déséquilibre ? L'amendement que nous portons permet de maintenir un équilibre juridique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais recadrer le débat. J'ai été chirurgien. Je n'exerce plus cette profession, mais j'ai pu comparer la situation avant et après la loi de 1975. Je peux vous dire que remettre en question, même de façon conceptuelle, le droit à l'IVG serait une catastrophe.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR et Écolo – NUPES.
J'ai connu les réparations, les morts et les urgences. Notre débat, que je suis depuis son début, a suscité beaucoup d'émotions et je vous demande d'en tenir compte.
J'ai entendu dire qu'on ne pouvait plus assurer les demandes d'IVG par manque de moyens. C'est un très mauvais argument car, dans les années quatre-vingt, il n'y avait ni pénurie de chirurgiens ni pénurie de structures, mais certains médecins, avançant l'argument qu'ils n'avaient pas été formés pour réaliser des IVG, refusaient de faire respecter ce droit. Or, pour l'avoir vécu, je sais que la formation d'un chirurgien comprend la réalisation de l'IVG.
Faites donc attention, réfléchissez bien aux conséquences possibles, qui peuvent être catastrophiques, de votre décision. La protection du corps de la femme et les droits qui y sont rattachés dont nous avons parlé sont fondamentaux et méritent leur inscription dans la Constitution.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 272
Nombre de suffrages exprimés 231
Majorité absolue 116
Pour l'adoption 35
Contre 196
L'amendement n° 48 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n° 1 , 192 et 264 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 262 .
À l'occasion de cette niche parlementaire du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, le premier texte choisi par ce groupe offre une chance extraordinaire à nos débats : nous pouvons aborder des sujets constitutionnels. En effet, dès lors qu'il s'agit d'une proposition de loi constitutionnelle, on peut aborder l'ensemble des sujets constitutionnels.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
C'est la première fois depuis que nous sommes élus, mes chers collègues. C'est peut-être la dernière fois, puisque j'entends dire que nous ne débattrons pas de la proposition de loi constitutionnelle sur l'IVG lundi 28 novembre, mais qu'on se contenterait de l'examen du présent texte, et que personne ne sait ce qui se passera ensuite. Puisque c'est l'une des rares fois où l'on peut aborder les sujets constitutionnels, il faut que nous nous saisissions de cette occasion.
Mêmes mouvements.
Je m'en saisis pour aborder plusieurs sujets, dont vous me direz qu'ils sont sensiblement différents du sujet de votre proposition de loi constitutionnelle. J'entends bien, mais je n'ai pas d'autre possibilité d'aborder les sujets constitutionnels que celle que vous m'offrez vous-mêmes.
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 262 est défendu. Je regrette que plusieurs collègues qui avaient déposé des amendements identiques au sujet du principe de précaution n'aient pas souhaité s'exprimer.
Je dirai quelques mots d'ordre général. Il y a quelques mois, j'ai présenté dans cet hémicycle un projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement. Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de cavaliers législatifs, mais qu'il y avait en revanche beaucoup de cavalcades, monsieur Le Fur.
M. Erwan Balanant applaudit.
Je m'efforcerais d'être bref : sur tous les amendements qui sont totalement en dehors du sujet dont nous débattons, dont l'amendement n° 262 est une illustration, l'avis du Gouvernement sera évidemment défavorable.
Monsieur Le Fur, vous allez nous faire le même coup que l'an dernier, lorsque nous avons voté l'allongement du délai légal de l'IVG. Vous êtes défavorable à l'IVG et vous utilisez tous les subterfuges que vous offre le droit parlementaire pour tenter de nous décourager d'inscrire dans la Constitution le droit à l'IVG. Mais, voyez-vous, sur ces bancs, nous sommes probablement majoritaires à vouloir inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution et vous ne nous découragerez pas. Nous resterons déterminés face à vous pour protéger les femmes et leurs droits sexuels et reproductifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Chacun est dans son rôle. En effet, ceux qui défendent des amendements ont le droit de le faire ; leurs propositions ne sont pas des cavaliers. Ensuite, vous avez parfaitement le droit de voter pour ou contre. Mais il faut aussi répondre aux questions posées par ces amendements : un droit doit-il être consacré dans la Constitution pour avoir une valeur supérieure ?
Vous proposez de rendre le droit à l'IVG constitutionnel, mais quid, alors, de tous les autres droits que vous n'inscrivez pas dans la Constitution ? Seront-ils affaiblis ?
Ça n'a rien à voir avec l'amendement… qui lui-même n'a rien à voir avec le texte !
Voilà la vraie question. Nous devons établir un équilibre juridique et institutionnel. Ce texte ne concerne pas seulement l'IVG, mais aussi ce que l'on inscrit dans la Constitution. Il ne s'agit pas simplement d'une question symbolique, car la Constitution n'est pas seulement une collection de symboles, mais tout un équilibre. Or, vous choisissez d'y ajouter le droit à l'IVG, tout en refusant d'y inscrire d'autres droits. La question se pose, monsieur le garde des sceaux : est-ce à dire que tous les droits qui ne sont pas consacrés dans la Constitution sont inférieurs aux droits constitutionnels ?
On peut en douter, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel constitue une très bonne protection, qui est suffisante.
Ainsi, faut-il tout inscrire dans la Constitution pour assurer la protection des droits, ou d'autres protections constitutionnelles existent-elles, comme nous le pensons ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement n° 262 n'est pas adopté.
L'amendement n° 233 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 240 .
L'amendement vise à reconnaître solennellement dans notre Constitution que cette dernière est la norme suprême de l'ordre juridique français. La conséquence immédiate réside en la nécessité, s'agissant notamment des engagements internationaux de la France, de respecter les dispositions de notre Constitution en toutes circonstances.
L'amendement tend à ouvrir la possibilité à tout citoyen de se prévaloir d'une disposition de la Constitution devant une instance juridictionnelle. Il permet de rapprocher la Constitution de nos concitoyens et de la mettre à leur service. Cet amendement vise à consacrer la souveraineté française.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En réalité, cet amendement a pour objet, tenez-vous bien – si vous me permettez cette familiarité et cet impératif qui m'est interdit –, de compléter l'article 1er de la Constitution pour reconnaître le caractère suprême de la Constitution dans l'ordre juridique français. Il faut oser !
Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Rires.
L'amendement n° 240 n'est pas adopté.
Les amendements n° 236 de M. Victor Catteau et 222 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie sont défendus.
Les amendements identiques n° 225 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie et 239 de M. Victor Catteau sont défendus.
La parole est à M. Frédéric Boccaletti, pour soutenir l'amendement n° 237 .
Propos anti-français, rébellion de jeunes enfants refusant de chanter l'hymne national, refus d'observer les minutes de silence en hommage aux victimes des attentats, port de tenues islamiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tant d'exemples qui démontrent que la France fait l'objet de revendications communautaristes de plus en plus fortes. Personne ne peut aujourd'hui l'ignorer ou le nier.
Nos femmes ne peuvent plus se vêtir comme elles le souhaitent. Nos enfants de France sont agressés par des bandes de voyous, la plupart du temps du temps étrangers.
Protestations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le ministre de l'intérieur le sait, le ministre de l'éducation nationale le sait ; tous les services de l'État le savent.
Une société multiculturelle est une société multiconflictuelle.
Ce refus d'assimilation à notre société n'est pas nouveau et s'amplifie jour après jour,…
Mêmes mouvements.
Mêmes mouvements.
…étant donné l'immigration incontrôlée que connaît notre pays, le tout avec la complicité voire la bénédiction de certains – je fais notamment référence aux députés de la NUPES, car c'est leur fonds de commerce électoral.
C'est la raison pour laquelle nous proposons d'inscrire dans la Constitution, après l'article 3, que la République ne reconnaît qu'une seule communauté, la communauté nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Totalement défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Chers collègues, je ne suis pas certain que la manière dont se déroulent les débats nous honore vraiment.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
On se pose une vraie question, consistant à savoir si on a intérêt à constitutionnaliser le droit à l'avortement. Personnellement, je pense que oui, mais certains députés, y compris dans le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, ne le pensent pas. En tout cas, il me paraît utile d'en débattre, en prenant le temps de le faire.
Je ne suis d'ailleurs pas tout à fait certain que le Sénat nous suivra dans cette démarche – raison de plus pour ne pas en rajouter en proposant des réformes de la Constitution dont on sait très bien qu'elles n'ont aucune chance d'aboutir.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Même si vous ne voulez pas inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution, ce n'est pas la peine de proposer des tas d'amendements sur d'autres sujets pour réformer la Constitution – ce n'est pas comme cela que vous y parviendrez.
Les parlementaires du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires pensent que nous avons intérêt à nous concentrer sur la question cruciale : est-il souhaitable d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution ? Je pense que oui.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et GDR – NUPES.
L'amendement n° 237 n'est pas adopté.
L'amendement n° 217 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
En préambule, je voudrais faire un rappel. On nous accuse d'obstruction alors que nous n'avons déposé qu'une quarantaine d'amendements. Or il me semble que le droit parlementaire nous autorise à discuter de l'ensemble des sujets qui peuvent être inscrits dans la Constitution.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous devriez avoir davantage de respect pour la Constitution !
Vous n'avez qu'à changer les règles du droit parlementaire, mais il me semble qu'en l'état, elles nous permettent de tenir des débats que vous souhaitez balayer d'un revers de main parce que vous voulez aborder le plus de textes possible au cours de votre niche parlementaire, ce que je comprends, cependant nous souhaitons débattre de tous les sujets.
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 234 vise à inscrire parmi les devoirs du Président de la République qu'il « veille à la sauvegarde de l'identité et du patrimoine de la France. »
Certaines déclarations du Président de la République Emmanuel Macron au cours des dernières années nous inquiètent et nous incitent à protéger l'identité et le patrimoine de la France. En 2017, M. Macron déclarait : « Il n'y a pas une culture française. » À Londres, en 2017, il disait : « L'art français, je ne l'ai jamais vu. » Le 11 octobre 2018, il soutenait que la langue française n'a pas de lien avec la nation française. Plus tard, il affirmait : « l'allemand a un charme […] que la langue française ne m'apporte plus ».
Face à ces déclarations ambiguës, si elles ne sont dangereuses, du Président de la République française, nous souhaitons indiquer dans la Constitution que la charge du Président de la République implique de défendre l'identité et le patrimoine de la France.
Je vous remercie de ne pas balayer d'un revers de main des débats intéressants sur la Constitution.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous faites des propositions par rapport à votre idéologie ; dans le cadre de cette proposition de loi constitutionnelle, on a le droit de débattre aussi des sujets défendus par notre mouvement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable.
Chers collègues du Rassemblement national, savez-vous à quoi sert une constitution ? En lisant les amendements que vous avez déposés, on peut se poser la question.
La Constitution garantit les droits fondamentaux des citoyens et pose le cadre de nos institutions. Elle ne donne pas des préférences de politique publique.
Les politiques publiques, on en débat régulièrement, dans cet hémicycle, dans le cadre de la loi. L'amendement n° 217 comprend cinq paragraphes relatifs à la politique migratoire et aborde la question du regroupement familial. Je vous donne rendez-vous : nous en débattrons lors du grand débat que nous tiendrons prochainement sur l'asile et l'immigration dans cet hémicycle, mais ces paragraphes n'ont absolument pas leur place dans la Constitution.
L'amendement n° 234 porte sur l'identité, la langue, le patrimoine. Le Président de la République est le premier à défendre la francophonie et la langue française.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il l'a encore fait récemment en annonçant que le sommet de la Francophonie se tiendra à Villers-Cotterêts.
Rendons hommage à son action. J'espère que vous le ferez pour défendre la langue française en France et au-delà.
En somme, les amendements que vous proposez n'ont rien à voir avec le sujet dont nous débattons aujourd'hui. Nous sommes ici pour parler d'un droit fondamental…
…qui est le droit à l'interruption volontaire de grossesse, que nous allons inscrire dans notre Constitution. Revenons aux fondamentaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous ne sommes pas ici pour défendre des préférences de politique publique, nous dit le collègue Haddad ; pourtant, c'est exactement ce qui est en train de se passer dans ce débat, puisqu'il porte sur la politique publique que nous souhaitons en matière d'IVG – la constitutionnaliser ou pas. Sur ce premier point, vous avez donc tort.
Ensuite, vous vous prétendez défenseurs de la francophonie alors que vous avez vous-même érigé Yseult, son écriture inclusive…
…et ses délires de genre comme l'image de la francophonie dans le monde !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Alors pas de leçons ! Gardez votre Yseult et nous garderons la francophonie !
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 234 n'est pas adopté.
Nous avons le temps, puisque nous allons travailler toute la journée – et nous nous emploierons à le faire correctement et aussi sereinement que possible.
Le droit d'amendement est un droit objectif. L'opposition a une marge d'action, celle de défendre des amendements. Or, grâce à vous, nous avons l'occasion de défendre des amendements d'ordre constitutionnel qui, selon le ministre lui-même, ne sont pas des cavaliers.
Je suis plutôt du genre fantassin, celui qui tient dans la tranchée, qui ne cède pas ; voilà mon profil.
Je tiens à défendre cet amendement qui rétablit à sept ans la durée du mandat du Président de la République afin qu'il soit dit qu'un représentant de la tradition gaulliste se rappelle ces principes fondamentaux de 1958. Avec un mandat de sept ans, plus stable, nous n'en serions que plus forts sur la scène internationale. En outre, cet amendement aurait l'avantage considérable de dissocier l'élection présidentielle des élections législatives. En effet, nous sommes tous ici victimes de l'association de ces deux scrutins, due aux circonstances et un peu au hasard.
Peut-être, mais moi, je défends mes amendements ! En ai-je le droit ? Le droit d'amendement est individuel, chers collègues. Je défends donc les miens.
Les élections législatives ne seraient plus concomitantes de l'élection présidentielle. Nous pourrions ainsi nous faire élire sur un programme, et non plus seulement sur une allégeance supposée au Président de la République. Nous aurions la possibilité de vrais débats. L'Assemblée y gagnerait et je suis convaincu que le niveau de participation des électeurs à ces élections serait nettement plus élevé.
Je sais bien que cet amendement a peu de chance de prospérer dans ce débat…
…mais j'ai la possibilité de le défendre – ce qui ne sera pas le cas lundi, puisque vous renoncez au débat prévu –, et je l'aurai donc fait !
Pour défendre votre amour du septennat, vous avez votre propre niche parlementaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est très dommageable pour l'Assemblée nationale que des groupes d'opposition, qui ne disposent que d'une seule journée dans l'année pour défendre leurs propositions, fassent de l'obstruction comme vous êtes en train de le faire.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous le répète : votre niche aura lieu la semaine prochaine. Personne n'a donc intérêt à cette obstruction ! Retirez votre amendement ! À défaut, avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pour ne rien vous cacher, je ne le trouve pas mal, votre amendement. Je vous suggère même un sous-amendement pour rendre la mesure rétroactive, car je ferai bien deux ans de plus avec Emmanuel Macron !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Au-delà de ces discussions sur l'obstruction parlementaire, il me semble, tant cette séance est importante, qu'il faut rappeler le droit à l'IVG. Personne, dans cet hémicycle, n'est contre l'IVG.
« Pas sûr ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Simplement, vous êtes tous pour la loi Veil. Vous aviez une occasion inestimable de le montrer en votant pour l'amendement visant à l'inscrire dans la Constitution. Or cela, vous ne l'avez pas fait ! Arrêtez les procès ! Nous sommes pour la loi Veil,…
…nous sommes pour l'IVG et nous sommes pour les droits des femmes. Vous n'avez pas ce monopole !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Une fois de plus, nous débattons d'amendements qui n'ont rien à voir avec le texte examiné. Notre collègue Le Fur propose des débats institutionnels intéressants ; une commission transpartisane se penchera justement sur la réforme des institutions.
Je suis tout de même surpris. Après un premier amendement visant à remplacer le principe de précaution par l'innovation responsable, voici que M. Le Fur nous propose un deuxième amendement visant à remplacer le quinquennat par le septennat. Je constate un point commun entre ces deux innovations constitutionnelles : c'est la droite de Jacques Chirac qui a fait adopter ces mesures !
Si la réforme du septennat est vouée à être défaite par le camp gaulliste de ceux-là mêmes qui l'ont faite, pourquoi ne pas carrément mettre fin à la fonction présidentielle ? Allons, respectons un peu l'héritage de Jacques Chirac – et c'est le groupe Renaissance qui est obligé de le dire au groupe Les Républicains !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 268 n'est pas adopté.
Il tend à résoudre un problème de la Constitution, qui, comme le dit M. Haddad, vise à réguler les institutions. Pour devenir membre du gouvernement, il n'est pas nécessaire d'être de nationalité française, alors que c'est une condition pour être électeur. Il nous semble important d'inscrire dans la Constitution la règle selon laquelle pour appartenir au gouvernement français, il faut avoir la nationalité française.
On nous reproche depuis tout à l'heure de faire de l'obstruction. De qui se moque-t-on ? Revenons sur la loi relative au pouvoir d'achat du mois de juillet – même si je comprends que ce sujet ne vous démange guère puisque vous retirez vous-mêmes vos mesures en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Lorsque nous avons donc voulu défendre le pouvoir d'achat des Français en juillet, qui nous a fait passer une nuit entière sur les ports méthaniers, sans aucun lien avec le pouvoir d'achat ? C'est la NUPES !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En termes de cavaliers et d'obstruction, vous êtes donc très mal placés pour faire la leçon.
C'est vous qui déposez des centaines d'amendements qui n'ont jamais rien à voir avec les textes. Aujourd'hui, nous examinons un texte qui vise à modifier la Constitution ; certaines lois, tout aussi importantes pour la France, peuvent y être intégrées. Nous le proposons et c'est notre droit ! Ne nous reprochez donc pas ce que vous faites en permanence !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous examinons un texte sur le droit des femmes à disposer de leur corps !
Je note que jusqu'ici, treize hommes ont pris la parole contre trois femmes …
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR
…pour entraver l'inscription du droit des femmes à disposer de leur corps dans la Constitution. Défavorable.
Applaudissement sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vives exclamations sur les bancs du groupe RE.
Après ce qui vient d'être dit, j'ose à peine prendre la parole… J'indique tout de même que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Chers collègues, je vous demande de poursuivre la discussion dans le calme.
Il se fonde sur l'article 100, relatif à la bonne tenue des débats. Nous vivons un jour important pour le droit des femmes en France, en Europe et dans le monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Or la tenue des débats tels qu'ils se déroulent depuis ce matin est catastrophique. De nombreuses heures de débat pourront avoir lieu sur vos principales lubies – la préférence nationale, l'immigration incontrôlée, que sais-je encore – mais là, nous parlons du droit des femmes.
Nous devons nous concentrer sur ce sujet, et sur ce sujet seul. J'ajoute, pour conclure, que le droit des femmes ne concerne pas que les femmes. Les hommes aussi y prennent toute leur part, et c'est ce que font les hommes de la majorité présidentielle à nos côtés !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je vous écoute avec attention depuis le début de la discussion. Comme vient de le rappeler notre collègue du groupe Renaissance,…
…ce texte est très important. Nous sommes presque tous – à l'exception de quelques-uns – unis pour inscrire ce droit des femmes dans la Constitution, même si des questions se posent et nous devons en débattre.
Le droit d'amendement est lui aussi constitutionnel, mais de grâce, vous rendez-vous compte du spectacle que nous donnons à l'extérieur par ce genre d'amendements qui n'ont rien à voir avec le texte ? J'aimerais qu'au moins une fois, ce parlement fasse preuve de dignité et qu'on cesse de s'invectiver d'une travée à l'autre parce que certains déposent des amendements dans le but de faire de l'obstruction – qui, en l'occurrence, n'a pas lieu d'être sur ce texte, ni lors d'une niche ; nous nous sommes d'ailleurs opposés à l'embolie parlementaire à l'occasion des niches. Les collègues des bancs de droite défendront leurs amendements ; soit. Je demande à ceux des bancs de gauche de ne pas répondre, car cela ne sert pas nos débats !
Mme Véronique Riotton applaudit.
Les leçons de morale et autres listes pour déterminer combien d'hommes et de femmes ont pris la parole, gardez-les pour vous. Nous sommes parlementaires, nous exerçons notre mission de législateur.
Nous avons déposé trente amendements et n'en défendons que quinze ; il n'y a donc aucune obstruction parlementaire ni volonté de notre part d'empêcher le débat.
Je m'étonne que la proposition de réserver les postes de ministre à des citoyens français crée autant d'émoi. Vous avez déjà tenté de faire entrer au gouvernement des personnes qui défendent d'autres intérêts. Sur votre liste de candidats aux élections européennes, par exemple, vous avez fait élire M. Sandro Gozi – député européen italien élu sur une liste française – avant qu'il devienne chargé de mission auprès d'Édouard Philippe, puis qu'il doive partir après avoir été mis en cause comme conseil du gouvernement maltais ! Autrement dit, oui, nous préservons l'intérêt des Français contre les intérêts d'un certain nombre de puissances étrangères !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous demande, chers collègues, que vos interventions portent sur les amendements, conformément au règlement intérieur.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Il y a des limites qu'il convient de ne pas franchir. À part Necker, je ne connais pas un ministre qui n'ait pas été français. Necker était genevois, comme vous le savez tous, car vous êtes des gens très cultivés.
Vous nous donnez là je ne sais quelles leçons, mais quand on connaît les liens qui vous unissent à la Russie, vous feriez mieux de vous taire !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
L'amour est dans le pré !
L'amendement n° 238 n'est pas adopté.
La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie, pour soutenir l'amendement n° 219 .
Voici un nouvel amendement défendu par un homme – j'en suis désolé –, qui n'a pourtant aucun lien avec la Russie et qui a la prétention d'être quelqu'un de poli et d'élégant.
Cet amendement vise à modifier l'article 34 de la Constitution afin d'étendre le domaine de la loi, lui réservant le soin de fixer le régime applicable aux étrangers. Il permettrait notamment d'interdire ou de limiter le regroupement familial.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 219 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Voici un amendement qui devrait plaire à Mme Panot et qui répond à une préoccupation assez largement partagée dans cet hémicycle. Il porte sur le recours excessif aux missions confiées à des conseils privés. Cette question n'est pas du tout encadrée par la loi.
Je propose donc d'inscrire à l'article 34 de la Constitution, qui définit le domaine de la loi, une disposition précisant que la loi organise les relations entre les administrations et les organismes privés de conseil. Une telle mesure devrait pouvoir nous réunir.
La question est avant tout d'ordre financier : 893 millions d'euros, c'est le montant de la dépense consacrée aux différents cabinets de conseil – nous en avons évoqué plusieurs ici, je ne les citerai pas tous car ils sont nombreux, au reste certains travaillent bien et ne posent pas de problème. En tout état de cause, il me semble nécessaire que la loi encadre ce domaine, et c'est pourquoi il convient de le préciser à l'article 34 de la Constitution. Si cet amendement ne vous plaît pas, madame Panot, alors je ne comprends plus !
Vous voulez inscrire n'importe quoi dans la Constitution, mais pas l'IVG ?
Monsieur Le Fur, vous faites de l'obstruction pour empêcher l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution. Avis défavorable !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Défavorable.
Cher collègue, permettez-moi de m'étonner de la teneur de votre amendement et de ses sous-entendus. Son objectif rejoint d'ailleurs peut-être la proposition de loi tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux révélations des Uber Files et au rôle du Président de la République dans l'implantation d'Uber en France retirée hier soir de l'ordre du jour de ce jeudi par le groupe La France insoumise.
Votre argumentation étonne aussi. Vous dites que rien dans notre corpus juridique ne permet de réglementer les relations entre les cabinets de conseil et les administrations. Or, que je sache, les cabinets de conseil sont des entreprises et nous avons un code des marchés publics très fourni, qui émane du processus législatif communautaire et national.
Enfin, j'adhère à ce que vient de dire Bruno Millienne : pensons, chers collègues, à l'image que nous donnons ce matin.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Bruno Millienne applaudit également.
L'amendement n° 263 n'est pas adopté.
L'amendement n° 221 de M. Christophe Bentz est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Rires sur les bancs du groupe RN
– ou plutôt défavorable, voulais-je dire !
L'amendement n° 221 n'est pas adopté.
Nous sommes soucieux des droits des oppositions, qui sont diverses et variées. L'un des problèmes auxquels elles se heurtent est la multiplication des recours à la procédure accélérée pour l'adoption des projets de loi. C'est une question importante, je crois que d'autres que moi le disent. J'aimerais qu'elle soit clairement posée. Le Gouvernement a toute liberté d'engager cette procédure à certaines occasions, j'en conviens tout à fait, mais il ne faut pas qu'il le fasse de manière exagérée, d'où notre proposition de limitation. J'ai volontairement été bref pour ne pas prolonger nos débats.
Je fais très attention à ne pas me tromper cette fois-ci : défavorable.
Je vois que l'offensive, après avoir été menée contre l'héritage de Jacques Chirac, vise maintenant celui du général de Gaulle, ce qui, de la part du groupe Les Républicains, a de quoi étonner.
Ce qui nous réunit aujourd'hui est l'un des actes les plus solennels pour les législateurs que nous sommes : réviser la Constitution.
Nous ne devons le faire qu'avec une main tremblante, en étudiant attentivement les enjeux. Nous avons un débat important sur le droit des femmes et l'interruption volontaire de grossesse. Je propose que nous nous concentrions dessus.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'amendement n° 271 n'est pas adopté.
Il s'agit toujours des droits de l'opposition : notre amendement vise à instituer des contre-rapporteurs, proposition que je ne suis pas seul à faire. Il importe qu'un double regard soit porté sur les textes que nous examinons : celui d'un rapporteur et celui d'un contre-rapporteur appartenant nécessairement aux oppositions.
C'est bien votre esprit, ça !
Défavorable.
L'amendement n° 272 n'est pas adopté.
L'amendement n° 245 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 226 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 227 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie, pour soutenir l'amendement n° 220 .
Il s'agit de renvoyer au domaine de la loi le soin de fixer le régime applicable aux demandes d'asile, au droit d'asile et au statut des demandeurs d'asile. Cela permettrait notamment d'ouvrir la possibilité de déposer des demandes d'asile hors du territoire national, par exemple depuis les pays d'origine des demandeurs.
Durant l'instruction de ces demandes, ceux-ci pourraient être accueillis par des États avec lesquels la France aurait passé des accords en ce sens. La loi fixerait dans ce cadre les devoirs pesant sur les personnes admises au bénéfice du droit d'asile.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous aurons eu droit à toutes vos marottes.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Souffrez d'entendre ma réponse !
Mêmes mouvements.
Premièrement, le législateur a d'ores et déjà des compétences en la matière. Deuxièmement, il n'est pas opportun d'en faire une compétence exclusive. Troisièmement, l'intervention du pouvoir réglementaire est une nécessité pour décliner les grands principes que fixe la loi. Pour ces trois raisons, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 220 n'est pas adopté.
C'est un amendement que je défends très régulièrement à l'occasion des débats constitutionnels, M. le ministre le sait bien : il concerne la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Comme le Conseil constitutionnel s'y est déclaré défavorable, il nous faut nécessairement passer par une révision constitutionnelle. Cette proposition de loi constitutionnelle nous en offre l'occasion et je m'en saisis. J'aurai certainement des alliés et en disant cela, je me tourne vers mes chers collègues polynésiens qui sont confrontés aux mêmes difficultés, mais aussi vers d'autres députés dans cet hémicycle – car cet enjeu est transpartisan, j'en suis bien conscient.
Madame la rapporteure, je sais que M. Mélenchon, au nom du jacobinisme qui lui est propre, est très opposé à cette démarche et je comprendrais parfaitement que vous vous déclariez défavorable à mon amendement.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En tout cas, je me fais un devoir, à l'occasion de chaque projet ou proposition de loi constitutionnelle, de défendre la ratification par la France de cette charte. Et j'espère que nous progresserons sur ce sujet comme nous progressons sur d'autres.
Errare humanum est, perseverare diabolicum, monsieur le député. Vous aviez déjà tenté le coup lors de l'examen d'un précédent texte tendant à modifier la Constitution. Vous aviez même fait pour l'occasion un montage vidéo qui reposait en réalité sur un trucage, qu'il est encore possible de visionner.
Reconnaissons quand même que les langues régionales sont très éloignées du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.
Vous persistez, monsieur Le Fur, mais moi aussi : comme la fois dernière, je suis défavorable à votre amendement.
Cher collègue Marc Le Fur, votre amendement est très intéressant et le député alsacien que je suis dira au député breton que vous êtes qu'issu comme vous d'une région au riche patrimoine culturel et linguistique, je suis bien entendu sensible au fait que vous remettiez régulièrement cet important sujet sur la table. Il nous faut avancer en ce domaine mais, comme le garde des sceaux l'a dit, cet amendement est hors sujet dans le cadre du débat qui nous occupe. J'espère toutefois que nous aurons l'occasion de parler très prochainement dans cet hémicycle du breton, du basque et de l'alsacien. Vivent nos langues régionales et vivent nos dialectes !
M. Tematai Le Gayic applaudit.
L'amendement n° 269 n'est pas adopté.
L'amendement n° 241 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 246 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 229 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 242 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous abordons enfin l'examen des amendements qui correspondent au fond de la proposition de loi. Certains d'entre vous ont cité Montesquieu, rappelant sa formule selon laquelle le législateur ne devait changer certaines lois que d'une « main tremblante ». Eh bien, pour légiférer aujourd'hui, ce n'est pas tremblante que notre main doit être, mais ferme.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
Ferme, car il nous faut affirmer dans notre pays le droit à l'IVG et le droit pour les femmes à disposer librement de leur corps.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous devons écrire la loi d'une main ferme, mais aussi de façon rigoureuse. La rédaction que nous retiendrons doit répondre aux normes qui s'imposent s'agissant d'une modification constitutionnelle : une rédaction qui ne dit pas tout et n'importe quoi, une rédaction qui affirme un droit, une rédaction qui valide un principe dans la Constitution.
Je dois ici saluer le travail effectué par Marie-Pierre Rixain et Albane Gaillot sous la précédente législature, Aurore Bergé et Mathilde Panot aujourd'hui, sans oublier Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel et bien d'autres.
Nous proposons un amendement commun issu du travail en commission et de négociations entre groupes et ce faisant, nous envoyons un message fort aux Français : nous sommes capables, quels que soient nos différends politiques, d'aller à l'essentiel. Ce message aux Français est aussi un message au monde : le droit des femmes ne peut régresser…
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Avec cet article unique, nous en arrivons effectivement au fond de cette proposition de loi constitutionnelle. La question est de se prononcer non pas pour ou contre l'IVG, mais pour ou contre l'IVG inconditionnelle.
Nous voyons bien que nous sommes en présence de deux conceptions différentes. Pour les uns, le droit à l'IVG est fondé uniquement sur la liberté de la femme, laquelle s'oppose à toute autre considération. Pour les autres, dont nous sommes, il faut prendre en considération non seulement la liberté de la femme, mais également la protection de la vie à naître…
…et trouver un équilibre entre ces deux principes, équilibre difficile à établir comme les douloureux débats sur la loi Veil l'ont montré. La liberté de la femme à disposer de son corps n'est pas un droit absolu.
Il importe aussi de prendre en compte la protection de la vie à naître, qui justifie d'ailleurs que des conditions soient posées, notamment en matière de délais.
Ma question, madame la rapporteure, monsieur le garde des sceaux, est la suivante : pourquoi maintenez-vous des conditions de délais alors que vous ne voulez pas reconnaître le principe de protection de la vie à naître ? Si vous ne retenez que celui de la liberté de la femme, rien ne devrait s'y opposer, notamment pas les conditions particulières de délais actuelles. Ces délais existent précisément parce qu'une interrogation demeure – cela reste un mystère posé à l'humanité depuis l'origine – sur ce qu'est un embryon ou un fœtus. Nous n'y répondrons pas aujourd'hui ; tout au plus continuerons-nous à nous interroger, personnellement et collectivement, sur ce mystère de la procréation.
Sourires.
Mais nous devons pouvoir affirmer qu'il existe bien un principe de protection de la vie à naître, à côté de celui de la liberté de la femme.
Revenons-en au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui : l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution. Il serait naïf de croire que ce droit n'est et ne sera jamais remis en cause. Ne l'est-il pas déjà, d'ailleurs, compte tenu des difficultés rencontrées par de nombreuses femmes en France pour y recourir ? La constitutionnalisation de l'IVG va de pair avec le renforcement de son effectivité.
Or, nous sommes confrontés à un problème de taille. Les déserts médicaux constituent l'un des obstacles à l'avortement : les centres de planification et d'éducation familiale, les maternités, les hôpitaux qui pratiquaient des IVG se sont raréfiés et éloignés de la population : en seulement dix ans, quarante-cinq de ces établissements hospitaliers ont fermé. Combien de femmes se sont retrouvées en difficulté à la suite de ces fermetures ? Entre 1996 et 2019, selon la Drees, le nombre de maternités est passé en France de 814 à 461, ce qui explique l'allongement des déplacements pour recourir à un avortement et l'augmentation des frais inhérents. S'il ne fallait retenir qu'un seul chiffre, ce serait celui-ci : plus de 17 % des femmes avortent hors de leur département de résidence. Ces contraintes sont autant d'obstacles dont les femmes n'ont pas besoin, face à un choix qui reste difficile et douloureux.
Oui, il faut inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. Parallèlement, nous devons faire en sorte que ce droit ne soit pas entravé et que l'IVG reste un acte accessible aux femmes dans l'ensemble du territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
Je le dis d'emblée, nous sommes favorables à l'inscription de l'IVG dans la Constitution…
…et nous défendons très clairement ce principe ; il n'y a pas de débat à ce sujet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Yannick Monnet applaudit également.
Nous portons la responsabilité de protéger et de défendre le droit des femmes ; mais nous avons également une exigence de cohérence, dont nous devons débattre calmement, tous ensemble. Je constate une certaine volatilité dans la géométrie féministe de plusieurs députés ici présents,…
…qui pose question souvent et qui inquiète toujours.
Hier, certains imaginaient le moyen de faire revenir sur leurs bancs un homme accusé de violences à l'encontre de sa femme.
Vives protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ne vous énervez pas ! Hier encore, une collègue s'interrogeait sur la possibilité d'interroger la femme en question au sein d'une commission interne, dans une sorte de justice parallèle.
Les protestations se poursuivent sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
N'y voyez aucune polémique de ma part, mais plutôt un souci de cohérence.
Les forces de gauche semblent s'inquiéter du retour d'Adrien Quatennens !
Votre fuite en avant afin de ne pas répondre à cette question pose problème.
Vives protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Répondons-y ensemble, ne nous engouffrons pas dans des polémiques et soyons à la hauteur du combat que nous devons mener collectivement en matière de droits des femmes.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Les protestations se poursuivent sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous en venons aux trois amendements identiques, n° 1 , 192 et 264 , visant à supprimer l'article unique, amendements pour lesquels, je le rappelle, j'ai été saisie d'une demande de scrutin public annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 1 .
La loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse énonce, dans son article 1er , que « la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ».
Ce principe législatif était, lors du débat de la loi de 1975, un élément essentiel qui avait conduit à accepter une suspension – c'est le terme employé à l'article 2 de la loi – des dispositions du code pénal réprimant la pratique de l'avortement. Il s'agissait d'équilibrer les droits de la mère et ceux de l'embryon, en posant une règle dérogatoire au « respect de tout être humain dès le commencement de la vie ». Si la proposition de loi constitutionnelle était votée, elle s'imposerait à cette législation qui deviendrait en quelque sorte sans objet. C'est ainsi l'ensemble de l'édifice législatif relatif à l'IVG qu'il faudrait modifier.
Procéder à ces modifications alors que le recours à l'IVG n'est en aucune façon menacé en France – plus de 220 000 avortements y sont pratiqués chaque année –, sous la pression d'une décision de la Cour suprême des États-Unis qui n'a aucun rapport avec le système français, me paraît parfaitement inutile et dangereux pour la Constitution française, comme je l'ai déjà rappelé lors de la discussion générale. Ce faisant, vous agitez les peurs pour faire croire aux Français que l'avortement serait menacé dans notre pays. Quelle imposture ! Citez-moi une seule décision du Conseil constitutionnel le remettant en cause ? Vous n'en trouverez pas et pour cause : il n'y en a pas !
C'est pourquoi je demande la suppression de l'article unique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 192 .
Il s'agit en réalité d'un amendement de cohérence. Après avoir modifié l'ordre du jour au détriment de discussions portant sur le pouvoir d'achat que vous avez refusé de mener dans cet hémicycle,…
…vous avez – vous ne l'assumerez d'ailleurs certainement pas – trouvé un accord avec le Gouvernement afin de reformuler l'article unique de la présente proposition de loi constitutionnelle et d'éviter un nouveau débat constitutionnel la semaine prochaine ! En réalité, vous saviez pertinemment que le dispositif tel qu'il était initialement écrit ne pouvait pas être adopté en l'état. C'est pourquoi voter la suppression de cet article est tout à fait cohérent.
Sur le fond, vous importez un débat qui émane des États-Unis, alors même qu'en France il n'est absolument pas question d'entraver d'aucune manière l'IVG ;…
…la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante à ce sujet. Je rappelle d'ailleurs à l'ensemble des élus, fervents défenseurs d'Emmanuel Macron, qu'en 2018, Agnès Buzyn et Nicole Belloubet, alors ministres, avaient affirmé devant le Parlement l'inutilité d'inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution en raison de l'extrême solidité de sa protection constitutionnelle.
Cet amendement de suppression de l'article unique est, par conséquent, parfaitement opportun.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.
Ma collègue Anne-Laure Blin l'a évoqué, tout comme Josiane Corneloup lors de la discussion générale, nous importons un débat américain qui n'a pas lieu d'être ici : aux États-Unis, ce débat oppose le pouvoir fédéral aux États. En France, un seul législateur édicte la loi ; la question ne se pose donc pas. Vous voulez absolument engager ce débat, alors que, dans notre pays, 220 000 avortements sont pratiqués par an.
Certains d'entre vous veulent-ils augmenter ce chiffre ? J'ose espérer que non ! S'agissant du nombre d'avortements, un seul pays nous dépasse : la Russie de M. Poutine.
Est-ce un exemple ? Je ne le crois pas. Cette situation est surtout révélatrice des difficultés et des drames de ce pays. C'est pourquoi nous considérons qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire ce principe dans la Constitution, d'autant qu'il n'est pas souhaité.
Je vous renvoie à Simone Veil elle-même, qui a présidé en 2008 un comité de réflexion sur le préambule de la Constitution et rendu, à ce titre, un avis négatif à la constitutionnalisation de l'avortement, ainsi qu'à Yaël Braun-Pivet qui affirmait la même chose il y a quelques mois ou encore à Philippe Bas – qui fut le collaborateur de Simone Veil –, qui s'est exprimé sur ce sujet au Sénat. Les dispositions prévues dans la loi Veil garantissaient un équilibre, que l'on retrouve dans son fameux discours du 26 novembre 1974 que je vous invite à relire. Or vous rompez cet équilibre ! C'est pourquoi nous restons mobilisés, considérant que ces affaires sociétales ne peuvent pas être examinées sous le prisme de slogans, mais avec toutes les précautions nécessaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
J'émets bien sûr un avis défavorable à ces trois amendements de suppression de l'article, et je répondrai à certains des arguments avancés. Vous dites, madame Ménard, que le droit à l'avortement n'est pas en danger en France et que nous importons le débat des États-Unis – Mme Blin l'a également dit.
C'est faux pour plusieurs raisons : certes, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a toujours été favorable au droit à l'avortement ; mais cela s'explique parce qu'il était saisi sur des textes proposant des avancées en la matière. En réalité, madame Ménard, vous cherchez des prétextes : pour vous, la question n'est pas de savoir s'il convient d'inscrire ou non le droit à l'IVG dans la Constitution, mais bien de se positionner pour ou contre le droit à l'avortement.
« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Imaginez que le Conseil constitutionnel doive se prononcer sur les amendements de Mme Ménard, qui propose que le mari ou le compagnon ait la possibilité d'interdire à une femme d'avorter – c'est bien ce que vous proposez ! – ,
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR
ou sur les questions de délais ou de réduction de la gratuité ! Cela peut se produire dans notre pays.
Parmi les 89 députés du groupe Rassemblement national, certains sont capables d'affirmer qu'« après avoir "génocidé" les enfants français à raison de 200 000 par an, on doit maintenant les remplacer à tour de bras par des migrants » ou de comparer l'allongement à quatorze semaines du délai pour recourir à l'avortement « aux génocides arménien et rwandais, à la Shoah ou aux crimes de Daech » – excusez du peu !
Pour eux, l'IVG reste un délit, c'est-à-dire un acte intrinsèquement mauvais. À l'occasion de l'anniversaire de la loi Veil, ils sont capables d'évoquer un « sinistre anniversaire » ou un « hommage aux millions de victimes de l'avortement », de dire « non à la culture de mort, oui à la vie » ou encore d'affirmer que « l'avortement est un génocide de masse ».
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes RE, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Si nous souhaitons inscrire ce principe dans la Constitution, c'est parce que nous pensons le temps long. Le temps long permet précisément d'inscrire une protection supplémentaire en matière de droit à l'avortement, protection nécessaire également en France, surtout compte tenu de ce qui se passe en Europe notamment.
Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes RE, Dem et HOR applaudissent également.
Je termine sur un point : vous pouvez chercher les prétextes que vous voulez pour ne pas dire que vous êtes contre l'avortement,…
…mais la question posée est la suivante : êtes-vous d'accord pour inscrire le droit à l'avortement – tel que défini actuellement en matière de délais ou de gratuité – dans la Constitution ou préférez-vous, en refusant de le faire, le fragiliser ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Et si, madame Ménard, légiférer, c'était aussi prévoir ?
Il faudrait le dire au Président de la République, il n'a pas l'air d'être au courant !
Ce n'est pas à vous de parler ; laissez-moi finir si vous le voulez bien. Vous considérez que l'Atlantique nous sépare d'un tel débat. Cependant, pardon de le dire, qui sont ici les amis de M. Trump ?
Qui sont les amis de M. Orban,…
…à l'origine d'un système de torture en Hongrie, qui consiste à obliger les femmes souhaitant recourir à l'avortement – alors que, pardon de le préciser, on n'avorte jamais par plaisir ; je suis un homme, mais je pense avoir suffisamment de sensibilité pour le comprendre ! – à écouter le cœur battant du fœtus qu'elles portent dans leur ventre ?
M. Charles Sitzenstuhl et Mme Stéphanie Rist applaudissent.
Qui, madame Ménard, est proche du gouvernement italien qui a déjà manifesté sa volonté de restreindre le droit à l'avortement ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Prévoir l'avenir, ce n'est pas non plus observer le Conseil constitutionnel tel qu'il est aujourd'hui et en qui Les Républicains ont toute confiance, mais l'imaginer tel qu'il pourrait être dans vingt ans. Qui, si ce n'est Mme Laure Lavalette, l'une des porte-parole du Front national en 2014, a souhaité abroger le droit à l'avortement dans une tribune qu'elle a signée ?
Vous évoquez toujours « des milliers de victimes » quand vous parlez de l'avortement, alors même que certains, dans votre groupe – je pense à M. Odoul –, envisagent de laisser les migrants mourir de froid à la frontière polonaise !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il se fonde sur l'article 100, qui vise à assurer la bonne tenue des débats. Nous vivons un moment extrêmement important du débat parlementaire : nous voulons que toutes les femmes puissent recourir à l'IVG, et que ce droit soit inscrit dans la Constitution.
Une fois encore, madame la députée, vous ne faites pas un rappel au règlement.
J'entends beaucoup d'invectives depuis ce matin, et je vois beaucoup de sectarisme. Ce qui me paraît lamentable dans ce débat, c'est d'essayer de l'orienter pour faire croire que, dans l'hémicycle, certains seraient opposés à l'IVG tandis que d'autres y seraient favorables.
Mme Sandrine Rousseau s'exclame.
Jamais, en plus de cinq ans, je n'ai entendu quiconque sur ces bancs, quel que soit son groupe, remettre en cause l'accès à l'interruption volontaire de grossesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
La différence se situe ailleurs. D'un côté, il y a ceux qui sont attachés à la loi Veil – d'ailleurs, madame Panot, si vous aviez voulu sacraliser le droit à l'IVG tel qu'il existe actuellement, gratuit et encadré par des délais, vous auriez voté l'amendement des députés Les Républicains proposant d'inscrire la loi Veil dans la Constitution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
De l'autre côté, il y a ceux qui, avec une rédaction ambiguë, veulent ouvrir la porte à un droit possiblement illimité – pour notre part, nous y sommes opposés.
Écoutez ce que disent les médecins : bientôt, on ne trouvera plus personne pour pratiquer des IVG. Le droit à y recourir, même dans des situations dramatiques, n'existera plus à cause de vous ! Derrière les certitudes dont vous semblez pétris, il y a surtout le besoin navrant de l'extrême gauche de s'inventer des ennemis pour se donner une bonne conscience et une utilité.
Je trouve consternant que vous vous soyez servis de cette niche comme d'un pare-feu sur des sujets aussi dramatiques que le pouvoir d'achat, l'emploi et les conditions de travail. Vous vous en êtes servis comme des leurres, et vous balayez le travail que nous avons mené sur ces questions.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3. Non, madame la rapporteure, le débat n'oppose pas les tenants et les opposants de l'IVG ; nous nous demandons simplement si le droit à l'IVG doit être inscrit dans la Constitution. Par ailleurs, ce n'est pas en racontant des sornettes que vous convaincrez l'hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je n'ai jamais déposé les amendements dont vous parlez. En revanche, et je n'ai pas honte de le dire, j'estime – comme cela a été rapporté dans l'hémicycle – que l'avortement n'est pas l'affaire des seules femmes.
Le plus souvent, celles qui conçoivent un enfant sont en couple : on peut donc consulter l'homme, le futur père.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, Mme Ménard a été mise en cause, et le règlement lui permet d'y répondre. Elle a donc la parole.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, je ne fais pas de la politique-fiction pour savoir qui sera au pouvoir dans vingt ans.
Il convient de rappeler l'objet du débat : devons-nous constitutionnaliser le droit à l'IVG ?
Ce droit a fait l'objet de restrictions dans un pays européen, la Pologne, en application d'un arrêt du tribunal constitutionnel du 22 octobre 2022. Cela montre combien il est nécessaire de constitutionnaliser le droit à l'IVG. L'expérience américaine nous montre aussi combien ce droit est fragile : il a cédé, après des dizaines d'années d'activisme juridique. Notre continent n'est pas épargné, puisque, sous l'effet d'un intense lobbying des opposants à l'avortement – financés par des réseaux internationaux bien connus –, la protection de l'IVG est limitée dans le droit européen. L'activisme anti-avortement produit des effets, notamment à la Cour européenne des droits de l'homme. Soyons vigilants, et maintenons notre engagement en faveur du droit à l'avortement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 305
Nombre de suffrages exprimés 286
Majorité absolue 144
Pour l'adoption 46
Contre 240
Il y a une vraie malhonnêteté à faire croire que le débat est de savoir si l'on est pour ou contre la possibilité de recourir à l'IVG.
Ce n'est évidemment pas la question qui est posée ici. Je le répète une fois encore : aucun mouvement politique représentatif, en France, n'est favorable au retrait de cette possibilité pour les femmes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous pouvez hurler tant que vous voulez, cela n'y changera rien !
Quand on touche à la Constitution, il faut le faire avec la main tremblante – cela a été rappelé. En l'occurrence, le problème est double. D'une part, la rédaction que vous proposez induit une forme d'inconditionnalité, puisqu'elle ne précise pas le délai de recours à l'IVG. Sur le fondement de votre texte, une femme pourrait demander une interruption volontaire de grossesse jusqu'à neuf mois – certaines associations le demandent d'ailleurs déjà.
Une femme pourrait demander une IVG à deux mois, quatre mois, cinq mois de grossesse… Nous y sommes radicalement opposés, et nous le disons haut et fort.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
D'autre part, je ne suis pas sûre que votre rédaction préserve la clause de conscience des personnels de santé. Aussi, je vous propose une solution qui devrait plaire à l'ensemble des députés : il s'agit de constitutionnaliser la loi Veil telle qu'elle existe actuellement. Figureraient ainsi dans la Constitution l'intégralité des articles du code de la santé publique qui précisent et réglementent les conditions d'accès à l'IVG. Vous serez donc assurés qu'il n'y aura pas de régression, et nous serons assurés qu'il n'y aura pas d'augmentation inconsidérée des délais de recours à l'IVG.
Mêmes mouvements.
Je suis plus que réservé vis-à-vis de l'amendement de Mme Le Pen, par lequel elle souhaite constitutionnaliser l'actuel droit objectif relatif à l'IVG, dans sa totalité. Tout d'abord, je vois mal comment nous pourrions inscrire quatre pages de dispositions – pour vingt-et-un articles – dans la Constitution. Plus encore, cela constitutionnaliserait le délai maximal de quatorze semaines. J'ai bien compris que Mme Le Pen aspirait au pouvoir et que, comme tous ceux qui aspirent au pouvoir, elle devait faire des concessions à l'air ambiant. En l'occurrence, ce sont de grosses concessions !
Je comprends parfaitement tout cela, madame Le Pen, mais je m'interroge sur le comportement et le vote de certains de vos collègues du Rassemblement national qui, par le passé, ont tenu d'autres propos – des propos plus favorables à l'enfant à naître, dirons-nous. Chers collègues du Rassemblement national, la discipline, c'est bien ; mais quand la discipline prévaut sur les consciences, c'est le début du totalitarisme.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Quand la discipline prévaut sur les consciences, le résultat est assez redoutable. Je crois donc que vous commettez une erreur. Je le dis à l'intention de ceux qui, au Rassemblement national, seraient tentés de regarder leurs chaussures ou de fixer le plafond : cet amendement aurait pour effet de constitutionnaliser l'ensemble du dispositif actuel.
La parole est à M. Erwan Balanant pour soutenir l'amendement n° 231 , faisant l'objet des sous-amendements n° 588 , 655 , 510 , 622 , 639 , 511 , 627 , 646 , 297 , 653 , 654 , 298 , 387 , 412 , 652 , 595 , 500 , 503 , 299 , 389 , 414 et 509 .
Les sous-amendements n° 588 et 655 sont identiques, de même que les sous-amendements n° 510 , 622 et 639 , les sous-amendements n° 511 , 627 et 646 , les sous-amendements n° 298 , 387 et 412 et les amendements n° 299 , 389 , 414 et 509 .
…par divers groupes de l'Assemblée. Animés par un objectif commun, nous avons su faire fi de nos différences. Pour une fois, nous sommes tombés d'accord. Je remercie Mathilde Panot et tous les groupes qui ont participé à la rédaction de cet amendement, dont chaque mot a été pesé : il s'agit de préciser que « la loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse ». La discussion s'annonce longue, vu le succès qu'a eu notre proposition, et les nombreux sous-amendements qu'elle suscite !
Décortiquons cette phrase, que nous proposons d'ajouter à l'article 1er de la Constitution. Nous disons tout d'abord que l'accès à l'IVG est garanti par la loi – cela devrait rassurer Mme Le Pen. Nous y ajoutons une condition d'effectivité, pour éviter que les modalités d'exercice de ce droit ne soient trop limitatives. En particulier, le délai de recours à l'IVG ne pourrait pas être restreint ; une loi qui imposerait un délai maximal de deux semaines serait donc jugée inconstitutionnelle. Nous rappelons par ailleurs la règle républicaine de l'égal accès aux droits – et donc, au droit à l'IVG – sur l'ensemble du territoire. Enfin, nous reprenons les mots de Simone Veil en parlant d'interruption « volontaire » de grossesse – ce faisant, nous allons dans le sens des Républicains. C'est bien la volonté de la femme qui importe. Comme l'expliquait Simone Veil, la femme ne doit pas porter seule cette responsabilité, mais c'est son choix à elle seule.
Cet amendement devrait nous permettre d'avancer et de trouver un terrain d'entente avec les sénateurs. Philippe Vigier a d'ailleurs déposé un sous-amendement qui fait un geste supplémentaire vers le Sénat, visant à inscrire notre amendement à l'article 66-2 de la Constitution plutôt qu'à l'article 1er .
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 276 .
Comme l'a indiqué M. Balanant, l'amendement n° 276 est le fruit d'un travail transpartisan ; il propose une formulation positive, selon laquelle la loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'IVG. J'entends déjà vos objections : non, nous n'inscrivons pas dans la Constitution un droit inconditionnel à l'interruption volontaire de grossesse, mais un droit encadré par la loi. La mention de l'effectivité et de l'égal accès renvoie notamment aux déserts médicaux et aux doubles clauses de conscience, qui pourraient entraver le droit des femmes à recourir à l'IVG. Elle permet également d'empêcher des régressions, en particulier de revenir sur la gratuité de l'acte – il n'est pas question que seules les femmes qui en ont les moyens puissent accéder à l'IVG. Il s'agit donc, en quelque sorte, d'une clause de non-régression du droit à l'IVG. Ce droit n'est pas pour autant inconditionnel, contrairement à ce que font croire les députés Les Républicains.
Jusqu'à présent, il était question de mentionner l'IVG à l'article 1er de la Constitution, qui régit les règles de base de notre communauté politique. En effet, les droits sexuels et reproductifs – en l'occurrence, ceux des femmes – sont aussi une question majeure d'égalité et de citoyenneté, et sont la condition même de la reproduction d'une communauté politique.
Néanmoins, les sous-amendements n° 588 et 655 , auxquels je suis favorable, tendent à inscrire cet article au titre VIII de la Constitution par la création d'un article 66-2. Cela faciliterait peut-être la recherche d'un accord avec le Sénat.
Enfin, j'annonce que je retirerai l'amendement n° 274 en raison des nombreux sous-amendements dont il fait l'objet. Consciente que cette proposition ne fait pas consensus, je regrette toutefois que le droit à la contraception ne soit pas constitutionnalisé. La délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes s'y était pourtant déclarée favorable.
Je rappelle qu'en Pologne, les attaques contre le droit à l'avortement se sont accompagnées de la restriction de l'accès à la pilule du lendemain. Ces deux sujets sont donc corrélés.
Je préfère néanmoins retirer l'amendement afin d'éviter l'obstruction parlementaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Il nous reste plusieurs centaines d'amendements à examiner, dont un certain nombre, il faut l'avouer, visent uniquement à polluer ou à ralentir nos échanges. À ce stade du débat, je vous propose un sous-amendement à l'amendement n° 231 de M. Balanant – sa formulation est consensuelle, mais différents groupes en contestent l'ajout à l'article 1er de la Constitution –, visant à le déplacer à l'article 66-2 de la Constitution.
Cette mesure consensuelle permettrait de satisfaire les exigences des uns tout en apaisant les inquiétudes des autres. Le groupe Socialistes et apparentés, en ce qui le concerne, était favorable à l'inscription de cette phrase dans l'article 1er , mais les débats en commission ont montré que son placement dans l'article 66-2 emporte une adhésion plus large. C'est d'ailleurs ce que proposait Aurore Bergé.
Il nous semble donc que la solution la plus consensuelle consiste à reprendre la formulation proposée par M. Balanant et à l'inscrire dans la Constitution en tant qu'article 66-2, ce qui lui permettrait de recueillir une large majorité à l'Assemblée nationale et augmenterait ses chances d'adoption par le Sénat. Mettons-nous donc d'accord à la fois sur la formulation et sur son placement dans la Constitution.
Voyant que certains s'impatientent de ne pas se voir donner la parole, je rappelle que nous examinons en ce moment de très nombreux amendements soumis à une discussion commune. Tant que celle-ci n'aura pas pris fin, les seules prises de parole seront des défenses d'amendement.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir le sous-amendement n° 655 .
Comme l'a très bien dit Mme Battistel et comme le suggérait M. Balanant, déplacer cette phrase à l'article 66-2 de la Constitution augmentera les chances que cette loi soit votée par le Sénat. En effet, comme le rappelait M. le garde des sceaux, si le vote de l'Assemblée nationale ne trouve pas d'écho au Sénat, nous aurons travaillé en vain. Essayons donc, dans une démarche de compromis utile, de réunir les conditions du succès.
Simone Veil expliquait en ces termes le triple objectif du gouvernement de l'époque : créer « une loi réellement applicable, […] dissuasive, […] protectrice. » Il s'agit à présent de protéger le droit à l'avortement au moyen de la loi suprême, c'est-à-dire la Constitution.
Ce sous-amendement augmente les chances de succès de cette mesure au Sénat.
M. Bruno Millienne applaudit.
Naturellement, je suis plutôt opposé à l'amendement de M. Balanant. S'il devait toutefois être adopté, je préférerais que le mot « définit » soit substitué au mot « garantit ».
En effet, la constitutionnalisation du droit à l'IVG ouvre la possibilité du recours au mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet la saisine du Conseil constitutionnel quant à des mesures législatives ou réglementaires existantes. Cela pose un véritable risque.
Je pense notamment au droit dont disposent les médecins et les soignants de refuser de pratiquer un avortement. Il s'agit là d'un élément de la vie civile : les médecins qui pratiquent des avortements respectent d'ailleurs le droit de leurs collègues de s'y refuser. Or cette clause de conscience risque d'être remise en question par une éventuelle QPC.
Par cet amendement de repli, je vous invite donc à la prudence.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n° 622 .
Il vise à rétablir l'équilibre entre deux principes : d'une part, la liberté de la femme à disposer de son corps, qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, d'autre part, la protection de la vie à naître. La logique qui conduit à vouloir garantir le droit à l'IVG tient uniquement compte du premier.
Nous pensons qu'il importe également de prendre des mesures pour protéger la vie à naître, notamment relatives aux délais dans lesquelles l'IVG peut être pratiquée.
J'en profite pour poser à Mme la rapporteure et à M. le garde des sceaux une question sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir : comment fondez-vous la justification de ces délais ? Elle ne saurait être fondée uniquement sur la liberté de la femme.
S'il existe des délais maximaux après lesquels l'IVG ne peut être pratiquée, c'est que certaines limites s'imposent à la liberté de la femme. Elles se justifient par ce second principe, l'existence d'une vie à naître, avec tous les questionnements qu'elle comporte. Certes, les conditions qui doivent s'appliquer peuvent faire l'objet de nombreuses interrogations – par exemple la fixation du délai à douze semaines ou à quatorze semaines –, mais elles s'expliquent bien par la présence d'une vie à naître.
Ce sous-amendement visant à inscrire dans la Constitution que la loi « définit » et non « garantit » l'effectivité du droit à l'IVG permet de trouver un équilibre entre les deux principes que sont la liberté de la femme…
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement n° 639 .
Tout à l'heure, Mme Panot affirmait que les opposants à la constitutionnalisation du droit à l'IVG étaient contre le droit à l'IVG lui-même. Je tiens à m'inscrire en faux contre ces propos : il s'agit de deux choses très différentes. Nous avons présenté plusieurs arguments à l'appui de notre position : même si vous n'y souscrivez pas, il serait erroné de prétendre que nous sommes contre l'IVG.
S'il en faut une preuve, je rappelle que notre groupe a défendu un amendement visant à inscrire dans la Constitution les grands principes – je dis bien les principes – de la loi Veil. Loin de s'en tenir au texte de la loi adoptée en 1975, cette mesure permettrait d'en intégrer les possibles évolutions.
J'en reviens à l'amendement de M. Balanant, approuvé par Mme Panot, auquel nous souhaitons apporter diverses modifications. Il soulève en effet une question de fond : que faites-vous de la conditionnalité ? Le code de la santé contient plusieurs dispositions relatives aux délais et aux garanties dont disposent les personnels de santé, notamment la clause de conscience. La question est simple : comment votre amendement, sous sa forme actuelle, permettra-t-il de garantir l'ensemble des droits existants ?
Le mécanisme de la QPC en particulier risque de remettre en cause cet équilibre.
Mais non ! On inscrit le principe dans la Constitution et les garanties effectives dans la loi !
J'en reviens à l'équilibre qui a prévalu à l'origine, lorsque Simone Veil, dans son si beau discours du 26 novembre 1974, énonçait des principes, des avancées, mais aussi des restrictions. Cet équilibre de départ incluait notamment la disposition suivante, toujours inscrite dans notre droit : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »
Nous considérons que cet équilibre serait menacé si une constitutionnalisation mal rédigée conduisait à brider ou à censurer le législateur, tout en fournissant à certaines organisations militantes l'occasion de recourir à la QPC pour mettre à mal les dispositions existantes.
L'équilibre initial dont nous parlons n'a jamais été remis en cause du vivant de Simone Veil, comme cela a été rappelé lors des travaux constitutionnels qu'elle a présidés en 2008. Notre groupe y est attaché – je crois d'ailleurs que ce n'est pas le seul –, de sorte que nous ne saurions accepter les dispositions que vous nous proposez.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n° 627 .
Nous sommes au cœur de nos interrogations sur la conditionnalité. Comme nous l'avons rappelé, il ne s'agit pas de se prononcer pour ou contre l'IVG, mais pour ou contre l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution. Il faut se demander si cette évolution conduirait à un droit absolu à l'IVG, qui n'admettrait aucune condition posée à sa pratique.
Cela soulève la question du fondement de la conditionnalité. Nous avons une réponse : nous la fondons sur le principe de la protection de la vie à naître. Vous êtes incapables de prononcer ces mots, car vous êtes prisonniers d'une opinion dominante et de lobbys qui vous en empêchent.
Expliquez-nous donc sur quel principe vous fondez la conditionnalité de l'IVG. Vous ne sauriez la fonder sur la liberté de la femme.
Vous la fondez donc sur autre chose ; sur quoi ? Demandez donc la parole après la discussion commune, cela nous donnera l'occasion de débattre.
Car si nous ne trouvons pas de fondement satisfaisant à ces conditions, nous nous dirigerons vers un droit absolu à l'IVG. Il adviendra peut-être à l'occasion d'une QPC, peut-être à force de propositions de loi successives allongeant le délai légal – ces propositions sont prêtes, elles sont déjà dans les tiroirs !
Nous souhaitons, quant à nous, que le droit à l'IVG reste conditionné. Nous vous proposons donc que la loi précise ces conditions.
Sur les amendements identiques n° 231 et 276 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Sur les sous-amendements identiques n° 588 et 655 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement n° 646 .
Monsieur le garde des sceaux, quand vous avez évoqué tout à l'heure les enjeux de la constitutionnalisation, vous avez totalement passé sous silence un fait très important soulevé par de nombreux spécialistes : lorsqu'on constitutionnalise une loi et pas d'autres, on risque de créer des effets de bord.
Une constitution, c'est un système. Vous êtes sur le point de créer une asymétrie susceptible d'affaiblir d'autres dispositions qui, elles, n'auront pas été constitutionnalisées. Comme le mentionnait Jean-Éric Schoettl dans une de ses analyses, procéder de la sorte revient à « ouvrir une boîte de Pandore ».
Monsieur le ministre, vous avez, en tant que garde des sceaux, la responsabilité de garantir l'intégrité de la Constitution. Pouvez-vous nous assurer qu'une telle évolution constitutionnelle n'entraînerait pas d'effets systémiques conséquents ?
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 297 .
Il me semble assez consensuel, puisque tous ici rappellent régulièrement leur attachement à la loi Veil. Je rappelle que cette loi a déjà subi plusieurs retouches lors des dernières années : le report du délai légal par deux fois, la suppression en 2014 de la notion de détresse comme critère du recours à l'IVG, la suppression en 2016 du délai de réflexion, ou encore la création en 2018 d'un délit d'entrave numérique à l'IVG.
La clause de conscience spécifique à l'IVG dont peuvent se prévaloir les personnels de santé a été visée à plusieurs reprises par des tentatives de suppression, y compris en février 2022.
La loi Veil instaure un fragile équilibre entre le droit des femmes à demander une IVG et le respect de tout être humain dès le commencement de la vie ; nous devons veiller à ne pas le bousculer. C'est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de compléter l'alinéa 3 par une référence à l'esprit et aux principes de la loi Veil.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir le sous-amendement n° 653 .
En fait, madame la rapporteure, votre amendement n° 276 , qui tend à réécrire entièrement la proposition de loi, en témoigne : vous avez trouvé un accord avec les députés macronistes. En vérité, vous voulez bouleverser les équilibres de la loi Veil,…
…laquelle, ne vous en déplaise, concilie deux principes : celui de la liberté de la femme et celui du respect de la vie à naître.
Vous refusez de l'entendre, mais ces deux principes doivent absolument être conciliés. De fait, la rédaction que vous proposez ne tient pas compte de ce que voulait Simone Veil lorsqu'elle a défendu son texte à la tribune de l'Assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Son esprit est le même que celui du sous-amendement n° 297 .
Il me semble en effet nécessaire de rappeler l'équilibre, auquel est parvenue Simone Veil dans la loi de 1975, entre la liberté de la femme et la protection de la vie à naître. Du reste, le Conseil constitutionnel estime, dans une décision du 27 juin 2001, que le respect de la Constitution impose un équilibre entre « d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme…
…qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».
Encore une fois, cet équilibre est essentiel, car il permet à deux principes de coexister : celui de la liberté de la femme…
…et celui de la protection de l'enfant à naître.
Si je ne peux plus m'exprimer, madame la présidente !
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n° 387 .
Il s'agit d'inscrire explicitement dans la proposition de loi les deux principes que sont la liberté de la femme et la protection de la vie à naître.
Protestations sur les bancs des groupes LR et RN.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
mais faut-il entendre ce mot au sens du sexe ou au sens du genre ? C'est encore un autre débat. Si l'on entre dans le détail, on risque de se perdre.
Il y a deux principes, disais-je. L'éthique reconnaît, d'une part, des principes qui ont trait à l'autonomie de la personne – c'est l'éthique de l'autonomie – et des principes qui visent à prendre en compte les fragilités, les vulnérabilités – c'est l'éthique de la vulnérabilité. On s'efforce de concilier les uns et les autres, notamment dans les différentes lois de bioéthique.
La question se pose à propos de l'IVG, qui met en jeu à la fois l'éthique de l'autonomie – la liberté de la femme à disposer de son corps – et l'éthique de la vulnérabilité, qui se préoccupe du fœtus appelé à naître. On cherche l'équilibre. Il n'est pas facile à trouver, car des questions se posent : elles se sont posées douloureusement au moment de la loi Veil et continuent de se poser au fil des évolutions de cette loi. Mais, en tout état de cause, on assume ces deux principes, en essayant de les faire cohabiter.
Or, votre rédaction ne retient que la liberté de la femme.
Ou des femmes. Vous créez ainsi un déséquilibre. Pour rétablir l'équilibre, il faut réintroduire la protection de la vie à naître.
Vous aurez remarqué que la rédaction que nous vous proposons est assez light : on ne mentionne pas la protection de l'enfant à naître. Car la question du statut de l'embryon se pose depuis des siècles et continuera à se poser. En tout cas, il y a une vie à naître, qu'il faut protéger au nom de l'éthique de la vulnérabilité.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement n° 412 .
Permettez-moi de citer le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, professeur à l'École de droit de la Sorbonne, à qui la proposition juridique qui nous est soumise inspire la réflexion suivante.
« En France, jusqu'à présent, on ne parle pas de droits, mais de libertés. La distinction, qui n'a pas de répercussions concrètes dans la vie des femmes, est néanmoins importante sur les plans juridique et philosophique, puisqu'elle implique d'arbitrer entre deux principes : le respect de la vie, d'une part, et la liberté individuelle d'autre part.
« Avec le texte adopté en l'état, on entrerait dans une nouvelle logique et on enterrerait définitivement les grands principes de la loi Veil » – c'est pour cela que nous menons ce combat.
Il poursuit : « Alors qu'aujourd'hui, on recherche un équilibre entre la liberté des femmes et la protection de l'embryon, on passerait à une logique de droit où la seule volonté de la femme compte,…
…ce qui enlèverait ce qui reste aujourd'hui de la protection de l'embryon. »
Vous pouvez toujours, cher collègue Balanant, vociférer et affirmer que ce n'est pas le cas, mais c'est un constitutionnaliste qui le dit.
Il ajoute : « Une telle disposition relève d'une conception très différente de celle qui prévaut aujourd'hui. Alors que l'on protège la liberté personnelle de la femme, c'est-à-dire qu'on lui accorde de ne pas se voir imposer de poursuivre une grossesse, on lui accorderait désormais le droit de disposer complètement de la vie de l'embryon. »
Il y a là une véritable question. Or, encore une fois, ces éléments sont passés sous silence. Nous tenons à affirmer solennellement que la vie à naître mérite que l'on s'en préoccupe également et que l'on débatte de cette question sereinement, sans vocifération aucune.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir le sous-amendement n° 652 .
Ne vous en déplaise, madame la rapporteure, vous et vos collègues n'êtes pas les porte-parole des femmes. Moi aussi, je suis une femme, et les hommes portent également la voix des femmes. Car mes collègues ont parfaitement raison, le principe de la liberté de la femme…
…doit être concilié avec celui de la protection de la vie à naître.
Permettez-moi de vous rappeler le texte de la loi de Simone Veil ; celle-ci dispose : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. »
C'est bien qu'il convient de trouver un équilibre entre la liberté de la femme et la protection de la vie à naître.
Si vous étiez honnêtes, si vous vous vouliez les héritiers du combat de Simone Veil, vous auriez voté l'amendement des Républicains qui visait à préserver cet équilibre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 595 .
Je ne comprends pas en quoi cette série de sous-amendements pose problème à nos collègues que l'on entend crier, là-bas, en face, puisque nous nous contentons de réaffirmer l'équilibre qui est au fondement de la loi Veil : la liberté de la femme à disposer de son corps versus la protection de la vie à naître.
C'est le respect de cet équilibre qui a permis l'adoption de la loi Veil en 1975, et c'est cet esprit qui sous-tend les débats depuis près de cinquante ans. Je ne comprends donc pas pourquoi ces sous-amendements vous posent tant problème.
En effet, tout est affaire d'équilibre. Cet équilibre a été imaginé dès la loi de 1975, mais c'est un ensemble complexe qui exige un texte un peu long. La loi est autrement plus adaptée à la recherche d'un tel équilibre que la Constitution, qui se limite à énoncer des principes. La loi doit donc veiller à cet équilibre ; nous y tenons. C'est pourquoi nous considérons que la constitutionnalisation n'est pas opportune.
Par ailleurs, je constate une espèce d'accord politique implicite entre différents groupes, de LFI au MODEM.
Cette espèce d'accord sociétal englobe même parfois, ce qui est plus étonnant, des bancs situés à la droite de l'hémicycle.
Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et Dem.
Cet accord peut avoir pour objet, demain, d'autres textes qui ne seront pas forcément sociétaux : il peut s'agir de textes environnementalistes par exemple.
Je tenais, madame la présidente, à dénoncer cet accord tacite, implicite – ces alliés objectifs, comme disaient les marxistes !
Je sais que ce sous-amendement vous fera bondir, car vous n'aimez pas que l'on rappelle – on l'a vu en février dernier, lorsque nous avons débattu de l'allongement du délai de recours à l'IVG – que, pour certaines femmes, comme le disait Simone Veil, l'avortement peut être un drame : toutes ne le vivent pas de façon facile.
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
Ce n'est pas ce que vous disiez !
De même qu'il arrive que des femmes subissent des pressions pour ne pas avorter – il ne faut pas s'en cacher, cela existe –, de même, il arrive que l'on oblige des femmes à subir une IVG. Il s'agit donc de rappeler le respect de la liberté de consentement de la femme. Selon un sondage de la BBC de mars 2022 sur la coercition liée à la procréation, 15 % des femmes britanniques ont avoué avoir subi des pressions pour avorter et 3 % des femmes interrogées se sont vu donner un comprimé ou une autre substance pour provoquer un avortement à leur insu.
Une part non négligeable d'entre elles, 5 %, a subi des violences physiques destinées à provoquer une fausse couche.
Ces chiffres sont réels. Je sais que vous ne voulez pas entendre ce genre de choses : vous êtes enfermés dans votre logique pro-avortement à tous crins,…
…mais il existe des femmes qui subissent des pressions pour avorter. On ne peut pas passer ces situations sous silence. C'est pourquoi ce sous-amendement a pour objet de compléter l'alinéa 3 par les mots : « , dans le respect de la liberté de consentement de la femme ». Vous avouerez que cette formulation n'est guère problématique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n° 389 .
Il est en effet important d'inscrire explicitement dans le texte la liberté du consentement de la femme : liberté d'avorter et de ne pas avorter. Cette même liberté, qui peut s'exercer de deux manières différentes, doit être respectée. Or nous savons, pour connaître certaines de ces situations autour de nous, qu'il arrive que le conjoint ou le compagnon, ou l'entourage familial, émette une injonction à avorter. La femme recourt alors à une interruption volontaire de grossesse mais, en l'espèce, le mot « volontaire » ne traduit pas véritablement l'expression de son consentement.
C'est l'occasion pour moi de saluer le travail d'associations qui accompagnent matériellement ces femmes rejetées par leur famille ou leur milieu. Encore une fois, il importe que l'on reconnaisse la liberté de la femme d'avorter ou de ne pas avorter.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir le sous-amendement n° 414 .
L'une des questions qui se posent a trait à la protection des femmes. Pourtant, ce point, qui mérite une attention toute particulière, n'a pas été abordé jusqu'à présent. À cet égard, il nous faut faire de la realpolitik et examiner les conditions dans lesquelles les femmes peuvent exercer leur droit à l'IVG car, dans certains cas, des pressions peuvent être exercées sur les femmes. Il est donc essentiel de s'assurer de l'exercice effectif de la liberté de consentement, qui devrait être également une liberté fondamentale. Pourquoi ne le prévoyez-vous pas ?
Dans ce cas, monsieur Balanant, acceptez ces sous-amendements qui ont pour objet d'offrir certaines garanties aux femmes. Il est paradoxal que, lorsque nous soulignons certaines difficultés, vous fassiez comme si elles n'existaient pas. Il faut voir la réalité dans son ensemble, à 360 degrés. En l'espèce, il faut véritablement protéger les femmes. On a le sentiment que vous ne souhaitez pas le faire complètement.
Je rappelle que pour la bonne tenue des débats, il vaut mieux éviter de s'interpeller dans l'hémicycle ; les orateurs doivent s'adresser à la présidence, à la rapporteure ou au garde des sceaux.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 509 .
Vous avez parfaitement raison, madame la présidente.
Effectivement, les femmes subissent des pressions de leurs proches – leurs parents, notamment quand elles sont jeunes, ou leur compagnon, leur mari –, mais aussi des pressions économiques. Combien de jeunes femmes jugent qu'elles n'auraient pas les moyens d'élever un enfant ? C'est une vraie difficulté.
Chers collègues du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, je ne comprends pas que vous ayez retiré de l'ordre du jour la proposition de loi visant à porter le SMIC à 1 600 euros net.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le 16 octobre, vous avez mobilisé des manifestants dans la rue, au nom de votre priorité affichée, le pouvoir d'achat, pour faire face à la misère que nous constatons actuellement.
Or vous privilégiez finalement les questions sociétales sur les sociales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Faites attention, les socialistes se sont effondrés après avoir fait de même ! De fait, si les manifestants se sont mobilisés avec vous dans la rue, ce n'était pas contre la corrida ou pour la constitutionnalisation de l'avortement, mais pour le pouvoir d'achat.
Je serai juste avec tout le monde : chers collègues du groupe Rassemblement national, prenez garde vous aussi à ne pas privilégier les questions sociétales, sinon vous connaîtrez les mêmes difficultés que les socialistes hier et les membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et social aujourd'hui.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l'amendement n° 161 .
Durant les auditions menées en préparation de cette proposition de loi, auxquelles j'ai participé, il a été rappelé la nécessité d'inscrire le droit à l'avortement à l'article 1er de la Constitution. En effet, ce texte a été écrit par des hommes pour des hommes…
…et doit intégrer les droits des femmes ; c'est essentiel.
Outre l'avortement, nous voulons plus généralement inscrire dans ce texte les droits sexuels et reproductifs. Nous l'avons vu aux États-Unis, nous le voyons en Europe – en Hongrie et en Pologne – : les conservateurs s'attaquent à chaque fois à la possibilité pour les femmes de disposer de leur corps, soit en limitant leur droit à l'avortement, soit en les privant du droit à la contraception.
Je suis donc partisane d'inscrire ces deux droits dans la Constitution, car les conservateurs les attaquent en même temps.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Écolo – NUPES.
Je rappelle que Mme la rapporteure a retiré son amendement n° 274 .
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements en discussion commune ?
Chers collègues du groupe Les Républicains, la semaine dernière, en commission, je comprenais vos nombreuses interrogations sur la forme négative initialement envisagée – « Nul ne peut porter atteinte […] ». Mais nous proposons désormais noir sur blanc une nouvelle formulation – « La loi garantit […] ». Je ne vois pas ce que vous y trouvez à redire. Ne reprenons pas la question ; vous devriez être satisfaits.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et SOC.
Je serai brève, car j'espère que nous voterons sur cette discussion commune avant treize heures. Je suis favorable aux amendements identiques n° 231 et 276 et aux sous-amendements identiques n° 588 et 655 .
Madame Rixain, j'aurais été heureuse de soutenir l'amendement n° 161 , parce que celui-ci fait référence au droit à la contraception, qui est important. Toutefois, dans un esprit de consensus, vu l'accord auquel nous parvenons avec une grande partie de l'hémicycle, je vous propose de le retirer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 231 de M. Balanant, que je pense pragmatique et réaliste. Nous savons quelles formulations sont susceptibles d'être adoptées, et quelles autres ne le sont pas. Cet amendement est parfaitement formulé, de ce point de vue.
De même, j'émets un avis de sagesse sur les sous-amendements identiques n° 588 de Mme Battistel et 655 de M. Vigier, car, selon nous, la rédaction doit encore être affinée.
Logiquement, j'émets également un avis de sagesse sur l'amendement n° 276 de Mme Panot, car il est identique au n° 231 de M. Balanant.
Madame Rixain, j'entends votre propos, mais évitons que ce texte ne se fracasse contre un écueil d'ores et déjà dressé, dont nous savons qu'il sera difficilement contournable. Je vous demande donc de retirer votre amendement. à défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Enfin, madame Le Pen, c'est un privilège pour moi d'échanger directement avec vous, mais vous préférez toujours passer par le truchement de M. Jean-Paul Garraud, qui espérait devenir le prochain garde des sceaux.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je peux tout de même rendre hommage à Mme Le Pen et évoquer le privilège et l'honneur que représente pour moi un échange avec elle !
Madame Le Pen, votre amendement tend à insérer le code de la santé publique dans le préambule de la Constitution.
Permettez-moi de le dire : cela créerait un OJNI – un objet juridique non identifié –, sans protéger en rien les dispositions concernées du code de la santé publique, alors que le but du texte est de protéger le droit à l'avortement – même si ce n'est pas nécessairement le vôtre.
Les dispositions concernées par votre amendement resteraient modifiables par le législateur à tout moment.
Enfin, et c'est plus grave, je note vos changements de position sur la constitutionnalisation de l'IVG. En juin, vous répondiez « Pourquoi pas ? » ; la semaine dernière, vous indiquiez au Journal du dimanche que ce serait non ; hier, en pensant prendre tout le monde par surprise, vous avez finalement annoncé que ce serait oui. Vous êtes madame « trois temps », le temps de la valse – peut-être celle de Vienne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
On comprend que Mme Le Pen soit réticente à échanger avec vous, vu la bassesse de vos propos !
Non, c'est parce que vous changez d'avis comme de chemise !
Il se fonde sur l'article 100 du règlement. Madame la rapporteure, ayez l'honnêteté de dire que l'amendement de M. Balanant sur lequel nous allons voter n'a pas été examiné en commission.
L'accord avec les macronistes que vous avez trouvé entre hier soir et ce matin a débouché sur le dépôt d'amendements identiques par M. Balanant et vous-même, sans avoir été examiné en commission !
Nos sous-amendements ne seraient pas nécessaires, selon vous. Mais c'est que nous n'avons pas pu mener le travail parlementaire habituel !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Il se fonde sur l'article 70 du règlement, relatif aux mises en causes personnelles. Madame Blin, vous êtes tout simplement en train de mentir.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Moi, je vous ai laissé finir, quand vous m'interpelliez.
L'amendement que nous défendons est quasiment identique à l'un de ceux que nous avons examinés en commission. Il n'a donc rien de secret, d'autant qu'il a été déposé dans les délais.
Et bizarrement, Mme Panot et vous-mêmes le déposez dans les mêmes termes ! Vous aviez un accord !
Évidemment ! Cela fait deux heures que je vous explique que le travail a été collectif ; vous avez même été invitée à y participer !
Je la souhaite uniquement si je suis sûre qu'elle nous laissera le temps de voter sur les amendements en discussion commune avant la levée de séance ; sinon j'y renonce.
Puisqu'il s'agit d'une journée consacrée aux niches parlementaires, je devrai lever la séance à treize heures précises.
Dans ce cas, j'y renonce. La proposition de M. Balanant correspond tout à fait à mes engagements présidentiels, ceux d'un moratoire sur la législation existante en matière d'IVG – soyez rassuré, monsieur Le Fur, c'est ma position sur les questions sociétales.
En effet, l'amendement n° 231 modifié par le sous-amendement n° 655 de M. Vigier permet à cette proposition de loi de La France insoumise d'échapper au principal reproche que nous lui adressions : celui de permettre une évolution des délais d'IVG.
L'amendement permet en outre de respecter la clause de conscience, car il renvoie à la loi comme source essentielle du droit. Monsieur le garde des sceaux, cela revient donc exactement à ce que je proposais dans mon amendement, mais j'ai bien compris qu'une même proposition est mauvaise quand je la dépose, bonne quand ce sont les autres, notamment vos amis.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je rappelle que, selon moi, la constitutionnalisation prévue n'est pas utile et ne correspond pas aux urgences pour nos compatriotes. Il n'en demeure pas moins que la rédaction proposée par M. Balanant est bien meilleure que celle de La France insoumise.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 255
Nombre de suffrages exprimés 240
Majorité absolue 121
Pour l'adoption 188
Contre 52
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 238
Majorité absolue 120
Pour l'adoption 226
Contre 12
Mmes et MM. les députés des groupes LFI – NUPES, RE, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe RN applaudissent également.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception ;
Discussion de la proposition de loi visant à abolir la corrida ;
Discussion de la proposition de loi visant à réintégrer le personnel des établissements de santé et de secours non vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé ;
Discussion de la proposition de loi visant à instaurer une allocation d'autonomie pour les jeunes en formation ;
Discussion de la proposition de loi créant un corps de fonctionnaires pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap ;
Discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à modifier les conditions de déclenchement du référendum d'initiative partagé ;
Discussion de la proposition de résolution visant à assurer l'égalité effective entre tous les citoyens par une grande loi de développement pour les outre-mer ;
Discussion de la proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements ;
Discussion de la proposition de loi visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l'industrie culturelle ;
Discussion de la proposition de loi garantissant l'accès à l'eau potable.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra