La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 1476 à l'article 3.
La parole est à Mme Farida Amrani, pour soutenir l'amendement n° 1476 .
Il convient de maintenir les spécificités de chaque métier. Ceux qui accompagnent les allocataires du RSA ne font pas le même travail que les conseillers qui accompagnent les demandeurs d'emploi ; ces personnels relèvent de corps différents.
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les titres Ier et II, pour donner l'avis de la commission.
Vous proposez que la délégation de la mission d'orientation se fasse si le bénéficiaire en fait la demande mais le choix de déléguer sa compétence revient à celui qui la détient. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
L'amendement n° 1476 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 784 .
Cet amendement de repli vise à garantir un délai réaliste avant que l'opérateur France Travail ne procède, par dérogation, au suivi d'un allocataire du RSA. La durée minimale de trois mois, que nous proposons d'inscrire dans la loi, correspond au délai actuellement constaté entre la date d'entrée dans le RSA et la première orientation.
Par ailleurs, monsieur le ministre, si vous pouvez apporter des explications supplémentaires sur la façon dont s'organisera la délégation de compétence au bénéfice de France Travail, je suis preneur. À quel niveau s'opérera-t-elle – je suppose que ce ne sera pas individuel – ? De nombreuses questions se posent à ce sujet et j'aimerais que vous nous en disiez plus.
Votre amendement est moins ambitieux que le délai fixé par le code de l'action sociale et des familles, de deux mois, et que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a ramené à un mois. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
La délégation de compétence est conventionnelle. Le conseil départemental, après en avoir délibéré en assemblée, peut procéder à la délégation.
Selon son choix ; cette question relève du seul département et le Gouvernement a une confiance totale dans les exécutifs et dans les assemblées départementales.
Nous proposons cette faculté de délégation dans le cadre de la liberté conventionnelle, sachant que la convention portera à la fois sur le champ de la délégation – territoriale ou sectorielle – et sur les questions de moyens – si un département délègue tout ou partie de sa compétence, il peut y avoir compensation. Je le répète, c'est un procédé conventionnel classique : certaines collectivités délèguent déjà l'accueil et l'accompagnement des bénéficiaires du RSA à des centres intercommunaux d'action sociale – c'est le cas de la commune dont j'avais la charge il y a quelques années.
Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le ministre, mais je crois que le sujet mérite de plus amples discussions et investigations. Vous laissez penser qu'il pourrait y avoir, dans un même département, différents types de gestion en matière d'orientation ; il faudrait alors réfléchir au moyen de garantir l'égalité de traitement et de veiller à la bonne organisation des services à l'échelle du département.
L'amendement n° 784 n'est pas adopté.
Cet amendement de repli vise à rétablir la compétence départementale d'identification, d'évaluation et d'appui de l'accompagnement des allocataires du RSA, avec des correspondants dédiés.
Le projet de loi en l'état supprime cette compétence, pourtant saluée par les acteurs locaux – dont l'Association des départements solidaires, avec qui nous avons travaillé cet amendement. Celui-ci a un grand mérite : il préserve le droit constant en maintenant la capacité du président du conseil départemental à choisir et à évaluer des référents uniques chargés du suivi des allocataires du RSA, qu'ils soient gérés par le département ou par Pôle emploi.
Défavorable.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 756 n'est pas adopté.
La parole est à M. Idir Boumertit, pour soutenir l'amendement n° 1481 .
Le RSA a vocation à assurer à ceux qui sont privés d'emploi et n'ont aucun revenu une somme indispensable à leur subsistance. En introduisant un délai au cours duquel l'allocataire a l'obligation de trouver un emploi, vous portez gravement atteinte à l'inconditionnalité de cette allocation et conduisez inévitablement chaque bénéficiaire à accepter à la baisse les critères constituant l'offre raisonnable d'emploi. Disons-le : vous progressez à grands pas sur le chemin de l'asservissement massif et généralisé des plus précaires ; à rebours de tout progrès social et humain, vous conditionnez la solidarité. Nous vous invitons donc à supprimer les alinéas 20 à 24.
Même avis.
Une question, parmi beaucoup d'autres, reste pour nous irrésolue : comment jugez-vous compatible – on a compris que ce peut déjà être le cas, ce qui veut dire que la contradiction existe déjà – le retrait de l'intégralité des revenus d'une personne, voire d'un ménage, avec l'idée de la remobiliser ou du moins de garantir son droit à la sécurité sociale et à l'existence comme l'imposent les conventions internationales et notre propre Constitution ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 12
Contre 36
L'amendement n° 1481 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 622 .
Cette fois, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je pense qu'on va s'entendre !
Mouvements divers.
Dans le cadre de la remise à l'emploi des personnes, le texte prévoit un délai de six ou de douze mois, mais je pense qu'à partir du moment où les gens ont besoin d'un diagnostic, ils doivent être accompagnés efficacement et leur parcours doit se dérouler le plus vite possible. Je vous propose de réduire les délais respectivement à trois mois et à six mois.
Nous avons choisi de raisonner à droit constant. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° 622 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
En l'état du droit, la compétence de réalisation d'un diagnostic global de l'allocataire du RSA qui, six mois après la signature de son contrat d'engagement, ne peut toujours pas s'engager dans une démarche de recherche d'emploi, est confiée à une équipe pluridisciplinaire. Ces équipes pluridisciplinaires fonctionnent bien, elles obtiennent des résultats et leur travail est salué.
Le présent projet de loi prévoit de confier à France Travail et au référent unique le soin de réaliser ce diagnostic global. Nous nous opposons à cette évolution avec cet amendement de repli.
Même avis.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'aimerais savoir pourquoi vos avis sur les équipes pluridisciplinaires sont défavorables. Je ne crois pas avoir entendu de réponse.
L'amendement n° 740 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l'amendement n° 1503 .
Cet amendement vise à piloter différemment le diagnostic de la situation de l'allocataire qui, six ou douze mois après la signature de son contrat, se trouve dans l'incapacité de trouver un emploi. Il faut savoir qu'aujourd'hui, cela se fait dans un cadre très discrétionnaire : l'allocataire rencontre son conseiller de manière informelle, lequel propose d'inclure des tâches non prédéfinies et propose une orientation jugée adéquate.
Nous proposons de restreindre le champ de la renégociation en prévoyant que la réorientation professionnelle ne puisse être que plus favorable en cas de modification dudit contrat. On ne pourra pas alors diriger les intéressés vers le moins-disant par rapport à leur emploi précédent – même si plein de sujets resteront négociables, tels que le type d'emploi, les qualifications, la formation, etc. Cela vise à consolider les parcours. Il faut placer la qualité de l'emploi au cœur de la réflexion. Cela ne veut évidemment pas dire que les gens ne pourront se réorienter à leur guise, mais qu'il sera impossible de leur imposer par voie contractuelle une réorientation.
C'est bien l'objet du diagnostic. L'amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 1503 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l'amendement n° 1505 .
Nous proposons de supprimer l'alinéa 23, qui prévoit que la nouvelle décision d'orientation sera prise par le président du conseil départemental. Nous estimons que toute réorientation doit être soumise au consentement de la personne concernée. Il y a eu tout à l'heure, me semble-t-il, un accord général dans l'hémicycle pour reconnaître que le consentement de l'allocataire a une valeur fondamentale dans l'organisation de son parcours.
On n'accompagne pas quelqu'un contre son gré. Si on lui impose, par exemple, de suivre une formation qu'il ne souhaite pas, ce sera un échec, à la fois pour l'intéressé, qui n'en tirera rien, et pour le prestataire, qui aura perdu son temps. Le prestataire peut faire beaucoup de propositions – organiser un plan de formation, mise en situation professionnelle, proposition d'accès à tel type d'emploi, etc. –, mais il faut que le bénéficiaire du RSA donne son consentement. Il s'agit de remettre un peu de démocratie et de droit sur soi-même dans un dispositif qui tend à déposséder les gens.
Par votre exposé, vous venez de défendre brillamment la notion de contrat d'engagement réciproque. Je vous en remercie. Avis défavorable.
Défavorable.
Si j'ai bien compris ce que vous venez de dire, quoique très succinctement, monsieur le rapporteur – il est difficile d'exposer en quelques secondes une pensée aussi complexe que la vôtre, ce qui rend la brièveté de vos réponses encore plus frustrante –, le contrat d'engagement repose sur le consentement de la personne à toutes les clauses. Est-ce bien cela ?
Je n'ai pas compris si c'est « oui » ou « non ». Nous garantissez-vous ce soir que le contrat d'engagement repose sur le consentement de la personne à toutes les clauses du contrat ? Si c'est oui, nous en sommes ravis et nous voterons tout ou presque désormais ! C'est une question très importante et tout autant la réponse que vous apporterez ce soir.
Je vous renvoie, cher collègue, à l'article 1er , qui porte sur le diagnostic, et à l'article 2, sur le contrat d'engagement, qualifié de réciproque à l'initiative de M. Delaporte en commission. Par définition, quand on signe conjointement un contrat, c'est le fruit d'un accord réciproque et la preuve en général que l'on y consent.
Le droit reconnaît la notion de vice du consentement, par exemple lorsque l'on signe un contrat sous la contrainte ou sous la menace de sanctions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit.
La réciprocité n'implique pas forcément le consentement des deux partis. Si vous estimez, monsieur le rapporteur, que le consentement de la personne est une condition nécessaire qui relève de sa seule faculté, cela veut dire qu'elle est également en droit d'exclure du contrat certaines clauses, par exemple celles qui la soumettent aux sanctions que vous souhaitez lui infliger.
Mêmes mouvements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 15
Contre 42
L'amendement n° 1505 n'est pas adopté.
Nous arrivons au cœur du sujet : comment prétendre que le contrat d'engagement est réciproque alors que la sanction est loin d'être faible ? Les personnes dont nous parlons vivent, ou plus exactement survivent, avec 600 euros par mois. Si elles se refusent à contracter, elles seront sanctionnées en étant privées de revenu. Or tout le monde n'est pas rentier ou entouré de personnes qui peuvent l'aider. Pour l'immense majorité des personnes, l'alternative est la suivante : signer ou se retrouver à la rue. Je ne vois ici ni consentement ni réciprocité.
Monsieur le rapporteur, j'aimerais que vous me répondiez : contracter sous la menace de se retrouver à la rue, est-ce vraiment un engagement réciproque qui repose sur le consentement des deux parties ?
Monsieur Boyard, vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Vous parlez d'un contrat sous la menace : est-ce au travailleur social, qui est en face de l'allocataire du RSA, que vous pensez ? Eh bien, bravo ! Pour moi, j'ai une autre conception du métier. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. M. Pierrick Berteloot applaudit également.
Défavorable.
Monsieur le ministre, ceux qui menacent, ce ne sont pas les travailleurs sociaux, mais les gens en costard-cravatte comme vous !
Vives protestations sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN
Ceux qui votent des lois pour que des travailleurs sociaux, qui gagnent une misère, soient tenus d'appliquer ces sanctions !
Monsieur Boyard, je vous rappelle que les mises en cause personnelles sont interdites au sein de l'Assemblée nationale, comme le dispose l'article 70 de notre règlement.
Mais enfin, ce n'est pas une insulte de dire que quelqu'un porte un costard-cravatte !
Nous débattons d'un texte de loi, puis nous rentrerons chez nous, et rien n'aura changé dans nos vies. En revanche, les travailleurs sociaux devront faire appliquer les sanctions parce que vous leur commandez de le faire. Vous essayez de leur faire porter la responsabilité, mais lorsque les anciens allocataires se retrouveront dans la rue, ce sera votre faute ! Vous légiférez sans vous rendre compte des conséquences de ce que vous votez. Vous en êtes pourtant responsables !
L'amendement n° 1488 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l'amendement n° 1499 .
Il fait écho à la discussion en cours, qui est intéressante à double titre. D'abord, personne ici ne met en cause les travailleurs sociaux.
« Si, vous ! » sur les bancs du groupe RE.
Ce projet de loi pose un cadre de travail. Les travailleurs sociaux ont un avis sur ce cadre : dans tous les services concernés, ils étaient en grève avant-hier contre ce texte.
Mme Farida Amrani applaudit.
Si cela ne touchait pas leur sens du métier, si cela ne créait pas des contraintes en plus, auraient-ils accepté de perdre une journée de salaire ? C'est pour les usagers qu'ils ont accepté de perdre une journée de salaire car ils savent qu'une fois que les sanctions existeront, il y aura des pressions pour atteindre certains taux.
Le projet de loi n'étant pas adopté, je ne vois pas comment vous pouvez soutenir d'emblée que cela n'existera pas,…
…alors que c'est déjà le cas à Pôle emploi, comme dans tous les services publics d'emploi qui raisonnent avec des indicateurs chiffrés. En Allemagne ou au Royaume-Uni, des primes sont versées aux agences où le nombre d'allocataires diminue. Tout cela deviendra possible.
Je ne prétends pas que vous le souhaitiez, monsieur le rapporteur. Le danger réside dans le fait d'instaurer un cadre légal qui permette une telle évolution. En effet, la loi ne sert pas à encadrer des personnes qui agissent avec les meilleures intentions, mais à encadrer celles qui ne sont pas vertueuses. Or votre politique retire des barrières qui empêchent de réaliser certains actes, que nous jugeons tous déplorables : des radiations abusives, des sanctions contre les personnes. Ce ne sera pas la faute des travailleurs sociaux, mais ils agiront ainsi parce qu'on le leur aura commandé, on aura fait peser une pression sur eux, ou même on aura automatisé la procédure à travers l'envoi de mails. Vous savez très bien que c'est ce qui se passe à Pôle emploi : ce ne sont pas les conseillers qui radient les personnes qui ne se présentent pas aux rendez-vous ; un message de radiation est envoyé automatiquement aux demandeurs d'emploi.
En créant de nouvelles raisons de procéder à des sanctions, vous créez de nouvelles possibilités qu'elles soient élargies.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Même avis. Je souhaite apporter deux précisions. D'abord, la gestion automatisée des listes…
Oui, la radiation automatique par mail, sans rendez-vous, c'est ce qu'on appelle la gestion automatisée des listes. Si vous aviez voté l'amendement n° 1830 de Mme Michèle Peyron, vous auriez participé à y mettre fin.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ensuite, depuis le début des débats, vous avez plusieurs fois insisté sur le fait qu'un mouvement de grève s'est tenu le 26 septembre dans les services de Pôle emploi. C'est une réalité. Mon rôle, comme ministre de tutelle de Pôle emploi, est d'y garantir la liberté de l'exercice du droit syndical.
Le mouvement de grève est légitime. Je vais dans votre sens, monsieur Clouet : je veille à ce qu'il soit garanti et à ce qu'il puisse être exercé. J'ai demandé les chiffres au directeur général de Pôle emploi : il a été exercé par 0,95 % des personnels de Pôle emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Sur un sujet aussi sérieux, nos échanges doivent être empreints d'honnêteté. Ce que vous faites depuis plusieurs mois est, selon mon jugement, très désagréable : vous ne pouvez pas nous dire de voter un cadre rigide,…
…pour nous reprocher ensuite de le contester et d'affirmer que nous attaquons les travailleurs sociaux. En effet, ce sont des professionnels qui travaillent avec un cadre. Plus vous le rigidifiez, plus ils seront contraints dans l'exercice de leur métier. L'accompagnement des gens au RSA et de ceux qui sont éloignés de l'emploi est difficile ; il demande du temps et une relation de confiance.
Plus le cadre sera rigide, plus cette relation sera difficile à établir. Ne nous dites pas que nous ne faisons pas confiance aux travailleurs sociaux – heureusement qu'ils sont là ! Le problème, c'est que vous vous apprêtez à contraindre considérablement leur travail, et vous ne le mesurez même pas. Vous n'avez même pas l'honnêteté de reconnaître que leur travail de relation sera encore plus difficile avec le régime de sanctions que vous instaurez.
Je rappelle simplement que nous appliquons la règle « un pour, un contre ». Monsieur Dessigny, êtes-vous pour ou contre cet amendement ?
Le ministre a déjà répondu. Je vous donne la parole, mais nous respecterons ensuite cette règle car de nombreux amendements restent à examiner.
Même si la grève a été suivie par moins de 1 % des salariés de Pôle emploi, cela ne signifie pas que vous avez le seing blanc…
« Le blanc-seing ! » sur les bancs du groupe RE.
Ça ne s'écrit pas de la même manière !
Sourires.
Madame Hai ! Merci d'être là, ça fait plaisir de vous voir dans l'hémicycle !
Cela ne signifie pas que tous les agents sont d'accord avec vous. Les discours qui ont été communiqués aux salariés de Pôle emploi sont d'un flou tel qu'eux-mêmes ne savent plus à quel saint se vouer…
Sourires.
Décidément !
…ni comment les choses se passeront. Ce projet de loi est flou pour les personnes qui travaillent chez Pôle emploi ; toutefois, il est clair pour les bénéficiaires du RSA qu'ils n'auront qu'une personne contre laquelle se retourner si leur allocation est supprimée : leur conseiller Pôle emploi.
Je n'ai pas eu de réponse à la question que j'ai posée cet après-midi : comment comptez-vous assurer la sécurité des agents de Pôle emploi, qui seront en butte à un mécontentement et à une agressivité plus importants encore ? Ne faites pas la sourde oreille, car c'est un vrai problème. Tous les jours, les directeurs des agences reçoivent des menaces de mort.
Ils sont parfois obligés de positionner des personnels de sécurité à l'entrée, car les agents sont dans un tel état d'insécurité qu'ils ont besoin d'être rassurés. Quels dispositifs instaurerez-vous pour leur garantir qu'ils pourront travailler normalement ?
L'amendement n° 1499 n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 750 .
Par cet amendement, nous nous opposons à l'abrogation de la convention conclue entre le département, Pôle Emploi et d'autres personnes publiques, telles que les centres communaux d'action sociale (CCAS), l'État ou les gestionnaires des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) pour définir les modalités concrètes du droit à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.
Le « droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins » de l'allocataire du RSA est consacré par l'article L. 262-27 du code de l'action sociale et des familles. Pour le rendre vivant, une convention multipartite est actuellement passée par plusieurs acteurs locaux. Malheureusement, l'article 3 supprime cette convention.
La création du comité départemental France Travail constitue un nouvel espace de discussion. C'est à ce niveau que les échanges pourront être organisés. L'avis de la commission est donc défavorable.
Avis défavorable.
J'entends la réponse du rapporteur, mais la logique de conventionnalisation n'est pas nécessairement incompatible avec l'institution d'un échelon départemental. En outre, la gestion multipartite est différente du dispositif qui sera instauré dans le comité France Travail, car, vous le savez, celui-ci sera piloté en partie par le préfet et le président de département, ce qui ne relève plus d'une logique de contractualisation.
Au sujet de ce qui a été dit précédemment, il est vrai que nous ne pouvons pas nous exonérer de notre responsabilité comme législateurs. La responsabilité de la sanction ne relève pas des agents qui ne feront qu'appliquer la loi. C'est à nous de savoir quelle loi nous votons et quelles en sont les incidences.
Or nous légiférons actuellement à l'aveugle, comme je l'ai dit avec d'autres orateurs, sans pouvoir anticiper ce que donneront les sanctions. Les études dont nous disposons ne relèvent que des effets négatifs et je n'ai toujours pas entendu le contre-argumentaire du ministre sur les effets positifs des sanctions pour lutter contre la pauvreté.
L'amendement n° 750 n'est pas adopté.
Les amendements n° 224 de Mme Marie-Charlotte Garin et 1512 de M. Hadrien Clouet sont défendus.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 410 .
Il vise à adapter le contrat d'engagement aux situations familiales et aux problèmes de mobilité. Si c'est Mme Lebon qui a rédigé cet amendement, c'est notamment parce que ces problèmes sont particulièrement importants à La Réunion, où il est extrêmement difficile de traverser l'île. En effet, nous n'avons d'autre transport en commun que les bus qui empruntent les mêmes voies embouteillées que les voitures – pratiquement le seul mode de déplacement. En outre, il y a des problèmes de mobilité entre les hauts et les bas de l'île.
Je profite de cette intervention pour glisser un message : la région La Réunion n'émarge toujours pas au fonds pour le ferroviaire, alors qu'elle l'a demandé plusieurs fois. Si c'était le cas, peut-être parviendrions-nous à trouver une solution au problème de mobilité sur notre territoire.
L'amendement est satisfait par les dispositions que nous avons introduites à l'article 2. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 410 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à supprimer une partie des dispositions de l'article 3, qui réforme le régime des sanctions, non pas pour le rendre plus juste et progressif, comme vous le prétendez, mais pour le durcir. J'en veux pour preuve le nombre de fois où l'article substitue le mot « suppression » à celui de « suspension ».
Comme souvent, vous affirmez opérer à droit constant, mais dans la pratique, la sanction était jusqu'à présent réservée aux cas de fraude : elle n'était jamais appliquée en cas de manquements aux engagements du contrat. Il s'agit d'une nouvelle disposition, qui place les allocataires du RSA sur le même plan que les bénéficiaires de l'allocation chômage.
Le contrat d'engagement laissant peu de marges de manœuvre à l'allocataire et le conditionnement de l'aide à quinze heures d'activité étant, de votre propre aveu, monsieur le ministre, peu adapté aux allocataires du RSA – c'est ce que vous avez déclaré devant le Sénat –, on peut légitimement penser que la menace et l'effectivité des sanctions pèseront lourdement sur les allocataires, et supplanteront l'accompagnement.
L'amendement n° 793 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à supprimer la sanction dite de suspension-remobilisation. Afin d'éviter que nous soyons accusés d'allergie à la logique des sanctions, je précise que nous avions parallèlement déposé plusieurs amendements prévoyant des sanctions qui nous semblaient plus souples, comme la possibilité de suspendre l'allocation à hauteur de 10 % et de la rétablir si le bénéficiaire participait à l'entretien qui lui était proposé dans le mois, afin de ne l'exposer au régime de sanctions prévu par le cadre légal que si d'autres difficultés surgissaient. Ils ont malheureusement été déclarés irrecevables. Nous considérons que l'appauvrissement durable des allocataires n'est pas une solution sérieuse.
La parole est à M. Sébastien Delogu, pour soutenir l'amendement n° 1509 .
Je ne sais pas combien d'entre vous ont été dans ce cas, mais j'ai moi-même été allocataire du RSA. Je peux vous assurer qu'on gamberge en permanence : on doit chercher du travail, payer les transports pour se rendre à des entretiens, payer encore pour rentrer. Parfois, oui, il arrive qu'on doive faire des choix et qu'on rate un rendez-vous.
Si vous supprimez son allocation à un bénéficiaire, c'est toute une famille que vous pénalisez, y compris les enfants. À l'époque…
Laissez-moi parler, s'il vous plaît. La situation que je décris n'a rien de caricatural : elle a été mon quotidien, monsieur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous gambergez tellement pour savoir comment vous allez retrouver du travail que vous enchaînez les rendez-vous et qu'il peut malheureusement vous arriver, parfois, d'en rater – parce que vous avez priorisé celui où vous pensiez avoir le plus de chance d'être embauché, par exemple. Si nous sommes opposés à cet article et, plus largement, à la suppression du RSA, c'est parce que toute la famille est pénalisée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Yannick Monnet applaudit également.
Défavorable.
L'idée de sanction, qu'il s'agisse de la suspension-remobilisation ou de la suppression de l'allocation, pose problème à maints égards.
Tout d'abord, vous postulez que le RSA serait autre chose qu'un moyen de survie. Or la survie ne peut être conditionnelle :
M. Hadrien Clouet applaudit
on n'enlève pas sa bouée de sauvetage à une personne en train de se noyer, et proposer de la dégonfler petit à petit n'en fait pas une idée moins perverse. Ce n'est pas une bonne solution.
Ensuite, notre collègue Delogu vient de souligner la dimension humiliante de la sanction : vous faites reposer sur les allocataires du RSA la responsabilité de leur situation alors que, dans la plupart des cas, ils ne sont que les victimes d'une conjoncture avec laquelle nous sommes nous-mêmes aux prises. Nous savons bien que, dans notre pays, il y a moins d'emplois disponibles que de demandeurs d'emploi. Quand vous vous demandez chaque jour comment boucler votre budget, que vous êtes en permanence en train d'arbitrer entre vous chauffer, vous déplacer et manger, il est évident qu'il vous arrive d'être frappé de désespoir et d'apathie ; peut-être même sécherez-vous délibérément un rendez-vous à Pôle emploi.
Je veux le dire haut et fort ici : jamais nous ne devrions sanctionner une personne que sa grande précarité frappe de désespoir et d'apathie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est pas possible !
Toutes vos explications sur la conjoncture et vos incitations ne tiennent pas une seconde devant la réalité : quand on est pauvre, la vie est beaucoup plus difficile, tout est beaucoup plus long. Lorsqu'on a un chauffeur et une voiture ,
Murmures sur quelques bancs des groupes RE et Dem
c'est bien plus facile que lorsqu'on est obligé de prendre les transports en commun, qu'on n'a pas de quoi faire le plein d'essence, qu'on doit faire ses courses dans des enseignes discount et se baisser pour prendre les pâtes les moins chères. Toutes ces expériences nuisent évidemment aux individus, et peuvent les empêcher de retrouver du travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour un rappel au règlement. Sur quel article le fondez-vous ?
Sur l'article 98-1, madame la présidente, en vertu duquel je sollicite l'accord de la présidente de la commission des affaires sociales pour obtenir l'évaluation de l'impact de mon amendement n° 753 . Celui-ci, bientôt en discussion, vise à supprimer la possibilité, pour le département, de prendre à l'encontre de l'allocataire une mesure de suppression du versement du RSA.
Je vous invite à formuler cette demande auprès de la présidente de la commission.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 713 .
Il vise à garantir la proportionnalité des sanctions qui seront prises à l'encontre d'un bénéficiaire du RSA qui n'aurait pas respecté le contrat d'engagement. En l'état, le texte ne garantit pas que les circonstances des manquements ou la situation matérielle, familiale et sociale de l'allocataire seront prises en considération dans l'établissement de la suspension ou de la suppression par l'organisme référent. C'est une demande très claire de la Défenseure des droits.
Le ministre a répondu que le niveau des sanctions serait décidé après l'adoption du texte : ce n'est pas suffisant. Nous ne pouvons pas légiférer à l'aveugle et prévoir une sanction sans savoir quel sera le taux de suspension lors d'une première sanction, par exemple. Le ministre a évoqué une gradation, allant de 30 % à 80 %. Mais 30 % du RSA, c'est 200 euros : pour des gens qui n'ont rien, c'est déjà beaucoup.
Je souhaite que le ministre aille plus loin, et réfléchisse aussi en termes de reste à vivre pour l'allocataire. Chacun doit pouvoir vivre, qu'il ait ou non des enfants – c'est l'objectif de l'amendement. Aujourd'hui, la seule manière de protéger un tant soit peu son RSA, c'est d'avoir des enfants ; cela n'est néanmoins pas suffisant, puisque la sanction n'est alors réduite que de moitié. Des enfants vont trinquer !
Je vous demande, monsieur le ministre, des engagements plus précis en matière de grille des sanctions : on ne peut pas adopter votre texte sans connaître la nature des sanctions que le Gouvernement entend établir. Si vous prévoyez de faire évoluer le taux de la suspension-remobilisation, il faut que nous le sachions.
Je ne suis pas certain que ma réponse changera votre vote, monsieur Delaporte. Comme je l'ai indiqué, la grille des sanctions sera arrêtée par voie réglementaire après concertation avec les présidents de département, une fois la loi adoptée.
Tout à l'heure, vous avez annoncé que le versement des indemnités perdues pendant la suspension serait rétroactif. C'est une avancée par rapport à la situation actuelle, raison pour laquelle nous nous sommes abstenus lors du vote des amendements tendant à supprimer l'article. Mais nous avons besoin de savoir où nous allons : allez-vous, oui non, supprimer intégralement leur allocation à certains bénéficiaires, qui risquent de ne plus pouvoir manger et de se retrouver à la rue parce qu'ils ne pourront plus payer leur loyer ?
L'amendement n° 713 n'est pas adopté.
Je veux revenir sur cette disposition sur laquelle nous avons longuement échangé en commission. De notre point de vue, la nouvelle sanction risque d'être d'autant plus souvent prononcée qu'en l'état du texte, sa validation par une équipe pluridisciplinaire, qui constituait un bon garde-fou, n'est plus nécessaire.
La sanction ne sera pourtant pas neutre pour l'allocataire : si le bénéficiaire peut espérer qu'elle sera de courte durée et qu'il touchera rapidement les sommes suspendues, il s'expose néanmoins à une suspension plus longue. Même l'organisme qui en décidera n'aura aucune idée de sa durée. Nous souhaitons donc que la suspension fasse l'objet d'un examen et d'une validation par une équipe pluridisciplinaire, afin que la décision soit collégiale et partagée par l'ensemble des parties prenantes.
Enfin, confier la décision au référent – même si elle est prise en accord avec son autorité de tutelle –, nous semble de nature à altérer la relation dite de confiance entre l'allocataire et son référent – que vous avez souhaité qualifier d'« unique » plutôt que de « principal ».
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 225 .
Pour être complet, l'accompagnement des allocataires du RSA doit couvrir plusieurs dimensions, comme l'insertion professionnelle ou l'accompagnement social. Nous trouvons très dommageable de supprimer la validation des sanctions par une équipe pluridisciplinaire, car les bénéficiaires comme les organismes qui les accompagnent sont rassurés par ce dispositif, qui permet à chacun d'être entendu avant que la sanction soit prononcée. Il garantit que la situation personnelle des allocataires est prise en considération dans sa globalité et qu'il ne subsiste aucun angle mort, afin de répondre le plus justement possible aux besoins des allocataires.
Cet amendement, que nous sommes plusieurs à défendre ce soir, nous a été inspiré par le collectif Alerte.
Sur le fondement de l'article 39 relatif aux bureaux des commissions. La présidente de la commission, Mme Parmentier-Lecocq, à qui j'ai demandé par écrit que mon amendement n° 753 fasse l'objet d'une évaluation en application de l'article 98-1, m'informe qu'il sera examiné par le bureau de la commission. Cependant, l'article 98-1 dispose que c'est la présidence de la commission qui donne ou non son accord aux demandes d'évaluation. Je constate donc que le bureau de la commission n'est pas compétent pour se prononcer sur la requête que j'ai adressée par écrit à la présidence.
L'article 98-1 du règlement, en particulier son alinéa 4, a donné lieu à une jurisprudence de la conférence des présidents du 6 avril 2010, toujours applicable, en vertu de laquelle votre demande aurait été recevable si vous l'aviez déposée avant le début de l'examen du texte en séance. Je peux vous transmettre le procès-verbal de la réunion du 6 avril 2010.
Je vous remercie de cette précision. J'avais bien lu l'alinéa 4 en question, selon lequel le « défaut de réalisation, d'impression ou de distribution d'une évaluation préalable sur un amendement ne peut faire obstacle à la discussion en séance publique », mais je n'étais pas député en 2010, et…
Vous savez bien que lorsque le règlement doit être précisé, il l'est en conférence des présidents ; c'est elle et elle seule qui décide en la matière.
Soit, je vous remercie d'apporter cette nuance qui saura, je l'espère, guider nos travaux et nos éventuelles demandes ultérieures d'évaluation.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 746 .
À la suite de l'amendement défendu par Mme Garin, cet amendement important, rédigé en lien avec le collectif Alerte, vise à ce que la décision de suspension du RSA soit soumise à un avis collégial.
Dans ce texte, c'est la question des sanctions qui nous inquiète – d'où ma demande d'évaluation de l'amendement n° 753 –, en particulier la possibilité qu'elles soient prononcées par une seule personne. En l'état, la sanction est collégiale ; la responsabilité est donc partagée. En individualisant cette compétence, on fait peser sur l'agent concerné une responsabilité bien supérieure, en augmentant d'autant la pression, voire la tension psychologique. En outre, la relation de confiance qui lie l'allocataire au conseiller qui le suit – devenu décisionnaire de la sanction – risque d'en souffrir.
Nous avons déjà émis un avis défavorable en commission. La nouvelle sanction doit être plus protectrice puisque le reversement est possible. Avec votre amendement, le collège ayant prononcé la sanction devrait se réunir à nouveau pour décider du reversement, ce qui serait une perte de temps. Nous préférons la souplesse du dispositif tel qu'il est prévu, en rappelant qu'il s'agit là de l'ultime étape du dialogue entre le demandeur et son référent. Malheureusement, vous n'êtes attentif qu'au volet suppression, et nous au volet accompagnement ; nous allons donc avoir du mal à nous entendre. Avis défavorable.
Même avis.
Même si nous sommes opposés à la sanction par principe, il nous semble qu'en confier la responsabilité à une équipe pluridisciplinaire constitue un garde-fou minimal, tant pour la personne concernée – afin qu'elle ait, outre son référent, plusieurs interlocuteurs spécialisés dans des domaines comme le logement, la santé ou encore l'accès à l'emploi – que pour les décisionnaires. La discussion collégiale préalable au prononcé d'une sanction permet de sécuriser les différents intervenants.
Le ministre a tenu tout à l'heure des propos qui m'ont étonné – et qui m'étonnent bien plus encore car entre-temps, j'ai reçu une dizaine de messages de syndicalistes de Pôle emploi : la gestion de liste, disait-il, désigne la radiation automatique après rendez-vous. Ce n'est évidemment pas le cas : la GL, telle qu'on la nomme dans l'établissement, désigne tout avertissement avant radiation puis la radiation elle-même. Je tiens à la disposition du ministre les présentations Powerpoint de Pôle emploi, dont les plus récentes datent de l'été dernier, et je les lui enverrai par courrier électronique si c'est utile et nécessaire pour enrichir ses notes.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 16
Contre 54
Sur l'amendement n° 753 , je suis saisie d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour le soutenir.
Cet amendement n'aura pas été évalué, et c'est malheureux. Il vise en effet à supprimer la possibilité offerte au département de prendre à l'encontre d'un allocataire du RSA une mesure de suppression du versement. L'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles permet déjà de prendre une mesure de suspension, ce qui est largement suffisant. En outre, la suppression du versement peut avoir des conséquences graves car elle suppose de redéposer une demande et, par conséquent, de subir les délais nécessaires à son instruction.
Cet amendement nous renvoie à la question initiale. J'ai demandé – je n'avais pas encore connaissance de la jurisprudence de la conférence des présidents – qu'il soit évalué, mais vous, monsieur le ministre, présentez un projet de loi entier sans évaluation. L'étude d'impact est pourtant une obligation. Or, sur les sanctions, l'étude d'impact est vide. Il est inconfortable et même dangereux de légiférer dans de telles conditions.
Je comprends bien que si M. Delaporte demande que son amendement soit évalué, c'est qu'il n'est pas lui-même certain de sa portée. Par prudence, je propose donc son retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
M. Delaporte soulève un point important : rien n'est budgété, dans ce texte. Nous légiférons sur un projet dont nous ignorons l'impact financier total. Le ministre a dit l'estimer à 2,7 milliards et nous a assuré disposer des crédits nécessaires, mais où allez-vous les trouver ? Qui va payer la note ? Tout cela pose problème en vue du vote du texte.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 65
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 12
Contre 53
L'amendement n° 753 n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 751 .
Puisque le rapporteur a nié la nécessité d'une évaluation non seulement de mon amendement, mais sur la question globale des sanctions…
Si, implicitement ; le ministre, lui, n'a pas daigné répondre. Cet amendement de repli vise à ce que l'éventuelle mesure de suppression du versement du RSA ne soit pas alternative à la suspension, mais ultérieure. Nous avons eu ce débat à l'article 2 et vous m'avez dit qu'il faudrait amender l'article 3. Je propose donc de rétablir une gradation qui rende la sanction plus proportionnée, même si le ministre n'en a pas indiqué le niveau. La suppression ne doit éventuellement intervenir qu'après une première étape, celle de la suspension.
Même avis.
Je lis l'alinéa 34 : « Si le bénéficiaire dont le versement du revenu de solidarité active a été suspendu persiste, au terme de cette suspension, dans le manquement y ayant donné lieu ». Et l'alinéa 35 : « Si le bénéficiaire réitère […] un manquement pour lequel il a fait l'objet d'une décision de suspension ». Ces dispositions instaurent en effet une gradation, dont l'amendement n° 751 vise précisément à asseoir le principe ; je ne comprends pas pourquoi vous le refusez.
L'amendement n° 751 n'est pas adopté.
Déposé à l'initiative de Mme Levavasseur, il vise à ce qu'une grille d'obligations soit transmise en main propre au demandeur d'emploi dès la signature de son contrat d'engagement. Les obligations qui lui incombent et les sanctions associées lui apparaîtront ainsi clairement. Les attentes s'en trouveront d'emblée clarifiées afin que soient mieux comprises les responsabilités confiées aux personnes en recherche d'une activité professionnelle. De même, cette grille détaillera les sanctions, qui seront prises de manière progressive en fonction des manquements et de leur récurrence. Le demandeur d'emploi aura connaissance, dès la signature de son contrat d'engagement, des risques et des conséquences qui surviendront en cas de non-respect des obligations, ce qui lui permettra d'éviter plus facilement les sanctions et, le cas échéant, de corriger son comportement. D'autres pays européens ont d'ores et déjà adopté cette mesure, qu'il serait judicieux d'appliquer en France.
L'amendement n° 179 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 614 .
La composition du foyer d'un bénéficiaire, qu'il ait ou non une famille à charge, ne saurait constituer une circonstance atténuante ou une excuse justifiant son maintien dans un dispositif d'aide qu'il ne respecte pas. Je l'ai déjà dit : autant il n'est pas acceptable que des personnes qui n'ont pas la possibilité de se rendre en personne dans une agence pour un rendez-vous soient sanctionnées, autant ceux qui fraudent et qui trichent doivent l'être.
L'amendement n° 614 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1678 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 796 .
Il vise à rappeler clairement qu'un allocataire du RSA visé par une sanction peut, dans un délai d'un mois, faire part de ses observations avant qu'une décision soit prise. Il est plus précis que l'alinéa 38 qui, en l'état, ne porte que sur les mesures de suppression, et non de suspension. Or il est indispensable que tout projet de sanction, qu'il s'agisse d'une suppression ou d'une suspension, ouvre droit à un échange contradictoire avec l'allocataire concerné.
De plus, l'amendement précise que la décision ne peut être prononcée qu'à partir du moment où l'allocataire a fait connaître ses observations à l'équipe pluridisciplinaire. À cet égard, l'alinéa 38 est plus ambigu, puisqu'il dispose que la décision ne peut être prononcée sans l'avis de l'équipe pluridisciplinaire, à laquelle l'allocataire est certes invité à faire connaître ses observations. Notre amendement précise que la communication des observations de l'allocataire est un passage obligé avant de prononcer une sanction. C'est pourquoi, afin que la règle soit applicable et juste, nous fixons un délai : un mois.
Pour ce qui est de la possibilité de présenter des observations préalables, l'alinéa 38 s'applique dans les deux cas : suspension et suppression. Quant à l'obligation de transmission des observations de l'allocataire avant la décision de suspension, nous avons déjà expliqué pourquoi nous y sommes défavorables.
Même avis.
L'amendement de M. Dharréville ajoute tout de même un élément important, qui ne figure pas dans l'alinéa 38 : le délai. Il s'agit donc d'améliorer un texte – par ailleurs très mauvais, ce ne sera donc pas très difficile.
En posant ainsi la question sous l'angle du droit à un revenu minimum, c'est aussi l'occasion de nous joindre à notre tour à la mode des citations de Michel Rocard – certains furent rocardiens, d'autres non, peu importe, nous participons aussi ! Je rappellerai donc son discours de 1988, lors de la création du revenu minimum d'insertion (RMI) : « Instaurer un droit au revenu minimum est une innovation d'une portée considérable. »
« Après la création de la sécurité sociale, puis sa généralisation, […], c'est construire le dernier étage, franchir la dernière étape. » Plus personne ne peut donc nous dire ici que Michel Rocard ne souhaitait pas que le RMI soit un droit. Il l'a dit, et c'est bien ainsi qu'il concevait le revenu minimum.
Sans doute parlait-il de devoirs, mais jamais du devoir d'indigence et de misère !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mon collègue Le Gac vient de le rappeler : M. Rocard parlait aussi de devoirs. Soyons précis. À l'aune des débats auxquels nous assistons depuis lundi, il apparaît que vous contestez ce texte, ce qui est votre droit le plus strict. Vous l'avez même qualifié à l'instant de catastrophique…
Mais vous, que proposez-vous depuis lundi ? Rien ! Vous ne proposez qu'une chose, le statu quo total : que rien ne change ! Vous souhaitez que la situation actuelle perdure et que les allocataires du RSA soient assignés à résidence. C'est super, quand on vient de la gauche !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.
L'amendement n° 796 n'est pas adopté.
Cet amendement est sans doute notre dernier espoir de vous raisonner. Vous assumez pleinement le principe de sanctions alors que nous nous trouvons dans une situation de pénurie d'emplois, avec 2 millions de bénéficiaires du RSA, 5 millions de chômeurs et seulement 350 000 emplois disponibles.
En parlant de ces personnes, d'ailleurs, nous devrions souligner qu'il s'agit à 57 % de femmes !
…car un tiers de ces femmes le sont ! Une fois que vous les aurez sanctionnées, qu'adviendra-t-il de leurs enfants ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Une fois que vous aurez voté ce texte et que des sanctions seront mises en œuvre, des enfants dont la mère vit avec 900 euros par mois…
Et voilà : je demande ce qu'il adviendra des enfants, et le Rassemblement national chante avec la Macronie ! Ma question est très simple, monsieur le rapporteur : lorsqu'une mère isolée aura été sanctionnée et devra vivre avec 400 à 600 euros par mois, qu'adviendra-t-il de son enfant ?
Je vais tout de même répondre. C'est l'occasion de rendre hommage à notre collègue Anne Bergantz, du MODEM, à l'initiative de laquelle nous avons ajouté en commission qu'une « attention particulière est portée aux bénéficiaires assumant la charge d'un ou de plusieurs enfants. » C'est bien le cas dans les faits, puisque la détermination du montant suspendu tient compte de la présence d'enfants. Je vous renvoie également à l'élaboration du diagnostic et du contrat d'engagement, au cours de laquelle les situations particulières sont prises en considération…
Non, mon cher collègue : c'est du droit, ce n'est pas de la bonté. Avis défavorable.
Vous ne respectez pas la Convention internationale des droits de l'enfant ! Vous faites honte à la France.
Tenir compte d'une situation est une chose ; empêcher que des sanctions s'appliquent lorsque le foyer compte un enfant en est une autre, monsieur le rapporteur. Il est évident que l'amendement améliorerait la protection des enfants.
Par ailleurs, vous avez indiqué précédemment que l'alinéa 38 concernait aussi la suspension du RSA. Or je ne la vois pas mentionnée. S'il s'agit d'une interprétation, j'aimerais que M. le ministre la confirme, car elle permettra de protéger les personnes concernées. Si ce n'est pas le cas, mon amendement aurait dû être adopté.
L'amendement n° 1211 n'est pas adopté.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE.
Il ne faudrait pas que les gosses traînent dans la rue, ils pourraient devenir dealers !
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 752 .
Notre débat est intéressant. On a l'impression, à vous entendre, que la prise en compte des situations et l'appréciation individuelle offriront des garde-fous et suffiront pour que les foyers avec enfants ne soient pas sanctionnés. Mais le fait de l'écrire dans le projet de loi permettrait de s'en assurer, et ferait reposer la responsabilité de la protection des gens sur le législateur – et non sur le conseiller en bout de chaîne. C'est très différent !
Quant à l'amendement n° 752 , il vise à offrir des garanties dites procédurales, comme il en existe déjà. Il s'agit de veiller à l'information de l'allocataire quant aux voies et délais de recours gracieux et administratifs quand il est l'objet d'une sanction. Je voudrais à cet égard revenir sur ce qui a été dit tout à l'heure. Il est facile en effet de se revendiquer de Michel Rocard.
Nous en avons parlé à plusieurs reprises depuis le début de la soirée. La vraie question est celle de la politique et des actions que l'on met en œuvre. En annonçant la création du RMI à l'occasion de son discours de politique générale, Michel Rocard déclara : « L'espoir, c'est aussi permettre à ceux qui sont les plus durement frappés, que notre société laisse partir à la dérive, que la marginalité guette, d'avoir droit à une deuxième chance. Tel est le sens profond du revenu minimum d'insertion. Instaurer un droit au revenu minimum est une innovation d'une portée considérable. » Il ajouta ensuite que c'était une nouvelle étape de la sécurité sociale, après les nombreuses évolutions de l'État-providence, puis précisa : « C'est pourquoi le revenu minimum doit être étroitement lié à un effort d'insertion. »
« II faudra, là encore, bousculer nos habitudes, briser les rigidités de l'État-providence, mobiliser les énergies de tous, celles des collectivités locales, celles des services sociaux, celles des associations. Car seule une démarche concrète adaptée à chaque situation permettra de franchir les difficultés. »
L'insertion, pour Michel Rocard, relève d'abord de la responsabilité de l'État. Or le constat que nous faisons tous aujourd'hui est que les moyens qu'il était prévu de dédier à l'époque à l'insertion, à hauteur de 20 % des dépenses consacrées à l'allocation, ne sont pas là ! Vous renversez la situation en faisant reposer la responsabilité de la non-insertion sur l'allocataire plutôt que de vous interroger sur la responsabilité de l'État et d'octroyer des moyens conséquents. C'est là que le bât blesse : 20 % des 12 milliards d'euros versés au titre du RSA, cela ne correspond pas à 1 milliard d'euros à l'horizon 2027, monsieur le ministre !
Je confirme, cher collègue Dharréville, que l'information prévue à l'alinéa 38 concerne bien les cas de suspension comme de suppression de l'allocation. Quant à votre amendement, cher collègue Delaporte, il est satisfait par l'alinéa 44. Avis défavorable.
Même avis.
Cet amendement est excellent, dans la mesure où il vise à améliorer l'accès à l'information des personnes concernées. En parlant d'accès à l'information justement, je voudrais répondre à M. Millienne qui pose beaucoup de très bonnes questions, cadrant bien notre débat. Après s'être interrogé sur les politiques sociales allemandes, il vient de me demander ce que nous, députés du groupe LFI – NUPES, voudrions faire à défaut du statu quo. Il ne vous aura pas échappé, monsieur Millienne, que La France insoumise n'a pas de ministre au banc !
Il nous est donc moins facile qu'à vous de concrétiser nos idées – mais soit, ayons cette discussion ! Que pourrait-on faire, à la place de ce texte ? D'abord, on pourrait bloquer le prix des produits de première nécessité, comme vous l'avez fait pour le gel hydroalcoolique et comme vous refusez de le faire pour les pâtes, le lait ou les œufs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On pourrait également mettre en place une garantie dignité qui permette que personne, dans notre pays, n'ait un revenu inférieur au seuil de pauvreté.
Mêmes mouvements.
On pourrait automatiser le versement des prestations sociales : l'Urssaf, par exemple, pourrait verser directement les allocations chômage aux nouveaux chômeurs, dès réception de la déclaration de l'employeur et de la notification de rupture – alors qu'au contraire, vous entretenez le non-recours aux droits.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
On pourrait également mener une politique offensive s'agissant de la restructuration des emprunts et du surendettement personnel. Voici quelques pistes dont nous pourrions discuter si nous avions autre chose à faire que d'examiner ce texte ce soir, et si nous étions aux commandes à votre place.
Vous nous demanderiez sans doute qui payerait – c'est une autre très bonne question, centrale ! Je n'irai pas jusqu'à dire que l'année dernière, M. Bernard Arnault a gagné chaque mois l'équivalent de 3 millions de RSA : ce serait cruel !
Soulignons néanmoins qu'avec une réforme fiscale qui rendrait l'impôt progressif, ou avec une ponction des très hauts patrimoines – je salue le camarade Mattei, absent ce soir, qui a introduit le sujet dans le débat ces derniers temps –, nous disposerions de la capacité financière pour mener une politique sociale d'ampleur dans notre pays. Mais il faut du courage politique pour prendre à certains ménages extrêmement riches, qui n'ont cessé de se gaver depuis six ans que vous êtes au pouvoir, et redistribuer aux perdants de cette période – beaucoup trop longue à notre goût.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 752 n'est pas adopté.
Il vise, dans la même logique que l'un de mes amendements précédents, à restaurer de la collégialité dans les décisions, afin de protéger les personnes inscrites auprès du service public de l'emploi. J'entends M. Millienne, qui semble encore intéressé par ce que nous proposons.
S'agissant d'un texte du Gouvernement, il est malheureusement compliqué pour l'opposition de développer ses propositions alternatives, en raison surtout du filtre que constituent les articles 40 et 45 de la Constitution. Sachez néanmoins, cher collègue Millienne, que sur la question du RSA en particulier, nous avons des propositions.
D'abord, nous porterions l'accompagnement à la hauteur de ce qu'il devrait être, ce qui impliquerait de recruter des conseillers au niveau départemental. Effectivement, cela coûterait de l'argent – c'est d'ailleurs le problème avec ce gouvernement, qui annonce un meilleur accompagnement sans prévoir de moyens derrière. Ensuite, nous rendrions le RSA inconditionnel et ne l'assortirions d'aucune sanction, car la sanction empêche l'insertion. Par ailleurs, nous l'ouvririons aux jeunes de 18 à 25 ans qui se voient aujourd'hui imposer des mesures sans être allocataires. Enfin, nous le revaloriserions, car on ne peut pas vivre décemment avec un revenu dont le niveau a décroché par rapport au niveau du Smic depuis trente ans.
Tout cela coûte de l'argent, me direz-vous. Je citerai donc Michel Rocard : « Le financement du RMI sera assuré pour partie par le rétablissement d'un impôt sur la fortune. Il faut lever ici toute équivoque : l'impôt sur la fortune est une contribution de solidarité, pas une revanche contre les riches. »
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. François Piquemal, pour soutenir l'amendement n° 1515 .
Il vise à rétablir le principe du contradictoire, qui est absent de la version actuelle du projet de loi. Ce n'est pas nous qui le disons, mais la Défenseure des droits. La suspension du RSA par le département, qui est une sanction administrative, est en effet possible sans que soit prévu un passage devant une commission pluridisciplinaire. Pourtant, chacun en conviendra, toute sanction administrative mérite que l'intéressé puisse se défendre. Il a souvent été question de droits au cours de nos débats, mais aussi de devoirs. Je note que ceux qui gagnent près de dix fois le RSA ont beaucoup de devoirs à demander à ceux qui ne perçoivent que le RSA, et n'exigent rien des ultrariches qui gagnent dix fois plus qu'eux !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La justice est absente de tout cela ; le présent amendement permettrait de la rétablir.
Mêmes mouvements.
Il est identique à celui de la commission.
« Ah ! » sur divers bancs.
Je vais rappeler, monsieur Delaporte, une phrase que vous avez déjà lue ici : « C'est pourquoi le revenu minimum d'insertion doit être étroitement lié à un effort d'insertion. » Ce n'est donc pas un revenu sans contrepartie !
Michel Rocard a dit aussi : « Il nous faudra également veiller à [ne pas] créer des abonnés de l'assistance. »
Vous auriez crié au scandale si quelqu'un avait dit cela au cours de nos débats ! Enfin, s'agissant de votre idée récurrente de ponctionner les riches, il a ajouté : « Une imposition trop forte pourrait décourager les activités qu'il nous faut stimuler ! » Un peu de mesure, monsieur Delaporte ! Michel Rocard en avait, lui.
L'amendement n° 250 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
« Ah ! » sur divers bancs.
Permettez-moi de le présenter : quand on demande aux gens de faire quinze heures par semaine, il faut au moins faire quinze heures par semaine de défense des amendements !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'agit de délimiter les délégations de pouvoir entre le conseil départemental et Pôle emploi dans le cadre du « Rail », le nouveau réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi, afin que chacun exerce ses compétences auprès des populations dont il connaît les difficultés. Aux salariés de Pôle emploi revient la gestion des parcours vers l'emploi ; ils sont en effet des agents d'intermédiation, dont le métier est de connaître le marché du travail, les secteurs, les modalités de recrutement, d'insertion, d'activité et d'exercice du travail en entreprise dans leur région. Aux départements revient la gestion d'une activité à caractère social : insertion, logement, santé, mise en relation avec différents acteurs, notamment de formation.
Chacun doit être capable de se décloisonner et de diriger les personnes vers d'autres interlocuteurs, pour bénéficier de diverses options et possibilités, mais une règle doit prévaloir : le volontariat et le consentement. C'est bien le problème de votre texte : plutôt que du volontariat et du consentement, il impose à tous des parcours automatiques et standardisés. Cela posera un problème majeur. Le texte ne prévoit pas de l'accompagnement social, comme il le prétend, mais de la gestion industrielle.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
J'ai été saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 1533 – avant que M. Clouet ne le défende –, ainsi que sur l'amendement n° 1212 .
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?
Même avis.
Une citation s'impose en réponse à M. Saint-Huile : « Tout le monde a été, est ou sera rocardien. »
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 20
Contre 42
Élaboré avec l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), il vise à conférer au seul président du conseil départemental la compétence de suspendre ou de supprimer le versement du RSA, sur proposition de Pôle emploi lorsque celui-ci suit le bénéficiaire, après une phase contradictoire. La procédure serait la suivante : envoi par Pôle emploi de la proposition de décision motivée au président du conseil départemental ; décision du président du conseil départemental dans un délai d'un mois ; transmission de la décision au bénéficiaire, avec une information sur les voies et délais de recours ; le bénéficiaire peut alors faire connaître ses observations, avec l'assistance, à sa demande, d'une personne de son choix. Cet amendement permet de répondre aux difficultés soulevées dans les points 3 et 13 de l'avis du Conseil d'État.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 797 .
Il reprend, lui aussi, une proposition de l'Uniopss. Nous avons demandé à plusieurs reprises à M. le ministre si Pôle emploi, rebaptisé France Travail, disposerait des moyens humains et financiers nécessaires – sachant qu'il gère le volet de l'emploi, tandis que les conseils départementaux gèrent le volet social. Nous avons souhaité savoir comment les nouvelles compétences de Pôle emploi seraient assurées, mais notre question est restée sans réponse. Aussi tenons-nous à rappeler que la compétence exclusive du conseil départemental doit être maintenue en matière de sanctions relatives aux allocataires du RSA. Un délai d'un mois doit être prévu entre la proposition de sanction de France Travail et son acceptation par le président du conseil départemental, afin de tenir compte de la charge de travail qui pèse déjà sur les conseillers, dont nous avons bien compris qu'elle ne diminuerait pas.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 226 .
Conformément à la proposition de l'Uniopss, il s'agit de prévoir un délai d'un mois entre la proposition de sanction par Pôle emploi et la décision du président du conseil départemental.
L'amendement n° 226 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sachez que les mères isolées qui sont au RSA ne prennent pas de plaisir à cette situation. Comme toutes les mères, elles souhaitent le meilleur pour leurs gosses.
Vous n'avez pas idée des choix qu'elles doivent faire quand elles vivent avec 900 euros par mois : faut-il plutôt acheter des fournitures scolaires, des vêtements ou de la nourriture, payer le loyer ou la facture d'énergie ? Voilà les choix qu'elles doivent faire au quotidien. Avec votre proposition de loi, vous supprimerez ou baisserez leurs revenus. Pour vous, 200 euros en moins, ce n'est peut-être rien, mais pour elles, ça change tout. Ces mères, nous avons bien compris que vous vous en foutez : elles n'ont qu'à traverser la rue pour trouver du boulot ! Mais qu'en est-il de leurs gamins ? Un enfant doit-il être sanctionné par la loi France Travail ? Un enfant doit-il se retrouver à la rue ?
Rires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et LR.
Voilà la situation où l'on se trouve quand on n'est plus capable de payer son loyer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Un enfant sera-t-il privé de certains repas, parce que vous avez baissé l'allocation de son parent ? C'est ça, concrètement, que vous allez faire avec France Travail. Les enfants auront-ils droit à toutes les fournitures scolaires ? C'est ça, concrètement, que vous allez faire avec France Travail.
Nous, nous pensons que toute personne a droit à un logement et à de la nourriture ; elle a le droit de payer des fournitures scolaires à ses gosses.
Les enfants n'ont pas à être sanctionnés. C'est le sens de notre amendement. Si vous le votez, les enfants ne seront pas sanctionnés par la loi France Travail. Je vous appelle donc à le soutenir : il y va de la dignité de l'Assemblée nationale et de la France, car aucun enfant ne devrait se trouver à la rue dans notre pays. Aucun enfant ne devrait manquer un repas ; aucun enfant ne devrait manquer de vêtements ; aucun enfant ne devrait manquer de ce qui est inconditionnel pour la dignité humaine. C'est pourtant ce que vous allez leur retirer avec le projet France Travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Même avis.
L'amendement de Louis Boyard vise à interdire de suspendre tout ou partie du RSA aux familles avec enfants.
Cela semble faire rire certains ; qu'ils sachent pourtant que le projet de loi est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant, que la France a ratifiée. On y lit : « Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. » Ce n'est pas seulement dans le droit français qu'on interdit les punitions collectives ; c'est aussi dans le droit international, que la France a ratifié.
Vous devriez vous interroger sur ce que vous êtes en train de faire. En France, un enfant sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Un Français sur deux saute régulièrement des repas, notamment pour nourrir ses enfants. Un enfant en situation de handicap sur quatre n'est pas scolarisé, ce qui bafoue, là encore, la Convention internationale des droits de l'enfant. Au moins 2 000 enfants, dont 480 de moins de 3 ans, dorment à la rue. Savez-vous combien d'enfants dorment à la rue en Allemagne ? Zéro, par volonté politique. En France au contraire, les droits des enfants sont bafoués. Ce que vous êtes en train de faire est abject.
Les députés du groupe LFI – NUPES ainsi que M. Arthur Delaporte se lèvent et applaudissent.
Ayez au moins la décence et la dignité d'accepter un amendement qui protège le strict minimum : les enfants n'ont jamais à payer pour ce que leurs parents font ou ne font pas. Tel est le principe que la France a ratifié ; respectez au moins le droit international.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 20
Contre 46
L'amendement n° 1212 n'est pas adopté.
Vous pourrez être fiers en vous couchant ce soir ! On se demande comment vous pouvez encore vous regarder dans une glace !
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.
La séance est reprise.
L'amendement n° 1679 de M. le rapporteur est rédactionnel.
L'amendement n° 1679 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement tend à supprimer le délai imparti au président du conseil départemental afin de faire connaître à l'opérateur sa volonté de statuer lui-même sur les faits reprochés en vue d'une mesure de suspension du versement du RSA et par conséquent, l'automaticité de la capacité de l'opérateur France Travail à prononcer la suspension à l'expiration du délai. Nous sommes opposés à l'établissement d'un délai au-delà duquel le prononcé de la sanction de suspension-remobilisation repose sur le désaveu plus large de la possibilité pour le conseil départemental de déléguer la sanction à l'opérateur France Travail.
D'autre part, le texte ne donne pas d'informations sur les personnes qui, au sein de France Travail, seraient chargées d'arbitrer la durée et les montants de la suspension. Enfin, France Travail prendrait la sanction sans l'avis d'une équipe pluridisciplinaire. La possibilité pour les bénéficiaires de se défendre se trouverait donc affaiblie, puisqu'ils ne pourraient plus opposer une argumentation contradictoire à l'opérateur comme cela est possible auprès du conseil départemental lors de l'entretien préalable à la sanction.
Ce délai est essentiel, puisque nous devons décider au bout de combien de temps il faut tirer les conséquences du silence du président du conseil départemental. Il sera fixé après concertation avec l'Assemblée des départements de France. Avis défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 17
Contre 37
L'amendement n° 1530 n'est pas adopté.
Chacun connaît l'adage selon lequel il ne faut légiférer que d'une main tremblante.
Je n'ai pas le cœur à plaisanter, car le sujet est grave. Nous avons débattu de la possibilité ou non de sanctionner, en réduisant le montant de l'allocation ou en la supprimant tout bonnement, indépendamment des conséquences graves que cette décision emporterait pour l'éducation des enfants. Le débat était déjà difficile intellectuellement. Imaginez dans quelle situation embarrassante nous allons placer les conseillers qui devront prendre la décision. Des gens vont souffrir. Nous vous proposons par conséquent que la décision de suspendre ou de supprimer le versement soit prise collégialement. La décision est lourde à prendre, quelle qu'elle soit, puisque suspendre le versement de la moitié de l'allocation, ne serait-ce que durant quelques mois, revient déjà à retirer à une famille la moitié de ses revenus.
Même avis.
M. Delaporte insiste sur la situation des parents, mais toutes les personnes éloignées de l'emploi ont des raisons sans doute tout aussi valables de l'être – handicap, accident de la vie, difficulté de s'exprimer en français, etc. Chaque situation doit être étudiée attentivement, à l'aune de ces fragilités. La philosophie de ce projet est précisément de considérer les personnes dans leur globalité et pas simplement sous l'angle de la formation. Nous voulons adopter une approche plus riche et humaine. Ce n'est donc pas la peine d'insister sur ce point, car c'est l'essence même de ce texte.
C'est un amendement de bon sens. Les décisions que peuvent prendre les agents de France Travail les engagent et peuvent même les mettre en danger. Nous ne pouvons pas les laisser porter seuls ce poids. Recueillir l'avis d'une équipe pluridisciplinaire est de bon aloi. Ce ne sont pas des décisions que l'on prend à la légère.
La gouvernance de France Travail est un impensé de ce projet de loi, les rencontres que j'ai faites ces derniers jours avec des agents de Pôle emploi me l'ont confirmé. J'invite nos collègues à voter cet amendement par égard pour ces professionnels.
Nous parlons de gens réels et d'argent réel. Je pourrais citer tous les témoignages que nous avons recueillis, mais je vais plutôt me référer à la note que nous avons réussi à obtenir de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), et que le Gouvernement, lui, n'a jamais demandée. Elle indique que le montant moyen des sanctions s'élève à 247 euros par mois, montant moyen car certains allocataires voient leur allocation amputée de sommes bien supérieures – les statistiques portent sur 30 000 des 40 000 personnes sanctionnées au mois de juin 2022. Pour un tiers d'entre eux, le montant se situe entre 300 et 400 euros, pour 14 % entre 500 euros et plus et pour 12 % entre 200 et 300 euros. Les sanctions inférieures ou égales à 100 euros ne concernent que 22 % des bénéficiaires.
C'est autant d'argent en moins sur un budget mensuel de 607 euros lorsqu'on vit seul, de 911 euros lorsqu'on est en couple ou de 1 093 euros lorsqu'on vit en couple avec un enfant. Cet amendement nous permet de réfléchir collectivement au bon niveau des sanctions. Elles ne sauraient être appliquées à la légère.
Enfin, monsieur le ministre, que celui qui porte la réforme du RSA soit dans l'incapacité de nous donner la grille des futures sanctions me paraît irresponsable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 25
Contre 43
L'amendement n° 760 n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 755 .
Oui, vous aimeriez que je me contente de dire « Défendu ! », mais nous abordons le cœur de la réforme, le régime des sanctions. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les départements, qui ont parmi leurs compétences l'accompagnement et l'insertion, de transférer par convention à Pôle emploi le prononcé de la sanction à l'encontre des allocataires. L'alinéa 42 sur lequel il porte est dangereux : il prévoit de déposséder le président du conseil départemental de l'un de ses principaux pouvoirs, puisque c'est lui qui prend aujourd'hui la décision de sanction.
Rendez-vous compte de ce sur quoi nous légiférons. Ce texte, d'apparence technique,…
Nous sommes pour la libre administration des collectivités locales. Aucune obligation n'est faite aux départements, qui auront le choix de déléguer ou non leurs pouvoirs, qui ne concernent, je le rappelle, que le prononcé des mesures de suspension.
Je pensais que nous étions tous favorables à la libre administration des collectivités et si je me trompais, au temps pour moi ! Nous ne faisons que proposer une option aux départements, dont les équipes travaillent déjà très bien avec les personnels de Pôle emploi. Cette délégation sera prise, non pas sur la seule décision du président du département, mais après délibération du conseil départemental, dont les membres, vous le savez, ne s'entendent pas comme larrons en foire puisqu'il existe toujours majorités et oppositions. Il n'y a pas de dépossession : c'est une liberté que nous donnons.
Avis défavorable.
Nous sommes opposés à cet amendement, car nous estimons que la possibilité de déléguer fera gagner à la procédure objectivité et clarté. N'oublions pas que les présidents de conseil départemental sont des élus : sont-ils forcément objectifs lorsqu'il s'agit de prononcer une sanction à l'encontre d'allocataires qui sont aussi des électeurs ? Je ne le pense pas.
Pour ma part, je soutiens cet amendement. Si je comprends bien M. le rapporteur et M. le ministre, il s'agit de proposer aux départements de se défausser d'une chose qu'ils savent faire à des gens qui ne savent pas le faire.
Voilà une liberté qui n'est ni pertinente ni utile ! Nous pensons que cela va niveler vers le bas l'accompagnement social et l'organisation des parcours des allocataires.
Le débat ne porte d'ailleurs pas vraiment sur les attributions de compétences. La question qui nous occupe est plutôt de savoir pourquoi vous cherchez à tout prix, par des moyens sournois et tarabiscotés, à toucher aux droits inconditionnels qui sont ceux de l'enfant.
Monsieur Turquois, vous avez employé une formule intéressante en soulignant que les enfants pouvaient constituer une fragilité. C'est vrai d'une certaine manière, mais on ne saurait les réduire à une variable dans la composition du foyer, à une extension de la vie de leurs parents. Ce sont des êtres à part entière, dotés de droits spécifiques – droit à la santé, droit à l'éducation, droit à une vie digne, droit à la sécurité sociale – qui sont autant de droits non négociables.
Nous le voyons, la logique à l'œuvre dans ce projet de loi est de préparer le terrain juridique pour faire en sorte qu'il soit possible demain de contourner ces droits sous prétexte qu'il s'agit de gamins.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 755 n'est pas adopté.
L'amendement n° 247 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 1559 , par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, et sur les amendements n° 72 et identiques, par le groupe Écologiste – NUPES.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 1681 de M. le rapporteur est rédactionnel.
L'amendement n° 1681 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous souhaitons tout d'abord supprimer la limitation introduite par le Sénat qui a réduit à trois mois de RSA les sommes pouvant être versées rétroactivement, une fois que l'allocataire s'est conformé aux obligations dont le non-respect a motivé la suspension. Nous sommes fermement opposés à ce renforcement des sanctions contre les allocataires et considérons que cet ajout répressif du Sénat est inacceptable. Le RSA protège ses bénéficiaires de la très grande pauvreté et de telles sanctions auraient pour conséquence d'augmenter le non-recours au RSA, dont le taux atteint déjà 34 % selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
Le durcissement de ces sanctions va de pair avec un affaiblissement pour les allocataires de la possibilité de se défendre. Rappelons que la Défenseure des droits a jugé que ce projet de loi ne respectait pas le droit au contradictoire.
Sucrer l'allocation d'un bénéficiaire du RSA, c'est précariser davantage une personne déjà fragilisée. Verser rétroactivement les sommes dues ne suffit pas. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons aussi dans cet amendement un dédommagement pour les allocataires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 72 .
Ce qui suit n'est pas une provocation. Vous avez « dealé », au sens noble du terme, avec LR pour tenter de construire une majorité autour de ce texte. Vous avec donc accepté, pour le dire poliment, d'ajouter à la rédaction initiale les quinze heures d'activité, ce qui allait au-delà des souhaits du Gouvernement.
Il se trouve face à un deuxième obstacle avec la rétroactivité du versement. En commission, M. Juvin – il me corrigera si je me trompe – a dit y être opposé et la droite sénatoriale l'a limitée à trois mois. Si vous souhaitez avoir une majorité sans forcément donner de points aux collègues LR, c'est peut-être sur ce sujet qu'il faut vous concentrer.
Vous nous avez dit que vous recherchiez non pas à appauvrir les allocataires du RSA, mais à fixer un cadre de sanction, et je veux bien, par honnêteté intellectuelle, vous croire. Toutefois, il faut bien voir que si un allocataire met plus de trois mois à se remobiliser, la perte d'une partie de son allocation l'enfoncera davantage encore dans la pauvreté. En donnant un avis favorable à ces amendements, le Gouvernement aurait l'occasion de prouver qu'il est de bonne foi lorsqu'il affirme vouloir de ne pas fragiliser durablement les bénéficiaires.
J'ai peu d'espoir mais l'heure avançant, sait-on jamais, nous parviendrons peut-être à trouver une convergence sur ce point. Les allocataires doivent pouvoir récupérer les sommes suspendues au-delà de ce délai de trois mois.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 227 .
Je rejoindrai mon collègue Saint-Huile dans son optimisme. Le Sénat a réduit le versement rétroactif du RSA à trois mois même pour les personnes qui se conforment à leurs obligations. Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur le fait que les allocataires constituent un public fragile et vulnérable. Face à un accident de parcours, on peut mettre plus de trois mois à se relever, en particulier lorsqu'on est confronté à un problème de garde d'enfant, de logement ou de santé mentale. On ne repart pas comme ça, d'un coup de baguette magique, comme si hop ! au bout de trois mois, on était prêt à se réengager dans la recherche d'un emploi.
Vous avez beaucoup insisté sur le fait qu'il n'y avait pas que des droits, mais aussi des devoirs ; à partir du moment où les allocataires remplissent leurs obligations, après être parvenus à franchir les obstacles rencontrés auparavant, c'est à l'État d'assurer l'effectivité de leurs droits en leur reversant les sommes suspendues, sans limitation de durée.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 761 .
Je reviendrai une fois encore sur la note fournie par la Cnaf, qui apporte une information précieuse : plus de 10 % des sanctions de premier niveau ont une durée supérieure à quatre mois et la moitié des sanctions de second niveau une durée supérieure à trois mois. Autrement dit, si la limitation de la rétroactivité à trois mois, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, est maintenue, les personnes qui font l'objet d'une sanction de quatre mois ou plus se verront privées définitivement d'une partie des sommes suspendues.
Nous légiférons à l'aveugle. Je constate, à vos mines de déterrés, que vous n'êtes pas fiers.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
En tout cas, je ne suis pas fier de ce que nous sommes en train de faire ce soir.
M. le ministre, qui était pourtant le rapporteur de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, expliquait tout à l'heure que le département pouvait se défaire de sa compétence. Mais tel n'est pas le principe de la décentralisation ! Au contraire, lorsqu'on dispose d'une compétence, on l'applique, mais on ne choisit pas de la balancer au motif qu'on n'aurait pas envie de l'appliquer, qu'on serait gêné ou qu'on en aurait honte ! Il ne faudrait pas que, demain, des départements se défaussent sur Pôle emploi, par honte de sanctionner ou parce qu'ils trouveraient que ce dernier le fait mieux qu'eux. Lorsqu'on détient une telle responsabilité, on doit en rester pleinement maître. Quant à l'allocataire, il ne doit pas être jugé à la carte, selon qu'il habite dans le Calvados ou dans la Manche ; il doit savoir si sa situation sera examinée par Pôle emploi ou par le département. Cette disposition est, à mon sens, totalement illégitime.
Pour en revenir au présent amendement, la limitation du versement rétroactif introduite par le groupe Les Républicains au Sénat, contre l'avis du Gouvernement, se voit aujourd'hui avalisée par le Gouvernement et sa majorité à l'Assemblée.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 800 .
Notre collègue Benjamin Saint-Huile vous pousse à donner un coup de canif dans le contrat d'engagement. Je ne sais pas si Les Républicains iront jusqu'à la suspension-démobilisation, mais toujours est-il que cela fait beaucoup ! Même si le présent amendement était adopté, ce ne serait pas suffisant pour que nous soyons satisfaits de votre texte. Nous proposons néanmoins de revenir sur la limite des trois mois, qui remet en cause votre discours sur le caractère juste des sanctions. Celui qui voit son RSA suspendu pendant trois mois a d'abord du mal à assumer le quotidien : il doit faire face à des impayés de loyer, d'électricité, des factures qui s'accumulent et il entre, en réalité, dans les difficultés pour longtemps. Avec ne serait-ce que trois mois sans versement, des difficultés incalculables peuvent s'accumuler et devenir exponentielles. La moindre des choses serait donc de supprimer cette limitation pour que la rétroactivité s'applique pleinement.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l'amendement n° 1521 .
Permettez-moi de m'associer à mes collègues issus de différents groupes politiques pour estimer qu'il est incompréhensible et fondamentalement injuste de limiter à trois mois la durée pendant laquelle un allocataire du RSA peut solliciter le recouvrement d'une somme qui a été suspendue à tort. Pourquoi ? D'abord, parce que c'est une situation plus défavorable que pour d'autres bénéficiaires : par exemple, les allocataires de Pôle emploi disposent de bien plus de temps ; pour quelle raison les allocataires de l'assurance chômage auraient-ils la possibilité de contester et de se faire rembourser sur une durée plus longue que leurs homologues du régime d'assistance ? Cela me semble incompréhensible.
C'est également le cas lorsque l'État veut se faire rembourser : il dispose par exemple de quatre ans pour obtenir le remboursement d'une somme qui aurait été indûment versée à un agent public. Pourquoi un allocataire de l'aide sociale ne pourrait-il demander le remboursement des sommes retenues que sur une période de trois mois, alors que l'État peut émettre une demande de saisie sur quatre ans ? Cela me semble très injuste et cela revient à créer des inégalités qui n'ont aucun fondement et dont personne, d'ailleurs, ne défend réellement le principe. Cette disposition est une erreur, parce qu'elle introduit une asymétrie des situations.
Nous pouvons, ce soir, corriger cette injustice : en effet, ce n'est pas parce qu'on est bénéficiaire du RSA qu'on a moins de droits que d'autres personnes et qu'une erreur doit nous être imputée plus fortement. D'autant plus que celle-ci interviendra à deux niveaux : comme l'a souligné ma collègue Marie-Charlotte Garin, la personne doit s'en rendre compte et entamer les procédures de mise en conformité dans un délai de trois mois. Or, trois mois, cela passe très vite lorsqu'on est en situation de précarité, d'autant qu'une suspension des droits entraîne la pire des précarités : on ne sait pas comment on paiera ses courses essentielles le lendemain ni si on sera en mesure de régler son loyer.
Mais les trois mois jouent aussi dans l'autre sens : le délai de traitement peut en effet se révéler très long. Qu'est-ce qui nous garantit que la demande sera traitée dans les trois mois, même si la personne l'a déposée en temps et en heure ? S'il y a effectivement un décalage dans le traitement administratif, elle y perdra.
Un retard de quinze jours risque d'entraîner un remboursement amputé d'autant. L'ensemble de ces raisons plaident donc pour l'adoption de l'amendement.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 1557 .
Mes collègues de la NUPES ont déjà très bien exposé tous les arguments. Permettez-moi d'insister cependant sur le fait que la pauvreté tue en France et crée de grandes souffrances. Ce texte est véritablement l'antichambre de la grande précarité et de souffrances à venir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
En ce qui concerne l'amendement n° 1559 , si on vous suit, cher collègue, le fait de majorer le reversement au bénéficiaire dont l'allocation aurait été suspendue conduirait à ce qu'il ait un intérêt, en définitive, à ce que celle-ci soit suspendue. Cela ne fonctionne pas. Avis défavorable.
S'agissant des amendements identiques, la commission avait émis un avis défavorable.
Avis défavorable également. J'ajoute que les situations que vous avez évoquées, madame Garin, telles que les problèmes de garde d'enfant ou de mobilité, sont précisément celles pour lesquelles des exemptions sont prévues. Par conséquent, la suspension, qu'on peut analyser comme une sanction, ne peut pas s'appliquer si le fait générateur est lié aux critères d'adaptation dont nous avons dressé la liste.
Je ne pensais pas à ces cas comme des éléments déclencheurs de la suspension, monsieur le ministre. J'évoquais des situations qui surviendraient pendant la période de suspension des versements et qui expliqueraient qu'il faille du temps à l'allocataire avant de se remettre en selle et de se réengager dans une dynamique de recherche d'emploi. C'est pourquoi j'insiste sur l'importance de supprimer cette limitation de délais parce que, lorsqu'on est humain, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît.
M. le ministre n'a pas expliqué les raisons de son revirement entre le Sénat et l'Assemblée nationale ni le fait que la rétroactivité ne figurait pas dans le texte initial. Nous parlons ici d'un vrai sujet. Trois mois et c'est fini !
Quant au montant de la sanction, M. le ministre nous explique que la présence d'un ou de plusieurs enfants dans le foyer est prise en compte. Sachez que, pour les foyers dont au moins une personne est sanctionnée, le revenu n'est plus, après sanction, que de 298 euros en moyenne. C'est-à-dire que lorsqu'un membre du foyer au moins est sanctionné, le revenu disponible restant n'est plus que de 298 euros, au lieu de 900 euros pour un foyer. Je parle bien de la somme restante, j'insiste. Vous pouvez donc affirmer, monsieur le ministre, que le droit existant les protège et que ce sera encore le cas demain, mais ce n'est pas vrai.
Par conséquent, pouvez-vous nous indiquer les raisons de votre revirement et nous expliquer comment vous protégerez les foyers avec enfants si vous refusez tous les amendements visant à les préserver ?
Je rappelle que, selon la Cour des comptes, 65 % – soit les deux tiers – des allocataires du RSA vivent sous le seuil de pauvreté monétaire. On vit mal avec le RSA. Et lorsqu'on s'est conformé à ses obligations, il est inacceptable que l'on ne puisse pas récupérer ses droits en raison d'une limitation à trois mois. Cela ne peut être vécu que comme une injustice par les gens concernés. Je me pose donc la même question qu'Arthur Delaporte : qu'est-ce qui explique, alors que cette disposition ne figurait pas dans le texte initial, que vous la défendiez aujourd'hui en prétendant qu'elle ne poserait pas problème ? C'est pour moi incompréhensible vis-à-vis de la logique même du texte, sans même entrer dans une critique de celui-ci.
D'autant qu'elle pointe une contradiction forte : vous considérez que ce texte remplace une suppression par un dispositif de suspension des versements, tout en précisant que cette dernière ne vaudra remboursement que sur une seule partie de la période. Disant cela, vous confirmez bien que vous supprimerez une partie des versements : n'effectuer qu'un remboursement partiel signifie bien que tout n'est pas remboursé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 18
Contre 52
L'amendement n° 1559 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 16
Contre 53
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l'amendement n° 1773 .
Il est proposé d'instaurer un mécanisme de délai de carence dans le cas de manquements répétés – et non d'erreurs – avant la reprise du versement du RSA, étant entendu que ce délai de carence, décidé par le président du département, ne pourrait excéder trois mois.
Le premier amendement revient à accorder plus de latitude aux départements dans le cadre de leur libre administration et de la compétence qu'ils exercent. Avis favorable. En revanche, je donne un avis défavorable au second.
Avis favorable sur l'amendement n° 1773 qui accorde au président du département, dans le cadre de sa compétence pleine et entière pour la détermination des sanctions, la capacité de fixer le délai de rétroactivité.
Je suis favorable à ce que l'on traque les fraudeurs au RSA. Comme nous l'avons déjà exprimé, notre groupe souhaite que le RSA soit réservé aux Français ou aux étrangers qui sont sur le sol français depuis cinq ans. Toutefois, vous nous présentez ici un amendement aux accents de « Mort aux pauvres ! », permettez-moi de vous le dire. Je le trouve inadmissible et presque sadique ; il présente un côté jusqu'au-boutiste : avec ce type d'amendements, vous enfoncez la tête de l'allocataire sous l'eau. Je suis favorable à ce que la société fixe un cadre exigeant. Nous ne sommes pas laxistes. Néanmoins, ce genre d'amendements n'apporte rien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Permettez-moi de corriger les propos que j'ai tenus précédemment, qui étaient sans doute trop naïfs et sympathiques à l'égard de la majorité. En réalité, vous nous donnez raison sur toute la ligne : pendant deux jours, vous vous êtes défendus en expliquant que le texte s'inscrivait dans une logique d'accompagnement et que la sanction n'était pas au cœur de la réforme. J'ai présenté ma vision des choses : selon moi, ce qui est au cœur de votre projet de loi, c'est bien le durcissement et la sanction. Vous êtes en train de nous le démontrer ! Vous avez rejeté notre amendement précédent qui visait à supprimer une disposition profondément injuste introduite par le Sénat. Et maintenant, vous allez encore plus loin en ouvrant la possibilité de sanctions supplémentaires sur décision du président du département. Avec cette proposition, les Républicains gagnent sur toute la ligne. Votre projet est bien celui que nous décrivons, ne nous racontez pas d'histoires, c'est très clair. Vos votes sont manifestes, tout comme les avis qui viennent d'être exprimés. Vous avez choisi très clairement de renverser le modèle social et d'instaurer un système de la sanction, de la punition, de la radiation et de tout ce que cela entraîne.
Mme Marie-Charlotte Garin applaudit.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement ?
Sur le fondement de l'article 100. Il n'est pas possible de débattre dans ces conditions et de ne pouvoir s'exprimer qu'une seule fois sur un tel amendement, qui vient durcir la sanction. Je vous demande, madame la présidente, d'autoriser une prise de parole par groupe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La règle, c'est un pour, un contre. J'ai déjà accordé plusieurs dérogations ce soir, sur plusieurs amendements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-sept.
Je demande une nouvelle suspension de séance, car nous en avons besoin pour échanger.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-sept, est reprise à vingt-trois heures quarante-neuf.
La séance est reprise.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour le plein emploi.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra