« C'était en 1960, j'avais 14 ans. Un soir, je vois ma maman dans la baignoire, toute pâle. Elle avait 36 ans. Je me rappellerai toujours son regard apeuré. Mon père a appelé une ambulance, et c'est la dernière fois que j'ai vu ma mère. Elle est décédée trois semaines plus tard à l'hôpital de Strasbourg. À l'époque, je ne comprenais pas. On m'a juste dit qu'elle était morte d'une septicémie. J'ai été obligée de quitter l'école et de m'occuper de mes cinq frères et sœurs jusqu'à mes 20 ans. Ce n'est qu'à 20 ans, en discutant avec ma tante, que j'ai compris que ma mère était décédée d'un avortement. À l'époque, évidemment, il était interdit d'avorter. Elle l'avait fait toute seule, avec les moyens du bord. Ma mère a eu six enfants, et j'ai appris plus tard que ce n'était pas la première fois qu'elle avait tenté d'avorter. Elle devait avoir peur de tomber enceinte à chaque rapport, d'autant que mon père se mettait en colère contre elle à chaque fois que cela arrivait. Ces souvenirs restent très douloureux pour moi. Ce sont des traumatismes qui restent. Ce sont des vies qui sont détruites ou bouleversées à cause des avortements clandestins : celle de ma mère, évidemment, mais aussi la mienne, celle de mes frères et sœurs, et celle de mon père. Je raconte cette histoire parce que ma colère doit servir à quelque chose. Aujourd'hui encore, je suis enragée quand j'entends des gens dire qu'ils sont contre l'avortement ou qu'ils veulent limiter ce droit. La maternité doit rester un choix. »
Comme Josette, je m'adresse aux collègues qui s'opposent à l'inscription de l'IVG et de la contraception dans la Constitution.