La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, 4 millions de Français sont atteints de diabète et ils seront 500 000 de plus d'ici la fin du quinquennat selon le rapport sur les charges et les produits publié par la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). Les chiffres sont alarmants. En cette Journée mondiale du diabète, je souhaite porter la voix de ces patients qui sont de réels acteurs de leur maladie.
Dès leur diagnostic, les Français atteints de diabète doivent s'astreindre à modifier leurs habitudes de vie et un grand nombre d'entre eux doivent surveiller eux-mêmes leur taux de glycémie. Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2011, un patient diabétique est tenu de se piquer une dizaine de fois par jour pour surveiller sa glycémie. Ces recommandations guident encore les professionnels de santé dans la prise en charge des patients. Malheureusement, elle est devenue obsolète et a dix ans de retard.
En effet, depuis une dizaine d'années, les traitements de la maladie, notamment les méthodes de surveillance glycémique, ont considérablement évolué. L'innovation médicale est prolifique, tout particulièrement pour le diabète, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, sans traduction dans les politiques de santé, elle ne peut bénéficier aux patients. Il est temps que les recommandations de prise en charge évoluent et reflètent les nouvelles options en matière de diagnostics et de thérapeutiques, ainsi que l'implication des professionnels de santé, autour du médecin généraliste, dans la gestion quotidienne des patients.
Ma question est simple : quand la HAS – dont je salue le travail – mettra-t-elle à jour ses recommandations pour une meilleure prise en charge des différents types de diabète ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne pratique pas les questions au Gouvernement depuis très longtemps, mais je sais qu'il est d'usage de remercier le député pour sa question quel que soit l'intérêt qu'on lui trouve.
Pas besoin d'être là depuis longtemps, c'est une simple question de correction !
En l'occurrence, je vous remercie très sincèrement pour votre question, qui met en lumière un sujet majeur, consacré par la Journée mondiale du diabète – l'événement existe depuis 1991. Vous l'avez dit : 4 millions de nos concitoyens sont touchés par cette maladie que l'on a aujourd'hui tendance à banaliser. Elle constitue pourtant une contrainte de tous les jours car elle oblige à suivre et à adapter continuellement son traitement. Il est donc important de saluer les patients diabétiques et de penser à eux, d'autant que la crise sanitaire a mis en lumière les conséquences systémiques de la pathologie et leur surmortalité face au covid.
De grand progrès ont cependant eu lieu dans le traitement de la maladie, notamment grâce à la politique de prévention dont elle fait l'objet et dont la lutte contre la sédentarité et la promotion de l'activité physique sont des axes forts. Nous avons également amélioré la télésurveillance à domicile, ce qui contribue à renforcer notablement la qualité de vie des patients.
Vous avez cependant raison, nous devons être à la hauteur des innovations thérapeutiques et les intégrer progressivement. Les patients diabétiques sont prêts à être les acteurs de leur propre santé. Ils sont sans doute les mieux armés pour cela. Grâce aux dispositifs de télésurveillance et au financement de nouveaux traitements, nous allons les accompagner davantage à l'avenir. Par ailleurs, le président de la HAS, avec lequel j'ai échangé il y a quelques jours, m'a confirmé que les nouvelles recommandations sur la prise en charge du diabète de type 2 seront publiées au prochain semestre afin d'actualiser celles formulées il y a dix ans.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
La montée des actes antisémites et des agressions contre nos compatriotes juifs,…
…ainsi que les pogroms auxquels nous avons assisté en Israël avec les attaques terroristes du Hamas, nous rappellent que l'ignominie des hommes et les idéologies de haine sont prêtes à surgir dès que nous baissons la garde, dès que la défense du bien plie devant la faiblesse,…
…dès que le souci de l'avenir cède à l'imprévision. En faisant le choix inconsidéré de faire entrer en France, sans discernement ni contrôle, des millions d'immigrés ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
la classe politique a fait entrer, et même organisé, l'entrée dans notre pays de gens prosélytes porteurs d'une idéologie sanguinaire : l'islamisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit également.
Que je sois bien claire : je ne confonds pas les musulmans qui pratiquent leur religion de manière paisible et fraternelle avec les islamistes.
Mêmes mouvements.
Et je ne confonds pas non plus les Palestiniens avec le Hamas, qui s'en sert comme boucliers humains.
Face au fléau de l'antisémitisme, le pays a opposé, par une manifestation unitaire et particulièrement digne,…
…dont chacun doit se féliciter, la démonstration de sa réprobation absolue.
Devant l'essentiel, toute division est un acte de complicité objective. Toutefois, parce que nous le devons à l'histoire, parce que nous le devons aux victimes de la barbarie,…
…mais aussi parce que, pour l'avenir, nous le devons à nos enfants, les protestations aussi éplorées et fortes soient-elles ne suffisent pas. Elles ne feront reculer aucun fanatique, aucun prêcheur de haine, aucun idiot utile de l'islamisme.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Force est de constater, après les dernières déclarations du Gouvernement et de la majorité, que vous n'osez pas désigner l'idéologie qui sous-tend la haine antisémite et qui arme parfois la main des tueurs. On ne combat pas une menace qu'on est déjà incapable de nommer.
Madame la Première ministre, qu'allez-vous faire pour combattre l'islamisme ?
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Huées sur les bancs des groupes RN et LR.
Amedy Coulibaly, Mohammed Merah et de nombreux autres djihadistes ont commis des attentats antisémites sur notre sol au nom de l'idéologie islamiste : cela, personne ne le nie.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Monsieur Habib, s'il vous plaît ! Encore une fois et je vous rappelle à l'ordre.
Protestations sur divers bancs.
Le Gouvernement lutte avec détermination contre le fanatisme…
M. Meyer Habib proteste.
Vous êtes rappelé à l'ordre, monsieur Habib.
Je vous en prie, monsieur le ministre délégué, veuillez poursuivre.
Le Gouvernement lutte avec détermination contre le radicalisme islamiste qui tue et qui conduit à des actes antisémites.
Vous avez commencé votre question en évoquant l'antisémitisme et vous la terminez en appelant à la lutte contre l'islamisme.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En réalité, le Gouvernement lutte avec détermination contre toutes les formes d'antisémitisme …
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
…et contre toutes les idéologies mortifères qui visent à diviser les Français et qui menacent la sécurité de nos concitoyens juifs. Il en existe, hélas, en dehors du cadre de l'islam. Nous n'en négligeons aucune.
Les Français ont été nombreux à le dire à Paris, à Grenoble, à Toulouse et dans plusieurs autres villes de France dimanche : aucun antisémitisme – il n'y en a pas un bon et un mauvais – n'a sa place dans notre pays. Croyez en notre détermination pour lutter contre chacun d'entre eux !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Madame la Première ministre, dimanche dernier, plus de 180 000 personnes ont défilé dans les rues de 70 villes partout en France…
Je salue l'appel que vous avez lancé avec M. le président du Sénat, madame la présidente.
Plusieurs députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent longuement.
Pour reprendre les mots du Président de la République dans sa « Lettre aux Français », ces marches ont été « un motif d'espérance ».
Le soulèvement de la nation est celui de tout un peuple face à la haine antisémite.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Car l'antisémitisme n'est pas qu'un chiffre horrible que l'on égrène – 1 518 actes rien qu'en un mois : ce sont des Françaises et des Français comme vous et moi, comme vous ,
L'orateur montre les deux côtés de l'hémicycle
qui vivent dans la terreur du fait de leur confession. C'est Max, 20 ans, qui se fait casser le nez en rentrant de l'université parce qu'il est juif. C'est Alain, qui porte une kippa et sur qui l'on crache alors qu'il a le genou à terre. C'est Samuel, qui n'est pas retourné dans son université de médecine depuis trente jours après avoir reçu insultes et coups. C'est Sarah, dont le fils de 8 ans a remis des couches la nuit par peur d'aller à l'école. Je tiens à remercier nos policiers et nos militaires qui s'assurent chaque jour de leur sécurité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs des groupes LR et SOC.
Aucun citoyen français ne devrait avoir à vivre cela. Car la haine des Juifs, c'est le signe du délitement de la République, tout comme les faux nez de l'antisémitisme que sont l'antisionisme et le négationnisme, défendus sur certains bancs de l'extrême gauche.
Madame la Première ministre, comment mettre un terme à la dangereuse recrudescence de l'antisémitisme dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
Depuis le 7 octobre et l'attaque terroriste du Hamas contre Israël, nous assistons à une augmentation sans précédent des actes antisémites dans notre pays. En un mois, plus de 1 500 actes ont été constatés, soit plus que sur une année entière. Les Français de confession juive vivent dans l'angoisse. C'est grave et inadmissible dans la République, au sein de laquelle personne ne doit être inquiété en raison de ses croyances.
Face à ces actes, il y a d'abord notre action résolue. Nous avons donné des consignes de vigilance extrême aux préfets. Nos forces de l'ordre et les militaires de l'opération Sentinelle sont mobilisés pour assurer la sécurité des lieux sensibles, en particulier les lieux de culte et les écoles. Nous avons également demandé la plus grande fermeté au parquet. Des enquêtes sont diligentées, des condamnations sont prononcées – jusqu'à dix-huit mois dans certains cas.
Vous avez raison de le dire, monsieur le président Maillard : face à l'antisémitisme, une réaction unanime et sans ambiguïté est indispensable. Lutter contre l'antisémitisme est l'affaire de tous. S'en prendre à une personne parce qu'elle est juive, c'est s'en prendre à la République. Notre devoir est de combattre toutes les haines.
Dimanche, à l'initiative de la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, que je salue, et du président du Sénat, Gérard Larcher, la France a été au rendez-vous pour dire non à l'antisémitisme…
…et pour défendre avec force les valeurs de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je ne reviendrai pas sur les discours de ceux qui croient pouvoir faire oublier d'où ils viennent ,…
Exclamations sur les bancs du groupe RN
…ni sur l'attitude de ceux qui refusent de marcher contre l'antisémitisme et ont tenté de salir cette marche à coups de mensonges indignes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je n'ai pas besoin d'en dire plus car les Français leur ont répondu en marchant très nombreux contre toutes les haines. Ils ont répondu dans l'unité, au-delà des opinions et des croyances. Ils ont répondu avec dignité, avec clarté et dans le rassemblement.
Ensemble, nous l'avons affirmé : nous combattrons l'antisémitisme jusqu'au bout. La haine n'a pas sa place dans la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Madame la Première ministre, le logement est en crise et vos y décisions y ont contribué.
En 2018, vous avez supprimé l'aide personnalisée au logement (APL), et divisé par deux la quotité finançable du prêt à taux zéro (PTZ) pour 94 % des communes. Votre bilan, à la suite de ces décisions, est catastrophique : près de 351 000 PTZ étaient accordés en 2011, et ce chiffre a chuté à 63 000 en 2022.
Le Gouvernement a annoncé un élargissement du prêt à taux zéro ; nous l'espérions. Toutefois, à regarder le détail de ce que vous prévoyez, cela ressemble à une supercherie.
Vous clamez que vos mesures « permettront à six millions de foyers supplémentaires » d'accéder à ce dispositif. Or la Fédération bancaire française estime qu'au maximum 15 000 nouveaux ménages bénéficieront de l'augmentation des plafonds de ressources. On est loin des six millions !
D'autant que le PTZ ne pourra financer que 20 % du montant de l'achat pour ces nouveaux ménages éligibles, contre 40 % auparavant.
Plus inquiétant encore, vous souhaitez exclure du PTZ l'achat d'une maison neuve, ce qui revient à évincer plus d'un tiers des anciens bénéficiaires du PTZ.
En définitive, nous risquons d'avoir encore moins d'accédants à la propriété qu'auparavant.
Vous affirmez fièrement ajouter 209 communes au dispositif. En réalité, avec ces modifications, 93 % des communes verront leurs habitants privés de toute aide pour la construction de leur résidence principale !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – MM. Thierry Benoit et Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.
Les fractures territoriales vont encore s'aggraver !
Madame la Première ministre, quand allez-vous enfin établir une véritable politique de soutien de l'accession à la propriété sur l'ensemble du territoire ? Quand allez-vous enfin répondre à l'aspiration des Français qui veulent devenir propriétaires de leur maison ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe RN.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est qui lui, le vice-ministre du logement ? Ils ne connaissent même pas le contenu de leur mission !
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence – je vois que cela suscite un peu d'émotion – de Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement, qui est actuellement en réunion européenne et ne pouvait être présent cet après-midi.
Vous avez raison, nous sommes face à une grave crise du logement, qui ne concerne pas seulement notre pays. Le Gouvernement est mobilisé sur de multiples points, et je voudrais répondre à ceux que vous avez soulevés.
S'agissant des causes de cette crise, il faut être précis : elle est d'abord liée à la multiplication par trois des taux d'intérêt, qui affecte sévèrement le pouvoir d'achat immobilier des Français.
Elle est aussi liée à certaines contraintes pesant sur l'offre de logements : la hausse des coûts de construction, le prix du foncier plus élevé, et des contraintes administratives – y compris locales –, qui se cumulent et ne permettent pas aujourd'hui de réduire les prix déjà relevés par la hausse des taux d'intérêt.
Nous avons multiplié les réponses aux différents facteurs de cette crise. L'objectif est très clair : proposer des logements de qualité, abordables, à proximité des lieux d'emploi. Cela suppose aussi – le ministre Vergriete y travaille – une implication des collectivités locales, auxquelles le Gouvernement entend confier de nouveaux moyens et de nouvelles responsabilités, dans le cadre d'une loi de décentralisation qui sera débattue ici même en 2024.
À court terme, le Gouvernement agit. Vous avez rappelé quelques outils pour développer notamment le logement locatif intermédiaire,…
…et élargir le prêt à taux zéro – le ministre Vergriete continue d'y travailler, et vous avez cité certains points à améliorer. Nous facilitons également l'accès au crédit en développant l'accession sociale à la propriété.
Par ailleurs, nous augmentons la capacité d'investissement des bailleurs sociaux – c'est le sens du document signé en octobre avec le mouvement HLM, permettant des engagements de plus d'1 milliard d'euros.
Face à la multiplicité des causes de la crise, nous devons trouver des réponses multiples,…
…et travailler à la répartition des compétences avec les collectivités locales – c'est le sens de l'acte de décentralisation que nous avons annoncé.
Le ministre Vergriete aura également l'occasion de répondre à votre proposition de loi, monsieur le député…
Mme la présidente coupe le micro du ministre délégué, dont le temps de parole est écoulé.
Monsieur le ministre, votre réponse n'est pas à la hauteur de la crise du logement que connaît notre pays, alors que les taux d'intérêt augmentent !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
Il faut absolument renforcer le prêt à taux zéro sur l'ensemble du territoire, et non seulement dans certaines zones privilégiées. Alors que la construction immobilière est en panne, il y a urgence à prendre les mesures nécessaires pour soutenir non seulement l'accession à la propriété, mais également la rénovation sur l'ensemble du territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Madame la Première ministre, environ quinze jours après le passage des tempêtes Ciaran et Domingos, nous sommes toujours dans une situation d'urgence en Bretagne.
À l'heure où nous parlons, 5 000 foyers sont encore privés d'électricité dans le Finistère. J'adresse tout mon soutien aux personnes plongées dans le noir, le froid et l'isolement. J'exprime également ma pleine solidarité avec les habitants du Nord et du Pas-de-Calais confrontés à des crues dévastatrices.
J'adresse mes remerciements à la préfecture du Finistère pour ses points quotidiens avec les élus, ainsi qu'à nos maires et à leurs équipes placés en première ligne, et à tous les personnels mobilisés, y compris ceux venus en soutien depuis d'autres régions.
Nous commençons à peine à chiffrer l'ampleur des dégâts. Tous les réseaux sont tombés – électricité, télécommunications fixes et mobiles – et même l'eau potable, en particulier dans nos campagnes. Les dégâts sont considérables sur les bâtiments publics, comme les écoles, et dans l'agriculture – je pense à nos éleveurs et à nos serristes durement touchés.
Le retour à la normale prendra du temps. Néanmoins, nos concitoyens ont besoin de visibilité sur le rétablissement de l'électricité.
Je poserai deux questions. En premier lieu, où en sommes-nous de l'état de catastrophe naturelle et du régime des calamités agricoles, qui ne sont pas aisés à activer dans de telles circonstances ? Le recours à un fonds d'urgence est-il à privilégier ? Pouvons-nous envisager un complément de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) en 2024 pour les collectivités les plus touchées ?
En deuxième lieu, quel dispositif entendez-vous mettre en place, à la suite des retours d'expérience, pour renforcer la résistance de nos réseaux ? Il a été en effet difficile, voire impossible, de joindre les maires et de s'adresser à la population pendant plusieurs jours.
Faut-il envisager de doter les mairies de radios ou de radios satellites ? De groupes électrogènes ? Faut-il multiplier les exercices de gestion de crise ? À long terme, envisageons-nous de débloquer des moyens afin d'enterrer les lignes électriques pour sécuriser les réseaux dans les régions les plus exposées ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Je veux d'abord vous dire tout le soutien du Gouvernement aux victimes de cette violente tempête en Bretagne, et notre solidarité avec celles des crues qui ont frappé le Nord et le Pas-de-Calais.
Les dommages causés par les vents violents sont d'abord couverts par la garantie tempête prévue dans le code des assurances, qui permet une indemnisation directe par les assureurs des biens sinistrés des collectivités territoriales, sans qu'une déclaration préalable de l'état de catastrophe naturelle par les pouvoirs publics soit nécessaire.
D'autre part, le Président de la République, en déplacement dans le Finistère le 3 novembre, s'est engagé au déclenchement rapide des états de catastrophe naturelle et de calamité agricole, partout où cela sera possible. La réunion du comité catastrophe naturelle s'est tenue en tout début d'après-midi, et les arrêtés seront pris demain. Cela concerne autant les particuliers que les collectivités territoriales.
Par ailleurs, au-delà du cadre assurantiel, les mécanismes de soutien spécifiques que vous appelez de vos vœux sont d'ores et déjà mobilisables par les collectivités. Pour les dommages aux équipements publics non assurables, celles-ci peuvent se prévaloir du régime de la dotation de solidarité, et bénéficier ainsi de crédits pour leurs ouvrages d'art, leurs infrastructures, parcs et jardins, leurs digues ou leurs stations d'épuration.
Le Gouvernement sera également présent aux côtés des agriculteurs en mobilisant des dispositifs de droit commun : le dégrèvement de taxe sur le foncier non bâti,…
…le report de cotisation sociale, et l'indemnité de solidarité nationale en cas de grave perte de récolte.
Par ailleurs, par le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (Faru), les collectivités prenant en charge le relogement d'urgence peuvent bénéficier de subventions couvrant de 75 à 100 % des dépenses.
Enfin, vous avez raison de soulever la question de la chaîne de communication des acteurs publics en cas de crise. Je voudrais saluer à mon tour la mobilisation conjointe et exceptionnelle du binôme maire-préfet au service de nos concitoyens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
…et c'est également important pour les agriculteurs, les collectivités et les habitants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et Dem.
Madame la Première ministre, il y a cinq jours, alors qu'on comptait plus de 10 000 morts à Gaza, Emmanuel Macron a, pour la première fois, appelé à un cessez-le-feu. Il a depuis ajouté qu'il n'y avait « aucune raison et aucune légitimité » à bombarder et tuer « des bébés, des femmes, des personnes âgées ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Francesca Pasquini applaudit également.
Cet appel, bien que tardif, est salutaire. Il a cependant aussitôt valu au Président d'être accusé de « planter un couteau dans le dos de la communauté juive » et de « frôler l'antisémitisme » sur la chaîne i24NEWS. Le Président de la République et la diplomatie française ont également été pris à partie par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui, niant la responsabilité de l'État d'Israël dans les massacres des civils palestiniens, s'est permis de demander « une clarification de la position de la France ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Scandale ! Des « massacres » ! Il s'agit d'un peuple en légitime défense !
Dimanche dernier, ce qui devait être une marche contre l'antisémitisme a été le lieu d'appels au meurtre contre La France insoumise, contre Jean-Luc Mélenchon et contre le Président de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Des journalistes ont été agressés, des militants pour la paix en Palestine ont été frappés, les musulmans ont été la cible de propos racistes insupportables.
Pendant que le petit monde politico-médiatique français se gargarise de cette journée désastreuse,…
…la presse étrangère est sidérée par le blanchiment de l'extrême-droite qui a lieu en France sur le dos de la lutte contre l'antisémitisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La France insoumise refuse que soit rétrécie la lutte contre l'antisémitisme, contre le racisme et contre l'extrême droite qui en est le premier vecteur. Nous refusons que soit encouragé l'affrontement des Françaises et des Français de confession juive et ceux de confession musulmane. Chaque samedi, les marches pour le cessez-le-feu et pour la paix sont une formidable démonstration d'unité du peuple.
Madame la Première ministre, condamnez-vous les propos racistes contre nos compatriotes musulmans ? Le ministère de l'intérieur va-t-il interdire le groupuscule de la Ligue de défense juive ? Condamnez-vous le communiqué du Crif et les propos tenus sur la chaîne i24NEWS contre le Président de la République ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mme Francesca Pasquini et M. Nicolas Sansu applaudissent aussi.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis le 7 octobre, la position de la France est constante, et fondée sur nos principes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Israël, victime d'attaques terroristes abominables – j'espère que vous le reconnaissez
M. Maxime Laisney fait de la tête un geste d'assentiment
–, a le droit de se défendre et de protéger sa population contre le Hamas ; il a le devoir de se défendre dans le cadre du droit international.
Israël doit, en particulier, faire tout son possible pour protéger les populations civiles. C'est une obligation légale et morale : nous l'avons dit souvent, et je le répète volontiers.
Il faut cependant rappeler symétriquement, madame la députée, que ce que fait le Hamas en utilisant des hôpitaux et des écoles comme rampes de lancement de roquettes ou comme installations militaires viole le droit international, et doit être pareillement condamné. En agissant ainsi, le Hamas met sciemment la population palestinienne en péril.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR et Dem.
Face à l'urgence humanitaire, qui est réelle, la France a organisé le 9 novembre une conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza.
Outre le milliard d'euros annoncé à l'occasion de cette conférence, celle-ci a permis d'acter un consensus international en faveur d'une trêve immédiate, pour garantir l'acheminement de l'aide à la population, et pour répondre à ses besoins.
C'est un pas important et concret.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il faudra ensuite œuvrer à un cessez-le-feu – le Président de la République l'a rappelé –, et restaurer enfin un horizon politique ; c'est la position constante de la France que de le rappeler. La France ne l'a jamais oublié : la seule solution viable est celle de deux États vivants en paix, côte à côte.
Nous y travaillons avec nos partenaires, et il est plus que temps d'avancer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Madame la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, je m'adresse à vous au nom de Philippe Fait et Jean-Pierre Pont, dont les circonscriptions ont été amplement touchées par les inondations. Ils sont retenus par la visite du Président de la République.
« En quelques minutes, il y avait 1 mètre et demi d'eau chez moi. C'est vraiment une catastrophe. »
« J'ai pris une échelle pour monter sur mon toit car l'eau montait vite, très vite… Mes animaux vont mourir, j'ai peur de mourir. »
Ce sont les mots d'habitants du Montreuillois, du Boulonnais, du Calaisis et de l'Audomarois, qui ont vu leur maison prise par les eaux.
Des centaines de familles sont sinistrées, des milliers de personnes déplacées, des centaines de logements inondés. Des entreprises sont à l'arrêt, des voiries emportées, des bâtiments publics fragilisés, des exploitations agricoles décimées, et avec cela le fruit de toute une vie de labeur.
La gravité des inondations se révèle chaque jour plus importante.
Au-delà de toutes les images, il y a un élan de solidarité, une entraide naturelle envers les plus faibles. De nombreux habitants se muent en sauveteurs aux côtés des centaines de policiers, de gendarmes, de sapeurs-pompiers, d'agents de la sécurité civile, de membres d'associations et de personnels d'organismes de secours. Leur engagement est exceptionnel. Au total, 2 300 interventions ont été menées, 1 400 personnes ont été évacuées, des centaines de communes ont été sécurisées. Merci à eux, tout simplement.
Dès les premières heures, les maires, les élus du territoire et leurs équipes ont répondu présent. Chaque jour, chaque nuit, ils se démènent et portent haut les valeurs de notre nation.
Le Gouvernement est également au travail. L'état de catastrophe naturelle est déjà reconnu pour 214 communes.
À court terme, qu'en est-il de la reconstruction et du relogement des sinistrés ? À long terme, nous devrons nous engager dans la prévention de la montée des eaux et la limitation des phénomènes de ruissellement.
Les habitants nous le demandent, nous le réclament. Le Pas-de-Calais a besoin de vous. Pouvez-vous nous redonner de l'espoir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Nous nous associons aux remerciements que vous avez adressés aux policiers, aux gendarmes, aux agents de la sécurité civile, aux associations et aux organismes de secours pour leur mobilisation. Ils ont accompli un travail extraordinaire en cette période de crise. Nous sommes tous solidaires des milliers de personnes sinistrées.
Vous l'avez dit, le Pas-de-Calais a connu un événement pluvieux intense ces derniers jours, qui a fait suite à des cumuls déjà exceptionnels intervenus dans un contexte hydrologique très préoccupant.
Pour les 247 communes touchées, la priorité est à la réponse d'urgence et au retour à la normale. En effet, 550 foyers restent privés d'électricité. Celle-ci ne pourra être rétablie par les services d'Enedis que lorsque les postes électriques seront hors d'eau. De plus, 92 axes routiers, représentant 150 kilomètres de route, sont coupés, tandis que les établissements scolaires demeurent fermés.
En ce qui concerne le relogement des sinistrés, la prise en charge s'est concentrée sur les personnes vulnérables. Depuis le 6 novembre, cinquante-quatre personnes ont été prises en charge par l'Agence régionale de santé (ARS) dans un hébergement dédié.
Quant à la reconstruction après les dégâts causés par les inondations, les personnes physiques résidant dans l'une des 244 communes dont l'état de catastrophe naturelle a été reconnu par l'État pourront être indemnisées pour les dommages causés aux biens assurés. La reconstruction devrait ainsi être favorisée. Une cellule dédiée aux entreprises et aux exploitants agricoles a également été établie par la préfecture.
La fréquence et l'intensité de ce type de phénomènes ayant vocation à s'accroître dans le cadre du réchauffement climatique, nous devons adapter nos territoires pour y faire face. C'est le sens du nouveau plan national d'adaptation au changement climatique qui sera lancé en début d'année prochaine par Christophe Béchu.
Madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, je pense que nous sommes d'accord : où qu'il se trouve dans le monde, tout enfant mérite notre protection. La France s'est engagée à agir en ce sens il y a plus de trente ans en ratifiant la Convention internationale des droits de l'enfant (Cide), qui a une valeur juridique contraignante, obligatoire et non négociable. Que l'enfant en danger se trouve à quelques mètres de nous ou à Gaza, nous nous devons d'agir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES et sur les bancs de groupe LFI – NUPES.
Or trop peu de voix s'élèvent pour décrire la tragédie des enfants de Gaza. La moitié des Gazaouis sont des enfants. Depuis le 8 octobre, 4 500 enfants sont morts – soit une moyenne de 120 par jour –,…
Parmi les blessés, certains ont été amputés sans anesthésie générale, faute de médicaments. L'Unicef est clair : Gaza est devenue « un cimetière pour enfants ». La vie d'un million d'entre eux ne tient plus qu'à un fil. Ils paient un lourd tribut et le temps presse pour leur venir en aide.
Pour ceux qui sont encore en vie, la peur, la faim et la soif les tenaillent. L'eau, l'électricité et le traitement des eaux usées sont coupés, avec les conséquences sanitaires que vous imaginez, celles-ci s'ajoutant aux traumatismes qui les accompagneront toute leur vie.
Les actes du gouvernement israélien sont en totale contradiction avec la Cide que l'État d'Israël a pourtant ratifiée.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Huit Français sont pris en otage et on s'en fout ! Quarante Français sont tués et on s'en fout !
La France ne doit pas rester passive face à ces crimes de guerre dont des milliers d'enfants sont victimes. Avec l'appui de plusieurs collègues membres de la délégation aux droits des enfants, nous avons demandé le lancement d'une mission d'information sur le sort des enfants gazaouis. Quelles mesures concrètes le Gouvernement a-t-il pris pour porter secours et assistance à ces enfants ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC, plusieurs députés des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES s'étant levés.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Vous avez raison de souligner l'urgence humanitaire, tant les besoins sont criants à Gaza. Les aides doivent passer en plus grand nombre au point de passage de Rafah et être distribuées aux populations civiles pour répondre à leurs besoins, et ce – nous insistons toujours sur ce point – de manière durable.
La communauté internationale s'est mobilisée, la France ayant pris sa part avec 88 tonnes de fret déjà livrées. Désormais, cette aide doit passer, et il est clair qu'il faut faire davantage dans ce domaine. C'est pour cette raison que, jeudi dernier, la France a organisé la conférence que j'ai précédemment évoquée et à laquelle ont participé nos principaux partenaires internationaux et régionaux, les Nations unies et les organisations spécialisées. Outre les contributions qui ont été rassemblées – celle de la France a été portée à 100 millions d'euros –, cette conférence a permis d'officialiser un consensus en faveur d'une trêve immédiate, durable et soutenue, afin de garantir que l'aide parvienne aux populations. Il s'agit d'un pas important et concret – pas concrets que vous appelez de vos vœux. Nous poursuivrons nos efforts pour le matérialiser sur le terrain au plus vite, car il est évident que chaque jour et chaque vie comptent, qu'il s'agisse d'ailleurs de celle d'un enfant ou d'un adulte.
Je répète aussi que la lutte contre le terrorisme doit se faire conformément au droit international.
C'est un impératif légal, un impératif moral et c'est la force des démocraties que de mener la lutte contre le terrorisme dans le respect du droit international. Nous ne cesserons de le rappeler.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Urgence humanitaire à Gaza
À Gaza, ceux qui survivent aux bombes risquent de mourir de faim, de soif, ou faute de soins. Au total, 11 240 Palestiniens ont été tués par les bombardements israéliens depuis les attaques terroristes du Hamas. Gaza est devenu un cimetière pour enfants : 4 630 sont déjà morts.
Alors que les hôpitaux bénéficient d'une protection particulière en vertu du droit international humanitaire, des témoignages et des images d'horreur nous proviennent de l'hôpital Al-Shifa. À Gaza, au moins vingt-deux des trente-cinq hôpitaux sont en arrêt total ou partiel en raison de la pénurie de carburant. Sans électricité, eau ou nourriture, le chaos règne.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) – une agence onusienne –, le nombre de déplacés s'élève à 1,6 million de personnes, sur les 2,4 millions de Gazaouis. Dans le même temps, nous assistons en Cisjordanie à des centaines d'attaques de colons et à des expulsions de communautés bédouines.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
En effet, 194 Palestiniens ont été tués par l'armée et par des milices de colons, des ministres israéliens étant allés jusqu'à se mettre en scène en train de leur distribuer des armes.
Cela traduit le projet de Benyamin Netanyahou, qui est le même qu'avant les attaques du Hamas, en l'occurrence l'occupation complète de la Palestine.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Venez voir les images à dix-sept heures trente, cela vous fera du bien !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
À Gaza, l'escalade vengeresse se transforme même en nettoyage ethnique.
Depuis 1948, 104 résolutions de l'ONU sur la situation en Palestine sont restées lettre morte. Pendant cette période, la communauté internationale est restée inerte, silencieuse, et donc impuissante.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Il y a quelques jours, Emmanuel Macron a exprimé la nécessité d'aller vers un cessez-le-feu. Enfin ! Cette déclaration a néanmoins été contredite ensuite, après un entretien avec le président israélien.
La paix vous paraît peut-être impensable : nous croyons qu'elle est possible.
Elle nécessite des actes forts. Tout doit être fait pour le cessez-le-feu.
Les membres des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Quelle est l'urgence à Gaza ? La première urgence est bien sûr humanitaire.
L'aide stockée du côté égyptien doit être acheminée à la population civile de Gaza pour répondre aux besoins criants des populations. L'urgence est bien celle-ci : ne pas laisser une catastrophe humanitaire s'aggraver et apporter de l'aide de façon urgente et durable.
Bien sûr, cela impose une pause dans les opérations militaires, pour que les soignants puissent entrer sur le territoire, pour que l'aide puisse être distribuée, pour que les blessés les plus graves puissent être évacués.
Il faut dès lors être pragmatiques. Que peut-on aujourd'hui obtenir – je dis bien aujourd'hui ? Une trêve humanitaire, immédiate,…
…qui pourra ensuite mener à un cessez-le-feu.
C'est ce consensus international que la France a contribué à forger lors de la conférence humanitaire qu'elle a organisée jeudi dernier. J'insiste, il faut que cette pause intervienne le plus rapidement possible et, sans attendre, il faut œuvrer à un cessez-le-feu et à la restauration d'une perspective politique.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Je précise qu'il ne faut pas que cette action permette au Hamas de reconstituer ses capacités et de mener ses actions terroristes, car nul ne doit oublier l'objectif de cette organisation terroriste, et, surtout, ce qui s'est passé le 7 octobre.
Ne l'oublions pas. Rien ne justifie jamais le terrorisme.
Applaudissement sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de l'insertion, 3 028 000 : c'est le nombre de chômeurs en France au troisième trimestre de cette année. J'insiste, il y a plus de 3 millions de Français sans emploi, le chiffre ayant progressé de 0,6 % au cours du dernier trimestre.
Ils ont réussi à inverser la courbe du chômage, mais dans le mauvais sens !
Mais alors que tant de nos compatriotes sont au chômage partout en France, dans les outre-mer comme dans le Nord, votre seule réponse est de régulariser des clandestins – régularisation qui va créer un nouvel appel d'air en faveur de toujours plus d'immigration.
Pour tous les Français qui vivent dans la précarité et qui sont au chômage, vous êtes décidément hors-sol, déconnecté de la réalité de ceux qui souffrent.
Votre projet est un non-sens économique, car en faisant appel à plus d'immigration, vous tirez vers le bas les salaires de l'ensemble des travailleurs ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également
créant ainsi une situation de concurrence déloyale, notamment dans les métiers difficiles et souvent mal payés.
On est l'un des pays avec le moins d'immigration, arrêtez de dire des bêtises !
Protestations sur quelques bancs du groupe RN.
C'est bien sur ce sujet que vous devriez vous concentrer en priorité en tant que ministre du travail.
Actuellement, pour nombre de nos concitoyens, le travail coûte plus qu'il ne rapporte. Il faut que le travail paye !
Mme Béatrice Roullaud applaudit.
Il faut augmenter de 10 % les bas salaires, comme le propose Marine Le Pen ;
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe Dem
revaloriser le travail manuel, qui ne saurait être exercé uniquement par des clandestins exploités honteusement ; améliorer les conditions de travail, comme dans le secteur de la logistique ; et réduire le coût du carburant.
Vous, qui avez été socialiste avant de devenir macroniste,…
…êtes associé à une politique économique et pro-immigration qui fait tant de mal aux Français.
Votre projet incarne le pire, entre l'ouverture à l'immigration voulue par la gauche et l'ultralibéralisme prôné par la droite.
C'est cette alliance néfaste qui a mis à terre le bassin minier du Nord, dont je suis élu.
Quel est l'intérêt de régulariser des clandestins dans un pays qui compte plus de 3 millions de chômeurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous prenez prétexte d'une des dispositions du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, qui est en cours d'examen, pour aborder la question du chômage. Permettez-moi d'abord de rappeler que la disposition que nous avions envisagée avec Gérald Darmanin, tout comme celle qui a été votée par le Sénat avec des critères durcis et qui renvoie à un pouvoir discrétionnaire des préfets, n'a qu'un seul objectif : permettre de régulariser non de nouveaux immigrés, non des personnes travaillant de manière illégale, mais des hommes et des femmes qui travaillent légalement depuis longtemps dans notre pays.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Ne vous en déplaise, il est possible d'avoir un contrat de travail sans titre de séjour valable. De nombreuses personnes ont en effet signé leur contrat lorsqu'elle disposait d'un titre valide, celui-ci n'ayant pas été renouvelé ensuite.
Exclamations prolongées sur quelques bancs du groupe RN.
Sans préjuger des débats qui interviendront lors de l'examen de ce texte dans les prochains jours, vous dites que la priorité est de faire baisser le chômage en France. Nous y adhérons, à tel point que, depuis six ans, grâce à la politique que nous menons, l'économie française a créé 2 millions d'emplois, dont 140 000 créations net l'an dernier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous partageons cette priorité, mais pas vous, en réalité. Car, quand une réforme de l'assurance chômage est mise aux voix pour rendre ses règles plus incitatives, vous n'êtes pas au rendez-vous et vous votez contre. Quand nous débattons afin que les allocataires du RSA puissent participer à quinze heures de formation et d'activités d'insertion, vous votez contre ; quand l'Assemblée vote des mesures pour faciliter l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap, vous votez contre ;
Mme Caroline Parmentier proteste
alors que le plan d'investissement dans les compétences a permis de multiplier par deux et demi le nombre de demandeurs d'emploi formés, vous avez également voté contre chacun des articles du projet de loi pour le plein emploi dont les conclusions de la commission mixte paritaire seront soumises au vote de votre assemblée tout à l'heure.
M. Erwan Balanant applaudit.
Le Rassemblement national dénonce l'assistanat, mais il ne fait rien, ni pour l'emploi, ni pour sortir de leurs difficultés celles et ceux qui y sont plongés.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Madame la ministre des solidarités et des familles, plus de 3 millions, c'est le nombre d'enfants, de femmes et d'hommes qui ne mangent pas à leur faim en France et souffrent donc de précarité alimentaire, comme il est coutume de dire par fausse pudeur.
Depuis quatre ans, les différentes crises qui se succèdent ont accentué les difficultés des Français les plus démunis, même si la générosité de nos concitoyens, l'engagement des associations et de leurs bénévoles, l'action résolue de l'État et des collectivités apportent des réponses pour lutter contre ce fléau.
L'Union européenne propose également des programmes de lutte contre la précarité alimentaire. Ainsi le Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) a-t-il été doté de 3,3 milliards d'euros pour les années 2014 à 2020, dont 443 millions alloués à la France. Ce fonds permet à l'État d'acheter des denrées alimentaires pour les plus pauvres et de les distribuer à quatre associations caritatives – les Restos du cœur, le Secours populaire, la Croix-Rouge et la Fédération française des banques alimentaires.
Il y a quelques jours, j'ai été alertée par le Secours populaire : une partie des financements n'aurait pas été demandée, alors que nous avons jusqu'au 31 décembre pour le faire.
Madame la ministre, pouvez-vous m'assurer que la totalité des fonds sera engagée dans les délais ?
Pour la période 2022-2027, l'Union européenne a fléché 647 millions d'euros en direction du nouveau programme de soutien européen à l'aide alimentaire au sein du Fonds social européen (FSE+), avec un financement de 90 % des dépenses effectuées. Comment est piloté ce fonds et quelles sont les actions de l'État pour lutter contre la faim ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je ne suis pas – plus – ministre des solidarités, mais Mme Bergé est en déplacement avec le Président de la République et me prie de répondre à sa place.
Je vous remercie d'avoir souligné le soutien de l'Europe : nous devons souligner chaque fois qu'elle intervient dans le quotidien des Français. Depuis 1987, c'est bien elle qui vient en soutien de l'aide alimentaire dans notre pays.
Pour la période 2014-2021, ce soutien est passé par le Fonds européen d'aide aux plus démunis mais aussi par le plan de relance React – Recovery Assistance for Cohesion and the Territories of Europe – visant à faire face à la crise sanitaire.
Mme Valérie Rabault s'exclame.
Ces deux programmes ont représenté 691 millions d'euros de crédits, dont 603 financés par l'Union européenne et 88 par la France. Ces crédits ont permis aux quatre grandes associations d'aide alimentaire – les Restos du cœur, les banques alimentaires, le Secours populaire et la Croix-Rouge –, qui représentent 90 % des distributions, de collecter environ 90 000 tonnes de produits par an, au profit de leurs quatre millions de bénéficiaires.
Concrètement, FranceAgriMer, établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, lance des marchés pour une trentaine de produits choisis avec les associations concernées. Même si l'Union européenne cofinance très largement ces programmes, les crédits sont d'abord avancés par les États, avant d'être remboursés après une procédure de contrôle approfondi, qui peut prendre entre un et trois ans.
Pour la période 2014-2021, FranceAgriMer a dépensé 738 millions d'euros dans le cadre de ces marchés d'aide alimentaire – montant supérieur au plafond de remboursement de l'Union européenne. Après contrôle, une partie des dépenses n'est pas reconnue comme éligible. La France a donc fait le choix d'adopter une approche proactive afin de compenser le taux de chute observé lors de ces contrôles rigoureux de l'Union européenne, et de ne pas perdre de crédits européens.
Mme Valérie Rabault proteste.
Il vaut mieux que sa réponse soit techno et complète que politique et vide !
L'ensemble des dépenses réalisées est encore en cours d'examen. Des appels de fonds importants vont être réalisés pour plus de 150 millions d'euros. La France a bien utilisé tous les leviers à sa disposition pour maximiser l'efficacité des fonds européens en faveur de l'aide alimentaire.
Il y a quelques jours, à l'initiative du groupe Socialistes et apparentés, et avec l'avis favorable du ministre délégué chargé des comptes publics, l'Assemblée nationale votait à l'unanimité une aide exceptionnelle destinée aux familles monoparentales vivant sous le seuil de pauvreté – entre 115 et 200 euros pour aider 600 000 familles à terminer une année difficile, avec une inflation alimentaire parmi les plus fortes d'Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il s'agit pour l'essentiel de mamans solos, et de leurs enfants, pour lesquels tout est difficile – se nourrir, se loger, se chauffer. Nous l'observons tous dans nos circonscriptions et c'est pourquoi, avec Philippe Brun, nous avions engagé ce travail transpartisan.
C'est une mesure urgente et nécessaire, dont la représentation nationale peut être fière, alors que le Secours catholique, après le Secours populaire et les Restos du cœur, a lancé un cri d'alarme et pointé du doigt une féminisation de la pauvreté qui doit nous inquiéter autant que nous mobiliser.
Mais voilà, il y a quelques jours, alors que beaucoup de familles nous faisaient part de leur soulagement, temporaire, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministre de tutelle de son collègue en charge des comptes publics, jugeait que cette prime de Noël était « de l'argent dépensé pour rien », alors que le projet de loi n'est pas définitivement adopté.
Après Bruno demande, voici Bruno dément…
Madame la Première ministre, est-ce de l'argent dépensé pour rien que de venir en aide à des mamans seules qui n'ont que la lumière dans leur réfrigérateur dès le 15 du mois ? Est-ce de l'argent dépensé pour rien que de venir en aide à des enfants pauvres qui ne connaîtront pas la joie des cadeaux de Noël ? Est-ce de l'argent dépensé pour rien, pour des familles qui ne seraient rien ?
Que doit-on comprendre ? Que votre autorité est remise en cause ? Préférez-vous avoir tort avec Bruno Le Maire ou raison avec la représentation nationale ?
Le sujet est trop sérieux pour se prêter à des polémiques, comme vous êtes en train de faire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe SOC.
Je suis parfaitement consciente que la forte inflation de ces derniers mois pèse sur le quotidien de nos concitoyens. Elle est liée à la reprise post-covid et à la guerre en Ukraine.
Depuis le premier jour, la majorité et mon gouvernement sont mobilisés pour protéger le pouvoir d'achat des Français – nous l'avons fait plus qu'aucun autre pays en Europe.
M. Pierre Cordier s'exclame.
C'est le sens des dispositifs exceptionnels en matière d'énergie et des boucliers tarifaires – 46 milliards d'euros.
C'est aussi le sens de l'indemnité carburant pour les travailleurs, reconduite en 2024, qui bénéficiera à 60 % de nos concitoyens, afin de mieux protéger les classes moyennes.
C'est le sens, encore, des mesures prises pour lutter contre l'inflation alimentaire : le panier anti-inflation, qui concerne plus de 5 000 produits – vous aurez l'occasion, dans quelques instants, de voter le projet de loi qui permettra d'accélérer les négociations commerciales concernant les produits de grande consommation, et donc la baisse de l'inflation alimentaire.
En outre, nous sommes attentifs au pouvoir d'achat des plus modestes : la revalorisation des prestations sociales, l'indexation des pensions, l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu représentent 25 milliards d'euros dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 – je vous remercie de me donner l'occasion de le rappeler.
Enfin, avec la réforme des retraites, la revalorisation des pensions minimales représentera 600 euros par an pour 1,7 million de nos concitoyens.
Je vous confirme que nous avons accepté un amendement de votre groupe.
Il s'agit d'une préoccupation largement partagée sur les bancs de la majorité pour mieux accompagner les familles isolées.
La majorité mène aussi ce combat – ainsi le versement des pensions pour les familles et pour les mères célibataires est-il désormais garanti, et automatique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Ce samedi aura lieu la huitième journée européenne pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels. Près de 13 % des femmes et 5 % des hommes disent avoir été victimes d'abus sexuels durant leur enfance. Ces chiffres sont effroyables, et cachent une réalité souvent très difficile à évoquer pour beaucoup de nos concitoyens.
Les médecins le disent : un enfant victime d'abus, c'est une vie entière affectée. Détruite souvent, abîmée toujours, son existence ne ressemble à aucune autre. Sa douleur nous oblige, et nous devons notre dévouement à ces enfants, pour que plus personne ne subisse de telles atrocités.
S'il nous reste bien évidemment du chemin à parcourir, notamment afin de libérer la parole, je salue notre prise de conscience collective, encore renforcée par votre campagne contre l'inceste. Je salue également l'action du Gouvernement et de la majorité, tout particulièrement depuis 2021, ainsi que le travail transpartisan qui a conduit, hier soir, à l'adoption en deuxième lecture d'un texte essentiel.
Avec la réforme de la gouvernance de la protection de l'enfance, le contrôle systématique des antécédents judiciaires des encadrants, la désignation de référents contre les violences dans les établissements sociaux et médico-sociaux, le référentiel unique partagé ou la meilleure prise en charge des cas de prostitution sur mineur, nous disposons d'outils importants pour la protection de nos enfants.
Madame la secrétaire d'État, je sais, et salue, votre engagement sur ces sujets, ainsi que celui du Gouvernement. Quelles pistes sont envisagées afin de poursuivre la lutte contre l'inceste et les abus sexuels sur les mineurs ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il faut marteler ces chiffres intolérables tant qu'ils ne diminueront pas : dans ce pays, toutes les trois minutes, un enfant est victime de violences sexuelles. Je vous remercie d'avoir rappelé la réalité : des vies d'enfants, puis d'adultes, brisées par ces violences contre lesquelles nous devons lutter.
C'est pourquoi, après avoir déjà agi au cours du précédent quinquennat, le Président de la République en a fait une priorité du quinquennat actuel et c'est aussi pourquoi, il y a un an déjà, la Première ministre en a fait la priorité de l'action du comité interministériel à l'enfance.
Nous avons généralisé les unités d'accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped) dans tous les départements. Nous avons créé la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a réalisé un formidable travail. Nous avons aussi financé une campagne choc de sensibilisation sur l'inceste et les violences faites aux enfants.
Vous aussi avez agi : nous pouvons saluer l'adoption à l'unanimité, en deuxième lecture hier de la proposition de loi de Mme Santiago. C'est un formidable outil au service de la protection des enfants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR et SOC.
Mais il faut continuer à agir et je crains que le plan que la Première ministre présentera lundi prochain ne soit pas le dernier, car il nous faut lutter contre des pratiques et une culture plus que millénaires. Nous proposerons de nouvelles mesures qui s'appuient sur les préconisations de la Ciivise, dans quatre directions : prévention, repérage, accompagnement des victimes et, bien évidemment, répression des auteurs de ces violences.
Nous devons continuer à nous battre afin de soutenir le formidable élan lancé par la Ciivise. Je compte sur votre mobilisation ; vous pouvez compter sur moi.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à Mme Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Au printemps dernier, vous avez cherché à imposer la dissolution de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Après un rapport-prétexte de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), vous revenez avec un projet de loi pour mettre fin à la séparation de l'expertise et de la décision en deux entités distinctes. L'incompréhension reste totale et constitue le premier motif d'opposition des salariés de l'IRSN – les démissions ont progressé de 50 % –, et même de l'ASN.
Son président a vendu la mèche la semaine dernière : la fusion vise notamment à répondre aux exigences de nouveaux opérateurs, ces start-up qui pourraient exploiter de petits réacteurs nucléaires modulaires ou SMR – pour Small Modular Reactor – près des grandes industries, et pas seulement dans le périmètre des centrales existantes. Vous nous avez donc menti !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le Conseil constitutionnel a confirmé à deux reprises qu'EDF dispose du monopole de production de l'électricité nucléaire en France : vous allez pourtant confier celle-ci à des entreprises privées qui auront passé des contrats avec de gros clients pour leur livrer de l'électricité à prix fixe durant plusieurs années.
Qui peut croire qu'elles prendront le risque financier d'arrêter leur réacteur si la sûreté est en jeu, comme le fait aujourd'hui EDF, qui bénéficie de la garantie financière de l'État ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous réunissez les ingrédients de la catastrophe de Fukushima ; le parlement japonais estime en effet que « la responsabilité de l'accident réside principalement dans la négligence de l'opérateur et dans la complaisance de l'organe de réglementation à son égard. »
La conjugaison de vos obsessions atomiques et de la main invisible du marché pourrait, ici aussi, se traduire par des irradiations bien réelles et des territoires sacrifiés.
Madame la ministre de la trahison énergétique ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…il est temps de dire la vérité : pourquoi brader la sûreté nucléaire alors que la filière est déjà confrontée à tant d'impasses et à la folie de votre relance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous n'aimez pas le nucléaire ;…
…vous n'aimez pas EDF ; mais, surtout, vous n'aimez pas la réalité des faits.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La privatisation du nucléaire est votre nouvelle invention pour jeter le discrédit sur une filière qui réunit des dizaines de milliers d'hommes et de femmes à notre service. Chaque matin, ils garantissent la livraison d'une électricité bas-carbone, compétitive et moins chère que dans le reste de l'Europe.
Je veux rendre hommage à ces 220 000 experts qui sont tous les matins sur le pont pour nous permettre de produire et de vivre mieux.
M. Maxime Laisney proteste.
Attaquer le nucléaire, alors qu'il permet aux industriels de produire et aux Français de se chauffer et de se déplacer, c'est attaquer l'excellence de la France – à croire que vous n'aimez pas la France.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau lève les bras au ciel.
À chaque fois que vous attaquez le nucléaire, c'est aussi le travail de l'IRSN et de l'ASN que vous remettez en cause.
Vous parlez de privatisation, monsieur le député. Mais qui a organisé la montée de l'État au capital d'EDF ?
Qui vient de prendre la décision d'étendre les tarifs réglementés aux très petites entreprises ?
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
Qui est en train de renforcer l'autorité administrative indépendante qui assure la sûreté nucléaire ? C'est ce gouvernement ! Alors foin de vos mensonges, monsieur le député ! Pendant que vous racontez des bobards ,
Mêmes mouvements
nous agissons concrètement pour relancer le nucléaire. Le succès de cette relance passera par celui de cette nouvelle autorité – c'est l'Opecst qui le dit dans son rapport de juillet, excusez du peu. Cette refonte permettra d'améliorer les procédures pour répondre aux défis de la relance, de garantir l'indépendance de l'autorité à l'égard des exploitants nucléaires et du Gouvernement, de renforcer la transparence vis-à-vis du public et de rendre attractifs les métiers de la filière nucléaire – voilà la réalité !
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Gilles Le Gendre applaudit.
À force de tout casser, c'est vous qui allez empêcher la relance du nucléaire dans ce pays – c'est la seule bonne nouvelle dans tout cela !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis plusieurs jours, les habitants de mon département, le Pas-de-Calais, sont frappés par de terribles inondations qui font suite à des précipitations inédites.
Au nom des Républicains, je tiens à leur témoigner notre soutien le plus absolu.
M. Jimmy Pahun applaudit.
Nous remercions les services de l'État, les forces de l'ordre et de secours, les élus locaux et les citoyens qui œuvrent chaque jour pour limiter les dégâts et mettre en sécurité les personnes, les animaux et les biens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Aujourd'hui, alors que nous vivons sous la menace de nouvelles précipitations et de nouvelles crues, l'heure est à l'entraide. Demain, nous devrons panser nos plaies et protéger notre territoire de nouvelles inondations. Confronté à ces deux défis, l'État ne peut se dérober.
Le fonds de solidarité nationale annoncé par le Président de la République ce matin constitue une première étape. Toutefois, cela ne suffira sans doute pas à répondre aux besoins immédiats de tous ceux qui sont frappés par la montée des eaux, et ne sera efficace que si les assurances débloquent rapidement les fonds.
Depuis plusieurs années, avec les élus locaux, nous vous alertons au sujet de la situation catastrophique des wateringues, essentiels pour évacuer les eaux du polder. Ce système souffre d'un sous-investissement chronique depuis la mise en place de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), qui a entraîné un désengagement de l'État. En nous privant de la solidarité nationale, elle a fait reposer le poids de la prévention des risques d'inondation exclusivement sur les contribuables locaux.
En réponse à ces alertes, nous n'avons obtenu de la part du Gouvernement qu'ignorance ou mépris.
C'est ce mépris que nous payons aujourd'hui.
Face à l'ampleur de la catastrophe qui nous frappe, mes concitoyens sont exaspérés. Les bouleversements climatiques, la brutalité des précipitations, la montée du niveau des océans mettent à mal le système d'évacuation des eaux à la mer. Sans investissements massifs, nous aurons à subir de nouvelles inondations – demain ou après-demain.
Nous demandons donc la création d'un fonds exceptionnel d'investissement, financé par l'État, afin de construire de nouveaux ouvrages de retenue et d'installer de nouvelles pompes de rejet à la mer, en particulier dans le Calaisis, de curer les canaux et les wateringues et de consolider les berges.
Allez-vous répondre au cri de désespoir des habitants et des élus de mon département ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Je suis très surprise par vos propos et que vous ayez pu avoir l'impression que nous vous ignorions ou vous méprisions.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Au nom du Gouvernement et de vous tous, je tiens à exprimer mon soutien aux sinistrés qui ont subi la succession d'intempéries frappant le Pas-de-Calais. Je vais compléter les réponses que j'ai faites aux députés qui m'ont déjà interpellée à ce sujet – vous les avez certainement écoutées attentivement.
Les services de l'État ont mené de nombreuses opérations d'évacuation en amont pour limiter le nombre de blessés et les conséquences humaines de cette catastrophe :
M. Maxime Minot s'exclame
pas moins de 1 391 personnes ont été évacuées. Je salue la mobilisation remarquable des sapeurs-pompiers qui ont procédé à ces interventions.
Je vais vous répondre, monsieur le député, ayez un brin de patience ! Pas moins de 935 sapeurs-pompiers, renforts militaires et de la sécurité civile sont mobilisés au service des sinistrés, dont 410 en provenance de toute la France.
D'importants moyens humains et de pompage ont été déployés afin de drainer les zones inondées et de protéger les digues. Ces actions sont essentielles pour éviter une dégradation de la situation et pour permettre un retour le plus rapide possible à la vie normale, tant pour les particuliers que pour les entreprises.
À ce jour, il est trop tôt pour établir un chiffrage global de la catastrophe. Il est nécessaire d'attendre le retrait des eaux.
Ce serait bien de répondre à la question, madame la ministre déléguée !
Comme je l'ai rappelé, le Gouvernement se tient aux côtés des sinistrés, des élus locaux et du tissu économique…
Je vais vous répondre ! Le ministre de l'intérieur et des outre-mer et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires étaient sur place mercredi…
…pour exprimer notre solidarité, prendre la mesure de la catastrophe et y répondre par des décisions. Le Président de la République est également sur place en ce moment. Le dispositif de catastrophe naturelle est passé en procédure accélérée en ce début d'après-midi.
Madame la ministre déléguée, vous prouvez que vous n'y connaissez rien : votre réponse est en dessous de tout.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Depuis le 29 septembre, plusieurs établissements scolaires font l'objet d'alertes à la bombe et d'intrusions incessantes, qui perturbent leur fonctionnement en provoquant évacuations ou fermetures.
Situé dans ma circonscription du Val-de-Marne, département particulièrement touché, le lycée Champlain détient le triste record du nombre d'alertes en Île-de-France : il concentre la moitié des alertes concernant la région, soit 20 sur 40.
Au-delà de la question de la sécurité, qui mobilise les forces de l'ordre, je vous interpelle sur la continuité pédagogique. Depuis deux mois, elle est mise à mal par ces évacuations, parfois quotidiennes, qui engendrent une désorganisation des cours.
L'annulation de plus de la moitié des heures prévues entraîne un désespoir palpable chez les élèves. Parents et professeurs s'inquiètent à la perspective des examens. Comment permettre le rattrapage des heures de cours quand pas moins de 80 heures ont été perdues, comme au lycée Champlain ? Comment constituer son dossier Parcoursup en janvier, quand on sait que la plateforme indique les absences, pourtant ici bien involontaires ? Un bac intégralement en contrôle continu peut-il être envisagé dans ces établissements ?
Des cours à distance ont été mis en place ponctuellement, mais cette solution fait écho chez certains élèves à la période du confinement, que beaucoup ont mal vécue. En outre, l'espace numérique de travail n'étant pas sécurisé, des personnes non identifiées et mal intentionnées se sont introduites dans les cours virtuels, allant même jusqu'à expulser les professeurs de leur classe virtuelle. Enfin, cette solution n'est pas adaptée à l'enseignement en voie professionnelle ou en BTS – brevet de technicien supérieur.
Je ne doute pas que le ministère cherche activement des solutions, mais l'absence de communication attise l'incompréhension et le sentiment d'abandon. Le temps passe et la colère des parents et des professeurs ne fait que grandir. Quelles réponses concrètes pouvez-vous apporter aujourd'hui à ces élèves, ces enseignants et ces parents ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Joël Giraud applaudit également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, étant retenu à Marseille, je suis chargée de répondre à votre question.
Vous avez raison : depuis le mois de septembre, nous avons recensé 996 fausses alertes à la bombe en France. Pas moins de 788 concernent les établissements scolaires. Nous devons en premier lieu saluer la mobilisation des équipes éducatives – chefs d'établissement, enseignants –, des forces de l'ordre – gendarmes, policiers – et des services de secours. Ils sont tous sur le pied de guerre pour assurer au sein des établissements scolaires la sécurité des personnels et des enfants.
Je tiens à faire un rappel : les fausses alertes à la bombe mobilisent inutilement les forces de sécurité. Elles retardent l'intervention des secours auprès de ceux qui en ont vraiment besoin. Qui s'en rend coupable encourt 30 000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement. Depuis le mois de septembre, 54 personnes ont été interpellées, dont 30 au cours du mois dernier – je vois votre impatience, je vais répondre au sujet de la continuité pédagogique, mais permettez-moi de rappeler aux coupables qu'ils ne resteront pas impunis.
Nous devons bien évidemment assurer la continuité pédagogique, en plus de la sécurité des établissements scolaires – la prudence l'impose. Nous devons mettre en place des dispositifs spécifiques à destination de ces jeunes : des extensions d'horaires d'ouverture, des stages de réussite et des cours de rattrapage. Le ministère déploiera une dotation spécifique à cet effet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Pas moins de 247 communes inondées, 1 391 évacuations, 2 426 interventions de pompiers, dont nous saluons l'action aux côtés de la protection civile et des volontaires : voilà le bilan provisoire des tempêtes Ciaran et Domingos et des précipitations qui se sont ensuite abattues sur le Pas-de-Calais et sur une partie du Nord.
Aujourd'hui, les pompes manquent pour pallier la hausse du niveau de la mer. Jeudi soir, il a fallu déplacer deux pompes du lac d'Ardres pour les mettre à disposition de la commune de Balinghem. Les bassins de rétention sont sous-dimensionnés ou mal entretenus : des vannes sont cassées, voire démontées – c'est le cas actuellement dans la commune de Tournehem. Le maire a fait ce qu'il a pu, et c'est vraiment admirable. Les cantonniers communaux ont disparu faute de moyens. Les fossés, les rivières et les wateringues ne sont plus curés. Pour ne pas importuner quelques grenouilles ou anguilles,…
…on préfère par endroits laisser des personnes âgées les pieds dans l'eau. Elles sont pourtant assujetties à la taxe permettant la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi), parfois à la taxe dite de wateringues, voire aux deux, alors que l'usage de ces taxes manque cruellement de transparence.
Le caractère exceptionnel de ces phénomènes climatiques appelle la mise en œuvre d'un cadre d'exception efficace, pour reconstruire rapidement nos vies une fois cette catastrophe derrière nous. Cela implique de simplifier les procédures de déclaration de sinistre, d'alléger les franchises, de geler le montant des cotisations…
…et de suspendre les prélèvements fiscaux et sociaux. L'État doit aussi s'engager à compenser l'ensemble des pertes qui ne pourraient pas être prises en compte par les assurances. Je pense également à la dépréciation des biens immobiliers et à toutes ces très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), ces petites exploitations agricoles, ces maraîchers pour qui s'assurer coûte trop cher : ce gouvernement refuse de les protéger comme les autres, en faisant intervenir la solidarité nationale en cas d'aléa exceptionnel.
En parallèle, il faudra adapter le système actuel aux enjeux climatiques en investissant de façon pérenne et efficace. Il faudra comprendre que le caractère exceptionnel de ces intempéries ne saurait occulter les failles d'une gouvernance rendue illisible par la multiplicité des acteurs, et dont les dysfonctionnements et le manque de moyens ou de coordination des moyens ont été révélés au grand jour. Qu'envisagez-vous s'agissant des solutions à court et à long terme dont nous avons besoin ? À l'heure où je vous parle, il tombe entre 7 et 9 millimètres de pluie en trois heures !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Je vous remercie, madame Engrand, de saluer le travail des formations militaires de la sécurité civile (Formisc) et des élus locaux ; nous partageons le même diagnostic. Vous l'avez rappelé, 244 communes ont fait l'objet d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; les arrêtés correspondants seront pris demain.
Le Président de la République a annoncé le déblocage de 50 millions d'euros, sous la forme d'un abondement exceptionnel de la dotation de solidarité aux communes. D'aucuns estiment que ce ne sera pas suffisant, mais il s'agit prioritairement de parer à l'urgence, avant d'établir un diagnostic et d'évaluer les besoins en matière de travaux. La dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques – la DSEC – permet aux collectivités de bénéficier de 50 000 euros à 6 millions pour reconstruire ou remettre en état ce qui a été détruit : des infrastructures routières, des ouvrages d'art, des biens annexes à la voirie, des digues, des réseaux de distribution et d'assainissement d'eau.
Dans cette situation d'urgence, nous nous tenons aux côtés de tous ceux qui ont été touchés par cette catastrophe et nous déployons, dès aujourd'hui, tous les moyens nécessaires à leur accompagnement au quotidien. À moyen terme, nous produirons ce que l'on appelle le Retex – retour d'expérience – que vous appelez de vos vœux, afin de tirer tous les enseignements de ce sinistre et d'améliorer constamment le soutien apporté à nos concitoyens.
Avant de donner la parole au prochain orateur, je rappelle qu'à compter de la semaine prochaine, nous reviendrons au rythme de deux séances hebdomadaires de questions au Gouvernement.
M. Maxime Minot applaudit.
La séance du mardi comprendra dix-huit questions et s'achèvera vers seize heures quinze. Une seconde séance de quarante-cinq minutes vous permettra d'interroger le Gouvernement à l'issue du Conseil des ministres, le mercredi à quatorze heures.
Cette expérimentation durera dix semaines ; nous l'évaluerons tous ensemble.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Inondations dans le Pas-de-Calais
Ces derniers jours, le Pas-de-Calais a été la scène de catastrophes sans pareilles. Les tempêtes successives ont frappé durement ; elles ont été suivies de crues exceptionnelles qui ont causé des dégâts considérables. Ces déchaînements ont non seulement ravagé des zones agricoles et des entreprises, mais aussi détruit des infrastructures – écoles, routes ; ils ont surtout endommagé de nombreuses habitations.
Derrière cette catastrophe, ce sont des familles dévastées et probablement beaucoup de rêves brisés, qu'il nous appartient de reconstruire. Permettez-moi de saluer avec la plus grande gratitude ceux qui sont en première ligne pour aider ces familles :
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES
les services de la préfecture et du département, les pompiers, les forces de l'ordre, les bénévoles, ainsi que tous les élus locaux. Leur solidarité mérite notre reconnaissance la plus profonde.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Pierre-Henri Dumont applaudit aussi.
Autour de Montreuil-sur-Mer, des dizaines de communes et de quartiers sont transformés en îlots isolés, presque coupés du monde. La même désolation règne à Saint-Omer, à Blendecques, à Saint-Etienne-au-Mont et dans bien d'autres lieux. Au total, plus de 250 communes ont été touchées par les inondations. On imagine déjà le coût de la reconstruction, colossal, qui dépassera de loin les capacités financières de ces communes déjà éprouvées. À cela s'ajoute une catastrophe agricole.
L'attention portée à cette crise par le Gouvernement et par le Président Emmanuel Macron ne fait aucun doute, mais elle doit se traduire par une réponse rapide et efficace à la détresse de nos concitoyens. Mesdames et messieurs les ministres, face à cette urgence et au-delà de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, quelles mesures immédiates, et surtout futures, envisagez-vous pour soutenir nos concitoyens, les collectivités, les agriculteurs et les entreprises ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Je souscris pleinement à vos propos saluant les services déconcentrés de l'État, les préfets, les conseillers départementaux et l'ensemble des élus locaux, et vous en remercie. J'adhère également à votre description de l'isolement et de la désolation. Comme je l'ai déjà indiqué, l'arrêté de catastrophe naturelle sera pris demain et 50 millions d'euros seront débloqués. S'il faut davantage, nous aviserons, mais il faut avant tout consommer cette somme et établir un diagnostic.
Nous n'oublions personne, ni les citoyens, ni les agriculteurs, ni les élus locaux, ni les entreprises : tous sont sinistrés, nous en sommes conscients. Vous pouvez compter sur moi pour élaborer un retour d'expérience, afin de toujours améliorer notre soutien à ces quatre catégories de populations.
Samedi, à Lyon, une cinquantaine de membres de l'extrême droite néonazis ont attaqué une conférence du collectif Palestine 69 après avoir déambulé plus d'une heure dans les rues, munis de barres de fer. Je veux avoir une pensée pour les victimes de cette attaque d'une grande lâcheté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
L'une des personnes présentes a déclaré aux services de police avoir reçu des coups de barre de fer, ce qui lui a valu quinze jours d'incapacité totale de travail (ITT). Au total, on dénombre sept blessés. Au cours de la même soirée, quatre étudiants en école d'ingénieur ont été pris pour cible depuis le local identitaire La Traboule et une jeune fille a été poursuivie et tabassée par le groupuscule Les Remparts, ce qui a occasionné trois jours d'ITT.
Nous avons vu les protagonistes de ces raids revendiquer leurs actes sur des boucles Telegram publiques. Madame la Première ministre, je voudrais dire ici, solennellement, notre colère.
Mêmes mouvements.
Pendant que vous prépariez la marche avec Mme Le Pen, des militants d'extrême droite s'organisaient pour s'attaquer à des personnes âgées et à des jeunes.
Les 30 novembre 2022, 6 décembre 2022 et 9 mai 2023, trois courriers, signés par les quatre députés du Rhône de la NUPES, ont signalé des agressions équivalentes ; ils sont tous restés sans réponse.
Comment cinquante militants, cagoulés et armés, ont-ils pu déambuler pendant près d'une heure dans les rues sans être appréhendés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Sansu applaudit également.
Au moins six agressions en trois ans ont été rendues publiques – on ne parle pas des autres !
Qu'attendez-vous pour engager la dissolution des groupuscules Les Remparts et Lyon populaire ? Prenez-vous l'engagement de fermer définitivement les locaux identitaires que sont La Traboule et L'Agogé, et de dissoudre leurs associations de gestion ? Agissez, madame la Première ministre ! Nous n'acceptons pas que nos concitoyens soient attaqués sur la base de leur couleur de peau, du parler de leurs parents, de leurs idées, de leurs croyances ou de leurs convictions !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont les députés se lèvent, ainsi que sur ceux des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, parmi lesquels quelques députés se lèvent également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Nous condamnons avec la plus grande fermeté les exactions commises à Lyon par ce groupuscule d'ultradroite. Le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de le dire : la justice est saisie et au moins une arrestation a eu lieu. L'enquête permettra d'obtenir des réponses ;
M. Gabriel Amard s'exclame
s'il y a lieu de dissoudre une association organisée, comme cela a été le cas pour la dissolution du Bastion social en 2019, notre main ne tremblera pas.
Mme Karen Erodi s'exclame.
Nous luttons contre la violence de l'ultradroite – et contre celle de l'ultragauche quand elle existe.
Dans votre question, qui aurait presque pu faire consensus, vous vous êtes permis de pointer du doigt la manifestation contre l'antisémitisme, en établissant une corrélation avec les actes commis par ce groupe d'ultradroite – vous avez dit : « pendant que vous défiliez à côté de Marine Le Pen ».
Vous luttez contre l'extrême droite ? Alors cessez de la faire progresser !
Vous faites peur aux Français !
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dimanche, à la manifestation contre l'antisémitisme à laquelle vous avez refusé de participer, des habitants de Grenoble sont venus me dire qu'ils hésitaient à voter pour Mme Le Pen tant M. Mélenchon leur fait peur !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ayez conscience des mots prononcés par vos députés ! Ayez conscience des actes de Mme Obono et de M. Léaument ! Ayez conscience des atrocités racontées par M. Guiraud, qui a inventé le révisionnisme avant l'heure !
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ayez conscience que votre chef bien-aimé, M. Mélenchon, fait beaucoup de mal à notre pays et à la cohésion nationale !
Il fait constamment progresser l'extrême droite ! Regardez-vous dans une glace ; après, vous pourrez nous donner des leçons !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre de la santé, en juillet 2020, le Gouvernement s'est engagé à revaloriser les carrières et à améliorer l'attractivité des métiers de la santé en signant les accords du Ségur de la santé. Je tiens à rappeler le caractère indispensable de ces mesures pour les soignants, qui doivent bénéficier de notre soutien et d'une reconnaissance totale de leur engagement. Or contrairement aux engagements nationaux, les surcoûts salariaux résultant de l'application de ces mesures n'ont été que partiellement compensés ; ils mettent en grande difficulté financière les établissements de santé, en particulier les centres hospitaliers.
Dans la région Grand Est, si les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les établissements publics de santé mentale (EPSM) sont globalement à l'équilibre, il en va différemment pour les centres hospitaliers, qui assument l'essentiel du déficit régional : ils représentent deux tiers des établissements de la région, mais près de 94 % du déficit – avec un déficit moyen de 3 millions d'euros. Cette situation s'est largement généralisée et dégradée entre 2021 et 2022 : le déficit de ces établissements a été multiplié par seize.
Ainsi, le centre hospitalier de Haguenau, dans ma circonscription, qui était à l'équilibre, voire bénéficiaire, au cours de la dernière décennie, est déficitaire depuis 2021. Sa situation se dégrade, puisque son déficit est passé de 1,6 million en 2021 à 6 millions en 2022 ; il devrait atteindre près de 15 millions en 2023 – dont un tiers résulte de l'inflation des prix de l'énergie –, et ce malgré une activité équivalente, si ce n'est supérieure, à celle de 2019.
Le sous-financement pèse lourdement sur les centres hospitaliers, qui sont essentiels à nos territoires. Monsieur le ministre, ma question est simple : que prévoyez-vous pour remédier à ces déficits et pour tenir les engagements visant à compenser les mesures du Ségur de la santé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Vous soulignez la situation financière difficile de très nombreux hôpitaux. Il serait vain et dérisoire de le nier, cette situation est très tendue, pour des raisons structurelles et conjoncturelles – vous avez évoqué l'inflation. Du point de vue structurel, les situations sont très hétérogènes entre, par exemple, les hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui présentaient en 2022 un excédent de 10 millions d'euros et des établissements comme l'hôpital de Haguenau, dont le déficit se creuse.
Pour répondre à cette situation sur le plan structurel, nous avons engagé, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, la réforme du financement de l'hôpital. Entre un CHU, une clinique privée et un hôpital local, le financement ne peut être le même. C'est pourquoi nous avons décidé de créer trois briques de financement : la première est fonction de l'apport des établissements en matière de santé publique et de responsabilité par rapport à un bassin de population ; la deuxième relève de la tarification à l'activité ; la troisième concerne les hôpitaux universitaires, notamment lorsqu'ils ont une part importante de recours. C'est ainsi que nous ferons face à cette situation.
Nous sommes particulièrement vigilants s'agissant de l'inflation. Je suis en contact permanent avec les fédérations de l'hospitalisation, publique comme privée. Le Gouvernement ne laissera pas les hôpitaux dans l'impasse. Nous percevons des signaux positifs, s'agissant notamment du recrutement de soignants ; nous devons les saisir, afin que personne ne s'enfonce dans le rouge.
En mars dernier, ma circonscription était touchée par une double annonce aux conséquences lourdes.
Deux sites majeurs de l'industrie agroalimentaire ont décidé de fermer leurs unités de production : la sucrerie Tereos d'Escaudœuvres, qui représentait 120 emplois, et l'usine Buitoni Nestlé de Caudry, qui en comptait autant. En raison de leur caractère brusque et imprévu, ces fermetures ont eu un retentissement médiatique important et l'impact social a été considérable dans une région qui connaît un chômage très élevé.
En milieu rural, chaque usine qui ferme est un déchirement. Dans le Cambrésis, la mobilisation de l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des salariés, des élus ou des syndicats, a été exemplaire. Nous avons eu de nombreux contacts et vous vous êtes déplacé trois fois – je vous en remercie. J'ai pu apprécier votre fermeté à l'égard des entreprises. Votre action a amorcé une dynamique qui a permis d'aboutir à la reprise, annoncée récemment, de la sucrerie Tereos d'Escaudœuvres – 350 emplois seront créés et 350 millions d'euros de travaux réalisés –, ainsi qu'au rebond industriel du Cambrésis, dans le cadre de l'initiative Territoires d'industrie. Depuis le mois de mars, plusieurs réunions avec les services préfectoraux – que je remercie – ont eu lieu afin d'identifier les entreprises éligibles. Cette politique est très prisée des industriels et les incite à investir.
En accord avec Nestlé, vous vous étiez engagé à ce que le site Buitoni de Caudry soit repris avant le 31 décembre. Mais il y a loin de l'annonce à la réalisation effective. Dès lors, qu'en est-il de l'avenir de ce site, tant en ce qui concerne les salariés que l'immobilier, car une usine vide est un drame pour un territoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit aussi.
Comme vous, au mois de mars, nous avons été frappés par les deux coups de tonnerre qui ont affecté votre territoire : l'annonce par Tereos de la fermeture de l'usine d'Escaudœuvres, puis, quelques jours après, celle par Nestlé de la fermeture de l'usine Buitoni.
Nous avons agi dans trois directions, en collaboration avec les élus locaux – le président de région et les maires – et les élus nationaux, que vous représentez. D'abord, nous avons exercé une pression maximale sur les entreprises afin qu'elles respectent leurs obligations sociales. Les deux PSE – plans de sauvegarde de l'emploi – ont été signés à l'unanimité par les organisations syndicales des deux entreprises.
Ensuite, nous avons dynamisé le territoire. Nous y avons investi dans le cadre du dispositif Rebond industriel, qui a permis d'identifier plusieurs projets. À eux seuls, ils créeront près de 200 emplois industriels dans le territoire du Cambrésis.
Enfin, nous avons recherché un repreneur pour chaque site. Fin août, l'entreprise belge Agristo a annoncé investir 350 millions d'euros pour créer 350 emplois dans l'usine de Tereos. Hier, l'entreprise Nestlé a annoncé entrer en négociation exclusive avec l'entreprise italienne Italpizza, le champion italien des pizzas surgelées.
À ceux qui n'aiment pas l'entreprise et à ceux qui détestent l'Europe sur ces bancs : deux grandes entreprises européennes choisissent la France, votre territoire.
C'est une leçon : la France est aujourd'hui attractive, elle attire des capitaux et des entrepreneurs qui souhaitent bénéficier de la qualité des employés français. Dans cinq ans, grâce à ces trois actions, nous aurons créé plus de 450 emplois industriels, soit autant que ceux qui avaient été détruits au cours des dix années précédentes. Nous agissons et cette politique donne des résultats. Pour finir sur une note un peu légère, on fera des frites belges et des pizzas italiennes. C'est quand même mieux que l'inverse !
Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer. À la suite d'un avis de sagesse donné par le Gouvernement, le Sénat a voté la suppression de l'AME – aide médicale de l'État –, qui a été remplacée par l'aide médicale d'urgence. Nous nous réjouissons de ce vote ,
« La honte ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC
mais aussi du réveil inespéré de nos collègues Les Républicains.
Après avoir été la béquille de votre gouvernement, Les Républicains renouvellent leur identité grâce au programme de Marine Le Pen.
Mme Frédérique Meunier s'exclame.
Depuis 2012, soit plus de dix ans, Marine Le Pen propose de supprimer l'AME pour la remplacer par l'aide médicale d'urgence. Cette proposition est enfin adoptée. Nous savons à quel point ce débat est instrumentalisé.
La France se doit d'aider les personnes dont la santé est en danger immédiat, mais elle ne doit pas devenir une terre d'accueil pour les maux du quotidien. Comment pouvons-nous expliquer à certains de nos concitoyens que des étrangers ont accès aux soins alors qu'eux-mêmes ne peuvent se payer certains services de santé ?
Monsieur le ministre, votre texte sur l'immigration devrait être examiné par notre chambre dans les prochaines semaines. Ma question est donc la suivante : oui ou non, reviendrez-vous sur votre avis de sagesse et le vote du Sénat supprimant l'AME ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous n'avons décidément pas la même conception du monde, de la nation et de la République.
« Heureusement ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Contrairement à ce que vous avez dit, l'aide médicale de l'État ne finance pas le même panier de soins que celui de nos compatriotes,…
…ni des soins que ceux-ci ne pourraient pas se payer ou auxquels ils ne pourraient avoir accès.
C'est sans doute l'un des dispositifs qui fait l'objet du suivi le plus attentif en termes de dépenses publiques.
Il représente 1,2 milliard d'euros.
Selon le rapport intermédiaire rendu par Claude Évin et Patrick Stefanini,…
…l'AME n'est pas un « facteur d'attractivité » en matière d'immigration.
Lorsqu'on est malade, il ne suffit pas de se trouver dans une situation d'urgence pour que la République prenne en charge les soins ; notre conception du monde est différente sur ce point.
D'un point de vue strictement financier, nous n'avons aucun intérêt à ce que toutes ces personnes se rendent à l'hôpital. Nous avons plutôt intérêt à ce que la médecine de ville prenne toute sa part dans la prise en charge des malades pour prévenir l'apparition de maladies, notamment infectieuses, telles que la pneumonie.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je suis donc au regret de vous indiquer que le Gouvernement a très clairement dit qu'il n'était pas favorable à l'aide médicale d'urgence.
Tout sujet peut évidemment être discuté. Du reste, l'AME fait l'objet d'une mission. Nous en discuterons, mais ne confondons pas un texte sur l'immigration et une question de santé publique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et SOC.
Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, avec l'inflation, en 2024, le budget des hôpitaux publics sera confronté à des difficultés. La suppression de l'AME représenterait une économie de 1,2 milliard d'euros au maximum.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – « N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe SOC.
Vous alliez malheureusement à une vision de la nation que je ne partage pas une méconnaissance complète du système. Si nous supprimions l'AME, ce seraient autant de dépenses supplémentaires pour le budget des hôpitaux, dont a parlé votre collègue député du Bas-Rhin, ce qui serait très préoccupant. L'AME est le dispositif le plus protecteur pour les hôpitaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux – tiens, il n'est pas là ! Aujourd'hui, dans l'atmosphère feutrée des instances européennes, se discutent les termes d'une directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Le 8 mars 2022, la Commission européenne a adopté une proposition de directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique – viol, mutilations, cyberharcèlement, partage non consenti d'images intimes, ou encore mariages forcés.
Comme vous l'a écrit ma collègue Francesca Pasquini, la France fait obstacle à l'intégration du viol dans ce texte. Pourtant, une femme toutes les sept minutes est concernée en France et 99,4 % des viols ne seront jamais sanctionnés.
Ici se noue quelque chose du patriarcat : l'impunité des crimes commis par les hommes sur le corps des femmes et des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Comprenez-vous la colère des femmes ? La loi française, telle qu'elle est écrite, suppose que les femmes sont toutes, et tout le temps, consentantes. Il faut qu'il y ait menace, surprise ou contrainte pour que la justice puisse éventuellement statuer. La France doit entrer dans le XXI
Pouvez-vous affirmer, devant cette assemblée, que la position de la France consiste à s'opposer, comme la Hongrie de Viktor Orbán, à ce que la définition commune européenne du viol soit un rapport non consenti ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Je rappelle que la législation française est l'une des plus répressives d'Europe. Elle punit le crime de viol de quinze ans de prison et d'une peine pouvant aller jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité en cas de viol aggravé.
Je souhaite également rappeler que l'absence de consentement de la victime d'infractions sexuelles est au cœur de notre définition juridique. En droit français, les critères de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise servent justement à caractériser l'absence de consentement de la victime à la relation sexuelle.
À ce jour, l'Europe n'a pas de définition du viol et la Commission européenne ne propose de retenir que deux critères : la menace et la violence. Elle ne propose pas d'ajouter la contrainte et la surprise. Ce que vous ne précisez pas, c'est que si l'on intègre l'article 5 à la directive, il y a un risque majeur que la directive – et toutes les avancées qu'elle comporte – ne soient pas adoptées.
Vous ne précisez pas non plus, madame la députée, que vous défendez une position qui ne fait pas l'unanimité des associations féministes. Beaucoup d'entre elles craignent une modification de la définition. Une femme peut avoir dit oui et ne pas être consentante ; une femme peut ne pas avoir dit non et ne pas être consentante.
En revanche, vous avez raison, nous devons continuer à lutter contre les violences sexuelles. La prise en charge s'améliore. Entre 2017 et 2021, le nombre d'affaires de viol ou d'agression sexuelle signalées au parquet a quasiment doublé, passant de 20 000 à 40 000. Le nombre de condamnations pour viol a augmenté de près de 40 % sur la même période et 98 % des personnes sont condamnées à des peines de onze ans de prison en moyenne. Soyez donc assurée de notre détermination. Preuve en est, la France est à l'initiative de cette directive – vous ne l'avez pas dit non plus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Mme Sandrine Rousseau entonne l'hymne féministe Debout les femmes. – M. Arthur Delaporte chante également. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre. Depuis près d'un an maintenant, l'État, les indépendantistes et les non-indépendantistes se mobilisent pour écrire collectivement l'avenir de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d'un grand accord ayant vocation à être constitutionnalisé.
Trois maîtres-mots guident nos pas. D'abord, le respect des accords. Comme l'a souligné le Président de la République le 26 juillet, il n'est pas question de revenir sur les acquis des accords de Nouméa et de Matignon qui ont permis de bâtir la paix. « Ils sont notre héritage […], un exemple pour le monde, un exemple français, un exemple calédonien ».
Nous devons continuer à les appliquer. Ils sont nés dans le sang d'une guerre civile qui n'a pas dit son nom. Ils sont nés aussi du courage de leaders qui ont su braver leur propre camp. Ils sont nés, enfin, d'un État qui a su se montrer innovant et impartial. Ils ont inventé un chemin qu'il nous faut poursuivre dans le respect du résultat des trois référendums.
Le deuxième maître-mot, c'est le dialogue. Aujourd'hui, une part de la sensibilité indépendantiste n'est pas présente autour de la table, malgré les efforts engagés par le Gouvernement encore récemment, dans le cadre des réunions organisées à l'initiative du Haut-commissariat de la République.
C'est pourquoi, il y a quelques semaines, Calédonie ensemble a pris l'initiative d'engager un dialogue entre les formations politiques calédoniennes. Tous les groupes indépendantistes du Congrès ont accepté d'y participer. Cette dynamique calédonienne pourrait inciter certains à reprendre les discussions avec l'État, notamment dans la perspective de la venue prochaine du ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Enfin, le dernier maître-mot est le consensus. L'ère des actes unilatéraux est derrière nous. Les statuts imposés dans les années 1980 nous ont conduits au chaos. Le consensus est le seul chemin qui vaille, même s'il est escarpé. Face aux difficultés et au temps désormais contraint, comment le Gouvernement entend-il poursuivre les efforts de dialogue pour favoriser l'émergence d'un projet d'avenir partagé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Depuis plusieurs mois, le Président de la République et le Gouvernement s'emploient à créer les conditions d'un travail serein et constructif avec les acteurs politiques de la Nouvelle-Calédonie. Alors que le processus politique prévu par l'accord de Nouméa est arrivé à son terme et que les Calédoniens ont choisi de demeurer français, ce travail est la condition indispensable pour bâtir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Vous l'avez dit, cela passe par le dialogue avec tous, indépendantistes et non-indépendantistes, dans toutes leurs composantes. C'est dans cet esprit que j'ai reçu l'ensemble des délégations politiques calédoniennes à Matignon début septembre. Je veux saluer l'esprit de responsabilité qui a présidé aux derniers échanges sur le projet d'accord proposé par le Gouvernement. Les travaux doivent se poursuivre pour parvenir à un accord politique d'ici la fin de l'année, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin se rendra ainsi à nouveau en Nouvelle-Calédonie fin novembre.
Nous souhaitons la participation active de tous les acteurs politiques représentatifs pour définir l'avenir institutionnel du territoire, et nous œuvrons en ce sens. Un accord doit permettre de régler des questions aussi importantes que la citoyenneté calédonienne, le dégel du corps électoral, l'autodétermination, le statut et les institutions. Plus largement, un accord offrira des perspectives à l'ensemble des Calédoniens, en particulier à la jeunesse.
S'il doit fixer des bases nouvelles, le futur accord s'inscrira dans la continuité des précédents. Les accords de Matignon et de Nouméa sont des acquis historiques auxquels l'État comme les acteurs politiques calédoniens sont attachés. Ils ont été rendus possibles par la volonté commune de bâtir un avenir dans la paix civile et par le rôle impartial joué par l'État.
Les mêmes conditions peuvent et doivent être réunies aujourd'hui. C'est le sens de l'action de mon gouvernement. Dans ce contexte, monsieur Dunoyer, je veux saluer votre entière mobilisation dans la construction de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Vous pouvez compter sur l'engagement sans faille de mon gouvernement pour bâtir ce projet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre et porte sur les tickets restaurant. J'y associe mon collègue des Républicains Yannick Neuder. Une fois de plus, je ne suis pas certain que les Français qui travaillent puissent vous comprendre. Vous allez mettre fin à une mesure de justice sociale au motif qu'elle était provisoire, alors qu'il y a tant de mesures provisoires que l'on rend permanentes.
Pourtant, cette mesure ne coûte rien au budget ultradéficitaire de la nation et facilite la vie de nos compatriotes qui travaillent et bénéficient de l'avantage des tickets restaurant payés par leur employeur et par eux-mêmes.
En raison du covid et du télétravail, vous leur aviez permis d'élargir à l'ensemble de l'alimentation les achats au moyen de ces tickets. Cela profitait aussi à leur pouvoir d'achat : il coûte toujours moins cher de préparer un repas à la maison que de l'acheter tout prêt. Malheureusement, c'est fini !
Quel est le fondement humain de cette décision que mes collègues Les Républicains et moi-même ne comprenons pas ? Pourquoi ne pérennisez-vous pas une idée quand elle est bonne…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Philippe Tanguy applaudit également.
Par respect pour cet hémicycle et ce qu'il représente, je ne vais pas me mettre à chanter. Le titre restaurant, créé en 1967, bénéficie aujourd'hui à 5 millions de personnes. Les employeurs et les salariés se sont pleinement approprié ce dispositif soutenu par l'État : les exonérations de cotisations sur les contributions des employeurs s'établissent à près de 1,5 milliard d'euros par an.
C'est la raison pour laquelle lorsque Mme Frédérique Puissat, sénatrice de l'Isère, a, l'année dernière, lors de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, déposé un amendement permettant d'étendre ce dispositif aux produits qui ne sont pas directement consommés, le Gouvernement l'a soutenu.
C'est aussi la raison pour laquelle les ministres Bruno Le Maire et Olivia Grégoire ont engagé une réforme du titre restaurant afin de le moderniser…
… en le dématérialisant. Les restaurateurs ont ainsi gagné en simplicité et les salariés, comme les émetteurs, en sécurité.
Vous souhaitez proroger la possibilité d'utiliser les tickets restaurant pour des biens qui ne sont pas immédiatement consommés. Je précise tout d'abord que l'amendement de la sénatrice Puissat avait fixé l'échéance du dispositif au 31 décembre 2023.
Ensuite, je m'interroge : pourquoi aucun des 10 000 amendements déposés sur les textes financiers cet automne n'a t-il proposé la prorogation de ce dispositif ? Cependant, je veux vous rassurer : Bruno Le Maire et Olivia Grégoire ont engagé,…
…sous l'autorité de la Première ministre, des discussions avec les restaurateurs et les représentants des salariés et des employeurs afin que cette question, à laquelle le Gouvernement est attaché, trouve une réponse appropriée.
Votre réponse est aussi alambiquée que le sujet est simple. Votre manque de connexion avec les Français aboutit à porter un nouveau coup à leur pouvoir d'achat, sans parler de l'augmentation du nombre de tickets restaurant perdus. Vous auriez très bien pu reprendre à votre compte l'amendement de Mme Puissat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. André Villiers applaudit aussi.
Madame la Première ministre, la Bretagne, première région agricole de France, se retrouve aujourd'hui dans une impasse. Collectivité régionale, syndicats agricoles, chambres d'agriculture, agriculteurs – qui manifestent aujourd'hui sur l'esplanade des Invalides à Paris – et trente-cinq parlementaires bretons signataires d'un courrier transpartisan : tous, unanimement, vous ont fait part de leur inquiétude quant à l'insuffisance de financement des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec).
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Dès la première génération de Maec, de nombreux agriculteurs bretons, conscients des enjeux, se sont engagés vers une transition agroécologique, avec le soutien de la collectivité régionale, autorité de gestion qui n'a jamais refusé aucun dossier. Pour cette seconde génération, désormais gérée par l'État, et malgré un cahier des charges de plus en plus exigeant, 2 900 exploitations agricoles bretonnes demeurent dans l'incertitude : elles risquent de voir leur demande de Maec rejetée ou réduite. Pourtant, les crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" ont augmenté de 1 milliard dans le PLF pour 2024. Comment expliquer la baisse de 65 millions en autorisations d'engagement et de 12 millions en crédits de paiement en ce qui concerne les Maec ?
Ces chiffres sont en totale contradiction avec la parole du Président de la République, qui a promis un quinquennat écologique. Cela doit inévitablement passer par une transformation du modèle agricole.
À la suite de la présentation de la planification écologique, il n'est pas envisageable de revenir sur les contrats en cours et de laisser au bord de la route des exploitations agricoles volontaristes et engagées dans la transition agroécologique en raison d'une sous-budgétisation des financements des Maec. Autrement, comment les agriculteurs accorderaient-ils encore du crédit à la parole publique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe HOR.
Vous engagez-vous à augmenter ce budget à la hauteur de leurs attentes et des enjeux environnementaux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Le plan stratégique national (PSN) de la politique agricole commune (PAC) se caractérise, comme vous le savez, par son ambition au service de la transition agroécologique de l'agriculture française.
Plusieurs dispositifs, dont les Maec, concourent à valoriser les pratiques vertueuses en matière de biodiversité et de préservation des ressources naturelles. Ces dernières semaines, des agriculteurs engagés dans de telles pratiques ont en effet exprimé des inquiétudes, notamment en Bretagne, quant à la mise en œuvre de la nouvelle programmation de la PAC. Je rappelle tout d'abord que le calendrier 2023 de versement de l'avance des aides de la PAC a été tenu.
Dès le 16 octobre, soit le premier jour fixé par la réglementation européenne, le versement de l'avance a été effectué sur les comptes des agriculteurs, pour un total d'environ 3,64 milliards. Quant aux Maec de la campagne 2023, elles seront payées, comme d'habitude, à partir du premier trimestre 2024. Nous ne connaîtrons les besoins précis des agriculteurs qu'après l'instruction des dossiers Maec, laquelle débute après celle des paiements directs.
Je rappelle également que la programmation 2015-2020 de la PAC a été réalisée conjointement par l'État et les régions – les briques des mesures étant définies par l'État. La programmation pour 2023 et la hiérarchisation des priorités a été faite en commission régionale agroenvironnementale et climatique (Craec), coprésidée par l'État et les régions, comme ce fut le cas en 2015.
La volonté collective de l'État et des régions de hiérarchiser de manière responsable les besoins tient compte du diagnostic agroenvironnemental du territoire.
Je rappelle enfin que la région Bretagne dispose de 12,5 millions d'euros destinés aux Maec non surfaciques pour accompagner les démarches agroécologiques vertueuses.
Vous pouvez compter sur la mobilisation totale du Gouvernement et de Marc Fesneau afin de trouver, avec l'ensemble des cofinanceurs, une solution satisfaisante pour les agriculteurs.
M. Jean Terlier applaudit.
Il y va du devenir écologique, mais aussi économique de l'agriculture en Bretagne.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Monsieur le ministre de la transition écologique, le Conseil constitutionnel a récemment reconnu, pour la première fois, le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quelques jours plus tard, dans l'affaire Stocamine, le tribunal administratif de Strasbourg a débouté l'État et suspendu les travaux d'enfouissement définitif de 42 000 tonnes de déchets hautement toxiques à 500 mètres de la nappe phréatique rhénane, qui alimente en eau 7 millions de personnes.
Mêmes mouvements.
Confronté à la nécessité de remonter à la surface ces déchets dangereux contenant amiante, cyanure, arsenic et autres poisons, vous mentez et vous entravez. Vous mentez en prétendant que le fait de couler 130 000 mètres cubes de béton à 500 mètres sous la nappe constituerait autour des déchets un sarcophage prétendument étanche qui serait un jour, peut-être, réversible.
Mêmes mouvements.
Votre collègue Olivier Becht ment quand il affirme que la seule solution alternative serait un déstockage à « main nue ».
Vous mentez en prétendant qu'un déstockage mettrait en danger les mineurs de manière inconsidérée, alors même que des projets bien plus complexes ont été réalisés en Allemagne et en Suisse. Vous entravez les experts indépendants comme les entreprises qui se sont portées volontaires pour le déstockage en leur refusant l'accès à la mine. Vous entravez le déstockage en n'entretenant pas suffisamment les galeries et le puits, alors que la justice vous y enjoint.
Quand des associations s'opposent à vos méfaits, vous tentez de les dissoudre. Fort heureusement, votre gouvernement autoritaire et écocidaire vient de subir une lourde défaite avec l'annulation par le Conseil d'État de la dissolution des Soulèvements de la Terre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Gérald Darmanin va pouvoir ravaler le terme délirant d'« écoterrorisme » né de son imaginaire orwellien.
Monsieur Béchu, l'enfouissement définitif des déchets toxiques à Stocamine serait un véritable écocide avec préméditation. Combien de défaites cinglantes devrez-vous encore essuyer avant d'admettre que la seule solution raisonnable est de déstocker Stocamine ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Stocamine est une installation de stockage souterrain de déchets dangereux située dans le Haut-Rhin, exploitée de 1999 à 2002.
Après de multiples analyses, le Gouvernement a décidé en 2014, sous la présidence de François Hollande, d'extraire les déchets les plus susceptibles d'avoir un impact sur la nappe phréatique d'Alsace et de confiner les autres.
À son arrivée au ministère de la transition écologique, Christophe Béchu a réexaminé le dossier, de manière transparente, à la lumière des informations dont il disposait, en organisant de nombreuses réunions avec les élus et les parlementaires du territoire. En septembre, il a décidé de confiner la mine, sans opération de déstockage, en s'appuyant sur 134 études réalisées par quarante-six bureaux et 123 experts.
Confiner dès à présent Stocamine est une décision qui s'impose pour trois raisons. Premièrement, le délai minimal de confinement est de quarante-deux mois. Or, sous l'effet de la pression, les galeries sont en train de se refermer sur elles-mêmes et la mine deviendra inaccessible dès 2027.
Deuxième raison : il n'est pas possible de mener de front des travaux de confinement et des opérations de déstockage. Troisième raison : déstocker des déchets avant le confinement ferait peser un risque inacceptable sur les personnels intervenant dans la mine.
Vous ne partagez pas ce point de vue, respectez le nôtre ! Le Gouvernement a travaillé avec les élus locaux à un plan de confinement qui prévoit également des conditions de réversibilité du stockage et le possible déploiement de futures technologies robotiques de déstockage.
La loi de finances pour 2024 garantit donc un stockage sécurisé de ces déchets.
Mme Brigitte Klinkert applaudit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le spatial est, compte tenu de ses applications, fondamentalement stratégique pour notre nation.
De fait, il est devenu un outil majeur de notre souveraineté technologique, industrielle, stratégique et militaire. Sans le spatial, la France et l'Europe perdraient, dans de nombreux domaines, leur autonomie vis-à-vis des grandes puissances.
C'est ce constat qui a conduit les vingt-deux États membres de l'Agence spatiale européenne à conclure, les 6 et 7 novembre, à Séville, un accord sur l'avenir de l'Europe spatiale. Cet accord historique marque le retour au premier plan de la puissance spatiale européenne. Je tiens à souligner le formidable travail accompli par nos ministères et notre agence spatiale lors de ces négociations.
En apportant un soutien financier important au programme Ariane 6, les États européens ont fait le choix fort de préserver notre accès autonome à l'espace durant la prochaine décennie. Cet accord marque, par ailleurs, la volonté de l'Europe de renouer avec l'exploration en se dotant d'un premier vaisseau cargo qui lui permettra d'ouvrir la voie au vol habité. Enfin, il réitère l'engagement européen pour l'observation de la Terre, outil indispensable pour mener à bien nos engagements climatiques.
Ces nouvelles perspectives amèneront la France à repenser sa stratégie en matière spatiale. L'ouverture à la concurrence des programmes industriels européens nous impose de soutenir davantage les acteurs français en amont. À cet égard, il semble primordial d'accélérer le déploiement de France 2030, notamment en mobilisant la commande publique.
Pouvez-vous préciser comment la France compte tirer profit de ces nouvelles dispositions et si le Gouvernement entend produire un document de politique spatiale nationale pour accompagner ces changements et notre industrie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique.
Madame Rilhac, chacun, ici, connaît votre engagement et votre expertise dans ce domaine. Je ne peux que vous rejoindre lorsque vous saluez l'accord conclu la semaine dernière entre la France, sous l'impulsion de Bruno Le Maire, l'Italie et l'Allemagne. Cet accord est un succès majeur et marque un tournant décisif pour l'Europe spatiale.
Il permet d'abord de sécuriser le modèle économique d'Ariane 6, seul gros lanceur européen, en prévoyant 340 millions d'euros de subventions annuelles pour les années à venir et quinze nouveaux lancements qui, en s'ajoutant aux vingt-sept lancements déjà contractualisés, donnent un horizon à Ariane 6.
Est ainsi réaffirmé le soutien apporté à la nouvelle génération de lanceurs, notamment grâce à la mobilisation du plan France 2030 voulu il y a deux ans par le Président de la République, qui consacre au secteur 1,5 milliard d'euros, dont les deux tiers doivent soutenir des acteurs émergents.
L'accord confirme également le rôle central du centre spatial guyanais de Kourou comme lieu de lancement de classe mondiale pour l'ensemble des acteurs, à commencer par Ariane 6, et réaffirme l'ambition de faire de l'Europe une puissance de l'exploration grâce à un programme d'acquisition de services cargo.
Ainsi le Gouvernement a-t-il veillé, sous l'autorité de la Première ministre, à ce que l'Europe des lanceurs soit relancée.
Cet effort complète le soutien de la France à la constellation européenne de satellites Iris2 – infrastructure de résilience et d'interconnexion sécurisée par satellite – qui, en offrant un accès à très haut débit à internet, garantira notre résilience en matière de télécommunications. Car, vous avez raison, c'est bien dans l'espace que se joue une part importante de notre souveraineté technologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour le plein emploi (n° 1786).
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Après quatre-vingts heures de débats dans notre assemblée, j'ai l'honneur de vous présenter, en ma qualité de rapporteur et au nom de ma collègue corapporteure Mme Christine Le Nabour, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est réunie le 23 octobre, texte qui a été adopté par le Sénat jeudi dernier. Députés et sénateurs se sont attachés à enrichir un projet de loi qui vise à rénover l'accompagnement des demandeurs d'emploi dans un contexte de baisse du chômage, à favoriser l'insertion sur le marché du travail des personnes en situation de handicap et à améliorer la gouvernance de l'accueil du jeune enfant.
Les discussions ont été nourries, franches, parfois passionnées, mais j'ai la conviction qu'elles nous ont permis d'adopter un texte reposant sur des solutions pragmatiques, conçues dans une perspective clairement assumée : atteindre le plein emploi.
La première pierre du projet de loi, posée à l'article 1er , est la transformation de la nature même de la liste des demandeurs d'emploi : elle devient un outil d'accompagnement de l'ensemble des personnes sans emploi, allocataires de l'assurance chômage ou bénéficiaires du RSA.
L'ambition portée par le projet de loi se traduit aussi, à l'article 2, par une meilleure définition des objectifs de chaque demandeur d'emploi ainsi que des moyens pour les atteindre. Le bénéficiaire du RSA et son référent pourront ensemble fixer des objectifs progressifs afin de construire de nouvelles perspectives professionnelles, mais aussi de lever les freins périphériques rencontrés. S'agissant de la mise en œuvre du plan d'action, nous sommes parvenus à une rédaction de compromis, après de longs débats dans chacune de nos assemblées. Si les sénateurs ont ajouté une obligation d'activité d'au moins quinze heures par semaine, nous avons prévu des cas de minoration voire d'exemption.
L'article 3 construit un régime de sanctions plus progressif en créant une sanction intermédiaire, dite de suspension-remobilisation, avec possibilité d'un reversement rétroactif dans la limite de trois mois.
Le titre II propose une nouvelle organisation du service public de l'emploi. L'article 4 crée le réseau pour l'emploi réunissant l'ensemble des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'insertion afin de définir un nouveau cadre de coopération. Le texte que nous vous proposons d'adopter repose sur un équilibre entre coopération renforcée et respect des compétences de chacun jusqu'aux bassins d'emploi. S'agissant du comité national, nous avons recherché un équilibre entre représentativité et prise de décision efficace.
Le nom de l'opérateur principal du service public de l'emploi a donné lieu à des discussions à l'article 5 et je me félicite du compromis trouvé sur la transformation de Pôle emploi en France Travail, nécessaire à l'impulsion d'une nouvelle dynamique au sein du réseau pour l'emploi.
Les articles 6 et 7 constituent des briques supplémentaires dans notre stratégie en faveur du plein emploi à destination des publics les plus fragiles ou en besoin de formation supplémentaire, tout comme les articles 4 bis D et 7 bis, ajoutés par notre assemblée.
L'article 11, quant à lui, permettra de s'assurer de la bonne application à l'ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer, des principes de ce projet de loi.
J'en viens au titre III et je tiens à saluer, à cette occasion, le travail réalisé par ma collègue Christine Le Nabour. Il rassemble des dispositions tendant à favoriser l'accès à l'emploi et le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap, dans le prolongement des précédentes réformes, en particulier celle inscrite dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
L'article 8 enrichit la législation sur plusieurs points, que je ne mentionnerai pas tous : il étend à l'ensemble des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, l'application des dispositifs ouverts aux seuls travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ; il supprime le principe de l'orientation de ces travailleurs en milieu ordinaire pour qu'elle devienne l'orientation de droit commun ; il pérennise les dispositifs expérimentaux relatifs aux CDD tremplin et aux entreprises adaptées de travail temporaire (EATT).
L'article 9 traduit quelques-unes des annonces faites lors de la dernière conférence nationale du handicap, en particulier celle consistant à faire converger les droits individuels et collectifs des travailleurs accueillis au sein des établissements et services d'aide par le travail (Esat) vers ceux qui sont reconnus aux salariés.
J'en viens aux dispositions du titre IV. L'article 10 fait des communes les autorités organisatrices de la politique d'accueil du jeune enfant et les charge de remplir certaines missions comme le recensement des modes d'accueil et des besoins des familles d'enfants de moins de 3 ans, l'information et l'accompagnement des familles. Seules les communes de plus de 10 000 habitants seront tenues d'élaborer un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant et de mettre en place un relais petite enfance, dit RPE. Les nouvelles obligations incombant aux communes entreront en vigueur, pour l'essentiel, le 1er janvier 2025.
Enfin, l'article 10 bis rénove en profondeur le régime de l'inspection et du contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), ce qui apparaît indispensable au regard des carences de la législation actuelle et de la situation sur le terrain, bien décrite par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport de mars dernier.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Le Gouvernement accueille avec une grande satisfaction l'accord trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat en commission mixte paritaire, qui marque la fin de l'examen d'un projet de loi majeur pour notre pays. La procédure législative s'est montrée à la hauteur, avec des débats de grande qualité aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat. Je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires pour leur travail méticuleux, qui a abouti à un compromis d'intérêt général. Je salue en particulier l'engagement constant et exigeant des deux rapporteurs, Mme Le Nabour et M. Christophe, ainsi que de la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Parmentier-Lecocq. Ce texte ambitieux et équilibré doit beaucoup à cette forte implication mue par un esprit de responsabilité qui honore le Parlement.
Les dispositions de ce projet de loi créent de nouveaux outils pour progresser vers notre objectif central, fixé par le Président de la République : le plein emploi pour tous et partout. Nous mettons tout en œuvre pour l'atteindre, au niveau collectif, pour notre économie et nos territoires, mais aussi au niveau individuel, car il est sous-tendu par une quête d'émancipation personnelle par le travail, pour la liberté et la dignité de chacun.
Sur tous les bancs, vous connaissez les constats qui ont conduit le Gouvernement à élaborer ce projet de loi. Il entend résoudre le paradoxe suivant : des entreprises peinent à recruter alors même que le nombre de demandeurs d'emploi reste élevé. Il est irrigué par la conviction forte selon laquelle personne n'est inemployable : nous pouvons parvenir à l'inclusion de ceux que la vie a éloignés du marché du travail si nous prévoyons l'accompagnement, la formation et les outils d'insertion nécessaires.
Ce projet de loi propose un saut qualitatif dans l'accompagnement vers l'emploi. Par une meilleure formalisation et par une approche personnalisée, il doit permettre d'améliorer l'accompagnement de ceux qui sont confrontés à des difficultés particulières, qu'ils soient en situation de handicap ou bien allocataires du RSA. Il comporte ainsi des mesures fortes concernant l'emploi des personnes en situation de handicap – je pense notamment à l'instauration d'un droit universel à l'orientation en milieu ordinaire, appuyé par un projet professionnel mieux accompagné par le service public de l'emploi. De même, pour que plus aucun demandeur d'emploi ne soit exclu, il prévoit l'inscription systématique à France Travail des allocataires du RSA.
C'est aussi pour cela que, dans une logique de droits et de devoirs, nous créons le contrat d'engagement. Adossé à un meilleur accompagnement du bénéficiaire, il s'articule à un régime de contrôle dont les sanctions se veulent davantage progressives, mais surtout plus effectives. Depuis le printemps dernier, pour ce qui concerne les allocataires du RSA, dix-huit départements mènent une expérimentation de ce dispositif. Les retours de terrain sont très encourageants : les chiffres portant sur les entrées dans les parcours d'accompagnement sont prometteurs. Des données plus précises sont en cours de fiabilisation, notamment celles relatives à la nature des orientations et au taux de satisfaction des bénéficiaires. Dès qu'elles seront stabilisées, nous les partagerons bien évidemment avec le Parlement.
Ces mesures au service d'un meilleur accompagnement vers l'emploi reposent d'abord sur un devoir de la collectivité à l'égard des demandeurs d'emploi, a fortiori lorsqu'ils se heurtent à des difficultés particulières. Elles assurent aussi un meilleur retour vers l'emploi pour tous et constituent une condition pour que tous les conseillers en insertion professionnelle puissent trouver davantage de sens à leur action.
Pour contenir les tensions de recrutement, le texte s'attaque à un deuxième grand défi en proposant une meilleure offre de services aux entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, qui ne disposent pas des instruments leur permettant de faire face aux difficultés liées aux ressources humaines.
Le troisième objectif est la réforme de la gouvernance du service public de l'emploi. Pour répondre à l'éclatement dont il souffre, nous voulons favoriser la coordination des acteurs grâce à une gouvernance renforcée à tous les échelons territoriaux. Désormais, l'État et les collectivités ainsi que les partenaires sociaux travailleront de concert avec les opérateurs et les partenaires du réseau pour faire converger les politiques menées ensemble. Il s'agit non pas d'une centralisation ou d'une subordination cachée, mais d'une meilleure coopération supposant un vrai partage des données.
Toutes ces ambitions appellent des moyens renforcés. C'est pourquoi, vous le savez, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit la mobilisation de 300 millions d'euros pour la mise en œuvre de la réforme.
Le plafond d'emplois de l'opérateur France Travail sera rehaussé en 2024 de 300 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Enfin, d'ici à 2027, c'est 1 milliard d'euros supplémentaire qui sera consacré à l'accompagnement, à l'insertion et au retour à l'emploi. Une enveloppe de 170 millions d'euros est par ailleurs prévue pour les départements en vue d'accompagner la mise en œuvre de la réforme, de densifier l'offre de solutions d'accompagnement socioprofessionnel et de lever les freins périphériques. Ces moyens soutiendront une montée en charge progressive de la réforme avant même la date de son entrée en vigueur, le 1er janvier 2025.
Le débat parlementaire a précisé et complété le projet de loi et je me réjouis de l'adoption d'un texte ainsi enrichi. C'est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous remercier pour les travaux de qualité que vous avez menés. Parmi les apports majeurs du Parlement, je citerai la meilleure prise en compte des situations individuelles dans le contenu du contrat d'engagement.
Il permet de déterminer l'intensité de l'accompagnement. Grâce à vos débats, la rédaction retenue assure une prise en compte des difficultés spécifiques rencontrées par chacun. Citons les aidants, les personnes en situation de handicap et les familles monoparentales, ajouts issus des amendements de M. Viry et de M. Juvin.
Cette attention portée aux situations particulières va dans le bon sens, celui de la personnalisation de notre approche de l'accompagnement vers l'emploi. Elle se retrouve également dans votre volonté de préciser qui, parmi les jeunes accompagnés par les missions locales, est concerné par l'inscription à France Travail ; il s'agit en l'occurrence de ceux relevant d'un parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) ou ayant conclu un contrat d'engagement jeune (CEJ).
De même, l'Assemblée s'est efforcée de trouver un juste équilibre dans le contrôle de la recherche effective d'un emploi par les demandeurs d'emploi. Le système retenu sera à la fois plus efficace, plus progressif et plus juste que le système actuel – je pense notamment aux modifications apportées par l'adoption de l'amendement de Michèle Peyron.
Enfin, s'agissant de la gouvernance, vos débats ont approfondi la réflexion sur au moins deux aspects centraux. D'une part, l'Assemblée a pris soin de conforter les partenaires sociaux au sein de la gouvernance. D'autre part, le texte issu de vos travaux confirme la place qu'occupent les missions locales dans la réforme de France Travail. Je tiens à saluer le travail qu'elles réalisent tous les jours, sur le terrain, au plus près des jeunes, et à préciser que ni leur gouvernance, ni leurs statuts, ni leurs modalités de financement ne sont modifiés.
L'ensemble de ces apports ont nourri ce projet de loi que les députés et les sénateurs de la commission mixte paritaire vous proposent d'adopter. Au nom du Gouvernement, je me réjouis de ce compromis équilibré qui affirme et raffermit l'ambition de ce texte.
M. Paul Vannier s'exclame.
Il est fidèle à l'esprit de nos précédentes réformes et conforme à l'objectif qui guide notre action : parvenir au plein emploi. Vous l'aurez compris, le Gouvernement est très favorable à l'adoption du texte issu de la CMP.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Monsieur Dussopt, j'ai appris quelque chose d'incroyable ce week-end : vous êtes ministre du travail depuis le début de cette législature, qui marque aussi le début de mon mandat.
Je vous ai vu défendre la réforme des retraites, avec ses 15 milliards d'euros d'économies, la réforme de l'assurance chômage, avec ses 2,5 milliards d'économies, et je vous vois à présent soutenir ce projet de loi, qui aboutira à radier massivement les bénéficiaires du RSA. Je ne sais pas quel est le montant des économies qu'il permettra de réaliser, mais continuez de croire en vos rêves, et vous atteindrez les 20 milliards d'euros d'économies qui rendront Emmanuel Macron très fier de vous.
J'ai été très surpris d'apprendre que vous n'étiez pas le ministre chargé de réaliser des économies sur le dos des gens qui galèrent, mais le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion – trois mots pour lesquels on préférerait ne pas avoir un banquier d'affaires à la tête de l'Élysée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je sais que cette qualification vous choque, mais moi, Macron, je lui reproche non pas d'être banquier, mais de mener une politique de banquier pour la France, start-up nation qui compte 5 millions de personnes au chômage, 9 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim alors que les Restos du cœur sont en faillite et 300 000 personnes qui vivent dans la rue.
Mêmes mouvements.
Je lui reproche de diriger la France comme une banque qui rémunère mal ses salariés – et même, pire, leur vole de l'argent. Mes chers collègues, depuis la crise de 2008, c'est-à-dire depuis quinze ans, l'augmentation des salaires a été de 13 % et celle des prix de 23 %. Autrement dit, depuis quinze ans, les salaires augmentent moins que les prix, et l'inflation actuelle montre que vous n'êtes pas capables d'endiguer ce phénomène.
Alors, réfléchissons à la question suivante : où s'en va l'argent des Français ? Si vous demandez aux 88 neurones du Rassemblement national et à leur quatre-vingt-neuvième, Gérald Darmanin, ils vous répondront que tout est de la faute des étrangers. Si vous faites preuve d'un peu de rigueur,…
… vous observerez que depuis quinze ans, l'augmentation des revenus des milliardaires a été non pas de 13 %, ni même de 23 %, mais de 270 %. Oui, 270 % !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis quinze ans, les salaires des Français baissent par rapport aux prix et les revenus des milliardaires augmentent : cherchez l'erreur. Depuis quinze ans, la part consacrée à la rémunération du travail a diminué de 5 % alors que celle de la rémunération du capital a augmenté de 5 % : cherchez l'erreur.
L'abbé Pierre disait : « la politique, c'est choisir à qui on va prendre le fric et à qui on va le donner ». Eh bien, notre banquier d'affaires de Président de la République a choisi de prendre l'argent dans la poche des Français pour le mettre dans celle des milliardaires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et encore, si le seul problème était le salaire, monsieur le ministre ! Mais malheureusement, la start-up nation rend les conditions de travail pires encore. Je vais prendre l'exemple de la sous-traitance. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, je dirai que c'est un peu comme McKinsey avec le Gouvernement : une entreprise vient vous voir en disant qu'elle peut faire le même travail en demandant moins cher, donc moins bien et – surtout – en exploitant les salariés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Encore que, en acceptant de verser 1 million d'euros à McKinsey pour des documents PowerPoint, vous ayez fait montre d'une politique salariale très généreuse !
Laissez-moi vous parler de mon meilleur ami, Lilian, qui travaille dans la sous-traitance…
…à l'aéroport d'Orly. Lilian travaille de nuit, mais il ne perçoit que 4 % de plus pour cela – oui, 4 % ! Accepteriez-vous de le faire, vous ?
« Oui ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Seriez-vous prêts à désorganiser votre vie et à travailler de nuit pour seulement 4 % d'augmentation ?
J'aurais pu poser cette question au ministre du travail, mais il semble trop occupé pour écouter, trop occupé à réaliser des économies et à recourir lui-même à la sous-traitance. Car en effet, monsieur Dussopt, le PDG d'Air France a annoncé son intention de délocaliser les emplois de l'aéroport d'Orly vers celui de Roissy-Charles-de-Gaulle.
C'est parce que des liaisons vont être supprimées !
Pas moins de 1 000 salariés sont concernés. Et ceux qui voudront rester à l'aéroport d'Orly devront travailler pour Transavia, filiale low cost, qui fait dans la sous-traitance. Monsieur le ministre, comment pouvez-vous demander à ces salariés d'aller travailler dans la sous-traitance ? C'est bien l'État qui est actionnaire majoritaire d'Air France ! Comment pouvez-vous laisser cela se dérouler sous vos yeux ? Et me répondre que le PDG d'Air France est un très bon ami d'Emmanuel Macron est certes vrai, mais ce n'est pas une bonne réponse !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Quelque 3,5 millions de salariés exercent dans la sous-traitance, soit 20 % de plus qu'il y a quinze ans. Vous ne faites qu'empirer la situation !
À ce stade, je me suis posé une question que de nombreux Français se posent tous les jours : existe-t-il un domaine dans lequel le Gouvernement est compétent ? J'ai longtemps réfléchi, longtemps cherché, et j'ai enfin trouvé un sujet…
Vous cherchez à les monter les uns contre les autres sur tous les sujets : le travailleur contre le chômeur, le Français contre l'immigré, le jeune contre le retraité, les guerres de religion
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
En effet, cela vous permet d'éviter que l'Assemblée nationale aborde l'un des sujets de préoccupation majeurs des Français : la lutte des classes.
Ne sous-estimez pas cette question ! 83 % des Français estiment que la lutte des classes est une réalité dans notre pays, et ils ont raison.
Ils ont raison au vu des délocalisations ;
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
ils ont raison au vu des baisses de salaires ou des conditions de travail ; ils ont raison, enfin, lorsqu'ils vous désignent comme les principaux responsables du chômage structurel en France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ne croyez pas que les Français sont d'accord avec ce que vous racontez sur les chômeurs et les gens au RSA !
Tout le monde comprend bien que vous cherchez à monter les Français les uns contre les autres. Tout le monde sait qu'un RSA de confort, cela n'existe pas : vivre avec 600 euros en période d'inflation, ce n'est pas du confort !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout le monde sait que le chômage de confort, cela n'existe pas. D'ailleurs, les trois quarts des chômeurs ne sont même pas indemnisés. Vous devriez plutôt vous interroger sur les raisons qui conduisent ces derniers à refuser des emplois. La réponse est très simple : nous aimerions bien vous voir, vous, monsieur le ministre du travail, travailler dans la restauration…
Je l'ai fait avant vous !
…ou dans les métiers en tension, rester debout quinze heures par jour face à des clients qui vous parlent mal, galérer dans les transports ou dans la bagnole, pour un montant net de 1 383 euros par mois ! Nous aimerions vous y voir !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Dem.
En attendant de vous voir prêter attention à ces Français, sachez que déclarer qu'il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot est inacceptable et que jamais un Président de la République ne devrait prononcer une telle phrase !
En tout cas, pas dans un pays où seuls 350 000 emplois sont disponibles pour 5 millions de personnes privées d'emploi – pour reprendre les chiffres de votre ministère, monsieur le ministre. Le chômage s'explique par la pénurie d'emplois et raconter aux Français que ce sont les chômeurs ou les bénéficiaires du RSA qui coûtent cher est un mensonge, une escroquerie.
Vous le savez très bien ! Vous vous gardez d'ailleurs bien de reconnaître qu'à l'origine, les très grandes entreprises devaient contribuer à créer de l'emploi et qu'à cette fin, vous leur accordez 90 milliards de cadeaux fiscaux par an.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Expliquez-nous, monsieur le ministre, pourquoi vous accordez 90 milliards de cadeaux fiscaux par an aux très grandes entreprises ! C'est bien parce qu'elles sont censées créer des emplois, mais elles ne le font pas. Autrement dit, vous ne vous faites pas respecter !
Savez-vous qui a eu cette idée de génie de consentir des cadeaux fiscaux afin de créer des emplois, sans qu'aucun soit jamais créé ? C'est Emmanuel Macron, lorsqu'il était ministre de l'économie sous la présidence de François Hollande !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En instaurant le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), il a accordé 100 milliards d'euros de cadeau fiscal aux très grandes entreprises pour qu'elles créent 1 million d'emplois. Quel a été le résultat ? Elles ont créé 100 000 emplois, ont pris l'argent et l'ont mis dans leur poche.
Emmanuel Macron s'est laissé humilier, et vous osez le qualifier de Mozart de la finance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et c'est parce que vous êtes ridicules que vous êtes obligés d'élaborer ce projet de loi créant France Travail !
Parce qu'il vous faut réaliser des économies, pour gaver ces gens-là. Vous affirmez que l'inscription automatique à Pôle emploi des bénéficiaires du RSA permettra de mieux les accompagner. Mais vous ne créez que 300 postes de conseillers supplémentaires, alors qu'ils ont déjà la tête sous l'eau. Vous êtes ridicules !
Vous voulez faire travailler les allocataires du RSA, soit 2 millions de personnes, quinze heures par semaine. C'est totalement irréalisable, et vous le savez très bien !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout ce que vous cherchez à faire, c'est radier le maximum d'allocataires possible pour faire des économies. En ce moment, vous cherchez à faire des économies partout. Lorsqu'on voit ce que vous avez fait de l'hôpital public, on comprend jusqu'où vous êtes prêts à aller pour atteindre cet objectif !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous poser une question simple : que deviendront les allocataires du RSA lorsque vous les aurez radiés, et ainsi privés de revenu ?
Que deviendront-ils, si ce n'est des noms supplémentaires venant s'ajouter à la longue liste des 300 000 personnes qui dorment dans la rue ?
Mes chers collègues, pensez-y ! À l'Assemblée nationale, nous décidons pour 70 millions de personnes. Nos actes et nos votes ont des conséquences. Vous avez devant vous les boutons qui vous permettent d'adopter, ou non, le présent projet de loi. Votre cœur est censé vous aider à réfléchir. Si vous adoptez ce projet de loi, des gens dormiront dans la rue !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors, chers collègues, si par malheur vous étiez amenés à le voter, si par inconscience vous étiez conduits à le faire, les Français se souviendront de ces mots de l'abbé Pierre qui disait que « les hommes politiques ne connaissent la misère du peuple que par les statistiques » et que, malheureusement pour le peuple, « on ne pleure pas devant les chiffres. »
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Nous en sommes à examiner une énième motion de rejet préalable de La France insoumise, alors même qu'un compromis a été trouvé entre les deux chambres. C'est bien la preuve que vous restez dans l'opposition systématique !
Contrairement à vous, nous voulons offrir un avenir professionnel à tous et restaurer la dignité de tous les demandeurs d'emploi, pour une société inclusive.
Cela ne pourra se faire sans la collaboration de tous les acteurs locaux. Vendredi dernier, j'ai d'ailleurs assisté à la signature d'un protocole d'expérimentation France Travail entre le président de la région Centre-Val de Loire et le ministre, posant ainsi la première brique concrète de cette loi.
Ce texte permet de transformer le service public de l'emploi. C'est un pas de plus vers le plein emploi, d'abord et surtout à destination des gens eux-mêmes, le travail assurant une réelle émancipation.
Grâce à notre politique, le taux de chômage a baissé et 2 millions d'emplois ont été créés. Nous devons poursuivre dans cette direction. C'est ce que permet ce texte. C'est pourquoi, vous l'aurez compris, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le président des riches est l'ennemi des pauvres. Et, comme le disait Bertolt Brecht, « si les puissants de la terre sont capables de provoquer la misère, ils sont incapables d'en supporter la vue. »
Oui, vous êtes incapables de supporter la vue de votre bilan !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
En dix ans, le nombre de personnes sans abri a doublé en France : 2 822 enfants dorment dans la rue, dont 700 âgés de moins de 3 ans, soit une augmentation de 42 % en un mois. .
Mêmes mouvements
Vous êtes incapables de supporter la vue de la faim qui disloque le pays, au point qu'un Français sur six se prive régulièrement d'un repas.
Vous êtes incapables de regarder en face la pauvreté qui s'aggrave, comme le montre le Secours catholique, avec les femmes et les enfants pour premières victimes.
Qu'avez-vous fait depuis six ans ? Plutôt que de mener une politique visant à supprimer la pauvreté et la misère, vous avez décidé de supprimer l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, et donc de faire disparaître les pauvres !
Mêmes mouvements.
Cela ne vous a pas suffi. Avec deux réformes de l'assurance chômage décriées par tous les syndicats, vous avez refusé de combattre le chômage, préférant faire la chasse aux chômeurs et, là aussi, les faire disparaître, puisque les radiations de Pôle emploi ont augmenté de 10 % – en faisant disparaître les chiffres, vous faites disparaître les chômeurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Et ensuite, nous devons vous écouter vous féliciter de ces chiffres !
Moins d'un chômeur sur deux est indemnisé. Vous avez diminué l'indemnisation tant sur le plan de la durée que du montant, alors que 14 000 personnes meurent chaque année du fait du chômage de longue durée. Là encore, cela ne vous a pas suffi.
Il n'est pas trop tard pour mettre un terme à ce que vous proposez aujourd'hui, c'est-à-dire inscrire à France Travail les personnes en situation de handicap, les allocataires du RSA et les personnes privées d'emploi, pour qu'elles se retrouvent ensuite avec une épée de Damoclès sur la tête, menacées d'être radiées. Personne ne trouve grâce à vos yeux, pas même les mères célibataires avec enfants que nous vous demandions de ne pas priver des 500 à 600 euros de RSA par mois qu'elles perçoivent. Vous l'avez refusé !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous l'avons bien compris : le quoi qu'il en coûte s'applique aux multinationales et au CAC40 ; en revanche, il n'y a pas d'argent magique pour les pauvres. Supportez la vue des résultats de votre politique ! Votez en faveur de la motion de rejet préalable, pour retrouver votre dignité !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Sansu applaudit également.
Le groupe Les Républicains se prononcera contre cette motion de rejet préalable, pour plusieurs raisons. La première, c'est que nous sommes parvenus au terme d'un processus législatif au cours duquel nous avons pu amender, modifier et améliorer le projet de loi, comme nous l'estimions nécessaire pour le pays.
Oui, nous sommes favorables au plein emploi ; oui, nous considérons que l'emploi est vertueux et nous estimons que le travail permet de s'insérer dans la société.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'objectif est de proposer à chacun des passerelles, pour permettre à ceux qui sont jusqu'à présent écartés du travail de retrouver une dignité et un avenir.
Nous sommes plutôt fiers d'avoir contribué à faire en sorte que 100 % des bénéficiaires du RSA soient accompagnés et pris en considération.
Ce n'était pas le cas jusqu'à présent. Dans les faits, le système permettait que des bénéficiaires du RSA soient laissés pour compte. Grâce à ce projet de loi, ils bénéficieront désormais tous d'un accompagnement personnalisé…
…et individualisé, qui doit les remettre dans le bon chemin, afin qu'ils reprennent leur place dans la société. Qui peut s'opposer à ce principe, sauf à se complaire dans le fait que certains soient exclus ? Nous, nous sommes pour l'inclusion. Nous sommes favorables à ce que chacun trouve sa place dans la société et nous considérons que demander une contrepartie de quinze heures maximum, adaptée selon les profils, est une chance pour tous les Français. Aussi avons-nous consacré toutes nos forces à amender ce projet de loi pour tendre dans cette direction.
Permettez-moi de rappeler l'article 5 du préambule de la Constitution : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. »
C'est en redonnant à chacun une place dans la société, par le travail, que nous ferons nation et que nous construirons la cohésion nationale.
« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Chers collègues de La France insoumise, nous pouvons vous reconnaître un mérite, celui de la constance : à chaque texte sa motion !
D'aucuns pourraient s'en lasser, mais j'y vois plutôt l'occasion de rappeler que ce projet de loi est un texte de progrès, équilibré, fondé sur l'ambition de permettre une meilleure coordination des acteurs au plus près des territoires et la volonté de miser sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des entreprises.
Nous pouvons d'ailleurs nous réjouir du compromis trouvé en CMP, sans que l'objet du texte ait été dénaturé, comme cela a été rappelé par le rapporteur. Nous nous réjouissons également de la réintégration, dans la version définitive, de l'article 10 relatif au service public de la petite enfance. Nous ne pouvions décemment pas…
…souligner les difficultés rencontrées par les familles monoparentales – souvent des femmes – à accéder à l'emploi et ne pas nous donner les moyens de les aider sur le volet relatif à la garde des enfants.
Cette motion me donne également l'occasion de pointer l'attitude de certains collègues – ils se reconnaîtront – qui se livrent, notamment sur les réseaux sociaux, à de véritables campagnes de désinformation au sujet de ce texte.
Pour reprendre l'exemple des familles monoparentales, comment peut-on s'émouvoir que ce texte pénalise – prétendument – les mères isolées et voter la suppression de l'article relatif à la petite enfance ? Comment peut-on affirmer qu'il représente un danger pour les victimes de violences conjugales ? Oui, vous avez bien entendu : c'est ce qu'on peut lire sur les réseaux sociaux. C'est absolument scandaleux et c'est faux !
Comment peut-on mentir au point d'affirmer que le texte prône le travail gratuit sous peine de suspension immédiate du RSA ? Chers collègues, vous savez très bien que c'est faux et que l'article 2 prévoit la possibilité de moduler la durée hebdomadaire de quinze heures selon la situation individuelle des allocataires, pour tenir compte de leur rôle de parent seul, de leur handicap ou encore de leur incapacité.
Les citoyens méritent mieux que des mensonges, surtout quand le texte apporte les moyens concrets d'un accompagnement renforcé et efficace. Notre groupe votera bien sûr contre la motion.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Stéphanie Rist applaudit également.
Je voudrais poser une question à M. le ministre : à défaut d'avoir ouvert ses oreilles, a-t-il au moins ouvert un dictionnaire ? Pour l'avoir fait moi-même, je sais que le Larousse définit le travail comme une « activité professionnelle régulière et rémunérée », donnant comme exemple d'usage l'expression « vivre de son travail ».
Vous parlez de France Travail, mais nous parlons, nous, de gens qui ne travaillent pas, qui n'arrivent pas à travailler, c'est-à-dire des allocataires du RSA. Que leur promettez-vous ? De vivre moins bien, sans pouvoir pour autant travailler.
Vous avez créé le réseau France Travail dans l'objectif avoué de mettre tout le monde au travail, mais le ministre a lui-même reconnu que tout le monde n'est pas en mesure de travailler. Vous prévoyez d'imposer à tous les allocataires du RSA l'obligation de s'inscrire à Pôle emploi ; c'est une folie et vous le savez. C'est pour cela que nous vous demandons de renvoyer le texte en commission.
En plus de commettre cette folie, vous la traduisez dans le vocabulaire technocratique dont vous avez le secret. Vous avez voulu créer France Travail, après avoir créé France Relance, puis le Raie, le réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi. Vous avez supprimé l'insertion – pourtant la seule promesse que faisait le RMI, revenu minimum d'insertion, à ceux qui avaient peu –, ce qui laisse le Rade, le réseau des acteurs de l'emploi. Maintenant, c'est France Rade !
Chers collègues, je ne suis pas fier de faire partie d'une assemblée qui s'apprête à voter un tel texte. Ce projet de loi n'aura qu'un seul résultat, souligné par le Secours catholique dans son rapport annuel sur l'état de la pauvreté en France, publié aujourd'hui : il y exprime son inquiétude quant aux effets de votre réforme de l'assurance chômage et du présent texte sur l'augmentation de la précarité. Il ne s'agit pas de travail, mais de rade, de gens en galère qui n'en pourront plus et à qui il deviendra encore plus difficile de faire avec peu. Ils vivent déjà mal, mais vivront encore moins bien à cause de vos réformes. J'espère que vous en avez conscience.
Pour ces raisons, nous voterons la motion de rejet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Chers collègues, si vous voulez discuter entre vous, je vous invite à baisser d'un ton ou à sortir. Par ailleurs, j'indique à ceux qui pensent que le port d'oreillettes sans fil leur permet de téléphoner dans l'hémicycle sans être vus qu'ils font erreur : on les voit !
Sourires. – MM. Joël Giraud et Bruno Millienne applaudissent.
Le groupe Horizons et apparentés soutient l'emploi, l'insertion et le retour à l'emploi pour ceux qui en sont éloignés depuis longtemps. Il espère ainsi les aider à retrouver leur dignité et souhaite tirer vers le haut les personnes tombées dans l'ornière. Il votera donc contre la motion de rejet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le texte n'était déjà pas reluisant lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, mais il a empiré lors de son passage au Sénat. Cela n'est pas surprenant, car il prolonge la politique de casse sociale que vous avez déjà entamée en réformant l'assurance chômage, puis les retraites.
Par ce texte, vous stigmatisez les plus vulnérables sans donner davantage de moyens aux personnes qui les accompagnent. Le projet de loi ne contient aucune mesure pour lutter contre le non-recours et se contente de mesurettes s'agissant de l'autonomie, du handicap et de la petite enfance. Nous ne partageons pas cette vision du travail : ne comptez pas sur nous pour promouvoir le plein emploi à n'importe quel prix. Nous voterons pour la motion de rejet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ce projet de loi est un texte de stigmatisation et d'infantilisation des personnes privées d'emploi. Il leur imposera une norme affichée de quinze heures d'activité – une activité dont on ne sait rien ou pas grand-chose. Il nie le décalage considérable qui existe en France entre l'offre d'emploi et la demande d'emploi. Il fonctionne selon une logique de forçage ; ce n'est pas là respecter le travail ni les travailleurs. Au bout du compte, la confusion que vous entretenez entre ce qui relève de la protection sociale et ce qui relève de la solidarité nationale constitue une attaque contre les droits acquis par le travail.
Nous nous opposerons donc à ce texte visant à modifier le rôle de Pôle emploi – qui deviendra France Travail et, dans de nombreux cas, France Radiation – et pensons qu'il faut lui préférer une approche bien différente. L'accord que vous avez conclu au Sénat avec Les Républicains – s'agissant de ce texte comme, je le crains, d'autres textes à venir – vous place sur un terrain très glissant. Pour nombre de femmes et d'hommes, les décisions que prend notre assemblée se traduiront par plus de misère et par plus de galère. Nous voterons la motion.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Quand nous avons entrevu la possibilité d'évoquer le plein emploi, nous avons pensé travailleurs, salaires, ou encore reprise d'activité, avant de nous rendre compte que vous n'aviez rien à proposer en la matière. Pire, vous faites le choix de ne pas répondre à l'inquiétude légitime de ceux qui, travaillant, ne vivent pas dignement de leur travail. Vous considérez que la seule réponse à apporter à ceux qui n'ont pas d'activité consiste à dégrader encore un peu plus leurs conditions de vie et leurs revenus d'assistance. Vous faites le choix mensonger de proposer un texte inapplicable, reconnu comme tel par tous les professionnels. Vous ne tirez aucun enseignement des limites du contrat d'engagement jeune ni des expérimentations de votre dispositif, qui ne sont d'ailleurs pas arrivées à terme.
Lors de la première lecture, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s'était refusé à voter une motion de rejet préalable, considérant que c'était par le travail parlementaire, par la discussion et par l'adoption d'amendements que nous trouverions une voie de passage. Force est de constater que cela n'a pas été possible. La grande majorité de notre groupe votera donc la motion de rejet.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 264
Nombre de suffrages exprimés 236
Majorité absolue 119
Pour l'adoption 73
Contre 163
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
Arrivés à la dernière étape du parcours législatif de cette loi-cadre, nous pouvons affirmer avec fierté que les débats parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont enrichi le texte.
En effet, le projet de loi traduit l'ambition de trouver un emploi pour tous, de renforcer l'accompagnement socioprofessionnel des personnes qui en ont le plus besoin et de transformer le service public de l'emploi et de l'insertion. Il pose le cadre qui permettra une amélioration substantielle des services offerts aux personnes en recherche d'emploi, mais également aux entreprises, grâce au renforcement de la coopération entre les acteurs.
Un des principaux points de désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat résidait dans les nouvelles dénominations de l'opérateur Pôle emploi et du réseau. Si notre assemblée avait d'abord rétabli les dénominations prévues dans le texte initial, à savoir l'opérateur France Travail et le réseau France Travail, nous avons trouvé, en commission mixte paritaire, un point d'équilibre avec nos collègues sénateurs. Pôle emploi deviendra bel et bien l'opérateur France Travail, et le réseau sera nommé…
…le réseau pour l'emploi. Loin de constituer un simple marqueur symbolique, celui-ci accompagnera la réforme en profondeur du service public de l'emploi au bénéfice de ses usagers et de l'ensemble de nos concitoyens. La marque France Travail permettra à chacun d'identifier la nouvelle approche du réseau dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi...
...et d'acter le positionnement de son principal opérateur, chargé de la production d'un patrimoine commun à disposition de tous.
Ainsi, la transformation de Pôle emploi en France Travail permettra de mobiliser les équipes de l'opérateur autour d'un nouveau projet, en lien avec l'ensemble des acteurs de l'emploi et de l'insertion. Dans un souci de consensus et de clarté, il est proposé que la marque France Travail soit réservée à l'opérateur du service public de l'emploi et que la gouvernance soit assurée par le réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi.
Le texte renforce l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA dans le cadre d'un contrat d'engagement unique – sur le modèle du contrat d'engagement jeune, qui a déjà fait ses preuves – et de l'inscription automatique de chacun comme demandeur d'emploi, notamment pour les jeunes suivis par les missions locales.
Ce renforcement et cette amélioration des services aux usagers s'accompagnent d'une contrepartie : le bénéficiaire devra s'engager à suivre un parcours d'insertion pouvant notamment prendre la forme de quinze heures d'activité hebdomadaires, sous peine de voir son allocation suspendue ou supprimée.
Nous avons également proposé une nouvelle rédaction des dispositions concernant les quinze heures d'activité, en précisant que le niveau d'intensité de l'accompagnement dépend de la situation du demandeur d'emploi. La durée hebdomadaire d'activité est, par principe, d'au moins quinze heures. Toutefois, elle est susceptible d'être minorée, sans pouvoir être nulle, pour des raisons liées à la situation individuelle de l'intéressé et au vu du diagnostic global. Les personnes rencontrant des difficultés particulières et avérées, en raison de leur état de santé, de leur handicap, de leur invalidité ou de leur situation de parent isolé pourront, à leur demande, bénéficier d'un plan d'action sans durée hebdomadaire d'activité.
D'autres modifications ont porté sur le service public de la petite enfance. Supprimé en séance à l'Assemblée nationale, l'article 10 a été rétabli au sein de la commission mixte paritaire. Sa rédaction résulte d'un compromis. Les obligations incombant à la commune, en tant qu'autorité organisatrice du secteur de la petite enfance, entreront en vigueur le 1er janvier 2025, tandis que les dispositions concernant la création des relais petite enfance dans les communes de plus de 10 000 habitants prendront effet le 1er janvier 2026.
La majorité votera donc pour ce texte de compromis enrichi par les parlementaires. Le plein emploi est à notre portée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'apogée est derrière vous, monsieur le ministre. Si vous pouvez encore vous enorgueillir d'une baisse, très relative, du nombre de chômeurs, cela ne va pas durer – vous le savez. Alors, profitez-en tant que vous le pouvez encore ! En effet, les bons chiffres de Pôle emploi…
…se tarissent et ceux de l'Insee inquiètent. Fin juin, les créations d'emplois étaient inférieures de 25 % aux estimations et le taux de chômage atteignait 7,3 % au lieu des 7,1 % prévus. Nous comprenons désormais mieux pourquoi il était si urgent de voter ce texte, sans même attendre le retour des expérimentations menées dans dix-huit départements.
Non, votre projet de loi ne fera pas baisser le chômage, monsieur le ministre ; il n'accompagnera pas mieux les personnes les plus éloignées de l'emploi, pas plus qu'il n'améliorera les conditions de travail des agents de Pôle emploi ou des autres structures territoriales.
Cependant, nous devons reconnaître que vous avez le sens de la chronologie. Ce projet de loi arrive après la réforme du chômage, lors de laquelle vous avez stigmatisé les demandeurs d'emploi, les faisant passer pour des fainéants et la réforme des retraites, par laquelle vous avez reculé l'âge de départ à 64 ans.
Aujourd'hui, vous jetez tous les allocataires du RSA dans une marche en avant forcée vers l'emploi, sans prendre en considération qu'une partie d'entre eux est dans une situation incompatible avec la recherche d'un emploi : il en va ainsi des étudiants, des personnes handicapées en situation d'incapacité de travail et des parents au foyer. De plus, vous leur imposez une condition : effectuer quinze heures d'activité par semaine, sans quoi leur indemnité sera supprimée.
J'ai une question pour vous, monsieur le ministre : à quelle activité les bénéficiaires du RSA devront se livrer dans les zones rurales que vous avez désindustrialisées ?
M. Sébastien Delogu s'exclame.
Que se passera-t-il si vous n'avez rien à leur proposer ? Leur retirerez-vous malgré tout leur indemnité de survie ?
Ma question restera malheureusement sans réponse. Vous me direz que la critique est facile. Que proposons-nous ? Quelles solutions avançons-nous ?
Dans la France de Marine Le Pen,…
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…les allocataires du RSA bénéficieront d'un accompagnement digne de ce nom. Nous leur rendrons leur fierté en les réintégrant dans le monde du travail et ils ne seront plus considérés comme des parasites.
Dans la France de Marine Le Pen,…
…les employeurs bénéficieront d'avantages fiscaux pour augmenter les salaires de tous les employés et pas uniquement de ceux qui sont rémunérés au Smic.
Dans la France de Marine Le Pen,…
Mêmes mouvements
…les seniors seront valorisés et ils participeront à la transmission du savoir-faire auprès des jeunes générations.
Enfin, dans la France de Marine Le Pen,…
Mêmes mouvements
…nous réduirons la distance entre l'offre et les demandeurs d'emploi. Les formations proposées seront mieux encadrées et en corrélation avec les besoins du territoire.
Voilà, monsieur le ministre, ce que nous avons essayé de vous proposer durant l'examen de ce projet de loi. Vous êtes pourtant resté sourd au bon sens et au pragmatisme, leur préférant une vision technocratique et hors sol. C'est donc sans surprise que nous ne voterons pas votre projet de loi.
Votre vision est erronée, aveuglés que vous êtes par votre suffisance et votre mépris. Les crises que nous avons essuyées ces dernières années ne vous ont pas servi de leçon. Vous n'écoutez ni les mouvements des gilets jaunes, ni les grèves, ni les manifestations. La seule instance qui trouve grâce à vos yeux, devant laquelle vous vous agenouillez sans froncer un sourcil, c'est l'Union européenne de Mme von der Leyen. Vivement le 9 juin !
Je voudrais malgré tout apporter un message d'espoir à nos compatriotes qui se sentent opprimés et délaissés par votre gouvernement. Une autre vision de la France existe.
Mêmes mouvements
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous rappelle que le rôle de la présidente requiert une impassibilité totale. Cependant, si vos blagues sont très drôles, cela peut me faire rire et, ce faisant, ne pas m'aider.
Sourires.
Je vous remercierais d'être plus discrets.
La parole est à M. Hadrien Clouet.
C'est une question cruciale, alors que vous présentez un texte qui n'a rien à voir avec ce qui a été examiné à l'Assemblée nationale. Vous vous êtes réunis en petit comité avec les sénateurs de droite pour passer au-dessus de nos têtes, y compris de celles de vos propres rangs macronistes. Comme quoi, la seule chose que vous haïssez autant que les pauvres, c'est la démocratie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
Rappelons aux concitoyens qui nous regardent que ce projet de loi qui instaure France Travail obligera les chômeurs et les allocataires du RSA à effectuer au moins quinze heures d'activité par semaine, dont des stages, des missions d'insertion, du recrutement par simulation, bref, ce qu'on appelle communément du travail – mais non payé. Donc, s'il est adopté, tous les travailleurs du pays sont susceptibles d'être concurrencés à leur poste par des gens qui exerceront leurs fonctions gratuitement.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est la réalité, tout le monde le sait : il n'y a qu'un seul type de personnes qui coûte trop cher en France, ce sont les Bolloré, les Arnault, les Hermès ,
Mêmes mouvements
pour lesquels votre majorité ne prévoit jamais aucune obligation.
Lors de l'examen dans l'hémicycle, vous avez fait semblant de donner des gages. Par exemple, vous avez adopté notre proposition d'un article nouveau donnant à Pôle emploi la mission de contrôler les offres d'emploi, afin de vérifier leur légalité, d'établir si elles sont mensongères ou si elles correspondent à un vrai poste. C'est un problème majeur ; ainsi ai-je cité ce matin une offre trouvée sur le serveur de Pôle emploi d'un CDD de trente-six mois à Toulouse, manifestement illégale.
En commission, le rapporteur était contre l'ajout de cet article, contre le contrôle de la qualité des offres proposées par Pôle emploi.
Lors de l'examen du texte en séance publique, il y était favorable, comme le ministre. Nous l'avons donc adopté à l'unanimité. En commission mixte paritaire, vous avez encore changé d'avis et décidé que le patronat pourra en faire à sa tête et recruter les gens selon les conditions qui lui plaisent, dans l'arbitraire le plus total et sans devoir respecter le code du travail. En somme, quand vous n'utilisez pas le 49.3, vous liquidez sournoisement tous les acquis parlementaires à la nuit tombée, dans des salons cachés.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.
C'est la même chose pour la représentation des usagers en situation de handicap : vous dites « oui » devant les caméras, puis « non » derrière les rideaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Non seulement vous votez n'importe quoi, mais en plus vous le faites les yeux bandés. Pas d'étude d'impact sur le texte, pas de bilan des expérimentations, pourtant promis en septembre. Ah si, pardon : M. Dussopt fait des bilans sur des estrades devant des salles à moitié vides, sans jamais fournir aucune donnée – vous confondez visiblement « bilan » et « micro-trottoir », monsieur le ministre.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous croyez tellement peu à ce texte, qu'hier encore, à Orléans, vous lanciez une expérimentation du projet de loi sur lequel nous votons aujourd'hui.
Pour justifier ce projet de loi, vous dites qu'il y aurait une fraude des allocations au RSA, dont le montant s'élèverait à un peu moins de 300 millions d'euros par an. Pourquoi y insister ? Nous savons très bien que c'est pour couvrir le vrai scandale : 15 milliards ont disparu de l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), l'agence de garantie des salaires, sous contrôle patronal !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour 1 euro que vous contestez du côté des bénéficiaires du RSA, le patronat en vole 50 ! Vous ne vous préoccupez donc pas d'être volé, mais d'être volé entre amis.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourquoi le vote a-t-il lieu maintenant ? Parce que vous utilisez ce projet de loi comme un moyen de pression sur les négociations de la nouvelle convention d'assurance chômage. Vous envoyez un message au Medef lorsque vous décidez de radier celui dont la webcam n'a pas fonctionné à l'heure du rendez-vous, l'agriculteur qui refuse les quinze heures de travail obligatoire – pourquoi pas aller labourer le champ du voisin, étant donné la coupe que vous avez effectuée dans les aides agroenvironnementales ?–, le parent isolé qui ne peut donner suite à du bénévolat obligatoire à quarante bornes de chez lui. Vous lui dites : tout est permis, sonnez l'hallali !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les patrons l'ont bien compris : alors que le chômage remonte, avec votre bénédiction, ils viennent d'arracher un cadeau de 400 millions d'euros par an de baisse des cotisations durant les négociations de l'assurance chômage. Cet argent permettrait d'indemniser 30 000 chômeurs, mais vous avez visiblement d'autres priorités : les cadeaux fiscaux passent avant tout, les pauvres viennent à la fin.
Si M. Dussopt n'est plus qu'un chargé d'affaires du Medef, vers qui se tourner ? Vers vous, chers collègues, même en nombre insuffisant. Ceux qui n'ont pas une âme de paillasson voteront contre ce texte, au nom de ce qu'ils ont adopté dans l'hémicycle avant d'être trahis par leurs représentants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai une âme de paillasson : j'adore quand Jean-Luc Mélenchon s'essuie les pieds !
Peut-être est-ce vrai pour vous, mais j'imagine que ce n'est pas le cas de tous. Ensuite, nous nous tournerons vers le Conseil constitutionnel car, en prévoyant la suppression totale du RSA en cas de violation des engagements des allocataires, vous punissez les enfants pour les erreurs et les fautes de leurs parents, rétablissant le principe du châtiment collectif.
Vous l'avez compris, collègues, nous voterons contre ce projet de loi. Si, comme nous l'espérons, vous n'obtenez pas de majorité, eh bien, vous n'avez qu'à traverser la rue pour en trouver une !
Quelques députés du groupe LFI – NUPES se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous voilà donc à la fin de ce débat sur le RSA. Il était nécessaire, il a été l'occasion de clarifier les choses. Nous devions constater et exposer, tout simplement, la situation du pays, qui est malheureusement dégradée : la France a 3 000 milliards d'euros de dette.
Tous les services publics sont financés à crédit. Le pays n'a plus de marge de manœuvre, puisque le service de la dette deviendra la première dépense de l'État.
Pourquoi en sommes-nous là ? D'abord, nous dépensons mal l'argent des Français – je dis bien l'argent des Français et non l'argent public, car il n'y a pas d'argent public, il n'y a que de l'argent qu'on prend dans la poche des Français. Ensuite, nous ne travaillons pas assez. En fait, le débat sur le RSA est un débat sur le travail.
Nous, qui siégeons sur les bancs du groupe Les Républicains, pensons qu'une partie de notre système social est dévoyée, parce qu'elle décourage le travail.
Nous, nous pensons que le travail est le meilleur moyen de sortir de la pauvreté. Tant que le travail n'est pas valorisé, la pauvreté est loin d'être combattue et encore plus d'être vaincue.
Nous abordions donc ce projet de loi sur le RSA avec deux objectifs : que tous ceux qui peuvent travailler travaillent ; que tous ceux qui se retrouvent seuls face au chômage puissent être accompagnés.
Quand on reçoit le RSA, on a le devoir de s'engager dans une démarche d'insertion vers le travail.
Et la société a le droit de contrôler que ceux qui le reçoivent respectent cette obligation. En effet, je le répète : l'argent du RSA est l'argent de ceux qui travaillent et qui cotisent.
Nous, Les Républicains, rappelons tout simplement que les Français qui travaillent et qui cotisent ont le droit de demander des comptes sur ce qu'on fait de leur argent.
C'est pourquoi nous sommes satisfaits de l'accord qui a été trouvé : quand on reçoit le RSA, sauf exception et pour des raisons qui devront être analysées au cas par cas, on doit quinze heures d'activité par semaine. Les parents isolés, les personnes malades ou en situation de handicap pourront évidemment être exemptés de cette obligation.
Mais, en contrepartie, nous voulons que les allocataires du RSA bénéficient réellement d'un accompagnement vers l'activité, car aujourd'hui, un sur deux ne se voit rien proposer en matière de réinsertion. À bas les caricatures : en votant pour ce texte, chers collègues, vous soutenez donc à la fois l'obligation, pour les bénéficiaires du RSA, d'effectuer quinze heures d'activité par semaine…
…et celle, pour la société, de les former.
Il y a aussi eu le fameux article 10 qui, en toute modestie, tendait à créer un service public de la petite enfance – comme si les maires vous avaient attendus pour ouvrir des crèches !
Heureusement qu'on n'a pas attendu la ministre des solidarités et des familles pour ça !
Nous sommes satisfaits que l'accord trouvé avec le Sénat ait permis de recentrer le dispositif sur l'action communale, limitant le rôle du département au contrôle de la sécurité et de la qualité de l'accueil,…
…et de supprimer la fameuse « stratégie nationale » et le contrôle du préfet. Penser que les crèches fonctionneraient mieux si le ministre s'en mêlait est bien une idée française ! Personnellement, je crois en la décentralisation et je pense que les services publics fonctionnent mieux lorsqu'on fait confiance aux acteurs de terrain
Mme Alma Dufour s'exclame
– en l'espèce, aux maires et aux directeurs de crèches – et, surtout, qu'on évite l'interventionnisme tatillon de l'administration centrale, qui nous aurait encore pondu une de ces circulaires dont elle a le secret.
Pour conclure, un mot du RSA, qui est au cœur du texte. Tous les patrons de petites et moyennes entreprises (PME) et de très petites entreprises (TPE), les commerçants et artisans vous disent la même chose : malgré 5 millions de chômeurs, ils ne trouvent personne à embaucher ! Il faut que nous les écoutions.
Mes chers collègues, puisque vous avez compris que le pays ne sortira du gouffre dans lequel il s'enfonce que s'il travaille plus, votez, comme Les Républicains, pour un RSA qui ramène au travail et non pour un RSA versé comme solde de tout compte, qui exclut lentement de la société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous voilà réunis pour adopter définitivement le projet de loi pour le plein emploi – enfin ! Je suis certain que nous avons tous accompagné des personnes en difficulté, que ce soit en tant qu'élu local ou en tant que parlementaire. Tous, nous avons constaté – peut-être découvert – que l'organisation des acteurs de l'emploi était complexe, et parfois source d'incohérences et de blocages. Tous, nous avons remarqué que, souvent, le véritable frein à l'emploi n'était pas tant la question des compétences qu'un ensemble de facteurs, qui peuvent se cumuler : la mobilité – comment aller bosser à 20 kilomètres si on n'a pas de permis ou de véhicule ? – ; la garde des enfants – comment imaginer travailler sereinement sans solution de garde, ou si cette solution est plus onéreuse que la rémunération ? – ; des difficultés en matière de santé, de handicap, de maîtrise de la langue ou de l'informatique.
Ce texte propose de répondre à ces constats, en coordonnant mieux les acteurs de l'emploi et en inscrivant dans la loi la nécessité de prendre en compte tous les freins au retour à l'emploi, au-delà des sujets habituels de formation et de compétences.
Je suis certain que nous avons tous, sans exception, constaté ces difficultés qui sont presque un lieu commun. Et pourtant, les débats dans l'hémicycle ont été âpres,…
…et nous venons encore d'examiner une motion de rejet. Quand essayerons-nous enfin de faire œuvre utile pour le pays et nos concitoyens, au lieu de faire de la politique de bas étage ?
Je comprends que l'on puisse s'opposer sur des questions budgétaires, mais pas lorsqu'il s'agit de permettre à nos concitoyens de revenir vers l'emploi plus facilement – d'autant que nous sommes tous d'accord sur le constat ! Alors oui, le groupe Démocrate est fier de voter en faveur de ce texte qui relève du bon sens.
Pôle emploi, missions locales, Cap emploi, écoles de la deuxième chance, Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) : tous ont leur spécificité et leur utilité, mais à condition d'être coordonnés, notamment à l'échelon local. C'est tout l'esprit de France Travail. Construire, avec les collectivités locales, des solutions permettant à des parents isolés – souvent des femmes – de pouvoir faire garder leurs enfants à proximité de leur domicile et à un prix abordable, est tout simplement une mesure de bon sens.
Si nous sommes bien conscients qu'il ne réglera pas tous les problèmes d'insertion professionnelle, ce projet de loi nous donne les moyens de ne laisser personne de côté. Car, contrairement aux oppositions à l'extrême gauche et à l'extrême droite de l'hémicycle, nous ne baissons pas les bras face au chômage, à l'isolement et à la pauvreté.
À vous écouter, l'immobilisme serait la seule réponse : nous pensons au contraire que des solutions peuvent – et doivent – être apportées aux personnes qui rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle, raison pour laquelle nous renforçons de manière inédite l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Pour toutes les personnes que la collectivité se doit de mieux accompagner vers l'emploi et l'insertion, le groupe Démocrate votera en faveur du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
« On ne vise pas la dignité, on vise le minimum » : voilà ce que m'a dit Christine, la responsable du Secours catholique d'Argences, vendredi dernier. Les bénévoles du Secours catholique, qui subissent vos réformes, sont aujourd'hui exsangues.
« Même si je ne mange pas, l'essentiel, ce sont mes enfants. » Cette parole de femmes précaires, que vous n'écoutez pas, monsieur le ministre, trop occupé à regarder votre téléphone,…
C'est indigne.
…est tirée du rapport annuel du Secours catholique sur l'État de la pauvreté en France 2023, qui vient d'être publié – un rapport qui nous touche et nous heurte, et dont je vais vous lire des extraits, en espérant que vous serez plus à l'écoute du Secours catholique que des députés de gauche.
« En 2022, les personnes au chômage ont vu leur situation se dégrader notablement, avec une baisse de 40 euros du niveau de vie médian mensuel en un an seulement. La réforme de l'assurance chômage entrée en vigueur en octobre 2021 n'y est sans doute pas étrangère. […] Ainsi, 24 % des personnes que l'on rencontre touchent le RSA, mais plus d'un tiers des personnes qui y sont éligibles ne l'ont pas perçu en 2022 (au moins 33 % en 2022 contre 29 % en 2021). […] Il est à craindre que les pressions renforcées sur les allocataires du RSA, assorties de sanctions nouvelles, telles que prévues dans la loi plein-emploi, n'aboutissent à éloigner de leurs droits une part accrue des personnes en situation de pauvreté. […] Le RSA ne représente plus guère que 40 % du Smic contre 50 % à la création du RMI. »
Monsieur le ministre, puisque vous refusez d'entendre les parlementaires et le Secours catholique, que répondrez-vous demain aux allocataires du RSA de l'Ardèche, comme Madeleine, de Tournon-sur-Rhône ? « – Bonjour Madeleine ! Je sais que jusqu'à présent vous avez survécu avec vos deux enfants grâce au RSA que l'État, conscient de vos difficultés, vous versait pour vous laisser le temps d'y remédier, mais maintenant, nous n'avons plus pour objectif que votre retour à l'emploi.
« – Comment y parviendrons-nous ? C'est tout simple ! Un petit atelier CV, un peu de coaching personnel, un court stage d'observation dans une entreprise de logistique à la veille de Noël – sans gratification, bien entendu.
« – Ah, vous n'avez pas le temps car vous êtes une mère isolée ? Mais vos enfants ont plus de 12 ans ? Alors tant pis, nous allons renforcer les sanctions. Ce n'est pas contre vous, Madeleine, mais vous comprenez, trop de gens profitent du RSA aujourd'hui ! »
Qu'allez-vous dire à Arnaud, de Lamastre, qui était travailleur intermittent dans la restauration ?
Vous parlez de personnes et de lieux que vous ne connaissez même pas !
« – Bonjour Arnaud, je sais que vous souffrez de maux de dos, mais la réforme de l'assurance chômage vous impose de reprendre le travail, et celle des retraites de cotiser deux années supplémentaires – attention, nous avons supprimé les critères de pénibilité.
« – Ah, vous avez été licencié parce que vous n'aviez plus les moyens de faire le plein et que les transports en commun sont insuffisants ? Malheureusement, vous ne pouvez pas continuer à percevoir le RSA, car vous ne respectez pas notre cahier des charges. »
Sérieusement, est-ce cela que vous répondrez ? Comment pouvez-vous réduire des femmes et des hommes, dont les parcours de vie sont déjà si difficiles, à leur incapacité – réelle ou présumée – à l'emploi ? Plutôt que de vous attaquer aux freins à l'emploi connus, comme les difficultés en matière de transports, de garde d'enfants et de santé, et d'investir davantage dans des mesures d'insertion, vous continuez à fissurer l'appareil de protection sociale dont la responsabilité incombe à l'État.
Vous avez refusé de créer un revenu digne d'existence pour tous – en particulier les victimes d'accidents de la vie –, comme nous vous l'avons demandé tout au long des débats. Chers collègues, j'espère que, par votre vote, vous refuserez ce refus indigne.
Monsieur le ministre, si vous n'avez pas voulu reconnaître qu'il faut allouer davantage de moyens à l'insertion, si vous n'avez pas voulu discuter du coût réel de cette réforme, c'est peut-être simplement parce que son ambition – pas si cachée – est de faire des économies grâce à la radiation massive de bénéficiaires du RSA.
À partir du 1er janvier, le titre restaurant ne permettra plus d'acheter un simple paquet de pâtes, mais seulement des pâtes déjà préparées. Plutôt que de viser la dignité, monsieur le ministre, vous préférez faire passer ce texte indigne. Chers collègues, j'espère que, comme nous, vous voterez contre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Depuis 2017, notre majorité a clairement et résolument fait de la politique de l'emploi une priorité. Après le Sénat, jeudi, nous sommes invités à adopter un projet de loi audacieux ,
M. Hadrien Clouet s'exclame
fruit d'un compromis entre députés et sénateurs. Ce texte, qui s'inscrit dans une vision de long terme, vise à améliorer le service public de l'emploi pour tous, à renforcer le dialogue, l'accompagnement et la confiance dans les collectivités territoriales.
Regardons les chiffres : alors que notre taux de chômage, descendu à 7,2 % de la population active au deuxième trimestre 2023, n'a jamais été aussi bas depuis quarante ans, pas moins de 1,7 million d'emplois ont été créés depuis 2017, portant notre taux d'emploi à un niveau jamais atteint depuis qu'il est mesuré par l'Insee. Cette tendance, fruit de nombreuses réformes et de textes ambitieux, est particulièrement marquée chez les jeunes, preuve qu'un marché du travail dynamique n'est pas un simple idéal, mais bien une réalité en construction. Notre objectif ? Le plein emploi d'ici 2027.
Accompagnements « peu intensifs », suivis « tardifs, voire plus formels que réels », actions « peu tournées vers l'emploi ou l'entreprise », parcours éclatés, manque cruel de coordination, des entreprises qui peinent à recruter, et 18 % des allocataires du RSA qui ne sont suivis par aucun organisme : ce tableau, hélas réaliste, dressé dans le rapport de préfiguration de France Travail devait nous interpeller et nous pousser à l'action.
Au-delà des chiffres, ce texte permettra de transformer en profondeur le service public de l'emploi, en renforçant l'accompagnement vers l'emploi de chacune et chacun, en particulier ceux qui sont les plus éloignés du monde professionnel : plus efficace, plus concret, davantage personnalisé, cet accompagnement doit faciliter leur parcours.
Avec la création du réseau pour l'emploi, toutes les personnes sans emploi, notamment les allocataires du RSA, les bénéficiaires d'un accompagnement par un centre Cap emploi et les jeunes en recherche d'emploi suivis par les missions locales, seront automatiquement inscrites à France Travail.
Au-delà de cette simplicité, l'enjeu premier consiste à garantir un suivi adapté, continu et coordonné. Le contrat d'engagement unique, remplaçant la mosaïque actuelle, clarifiera les droits et devoirs de chacun. Collectivement, nous avons permis d'inclure dans le texte une disposition qui vise à adapter les quinze heures d'activité hebdomadaires au cas des personnes les plus fragiles et les plus éloignées de l'emploi : pour celles-ci, il s'agira de quinze heures d'accompagnement destinées à les sortir de l'ornière, à les tirer vers le haut.
Le projet de loi comporte également des mesures relatives aux handicapés, dont le taux de chômage – 12 % en 2022 – n'a jamais été si bas depuis huit ans : c'est là une avancée notable, en particulier si l'on considère qu'entre juin 2021 et juin 2022, le taux de chômage global est passé de 8 % à 7 %. Néanmoins, nous pouvons et nous devons faire encore mieux, d'où le titre III du texte, « Favoriser l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap ».
En outre, le projet de loi vise à reconnaître et à amplifier le rôle crucial, au sein du futur réseau France Travail, des missions locales, en première ligne pour accompagner les jeunes qui requièrent un soutien socio-professionnel. Il est désormais précisé que les jeunes suivis par les missions locales ne nécessitent pas tous un accompagnement professionnel et n'ont donc pas tous vocation à être inscrits à France Travail.
Enfin, pour éliminer un obstacle à l'emploi, le texte prévoit un service public d'accueil des jeunes enfants, dont il définit la gestion à l'échelon territorial – attribution aux communes de la responsabilité de cet accueil, modernisation et intensification du contrôle des crèches, publiques comme privées.
Après son adoption par les deux chambres, le projet de loi a fait l'objet le 23 octobre, en commission mixte paritaire, d'un accord constructif entre députés et sénateurs. Le renforcement des droits et devoirs de tous, ainsi qu'une ample réforme de la chaîne de prise en charge des demandeurs d'emploi, en font un texte équilibré, qui permettra de tendre vers le plein emploi. Au regard des enjeux et de l'ambition dont il est porteur, le groupe Horizons et apparentés le soutiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Fruit d'un accord entre les libéraux du Sénat et de l'Assemblée, le texte consacré au plein emploi que nous nous apprêtons à voter s'inscrit dans la continuité des offensives de ces dernières années contre les services publics, la protection sociale et les droits des travailleurs. Main dans la main avec la droite dure, vous allez toujours plus loin : hier la casse de l'assurance chômage, aujourd'hui le conditionnement du RSA, demain, peut-être, la fin de l'aide médicale de l'État (AME).
Rappelons le contexte : une pénurie de main d'œuvre, mais des personnes sans emploi ; un peu plus de 350 000 emplois vacants et pourtant 5 millions de chômeurs. Mais que se passe-t-il donc ? Que cette pénurie sévisse dans les secteurs où se conjuguent faibles rémunérations, contrats courts et conditions de travail difficiles, ce n'est pas la question.
Vous préférez nous proposer une politique de prétendue mise au travail – n'importe quel travail, dans n'importe quelles conditions.
Votre méthode : rendre de plus en plus difficile la situation des chômeurs afin de les pousser à accepter un emploi, même si celui-ci n'est pas de bonne qualité ou ne répond pas à leurs aspirations. Il est possible que cela accroisse la crainte, chez les salariés, du licenciement, que cela les dissuade de quitter leur poste, mais là encore, ce n'est pas la question.
De même que lorsque vous avez cassé l'assurance chômage ou supprimé les indemnités chômage en cas d'abandon de poste, vous confirmez l'ascendant des employeurs dans le rapport de force.
L'amélioration des conditions de travail demeure un angle mort. Pourtant, une étude a montré en mars que 44 % des salariés se trouvaient dans un état de détresse psychologique, susceptible d'avoir des conséquences graves, comme l'hypertension artérielle, la dépression, les troubles anxieux ; 14 % des salariés interrogés présentaient même un taux de détresse psychologique élevé ; les trois quarts d'entre eux estimaient – quelle surprise ! – que cet état était partiellement ou totalement lié à leur emploi.
Plus précisément, quels sont les changements que nous promet ce texte ? Pôle emploi deviendra France Travail : quelle pépite ! Au-delà des millions qui seront dépensés pour modifier le logo, la philosophie reste intacte : toujours plus de coercition à l'encontre des usagers, l'élargissement de l'obligation de s'inscrire et un changement profond des métiers de l'accompagnement.
Voulons-nous d'autres évolutions ? Voici, pour le demandeur d'emploi, un contrat d'engagement – qui ne sera pas réciproque, contrairement à ce que souhaitaient certains députés ainsi que les professionnels exerçant sur le terrain. Les personnes au chômage seraient donc seules à avoir des devoirs ?
Elles sont plus qu'accompagnées ! Les droits ont des devoirs pour contrepartie !
Et l'État ? Peut-être est-ce là le véritable abandon de poste : l'État s'affranchit de ses devoirs envers les chômeurs et allocataires du RSA qu'il est censé accompagner.
Dans la même logique, la CMP a supprimé toute obligation incombant à France Travail, qu'il s'agisse de missions ou de contrôle des offres. Exit, le principe en vertu duquel « la personne en recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel a le droit d'être accueillie, informée, orientée et accompagnée par le service public de l'emploi » ! Exit, le fait que soit désigné un « conseiller référent au sein du service public de l'emploi » ! Exit, la tâche pour l'opérateur France Travail « de contrôler la légalité des offres d'emploi qu'il collecte et publie », avec « obligation de supprimer toute offre d'emploi illégale » ! Quant au conseil en évolution professionnelle, il est profondément remis en cause au profit d'un accompagnement forcé, lié à un minimum de quinze heures d'activité hebdomadaires, condition du versement des allocations.
Je ne m'attarderai pas à évoquer cette mesure qui a fait couler beaucoup d'encre, à juste titre, tant elle méconnaît et stigmatise les allocataires du RSA. Je me permets seulement de rappeler qu'un quart d'entre eux sort de ce dispositif en cours d'année car ayant obtenu un emploi, et que d'autres accomplissent un travail informel, domestique, associatif ou de soin, par exemple en s'occupant d'un proche âgé ou handicapé.
Cette mesure, de surcroît, affectera essentiellement les femmes : 32 % des bénéficiaires du RSA sont des personnes seules ayant au moins une autre personne à charge, soit, dans leur écrasante majorité, des mères de famille monoparentale. C'est comme pour la réforme des retraites : l'égalité, c'est sympa au fronton des mairies, mais entre femmes et hommes au travail, on repassera !
Vous affichez l'objectif de donner « à chacun l'accès à l'autonomie et à la dignité par le travail » : sans dignité garantie aux bénéficiaires du RSA dans leur recherche d'emploi et leur accompagnement, sans salaire suffisant, sans possibilité de s'épanouir au travail, cela restera une formule magique. Cette idée selon laquelle combler de cadeaux les plus aisés fait que tout le monde bénéficie de leur richesse ressemble à votre théorie du ruissellement. Si vous y croyez encore, allez donc l'expliquer au tiers des Français qui se privent désormais de nourriture, faute de moyens !
Vous l'aurez compris, ce texte issu du Sénat est encore pire que celui que nous avions déjà critiqué à l'Assemblée – produit déséquilibré d'une vision du travail dépassée, passéiste, à contretemps de l'urgence du moment.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste votera contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Au lendemain de la réforme des retraites, c'est-à-dire après avoir fait imposer aux Français, par 49.3, deux années supplémentaires de travail, Emmanuel Macron promettait « un nouveau pacte de la vie au travail ». Si un tel pacte a été conclu, ce n'est apparemment pas avec les travailleurs et les privés d'emploi ! Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer rendra en effet la vie au travail encore plus dure qu'elle ne l'est.
Ses dispositions reposent sur une fable, celle d'une inversion de la courbe du chômage que démentent les derniers chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) comme les projections de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et de la Banque de France, qui prévoient une remontée du taux de chômage jusqu'à presque 8 % dès la fin de l'année 2024.
Certes, ce taux a baissé depuis 2017, mais au prix de réformes qui, de plus en plus, mettent à mal le dialogue social, au prix d'une réduction de l'accès aux droits des chômeurs, d'un nombre toujours croissant de radiations des listes de demandeurs d'emploi – désormais un cas sur dix de sortie des listes –, de retours à l'emploi toujours plus fragiles, d'une précarisation galopante.
Selon l'Insee, la pauvreté concerne désormais 1,2 million de travailleurs et 40 % des chômeurs. Parmi les allocataires du RSA, auxquels votre texte s'en prend violemment, 65 % vivent sous le seuil de pauvreté.
Votre lutte contre le chômage n'est pas celle que promeut le groupe des députés communistes et ultramarins, une lutte pour le travail, vecteur de dignité, d'émancipation, de valorisation et d'unité collective. Au lieu de vous placer du côté des aspirations, des besoins des travailleurs et des privés d'emploi, vous vous tenez résolument du côté du marché du travail, dont les règles sont profondément inégalitaires et violentes.
Aussi votre projet de loi pour le plein emploi fait-il l'impasse sur la question de l'emploi, de sa qualité. Ce n'est pas pour rien que Pôle emploi devient France Travail :…
…ne subsiste que l'injonction au travail, quel qu'il soit. L'étau se resserre sur les privés d'emploi et les allocataires du RSA, menacés de sanctions de plus en plus rigides.
D'ailleurs, avec votre texte, il n'y aura plus de « demandeurs d'emploi », mais des « inscrits » – jusqu'au conjoint ou concubin d'un allocataire du RSA – sur une liste de demandeurs d'emploi, qu'ils soient ou non disponibles pour occuper un poste.
Tout le monde sera soumis au même contrat d'engagement, dont la CMP a pris soin de supprimer la notion de réciprocité, histoire que ces femmes, ces hommes, n'aient vraiment plus droit à la parole. Que devient un contrat, s'il n'est pas réciproque ? Un régime d'obligations et de sanctions, alors qu'il y a huit fois plus de demandeurs d'emploi que d'emplois vacants !
Votre stratégie vise ainsi à rendre invisibles les personnes en proie aux plus grandes difficultés sociales, « inemployables », pour parler votre langage. C'est ainsi que vous ferez baisser le taux de chômage !
Le texte consacre également l'idée, dangereuse et malsaine, qu'être privé d'emploi est une faute, que le chômage est une oisiveté. Vous avez choisi de suivre la droite en conditionnant le RSA à quinze heures au moins d'activité par semaine,…
…sans jamais préciser la nature de cette activité. Ce faisant, vous remettez en cause, frontalement, nos principes de solidarité…
…et vous transformez en allocation de retour à l'emploi une allocation de subsistance. En outre, n'en étant plus à une confusion près, vous financerez France Travail en ponctionnant indûment l'Unedic, autrement dit en détournant les cotisations des actifs destinées à l'assurantiel.
Je ne m'attarderai pas sur l'article 10, réintroduit par la CMP, qui fait des communes les autorités organisatrices en matière d'accueil de la petite enfance sans pour autant leur en donner les moyens, rejouant le mauvais scénario du transfert aux départements de responsabilité du RSA. Quand on voit ce que le projet de loi fait du RSA, on ne peut être que très sceptique concernant l'avenir d'un service public, maintes fois promis, de la petite enfance.
Pour toutes ces raisons, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera contre ce texte de régression sociale, de lutte acharnée contre les travailleurs et les privés d'emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Sur le vote du projet de loi, je suis saisi par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile.
Afin d'atteindre le plein emploi, le Gouvernement avait tout tenté et, si nous l'en croyons, presque tout réussi. Parler de travail, de salaires, de solutions nouvelles devenait superflu, il était temps de choisir la facilité, de céder à la rumeur publique, au café du Commerce, aux réseaux sociaux, et d'assumer enfin un discours relayé partout : des chômeurs préféreraient à la recherche d'un emploi le confort de l'assistanat et le plaisir de l'oisiveté, il y aurait une précarité heureuse.
Je vous rassure : je vis dans la même France que vous. Ces propos, je les entends souvent. Notre travail consiste à y répondre. Mais plutôt que de corriger ce sur quoi ils se fondent, c'est-à-dire les quelques mesures susceptibles d'encourager l'inactivité, plutôt que de retravailler les dispositifs relatifs à la reprise d'activité, à la lutte contre la fraude, au revenu du travail, vous avez choisi d'y faire écho.
Nous n'avons pas été élus en vue de répéter le discours ambiant : lorsqu'on légifère, on le fait avec force, en toute responsabilité, en toute conscience de ce que cela implique pour nos concitoyens. Or vous montrez du doigt les chômeurs, particulièrement les plus fragiles.
Aux bénéficiaires du RSA, vous vous bornez à dire que s'ils veulent des aides, ils vont devoir se bouger – accepter l'inscription automatique en tant que demandeur d'emploi, condition sine qua non du versement de l'allocation, effectuer chaque semaine quinze heures d'activité. Qu'importe que cela ait du sens ou corresponde à un projet professionnel : l'essentiel est que ces assistés paient leur dû à la nation ! Vous allez jusqu'à prévoir un régime de sanctions financières. À défaut d'enrichir les travailleurs, vous appauvrirez les chômeurs : cela ne mène nulle part ! Alors que la crise du pouvoir d'achat, que l'inflation battent leur plein, votre seule réponse est d'envisager de rogner 607 euros mensuels !
De nombreux députés font leur entrée dans l'hémicycle. – Brouhaha.
Si vous ne l'aviez pas remarqué, mes chers collègues, un orateur est en train de s'exprimer à la tribune. Merci d'écouter M. Saint-Huile !
Je ne désespère pas de convaincre les nouveaux arrivants !
Vous envisagez des sanctions qui rogneraient le RSA qui s'élève à 607 euros, soit 300 euros sous le seuil de pauvreté ! Ce sont les mêmes que vous croisez dans vos permanences, dans les associations caritatives, les mêmes qui ont besoin du concours et de l'assistance ; ce sont ceux-là que vous voulez frapper au portefeuille !
Le groupe LIOT, attaché aux territoires, reconnaît les droits et les devoirs de chacun. Nous avions fait des propositions fondées sur le mérite, avec la possibilité de bonifier le RSA pour ceux qui, animés par la volonté de s'en sortir, choisiraient un parcours d'accompagnement renforcé. Vous avez rejeté ces propositions, comme vous avez rejeté la possibilité de mettre en place des sanctions exemplaires qui n'affaiblissent pas le pouvoir d'achat, déjà fragile, de nos concitoyens.
Vous avez refusé toute proposition relative aux outre-mer, préférant renvoyer à l'ordonnance. Vous avez retiré, lors de la CMP, les quelques maigres amendements que nous avions réussi à arracher en première lecture. Le projet France Travail est devenu ce que nous craignions au départ : un texte de communication politique creux…
En choisissant d'accompagner ce discours, vous prenez une direction dangereuse. Vous laissez à quelques-uns la possibilité de faire croire que, sous prétexte qu'il existe quelques abus et quelques écueils – que ce texte ne résout pas d'ailleurs –, il faut condamner tout le monde.
Puisque nous sommes dans un exercice d'honnêteté intellectuelle, nous relevons avec intérêt la création d'un service public de la petite enfance, mais ce point est très loin de nous permettre de vous suivre sur l'ensemble du texte. Déçus sur le fond, sur la forme et par la méthode adoptée, les députés du groupe LIOT ne le voteront pas. Il nous reste du chemin à parcourir, et des progrès à accomplir ; nous sommes encore loin du but !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à M. le ministre pour soutenir les amendements de coordination n° 1, 2 et 3, qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Ces amendements ont été visés par le rapporteur du Sénat et les deux rapporteurs de l'Assemblée nationale. Il s'agit simplement de corriger des références.
Les amendements n° 1 , modifiant l'article 2, n° 2, modifiant l'article 3, et n° 3, modifiant l'article 9 bis A, acceptés par la commission, sont successivement adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue 169
Pour l'adoption 190
Contre 147
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation. (n° 1823).
La parole est à M. Alexis Izard, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Nous voici une nouvelle fois réunis pour le vote définitif de ce texte qui ne remplit qu'un seul objectif – mais non des moindres –, faire baisser au plus vite les prix dans les rayons de nos supermarchés. En effet, beaucoup de nos concitoyens ont traversé une période d'inflation particulièrement compliquée, synonyme parfois de restrictions, voire de privations.
Au Gouvernement, comme au sein du Parlement, beaucoup a été fait pour limiter autant que possible les impacts de la crise inflationniste sur le panier moyen des ménages. Je pense au trimestre anti-inflation, à l'aide exceptionnelle de rentrée, à la revalorisation des bourses étudiantes et des aides personnelles au logement (APL), au bouclier tarifaire sur le prix du gaz ou encore à l'indemnité carburant.
Il y a un an, certaines hausses de prix étaient inévitables. Si elles n'avaient pas été consenties, c'est tout notre appareil productif français qui aurait été mis en danger face à une hausse majeure et soudaine du prix des matières premières. Mais aujourd'hui, la situation a évolué. Les chiffres récemment publiés par l'Insee nous laissent penser que les prix seront bien à la baisse dans les rayons. Je ne citerai que trois exemples : – 28,2 % sur les céréales, – 27,6 % sur les oléagineux et – 13,3 % sur les œufs entre juillet 2022 et juillet 2023. Le baril de brent a, quant à lui, baissé de plus de 10 % depuis novembre 2022. Enfin, le prix de l'électricité, après une très forte augmentation en 2022, est redescendu et se stabilise.
En clair, nous sommes ici face à des chiffres encourageants, longtemps attendus, et qui doivent désormais trouver des répercussions dans nos supermarchés.
Pour cela, voici un projet de loi simple, constitué d'un article unique dont vous connaissez désormais bien l'objectif : avancer la date butoir des négociations commerciales entre industriels et acteurs de la grande distribution afin de répercuter au plus tôt les baisses de prix dans les rayons. Avec nos collègues sénateurs, nous nous sommes accordés sur l'objectif de faire baisser les prix, tout en laissant un maximum de temps aux industriels et à la grande distribution pour mener des négociations le plus normalement possible.
Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires consolidé est inférieur à 350 millions d'euros, les négociations prendront fin au 15 janvier au lieu du 1er mars. Pour les autres, la date butoir a été fixée au 31 janvier. Le Parlement a donc choisi d'acter une différence entre les grands groupes et les entreprises petites, moyennes et de taille intermédiaire (PME et ETI). Si cette différence existe déjà dans la pratique, avec une majorité de PME signant au 31 décembre, il était important de l'inscrire dans la loi, d'une part pour protéger nos PME, d'autre part pour anticiper nos réflexions sur le fonctionnement des négociations commerciales. Nous nous sommes également entendus sur des dates différenciées d'envoi des conditions générales de vente (CGV), au 21 novembre pour les premières, au 5 décembre pour les autres, afin, là encore, de permettre des négociations sereines.
Chers collègues, je garde en mémoire les débats qui se sont tenus dans cet hémicycle. Certains jugeaient ce texte inopérant, inefficace, trop peu ambitieux – j'en passe. Mais au moment de le voter, je souhaite revenir sur ce qu'est ce texte, et sur ce qu'il n'est pas. Je ne voudrais pas que des confusions ou des imprécisions demeurent.
Soyons clairs : il ne s'agit pas ici d'une nouvelle loi Egalim, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ; il ne s'agit pas davantage d'une réforme qui viserait à supprimer la date butoir des négociations, ou à encadrer les marges des distributeurs et des industriels.
En somme, ce texte ne révolutionne pas le système franco-français des négociations commerciales. Ce que nous nous apprêtons à voter est un texte bien plus simple et, dans l'immédiat, beaucoup plus efficace pour les Français.
Je souhaite saluer de nouveau l'engagement pris par la ministre déléguée Olivia Grégoire de lancer une mission gouvernementale sur une refonte globale des négociations commerciales. Celle-ci se tiendra dans les mois à venir mais il faudra prendre le temps du débat, de la construction, et de l'évaluation des lois Egalim. Nous nous y attacherons.
Mais le porte-monnaie des Français n'attend pas. Il nous revient d'apporter notre aide le plus rapidement et le plus efficacement possible. C'est tout l'objet de ce texte d'urgence, d'un seul article. Je me félicite de cette nouvelle initiative du gouvernement pour accompagner les ménages français dans la crise inflationniste.
Je souhaite remercier les députés et les sénateurs mais également les acteurs du secteur qui se sont mobilisés pour accompagner l'élaboration de ce texte. Vous l'aurez compris, chers collègues, je vous invite à l'adopter définitivement. Je sais que, comme moi, vous ne sous-estimez pas les questions de la vie chère et de l'inflation. Je sais que le combat pour le pouvoir d'achat des Français n'attend pas et qu'il nous importe à tous dans cet hémicycle. Adoptons à une large majorité ce texte pour qu'enfin les Français constatent dans quelques semaines les baisses de prix qu'ils espèrent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, applaudit également.
L'objectif de ce projet de loi était unique et il est atteint. Au nom du Gouvernement et particulièrement d'Olivia Grégoire, qui vous prie d'excuser son absence, étant retenue par une obligation de représentation…
…je tiens à saluer l'accord trouvé en commission mixte paritaire (CMP) la semaine dernière. Ma collègue Olivia Grégoire, qui a défendu ce texte au Parlement, et moi-même en sommes convaincus : ce texte permettra de répercuter plus rapidement dans les rayons des baisses de prix de nombreux produits de grande consommation.
À l'origine de ce projet de loi, on trouve un chiffre – près de 7 % de baisse des prix agricoles à la production en un an – et une corrélation quasi automatique observée depuis des années entre la baisse de prix des matières premières, la baisse des prix de production des industriels et la baisse des prix payés par les consommateurs.
Le cadre régissant les relations commerciales a permis de conserver une certaine stabilité et notamment de lisser en 2022 la répercussion de la hausse des coûts des industriels dans les prix de vente au consommateur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, c'est cette même annualité fixe qui nous empêche aujourd'hui de voir les prix des produits alimentaires redescendre plus rapidement et l'étau sur les achats du quotidien se desserrer.
L'objectif du texte était simple : que les prix en rayon puissent baisser plus rapidement. Je rappelle que l'inflation alimentaire a diminué de plus de 8 points depuis mars 2023. Nous ne pouvions pas attendre le mois de mars prochain, alors que nos concitoyens ont déjà beaucoup trop souffert de cette forte inflation dans leurs courses du quotidien. La position du Gouvernement était donc d'avancer de six semaines les négociations commerciales tout en en préservant la qualité.
En tant que ministre déléguée chargée des PME, Olivia Grégoire a veillé tout particulièrement au sort de ces entreprises. C'est pourquoi, l'an dernier, a été lancé le pacte de solidarité commerciale qui a aidé les PME, dans leurs négociations, à faire passer les hausses de prix liées à l'énergie.
Dès la présentation de ce projet de loi, le Gouvernement a appelé l'ensemble des acteurs à une charte d'engagement afin que les PME soient traitées en priorité. Aussi, lors de la préparation du texte, nous n'avons eu de cesse d'écouter leurs voix, même si elles n'étaient pas unanimes. Les débats parlementaires ont privilégié l'inscription dans la loi de deux dates butoirs distinctes afin que les PME concluent leurs négociations quinze jours avant les autres ; nous en prenons acte.
Nous appelons d'ailleurs solennellement les entreprises qui ne l'auraient pas déjà fait à envoyer le plus rapidement possible leurs conditions générales de vente pour que la négociation puisse se réaliser dans les meilleures conditions. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), une cinquantaine de grands fournisseurs ont confirmé l'avoir fait, gage que les négociations pourront se dérouler à temps.
L'accord trouvé en CMP a également acté l'exclusion des distributeurs d'outre-mer du dispositif. Je réitère ici l'engagement du gouvernement à faire accélérer les discussions autour du bouclier qualité prix pour que nos concitoyens ultramarins bénéficient d'une anticipation des baisses la plus rapide possible. Une circulaire est d'ailleurs en cours de préparation, en lien avec les services du ministre délégué chargé des outre-mer.
Mesdames et messieurs les députés, lorsqu'il s'agit de protéger le pouvoir d'achat des Français, chaque jour compte. L'accord trouvé sur ce texte en témoigne. Anticiper les baisses et préserver la qualité des négociations pour nos entreprises : tel est l'objectif sur lequel nous nous sommes accordés ; je vous en remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5 du règlement.
Chers collègues, nos débats devraient légèrement dépasser vingt heures. Je n'ai aucune obligation de prolonger la séance au-delà, or le présent texte n'est pas inscrit à l'ordre du jour de la séance de ce soir. Je vous invite donc à juger de l'opportunité d'exprimer ou non vos explications de vote sur la motion de rejet préalable.
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Chaque jour compte pour rendre du pouvoir d'achat aux Français. Tous les acteurs du secteur vous alertent : l'anticipation des négociations commerciales ne fera pas baisser les prix, ou pire, les fera augmenter.
Vous persistez malgré tout dans cette idée. Pourtant, il y a urgence à agir. Les ménages sont essorés face à l'augmentation des prix alimentaires, de l'énergie ou encore des loyers. Dans le panier de courses, les trente-sept produits du quotidien coûtaient 20 euros plus cher en août 2023 qu'un an auparavant. Un Français sur six ne mange pas à sa faim. Les Restos du cœur s'attendent à servir 170 millions de repas cette année, soit 30 millions de plus qu'en 2022. Pour la première fois, 150 000 personnes ne pourront pas être servies par cette association, et la quantité de produits distribués aux autres diminuera. Les files d'attente des associations d'aide alimentaire grossissent, car les prix augmentent alors que les salaires ne suivent pas.
Le Secours catholique a publié il y a quelques jours son rapport sur l'État de la pauvreté en France 2023 : la situation s'aggrave. En tenant compte de l'inflation qui érode le pouvoir d'achat, le niveau de vie médian des ménages rencontrés a reculé de 7,6 % en un an. Les premières victimes de la pauvreté sont les femmes, surtout celles qui ont des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Dans ce rapport, une femme témoigne : « Même si je ne mange pas, l'essentiel, ce sont mes enfants. » La situation est dramatique. Dans la septième puissance mondiale, les femmes se privent de nourriture pour leurs enfants !
Et que dire du sort des étudiants ? Leur budget est asséché par les loyers qui ont explosé. Bien se nourrir est un luxe pour ceux qui sont censés être l'avenir du pays. Les abandonner à ce triste sort est une faute politique majeure. Il ne faudra pas venir pleurer, dans quelques années, devant la fuite des cerveaux ! Les ménages français risquent la faillite – cette situation est véritablement inquiétante.
Dans le même temps, on apprend que les Français ne pourront plus utiliser leurs titres restaurant pour faire leurs courses.
Les personnes qui n'ont que cette solution pour se nourrir ne pourront plus acheter ni viande, ni pâtes ; elles devront se contenter de plats préparés dont les apports nutritifs sont loin d'être équivalents.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Face à cette situation dramatique, votre gouvernement est en faillite politique. Tout ce que vous avez à proposer est l'avancée des négociations commerciales de quarante-cinq jours pour les plus petites entreprises, et de trente petits jours pour les grands groupes. C'est à se demander si, à l'arrivée des fêtes de fin d'année, vous ne tentez pas de réinventer le calendrier de l'Avent ! Vos actes ne sont pas à la hauteur de la détresse des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'avancée de quarante-cinq jours ou de trente jours des négociations commerciales n'a rien d'une mesure d'urgence, ni même d'une mesure efficace. Votre libéralisme radical fait peur, monsieur le ministre délégué. Encore une fois, vous croyez que le marché réglera tout, et que le renard finira par serrer la patte de la poule ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
mais quelle que soit la durée de la négociation commerciale, sans encadrement des marges et des profits, le grand groupe industriel mangera le petit agriculteur, la grande distribution étouffera la PME de l'agroalimentaire, et en bout de chaîne, les Français ne pourront pas se nourrir à leur faim.
Mêmes mouvements.
Votre libéralisme, c'est la loi de la jungle ! Vous êtes responsables de l'augmentation de l'inflation alimentaire quand vous refusez de faire le choix politique de stopper cette spirale inflationniste.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Des solutions, il y en a, mais certainement pas la mesurette qu'est ce texte. Et pendant que nous discutons d'un projet de loi vide de sens, les prix alimentaires, eux, continuent d'augmenter.
C'est pourquoi le groupe La France insoumise – NUPES a déposé une motion de rejet sur ce texte qui n'est qu'une perte de temps : vous demandez aux multinationales de l'agrobusiness de bien vouloir renégocier avec la grande distribution pour faire baisser les prix – ces mêmes multinationales qui se sont gavées toute l'année sur le dos de l'inflation !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous préférez les courbettes au courage politique. Quelle sera la prochaine étape ? Notre bon président va-t-il inviter les riches PDG à Versailles pour leur demander de faire un petit effort ?
Mêmes mouvements.
Les industries agroalimentaires ont vu leurs taux de marge augmenter de 71 % en un an et demi. Si elles n'avaient pas gonflé leurs marges, les prix de la production alimentaire auraient crû deux fois moins vite depuis le début de l'année 2022. Or visiblement, ils ne sont pas près de s'arrêter. Tous les spécialistes du secteur parlent de prix en hausse. Où sont les baisses de prix que vous avez promises ? Ce qui est cynique, dans ces négociations commerciales, c'est que pour compenser la hausse du prix du Coca-Cola ou du Sprite, les grandes surfaces exercent une pression insensée sur les agriculteurs pour qu'ils réduisent leurs prix sur les produits non transformés.
Mêmes mouvements.
Nous sommes bien loin de vos affirmations d'il y a quelques semaines, sur ces bancs, selon lesquelles les coûts de production allaient diminuer. C'est faux : les prix de l'énergie augmenteront encore en 2024, comme ceux de certaines matières premières agricoles.
Toutefois, la principale raison de l'augmentation des prix, c'est encore et toujours la hausse des profits des grands groupes. Les profits de Coca-Cola ont crû de 13 % au 1er
Croyez-vous vraiment que ceux qui nourrissent l'inflation alimentaire depuis des mois vont s'arrêter maintenant ? J'ai posé cette question lors de l'examen du texte en commission ; je crois que nous avons maintenant notre réponse. Il ne suffit pas de dire que les prix doivent baisser, comme le fait Bruno Le Maire.
Et si les prix augmentent, l'argent est loin de ruisseler jusqu'aux producteurs. Malgré ce que vous voulez nous faire croire, les agriculteurs risquent une nouvelle fois d'être la variable d'ajustement des industriels pour faire baisser leurs prix. La loi Egalim 2 devait assurer la prise en compte des coûts de la production agricole, mais il n'en est rien. Les agriculteurs vous le disent, et vous ne faites rien pour que cette mesure soit respectée.
Rendez-vous compte : alors que la vente à perte est interdite par le code du commerce, vous ne faites rien pour que les agriculteurs soient rémunérés à la hauteur de leur travail ! Les syndicats agricoles dans leur ensemble ne veulent pas de ce projet de loi. Quant aux Jeunes Agriculteurs (JA), ils estiment que ce texte repose sur une analyse hasardeuse du marché et qu'il constitue un risque pour le dispositif construit avec Egalim. Les syndicats agricoles réfutent également l'argument de la diminution des coûts de production. Les derniers chiffres de l'Insee révèlent d'ailleurs une hausse significative des charges pour les agriculteurs. Vous allez donc accélérer la hausse des prix alimentaires.
Les distributeurs le disent, les transformateurs le disent, tous les syndicats agricoles le disent : ce texte n'a aucune utilité.
Pourtant, des vraies solutions pour lutter contre l'inflation, il y en a : les salaires doivent augmenter à la hauteur de l'inflation, et les marges des industriels et de la grande distribution doivent être bloquées à un niveau plus bas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons déposé deux textes à ce sujet à l'occasion de notre niche parlementaire : nous proposons donc de vraies mesures pour lutter contre l'inflation. Sans cela, la situation ne s'améliorera pas. Il est grand temps d'agir et d'être à la hauteur des enjeux. Arrêtons de perdre notre temps, et débattons de vraies solutions !
Vous tentez de nous faire croire que vous êtes des experts en économie…
… et que vous prenez une mesure d'urgence ; en réalité vous proposez un gadget technocratique qui n'aura aucun effet. Celui ou celle qui se débat avec 900 euros de retraite le sait pertinemment, et se fiche de la durée des négociations commerciales. Il en sera d'autant plus convaincu quand il verra que le coût de la vie ne cesse d'augmenter. Il comprendra alors qu'il n'a qu'une solution : ressortir le gilet jaune du coffre de son auto et retourner sur les ronds-points. Nous serons avec lui !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je laisse le temps aux derniers arrivants de regagner leurs places, et nous considérerons que les cinq minutes sont écoulées.
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 174
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 47
Contre 101
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Vous nous invitez à donner notre assentiment à un projet de loi visant à avancer de quelques semaines les négociations commerciales annuelles de la grande distribution, l'objectif étant de permettre aux consommateurs de bénéficier au plus tôt de la baisse de certains prix alimentaires.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a déjà déclaré qu'avec cette seule mesure, les prix allaient baisser de 5 % à 15 % selon les produits, alors même que dans de nombreuses filières, les coûts de production ne reculent pas, et que les prix de l'énergie devraient se maintenir à un niveau haut – en raison, d'ailleurs, de votre refus de réguler les prix de l'électricité et du gaz pour les entreprises.
Pire, la boulimie de profit des transnationales de l'agroalimentaire ne connaît pas la crise. Ces dernières réclament déjà des hausses de 10 % à 15 % par rapport aux prix fixés en début d'année 2023. Simple opération de communication en période de rentrée scolaire, ce texte risque de fournir de nouveaux leviers pour accélérer la hausse des prix en rayon.
En continuant de tout miser sur les seules négociations commerciales, il se révèle même plus dangereux qu'il n'en a l'air. Tout d'abord, le Gouvernement n'a tiré aucune leçon des effets de l'inflation sur la dégradation sans précédent de la qualité de l'alimentation des Français. C'est d'autant plus irresponsable que le texte se limite à un nouvel acte de foi dans les vertus de la grande distribution. Après le trimestre anti-inflation de mars dernier, au service des marques distributeurs, vous mettez désormais la grande distribution en position de force dans la négociation, alors que ses pratiques marketing sont toujours plus inquiétantes pour la qualité diététique, mais aussi sanitaire et environnementale des produits.
Ensuite, il faut le dire : avec cette anticipation des négociations commerciales, vous tournez le dos au principe même de la loi Egalim et de la construction du prix à partir des coûts de production de l'amont agricole.
Je partage ainsi pleinement les craintes exprimées par l'ensemble des syndicats agricoles. Les agriculteurs ne doivent pas servir de variable d'ajustement ni subir de pression pour faire baisser leurs prix, alors que les coûts de production n'ont pas diminué.
Ces constats confirment que votre bricolage n'actionne pas les bons leviers. Si votre objectif est réellement de contraindre les grandes entreprises, qui ont dopé leurs marges dans des proportions ahurissantes ces derniers mois, la puissance publique doit intervenir pour encadrer les marges. C'est tout à fait possible !
Les parlementaires communistes le défendent depuis très longtemps, notamment avec l'application d'un coefficient multiplicateur entre les prix d'achat au producteur et les prix de vente au consommateur. Ce dispositif existe dans le code rural ; encore faut-il l'appliquer et l'étendre à tous les produits alimentaires pour contrer efficacement les logiques spéculatives.
Il faudrait pour cela que l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires se transforme en une véritable régie publique, agissant comme une régie d'intervention sur les prix alimentaires.
Contrôler les prix, intervenir sur les marges, sécuriser la chaîne de valeur du producteur jusqu'au consommateur, telle serait une politique cohérente et efficace. Hélas, j'ai bien conscience que ce n'est pas là le cœur du logiciel obsessionnellement libéral qui guide le Gouvernement.
Le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui sera impuissant à équilibrer la chaîne de valeur au bénéfice des producteurs et des consommateurs, et impuissant à conjurer les effets d'aubaine à l'origine de la boucle profit-prix qui menace actuellement l'économie française.
Des améliorations ont certes été apportées, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, pour ne pas laisser de côté les PME, et leur permettre de négocier plus tôt que les grands groupes. Toutefois, sans encadrement des marges, nous continuerons, texte après texte, à brasser du vent.
C'est pourquoi nous voterons contre ce texte.
Enfin, si nous souhaitons permettre à chacun de consommer des produits français et locaux de meilleure qualité, nous n'échapperons pas au débat sur l'augmentation des salaires et leur indexation sur l'inflation : 87 % des Français s'y déclarent favorables !
Le Gouvernement, comme le Medef, devrait répondre à cet impératif social et économique, plutôt que de plonger des millions de Français dans la pauvreté, et laisser les ménages sans autre solution que de rogner constamment sur leurs dépenses alimentaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Permettre aux consommateurs de continuer à remplir correctement le caddie quotidien doit inviter à des mesures fortes, face à une inflation qui dévore le pouvoir d'achat.
Il y a urgence lorsque l'on sait qu'en trois ans, la part de l'alimentaire dans le budget des ménages est passée, en moyenne, de 13 à 19 %, et qu'un tiers des Français n'a plus les moyens de manger trois repas par jour.
En matière de baisse des prix, il n'y a pas de solutions faciles ; mais vous péchez par manque de volonté. Pour le pouvoir d'achat, vous faites beaucoup d'annonces, mais la plupart sont abandonnées en chemin ou n'ont aucun effet. Dois-je vous rappeler la fausse bonne idée de la vente à perte du carburant ou celle de la vente à prix coûtant ? Ou le trimestre anti-inflation, qui n'aura servi qu'à modérer quelques hausses de prix sans que le consommateur n'en ressente l'effet sur son panier ?
Ces deux ans d'inflation se sont traduits par deux ans d'incantations gouvernementales. Ce texte en est le dernier exemple, qui fait figure d'ultime supplique au monde économique.
En avançant la date d'échéance des négociations commerciales, vous espérez que la baisse des cours de certaines matières premières se traduira par une diminution des prix dans les rayons. Vous renvoyez ainsi à la grande distribution la responsabilité de peser à la baisse sur les prix.
Dès l'origine, nous étions sceptiques quant à ce projet de loi ; nous le sommes toujours, même si nous reconnaissons que le travail législatif a permis de limiter certains effets de bord.
Ainsi, le Sénat a reculé la date butoir de fin des négociations pour les PME et les ETI. C'est une bonne chose : la date du 31 décembre 2023, trop proche, exposait ces entreprises à des amendes pouvant atteindre 1 million d'euros en cas de non-respect de la date limite.
Reste qu'en décalant de deux semaines les négociations des grands groupes, ce ne sont plus six, mais seulement quatre semaines que vous entendez gagner sur l'inflation.
Un autre apport sénatorial a été de clarifier le seuil du chiffre d'affaires pertinent en France et à l'international. Cela évitera que des multinationales puissent négocier aux côtés des PME et des ETI, et prennent leur place dans les rayons des magasins.
En dépit de ces améliorations, notre opinion sur le projet de loi n'a pas varié. Nous y voyons toujours un facteur de complexification des relations commerciales, au résultat incertain.
Par ailleurs, certains parmi ceux – industriels ou distributeurs – qui militaient pour l'avancement de ces négociations commerciales se disent désormais moins optimistes. Ce ne sont plus des baisses de prix qui sont promises par la grande distribution, mais une hausse de 1 % ou de 2 %.
Ce que nous craignions risque de se produire. L'avancée des dates ne pèsera pas lourd face aux facteurs dont vous ne tenez pas compte.
D'abord, les matières premières agricoles ne connaissent pas toutes une baisse : pour le lait, l'huile d'olive, le cacao ou le sucre, il faut plutôt s'attendre à des hausses dans les prochaines semaines. De même, le coût de certaines matières premières industrielles connaît encore aujourd'hui une augmentation. L'augmentation des salaires, notamment du Smic qui a renchéri de près de 10 % depuis le début de l'année 2022, devrait aussi se traduire dans les prix. Enfin, les événements en Israël ont conduit à une augmentation du prix du gaz de plus de 26 % en quelques jours.
Ce projet de loi restera donc comme une énième promesse, de celles que vous faites aux Français sans pouvoir les tenir. Ce pari, sans garantie de résultat pour les consommateurs, les contraindra à attendre des jours meilleurs. Or nous ne pouvons cautionner un manque de volonté politique sur la question du pouvoir d'achat. C'est pourquoi le groupe LIOT s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
À l'occasion de la discussion générale en première lecture, j'avais employé le mot d'humilité ; c'est, je crois, un terme à réemployer ce soir.
Humilité d'abord, parce que la question du pouvoir d'achat est complexe et difficile. Nombre de nos compatriotes souffrent et ont du mal à boucler leurs fins de mois, ayant pris plein fer une inflation alimentaire qui pèse sur leur quotidien.
Humilité ensuite, parce que derrière les produits et les rayons de nos supermarchés, il y a des agricultrices et des agriculteurs qui permettent à la France d'être souveraine en matière alimentaire.
Sous la question du prix bas se pose toujours la question du prix juste.
Humilité enfin, parce que nous ne sommes pas dans une économie administrée,…
…mais dans une économie libre. Si nous pouvons encadrer la durée et la date des négociations commerciales, nous ne serons pas pour autant à la table des directeurs d'achat de Leclerc, Système U et autres Carrefour pour mener les négociations avec les différents producteurs.
Aujourd'hui, nous ne pouvons qu'écouter les distributeurs et les représentants des producteurs lorsqu'ils se montrent confiants sur leur capacité à sortir favorablement de ces négociations. Contrairement à ce que certains ont pu dire, de nombreux patrons de la grande distribution ont mis en avant leur capacité à négocier des prix à la baisse, qui se répercuteront dans les rayons.
Face à la baisse du prix de certaines denrées alimentaires, du prix du carton d'emballage ou des produits énergétiques, nous souhaitons avancer de quelques semaines ces négociations afin que les consommateurs puissent bénéficier le plus rapidement possible de la baisse des prix.
Ce projet de loi nous impose un peu d'honnêteté : nous ne sommes pas là pour révolutionner quoi que ce soit, et ce projet de loi ne restera probablement pas dans l'histoire.
Ce n'est pas un aveu, c'est de l'honnêteté.
Néanmoins, ce projet de loi a permis de poser les bonnes questions, et de faire apparaître certains points de consensus. Je pense au débat sur les marges : le Président de la République a annoncé une grande conférence…
…à la suite d'Egalim 1, d'Egalim 2 et de la loi Descrozaille, pour aborder cette question cruciale.
Je pense également à la question de la différenciation : nous avons eu, avec le député Jérôme Nury, un débat nourri quant à savoir si une date distincte était nécessaire pour les PME d'une part, les très grands groupes d'autre part. L'une des innovations du projet de loi tient à l'instauration de deux dates différentes de négociations, afin de mieux protéger les petits producteurs face aux multinationales.
Pour conclure, je reprendrai la piste évoquée par la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Dominique Estrosi Sassone : prenons ce projet de loi comme une expérimentation. Il devrait constituer la première pierre d'un débat à tenir sur les marges, sur la façon dont nous rémunérons les agriculteurs, sur la façon de gérer ces négociations commerciales, la France étant le seul pays à disposer d'une date fixe, qui s'impose à tout le monde jusqu'à la fin de l'année.
Le groupe Renaissance votera évidemment pour ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
C'est un bien étrange projet de loi qui aura été soumis à notre examen : face à l'inflation galopante, il ne nous est proposé que d'avancer de quatre à six semaines la date de clôture des négociations commerciales entre fournisseurs de produits de grande consommation et distributeurs.
En deux ans, l'inflation est passée d'un niveau quasi nul fin 2021 à 6 % en 2023. Cette moyenne générale cache une réalité plus inquiétante encore dans le détail, puisque les prix de l'alimentation, par exemple, ont bondi de près de 22 % depuis un an.
Les Restos du cœur, devant l'afflux de nouveaux demandeurs, prévoient de restreindre les conditions d'accès à leurs repas. La précarité alimentaire gagne chaque jour du terrain, dans un pays qui compte désormais dix millions de pauvres, alors qu'un Français sur trois déclare ne pas manger à sa faim et qu'un Français sur deux se prive de viande ou de fruits et légumes frais.
Le Gouvernement a multiplié les gestes inutiles, les slogans et les projets fantaisistes. M. Bruno Le Maire a demandé aux géants de l'industrie de bien vouloir « faire des efforts » tout en annonçant avoir « gagné la première manche contre l'inflation », pour conclure « la crise est derrière nous ». Autant de demandes restées vaines et d'analyses contredites par les faits. Pendant que le Gouvernement tâtonne, les Français s'enfoncent dans la précarité.
La première mesure prévue dans ce projet de loi était pour le moins originale : demander à la grande distribution de vendre son carburant à perte.
Il ne s'agissait pas, pour les enseignes de renoncer à dégager des bénéfices, mais bien perdre de l'argent – qui plus est sur un produit dont 60 % du prix est constitué de taxes. Bizarrement, l'idée n'a suscité aucun enthousiasme chez les distributeurs et a donc été abandonnée.
Reste une mesure sur laquelle nous devons voter, plus modeste, mais tout aussi hasardeuse : avancer de quatre à six semaines les négociations commerciales.
L'idée est, à en croire l'exposé sommaire, que « les prix de gros devraient baisser en 2024 pour un nombre important de produits de grande consommation » et que « les prix de vente au consommateur devraient également diminuer », et donc qu'il suffirait « d'avancer le cycle annuel des négociations commerciales afin de faire bénéficier les consommateurs de ces nouveaux prix de vente ».
Il y a cependant deux problèmes. Sur le principe, on peine à discerner en quoi le fait d'avancer de quelques semaines les négociations commerciales aurait un effet quelconque sur le prix des biens offerts à la consommation.
La question est importante : sur quoi se fonde le Gouvernement pour penser que conclure un contrat en janvier rendrait les produits moins chers au consommateur que s'il était conclu en mars ?
On perçoit d'autant moins la logique que, si « les prix de gros devraient baisser en 2024 », comme l'affirme le Gouvernement, il faudrait au contraire retarder ces négociations et non les avancer au tout début d'une année qui, selon lui, s'annonce si faste.
Sur le fond, ensuite, absolument rien ne dit que les prix des produits de consommation baisseront. Pour les industriels, en effet, les coûts de production ne diminuent pas. Les énergies sont chères, les salaires augmentent et des investissements sont à fournir en matière de responsabilité sociale des entreprises – la fameuse RSE –, ou encore pour se conformer aux objectifs de décarbonation. Les charges ne manquent pas.
Les grandes enseignes ont déjà annoncé vouloir augmenter leurs prix de 10 %, en raison notamment de l'accroissement des coûts de matières premières telles que l'huile d'olive, le sucre, le cacao ou les oranges. Michel-Édouard Leclerc a ainsi prévenu que les premières conditions générales de vente proposées par les industriels pour 2024 incluaient des hausses de prix de 5 à 25 %. Coca-Cola France, par exemple, vient d'annoncer aux distributeurs une hausse du prix de ses boissons de 7 %.
De plus, nous avons appris que les titres restaurant ne pourront plus être utilisés pour acheter des produits alimentaires non directement consommables, comme les pâtes ou la viande. C'est une nouvelle débandade, avant même le vote de ce texte.
Ce qu'il faut, ce sont des mesures vigoureuses et concrètes, comme l'instauration d'une TVA à 5,5 % sur l'essence, le fioul, le gaz et l'électricité – qui seraient donc considérés comme des produits de première nécessité –, et à 0 % sur les produits alimentaires de base.
Il faut aussi une vision d'ensemble, en recréant les conditions de la prospérité grâce au patriotisme économique et au rétablissement de notre souveraineté industrielle et énergétique. Ce sont autant de mesures figurant dans le programme présidentiel de Marine Le Pen que le groupe RN défend à l'Assemblée nationale, mais que le Gouvernement et la majorité se refusent à envisager.
Étrange projet de loi donc, dont le seul but est probablement de donner au Gouvernement la possibilité de s'attribuer le mérite d'une baisse des prix si d'aventure elle se produisait, et de rejeter la faute sur les acteurs économiques si elle ne survenait pas.
En réalité, le Gouvernement n'aura rien fait d'autre qu'esquisser un geste avant de rester les bras ballants. Le groupe Rassemblement national se refuse à prendre part à cette agitation inutile et s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mesdames et messieurs du Gouvernement, vous êtes décidément des Tartuffe ! Vous nous demandez de nous prononcer sur un projet de loi dont vous osez prétendre qu'il contient des « mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation », alors qu'il ne fait qu'aménager à la marge la bureaucratie des négociations entre industriels et grandes surfaces. Il s'agit d'ailleurs de votre seul texte – le seul, j'insiste – qui vise à répondre à la flambée des prix alimentaires, texte par ailleurs inutile et incompréhensible. Vous ne faites rien d'autre que des supplications à la porte des grands patrons : c'est lamentable !
Aux termes de la dernière version du texte, vous, les Tartuffe,...
Ce n'est pas la peine de traiter tout le monde de Tartuffe ! On est d'accord ou on ne l'est pas !
...soutenez l'idée, parfaitement absurde pour peu qu'on y réfléchisse un peu, selon laquelle avancer la date des négociations commerciales entre la distribution et les industriels permettra de faire baisser les prix plus vite. Vous me suivez ?
Vous faites ainsi l'hypothèse que les prix seraient en train de baisser, sauf que c'est complètement faux. L'extrême droite semble avoir du mal à me suivre, mais ce n'est pas grave.
Applaudissement sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, RN et Dem.
Je serai très claire : les prix vont augmenter. Le Coca-cola augmentera de 7 %, l'annonce a été faite hier par la multinationale elle-même par voie de presse, mais aussi par le porte-parole d'une grande enseigne.
Les prix des produits de Mondelez, grande marque américaine de biscuits et de chocolat, progresseront de 15 %.
…tandis que ceux des produits de L'Oréal croîtront de 10 %. Voilà ce qu'indiquent les premières offres communiquées aux distributeurs par les grands groupes, lesquels – ô surprise ! – demandent des augmentations de tarifs.
Je le répète, les prix sont en train d'augmenter, aussi la conséquence de votre projet de loi sera-t-elle de faire monter les prix plus vite, plutôt que de les faire baisser. Ce texte risque ainsi d'être le premier de l'histoire à accélérer l'inflation !
Pourquoi ces prix imposés par les industriels augmentent-ils et continueront-ils d'augmenter, me demanderez-vous ? D'abord, parce que les coûts de production ne vont pas baisser. Qu'il s'agisse de l'énergie ou encore des matières premières d'emballage, ils resteront au plus haut. Et surtout, les marges des multinationales vont continuer de grimper.
Le 6 novembre, la ministre déléguée Olivia Grégoire a indiqué que les prix mondiaux du blé, du tournesol et du maïs étaient en baisse, ce qui devrait se traduire par des diminutions de prix dans les rayons. J'ai trop de respect pour elle, qui est d'ailleurs chargée du commerce, pour penser qu'elle croit en ce qu'elle dit, car nous savons que, bien souvent, une baisse des prix agricoles n'induit pas une diminution des prix alimentaires. Pourquoi ? Parce que les multinationales de l'agroalimentaire, à qui vous laissez les pleins pouvoirs, continuent d'augmenter leurs marges et, partant, les prix de leurs produits. En dix-huit mois, les marges ont plus que doublé.
Je terminerai par le clou du spectacle, la plus grande des tartufferies du Gouvernement. Pendant que vous nous faites perdre du temps avec ce projet de loi – dans le meilleur des cas inutile –, vous décidez d'empêcher les gens d'acheter de quoi manger, comme des pâtes, du riz ou des légumes, avec leurs titres restaurant. Ils pourront toujours s'acheter un mauvais sandwich Sodebo, mais pas des produits de base, sains et moins chers.
Précisons que cette annonce intervient à l'heure où le pays a faim, à l'heure où une personne sur trois déclare sauter des repas, faute d'argent, et le même jour que la sortie du rapport du Secours catholique sur l'État de la pauvreté en France 2023 qui nous apprend que le niveau de vie des plus précaires – les femmes, les enfants et les malades étant les plus nombreux d'entre eux – a chuté de 8 % en un an.
LFI qui cite le Secours catholique : je ne comprends plus rien ! Vous êtes sûre que ce n'est pas le Secours populaire ?
Si vous abandonniez votre politique de Tartuffe, voici ce que vous pourriez faire pour aider nos compatriotes face à l'inflation et, en l'occurrence, ce que nous ferons quand nous gouvernerons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN, LR et Dem.
Avec Jean-Luc Mélenchon, sans doute, nous indexerons d'abord les salaires sur l'inflation, comme le font nos voisins belges et luxembourgeois. Une telle mesure éviterait que les salaires ne s'effondrent, comme c'est le cas depuis deux ans : nous la proposerons d'ailleurs lors de notre niche parlementaire du 30 novembre.
Ensuite, nous agirons sur la cause principale de la hausse des prix de l'énergie et de l'alimentation, reconnue par la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) eux-mêmes : l'envolée des marges des grands groupes. Pour ce faire, il n'y a d'ailleurs pas trente-six solutions efficaces : il faut contrôler ces marges, chose que nous proposerons également le 30 novembre avec une proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Pour rebondir sur ce que disait le rapporteur tout à l'heure, je souhaite bonne chance à la majorité et au Gouvernement pour convaincre nos concitoyennes et nos concitoyens que l'inflation baisse, alors qu'il ne s'agit en réalité que d'un ralentissement de la hausse...
M. Dominique Potier applaudit
toutes les personnes qui font leurs courses le constatent.
Les cris de victoire de Bruno Le Maire, qui prétend que l'inflation est jugulée, ne sont pas seulement prématurés : il se trompe, tout comme il se trompait en prétendant à cette tribune que l'inflation serait temporaire, ou encore quand il assurait qu'il n'y avait pas de « profiteurs de l'inflation dans l'alimentaire ». Alors que même Christine Lagarde a reconnu une erreur dans les modèles macroéconomiques de la Banque centrale européenne s'agissant de l'inflation,...
...ce n'est pas le cas du ministre de l'économie de la France qui, depuis le début, ne cesse de se tromper.
Ce doit être un moment difficile pour les collègues de la majorité de constater que chaque fois qu'il faudrait réguler, encadrer, réglementer, les tenants du laisser-faire s'y opposent et finissent par avoir gain de cause.
Interrogée à la radio fin octobre sur ce projet de loi, la ministre déléguée Olivia Grégoire ne dénonçait-elle pas les acteurs industriels qui, selon ses propres mots, « ne jouent pas le jeu » alors qu'ils promettaient que les prix baisseraient grâce aux négociations commerciales elles-mêmes ? Après les avoir entendus et fait ce qu'ils demandaient, elle appelait de leur part, et non sans agacement, « un peu de cohérence », constatant que le compte n'y était pas. Les prix des matières premières agricoles ont en effet baissé de 7 % en moyenne, tandis que les prix des produits alimentaires ont continué de progresser de 7 % cette année – hausse qui s'élève à 18 % depuis 2022.
Nul ne peut reprocher au Gouvernement d'avoir, dans un premier temps, cherché à dialoguer avec les acteurs économiques. En effet, l'économie ne se manie pas par la brutalité, sans discuter. Mais elle ne fonctionne pas non plus par le seul miracle de la courtoisie et de discussions de salon entre gens de bonne compagnie. Elle est affaire de rapports de force qui, au nom de l'intérêt général, appellent des règles et de la régulation.
Ce projet de loi est ainsi le symbole d'une politique infantile qui se contente de demander aux acteurs industriels de faire un geste pour que les Français puissent manger à leur faim. C'est l'échec d'une méthode face à des oligopoles puissants – méthode qui consiste à fermer les yeux sur la profitation, fait pourtant reconnu par la Banque centrale européenne depuis le printemps dernier. Cette dernière souligne en effet que certaines entreprises ont augmenté leurs marges au-delà de ce qui était nécessaire pour absorber la hausse des coûts, les deux tiers de l'inflation actuelle étant, dit la BCE, dus au comportement d'entreprises qui ont augmenté leurs prix.
La profitation est également reconnue par l'Autorité de la concurrence, qui assure disposer d'« un certain nombre d'indices très clairs et même plus que des indices, des faits, qui montrent que la persistance de l'inflation est en partie due aux profits excessifs des entreprises qui profitent de la situation actuelle pour maintenir des prix élevés ».
Cependant, elle ne l'est pas par le Gouvernement, et ce malgré le niveau historique des marges de l'industrie agroalimentaire, qui se sont élevées à 48,5 % au deuxième trimestre 2023 ; malgré la hausse de 16 % des incidents de paiement recensés par la Banque de France ; malgré 9 millions de personnes en situation de privation matérielle et sociale et l'explosion de la pauvreté ; malgré le recul des salaires réels sur sept trimestres consécutifs depuis 2021.
Votre faute politique est de croire naïvement à la force des engagements volontaires, là où s'impose la nécessité de la loi pour imposer la transparence, le plafonnement et l'encadrement des marges. Même de simples engagements, il n'en est plus question, puisque la promesse faite par le Président de la République le 24 septembre d'un « accord sur la modération des marges » a disparu des écrans radar. Il en va de même de la liste des 5 000 produits à prix bloqués ou réduits annoncée par Bruno Le Maire à la télévision le 31 août : cette liste est introuvable, au point qu'on en vient à se demander si elle n'est pas fictive.
Chers collègues, avec ce projet de loi, le Gouvernement continue de se contenter d'un service minimum contre la vie chère.
Nous sommes entrés dans un nouveau régime d'inflation qui appelle une action déterminée contre la profitation et pour les salaires. Au lieu de quoi, vous n'agissez ni sur les prix, ni sur les salaires, dans la mesure où vous avez choisi d'enliser la conférence sociale dans un agenda lointain, renvoyant toute action sur les bas salaires à une clause de revoyure prévue dans huit mois.
Le groupe écologiste votera donc contre ce projet de loi, qui est un texte d'impuissance face aux marges et aux dividendes records qui conduisent à une explosion du mal vivre et de la pauvreté.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Nous achevons l'examen d'un projet de loi dont la portée était à l'origine purement conjoncturelle, mais qui pourrait finalement faire date dans l'histoire des négociations commerciales dans notre pays. Intervenant dans un contexte de baisse de prix de certaines matières premières, baisse grâce à laquelle nos compatriotes devraient retrouver un niveau d'inflation plus habituel l'an prochain, l'anticipation des négociations doit permettre d'accélérer la baisse des prix dans les supermarchés.
Cette anticipation des négociations s'accompagne d'un engagement – sous l'égide du Gouvernement – des distributeurs et des fournisseurs de ne pas répercuter la moindre hausse de prix sur un large éventail de 5 000 produits. Le Gouvernement agit donc concrètement pour réduire l'impact de l'inflation sur nos compatriotes les plus fragiles financièrement, ce que le groupe Démocrate tient à saluer.
Au-delà de la question de l'inflation, les débats parlementaires ont permis de poser de nouveau la question de la structuration des négociations commerciales dans notre pays. Le système en vigueur soulève plusieurs interrogations. Devons-nous faire négocier les grands groupes en même temps que les PME ? Devons-nous conserver la date butoir du 1er mars ou laisser aux acteurs la possibilité de négocier toute l'année ; si oui, dans quel cadre ? Les règles doivent-elles uniquement concerner le secteur agroalimentaire ? Quelle protection devons-nous apporter aux petits producteurs et aux agriculteurs dans un contexte économique difficile et de transition écologique ?
La grande distribution alimentaire est dirigée par quelques enseignes en situation d'oligopole, ce qui crée un rapport de force avec les industriels de moyenne et de petite tailles. Pour ces enseignes, la course aux parts de marché est lancée. Pour certaines d'entre elles, c'est la course aux prix les plus bas, que Leclerc mène en tête. Mais à quel prix pour nos agriculteurs, qui ne vivent pas tous de leur activité ? À quel prix pour les consommateurs qui mangent des produits de mauvaise qualité, avec un impact direct sur leur santé ?
En tant que législateurs, notre rôle est de trois ordres : garantir aux consommateurs une alimentation de qualité, accessible à tous ; permettre le renouvellement générationnel des agriculteurs, en faveur d'une alimentation plus souveraine et durable, tout en les rémunérant justement ; ne pas basculer dans une économie administrée, dont nous aurons l'occasion de débattre dans quelques jours. L'équation est difficile à résoudre.
Face aux distributeurs, les négociations impliquent les grandes marques, bien connues des consommateurs, mais aussi les PME. Souvent créatrices de produits de meilleure qualité pour l'environnement et la santé, celles-ci doivent se faire une place dans ce marché hyperconcurrentiel.
C'est un difficile équilibre, et nous avons tenté de le respecter, grâce à l'adoption d'un amendement du groupe Démocrate – soutenu par plusieurs groupes – visant à instaurer, dans les négociations à venir, une date butoir différente pour les PME-ETI et pour les grands groupes. Cette différenciation permettra, je l'espère, aux PME-ETI de mieux négocier leur visibilité dans les rayons, alors que le contexte économique aurait tendance à les évincer. Il s'agit de privilégier l'accès des consommateurs à des produits locaux de qualité, et créateurs d'emplois dans nos territoires.
Mais le projet de loi pose de nombreuses autres questions – notamment celle de l'opportunité de proroger cette expérimentation. Nous devons entamer ce travail de réflexion sans tabous ni préjugés, sur le long terme. J'espère que notre assemblée s'en saisira prochainement.
En attendant, nous souhaitons que les négociations commerciales soient profitables à tous, équilibrées, dans le respect des parties et des relations entre distributeurs et industriels de toutes tailles. Le groupe Démocrate votera donc le texte issu de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La crise, extrême, est notamment révélée par le rapport du Secours catholique, opportunément publié aujourd'hui. L'État de la pauvreté en France 2023 décrit avec beaucoup de sensibilité la situation de millions de nos concitoyens, qui doivent arbitrer entre bien et mal manger, ou simplement moins manger ou sauter des repas. Le secteur associatif et caritatif nous alerte donc – je rends d'ailleurs hommage à son engagement :
Mme Delphine Batho applaudit
la situation est absolument dramatique.
La crise que nous traversons aurait dû susciter une réforme profonde de notre économie et un élan de partage dans notre société. Une modification du partage de la valeur aurait dû intervenir à deux niveaux. D'abord entre le travail – le salaire – et le capital : il faut que la déformation, initiée dans les années 1990, cesse. Il faut également repenser l'allocation des salaires et leur répartition au sein de l'entreprise. Suite aux travaux parlementaires que nous avons menés, je ne citerai que quelques chiffres, édifiants : 0,3 % des Français gagnent un salaire supérieur à douze fois le Smic. La somme supérieure à ces douze Smic représente 9 milliards d'euros. Répartis sur le premier décile des travailleurs pauvres, ces 9 milliards permettraient d'augmenter les salaires de 300 euros. En faisant le même exercice jusqu'au revenu médian, on approcherait les 100 euros. Ce pouvoir d'achat mieux réparti aurait constitué une arme solidaire pour faire face à la crise du pouvoir d'achat que nous constatons.
En outre, cette crise aurait dû susciter la condamnation de tous les profits indécents – décrits par les orateurs précédents : ceux de certaines firmes agroalimentaires qui sont dans une situation de quasi-monopole du fait de la puissance de leur marque, et font danser les prix à leur profit, mais également ceux de certains distributeurs – quatre centrales d'achat forment une oligarchie, qui capte 80 % du marché agroalimentaire et fixe les prix.
Nous aurions aimé disposer d'instruments afin de mieux détecter les valeurs ajoutées camouflées dans la grande distribution par une fiscalité opportune et le jeu de l'immobilier et, pour les multinationales, par le flux des capitaux et des profits hors des frontières. Au lieu de cela, nous devons nous contenter d'un projet de loi petit bras et d'une future loi des petits pas.
Le groupe Socialistes et apparentés a proposé quelques réformes d'opportunité : interdiction de ces pratiques commerciales honteuses qui visent à diminuer le volume du produit vendu pour en maintenir le prix – ce qui revient à l'augmenter ; vérification que le seuil de revente à perte se traduit effectivement par une plus-value pour les producteurs ; révision obligatoire des prix, en cas de baisse du coût de l'énergie notamment, afin de répercuter immédiatement la baisse aux consommateurs ; transparence sur les matières premières agricoles ; affichage du partage de la valeur.
Aucune de ces réformes n'a été adoptée. Pourtant, elles sont dans le droit fil de ce que nous défendons inlassablement depuis l'adoption des trois lois Egalim : un contrat tripartite associant producteurs, transformateurs et distributeurs, un partage de la valeur incluant à la fois le monde paysan et l'ensemble des travailleurs de la terre et de l'agroalimentaire. Lorsqu'on achète un produit, on doit savoir s'il rémunère correctement tous ceux qui ont travaillé à son élaboration.
Grâce à nos efforts en commission et en CMP, les PME et ETI ne seront pas traitées comme les multinationales, et cette expérimentation ne remettra pas en cause l'annualité des négociations commerciales, ce qui aurait pénalisé les plus petits opérateurs. Nous avons échoué à prendre en compte la spécificité des outre-mer, qui sont pourtant en urgence absolue. Le bilan est maigre et nous sommes sans illusion sur la portée de ce texte. Cette absence d'illusion, le groupe Socialistes et apparentés la traduira en abstentions et en votes contre les conclusions de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Le Gouvernement nous propose des mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation. Il s'agit d'avancer exceptionnellement de quelques semaines la date de fin des négociations commerciales, et donc la signature des conventions de négociations commerciales au 15 janvier pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros et au 31 janvier pour les grandes entreprises.
Pourquoi ? Après l'inflation, la guerre en Ukraine, l'augmentation du coût de l'énergie ou des matières premières agricoles, mais aussi les conséquences de la crise sanitaire dans le monde, le Gouvernement table sur une baisse des cours des matières premières agricoles et de l'énergie – je parlerais plutôt de rétablissement de ces cours – qui pourrait bénéficier aux consommateurs. Et il souhaite que les consommateurs en bénéficient au plus vite.
Le groupe Horizons et apparentés va suivre le Gouvernement…
Le Gouvernement a déjà fait plusieurs tentatives pour tenter de maîtriser le coût de l'alimentation et de l'énergie : panier anti-inflation, …
Mais tout cela fait flop : en France comme dans l'Union européenne, nous sommes toujours à la remorque des grands groupes de l'énergie ou de la grande distribution.
Pourtant, nous débattons de ces questions depuis une quinzaine d'années : ce fût le cas à l'occasion de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, ou des états généraux de l'alimentation.
La France, mais aussi l'Union européenne, doivent se pencher sur le sujet. Pourquoi ? Les négociations commerciales ne tournent plus autour de la qualité du produit car, depuis une quinzaine d'années, les entreprises de la grande distribution se sont constituées en oligopole, et seul le prix bas compte. Mais, pour nous, parlementaires, c'est le prix juste qui compte !
Les 400 000 exploitations agricoles et les 17 000 entreprises de l'industrie agroalimentaire se retrouvent face à quelques centrales internationales d'achat de la grande distribution. En outre, au sein de l'industrie agroalimentaire, on dénombre quelques dizaines de multinationales, et leurs filiales. C'est là que se concentrent les difficultés dans les négociations commerciales. C'est là aussi que sévissent les mauvaises pratiques, comme l'a relevé la commission d'enquête que j'ai présidée en 2019. Il faut donc se focaliser sur les principaux acteurs de la grande distribution, tout en étant attentifs aux multinationales et à leurs pratiques.
Cette semaine, la Commission européenne s'intéresse aux emballages et à leur recyclage. Cela pourrait notamment avoir des conséquences sur l'emballage en bois du camembert français.
Plutôt de s'occuper de ce dossier, elle ferait mieux de se préoccuper des pratiques de négociations commerciales de la grande distribution et des multinationales, notamment lorsque les contrats sont délocalisés hors de nos frontières nationales.
Ainsi, des contrats qui concernent des produits distribués en France sont négociés hors de France, parfois même hors Union européenne – en Suisse.
Il faudrait également nous pencher sur la répartition de la valeur, afin d'améliorer la transparence. À titre personnel, avec d'autres centristes, je plaide pour une TVA sociale – à taux très réduit – pour les denrées de première nécessité, et une hausse de la TVA pour les produits de luxe.
Le groupe Horizons et apparentés votera pour le texte, même s'il n'est pas révolutionnaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Sur le vote du projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Nury.
Comme nous ne cessons de le répéter depuis sa présentation en commission des affaires économiques, ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux. Il ne permettra certainement pas de contenir les prix ou de les faire baisser dans les mois qui viennent.
Alors qu'avec la hausse des prix de l'alimentation, des énergies, du carburant, beaucoup de nos concitoyens ont du mal à boucler leur fin de mois, ce projet de loi est totalement décalé, et bien en deçà des attentes.
Un seul article – une seule mesure : avancer l'échéance des négociations commerciales pour – soi-disant – répercuter plus vite une hypothétique baisse du coût des matières premières. Pour faire simple, le Gouvernement prescrit de l'homéopathie aux Français face à la gangrène de l'inflation ! Je crains que même l'effet placebo de ce projet de loi ne fonctionne pas.
Et encore, grâce au Parlement, nous avons échappé à plus mortifère : à l'origine, tel le Diafoirus de Molière, le Gouvernement avait imaginé un remède pire que le mal – la saignée des PME. L'avancement uniforme de la date des négociations donnait en effet un avantage considérable aux gros industriels face aux très petites entreprises (TPE) et PME, tant en matière de référencement, de placement en rayon que de promotions.
Il nous paraissait donc essentiel d'inverser la logique du dispositif, pour donner un temps d'avance à ces PME, pourvoyeuses d'emplois et créatrices de dynamiques dans nos territoires. Le Sénat a repris et précisé le texte issu de nos travaux, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Il faut saluer la rédaction définitive du texte entérinée en commission mixte paritaire. Au bout de presque trois heures – pour un seul article ! – qui ont davantage relevé de la bataille d'ego que de la discussion de fond, la CMP a fini par revenir à la version proposée depuis le début par la majorité sénatoriale et un certain nombre de députés, dont Anne-Laure Babault et moi-même. Que de temps perdu ! Que de discussions pour un texte à la portée quasi nulle ! Que de gesticulations pour un résultat plus qu'aléatoire ! Que de communication pour aboutir à si peu !
Cette loi tentait à l'origine de pallier la hausse des carburants mais en fin de compte, aucune mesure ne vient remédier à la situation catastrophique que connaissent ceux qui ne peuvent se passer de leur véhicule au quotidien.
Avide de propositions énarco-disruptives, le Gouvernement a dû faire appel à ses plus brillants spécialistes – qui n'ont rien trouvé de mieux que de demander aux distributeurs de vendre à perte les carburants. Devant l'enthousiasme modéré des entreprises concernées, flattées qu'on fasse des cadeaux à leurs clients, mais courroucées que ce soit avec leur argent, la mesure a disparu.
Ce texte et les autres dispositifs mis en place par l'État pour lutter contre l'inflation ne contiennent donc plus de mesures concrètes d'accompagnement pour aider nos concitoyens à se déplacer et à se chauffer, notamment dans les campagnes : rien sur le prix du fioul, une énergie très utilisée pour le chauffage domestique dans les territoires ruraux. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas souhaité proroger le dispositif d'aide exceptionnelle que j'avais fait voter l'an dernier en faveur des millions de Français qui se chauffent au fioul.
Rien non plus sur le prix du carburant, qui demeure le grand absent de nos discussions. Il représente pourtant l'un des principaux postes de dépenses de nos concitoyens ruraux, qui n'ont d'autre choix que de se servir de leur voiture pour le travail, les courses et les loisirs.
Il est urgent de mettre en place des mesures pour lutter contre cette inflation des prix de l'énergie et des déplacements – notamment en modulant la fiscalité pour faire vraiment redescendre les prix à la pompe pour tous.
Les ruraux se sentent aujourd'hui oubliés, voire méprisés. Il faut les aider à faire face à la hausse de leurs charges courantes, qui sont plus élevées que s'ils vivaient dans les grands centres urbains.
En conclusion, ce texte déçoit car il n'aborde pas toutes les facettes de l'inflation. Il continuera de décevoir car il ne sera jamais qu'un coup d'épée dans l'eau. Cependant, la différenciation entre les PME-ETI et les grands groupes évitera une catastrophe. Telle que nous l'avons conçue, elle pourrait même servir de base à d'autres textes en faveur des PME.
Pour toutes ces raisons, et dans la mesure où nous sommes très mitigés, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 230
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue 83
Pour l'adoption 97
Contre 67
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra