La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Jimmy Pahun.
Tous les précédents orateurs l'ont rappelé : il y a un an, la société anglaise P&O Ferries licenciait en une matinée la totalité de son personnel embarqué, pour le remplacer par des marins extra-européens soumis à des conditions de travail que les droits français et européen n'autoriseraient jamais. Cette manœuvre de dumping social, déloyale et injuste, ne pouvait rester sans réponse.
Nous, parlementaires, avons été très rapidement sensibilisés à la menace qui pesait alors, dans le contexte post-Brexit et post-covid déjà très difficile, sur l'activité des compagnies transmanche, en particulier Brittany Ferries, qui emploie près de 2 000 salariés. Nous avons tout aussi vite décidé d'agir auprès du Gouvernement, en particulier auprès de vous, monsieur le secrétaire d'État chargé de la mer. En marge du départ de la Route du rhum, en novembre, nous avons discuté et travaillé ensemble à une solution, dans un esprit transpartisan. Je tiens à saluer l'engagement actif de députés de tous horizons : vous, monsieur le rapporteur, Mme Rouaux, M. Jumel, M. Christophe et toutes celles et ceux que j'oublie de citer.
La proposition de loi que nous examinons est une réponse concrète et rapide à ce problème. Nous faisons la démonstration que le droit européen permet de protéger notre modèle social et nos emplois, en luttant efficacement contre le dumping social. Pour l'examen en séance publique, le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) a déposé, avec les groupes de la majorité, un amendement visant à renforcer les sanctions en cas de non-respect des obligations en matière de salaire minimum.
M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur l'ont rappelé : le trafic maritime en Manche est intense. Un navire entre ou quitte le chenal toutes les trois minutes – ou presque ; on y dénombre près de 600 navires de commerce par jour, les autres étant des bateaux de pêche, de plaisance et de trafic transmanche de passagers. C'est l'une des zones maritimes les plus fréquentées au monde. Si les marins extra-européens sont de bons marins, leur charge de travail, dans la durée, fait peser un risque certain sur la sécurité des navires et des passagers : comment garder le même niveau d'alerte pendant trois longs mois sans repos, a fortiori dans les rudes conditions hivernales ?
Je veux aussi avoir une pensée pour nos marins, où qu'ils se trouvent – en Manche et ailleurs – et quels que soient leur embarquement et leur fonction. J'adresse aussi une pensée à l'ensemble des personnels de l'action de l'État en mer, qui assurent notamment le contrôle et la surveillance des navires. Je veux également souligner les formations d'excellence dispensées par les treize lycées maritimes, avec une pensée particulière pour celui d'Étel…
Sourires.
…et nos écoles de marine marchande du Havre, de Saint-Malo, de Nantes ou de Marseille. La France forme des marins polyvalents, pont et machine, aux compétences reconnues internationalement. À l'opposé des pratiques de dumping social, la France, aux côtés d'autres pays exemplaires, tire le monde maritime vers le haut. Nous le prouvons une fois encore.
Je voudrais conclure par un mot à l'attention des pêcheurs, qui craignent pour l'avenir de leur métier et souffrent d'être stigmatisés par quelques-uns. Les Français connaissent l'importance de leur métier, mais je veux rappeler la force du dialogue, dans le respect de chacun.
Il faut créer les conditions d'une confiance retrouvée : je sais que vous y travaillez, monsieur le secrétaire d'État.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.
Le dumping social dans les liaisons maritimes transmanche, sur l'un des détroits les plus fréquentés au monde, est un fléau contre lequel il faut lutter en mettant fin aux pratiques déloyales de certaines compagnies. C'est une impérieuse nécessité pour préserver les compagnies sous pavillon français, ainsi que les 38 000 emplois des marins français travaillant dans différents types de navigation.
Il y a un an, le licenciement de 800 marins britanniques par P&O Ferries – filiale britannique de Dubai Ports World – pour les remplacer par des marins extra-européens fut un électrochoc : cinq mois plus tard, cette compagnie annonçait des bénéfices records de 721 millions de dollars. C'est l'illustration des dérives d'une mondialisation sauvage où les voyous – pour reprendre le mot de notre collègue François Ruffin en commission – sont sans foi ni loi. Ce dumping social se caractérise par l'embauche de marins dont les salaires sont inférieurs à ceux des marins européens – 300 dollars par mois selon l'Organisation maritime internationale (OMI) –, dont la couverture sociale est quasi absente et dont les conditions de travail, moins-disantes, font peser des risques sur leur santé et sur la sécurité de la navigation en mer. Ces conditions de travail, inacceptables, s'apparentent à de l'esclavage moderne.
Face à cette situation intolérable, les acteurs français de la liaison transmanche ont lancé un appel le 5 novembre dernier à Saint-Malo, pour nous demander collectivement d'agir contre le dumping social. À l'écoute de la filière, j'ai pris l'initiative en décembre dernier de vous envoyer, monsieur le secrétaire d'État, un courrier transpartisan, cosigné par vingt-huit parlementaires bretons, afin de vous alerter. La présente proposition de loi, dite de police, est pertinente dans sa philosophie, d'autant que les parlementaires britanniques ont adopté en première lecture une législation au contenu similaire, afin de réguler ce secteur d'activité. L'adoption de ce texte amorcerait ainsi une convergence de droits.
Toutefois, cette proposition de loi est perfectible et mériterait de manifester davantage d'ambition, afin d'harmoniser les conditions de travail et la représentativité des marins, qui sont aussi des facteurs de dumping social. C'est le sens des amendements des députés socialistes, qui visent à rectifier ces faiblesses grâce aux propositions suivantes : réécrire l'article unique sur la base de la proposition de loi de notre collègue Sébastien Jumel, dont je tiens à saluer la qualité et l'ambition ;
M. Jean-Paul Lecoq applaudit
renforcer le dialogue social, afin que le décret précisant la présente proposition de loi soit publié après consultation des partenaires sociaux et avis du Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM) ; préciser le périmètre géographique d'application du texte ; améliorer les conditions de rémunération des marins en garantissant l'application des règles d'évolution et d'indexation du Smic, l'harmonisation des salaires par le haut et la rémunération du temps de repos ; améliorer les conditions de travail des marins, en garantissant que la durée maximale d'embarquement ne puisse excéder quinze jours calendaires – sauf événements de mer ou mauvaises conditions météorologiques – et que les marins concernés bénéficient de la plus favorable des conventions collectives des deux pays desservis ; durcir les sanctions prévues en cas de non-respect de la présente proposition de loi, en les doublant pour en renforcer l'effet dissuasif ; interdire le recours au registre international français (RIF) pour les navires effectuant des liaisons entre la France et le Royaume-Uni, en incluant les îles anglo-normandes. Nous maintiendrons cet amendement, monsieur le secrétaire d'État, afin d'entendre votre avis.
Par ailleurs, la lutte contre le dumping social ne saurait faire l'économie d'un renforcement des contrôles de l'administration, qui dispose de moyens humains nettement insuffisants. Enfin, nous plaidons pour qu'un travail de conviction soit mené auprès des institutions de l'Union européenne dans le domaine du transport maritime transmanche : la régulation du marché et l'harmonisation du droit du travail, avec un nivellement par le haut, sont nécessaires.
Le groupe Socialistes et apparentés prendra ses responsabilités et soutiendra cette proposition de loi visant à lutter contre le dumping social dans les liaisons maritimes transmanche, avec la volonté de l'enrichir pour qu'elle soit véritablement à la hauteur des enjeux.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, GDR et Écolo – NUPES.
Depuis le licenciement brutal de près de 800 marins britanniques par la compagnie P&O Ferries au profit d'une main-d'œuvre bon marché et surexploitée, notre prise de conscience des conséquences du dumping social est totale. Lors des dernières assises de l'économie de la mer, la communauté maritime a exprimé toute sa stupéfaction face à cette situation, ainsi que ses attentes vis-à-vis du pouvoir politique. Notre réaction pour contrer l'augmentation de ces pratiques délétères était donc très attendue. Nous devons le dire de façon limpide : le dumping social représente un risque majeur, et ce, à plusieurs égards.
Les salariés eux-mêmes sont les premières victimes de ces dérives et voient leurs conditions de travail se dégrader sensiblement. Ces conditions sociales, rendues possibles par la libre concurrence du marché, fragilisent, en raison de l'épuisement des marins, la sécurité maritime de l'une des voies de navigation les plus empruntées au monde. Elles génèrent aussi un déséquilibre insoutenable du marché maritime en faveur des employeurs les moins vertueux. Enfin, elles ont des conséquences désastreuses pour l'attractivité des métiers de la mer, un secteur déjà largement en crise en Europe.
Cette concurrence acharnée, fondée sur un abaissement des conditions sociales, est à contre-courant de nos valeurs et met en péril toute une partie de notre économie maritime. Face à de si basses manœuvres, la France se positionne en leader. Elle souhaite impulser un changement de paradigme et promouvoir un modèle social, qui sortira renforcé et élargi de cet examen – je l'espère –, afin de mieux protéger les marins. Comme l'a très justement rappelé le secrétaire d'État chargé de la mer, M. Hervé Berville, il s'agit là de sécuriser notre souveraineté maritime. La stratégie adoptée consiste à mettre la pression sur les armateurs et à le faire savoir. Ce texte est donc un signal fort envoyé aux entreprises, afin de leur faire connaître notre mécontentement et les limites à notre tolérance. Cette loi, dite de police, est invoquée pour les raisons impératives précédemment citées. Ce titre n'est pas anodin, puisqu'il souligne le caractère d'urgence de ce texte. Je tiens à cet égard à saluer le travail du rapporteur, notre collègue Didier Le Gac.
En plus des contrôles inopinés actuellement effectués, les dispositions de cette proposition de loi prévoient des sanctions pénales à but dissuasif, jugées nécessaires pour mettre fin à ce fléau. Nous entendons les renforcer par les amendements que nous avons déposés.
L'article 1er établit un salaire minimum pour les compagnies internationales touchant l'un de nos ports, similaire à celui prévu pour le pavillon français. Il a été enrichi en commission par un amendement des trois groupes de la majorité visant à instaurer une durée de repos équivalente à la durée d'embarquement. L'article 2 crée un délit en cas d'invalidité des certificats d'aptitude médicale à la navigation. Les rapports, prévus par les nouveaux articles 3 et 4, permettront de réfléchir à la dimension européenne de ces enjeux et de contrôler la bonne corrélation entre les objectifs susvisés et les moyens à la disposition de l'inspection du travail maritime pour les remplir. En concordance avec la proposition législative britannique récemment adoptée en première lecture, ces dispositions visent à protéger nos intérêts fondamentaux et à nous préserver de toute tentative de déstabilisation.
Les entreprises ne peuvent se dire surprises ou étonnées de nous voir légiférer sur ces enjeux. Elles ont été consultées à de nombreuses reprises, à la fois sur le projet de charte d'engagement volontaire défendu par le secrétaire d'État chargé de la mer, et sur la présente proposition de loi. Après plusieurs appels, certains armateurs ont refusé d'entendre nos demandes : notre réponse était donc inévitable. Nous entamons désormais un bras de fer juridique contre certaines entreprises. Nous le savons, face aux recours et aux contentieux que nous aurons à affronter, nous devrons unanimement justifier la proportionnalité de nos mesures.
J'en suis convaincu : ce texte, qui définit notre stratégie, constitue une étape clé dans la régulation du marché maritime. Notre objectif est ainsi de faire cesser les concurrences déloyales entre pays européens et de convaincre nos voisins de l'intérêt général de ces textes protecteurs des droits des salariés. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés soutient pleinement cette proposition de loi et espère qu'elle sera votée à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires présents.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.
Dans la guerre ultraconcurrentielle que se livrent les ferries transmanche, une nouvelle arme est née : le fire and rehire, ce procédé qui consiste, pour une entreprise, dès lors qu'elle justifie de conditions économiques dégradées, à licencier ses salariés pour embaucher ensuite à des conditions sociales bien moins protectrices pour les travailleurs, donc plus avantageuses pour l'entreprise. « Conditions économiques dégradées » : le terme ne pourrait pas être plus flou. Or, « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup », disait la grand-mère de qui vous savez.
Cet outil cynique, très utilisé au Royaume-Uni, a été employé en mars 2022 par la compagnie britannique P&O Ferries, après avoir licencié près de 800 marins – un licenciement massif, brutal et même violent, sans préavis, et annoncé en trois minutes par visioconférence, sans aucune considération pour les travailleurs. Ces derniers ont été immédiatement remplacés par des marins ressortissants de pays à bas coût de main-d'œuvre. La compagnie de transport maritime low cost Irish Ferries, qui traverse le détroit du Pas-de-Calais avec des navires battant pavillon chypriote, emploie des marins étrangers dans des conditions sociales bien inférieures aux normes françaises ou même britanniques. Ces acteurs concurrencent les compagnies françaises et accélèrent les suppressions d'emplois.
Un chiffre doit nous alerter : l'écart de masse salariale entre un navire exploité sous pavillon français et un navire exploité sous pavillon chypriote est de 60 %. Cette méthode de dumping social massif permet aux compagnies qui la pratiquent d'offrir des tarifs inférieurs de 35 % à ceux des compagnies classiques. Le Brexit n'a rien arrangé, puisque la traversée de la Manche a changé de statut, passant du régime de la navigation intracommunautaire à celui de la traversée internationale : plus aucun obstacle ne s'oppose au recours à des marins étrangers. Évidemment, le pavillon chypriote permet aussi, au passage, de faire de l'évasion fiscale. Alors de quoi s'agit-il ? De ruissellement ? De dumping ? De concurrence libre et non faussée ? C'est, en tous les cas, un massacre social.
En plus de niveler les conditions de travail par le bas, les méthodes agressives de dumping social nuisent aussi à la sécurité des navires et des passagers. La question de la sécurité maritime est en effet indissociable de celle des conditions de vie et de travail des équipages. L'intensification des rythmes de travail – parce qu'en plus d'être moins bien payés, les marins, de surcroît, travaillent plus – et toutes les heures ainsi enquillées font courir un risque plus élevé d'accident, sur une des liaisons maritimes les plus denses au monde.
Fort logiquement, les partenaires sociaux, les armateurs, les syndicats de marins et les élus pressent donc les puissances publiques française et britannique d'agir. Les marins attendent depuis longtemps que nous agissions pour les protéger. Nous, représentants de la nation, devons désormais les écouter. Tel est l'objectif affiché du texte qui nous est présenté : garantir que le transport de passagers dans les dessertes de liaisons régulières internationales soit réalisé dans des conditions sociales acceptables, garantissant les droits des salariés ainsi que des conditions de concurrence équitables entre les différentes entreprises du secteur. La proposition de loi vise principalement à réguler le salaire minimum des marins. Nous, écologistes, regrettons qu'elle n'aille pas plus loin en matière de régulation du temps de travail, alors même qu'une telle régulation est incontournable pour lutter efficacement contre tout dumping social.
Le groupe Écologiste – NUPES vous invite donc, chers collègues à adopter largement les amendements que nous présenterons et qui s'inscrivent dans la lignée des dispositions avancées par notre collègue Sébastien Jumel dans sa proposition de loi visant à lutter contre le dumping social dans le cabotage maritime transmanche. Leur adoption permettrait d'aller plus loin pour encadrer le rythme de travail et pour rémunérer les heures supplémentaires. Nous défendrons également un amendement, n° 32 , visant à étendre ces dispositifs aux sous-traitants.
Si le texte permet de garantir un socle social minimal sur le transmanche, il doit aussi constituer la première pierre d'une reconquête plus globale du droit du travail en mer et la première étape vers la construction d'un socle social garanti. La mer est le lieu où s'exerce le plus fortement la concurrence sauvage qui est l'apanage d'une mondialisation sans règles. Sortons le droit de notre manche pour qu'il couvre de ses habits protecteurs l'ensemble du trafic maritime.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Puisqu'il est question de la Manche, je tiens d'abord à réaffirmer ma solidarité à l'égard des marins-pêcheurs mobilisés sur toute la façade ouest : de Boulogne aux ports bretons, en passant par Dieppe, Le Tréport, Le Havre et toute la Normandie, des ports sont bloqués et des criées sont fermées, parce que le métier de pêcheur artisan est en danger. Soumis aux conséquences du Brexit, à l'accaparement des quotas par la pêche industrielle non contrôlée et à la volonté de Bruxelles d'interdire les arts traînants dans les aires marines protégées, au détriment des entreprises à taille humaine, les pêcheurs n'ont plus aucune visibilité. Leur colère, qui s'exprime au-delà des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM), doit être entendue par l'État.
Pour en revenir au transmanche, appelons un chat un chat : le dumping social pratiqué sur certains ferries immatriculés sous pavillon chypriote – pavillon de complaisance accordé au cœur de l'Union européenne – s'apparente à de l'esclavage moderne. Des marins sont recrutés dans des pays à faible coût de main-d'œuvre par des agences d'intérim et embarqués pour des durées pouvant atteindre dix-sept semaines, en vertu de contrats selon lesquels leurs jours de repos ne leur sont pas payés lorsqu'ils mettent pied à terre, ce qui les incite à repartir en mer sans avoir eu le temps de se reposer. Grâce à ce système, qui repose tout entier sur la recherche d'un avantage commercial par la dégradation des conditions sociales d'exploitation des navires, des compagnies ayant pignon sur rue affichent des coûts salariaux inférieurs de 80 % à ceux des armateurs immatriculés au pavillon français.
Disons-le sans détour, chers collègues : les sociétés qui recourent à procédés de voyous, dignes du temps de Dickens ou dignes de Thatcher, ne reculeront devant rien pour défendre leur juteux modèle. Nous devons engager un rapport de force, en France par la loi, mais aussi à l'échelle européenne, pour imposer une harmonisation par le haut des règles qui prévalent dans le transport maritime par ferry.
Le premier enjeu, que tous les intervenants ont évoqué, est celui de la sécurité : il existe une forte corrélation entre la sécurité en mer et les rythmes de travail, la santé des navigants, leur niveau de qualification et leur bien-être. Nous agissons pour prévenir un accident en mer, qui ne manquera pas de survenir au vu des risques intrinsèques que ce modèle de dumping social emporte quand les navigants qu'il emploie sont traités comme des kleenex. Cette impérieuse nécessité de sécurité autorise le recours à une loi de police. Personne ne le conteste plus désormais, surtout dans l'espace de la Manche qui, avec ses 600 navires par jour, est, aux heures de pointe, comparable au périphérique parisien.
Le deuxième enjeu, majeur, est social et économique : les compagnies maritimes opérant des liens transmanche établies en France – DFDS Seaways et Brittany Ferries – emploient 2 500 marins français, ce qui représente le premier contingent de marins nationaux. Ces compagnies ont prévenu : si rien n'est fait pour mettre un terme au dumping social, elles nivelleront par le bas et remettront en cause le statut des marins français. La France, deuxième puissance maritime mondiale, peut-elle l'accepter ? Évidemment non. Alors ne soyons pas sur la défensive : les auditions ont montré que nous disposions d'une fenêtre de tir juridique et que nous devions, pour lutter contre le dumping social, prendre en considération, non seulement la rémunération, mais aussi les rythmes de travail, sur lesquels les compagnies low cost font reposer leur modèle dégradé en divisant par 2,5 le nombre de personnels présents sur leurs navires. Elles ont aussi montré que même la moins sévère des règles que nous introduirons sera contestée par P&O Ferries ou Irish Ferries – il ne faudrait pas toucher au grisbi – et que le temps long du contentieux doit nous permettre de mener cette bataille à l'échelle européenne. Tel est le sens de la proposition de loi.
Nous devons également, pour préserver l'attractivité des métiers de marin, refaire dans la loi ce qui a été défait par le Brexit, en excluant les liaisons transmanche du RIF. J'ai noté avec satisfaction, monsieur le secrétaire d'État, votre engagement à prendre un décret en ce sens. Je me réjouis que vous repreniez ainsi l'un des articles de ma proposition de loi.
Je terminerai en citant quelques mots d'un marin qui, après avoir travaillé plus de vingt ans pour P&O Ferries, a été débarqué manu militari avec près de 800 autres, le 17 mars 2022 : « On ne peut même pas dire qu'on a été virés comme des malpropres. Non, là c'est pire : commando, cagoule, menottes, matraque, dehors ! Voilà ce que nous avons subi. » Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, nous vous suivrons si le texte impose une riposte proportionnée à ces pratiques de voyous. Davantage qu'un « poil à gratter », pour reprendre un terme que j'ai entendu au cours des auditions, cette proposition de loi doit être un chemin à suivre pour que la sécurité et le bien-être des gens de mer soient au cœur du modèle européen de ferries. Tel est l'état d'esprit dans lequel le groupe GDR – NUPES abordera l'examen de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – MM. Jimmy Pahun et Pierre-Henri Dumont applaudissent également.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Didier Le Gac, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Merci à tous pour vos interventions. Je n'y répondrai pas dans le détail, car nous nous apprêtons à examiner les quelque quatre-vingt-quinze amendements qui ont été déposés et qui nous permettront de débattre sur toutes les questions évoquées lors des différentes prises de parole. Je salue néanmoins d'ores et déjà la volonté commune de progresser qui s'est exprimée : nous partageons les mêmes objectifs, ce dont je me félicite. J'entends aussi les demandes de clarifications exprimées par les uns et les autres. À cet égard, je me réjouis de l'annonce par le secrétaire d'État, dans son intervention, de la préparation d'un décret qui paraîtra très rapidement pour exclure les liaisons passagères transmanche du RIF.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Nous partageons évidemment la volonté de lutter contre le dumping social que subissent nos pêcheurs. Comprenez néanmoins la prudence de notre positionnement : après tout, celui qui a libéralisé le manning en 2015 n'est autre qu'Emmanuel Macron. Ainsi, si nous reconnaissons les avancées et saluons l'annonce du secrétaire d'État selon laquelle le recours au RIF sera exclu pour les relations transmanche, nous estimons qu'il faut aller plus loin. Les pratiques qui ont prévalu ces dernières années, comme ces 800 salariés mis à la porte, n'ont d'autre but que de réduire les coûts des patrons voyous.
Dans ce contexte, la question des horaires de travail est fondamentale. Rendez-vous compte : alors que les personnes licenciées étaient payées 9,5 livres de l'heure, celles qui ont été réembauchées dans la foulée ne le sont plus qu'à hauteur de 3 ou 4 livres par heure. Les membres d'équipage, qui ont dû signer des contrats de dix-sept semaines, travaillent douze heures par jour, sept jours sur sept, et représentent effectivement des coûts infiniment moindres pour les patrons. Les syndicalistes anglais expliquent ainsi qu'un marin qui parviendrait à travailler 84 heures par semaine pendant onze mois – encore faut-il en être capable ! –, coûtent 20 000 livres par an, alors que les salariés licenciés auraient coûté au moins 36 000 livres par an. Nous vous invitons donc à aller plus loin sur la question des horaires de travail. Votre volonté de le faire déterminera la position de vote du groupe LFI – NUPES sur cet article.
Le 27 janvier 2015, le ministre de l'économie de l'époque, un certain Emmanuel Macron, déclarait, dans cet hémicycle que, pour MyFerryLink, « nous ne pouvons malheureusement rien ». Les premières victimes de la soumission du futur président de la République à l'ultralibéralisme et au dumping britannique – judiciaire, celui-ci – furent donc les 600 marins calaisiens et leurs familles. En sacrifiant la seule compagnie française effectuant la traversée de la Manche dans le détroit du Pas-de-Calais, Emmanuel Macron a envoyé un signal très clair et parfaitement reçu par certains opérateurs étrangers : celui que tous les coups étaient permis, que l'emploi des marins ne comptait pas et que la préservation du pavillon français à Calais, donc de notre souveraineté sur le trafic dans le premier port de voyageurs d'Europe, était un sous-sujet, pour lequel il était inutile de se battre.
Devant ce constat, la compagnie britannique P&O Ferries s'est sentie suffisamment forte pour licencier sans préavis 786 marins, afin de les remplacer par des marins extra-européens souvent sous-qualifiés, perturbant fortement le trafic transmanche et faisant peser un risque disproportionné sur les passagers et une menace de disparition sur les autres compagnies. Il était donc urgent que l'Assemblée affirme, par cette proposition de loi transpartisane, que la loi de la jungle n'a pas droit de cité dans la Manche ni dans le détroit du Pas-de-Calais…
…et que le haut niveau de protection sociale de nos marins est une condition sine qua non pour y opérer.
Demain il sera urgent, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement s'attaque également aux autres formes de distorsion de concurrence entre les ports français et européens. Je pense ici, d'une part, à la charge financière que représentent les détections de migrants, supportée exclusivement par la Société d'exploitation des ports du détroit (SEPD), ce qui renchérit les coûts du port de Calais de plusieurs millions d'euros par an et, d'autre part, au dumping en matière de contrôles douaniers dans un contexte post-Brexit, dans les ports belges et néerlandais. Sur ces deux sujets également, nous attendons un engagement clair de votre part, aux niveaux tant français qu'européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Si l'article 1er garantit une rémunération minimale visant à empêcher le dumping social, ce que nous saluons, il comporte toutefois plusieurs lacunes, s'agissant du travail du dimanche – qu'en est-il des conditions de travail et de la compensation de la pénibilité ? –, de la représentation des salariés, de la couverture sociale ou encore du temps d'embarquement et de repos à terre. Il ne prévoit pas non plus de renforcement des contrôles par l'administration.
Ces lacunes feront l'objet d'amendements du groupe Socialistes et apparentés, qui seront présentés par notre collègue Claudia Rouaux. Parmi ceux-ci figurent des amendements de réécriture de l'article qui, selon moi, pourraient réellement l'améliorer. J'espère qu'un maximum de ces amendements seront adoptés de manière transpartisane.
Je veux dire à mon tour à quel point il est important que nous légiférions pour faire respecter la dignité des marins et leurs conditions de travail. Nous avons d'ailleurs pris connaissance de situations absolument insupportables vécues par certaines de ces personnes.
Il faut cependant souligner que la dérégulation dans le secteur des transports ne date pas d'hier. Une forme de travail dégradé s'y est installée depuis très longtemps, entre autres dans le transport maritime. Sous les coups de boutoir de décisions libérales prises notamment à Bruxelles, nous avons assisté à une dérégulation massive et à des attaques, y compris contre des liaisons assurant la continuité territoriale. Je pense aux marins qui naviguent entre le continent et la Corse et qui, avec leurs organisations syndicales, avaient dû batailler dur pour que leurs conditions de travail – liées à l'immatriculation des bateaux au premier registre du pavillon français – soient maintenues.
La bataille qui s'était alors engagée n'est absolument pas terminée et mérite évidemment d'être menée aujourd'hui encore, car la velléité d'instaurer une concurrence dite libre et non faussée – mais qui est en réalité libre et faussée – n'a pas disparu. Elle porte gravement atteinte, d'abord, à celles et ceux qui travaillent mais aussi évidemment aux liaisons elles-mêmes et à notre capacité à faire circuler les bateaux de manière satisfaisante pour répondre aux besoins. Il est donc très important que nous prenions ici des décisions visant à faire respecter le droit du travail et à exprimer notre refus du dumping social, lequel s'exerce non seulement dans le secteur maritime mais aussi bien au-delà – nous le voyons à l'échelle européenne et internationale. Faisons ici ce que nous pouvons en prenant au moins des mesures en faveur des marins.
M. Jean-Paul Lecoq applaudit.
Même si de nombreuses mesures figurent déjà dans le texte proposé par M. le rapporteur, nous estimons qu'il faut aller un peu plus loin. Par cet amendement, nous proposons, premièrement, d'appliquer la loi française et les conventions collectives à tout marin travaillant sur une liaison transmanche, ensuite de punir tout armateur ne respectant cette harmonisation par le haut du droit du travail à hauteur de 3 750 euros par marin et de 7 500 euros en cas de récidive et, enfin, bien sûr d'empêcher l'inscription au registre international français des navires opérés par des compagnies établies en France assurant des lignes régulières en Manche entre les ports français et les ports britanniques.
Cet amendement ne fait que reprendre la proposition de loi de notre collègue Sébastien Jumel, dont nous tenons à saluer une nouvelle fois la qualité du travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Matthias Tavel applaudit également.
Par le n° 95, je propose d'ajouter, à l'alinéa 6 : « ne pouvant dépasser vingt et un jours consécutifs embarqués ».
Le n° 97 prévoit une sanction supplémentaire en cas de récidive de la part des compagnies maritimes ne respectant pas la loi : l'interdiction d'accoster dans un port comme celui de Calais.
Si ma collègue Rouaux a souligné l'excellent travail mené par M. Jumel pour sa proposition de loi, je tiens pour ma part à saluer la remarquable incompétence de mes collègues de La France insoumise qui ne sont même pas capables de faire la différence entre les marins naviguant sur le transmanche et les marins-pêcheurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame Rouaux, avec votre amendement, comme d'ailleurs avec le suivant, vous souhaitez déjà réécrire l'article et en modifier le champ alors que nous n'en sommes qu'au début de la discussion. Nous reviendrons un peu plus tard sur les différentes dispositions prévues par l'article et surtout sur le champ de la loi de police. Celle-ci, vous le savez, doit se limiter à certaines règles essentielles pour lesquelles le risque juridique semble le plus raisonnable au regard des enjeux économiques et sociaux.
En commission, nous avons étendu le champ de la proposition de loi aux questions liées aux temps d'embarquement et de repos à terre, ce dont, tous, nous nous félicitons. Or, si nous adoptions votre amendement, nous reviendrions sur le principe de parité du temps d'embarquement et du temps de repos, qui n'est pas prévu par les conventions collectives que vous souhaitez voir appliquées au transmanche. L'ambition de la proposition de loi serait alors revue à la baisse. Vous affirmez qu'avec vos amendements vous voulez aller plus loin alors qu'ils marqueraient au contraire une régression.
Je le répète, chaque fois que l'on souhaite étendre le champ de la loi de police, ce choix doit être justifié par un impératif, la présence de nos marins dans les eaux territoriales, qu'il s'agisse de questions relatives au salaire, à la sécurité maritime, à la lutte contre les pollutions ou au rythme de travail. Or votre amendement – notamment la mesure relative au rythme du travail – n'apporte pas une telle justification, contrairement au dispositif prévu par la proposition de loi. Voilà pourquoi je préfère m'en tenir à notre rédaction.
Des collègues proposeront des amendements visant, par exemple, à doubler le montant des sanctions. Or, si l'article 1er était réécrit comme vous l'appelez de vos vœux, ces amendements tomberaient. Il en irait de même pour la possibilité d'infliger des sanctions administratives, une mesure qui a été suggérée par certains et que nous introduirons dans notre texte.
Nous débattrons plus tard des questions abordées dans les sous-amendements de M. Berteloot. Sur le fond, cependant, s'agissant du n° 95, je note que le fait de fixer dans la loi de police une durée maximale d'embarquement sans établir de lien avec les études scientifiques en cours sur le rythme de travail condamne la loi à être écartée par le juge dès le premier recours. Un décret offre plus de souplesse en cas de recours et permet d'être plus précis en fixant les durées en fonction de l'état de la science. S'agissant du n° 97 relatif aux sanctions, l'interdiction d'accès au port poserait de grosses difficultés. Comment pourrait-on interdire à un bateau d'accéder à un port dès lors que des passagers sont à bord ?
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement et de ces sous-amendements et émettrai, à défaut, un avis défavorable. Je précise que l'avis sera identique sur l'amendement n° 35 à venir.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je tiens tout d'abord à remercier les députés pour les propos qu'ils ont tenus pendant la discussion générale. Le Gouvernement est très heureux d'examiner dans l'hémicycle, dix-neuf semaines après l'annonce que j'ai faite lors des assises de l'économie de la mer, cette belle proposition de loi qui offre des avancées en matière de lutte contre le dumping social. J'ajoute qu'il est important, face à la situation qui nous attend au niveau européen dans les prochains mois, d'envoyer un signal très fort et rapide et de montrer que la France agit pour ne pas tomber dans la spirale infernale du dumping social.
Nous reviendrons tout à l'heure sur les nombreux amendements déposés mais, puisqu'une oratrice a mentionné tout à l'heure une grand-mère, je citerai à présent une expression qu'employait la mienne et que j'affectionne : « Qui trop embrasse mal étreint. » Si nous partageons la volonté d'apporter dans la loi le maximum de précisions et de remplir les cases qui, aux yeux de certains, semblent un peu vides ou mériteraient de contenir plus de détails, l'enjeu auquel nous sommes confrontés est la nécessité d'adopter une loi qui soit efficace, effective et opérationnelle le plus tôt possible. Cela suppose évidemment qu'elle s'inscrive pleinement dans le cadre du droit européen, sinon nous serions assurés de ne pouvoir l'appliquer.
Je demande le retrait de l'amendement de Mme Rouaux car, comme l'a très bien expliqué le rapporteur, si les mesures qu'il prévoit étaient adoptées, d'une part le texte serait, par certains aspects, moins-disant et, d'autre part, nous ne pourrions atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé ici : lutter contre le dumping social en agissant vite et fort.
Je reviendrai tout à l'heure sur les propositions contenues dans les sous-amendements de M. Berteloot, mais je tiens à préciser que certaines questions doivent relever du décret parce que celui-ci fait l'objet d'une discussion avec les organisations syndicales – je ne parle pas de celles de P&O Ferries mais de la CGT, de la CFDT ou encore de la CFE-CGC – ainsi qu'avec les armateurs pour aboutir à des règles qui, encore une fois, soient opérationnelles. Les différents amendements illustrent ce que je viens de dire puisque, par exemple, certains évoquent un temps d'embarquement de vingt et un jours tandis que d'autres mentionnent une durée de quinze jours. On le voit, de telles modalités ne sauraient être fixées dans le cadre de la loi. Pour agir de la manière la plus efficace possible et aboutir à une loi qui soit opérationnelle, laissons les partenaires sociaux et les organisations syndicales discuter de ces différents points.
Nous reviendrons aussi sur l'organisation du temps de travail. Des avancées seront adoptées au cours de notre discussion. Cependant, il convient surtout d'avoir à l'esprit que nous voulons construire un socle minimum. C'est que ce nous avons fait en commission en instaurant un salaire minimum, une mesure qui nous permet de rester dans le cadre du droit européen et donc d'obtenir un texte opérationnel, effectif et prêt le plus tôt possible afin de lutter contre le dumping social.
Je précise à M. le rapporteur que l'article 1er tel que nous souhaitons le réécrire n'est absolument pas moins-disant. Le temps de parole pour la présentation d'un amendement étant limité à deux minutes, je ne pouvais évidemment pas détailler toutes les conventions collectives qui s'appliquent aux marins et qui ont été conçues avec les syndicats et, bien sûr, avec les armateurs. L'article 1er que nous appelons de nos vœux est donc plutôt mieux-disant mais nous avions bien entendu votre refus.
Je tenais à répondre à M. le secrétaire d'État ainsi qu'à M. le rapporteur : tout ce que je dis n'est pas parole d'évangile mais vous avez en face de vous une personne qui a travaillé pendant quatre ans au sein de la société DFDS. Par conséquent, je pense être à même de formuler des propositions pertinentes, par exemple au sujet des temps d'embarquement.
Par ailleurs, s'agissant de l'interdiction d'accoster dans le port de Calais, je tiens à rappeler qu'il y a quelques années Douvres avait interdit aux bateaux de MyFerryLink d'accoster dans son port. De même, le projet de loi britannique examiné actuellement prévoit d'interdire aux navires de compagnies qui ne respectent pas la loi d'accoster. Il serait souhaitable que nous prenions les mêmes dispositions puisque notre proposition de loi s'inscrit en miroir du texte britannique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 30
Contre 47
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de repli. Le rapporteur ayant estimé, en commission, que le périmètre était trop restreint, nous avons proposé, par cet amendement, de l'étendre à d'autres pays par décret.
Ils prévoient les mêmes mesures que les deux sous-amendements présentés précédemment : un temps d'embarquement de vingt et un jours maximum pour le n° 94 et, pour le n° 96, l'interdiction d'accoster dans les ports français, par exemple dans le Calaisis et le Finistère, prononcée à l'encontre des ferries ne respectant pas la loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 31
Contre 48
L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 68 .
Il vise à compléter le titre IX du livre V de la cinquième partie du code des transports car il convient d'être le plus précis possible afin d'empêcher les compagnies pratiquant le dumping social de contourner la loi. Le texte traitant des conditions d'établissement et des règles sociales, le titre IX devrait préciser explicitement qu'il ne concerne que des lignes régulières entre la France, l'Irlande et le Royaume-Uni, car là est l'urgence.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable car, dans les faits, la proposition de loi ne s'appliquera qu'à des liaisons transmanches puisque ce sont les seules liaisons caractérisées par une haute fréquence – on a évoqué 120 fois par an – et pour lesquelles la loi de police apparaît donc justifiée. Je rappelle qu'il y a la volonté politique mais qu'il y a aussi le droit, et qu'il n'est juridiquement pas possible de discriminer sans un motif suffisant certaines liaisons par rapport à d'autres : il faut un critère objectif qui justifie la différence de traitement. Dans le cas contraire, il s'agirait d'une méconnaissance du principe d'égalité, moyen qui pourrait être soulevé devant le juge ou même faire l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel.
L'amendement n° 68 n'est pas adopté.
L'amendement vise à préciser à l'alinéa 6 que cette loi s'appliquera aux liaisons « régulières internationales entre la France et le Royaume-Uni, et l'Irlande ». J'ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d'État, que c'était votre intention de le préciser dans un décret et que c'est aussi ce que vous avez affirmé par écrit aux organisations syndicales.
Je pense donc que nous sommes d'accord, mais il nous semble que l'inscrire dans la loi apporterait une sécurité et une force supplémentaires au dispositif. Il serait ainsi précisé à quel champ s'appliquera ce texte parce que nous craignons évidemment qu'il ait des effets indésirables ailleurs, notamment en Méditerranée où la situation n'est pas la même. Nous voulons nous assurer qu'il n'y aura pas à l'avenir d'extension de son périmètre malgré les décrets que vous devriez prendre dans la foulée du vote de ce texte. J'ai bien entendu votre engagement et je m'en félicite, mais il faut l'écrire dans la loi, ce qui ne devrait pas être un point de désaccord entre nous.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 67 .
L'urgence, je le répéterai toute cette soirée, c'est le transmanche. Et il faut éviter une trop large application des articles, laquelle rendrait cette proposition de loi floue : celle-ci risquerait, en conséquence, d'être rejetée. Il convient de délimiter clairement les lignes régulières internationales exclusivement concernées.
Ces amendements identiques sont quelque peu paradoxaux puisqu'ils proposent une différence de traitement pour deux liaisons spécifiques sans en préciser la raison, ce qui est contraire au respect du principe d'égalité, tout en demandant qu'un critère objectif détermine le périmètre d'application de la loi de police. Ils rendraient de toute façon le dispositif inconstitutionnel et en annuleraient l'intégralité de ses effets, alors même que nous poursuivons, je le crois, un objectif commun. Par conséquent, c'est une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
Cette intervention me permet de clarifier les choses. Je rappelle que ce texte ne concerne pas les liaisons méditerranéennes, puisque celles-ci sont déjà exclues du RIF, y compris les liaisons maghrébines. Par ailleurs, j'ai indiqué tout à l'heure que le décret était prêt. Je pourrai vous le transmettre, monsieur Dharréville, monsieur Berteloot, et vous constaterez que les liaisons transmanche seront, elles aussi, désormais exclues du RIF. Je suis donc défavorable à ces amendements puisque c'est dans le cadre de la concertation avec les partenaires sociaux, au plus près du terrain et, surtout, en fonction des réalités et des changements éventuels des différentes liaisons, que l'on parvient à préciser ce qu'il en est.
Et puis, je me permets de noter que vous mentionnez l'Irlande alors qu'elle fait partie de l'Union européenne et ne peut donc pas correspondre à l'objectif que vous visez. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Tout d'abord, je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, et je ne doute pas des engagements que vous prenez au banc. Mais ce qui m'inquiète, c'est l'argument employé par le rapporteur sur la rupture de l'égalité parce qu'il pourrait aussi être utilisé pour annuler le décret. En revanche, je me félicite que vous ayez décidé l'exclusion des liaisons transmanche du RIF, car cela me semble une bonne chose. Nous devons défendre le pavillon premier registre. À cet égard, cet amendement s'articule avec un autre que je défendrai un peu plus loin et qui vise à préciser le dispositif en fonction des pays concernés par les liaisons transmanche : il avait toute sa cohérence dans ce cadre. Cela étant dit, je pense vraiment que nous devons partout défendre les meilleures conditions sociales et donc le pavillon premier registre. Nous aurions souhaité en tout cas, et vous l'avez évoqué, monsieur le secrétaire d'État, que le Brexit n'ait pas d'effets sur le transmanche.
Cet amendement vise à préciser le périmètre d'application de la présente proposition de loi en énumérant les pays qu'elle concerne : Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Portugal et les îles anglo-normandes. Il s'agit d'un amendement de bon sens puisque le dumping social est principalement réalisé aujourd'hui sur les liaisons avec le Royaume-Uni, l'Espagne et le Portugal. Cette précision sécuriserait juridiquement la proposition de loi en apportant de la proportionnalité à la rédaction de l'article 1er et répondrait donc aux exigences du droit européen en matière de dérogation au principe de libre circulation.
L'amendement n° 65 illustre le fait que l'urgence est sur la zone transmanche. Car, même si d'autres lignes sont, elles aussi, victimes du dumping social, celui-ci frappe de plein fouet les marins du transmanche depuis le Brexit. L'urgence est donc de circonscrire la loi sur cette zone, d'autant qu'une zone trop large et trop floue augmente les chances de se faire retoquer par l'Union européenne.
L'amendement n° 66 établit une liste des trajets concernés par les dispositions de la proposition de loi, c'est-à-dire des trajets réguliers, permettant de légiférer plus fermement sans laisser à l'État la possibilité de définir plus tard par décret ce qu'il en est. Si les termes « transmanche » ou « trajets réguliers » peuvent être vus comme flou ou imprécis, une liste claire des trajets entre les ports français et les ports irlandais ou britanniques ne laisse plus le risque d'une interprétation malhonnête pour contourner la loi.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 84 .
Notre amendement d'une simplicité biblique propose seulement d'ajouter un mot à la première phrase de l'alinéa 6 : « transmanche », après le mot : « internationales ». Il s'agit bien sûr de préciser le cadre géographique où s'appliquera cette loi pour en exclure clairement la Méditerranée et donc de restreindre son périmètre aux liaisons transmanche. En effet, on sait que de nombreux marins qui assurent les liaisons maritimes internationales régulières de passagers en Méditerranée à bord de navires inscrits au premier registre du pavillon français craignent que cette proposition de loi, bien qu'elle soit censée être protectrice, ne dégrade leurs conditions de travail et de rémunération, conditions induites par l'inscription du navire à ce registre, soit une part non négligeable des ferries qui assurent les liaisons entre la France et le Maghreb. Nous, nous défendons ainsi le droit social, des rémunérations et des conditions de travail dignes et les exigences environnementales qui découlent du premier registre. Nous déplorons d'ailleurs que tant d'équipages vivent dans des conditions lamentables, pour ne pas dire dans un quasi-esclavage.
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l'amendement n° 64 .
Il s'agit d'un amendement d'appel relayant les craintes exprimées par les syndicats sur le contenu du futur décret d'application et visant à obtenir un engagement au banc de la part du Gouvernement sur le fait que ledit décret maintiendra l'exclusion du registre international français, afin que les navires qui opèrent sur les lignes entre un pays membre de l'Union européenne et l'Algérie, le Maroc ou la Tunisie ne puissent pas être inscrits au RIF et continuent à opérer sous pavillon premier registre.
Il s'agit en effet d'une série d'amendements visant à préciser le champ d'application de la loi. À mon avis, cette recherche de précision à outrance risque de rendre le texte inapplicable. Ainsi, l'amendement n° 36 de Madame Rouaux intègre dans le dispositif transmanche l'Espagne et le Portugal, mais pourquoi pas l'Italie ou le Maghreb ? On ne le sait pas et c'est un problème, car il n'y a aucun critère permettant au juge d'apprécier la proportionnalité de l'application du dispositif à ces destinations. En outre, les listes de destinations brouillent le signal que la proposition de loi envoie aux armateurs en leur laissant alors la possibilité par défaut de pratiquer le dumping social sur d'autres liaisons qui ne seraient pas protégées par la loi, ce qui serait pour le moins curieux.
Les amendements n° 65 et 84 proposent d'inscrire le terme « transmanche » dans la loi comme en déterminant le champ d'application, mais sans définir ce terme juridiquement. Enfin, l'amendement n° 66 est celui qui va le plus loin dans l'excès de précision : il définit chaque ligne soumise à la future loi en désignant le port de départ et le port d'arrivée. Mais que se passerait-il si un armateur décidait, par exemple, de faire partir son Dieppe-Newhaven du Havre ou d'ailleurs ? Il lui suffirait de changer son port de départ ou d'arrivée pour contourner cette loi et nous serions obligés de légiférer à chaque changement dans l'offre commerciale des compagnies de ferries.
Il vaut donc mieux ne pas inscrire une telle précision dans la loi et la renvoyer au décret. Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
S'agissant de l'amendement de Mme Rouaux qu'a défendu M. Bouloux, l'avis est défavorable puisqu'il mentionne des pays – le Portugal, l'Irlande et l'Espagne, mais pourquoi pas demain un autre État ? – qui sont dans l'espace communautaire européen et ne peuvent donc pas être concernés par ce texte de loi qui vise des liaisons hors de cet espace. Les pays européens mentionnés dans cet amendement relèvent d'un cadre plus strict, celui des conditions intracommunautaires.
De façon plus générale, je souhaite mettre fin à ce que je crois être une petite confusion. La proposition de loi prévoit deux décrets. Il y a, d'une part, le décret d'application, passé en Conseil d'État, qui visera à définir le champ d'application de la loi. À cet égard, nous nous situons dans une position d'équilibre entre M. Berteloot qui veut absolument préciser dans la loi toutes les liaisons et M. Dharréville qui demande l'exclusion d'un espace maritime. Et il y a, d'autre part, le décret « RIF » qui va être pris le 20 avril et qui vise à exclure les liaisons transmanches du registre international français. Par conséquent, pour répondre à M. Colombani, j'indique clairement ici que je prends l'engagement de ne pas revenir en arrière à la faveur de ce changement et de ne pas remettre en cause un dispositif qui fonctionne et qui est une avancée sociale, à savoir le registre international français pour les liaisons avec le Maghreb.
Pour être très clair, je précise donc le décret en Conseil d'État, qui sera pris plus tard, doit définir le champ d'application de la loi. Quant au décret relatif au RIF, il vise à exclure de celui-ci les liaisons transmanche – et je prends l'engagement que cela n'aura aucun impact sur le Maghreb. En conséquence, j'émets un avis défavorable sur toute cette série d'amendements.
Nous avons essayé de suivre les explications. Monsieur le rapporteur, contrairement à ce que vous dites, nous ne brouillons pas le message : au contraire, notre proposition est d'une limpidité totale. Nous disons que ce texte doit s'appliquer au transmanche et exclure la Méditerranée : il n'y a aucune embrouille, tout est très clair. Nous voyons mal la raison pour laquelle le secrétaire d'État refuse de sécuriser les marins en Méditerranée, qui sont très inquiets et parlent même de faire grève. Il suffirait pourtant d'ajouter un mot à l'alinéa 6. Pourquoi renvoyer cela à un décret ? Nous vous faisons confiance et nous comprenons ce que vous dites, monsieur Berville, mais ce serait encore plus clair si c'était écrit. Encore une fois, nous ne voyons pas pourquoi les choses ne seraient pas clairement définies dans la proposition de loi.
Sur l'amendement n° 1 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul-André Colombani.
L'amendement n° 64 est retiré.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 1 .
À l'instar du projet de loi anglais, cet amendement vise à définir un trajet régulier comme le fait pour un navire d'accomplir une escale dans un port français au moins toutes les soixante-douze heures en moyenne ou plus de 120 fois par an. Cela permettra de légiférer plus fermement et ne laissera pas à État la possibilité de définir plus tard, par décret, ce qu'est un trajet régulier. Les compagnies maritimes pratiquant le dumping social peuvent en effet jouer sur des notions juridiques floues telles que celle de « trajet régulier ». En établissant une définition claire on écarte les risques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Votre amendement est satisfait. Nous ne sommes pas d'accord sur le canal juridique : vous voulez l'inscrire dans la loi ; pour notre part, nous considérons que cela relève du pouvoir réglementaire, donc d'un décret, toujours pour les mêmes raisons de réactivité. En effet, le recours au décret nous permettra d'adapter le champ des lois de police : en cas de contentieux, il sera plus facile de tirer les conséquences d'une décision du juge et de modifier le décret, alors qu'une loi ne peut être défaite que par une autre loi. Nous partageons vos intentions, mais nous préférons inscrire cela dans un décret. Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je reconnais votre volonté de vous faire l'ardent défenseur de ce territoire, monsieur Berteloot. Mais, comme je le disais tout à l'heure à Claudia Rouaux, qui trop embrasse mal étreint. Là encore, vous aboutirez à un résultat qui ne correspond pas à votre objectif initial. Je constate que vous avez oublié la ligne Dunkerque-Douvres dans la liste. Imaginez que c'eût été décidé : il aurait sans doute fallu attendre un an avant de revenir dessus. Reconnaissez qu'en matière de réactivité et de flexibilité face au dumping social, cela aurait compliqué les choses. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés par le rapporteur. Je crois que si nous voulons être précis, réactifs et opérationnels en la matière, nous devons nous en tenir au décret d'application.
Le rapporteur et le secrétaire d'État me demandent de leur faire confiance et prétendent partager mon point de vue, sauf que nous voulons légiférer différemment : pour ma part, je veux l'inscrire dans la loi, et vous, dans un décret. Vous voulez que nous ayons confiance en vous : or je n'ai jamais été sollicité par qui que ce soit lors des différentes réunions qui ont été tenues avec les armateurs et l'intégralité des représentants syndicaux. De tous les députés des groupes politiques de cette assemblée, je suis le seul qui sache ce qu'est un bateau ,
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE. – M. Sébastien Jumel proteste
or je n'ai jamais été sollicité. Ne faites pas « Oh ! » : en commission, aucun d'entre vous n'a su me dire combien il y avait de membres d'équipage sur un bateau !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je veux bien vous croire, monsieur le secrétaire d'État. Lorsque je me suis lancé en politique, j'étais persuadé qu'on pouvait dépasser les clivages, mais force est de constater que certains n'ont pas compris ce qu'était le front commun !
Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Sylvain Maillard s'exclament.
Vous voulez que nous ayons confiance en vous : encore une fois, mon groupe et moi-même n'avons jamais été sollicités pour travailler avec vous ! Si ma mémoire est bonne, je vous ai fait savoir en privé que j'étais disponible pour que nous travaillions ensemble, justement parce que je connais suffisamment bien le dossier. Tout ce que vous voulez, c'est légiférer par décret, et vous ne me laissez même pas la possibilité de donner mon point de vue. Légiférons à la hauteur des circonstances !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 15
Contre 49
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
L'amendement n° 39 de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales est rédactionnel.
L'amendement n° 39 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à ce que le décret venant préciser l'application de la présente proposition de loi soit pris après avoir consulté les syndicats et les représentants du patronat. Vous me répondrez sans doute que c'est une évidence, mais il est peut-être mieux de l'écrire dans la loi, d'autant que les représentants syndicaux ont été très actifs lors des auditions et ont pris contact avec les parlementaires pour s'assurer de l'aboutissement de ce texte.
Il vise à ce que le décret venant préciser l'application de la présente proposition de loi soit pris après avoir recueilli l'avis du CSMM. Une telle consultation nous semble en effet cruciale tant les partis présidentiels ont abusé, en commission, du renvoi au décret. Consulter le CSMM et ses experts indépendants permettra d'éclairer le Gouvernement avant l'édiction de ce décret.
Nous sommes d'accord avec l'intention poursuivie. Bien évidemment, le décret qu'a évoqué le secrétaire d'État fera l'objet d'une consultation du Conseil supérieur de la marine marchande, dans lequel siègent justement les organisations patronales et syndicales auxquelles le premier amendement fait référence. Je sollicite donc le retrait de l'amendement n° 22 au bénéfice de l'amendement n° 23 , sur lequel j'émets un avis favorable.
Je demande également le retrait de l'amendement n° 22 au bénéfice de l'amendement n° 23 : le premier prévoit simplement la consultation des représentants syndicaux et patronaux, tandis que le second évoque la consultation du Conseil supérieur de la marine marchande, dans lequel siègent justement les organisations syndicales et patronales.
L'amendement n° 22 est retiré.
L'amendement n° 23 est adopté.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 82 .
Cet amendement vise à garantir les contrats de travail des salariés employés sur des navires effectuant des liaisons régulières avec la France et qui sont respectueux de la réglementation française. Tous les marins qui opèrent sur le transmanche sont concernés par le dumping social ou en sont victimes. À partir du moment où les compagnies maritimes touchent un port français, qu'importe si elles sont établies en Irlande ou au Royaume-Uni, les contrats de travail doivent être justes et alignés sur la réglementation française.
L'armateur de P&O Ferries utilise un navire en ligne régulière sous pavillon chypriote avec pas moins de quinze nationalités à son bord ; les salariés sont embauchés par des sociétés de manning elles-mêmes établies à l'étranger. Elles recrutent ainsi les gens de mer et les marins tout en extraterritorialisant leur contrat de travail, sur le principe du moins-disant social, dans le but de contourner les règles françaises ou britanniques du droit du travail.
L'amendement est satisfait, cher collègue : c'est l'objet même du texte dont nous débattons ce soir. Quelle que soit la nationalité de l'armateur ou du navire, la loi de police s'appliquera dès lors que la fréquence des liaisons maritimes le justifiera. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Cet amendement, tel que vous l'avez rédigé, limite les lois de police aux seules entreprises maritimes qui sont établies au Royaume-Uni ou en Irlande. De fait, vous nous privez de notre capacité à contrôler et à sanctionner les entreprises qui opèrent dans le transmanche mais qui sont établies dans d'autres pays. D'une certaine manière, cela affaiblirait la portée du texte. Par ailleurs, vous précisez que la loi de police s'applique déjà à l'ensemble des salariés travaillant à bord de navires, quel que soit le droit applicable à leur contrat de travail. Avis défavorable.
L'amendement n° 82 est retiré.
Il a été travaillé avec la CGT des marins, qui s'inquiète beaucoup de l'évolution de la situation et qui souhaiterait que nous puissions prendre des mesures pérennes et efficaces. En l'occurrence, nous proposons un complément à la loi de police, en posant la règle du pays d'établissement. Les liaisons régulières qui existent entre deux pays doivent être établies par une entreprise basée dans l'un d'eux et respectant le droit du travail qui y est appliqué – cela semble logique.
Nous ne souhaitons pas que, dans des logiques de marchandisation et de concurrence libre et faussée, des compagnies viennent s'installer avec des pavillons de complaisance sans se conformer au droit du travail de l'un ou de l'autre pays, pour pouvoir le détruire et compromettre le commerce de leur marine marchande. Il nous semble que c'est la règle la plus simple : elle pourrait venir en complément de la loi de police que vous proposez, d'autant que celle-ci ne s'appliquera que pour les navires établis au Royaume-Uni, ce qui pourrait conduire à des détournements. Or nous sommes ici pour légiférer, prendre les décisions les plus efficaces et éviter le contournement du droit. Il s'agit, par cet amendement, d'exclure définitivement les pavillons de complaisance et de nous en tenir qu'aux pavillons des pays concernés.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 78 .
Cet amendement poursuit le même objectif. Nous demandons de placer l'autorisation de cabotage entre la France et le Royaume-Uni sous réserve que les armateurs se conforment à la législation européenne. Cela permettra d'assurer un cadre juridique européen et de garantir que les compagnies britanniques respectent la législation européenne malgré le Brexit. En effet, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a provoqué un renforcement considérable du dumping social dans le transmanche. Il convient donc de garantir le respect du droit européen.
L'argumentation est la même que pour l'amendement n° 82 . Par les présents amendements, vous introduiriez une sorte de confusion entre la nationalité des entreprises maritimes, leur lieu d'implantation et la nationalité des navires – dans le cas du transmanche, certains navires battent pavillon chypriote. Des problèmes analogues pourraient d'ailleurs se poser avec des entreprises d'un autre État. Il ne me semble pas que les règles que vous souhaitez imposer à ces entreprises du seul fait qu'elles sont implantées en France modifieront les conditions sociales à bord des navires. Je demande le retrait des deux amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'émets moi aussi un avis défavorable sur les deux amendements.
Monsieur Dharréville, le II de votre amendement n° 34 concerne seulement les entreprises établies au Royaume-Uni ou en Irlande. Si l'Assemblée l'adoptait, elle affaiblirait la portée de la proposition de loi. Ce qui compte, c'est non pas le pays d'établissement, mais la liaison. Dès lors, l'objectif visé ne serait pas atteint.
Quant au I de l'amendement, il tend à exclure le pavillon britannique du transmanche. Vous conviendrez que ce n'est pas possible. Il faut renforcer le socle social et lutter contre le dumping social, mais on ne peut pas exclure un pavillon d'une zone maritime.
S'agissant de votre amendement n° 78 , monsieur Berteloot, mon argumentation est la même que pour le n° 82.
L'amendement n° 34 est, dans une certaine mesure, identitaire. Il s'appuie sur un principe simple : l'objet du dispositif d'État d'accueil – État où a lieu le transport – est d'appliquer en matière de droit du travail aux équipages des navires étrangers effectuant des services de cabotage en France les mêmes dispositions législatives, réglementaires et administratives qui régissent les marins nationaux à bord de ces navires.
Autrement dit, notre conception des relations entre les États est la suivante : on considère le droit du travail de chacun des deux pays reliés, on retient le plus favorable et on l'applique à l'ensemble des équipages. Tel est l'objectif.
Le problème est que la construction européenne ne s'est pas faite sur ce fondement et que la jurisprudence n'a pas consolidé de telles règles. Qui plus est, le Royaume-Uni est sorti de l'Union européenne. Toutefois, nous réaffirmons notre attachement à ce principe général et généreux. Il ne faudrait pas perdre de vue que l'objectif est d'appliquer aux marins concernés le droit social le plus favorable. À cette fin, il nous faudrait récrire la Constitution européenne et réintroduire des règles dans les directives pertinentes.
La loi de police que vous proposez doit prendre en considération le droit actuel et le fait que le Royaume-Uni est sorti de l'Union européenne. Je souscris au texte minimal qui nous est présenté sans renoncer à l'objectif maximal que nous soutenons.
Monsieur Jumel, nous partageons pleinement l'objectif, et c'est précisément le sens dans lequel nous agissons depuis six mois. Tel était l'objectif de la charte d'engagement volontaire, qui n'a pas produit tous ses effets – nous sommes parfaitement lucides et honnêtes à ce sujet. Tel est l'objectif de la présente proposition de loi. D'ailleurs, je vous remercie tous de votre travail, qui nous a permis de disposer très rapidement d'un texte. La proposition de loi a été déposée à la fin du mois de janvier, soit peu de temps – si l'on tient compte de la trêve des confiseurs – après les assises de l'économie de la mer, qui se sont tenues en novembre.
L'harmonisation par le haut est précisément l'objectif visé par la proposition de loi, qui comporte des dispositions relatives au salaire minimum, au rythme de travail et aux sanctions pénales, qui sont relevées. Tout cela me servira ensuite au niveau européen – je vous fais part de mes contraintes – aux fins d'harmoniser les règles dans l'espace européen et de mettre un terme au développement des pavillons de complaisance. Cette proposition de loi est la première brique d'une harmonisation par le haut du transport maritime dans l'espace européen.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 62 .
Je le retire, à la suite des annonces faites par M. le secrétaire d'État.
L'amendement n° 62 est retiré.
Vous gardez la parole, monsieur Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 83 .
L'objectif de cet amendement est de garantir leurs droits aux marins français qui travaillent pour des compagnies établies au Royaume-Uni ou en Irlande, en le précisant dans l'intitulé du chapitre correspondant du code des transports. La lutte contre le dumping social passe par la garantie de conditions de travail justes pour tous les salariés – peu importe que la compagnie maritime soit établie au Royaume-Uni ou en Irlande. Là encore, l'objectif est d'être le plus précis possible quant à la zone géographique d'application de la loi.
L'argumentation est la même que précédemment. Vous confondez la nationalité des entreprises maritimes, le pays d'établissement et les conditions de travail à bord des navires. En fait, peu importe la localisation de l'entreprise. Si le pavillon du navire le permet, les marins risquent d'être employés dans des conditions sociales dégradées, y compris par des armateurs français – tel n'est pas le cas actuellement.
Je vous invite à retirer votre amendement, car il ne vise pas la bonne catégorie juridique. Au demeurant, votre préoccupation est satisfaite.
Je vous remercie, monsieur Berteloot, d'avoir retiré l'amendement n° 62 . Le projet de décret vous sera transmis, ainsi qu'à tous les députés.
S'agissant de l'amendement n° 83 , mon argumentation est la même que précédemment. Si l'Assemblée l'adoptait, elle réduirait la portée de la proposition de loi, puisque le texte se fonderait uniquement sur la notion de lieu d'établissement, qui ne permet pas de traiter la question du dumping social dans sa plénitude. Je vous invite à le retirer, sans quoi mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 83 est retiré.
Il s'agit de garantir le mieux-disant social, en prévoyant l'alignement sur la référence que constitue le premier registre du pavillon français. Cela concernerait non seulement le salaire et le rythme de travail, mais aussi des points qui ne figurent pas dans la proposition de loi, à savoir les heures supplémentaires et la rémunération du temps de repos – ce dernier élément est indispensable si l'on veut prendre en compte le rythme de travail.
Cet amendement reprend une partie de la proposition de loi de M. Jumel, que des députés de plusieurs groupes, y compris du camp présidentiel, avaient cosignée ou soutenue. J'espère donc que cet amendement recueillera des votes favorables en conséquence. Nous ferions œuvre de coconstruction.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous abordons la question du champ de la loi de police que nous examinons.
La question du salaire est essentiellement du ressort des États. Elle peut donc faire l'objet d'une loi de police dès lors que les marins concernés exercent de manière très régulière dans les eaux territoriales françaises – tel est le cas pour les liaisons transmanche, compte tenu de leur fréquence. En outre, la question du salaire est essentielle : c'est un principe d'ordre public dans notre droit du travail. On peut donc l'introduire dans le champ d'une loi de police.
En revanche, la question du temps de travail ne peut être considérée comme relevant d'un intérêt public propre à la France, particulièrement s'agissant de marins qui n'effectuent qu'une partie de leur temps de travail dans les eaux territoriales. Les amendements en ce sens ne résisteraient probablement pas à l'épreuve du contrôle par le juge, en particulier par la Cour de justice de l'Union européenne.
Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, je donnerai un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons que le rapporteur, je demande le retrait de l'amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
Nous abordons une série d'amendements relatifs à l'organisation du travail, qui vont tous dans le sens d'une harmonisation par le haut. Je comprends l'intention, légitime, d'introduire le maximum de dispositions de cette nature dans le présent véhicule législatif. Toutefois, il y a un principe de réalité : nous ne pouvons pas faire comme si le droit européen n'existait pas ou comme si nous n'étions pas tenus par celui-ci – il est bien normal que nous le soyons.
Or l'harmonisation par le haut est un combat que nous devons mener au niveau européen, en lien d'ailleurs avec le Parlement européen. Il s'agit de faire évoluer le droit européen. En poussant dès à présent les choses plus loin, on prendrait le risque de remettre en cause les nombreuses avancées qui figurent dans la proposition de loi, en matière de salaire minimum, de rythme de travail et de sanctions pénales – vous y ajouterez éventuellement des dispositions relatives aux sanctions administratives. La proposition de loi ne serait plus opérationnelle. En effet, nous savons que le juge européen ne manquerait pas de revenir sur les mesures supplémentaires que vous proposez, car elles ne sont pas proportionnées par rapport au préjudice que nous évoquons.
J'aurai la même position sur les amendements similaires. Je partage la volonté d'harmoniser les règles par le haut, mais c'est le prochain combat, et il doit être mené au niveau européen.
Nous butons sur le droit européen, dites-vous. Dès lors, pourquoi ne pas avoir choisi la voie d'un accord bilatéral entre la France et le Royaume-Uni ? Il est question de liaisons maritimes entre un pays qui est membre de l'Union européenne et un autre qui ne l'est pas. Vous auriez pu ainsi préparer le rapport de force avec les institutions européennes autrement qu'en annulant la visite du roi d'Angleterre.
Selon vous, nous voudrions introduire trop de mesures dans le texte. Or la disposition relative à la parité entre le temps de repos et le temps passé à bord y a été insérée lors de l'examen en commission, avec l'aval du rapporteur. Ne nous opposez pas un argument que vous avez vous-même dépassé en commission ! Les seuls éléments mentionnés par l'amendement qui ne figurent pas à ce stade dans le texte sont les heures supplémentaires et la rémunération du temps de repos. Je ne pense pas que ce soit de nature à menacer l'équilibre général du texte.
Je vois poindre dans vos interventions une forme de renoncement, et c'est ce qui m'inquiète. Les pays concernés par une liaison maritime – en l'occurrence, la liaison transmanche – ne doivent pas se laisser imposer le droit au rabais d'un autre pays, non seulement dans leur intérêt propre, mais aussi dans l'intérêt de l'ensemble des marins qui travaillent sur cette liaison. C'est pour cette raison que j'avais déposé l'amendement n° 34 . Vous m'avez répondu, monsieur le secrétaire d'État, qu'il exclurait le pavillon britannique. Pas du tout ! Il visait à ce que l'on applique soit le droit britannique, soit le droit français, en fonction du pays d'établissement de la société qui assure la liaison. Nous pensons qu'il faut travailler avec le Royaume-Uni, pour protéger ensemble la liaison et les droits sociaux des marins.
S'agissant du présent amendement, vous nous dites que les mesures ne seraient pas proportionnées si nous allions au-delà de la question du salaire. Je le répète, c'est précisément pour cette raison que j'avais formulé la proposition précédente. Nous ne pouvons pas nous en tenir à la seule protection du salaire. Il faut aller bien au-delà : les conditions de travail sont un sujet majeur. Nous devons nous fonder sur la notion de pays d'établissement. En ce qui concerne la France, le droit applicable serait celui qui correspond au premier registre du pavillon français. Pour le Royaume-Uni, il s'agirait du pavillon britannique.
Le secrétaire d'État et moi l'avons dit à plusieurs reprises, monsieur Dharréville, nous partageons l'intention de régler le problème du temps du travail. Toutefois, après analyse, nous sommes intimement convaincus que les amendements en ce sens ne passeront pas l'épreuve du contrôle par le juge. Je l'ai dit lors de la présentation du texte, il ne me semble pas opportun de faire croire aux armateurs français que nous avons résolu le problème du dumping social, si la justice annule ce nouveau cadre un an, un an et demi ou deux ans après la promulgation de la loi, bousculant d'autant plus leur modèle économique qu'ils l'auront adapté en conséquence ; ils seraient alors obligés de revenir en arrière.
Je le répète, même si nous sommes d'accord sur le fond, nous demandons un retrait de l'amendement, sans quoi nous émettrons un avis défavorable.
Pourquoi pas un traité bilatéral avec le Royaume-Uni ? Parce que, pour danser le tango, il faut être eux, or les changements de gouvernement au Royaume-Uni ne nous ont pas permis d'avancer comme nous le souhaitions.
Sourires.
Soyez patient !
De plus, c'est toute l'Union européenne qui passe des accords avec le Royaume-Uni ; même si vous la regrettez, l'appartenance à cet espace européen nous donne des leviers d'action et nous permet de peser dans la négociation. La réponse à la question que vous avez posée est donc simple : ce n'est pas le moyen le plus efficace pour obtenir ce que nous voulons de la part de nos amis britanniques.
Le député Dharréville, comme le député Berteloot, voulait cibler le pays d'établissement de la compagnie maritime. Il y a là une divergence d'analyse. À nos yeux, retenir le pays d'établissement comme critère principal restreindrait la portée de la proposition de loi, car les entreprises pourraient choisir de s'établir ailleurs qu'au Royaume-Uni ou en Irlande et opérer sur le transmanche.
C'est pourtant ce que ferait votre amendement, en inscrivant noir sur blanc que seules sont visées les entreprises établies au Royaume-Uni et en Irlande ; il ne permet donc pas d'atteindre l'objectif que vous visez. C'est la raison pour laquelle je réitère mon avis défavorable.
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
L'amendement n° 79 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à garantir que les marins travaillant sur des lignes régulières internationales touchant un port français bénéficient de l'ensemble du droit du travail français. Cela inclut le paiement des heures supplémentaires, la durée de travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés, la durée du travail et le travail de nuit des jeunes travailleurs.
Je m'interroge réellement sur ce texte de loi – qui sera probablement adopté. Qu'est-ce qui empêchera un armateur d'employer un équipage malgache et, comme l'a dit l'un de nos collègues, de le faire travailler quarante-cinq jours de suite avant de le renvoyer au pays ? Comment contrôler si les congés payés ont été effectués ? C'est ce que j'essaie de comprendre depuis le départ. Si nous ne sommes pas capables de vérifier si les congés payés sont rémunérés, ce sera toujours le même dumping. Il faut au moins garantir que les marins de tous les bateaux qui amarrent – si c'est bien le mot – dans un port français jouissent des mêmes conditions de travail que les marins français.
Nous aurions préféré une conception plus offensive. En effet, nous pensons que le salaire, les conditions de repos, le rythme de travail et le paiement des heures supplémentaires sont consubstantiels au niveau de qualification des marins, lequel est lié à la sécurité maritime. Nous aurions pu plaider, y compris dans le cadre d'une loi de police, que, quand les gens sont payés au lance-pierre, qu'ils sont fatigués, qu'ils ne sont pas qualifiés, pas formés pour être marins, cela met directement en cause la sécurité des passagers et des navires. Ce n'est pas le choix qui a été fait, en raison du cadre contraint – que vous avez eu l'honnêteté de rappeler – d'une Europe qui s'est construite sur le principe de la concurrence libre et non faussée, c'est-à-dire d'un système très libéral.
Notre second désaccord porte sur le fait que l'on puisse appliquer soit le droit français, soit le droit britannique. Le droit britannique est en deçà du droit français : le Smic horaire au Royaume-Uni n'est pas au niveau du Smic horaire français et les conditions de protection sociale anglaises ne sont pas les mêmes que celles des marins cotisant au premier registre de l'Enim – Établissement national des invalides de la marine. Ainsi, même l'application du droit de l'un des deux pays reliés est de nature à dégrader les conditions de rémunération pour les marins français.
Vous avez beaucoup cité votre grand-mère, monsieur le secrétaire d'État. Je vais, moi aussi, citer la mienne, qui disait : « C'est moins pire que si c'était mieux ». Eh bien, votre loi, c'est moins pire que si c'était mieux.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 69 .
Cet amendement insiste sur la protection des heures supplémentaires, enjeu essentiel pour les marins assurant une liaison régulière sur le transmanche. Les heures supplémentaires et leur majoration de paiement sont deux éléments indispensables pour prévenir le dumping social et garantir la sécurité en mer et le bien-être des navigants.
Les pratiques de concurrence déloyale reposent sur la recherche d'un avantage économique à travers l'abaissement des conditions sociales d'exploitation du navire. En effet, la différence entre une compagnie maritime employant des marins français et des marins étrangers est de 65 % – et non de 35 %, madame Rousseau. La non-prise en compte des heures supplémentaires est une pratique scandaleuse dont se servent les compagnies maritimes qui pratiquent le dumping social.
Je le répète, la question du repos compensateur, des jours fériés, des congés annuels payés et du travail de nuit des jeunes travailleurs est liée à la sécurité maritime. Nous proposons de le rappeler dans ces objectifs qui serviront, j'imagine, dans les discussions à venir et pour l'élaboration du décret.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 70 .
Il vise à rajouter dans le texte la protection des repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés, la durée du travail et le travail de nuit des jeunes travailleurs.
Les rythmes de travail sont autant touchés par le dumping social que les salaires. Certaines entreprises peu scrupuleuses parviennent ainsi à réduire considérablement le nombre de salariés affectés à l'exploitation d'un navire. On constate des temps d'embarquement pouvant aller jusqu'à dix-sept semaines consécutives, ce qui est désastreux pour le bien-être des marins et catastrophique pour la sécurité dans la zone transmanche, où naviguent 600 navires par jour.
J'abonde dans le sens de mes collègues : nous ne pouvons pas en rester à la question du salaire. Les jours de repos et les congés minimum devraient également figurer dans les objectifs. Dans une proposition de loi contre le dumping social, il faut s'aventurer sur ce terrain.
Cette série d'amendements ajoute des critères autres que le temps de travail et le salaire.
Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, une loi de police est un type de législation auquel il est rarement fait recours et qui, de ce fait, doit se justifier par la proportionnalité ou par l'application de la mesure au regard du territoire national. Nous n'aurons pas de difficulté à justifier l'amendement que nous avons introduit en commission sur la parité entre le temps de repos et le temps de travail, car des études scientifiques sont en cours ; le moment venu, nous pourrons faire le lien, dans un décret, entre la sécurité maritime et le temps de travail.
À l'inverse, pour tous les sujets que vous évoquez dans ces amendements – les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés, le paiement d'heures supplémentaires –, il sera difficile d'établir un lien avec la sécurité maritime. Comment allez-vous expliquer qu'on améliore la sécurité maritime en accordant le lundi de Pâques à des marins malgaches ? Notre responsabilité, en tant que législateur, est de s'assurer de la robustesse des dispositifs que nous adoptons. Je ne veux pas d'une loi d'affichage qui donnerait de faux espoirs aux acteurs du secteur…
…pour être finalement mise en difficulté par une décision de justice allant à l'encontre de ce que nous aurions voté. Par conséquent, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
Avis défavorable. Je partage votre volonté d'une harmonisation par le haut ; toutefois, à vous, législateur, comme à moi, au Gouvernement, s'impose un principe de réalité, celui du droit international et du droit européen existants. J'aurais aimé sauter les deux pieds en avant sur l'occasion d'intégrer dans le texte ces avancées sociales en même temps que celles portant sur le rythme de travail, le salaire minimum, les sanctions administratives et pénales et l'exclusion du RIF, si la responsabilité qui m'incombe ne me commandait pas de regarder avec lucidité quelles obligations s'imposent à nous. Ces obligations sont inscrites dans le marbre du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lequel, comme vous le savez, a été établi en 2009 à Lisbonne.
C'est à ce moment-là qu'il aurait fallu intégrer ces évolutions et c'est au cours des quinquennats suivants qu'il aurait fallu pousser à leur modification.
Je le dis à tout le monde ; je réponds à M. Tavel.
Nous avions voté non, et si vous aviez respecté le vote du peuple, on n'en serait pas là !
Pour répondre à M. Dumont, c'est justement parce que nous avons conscience de ces difficultés que le Président de la République en a fait l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, notamment lors de la réunion de La Rochelle, laquelle visait précisément à lutter contre le dumping social dans le transport maritime.
Nous avions voté contre le traité de Lisbonne. Le camp de M. Dumont a annulé le référendum du peuple !
Si nous voulons traiter pleinement le sujet, cela passe par le droit européen ; hors de ce cadre, la loi serait inopérante. Les armateurs et toutes les organisations syndicales qui attendent ces avancées sociales sur le rythme de travail et le salaire minimum attendent aussi de nous un esprit de responsabilité et le respect des traités européens.
Ce qui est désagréable, c'est que nous avons le sentiment de prendre acte d'un certain nombre de dégradations, actuelles et à venir, des conditions de travail et des contrats des marins. Quand vous nous dites que vous allez laisser entrevoir aux entreprises la possibilité de maintenir un certain nombre de choses, puis qu'elles se rendront compte que ce n'est plus possible, cela ouvre des perspectives qui ne me paraissent pas très réjouissantes. Je me demande comment vous envisagez de mener la bataille pour garantir le meilleur niveau de droits aux marins sur la liaison transmanche. Si ce n'est pas dans cette loi, comment, où, quand ? Ou alors, cela veut dire que l'on prend acte de la dégradation de ces droits ; c'est cela qui nous pose un problème.
Quant au traité de Lisbonne, avec d'autres, je n'ai cessé de le combattre depuis son entrée en vigueur en 2009. Nous nous sommes toujours opposés à sa logique de prétendue concurrence libre et non faussée, en réalité une logique libérale de dérégulation maximum par le biais de l'Union européenne. Nous voyons aujourd'hui ses conséquences, et vous nous dites que nous ne pouvons rien faire face à ce traité, monsieur le secrétaire d'État ! Je crois au contraire que nous pouvons nous battre à l'échelle européenne pour contrecarrer les effets négatifs du texte et les mauvaises décisions qui ont été prises. Nous avons aujourd'hui leurs effets sous les yeux, et des arguments à faire valoir ! Rien n'est jamais gravé dans le marbre : nous devons mener la bataille contre les décisions de 2009, car nous ne pouvons pas en rester là.
Nous sommes d'accord, cher collègue : où et quand agir ? Justement, la proposition de loi que nous examinons n'est pas rien : elle marque une première étape essentielle et adresse un message très fort à l'ensemble des armateurs.
Pour la première fois dans un texte de loi, nous imposons un salaire minimum pour les marins du transmanche et la parité entre le temps de repos et le temps de travail. C'est une sacrée étape !
Quant à vos autres revendications, nous les défendrons devant les instances européennes – M. le secrétaire d'État l'a dit. Mais ce sera l'étape suivante. Le 1er juillet prochain, l'Espagne prendra la présidence de l'Union européenne. Nous avons l'espoir que le débat se poursuivra dans ce cadre.
Ce soir, je le redis, nous franchissons une sacrée étape ! De nombreux pays européens suivent de près l'action de la France et s'interrogent sur les retombées de la proposition de loi que nous allons, j'espère, adopter. Chaque chose en son temps ! Le débat et le combat ne font que commencer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'Union européenne a des défauts, mais elle a aussi des qualités. Ne faisons pas ce soir son procès puisqu'elle a permis des avancées dans de nombreux domaines. Je rappelle, par ailleurs, que le licenciement de 800 marins en trois minutes chez P&O n'a pas été causé par l'Union européenne, mais par le Brexit : une fois le Royaume-Uni sorti de l'espace européen, la compagnie a pu s'affranchir de certains cadres légaux. Si le pays était resté dans l'Union européenne, un tel événement n'aurait pas pu avoir lieu. L'Union européenne n'est pas parfaite et doit toujours être améliorée – ce à quoi je m'efforce en tant que fervent européen –, mais elle est protectrice et permet des avancées.
Où et quand, demandez-vous ? Aujourd'hui, avec ce texte, et à La Rochelle, quand le Président de la République a fait de ce sujet une priorité du transport maritime. Nous allons continuer d'agir avec Clément Beaune, mais le signal envoyé ce soir par le Parlement français – la France avance en même temps que le Royaume-Uni – va nous donner de la force, de la puissance et du dynamisme pour faire bouger les choses au niveau européen. J'ai rencontré mon homologue portugais il y a deux mois et mon homologue espagnol il y a trois mois. J'ai bon espoir que nous réussirons à harmoniser par le haut les conditions sociales applicables au transport maritime.
Ce soir, nous ne devons pas manquer notre cible, chers collègues ! Moi aussi, bien sûr, j'aimerais soutenir ces amendements, mais nous devons comprendre que ce qui se passe en ce moment n'est que le début. Or il est impératif que nous franchissions cette première étape. À Saint-Malo, certains font ouvertement pression pour que des compagnies telles que P&O s'installent. Si c'était le cas, parce que la proposition de loi n'était pas adoptée, la Brittany Ferries serait sans doute forcée de quitter Saint-Malo.
Je suis comme vous, chers collègues, j'aimerais aller plus loin, mais nous devons être prudents. Veillons à ne pas rater l'objectif !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 30
Contre 53
Nous venons de nous dire des choses utiles et je m'en félicite. Pourquoi insistons-nous sur les conditions de rémunération et la majoration des heures supplémentaires ? Chez P&O, je le rappelle, le salaire horaire s'élève à 3 ou 4 livres sterling, contre 9,50 livres pour le salaire minimum horaire britannique. De même, les contrats proposés aux marins low cost de P&O sont des contrats à durée déterminée de dix-sept semaines, selon lesquels les membres de l'équipage doivent travailler douze heures par jour, sept jours sur sept, c'est-à-dire quatre-vingt-quatre heures par semaine. Si les corps suivaient – seuls ceux qui n'ont jamais pris la mer peuvent y croire –, ces marins seraient rémunérés 20 000 livres par an, alors que les marins anglais travaillant dans des conditions différentes gagnent 36 000 livres. Voyez la distorsion de concurrence, mesurez la concurrence libre et faussée !
Lorsque vous avez réuni les représentants des compagnies maritimes au ministère, monsieur le secrétaire d'État, certains étaient accompagnés par leurs avocats. Ils ont fait l'apologie de la construction européenne fondée sur la concurrence libre et faussée – Adam Smith était parmi nous ! Pour ces libéraux convaincus, la loi les empêche de faire leur business. Ce sont des patrons voyous devant lesquels nous ne devons pas jouer petits bras et craindre le contentieux. Nous devons viser haut et frapper fort car, face à nous, nous avons des charognards.
Il reprend la rédaction proposée par notre collègue Sébastien Jumel et vise à compléter le dixième alinéa de l'article 1er de cette proposition de loi cosignée par des députés de tous les bancs de notre assemblée. Nous proposons d'aller plus loin que la garantie d'un salaire minimum en prévoyant également la majoration des heures supplémentaires. Il s'agit de garantir aux marins une rémunération digne et de nous donner, dans la proposition de loi, des outils à la hauteur de notre ambition pour lutter efficacement contre les pavillons de complaisance et le dumping social induit.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l'amendement n° 31 .
Dans le même esprit que les précédents, il vise à garantir la majoration des heures supplémentaires pour l'ensemble des marins travaillant sur les lignes transmanche, quelle que soit leur nationalité. L'amendement répond à un double objectif : tout d'abord, il faut renforcer le socle social minimal des marins dans une logique de mieux-disant ; ensuite et surtout, nous devons faire en sorte que la majoration des heures supplémentaires dont les marins français bénéficient ne soit pas un désavantage par rapport aux marins des autres pays. Nous proposons donc un alignement par le haut.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Comme je l'ai indiqué au sujet de la précédente série d'amendements, le texte ne porte ni sur le salaire minimum ni sur le rythme de travail, car cela créerait un risque important de recours devant le juge. Par ailleurs, je le répète, il est difficile de faire le lien entre le paiement des heures supplémentaires – un problème évidemment important – et la sécurité maritime. En tout cas, il n'existe pas de lien direct entre les deux. La question du paiement des heures supplémentaires est essentielle, mais elle ne peut pas être examinée dans le cadre de cette proposition de loi de police. Je vous invite à retirer les amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Notre désaccord est clair sur les traités européens. En 2005, les Français ont dit ce qu'ils en pensaient, mais on leur a imposé des textes qu'ils ne voulaient pas et nous en payons aujourd'hui le prix – il faut toujours écouter les Français…
S'agissant du paiement des heures supplémentaires et de la sécurité maritime, je ne peux pas croire que le rapporteur considère qu'il n'y a pas de lien entre les deux. Lorsque nous parlons du salaire minimum et du temps de travail, le trait d'union entre les deux notions est le paiement et la majoration des heures supplémentaires, c'est-à-dire la possibilité pour les salariés de les refuser et de placer leur employeur devant le seul choix qu'il comprend, un choix économique : exploiter davantage les travailleurs ou faire appel à des salariés supplémentaires – plutôt qu'augmenter le nombre d'heures supplémentaires des salariés qui ont déjà rempli leur temps de travail. On le voit, le lien avec les enjeux de la sécurité maritime est clair.
Sur la majoration des heures supplémentaires, nous devrions prendre le risque d'être ambitieux dans cette proposition de loi. Contrairement à ce que vous craignez, cela ne mettrait pas les armateurs français en difficulté dans un contexte de dumping social. Inscrivons la disposition dans le texte : si elle est annulée par le juge, je reconnaîtrai que vous avez raison, mais je ne crois pas qu'elle soit de nature à remettre en cause l'équilibre du texte.
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
Il est fondé sur la même logique que les précédents, mais concerne l'encadrement des contrats courts. Nous proposons de limiter leur usage à l'activité saisonnière. Le recours aux contrats courts dans un contexte de turnover important soulève lui aussi la question de la sécurité maritime. La qualité du travail effectué et des transmissions au sein des équipages, mais aussi la capacité de récupération et de fidélisation du personnel, sont déterminantes pour la sécurité maritime. Nous faisons un lien clair entre la stabilité du contrat de travail et la sécurité des salariés, des passagers et des navires.
À notre connaissance, il n'y a pas de lien entre le recours aux CDD et la sécurité maritime. Je vous repose la question : quel rapport voyez-vous entre les deux ? Autant la notion de rémunération existe en droit international et peut être applicable à des navires battant pavillon de n'importe quel pays, autant la notion de contrat à durée déterminée ou indéterminée est spécifique à chaque État. Il n'est donc pas possible de faire correspondre le CDI français à toutes les garanties attachées à des personnes ressortissantes de pays où il n'aurait pas le même sens. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous avez réussi à nous convaincre qu'une proposition de loi de police ne pouvait pas entrer dans un trop grand niveau de précision au risque d'être fragilisée juridiquement. Nous l'avons compris et accepté au nom de l'intérêt général.
En revanche, je ne peux pas vous laisser dire que la nature des contrats proposés n'a aucune conséquence sur la sécurité maritime. Sur ce sujet, je vous renvoie à la catastrophe du pétrolier Erika. La commission d'enquête sur ce naufrage, présidée par l'ancien député du Havre Daniel Paul, a démontré que la nature des contrats proposés, les temps de repos, le niveau de qualification, le niveau de rémunération et la sous-traitance en cascade étaient, entre autres, à l'origine du drame. On pourrait transposer ce constat à n'importe quel secteur d'activité économique : il vaut pour les sous-traitants du nucléaire, pour les raffineries et le secteur industriel. Quand on maltraite les gens, quand ils ne peuvent pas se reposer et n'ont pas un niveau de rémunération qui leur permet de préserver leur santé au travail, leur qualité d'intervention est dégradée, ce qui nuit à la sécurité. En mer, c'est encore plus vrai qu'à terre.
Ne laissez pas aller le libéral en vous, monsieur le rapporteur : un droit du travail protecteur n'est pas protecteur simplement pour le salarié ; il est protecteur de l'intérêt général, y compris de la sécurité maritime.
Voilà, je vous propose de conserver ce niveau de protection. La loi de police est bordée, l'encadrement européen est garanti : nous pouvons vous suivre. Mais si vous commencez à déraper sur la protection des salariés, ce n'est pas bon ni pour leur santé ni pour leur sécurité, et nous ne pourrons pas vous suivre.
M. Matthias Tavel applaudit.
Bien évidemment, la question du CDD, par opposition au CDI, est traitée dans le droit maritime français : comme dans le droit français en général, une compagnie maritime ne peut pas avoir recours à autant de CDD qu'elle le souhaite. Il faut donc effectivement regarder cela de près et légiférer sur les CDD. Mais en l'espèce, le fait d'étendre ces dispositions au recours aux contrats courts dépasserait le cadre de la loi de police.
Par ailleurs, il faudrait que nous nous interrogions ensemble sur les conséquences pratiques d'une telle mesure : comment nos contrôleurs iraient-ils contrôler cela ? Comment nos inspecteurs pourraient-ils déterminer si un contrat de travail polonais, chypriote ou slovène correspond en tous points à un CDI, avec toutes les garanties légales qu'il offre en France ? Il y aurait là une difficulté. Vous posez une vraie question sur les CDD, qui font déjà l'objet d'une réglementation ; selon nous, ce que vous proposez ne peut pas entrer dans le cadre de cette loi de police. Avis défavorable – même si c'est une vraie question.
J'apporterai deux éléments de réponse. Premièrement, je demande le retrait de votre amendement car il est satisfait : le code des transports prévoit déjà de réglementer les CDD, bien plus, d'ailleurs, que ce qui est proposé ici – c'est le deuxième point. En effet, l'article L. 5547-2 dudit code ne vise que les contrats de professionnalisation, et non l'ensemble des types de CDD. Votre amendement est donc moins-disant par rapport aux dispositions déjà présentes dans le code des transports. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 93 n'est pas adopté.
Il a trait aux salaires et vise à mentionner le Smic dans la proposition de loi, de manière que le salaire minimum des marins soit bien indexé dessus et puisse éventuellement bénéficier de coups de pouce par voie réglementaire. Il s'agit de protéger les marins de l'inflation.
Je vous demanderai de retirer votre amendement, puisqu'il est clairement satisfait. En effet, notre proposition de loi prévoit bien que l'ensemble des dispositions légales en matière de salaire minimum applicables aux salariés français dans les branches équivalentes s'appliquent également aux marins sur les navires concernés. Cela inclut bien évidemment les règles de revalorisation du Smic ainsi que son taux.
Même argumentaire : satisfait.
L'amendement n° 25 est retiré.
L'amendement n° 32 est retiré.
Tout à l'heure, nous avons perçu une sorte d'éclair de lucidité de la part de M. le secrétaire d'État, lorsqu'il a commencé à émettre une critique de l'Union européenne, de son fonctionnement et des conséquences de ce fonctionnement pour nos marins, avant – certes – de se reprendre.
S'agissant du manning, puisque c'est l'objet du présent amendement, nous aimerions tout de même entendre votre position. Cela fait partie du débat : était-ce une bonne chose de libéraliser le manning, comme l'a fait Emmanuel Macron avant d'être Président de la République, lorsqu'il était ministre de l'économie ? Vous connaissez notre position sur les contours juridiques du texte et sur l'importance de bien encadrer les choses : comprenez notre inquiétude ! Nous savons à quoi ils sont prêts, en face. En face de nous, nous avons des gens qui sont prêts à pressuriser au maximum les salariés pour leur extorquer le plus de plus-value possible. Il est évident que cette proposition de loi comporte des avancées, mais il est tout aussi évident que le manning peut être l'un des éléments permettant de contourner ces avancées. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il vaudrait mieux le mentionner – en gras et souligné – dans le texte.
Cela dit, nous entendons aussi, évidemment, les arguments qui ont trait à la précision du texte et aux contours d'une loi de police. Nous aimerions toutefois vous entendre sur le manning et sur sa libéralisation.
Votre amendement reprend celui de Mme Rousseau. Je partage votre volonté d'envoyer un message clair aux armateurs qui ont recours à ce type de sociétés ; à titre personnel, je suis donc favorable au fait de le faire figurer explicitement dans la loi de police.
Ce n'était pas un éclair de lucidité, monsieur le député : c'est de la cohérence ! On peut être critique vis-à-vis de l'Union européenne sans l'être de manière caricaturale et systématique. Je pense qu'il est de bonne hygiène démocratique que d'être capable, de temps en temps, de dire quand les choses ne vont pas bien, tout en reconnaissant que l'Union européenne permet parfois des avancées. Encore une fois, s'agissant de P&O, ce n'est pas l'Union européenne qui est responsable ! Le licenciement massif à P&O a été rendu possible par le Brexit : c'est parce que nous étions dans le cadre de liaisons internationales qu'il a pu avoir lieu.
Ensuite, pour ce qui est de votre amendement, je donnerai un avis favorable puisque vous proposez d'étendre les dispositions de la présente loi de police aux contrats de travail des salariés recrutés par des sociétés de manning pour le compte des armateurs, quelle que soit la nature du contrat. Nous sommes favorables au fait de l'inscrire dans la loi : ça va mieux en le disant ! J'espère que vous aussi, vous aurez un éclair de lucidité en reconnaissant les avancées du Gouvernement.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 58 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Didier Le Gac, rapporteur, et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 85 .
Nous restons dans le droit fil de la discussion qui vient d'avoir lieu, puisqu'il a également trait à l'encadrement des conditions de travail des marins. Nous l'avons dit tout à l'heure, nous déplorons, comme beaucoup d'autres députés sur ces bancs, que tant d'équipages vivent dans des conditions lamentables – disons-le ainsi, pour ne pas parler de quasi-esclavage.
Notre amendement vise précisément à sanctuariser le niveau de rémunération des marins qui assurent les liaisons maritimes régulières entre la France et le Maghreb à bord de navires immatriculés au premier registre du pavillon français. En effet, certains marins craignent que cette loi, bien que se voulant protectrice, aboutisse in fine à une dégradation de leurs conditions de vie.
Nous proposons donc, par sécurité, d'insérer, après l'alinéa 10 du présent article, l'alinéa suivant : « Pour les personnels opérant à bord de navires immatriculés au premier registre du pavillon français et assurant les liaisons maritimes internationales régulières entre la France et le Maghreb, le premier alinéa du présent article s'applique à la condition qu'il n'engendre aucune dégradation de leur niveau de rémunération. »
Je vous demanderai de retirer votre amendement puisqu'il est satisfait, et ce pour deux raisons. Premièrement – le secrétaire d'État l'a rappelé tout à l'heure –, la proposition de loi n'a pas vocation à s'appliquer aux liaisons vers le Maghreb, qui ne sont pas du tout caractérisées par la même fréquence que celles du transmanche et n'entreront donc pas dans les critères fixés par le décret. Deuxièmement, même si les règles édictées dans le décret englobaient les liaisons que vous visez, c'est de toute façon le droit français relatif à la rémunération des marins qui s'appliquerait, quelle que soit la destination du navire. Or le droit français prémunit bien les marins de toute baisse de salaire.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Tout à l'heure, vous disiez que le texte ne devait pas inclure l'espace méditerranéen. En l'occurrence, l'amendement vise à sanctuariser la rémunération des marins opérant dans cette zone. Nous vous répondons que le texte ne va pas du tout produire l'effet que vous craignez – je l'ai indiqué tout à l'heure –, parce que la liaison maghrébine est déjà exclue du RIF. Par ailleurs, le rapporteur l'a dit, la proposition de loi fixe des minima sociaux. Toutes les dispositions relatives au salaire minimum ne font qu'établir un plancher, qui est celui du droit français, et ne peuvent avoir pour effet de priver les autres marins de leurs droits. Si nous sanctuarisions les rémunérations des marins de cet espace-là, il faudrait le faire pour tous les autres !
Par conséquent, la proposition de loi ne changera strictement rien à la situation que vous évoquez : elle ne dégradera pas la situation des marins de l'espace méditerranéen. Elle vise à améliorer – c'est ce que nous avons fait en commission en légiférant sur les rythmes de travail et les salaires – la condition des marins sur le transmanche.
C'est ce que nous désirions vous entendre dire. Par cet amendement, nous relayons la volonté des marins qui sont inquiets pour leur sort futur et qui veulent être rassurés – c'est logique – quant à leurs conditions de travail. Nous prenons acte de vos paroles ; en conséquence, nous retirons l'amendement.
L'amendement n° 85 est retiré.
L'amendement n° 81 vise à supprimer l'alinéa 11 du présent article, qui n'applique la loi que pour les périodes où les navires sont exploités sur les lignes régulières internationales. Cet alinéa ne fait que renforcer les possibilités déjà nombreuses, pour les armateurs peu scrupuleux, de contourner le droit national en appliquant celui d'un autre pays à la quasi-totalité de ses équipages, par l'utilisation d'un pavillon étranger. La lutte contre le dumping social ne doit pas avoir lieu seulement aux périodes au cours desquelles les navires sont exploités.
Par ailleurs, je retire l'amendement n° 17 .
L'amendement n° 17 est retiré.
Votre amendement est un peu surprenant puisqu'il vise à faire appliquer la loi de police non seulement sur les liaisons transmanche mais sur l'ensemble des liaisons dans le monde : c'est ambitieux ! Avis défavorable : contentons-nous déjà, ce soir, du niveau national. Ensuite, bien évidemment, nous serons favorables – nous l'avons dit – au fait de porter cette question au niveau européen, qui semble être l'échelon le plus approprié pour réguler le droit du travail maritime au sein de l'Union européenne. À terme, nous pourrons effectivement nous attaquer à l'échelle internationale, mais pas tout de suite !
Chaque chose en son temps, monsieur le député : ce que vous entendez faire par cet amendement n'est pas possible dans le cadre de cette proposition de loi. Peut-être pourrons-nous nous y employer à l'avenir. Avis défavorable, puisque nous ne pouvons pas réguler les conditions salariales à bord de navires sous pavillon étranger exploités sur des lignes qui ne touchent pas la France. Mais peut-être y arriverons-nous un jour !
L'amendement n° 81 n'est pas adopté.
Nous sommes ici au cœur du sujet. En effet, il vise à garantir que la rémunération du temps de repos à terre soit équivalente à celle du temps d'embarquement. L'harmonisation par le bas des salaires est un outil majeur de dumping social et entraîne une dégradation des conditions de travail, ce qui implique – notre collègue le disait – des risques avérés pour la sécurité des liaisons.
Nous vous proposons donc de préciser que le temps de repos garanti par l'amendement du rapporteur soit dûment rémunéré ; en l'état, ce n'est pas le cas.
L'argument est le même, évidemment. Si le temps de repos n'est pas rémunéré de la même façon que le temps de travail, alors tout ce que nous sommes en train d'essayer de bâtir en débattant ici laisse une faille béante en ouvrant la possibilité de continuer à pratiquer des niveaux de rémunération réelle très faibles : si les marins ne sont payés que lorsqu'ils sont à bord et pas lorsqu'ils sont en congés, il suffira de diviser par deux le salaire minimum que nous imposons pour connaître le salaire réel pratiqué.
Au nom de la sécurité maritime, nous pouvons exiger des armateurs de navires étrangers qu'ils n'embarquent pas des marins au-delà d'une certaine durée, et nous allons le faire en instaurant la parité entre le temps de travail et le temps de repos. Cependant, il est difficile de justifier pour des raisons de sécurité maritime que la France décide du salaire d'un marin à terre, qui plus est installé dans un autre pays et soumis à la loi régissant son contrat de travail. D'ailleurs, comment nos contrôleurs pourraient-ils vérifier l'application de ces dispositions dès lors que, par définition, le marin au repos à terre se trouve rarement, voire jamais, sur notre territoire ou dans nos eaux territoriales. Il n'appartient pas au Gouvernement français de définir les règles contractuelles qui relèvent d'autres États. Par conséquent, je demande le retrait de ces amendements.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Je ne comprends absolument pas ces réponses : nous sommes là au cœur du dumping social. Si un marin embarque pour dix-sept semaines et que nous n'avons aucun moyen de vérifier qu'il est payé pour dix-sept semaines de travail ou congé, il travaillera pour moitié moins qu'un marin français. C'est simple : s'il travaille pour 10 livres sans congés payés, il aura finalement travaillé pour 5 livres.
C'est cela le dumping social. Si nous ne réglons pas ce problème des repos consécutifs aux périodes en mer, nous ne sortirons pas du dumping social.
Il ne sert à rien de fixer un salaire minimum dans la loi, ce qui est une bonne chose, sans intégrer les congés payés. L'espace juridique, que vous avez trouvé pour que la fixation d'un salaire minimum tienne la route, existe aussi pour la rémunération du temps de repos. Sinon, nous allons créer nous-mêmes la possibilité d'une évasion sociale de la mesure que nous allons adopter et qui ne sera donc pas appliquée. Puisque nous avons tous envie de bien faire, nous devons verrouiller le dispositif, ne pas créer nous-mêmes les trous par lesquels passeront ceux qui veulent contourner les règles que nous sommes en train d'essayer d'établir.
J'entends vos arguments et je partage certaines de vos préoccupations, mais nous devons construire un dispositif opérationnel. Tout l'objet du décret d'application sera d'éviter les périodes de deux fois dix-sept semaines. Nous allons travailler avec les organisations syndicales et patronales, le CSMM et tous ceux qui connaissent le sujet pour éviter ces temps d'embarquement de dix-sept, dix-huit ou vingt-huit semaines et revenir à des durées raisonnables.
Exactement ! Les premier et deuxième piliers sont le salaire minimum et le rythme de travail. Nous précisons dans la loi que le temps de travail doit être suivi d'un temps égal de repos. Pour le décret d'application, nous allons faire en sorte d'aboutir à une durée raisonnable qui ne soit pas dix-sept semaines.
Si nous poussons plus loin pour éviter l'évasion que vous craignez, et que je n'écarte pas, nous prenons un risque juridique : certains d'armateurs pourraient utiliser des contrats au voyage régis par le droit international, ce qui conduirait à une dégradation des conditions sociales, à rebours de ce que nous voulons faire. J'entends vos questionnements, mais je crois que notre méthode permettra d'éviter le risque que vous redoutez.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 18
Contre 45
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
L'amendement n° 57 n'est pas adopté.
Il vise à garantir que la durée de repos des marins travaillant sur les liaisons transmanche ne puisse être inférieure au repos prévu dans le code des transports dans le droit commun, c'est-à-dire trois jours calendaires par mois pour les congés payés.
Il propose également d'étendre le bénéfice des conventions collectives ou des accords de branche aux marins travaillant sur les liaisons transmanche en ce qui concerne l'organisation du travail – nous en avons déjà parlé.
Sourires.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l'amendement n° 37 .
Nous souhaitons apporter des garanties supplémentaires en termes de conditions de travail à tous les marins travaillant sur des liaisons transmanche.
Tout d'abord, nous demandons la garantie d'une durée de repos qui ne puisse être inférieure au repos prévu dans le code des transports dans le droit commun, c'est-à-dire trois jours calendaires par mois pour les congés payés.
Ensuite, nous demandons l'extension du bénéfice des conventions collectives ou des accords de branche à tous les marins qui travaillent sur les liaisons transmanche en ce qui concerne l'organisation du travail, que ce soit en matière de droit aux congés ou de repos compensateur.
Ces dispositions viennent compléter certains apports que nous avons adoptés en commission. Il s'agit d'aller vers un cadre social minimal convenable et permettant de limiter le dumping social qui sévit sur ces liaisons maritimes.
Il faut distinguer le repos s'inscrivant dans une organisation de travail en cycles d'embarquement – périodes de repos, période à terre – des congés payés qui n'ont pas de lien direct avec la sécurité maritime. Les congés payés sont différents du temps de repos. L'objectif de cette loi de police ne peut pas être de faire appliquer tout le droit du travail maritime français à des personnes qui n'ont qu'un lien temporaire avec notre pays. Même si je comprends votre louable tentation de faire bénéficier les marins étrangers de l'intégralité de notre modèle social, je demande le retrait de votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La loi prévoit déjà une équivalence. Si vous prévoyez un repos de trois jours, le repos en question ne pourrait pas être d'une durée inférieure à trois jours. En clair, le texte, que vous avez amendé et fait évoluer, satisfait vos demandes et permet des avancées pour le bien-être des gens de mer.
Sourires.
En effet, j'ai mélangé deux amendements, veuillez m'excuser. L'avis est tout de même défavorable.
Je suis saisie de quatre amendements, n° 53 , 18 , 19 et 54 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement n° 19 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l'amendement n° 53 .
Nous en venons à un élément encore plus décisif que ceux que nous venons d'évoquer. Nous nous sommes tous réjouis du fait que la discussion en commission ait permis d'inscrire dans le texte l'idée que le rythme de travail et la parité entre les jours à bord et les jours à terre devaient faire partie intégrante du décret à venir.
Il nous reste à fixer précisément une durée d'embarquement, sujet sur lequel nous avons eu un bref échange en commission et qui devrait donner lieu ici à un débat plus riche. Sachant que la durée fixée dans le décret pourrait être plus courte que celle que nous pourrions évoquer ce soir, nous proposons dans cet amendement n° 53 qu'elle soit au maximum de quinze jours à bord. Le décret pourra prévoir une durée inférieure si vous le souhaitez, mais l'amendement fixe au moins une borne maximale qui nous semble la plus protectrice : tout au plus quinze jours à bord, suivis de quinze jours de repos. Dans l'amendement de repli n° 54, nous proposons vingt et un jours, mais nous préférons quinze, naturellement.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez abordé le sujet quand j'ai évoqué la durée de dix-sept semaines : fixer une durée maximale d'embarquement de quinze jours pourrait être un bon moyen de lutter contre le dumping car il serait beaucoup plus compliqué d'aller chercher des marins malgaches tous les quinze jours que toutes les dix-sept semaines. Nous n'avons pas pris cette durée maximale par hasard : elle correspond au temps de travail des marins dans les compagnies, hors événements de mer ou conditions climatiques spécifiques. Nous proposons donc que le temps de travail des marins se déroule ainsi : quinze jours en mer, quinze jours au repos.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Au moins, je suis rassuré de voir que les députés de la France insoumise, qui proposaient une durée maximale de quarante-cinq jours en commission des affaires sociales, sont désormais passés à quinze jours. C'est la différence entre une réponse bête ou intelligente. Vous avez entendu que les marins passaient quinze jours en mer, mais vous ne savez ni pourquoi ni comment.
Pour ma part, je suis navré de vous informer que je propose trois semaines d'embarquement consécutives, afin de prendre en considération les éventuelles pénuries de main d'œuvre. Il est parfois difficile de trouver des marins pendant la haute saison, il arrive que certains d'entre eux passent plus de quinze jours en mer, comme j'ai pu le faire moi-même.
Si vous imposez un maximum de quinze jours de temps d'embarquement aux compagnies maritimes, il y aura moins de membres d'équipage, c'est-à-dire moins de salons ouverts et donc moins de services. Vous risquez même l'immobilisation du bateau faute de marins en nombre suffisant. Voilà la différence entre ceux qui connaissent le boulot et ceux qui ne le connaissent pas.
L'amendement n° 54 de M. Matthias Tavel a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Cette question ne sera pas réglée ce soir : quarante-cinq jours en commission, désormais quinze jours pour les uns, trois semaines pour les autres. Comme nous l'avons dit depuis le début de la soirée, nous proposons de renvoyer ce point au pouvoir réglementaire, ce qui offre deux avantages : le décret est plus souple que la loi, et la procédure permettra une consultation du CSMM qui donnera son avis sur la durée idéale. En commission, nous avons trouvé un équilibre en renvoyant au décret la fixation du nombre de jours, mais en indiquant que le temps de repos devait être égal au temps de travail.
Au passage, je vous ferai remarquer que vous voulez appliquer aux navires effectuant des liaisons transmanche des caractéristiques qui ne s'imposent même pas aux navires français. Du reste, toutes les compagnies françaises qui font ces liaisons transmanche pratiquent des périodes différentes – une semaine à bord, une semaine de repos ; deux semaines à bord, deux semaines de repos. Le décret, qui sera soumis à consultation, pourra aussi s'appuyer sur les résultats de l'étude scientifique en cours sur les rythmes de travail.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons. Nous souhaitons laisser ce point à la sagacité des organisations patronales et syndicales, qui sauront mieux comment adapter le rythme de travail en fonction de liaisons internationales d'intensités différentes.
Je ne répondrai pas à notre collègue, qui se fait le porte-voix des pleurnicheries d'un certain patronat, qui ne trouve jamais assez de personnes à embaucher, sauf lorsqu'il se résout à mieux les payer, et qui méprise les propositions que nous avons défendues. Il s'agissait d'amendements de repli visant à protéger les salariés, défendus par la première organisation syndicale de la marine marchande. On voit bien qui vous fournit vos argumentaires.
M. David Guiraud applaudit.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, en l'espèce, nous sommes d'accord pour dire que la question du temps de travail a de fortes répercussions sur la sécurité maritime et sur la santé des salariés. Nous proposons de fixer la durée maximale d'embarquement. Après l'échange que vous aurez avec le Conseil supérieur de la marine marchande et les organisations syndicales et patronales, s'ils en sont d'accord, vous pourrez toujours prévoir une durée inférieure dans le décret qui précisera cet article. Mais notre rôle de législateur est de fixer un garde-fou, une durée maximale qu'il nous semble déraisonnable de dépasser.
Dans le cadre de cette discussion commune, plusieurs amendements, qui proposent des durées et des rédactions différentes, sont examinés. Du reste, vous auriez pu proposer une durée maximale, car vous nous dites que vous en discuterez. Je vous connais un peu, vous avez déjà une idée de la durée que vous voulez inscrire dans le décret.
Lors de la concertation avec les partenaires sociaux, vous n'arriverez pas les mains vides. Ce n'est pas le genre du Gouvernement. En général, vous avez des idées, parfois même assez précises de ce que vous entendez faire. Si vous ne voulez pas inscrire cette durée dans la loi, pouvez-vous nous donner, à tout le moins, les éléments à partir desquels vous entendez mener cette concertation ?
Je souhaite rebondir sur ce qui vient d'être dit. Je ne suis pas non plus le grand défenseur du patronat. Je vous répète que je suis salarié d'une compagnie maritime. Contrairement à vous, je sais ce que c'est de travailler sur un bateau. Étant donné que vous avez la science infuse, que vous êtes persuadés de toujours avoir raison, et qu'au reste, je note qu'entre l'examen en commission et les débats en séance publique, la durée maximale que vous avez proposée est passée de quarante-cinq jours à quinze jours – vous avez donc mis un peu d'eau dans votre vin –, je vous pose donc la question suivante : savez-vous quel est le salaire mensuel médian d'un marin travaillant sur un bateau ? Vous faites des moulinets, monsieur Tavel, mais donnez-moi une réponse ! Le connaissez-vous ?
Vous n'en savez rien, parce que vous êtes complètement à côté de la plaque. Vous n'avez aucune information, vous ne connaissez pas la situation. Vous avez recopié bêtement les exposés des motifs de la proposition de loi de M. Jumel et de la mienne.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 6
Contre 40
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 28 mars 2023 à zéro heure cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra