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Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du lundi 27 mars 2023 à 21h30
Lutte contre le dumping social sur le transmanche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Depuis le licenciement brutal de près de 800 marins britanniques par la compagnie P&O Ferries au profit d'une main-d'œuvre bon marché et surexploitée, notre prise de conscience des conséquences du dumping social est totale. Lors des dernières assises de l'économie de la mer, la communauté maritime a exprimé toute sa stupéfaction face à cette situation, ainsi que ses attentes vis-à-vis du pouvoir politique. Notre réaction pour contrer l'augmentation de ces pratiques délétères était donc très attendue. Nous devons le dire de façon limpide : le dumping social représente un risque majeur, et ce, à plusieurs égards.

Les salariés eux-mêmes sont les premières victimes de ces dérives et voient leurs conditions de travail se dégrader sensiblement. Ces conditions sociales, rendues possibles par la libre concurrence du marché, fragilisent, en raison de l'épuisement des marins, la sécurité maritime de l'une des voies de navigation les plus empruntées au monde. Elles génèrent aussi un déséquilibre insoutenable du marché maritime en faveur des employeurs les moins vertueux. Enfin, elles ont des conséquences désastreuses pour l'attractivité des métiers de la mer, un secteur déjà largement en crise en Europe.

Cette concurrence acharnée, fondée sur un abaissement des conditions sociales, est à contre-courant de nos valeurs et met en péril toute une partie de notre économie maritime. Face à de si basses manœuvres, la France se positionne en leader. Elle souhaite impulser un changement de paradigme et promouvoir un modèle social, qui sortira renforcé et élargi de cet examen – je l'espère –, afin de mieux protéger les marins. Comme l'a très justement rappelé le secrétaire d'État chargé de la mer, M. Hervé Berville, il s'agit là de sécuriser notre souveraineté maritime. La stratégie adoptée consiste à mettre la pression sur les armateurs et à le faire savoir. Ce texte est donc un signal fort envoyé aux entreprises, afin de leur faire connaître notre mécontentement et les limites à notre tolérance. Cette loi, dite de police, est invoquée pour les raisons impératives précédemment citées. Ce titre n'est pas anodin, puisqu'il souligne le caractère d'urgence de ce texte. Je tiens à cet égard à saluer le travail du rapporteur, notre collègue Didier Le Gac.

En plus des contrôles inopinés actuellement effectués, les dispositions de cette proposition de loi prévoient des sanctions pénales à but dissuasif, jugées nécessaires pour mettre fin à ce fléau. Nous entendons les renforcer par les amendements que nous avons déposés.

L'article 1er établit un salaire minimum pour les compagnies internationales touchant l'un de nos ports, similaire à celui prévu pour le pavillon français. Il a été enrichi en commission par un amendement des trois groupes de la majorité visant à instaurer une durée de repos équivalente à la durée d'embarquement. L'article 2 crée un délit en cas d'invalidité des certificats d'aptitude médicale à la navigation. Les rapports, prévus par les nouveaux articles 3 et 4, permettront de réfléchir à la dimension européenne de ces enjeux et de contrôler la bonne corrélation entre les objectifs susvisés et les moyens à la disposition de l'inspection du travail maritime pour les remplir. En concordance avec la proposition législative britannique récemment adoptée en première lecture, ces dispositions visent à protéger nos intérêts fondamentaux et à nous préserver de toute tentative de déstabilisation.

Les entreprises ne peuvent se dire surprises ou étonnées de nous voir légiférer sur ces enjeux. Elles ont été consultées à de nombreuses reprises, à la fois sur le projet de charte d'engagement volontaire défendu par le secrétaire d'État chargé de la mer, et sur la présente proposition de loi. Après plusieurs appels, certains armateurs ont refusé d'entendre nos demandes : notre réponse était donc inévitable. Nous entamons désormais un bras de fer juridique contre certaines entreprises. Nous le savons, face aux recours et aux contentieux que nous aurons à affronter, nous devrons unanimement justifier la proportionnalité de nos mesures.

J'en suis convaincu : ce texte, qui définit notre stratégie, constitue une étape clé dans la régulation du marché maritime. Notre objectif est ainsi de faire cesser les concurrences déloyales entre pays européens et de convaincre nos voisins de l'intérêt général de ces textes protecteurs des droits des salariés. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés soutient pleinement cette proposition de loi et espère qu'elle sera votée à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires présents.

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