Publié le 21 novembre 2022 par : M. Le Fur.
Après l’article 53‑2 de la Constitution, il est inséré un article 53‑3 ainsi rédigé :
« Art. 53‑3. – La République française peut adhérer à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, signée le 7 mai 1999 et complétée par la déclaration interprétative déposée par le Gouvernement français. »
La ratification de la Charte européenne des langues régionale était l’engagement n° 56 du programme du candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012.
En dépit de la réaffirmation de cet engagement en septembre 2012 où le Président de la République écrivait au Président de l’Association des Régions de France qu’ainsi qu’il s’y était engagé, il ferait ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et qu’il veillerait à ce que tous les moyens soient mis en œuvre pour définir un cadre légal clair et stable pour toutes les langues régionales, force est de constater que cette promesse est restée vaine !
L’auteur du présent amendement avait pour sa part, lors du débat constitutionnel de 2008, à l’issue duquel il a été ajouté au texte suprême un article 75‑1 disposant que « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », déposé un amendement proposant cette inscription.
Cet amendement était d’ailleurs le prolongement naturel de deux amendements déposés par l’auteur du présent amendement en 2005 et 2006.
Plus qu’une survivance du passé, les langues régionales sont aujourd’hui dans de nombreuses régions en facteur de développement culturel et économique. Les médias locaux leur reconnaissent une place à part entière et le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a permis de diffuser plus largement les langues régionales. Ces langues sont aussi au cœur de la créativité artistique en région.
Des initiatives ont été prises un peu partout dans l’Hexagone en faveur de ces langues régionales : conventions pour la prise en charge des enseignants entre l’État et les écoles bilingues bretonnes, alsaciennes, basques, béarnaises..., signalisation routière bilingue, chèques libellés en langue régionale acceptés par certaines banques, émissions diffusées par le service public audiovisuel en breton, alsacien, catalan, corse, ou basque...
La législation a suivi ce mouvement comme en témoigne son évolution. La loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française et la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de la communication font expressément référence aux langues régionales en qualité de « Langues de France ».
De même, l’élargissement aux langues de France des missions de la Délégation générale à la langue française a consacré la place particulière que l’État reconnaît à ces dernières dans la vie culturelle de la Nation. Selon cette délégation les critères de définition des langues de France, « s’inspirent en l’adaptant de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires ».
Le Conseil de l’Europe a, dans le prolongement de l’Acte final d’Helsinki de 1975 et de la réunion de Copenhague de 1990, établi une Charte européenne des langues régionales ou minoritaires reconnaissant l’existence de ces langues et leur conférant une protection juridique. Le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision 99‑412 DC, que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires comportait des clauses exigeant une révision de la Constitution.
La ratification de la Charte nécessite, de ce fait, une révision de la Constitution.
Pour autant, cette Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ne s’oppose pas aux grands principes de la République et en premier lieu à l’indivisibilité de la République.
Loin de remettre en cause la primauté de la langue nationale, la Charte européenne a pour objectif de favoriser les diversités culturelles et linguistiques qui font la richesse de la France et de l’ensemble de l’Europe. Elle ne constitue aucunement un repli frileux sur des particularismes locaux menaçants pour l’unité nationale, mais est, au contraire, le gage d’un enracinement culturel plus que jamais précieux dans un monde ouvert.
La France a, lors de la signature de la charte, émis deux déclarations interprétatives permettant de préserver les acquis de la république et plus particulièrement le principe d’indivisibilité de la république et avait envisagé sa ratification, ce qui avait justifié la saisine du Conseil Constitutionnel.
Par ailleurs, l’architecture de la charte permet de préserver les principes républicains : sur les 98 articles du texte, notre pays, afin d’être cosignataire de cette charte peut décider de n’en appliquer que 35. Lors de la XIème Législature, le Président de la République et le Gouvernement avaient ainsi envisagé de n’en retenir que 39.
En ratifiant la charte, la France se conformerait en outre aux conventions de l’UNESCO pour la sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel de 2003 et pour la Protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005. Ces conventions, dont notre pays a été à l’initiative, font en effet obligation aux États de défendre la diversité culturelle et linguistique sur leur territoire.
La ratification de la charte s’inscrit également dans la logique du Traité de Lisbonne, dont l’article 3 dispose que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ». Elle serait d’autant plus opportune que les pays plupart des pays européens l’ont ratifié ou sont engagés dans des processus de ratification à l’exception de la Turquie.
La ratification de la Charte complètera utilement l’article 75‑1 de la Constitution adopté dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2008.
La ratification de la Charte constituera indiscutable un signe fort en faveur de la diversité et de la richesse culturelle de notre pays.
C’est pourquoi, afin de permettre la ratification, la présente proposition de loi constitutionnelle vise à instituer un nouvel article au sein de la Constitution indiquant que la France peut adhérer à la Charte des langues régionales ou minoritaires.
Cette autorisation d’adhésion ouvrirait la voie à pas un véritable débat parlementaire sur la portée de la Charte lors de sa ratification par voie législative et sur la capacité de notre pays à assumer les différences en son sein.
Mesdames, Messieurs, l’unité n’est pas la banalisation. L’égalité n’est pas l’uniformité.
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