Les avancées consacrées par la loi Veil, il y a quarante-sept ans, sont désormais acceptées par une immense majorité de nos concitoyens. Ce texte a traversé les âges pour protéger les droits des femmes dans tous nos territoires.
Aujourd'hui, la question nous est donc posée de savoir s'il faut aller plus loin et inscrire le droit à l'accès à l'IVG et à la contraception dans notre Constitution. Je m'exprime en mon nom et en celui d'une partie des députés de mon groupe, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, au sein duquel nous sommes libres de nos votes.
Comme beaucoup de mes collègues, je tiens à rendre hommage au combat pour le droit des femmes mené par Simone Veil en 1975, qui est entré dans l'histoire et reste cependant d'actualité. Il ne tient qu'à nous de le poursuivre et de consacrer solennellement ce droit dans notre norme la plus élevée.
Aujourd'hui, les Françaises nous écoutent avec une attention particulière. J'aimerais d'abord répondre à ceux qui laissent entendre que nous serions suffisamment protégés en France, qu'il n'est nul besoin de sécuriser le droit à l'IVG. Je leur dis que l'optimisme est une qualité mais qu'il ne doit pas mener à l'aveuglement. La loi Veil est une garantie essentielle pour le droit à l'IVG mais ce droit est inscrit dans la loi ordinaire. Une autre loi pourrait le limiter, le restreindre et revenir sur ces acquis. Des revirements jurisprudentiels peuvent également intervenir, conduisant à des décisions inattendues, que ce soit dans le bon sens ou dans le mauvais.
Il est inutile d'aller jusqu'aux États-Unis pour trouver des exemples inquiétants, certains pays membres de l'Union européenne en donnent déjà. En Pologne, le tribunal constitutionnel a réduit de manière drastique l'accès à l'avortement, au rebours de l'équilibre juridique qu'il avait trouvé dans les années quatre-vingt-dix. En 2015, le gouvernement portugais a décidé de mettre à la charge des femmes tous les frais liés à l'arrêt de leur grossesse. En Espagne, un projet de loi, approuvé en 2013 en Conseil des ministres, prévoyait de limiter l'IVG aux cas de grave danger pour la vie, la santé physique ou psychologique de la mère ou de viol, avant d'être retiré face au tollé qu'il a suscité.
Dans notre pays, certains organismes militent également contre la protection de l'IVG. Souvenez-vous qu'il n'y a pas si longtemps, au mois de janvier 2020, une campagne anti-IVG avait été affichée dans les espaces publicitaires du métro de notre capitale.
Il est vrai que, pour l'instant, en France, aucun mouvement politique d'ampleur ne demande l'abolition pure et simple du droit à l'IVG. Est-ce une raison de ne rien faire ? Devrions-nous rester les bras croisés sous prétexte que le danger de voir ce droit amoindri n'est pas encore à la porte de notre assemblée ? Au contraire, nous devons agir pendant que nous le pouvons, tant qu'une majorité d'entre nous est contre tout recul de ce droit.
Ce que je veux dire à cet hémicycle, c'est que l'improbable n'est pas impossible, et que le rôle d'un élu, d'un représentant de la Nation est d'anticiper et d'agir, pour faire face à ce qui est aujourd'hui considéré comme hautement incertain. Ne prenons pas de risque, ne parions pas sur un sujet aussi important. Le droit à l'IVG fait pleinement partie de notre contrat social. Les droits des femmes sont des droits fondamentaux, le droit à l'IVG mérite d'être inscrit au sein de notre Constitution.