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Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 24 novembre 2022 à 9h00
Protéger et garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception — Présentation

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Me voici donc au rendez-vous pour dire à cette assemblée, comme je l'ai dit au Sénat le mois dernier, que le Gouvernement est favorable à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution.

L'histoire fourmille d'exemples de libertés fondamentales que l'on croyait acquises mais qui ont pourtant été rayées d'un trait de plume par les événements, les crises ou les lames de fond. C'est encore plus vrai des droits des femmes, parce que nos sociétés les ont bafoués durant des siècles.

Les événements qui se déroulent hors de nos frontières, partout dans le monde, nous le montrent avec force et acuité, comme la décision que la Cour suprême des États-Unis a prise en juin : le droit à l'avortement, qu'on croyait acquis depuis cinquante ans ne l'était, en réalité, pas du tout. Désormais, l'interruption volontaire de grossesse n'est plus un droit garanti par la Constitution fédérale. Les États sont donc libres de l'interdire ; certains ne s'en privent pas.

Parce que nous avons désormais la preuve que plus aucune démocratie, pas même l'une des plus grandes, n'est à l'abri, il nous faut rester particulièrement vigilants. Les auteurs de la présente proposition de loi, présentée par Mme Panot, proposent d'inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. J'entends déjà des voix murmurer, s'élever, pour dire que l'exemple américain n'est pas transposable en France, où le droit à l'IVG est bien protégé.

Il est vrai que nos institutions fonctionnent différemment et que le Conseil constitutionnel français n'est pas la Cour suprême américaine. Il est vrai aussi que depuis que le droit à l'IVG a été consacré pour la première fois dans notre droit par la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, dite loi Veil, il a été conforté au fil des ans. Je pense à la dernière loi en date, celle du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement, défendue par votre ancienne collègue Albane Gaillot, qui a allongé le délai légal de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines ; à la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a supprimé le critère de la situation de détresse ; ou encore la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, dite loi Neiertz, qui a dépénalisé l'autoavortement et créé le délit d'entrave à l'IVG.

Néanmoins, graver dans le marbre de la Constitution le droit fondamental à l'IVG me paraît plus que nécessaire en ces temps agités. D'abord, cette inscription aurait une valeur symbolique et bien sûr juridique. La Constitution est le texte fondateur de notre État de droit, le socle commun des valeurs et des libertés fondamentales de notre société. Inscrire le droit à l'IVG dans notre texte fondamental permettrait de le consacrer comme un droit fondamental et non simplement comme une liberté-autonomie.

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