La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous ressassez que la France est championne du monde des prélèvements obligatoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les services publics et la protection sociale sont financés par ceux qui en bénéficient. En réalité, qui paye et dans quelle proportion par rapport à son revenu et à son patrimoine ? Et où va l'argent collecté ? Votre politique détourne les contributions au bénéfice de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre.
Mêmes mouvements.
En cette année olympique, vous battez tous les records. Félicitations pour les 250 milliards volés aux collectivités locales depuis 2012 !
Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Félicitations pour les 153 milliards gagnés par les entreprises du CAC40, pour les 98 milliards reversés aux actionnaires, pour les 100 milliards de fraude fiscale, pour les 22 milliards versés aux services médicaux privés et pour les 9 milliards versés à l'éducation privée !
« Bravo ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous me direz que l'argent, il n'y en a pas. Cela fait des années que vous êtes au pouvoir et vous n'y connaissez toujours rien, pas plus que vous ne maîtrisiez le calcul de la surface d'un hectare quand vous étiez ministre de l'agriculture il y a quinze ans !
« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai travaillé quarante années au service du public et je peux témoigner de l'évolution des salaires de la catégorie C : elle est de 80 euros après vingt ans de service, soit 4 euros par année, le tiers d'une baguette de pain par mois. Les agents de la fonction publique méritent de la considération et de la reconnaissance !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
À l'occasion des quatre-vingts ans de la signature du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), la fonction publique manifeste. Quelle est votre réponse ? Soyez honnête et annoncez votre volonté de détruire le programme du CNR ! Changez le titre de votre livre et intitulez-le Les jours malheureux !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent. Mme Cécile Untermaier et M. Boris Vallaud applaudissent aussi.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Sourires.
Ce n'est plus La France insoumise, c'est La France inconsciente !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – « Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Frédéric Mathieu applaudit ironiquement.
Inconsciente de la réalité de nos finances publiques et du modèle social français. Vous parlez d'inégalités, mais je vous rappelle que la Fondation Jean-Jaurès, qui ne peut être soupçonnée de droitisme débordant, a elle-même indiqué que la nation développée dans laquelle les écarts de revenus étaient les plus réduits par la redistribution fiscale était la France. Ces écarts sont de un à dix-huit avant redistribution ; ils sont de un à trois après.
Aucune nation ne redistribue autant que la France aux plus modestes et aux plus fragiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous dites que le taux d'imposition n'est pas suffisamment élevé, mais le taux marginal d'imposition de notre pays est le plus élevé de tous les pays développés : il approche les 60 % !
Vous nous dites que certains ne paient pas assez pour les autres,…
mais 70 % de l'impôt sur le revenu est payé par 10 % des contribuables !
Alors oui, il est temps, après avoir protégé les Français pendant la crise du covid, sans votre soutien ,
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES
après les avoir protégés pendant la crise inflationniste, sans votre soutien, après avoir récompensé le travail en instaurant une exonération des heures supplémentaires, pour lesquelles vous voulez rétablir la fiscalité – les mesures d'austérité sur le travail, c'est La France insoumise qui les promet ! –, après toutes ces décisions,…
…nous rétablissons fermement, calmement et sereinement les comptes publics. La France insoumise est la France irresponsable. Nous sommes la majorité de la responsabilité !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Laurent Marcangeli applaudit également.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Aujourd'hui, seul un Français sur deux nécessitant des soins palliatifs y a accès. Si l'on veut que chacun puisse en bénéficier, il faudrait donc doubler l'offre actuelle. On nous annonce un plan de 1 milliard d'euros sur dix ans. Ce chiffre semble impressionnant, mais il ne représente que 6 % d'augmentation du budget actuel des soins palliatifs, inflation comprise.
Ma question est simple : comment, avec un budget en hausse de seulement 6 %, comptez-vous doubler l'offre de soins palliatifs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Vous soulignez à juste titre l'importance des soins palliatifs dans notre pays. Aujourd'hui, nous possédons un peu plus de 140 unités de soins palliatifs et 420 équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP).
Oui, c'est insuffisant. Jusqu'à vendredi dernier, vingt et un départements ne possédaient pas de services de soins palliatifs. J'ai annoncé ce jour-là, lors d'un déplacement en Corrèze, la création d'un service de soins palliatifs à l'hôpital de Brive-la-Gaillarde. Il reste donc vingt départements qui n'en disposent pas. Voilà le premier sujet sur lequel nous devons travailler.
Le deuxième est l'organisation concrète d'une filière. Vous êtes professeur des universités et praticien hospitalier, monsieur Juvin ; vous savez donc que cette discipline n'est pas organisée. Elle ne compte actuellement aucun professeur des universités, aucun chef de clinique, aucun assistant chef de clinique.
Pour créer une culture des soins d'accompagnement en fin de vie, nous devons travailler en lien avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, dans le cadre du prochain plan d'organisation de la filière, et prévoir des enseignements universitaires. Les moyens ne sont pas la seule question : l'enseignement des soins palliatifs est indispensable ; or seules quelques heures de cours leur sont aujourd'hui consacrées dans les dix ans que durent les études médicales.
Quant aux moyens, il faut des maisons d'accompagnement et davantage d'unités de soins palliatifs, notamment des équipes mobiles reliées au réseau d'hospitalisation à domicile. On peut évidemment se concentrer sur les chiffres, mais la véritable question est notre capacité à travailler sur les quinze mesures du rapport du professeur Franck Chauvin…
…et à trouver des réponses pour 2024, 2025 et 2026. Tel est le sens de l'engagement du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit aussi.
Mme Émilie Bonnivard applaudit.
« Eh non ! » sur les bancs du groupe LR.
J'alerte solennellement sur le sous-financement des soins palliatifs et je pose une question dont chacun doit mesurer la gravité : existe-t-il un risque, demain, de suicides assistés par défaut d'accès aux soins palliatifs ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Ce n'est pas une petite question, d'autant que les soins palliatifs ne sont pas les seuls à devoir être financés.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq applaudit.
Je pense à la psychiatrie : voyez combien il est difficile de trouver un psychiatre aujourd'hui. Or on sait que les malades du cancer en fin de vie se suicident deux à quatre fois plus souvent quand ils n'ont pas de psychiatre. Là encore, c'est le suicide par défaut de moyens.
Et il y a la question sociale, qui est immense. Quand on ne peut pas se payer un ordinateur à commande oculaire et un fauteuil adapté à 25 000 euros, quand les conditions de logement sont misérables, les conditions matérielles rendent la vie trop dure et pèsent inévitablement sur la décision.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
On évoque souvent la fraternité, mais sa véritable traduction ne devrait-elle pas être le développement des soins palliatifs et de la psychiatrie, l'amélioration des conditions matérielles et la lutte contre l'isolement ? Il faut prévenir le suicide en se souciant de ses causes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Nous pouvons nous accorder sur un point : les maisons d'accompagnement apportent des réponses concrètes et l'objectif est de les développer. Jamais, dans notre pays, il n'a été question de parler d'aide à mourir sans un plan d'accompagnement des soins palliatifs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le 2 juin 1941, le régime de Vichy promulgue le statut des Juifs et limite l'accès des étudiants juifs aux universités. Quatre-vingts ans après, nous pensions que ces faits appartenaient aux heures les plus sombres de notre histoire. Quatre-vingts après, nous pensions que la bête immonde de l'antisémitisme était gavée de sang après la Shoah. Et pourtant, elle renaît. Le poison de l'antisémitisme vient pourrir notre société – on dirait que ce que je raconte n'intéresse pas certains de nos collègues.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il se déverse même au cœur de nos universités.
Mardi dernier, à Sciences Po Paris, institution prestigieuse qui forme depuis le XIX
« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
…des dictateurs du dimanche, des insurgés en mal de révolution. « Ne la laissez pas entrer, c'est une sioniste », a-t-on entendu.
À d'autres étudiants qui avaient réussi à entrer, on a demandé de dire « La Palestine vaincra ! » sous peine d'être expulsés de la salle.
En mai 1968, dans les amphis, c'était « sous les pavés la plage » ; aujourd'hui, c'est la haine, la haine du sioniste, la haine du Juif.
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes HOR et RE, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN, LR et Dem.
Ces faits sont graves. Ils sont une meurtrissure pour notre pays, une blessure pour notre République, et demandent une réponse implacable. Je veux, à cet égard, vous remercier, monsieur le Premier ministre, de vous être rendu le jour même à Sciences Po Paris. Malheureusement, les stigmatisations et les ostracisations dont sont victimes les étudiants juifs ne s'arrêtent pas aux murs de cet établissement : 91 % des étudiants juifs disent avoir déjà été victimes d'un acte antisémite au cours de leurs études.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures votre gouvernement compte-t-il prendre pour lutter contre cette dérive ?
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et LR.
Liberté, Égalité, Fraternité : la devise de la République française fonde les valeurs républicaines qui doivent être respectées partout et toujours ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE
notamment dans les établissements de l'enseignement supérieur, où l'on forme notre jeunesse. Pas une fac, pas une école ne peut être au-dessus des lois ; pas une fac, pas une école ne peut les appliquer à la carte :
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LR
je le dis ici très clairement.
Vous l'avez rappelé, avec Sylvie Retailleau, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, je me suis rendu à Sciences Po Paris et j'ai annoncé plusieurs mesures : tout d'abord, le déclenchement par le Gouvernement de l'article 40 du code de procédure pénale pour faire la lumière sur le déroulement des faits ; ensuite, la nomination d'un administrateur provisoire, dont la feuille de route sera extrêmement claire – faire respecter les principes républicains à Sciences Po Paris – ; enfin, le recrutement de la future direction sur la base de cette feuille de route.
Mais vous l'avez souligné, l'enjeu est beaucoup plus large. Depuis des années, à Sciences Po Paris comme dans d'autres établissements, les débordements scandaleux se sont multipliés du fait d'une minorité agissante et dangereuse.
Je le dis ici : je n'accepterai jamais qu'une fac ou une école devienne, en France, la voie d'eau par laquelle déferlera une idéologie nord-américaine qui, sous couvert d'une certaine modernité, prône l'intolérance, le refus du débat, et bride la liberté d'expression et les opinions contradictoires.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, et sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Thomas Ménagé applaudit aussi.
Nous serons collectivement intraitables.
L'autonomie de l'enseignement supérieur, ce n'est pas et ce ne sera jamais, une autonomie des valeurs républicaines. Avec la ministre Sylvie Retailleau, nous ne lâcherons rien, nous serons mobilisés, nous serons intraitables
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
contre toutes les dérives, notamment les dérives antisémites que vous avez évoquées. Dès qu'il faudra réaffirmer nos principes républicains, nous le ferons. Nous continuerons à placer la lutte contre ceux qui en veulent à nos principes républicains…
…au cœur des contrats que nous signerons avec les universités et les écoles,…
…afin que le financement public, l'argent des Français, contribue systématiquement au respect de nos valeurs et de nos principes républicains.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
L'enseignement supérieur doit donner le goût du débat, de la réflexion, jamais celui de la haine ou de la discrimination. Nous serons intraitables sur ce sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur quelques bancs des groupes LR et HOR.
Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Il y a douze ans, jour pour jour, le 19 mars 2012, le terroriste islamiste Mohamed Merah semait la mort et l'horreur à l'école juive Ozar Hatorah de Toulouse. N'oublions jamais les victimes innocentes de cet attentat ignoble :
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit aussi
Gabriel Sandler, 4 ans, Arié Sandler, 5 ans, Myriam Monsonego, 7 ans, Jonathan Sandler, 30 ans.
Douze ans après, le cancer de l'antisémitisme contamine les plus grandes écoles et les universités.
Fondée pour éveiller les consciences et former les élites, Sciences Po Paris s'est transformée en centre de recrutement islamo-gauchiste.
Après le Hidjab Day et la promotion du voile islamique en 2016, après la soumission à l'idéologie wokiste, Sciences Po Paris dérive vers l'antisémitisme.
M. Fabien Roussel s'exclame.
Depuis le 7 octobre 2023, des étudiants de Sciences Po distribuent des tracts où les terroristes du Hamas sont présentés comme des résistants. Le 5 mars, Rima Hassan, militante pro-Hamas et candidate LFI aux élections européennes, a été reçue en grande pompe pour une conférence.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Nathalie Oziol s'exclame.
Le 12 mars, un nouveau cap a été franchi avec l'occupation d'un amphithéâtre rebaptisé « Gaza » par une soixantaine de militants fanatisés, scandant leur haine d'Israël. Selon l'Union des étudiants juifs de France, plusieurs étudiants ont été menacés et insultés parce qu'ils étaient juifs.
Pour le leader de l'extrême gauche islamiste, Jean-Luc Mélenchon, c'est un simple incident.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit aussi.
Les étudiants juifs ont peur de cette montée de la haine. Ils craignent aussi vos ambiguïtés et vos lâchetés. Monsieur le Premier ministre, au-delà de l'enquête administrative et de vos coups de menton, êtes-vous prêt à rompre vos liens avec le Qatar, devenu le banquier de votre gouvernement, qui finance, soutient et héberge le groupe terroriste et antisémite du Hamas ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Meyer Habib applaudit aussi.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je reprends les propos du Premier ministre : oui, l'antisémitisme est un « poison ». L'antisémitisme, quels que soient ses masques, est un fléau. Notre ligne est claire, c'est la tolérance zéro.
Mme Caroline Parmentier s'exclame.
L'université fait partie intégrante de la société. Elle partage ses forces et ses lumières, mais elle doit aussi affronter ses tensions et ses maux les plus sombres.
Vous m'avez interrogée, en particulier, sur les événements survenus à Sciences Po Paris. Comme à chaque fois, ma méthode, c'est l'objectivation des faits.
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Julien Odoul mime des mouvements de brasse.
C'est tout le sens du signalement au procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, que Gabriel et Attal et moi avons effectué, afin que la justice soit saisie et fasse son travail.
Nous nous sommes rendus sur place. En effet, l'amphithéâtre a fait l'objet d'un envahissement sauvage et le cadre qui permet un débat serein n'a manifestement pas été respecté. Toute cette assemblée connaît notre entière mobilisation en faveur de la lutte contre l'antisémitisme.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le député, ne comptez pas sur moi pour participer au blanchiment du parti des héritiers de Pétain ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Dem et GDR – NUPES – Vives exclamations sur les bancs du groupe RN
des gudards et des identitaires.
Je ne fermerai pas plus les yeux surles agissements des groupes communautaristes qui défient la République et ses principes.
Brouhaha.
Je souhaite continuer à suivre cette ligne : tolérance zéro contre l'antisémitisme, la haine de l'autre et toutes les discriminations.
Monsieur le député, ne faites pas offense à vos collègues en leur mentant : Sciences Po Paris n'est pas une zone interdite pour le Rassemblement national, puisque votre collègue, Sébastien Chenu, y donne une conférence ce soir.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, M. Guillaume Gouffier Valente et Mme Stella Dupont s'étant levés, et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Dem et HOR. – M. André Chassaigne applaudit aussi. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
M. Christophe Blanchet désigne du doigt le banc de M. Jean-Philippe Tanguy.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Yoda et DZ Mafia sont deux clans, deux organisations criminelles qui se partagent le juteux marché des narcotrafics à Marseille.
Ce matin, le Président de la République, le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux se sont rendus à La Castellane, dans la cité phocéenne, pour lancer l'opération Place nette XXL. Après le renforcement des effectifs de police, de justice et de douane dans le cadre du plan Marseille en grand, après les innombrables opérations de pilonnage des lieux de trafics, cette opération de grande envergure vient consolider et conforter la guerre sans merci que l'État et le Gouvernement livrent à ces clans criminels. Jamais, jamais, aucun gouvernement n'aura déployé autant de moyens pour lutter contre ces organisations tentaculaires.
L'année 2023 a été particulièrement meurtrière : quarante-neuf personnes, ont été assassinées, parmi lesquelles quatre innocents.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
En cet instant, je pense à Socayna, qui habitait dans la cité de Saint-This, située dans ma circonscription, qui est morte dans sa chambre alors qu'elle étudiait tranquillement. La réalité, c'est que ces trafics gangrènent tout Marseille, et pas seulement les quartiers nord. De l'Ouest à l'Est, du Sud au Nord, ces deux clans font régner la terreur et assignent à résidence des milliers d'habitants. Des tirs ont retenti ce week-end, en plein après-midi, à la Cayolle, et, la semaine dernière, à Château Saint-Loup ; à chaque fois, à deux pas d'une école.
Sans parler de ces noyaux villageois, tels La Capelette ou Saint-Loup, qui voient se multiplier des commerces dont la seule utilité est de blanchir l'argent sale. Ces derniers jours, les magistrats marseillais ont vivement réagi à la tournure que prenaient ces événements et à leur généralisation sur le territoire national.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale l'esprit de ces opérations Place nette, les résultats déjà observés et ceux attendus ? Les Marseillais, tous les Marseillais, ont besoin d'être rassurés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous le savez bien, vous qui, au quotidien, êtes auprès des Marseillais, des jeunes, des familles, des femmes et des hommes des quartiers : la drogue est la mère de tous les vices.
Elle détruit des familles entières, elle corrompt notre jeunesse, elle broie des vies. Elle est le berceau de toutes les délinquances, de la violence, du trafic d'armes, des règlements de comptes. Le trafic de drogue est une gangrène pour notre pays. Il ravage des quartiers, des villes, parfois même des villages.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
Quand on emprunte la voie du trafic de drogue, il y a souvent la mort au bout du chemin.
Monsieur le député, je connais votre détermination, votre implication. Devant vous, comme devant toute la représentation nationale, j'en fais le serment, avec le Président de la République et le ministre de l'intérieur : nous ne faiblirons jamais, nous ne renoncerons jamais, nous n'aurons jamais la main qui tremble.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La lutte contre les trafiquants est une priorité ; c'est même un devoir national.
Nous mènerons cette bataille sans compter, à Marseille, comme sur tout le territoire. Nous nous attaquerons à tous les réseaux, de la base jusqu'au sommet.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
Nous nous attaquerons un à un à tous les points de deal.
Avec vous et, je l'espère, toute la représentation nationale, je veux rendre hommage aux forces de l'ordre qui se battent au quotidien et accomplissent un travail absolument exceptionnel ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur plusieurs bancs des groupes LR. – M. Roger Chudeau applaudit aussi
et aux magistrats qui dirigent les enquêtes et qui n'abandonnent jamais rien.
M. Sébastien Delogu s'exclame.
Ce matin, nous avons décidé de frapper un grand coup. Nous avons donné un grand coup de pied aux trafics de drogue à Marseille, en menant une opération XXL, qui est préparée depuis des mois, après un travail d'enquête exceptionnel, accompli sous l'autorité du parquet. L'opération menée dans tous les quartiers – une cité de votre circonscription est d'ailleurs concernée –, et pas seulement dans les quartiers nord, avec le déploiement de 900 policiers et gendarmes, des moyens aériens et l'appui du Raid – recherche assistance intervention dissuasion –, était d'une telle ampleur que le Président de la République a choisi de s'y rendre et de venir saluer le travail de tous ceux qui y ont contribué. Comme il l'a annoncé tout à l'heure, elle a conduit à plus de quatre-vingts interpellations et à une soixantaine de gardes à vue.
Faire place nette, c'est dégager le terrain, c'est affirmer la loi et l'ordre partout, c'est aussi rester sur le terrain pour éviter que les points de deal ne soient réinstallés à peine la police partie – pendant trois semaines, les moyens policiers resteront engagés.
MM. Sylvain Maillard et Didier Parakian applaudissent.
Mais tout n'a pas commencé ce matin, loin de là. La lutte contre les trafics, c'est évidemment un marathon. Elle dépend, à long terme, de notre capacité à ne jamais baisser la garde. À Marseille, le pilonnage des points de deal, qui est réalisé depuis des années, a des résultats : démantèlement définitif de soixante-dix points de deal, record des saisies – 7 tonnes de cannabis, par exemple – et du nombre d'interpellations de trafiquants en 2023, qui s'est élevé à 2 350. C'est le résultat de notre stratégie et de notre détermination. C'est le fruit des moyens exceptionnels déployés à Marseille, notamment grâce au plan Marseille en grand, annoncé par le Président de la République. Je le rappelle, 450 policiers supplémentaires y ont été affectés en trois ans, trois compagnies de CRS sont déployées chaque jour, 50 magistrats et près de 100 greffiers supplémentaires y ont pris leurs fonctions en sept ans.
Je sais que vous partagez mon objectif : ne jamais laisser les trafiquants dormir tranquille. La loi se rappellera toujours à eux ; qu'ils sachent que la République viendra toujours les chercher. Nous continuerons, ce n'est qu'un début. D'autres opérations seront menées, que ce soit à Marseille ou ailleurs en France. Nous agirons sur tous les fronts. Je veux que nous tapions au porte-monnaie des dealers ; il y a des traces de sang sur l'argent de la drogue. Nous renforcerons notre action, nous bloquerons les avoirs des trafiquants, comme je m'y suis engagé dans ma déclaration de politique générale.
En matière de lutte contre les stupéfiants, face aux donneurs de leçons qui n'ont jamais rien tenté ni rien fait en la matière ;
Applaudissements sur les bancs du groupe RE
face aux défaitistes qui nous expliquent à longueur de journée qu'on n'y arrivera jamais, et qui méprisent en permanence le travail de nos forces de l'ordre ; face aux laxistes qui croient encore que la consommation de drogue est bien pardonnable, qu'elle est festive…
…et que la lutte contre les trafics serait une question de morale, Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et moi avons un devoir vis-à-vis de ces habitants, dont la vie est gâchée par les trafics, et de ces familles qui ont perdu un enfant ou un proche dans un règlement de compte. Ce devoir, c'est de faire respecter partout la loi et l'ordre, de ne jamais céder un millimètre aux trafiquants. Alors, cage d'escalier par cage d'escalier, point de deal par point de deal, nous combattrons les trafiquants et le trafic de drogue. Oui, cela prendra du temps. Oui, il faudra encore fournir des efforts. Mais non, nous ne renoncerons jamais.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, M. Didier Parakian s'étant levé, ainsi que sur les bancs des groupes Dem et HOR.
Monsieur le Premier ministre, il faudra renforcer le service public, notamment celui de la police et la justice, au-delà de Marseille. Or on ne peut que s'inquiéter des annonces budgétaires.
Ce n'est pas la première fois qu'Ascometal fait les frais du Monopoly industriel. jeudi 14 mars, Swisssteel annonçait de façon scandaleuse et irresponsable à ses actionnaires son désengagement et le risque d'une réorganisation judiciaire. Je veux faire résonner ici la colère et l'inquiétude des salariés.
Voici quelques mois, le groupe Swisssteel avait déjà déclaré qu'il souhaitait se séparer du site de Fos-sur-Mer, qu'il avait un repreneur pour celui d'Hagondange, et qu'il conserverait celui de Dunkerque. Dans ce contexte, l'État confirmait l'allocation d'aides au groupe, qui s'engageait à soutenir les sites et à trouver des repreneurs. Or il y a des pistes, mais aucune n'a pour l'heure abouti.
Cette annonce intempestive place l'ensemble des sites dans des situations de grande fragilité. Le site de Fos-sur-Mer est un fleuron industriel qui produit de façon décarbonée des aciers spéciaux uniques en Europe, grâce à des savoir-faire d'excellence. À l'heure de la décarbonation et de la nouvelle industrialisation qui se profilent sur notre territoire, il a toute sa place pour répondre à des besoins réels. Derrière lui, c'est toute une série de fournisseurs et de cotraitants, ainsi que leurs salariés, qui sont concernés. Le recours à la procédure judiciaire conduirait à des ruptures de continuité gravement préjudiciables.
Il convient donc de tout faire pour l'éviter et sécuriser les capacités de production ainsi que la filière du tissu. Swisssteel ne peut se dédouaner de ses responsabilités. La puissance publique doit également engager la sienne pour garantir l'avenir de la filière et placer les entreprises sous sa protection en envisageant, le cas échéant, une nationalisation temporaire, le temps de permettre aux projets actuels de pérennisation d'aboutir. Les salariés veulent qu'Ascometal vive. Les organisations syndicales souhaitent vous rencontrer en urgence. Quelles dispositions envisagez-vous pour préserver notre outil industriel ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.
Nous sommes évidemment aussi sensibles que vous à la situation du groupe Ascometal, dont l'actionnaire, Swissteel, avait repris l'ensemble des cinq sites français il y a cinq ans. Les Dunes, avec 180 salariés, Hagondange avec 600 salariés, les deux sites de Moselle et Meurthe-et-Moselle – connus sous le nom de Marcus – qui comptent 120 salariés, ainsi que le site de Fos-sur-Mer, que vous connaissez bien, qui en compte 380, risquent en effet d'être vendus. Des repreneurs ont témoigné de marques d'intérêt à l'égard de ces sites qui ont, vous l'avez rappelé, des atouts indéniables.
Ici comme ailleurs, nous suivons la situation de près pour que les marques d'intérêt se concrétisent. Une doctrine s'est en effet imposée en la matière : lorsqu'un site industriel est vendu, nous cherchons, tout d'abord, à nous assurer que s'offre à lui des perspectives d'affaires crédibles ; ensuite, que ceux qui envisagent de le reprendre soient eux-mêmes crédibles. Lorsque ces deux conditions sont réunies, l'État est prêt à s'engager.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
En l'occurrence, nous sommes d'accord, les sites bénéficient de perspectives et de repreneurs crédibles. Nous tomberons également d'accord sur le fait que l'actionnaire Swissteel, qui se retire de France, doit s'engager publiquement à procéder avec soin – je lui ai demandé de le faire et le lui rappellerai dans les heures qui viennent. Notre désaccord portera sans doute sur les solutions envisagées – notamment sur la nationalisation, solution de dernier carat, selon moi –…
…mais on doit pouvoir faire plus et faire mieux. Je suis convaincu que ce sera le cas.
Il y a quelques mois, un de vos collègues, M. Fabien Roussel, m'interrogeait à propos de l'entreprise Valdunes. Je lui avais alors indiqué que nous ferions tout pour trouver un repreneur crédible sur la base de perspectives crédibles, et que nous pourrions alors engager les moyens de l'État. C'est en train d'arriver.
Gardons espoir. À Dunes comme à Valdunes, à Fos-sur-Mer comme à Hagondange, nous ferons tout pour donner des perspectives à Ascometal.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous comptons sur votre détermination et vous pouvez compter sur la nôtre.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Monsieur le ministre de l'économie, la France de 2024 n'est plus celle de 2017.
Le chômage a profondément diminué, la réindustrialisation est une réalité, l'économie a été sauvée pendant le covid grâce au « quoi qu'il en coûte ». Nul ne peut contester non plus que, avec 3 000 milliards d'euros de dette, notre modèle social est fracturé, tout comme notre capacité à relever les défis de demain. Il est selon nous évident qu'il faut passer de l'État-providence à un État juste et efficace, aux finances publiques assainies.
Vous avez poussé un cri, il y a quelques jours, pour expliquer que le niveau de la dette publique était insoutenable ; nous le partageons d'autant plus que nous combattons en ce sens depuis plus de quinze ans. Cependant, cela ne signifie pas qu'il faille donner à l'aveugle un coup de rabot aux dépenses publiques. Un État efficace et juste doit aussi faire en sorte que la valeur soit mieux partagée, que le pouvoir d'achat augmente et que les feuilles de paie soient plus conséquentes. Il doit également lutter avec plus d'acharnement contre toutes les dérives fiscales, les fraudes et, bien sûr, les spéculations. Il doit réorganiser notre système de santé autour de la prévention, car 1 euro dépensé en prévention permet d'économiser 10 euros de soins curatifs. Un État efficace et juste responsabilise tous les acteurs et libère les énergies. Avec 3 000 milliards d'euros de dette, on ne peut plus faire comme avant ! Il faut dire la vérité aux Français : êtes-vous prêt à bâtir pour les Françaises et les Français, avec les parlementaires, les collectivités et les partenaires sociaux, un nouveau modèle social protecteur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je vous remercie, monsieur le député, ainsi que le groupe Démocrate et la majorité, pour votre lucidité et l'engagement dont vous témoignez pour rétablir l'équilibre des finances publiques : je sais que cela fait partie de votre ADN.
Je rappellerai très brièvement ce qui s'est passé depuis 2017. Jusqu'à 2019, cette même majorité, seule et sans le soutien de qui que ce soit, a rétabli les finances publiques, est revenue sous les 3 % de déficit et a diminué la dette.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas possible d'entendre ça ! Il faut le mettre à la questure, pas au ministère de l'économie !
Nous avons ensuite été confrontés à deux crises majeures : le covid, crise économique la plus grave depuis 1929, puis la crise inflationniste la plus grave depuis les années 1970. Nous avons protégé les Français et instauré, sous l'autorité du Président de la République, le « quoi qu'il en coûte ».
Brouhaha.
Il s'agissait de décisions justes, nécessaires, et protectrices : elles ont sauvé des entreprises, des salariés et l'économie française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que nous revenons à la normale, j'appelle à la prise de conscience collective : nous devons couper dans un certain nombre de dépenses afin de revenir sous les 3 % de déficit public en 2027 et rétablir l'équilibre des finances publiques d'ici une dizaine d'années.
J'appelle donc toutes les forces politiques, de la majorité comme de l'opposition, à me retrouver au ministère de l'économie et des finances, avec le ministre délégué aux comptes publics Thomas Cazenave, pour examiner les économies possibles et nécessaires : faites-moi des propositions ! Arrêtez de me proposer des dépenses supplémentaires !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations et bruit sur les bancs du groupe RN et sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le slogan « je dépense donc je suis » est trop répandu dans la classe politique française. Il doit être remplacé par celui-ci : « j'économise, donc je suis, donc je protège ! »
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Hourvari.
Un échafaudage s'effondre à Montreuil : un ouvrier meurt. Un pont s'effondre à Toulouse sur le chantier de la ligne B : un ouvrier meurt. Un tracteur se retourne en Creuse : un jeune agriculteur de 17 ans meurt. Les accidents du travail qui blessent, mutilent, handicapent à vie ou tuent s'établissent à environ 800 000 cas par an, selon les propres chiffres de l'Assurance maladie. La France est le pays européen qui connaît le plus d'accidents par travailleur.
Madame la ministre du travail, votre gouvernement a une grande responsabilité dans chacun de ces drames. Depuis 2017, vous avez méticuleusement saccagé les protections des travailleurs, à tel point qu'un collectif de familles – Stop à la mort au travail – s'est constitué en 2023 pour dire stop à l'indifférence ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
il manifestait sous vos fenêtres le 4 mars dernier. La semaine dernière, les assises nationales de la sécurité et de la santé au travail ont rassemblé plus de 500 personnes. Le 25 avril prochain, nous serons des milliers, en France et en Europe, à manifester pour dénoncer la dégradation des conditions de travail.
Vous semblez ne rien entendre. Vous n'entendez ni les syndicats des travailleurs, ni les victimes, ni leurs familles. Je me fais donc l'écho de leurs revendications : ils veulent le retour des CHSCT – les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
Applaudissements prolongés et de plus en plus vifs sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ils veulent davantage d'inspecteurs du travail ; des contrôles dans les secteurs de la sous-traitance et de l'intérim ; la prise en charge des frais de justice et l'accompagnement psychologique des familles de victimes ; le renforcement des sanctions contre les employeurs. Allez-vous oui ou non répondre à leurs revendications ? Comptez-vous rétablir les 100 postes d'inspecteurs du travail prévus en 2024 que Bruno Le Maire a choisi de supprimer ?
« Bravo » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont les députés se lèvent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Je crois que nous pouvons retrouver sur un point : chaque accident du travail est un drame. Personne, dans cet hémicycle, ne dira le contraire. Voyons les chiffres : en 2021, 645 morts au travail ; en 2022, 738 morts. L'augmentation est incontestable. Je préciserai toutefois deux choses importantes, afin de bien considérer la situation dans son ensemble : la population salariée a augmenté et les malaises sont désormais considérés comme des accidents du travail, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les inspecteurs du travail mènent les enquêtes, analysent les causes des accidents et, grâce à ces retours d'expérience, permettent d'éviter que ces situations se reproduisent.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Je souligne l'importance de leur travail.
En discutant avec les Dreets – les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités –, je sais combien les inspecteurs du travail ont besoin d'être soutenus, notamment lorsqu'ils sont jetés en pâture, comme cela a pu arriver lors de certaines manifestations, il y a quelque mois.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
Je tiens à redire l'attachement du Gouvernement à leur travail.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un sujet trop grave pour qu'on en parle autrement que dans le calme !
Il faut également pouvoir sensibiliser, d'abord l'ensemble des salariés : les jeunes dans les centres de formation d'apprentis (CFA), les travailleurs détachés, les travailleurs de certaines branches en particulier – des travaux sur cordes ou du transport routier de marchandises, par exemple. De ce point de vue, la mobilisation du 28 avril, date de la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, est utile. Ensuite, les entreprises sont responsables et doivent donc s'engager à promouvoir la prévention des accidents du travail : c'est la première condition du respect de chacun des salariés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les inspecteurs du travail étaient 2 100 en 2011, ils sont moins de 1 800 actuellement !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Bruno Le Maire supprime les 100 postes qui étaient prévus cette année ! Ne faites pas semblant de vous intéresser aux inspecteurs du travail !
Mêmes mouvements.
Madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, vous étiez dans un Ehpad de ma circonscription vendredi dernier, où vous avez entendu les résidents, leurs familles, et les professionnels. Je vous en remercie beaucoup. Vous avez également évoqué la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie qui, après un parcours législatif ponctué de rebondissements et une commission mixte paritaire (CMP) conclusive, sera soumise au vote de l'Assemblée en fin de journée.
Face à la transition démographique qui est la nôtre – pour mémoire, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans dès 2030 –, ce texte constitue une étape dans la construction de la société du bien vieillir et de la longévité. Défendu avec conviction par ma collègue Laurence Cristol et moi-même, avec votre soutien, il vise à inscrire dans la loi des mesures concrètes pour améliorer le quotidien de nos aînés, de leurs proches et des professionnels qui les accompagnent, posant ainsi les bases d'une réforme à venir à la hauteur des enjeux.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire,…
…et la situation financière préoccupante des Ehpad vient témoigner de l'urgence de la poursuite et de l'amplification de nos actions. Si les établissements publics sont confrontés à un déficit cumulé inédit, les opérateurs privés ne sont pas épargnés. Quant aux services à domicile, ils connaissent eux aussi des difficultés structurelles.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous indiquer, devant la représentation nationale, quelles seront les prochaines étapes ?
Quelle suite sera donnée à cette proposition de loi ? Quelles mesures votre gouvernement prendra-t-il pour défendre une politique durable du grand âge et de l'autonomie, et permettre ainsi à chacun de vieillir selon ses choix : à domicile, en Ehpad, ou en habitat inclusif ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Permettez-moi de saluer le travail que vous avez mené avec votre collègue Laurence Cristol.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Vous l'avez dit, le défi démographique posé par le grand âge est considérable. Pour s'y préparer, nous nous sommes pleinement mobilisés, au moyen de politiques publiques volontaristes. Je me permets de les rappeler, car « gâteau avalé, gâteau oublié ».
Sourires.
Nous avons créé les services publics départementaux de l'autonomie, renforcé les contrôles des Ehpad –
Brouhaha
là non plus, je ne jette pas d'anathème aux professionnels qui travaillent –, ou encore soutenu l'habitat intermédiaire et le maintien à domicile, sans oublier les nombreuses mesures pour rendre le secteur plus attractif.
Nous y avons mis les moyens, en instituant la cinquième branche,…
…que tant d'élus avaient promise et que ce gouvernement a créée.
Rien que cette année, 2,6 milliards d'euros supplémentaires y sont alloués !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La hausse se poursuivra puisque son budget atteindra 45 milliards en 2027, contre 40 milliards actuellement.
La proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie s'inscrit dans le prolongement de notre action en apportant une réponse concrète aux attentes des personnes âgées.
À celles et ceux qui s'inquiètent et estiment que ce n'est pas suffisant, je réponds que nous débattrons bien, ensemble – nous nous y sommes engagées, Catherine Vautrin et moi –, de la stratégie, de la gouvernance et, bien entendu, du financement.
Nous souhaitons débattre avec vous et nous prendrons les mesures nécessaires, y compris les mesures de nature législative.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, notre système de santé repose sur un pilier public, formé notamment de nos hôpitaux, et un pilier privé, composé des professionnels de santé libéraux.
Le collectif des infirmiers libéraux en colère organise aujourd'hui des rassemblements en province, et ils seront nombreux à manifester, le 4 avril, devant les portes de votre ministère. Le 15 mars, Frédéric Valletoux a déclaré dans « Les grandes gueules » qu'il fallait en finir avec le misérabilisme des infirmiers libéraux. Il a ajouté, de façon provocatrice, que leur revenu moyen est de 4 000 euros, sous-entendant qu'ils seraient plutôt privilégiés.
Il a cependant omis d'évoquer le nombre hebdomadaire des jours travaillés et le nombre mensuel des heures effectuées, qui atteint bien souvent 360, ainsi que la vie de famille sacrifiée et les vacances rarissimes. Les infirmiers libéraux ont été ignorés par le Ségur. Or en réalité, contrairement à ce qu'affirme M. Valletoux, certains d'entre eux, en zone rurale, n'arrivent pas à se verser un salaire mensuel de plus de 1 400 euros.
La dernière revalorisation des actes médicaux est intervenue il y a quinze ans. Les frais kilométriques sont inchangés depuis 2011. Quant à l'indemnité forfaitaire de déplacement, elle vient, enfin, d'être augmentée, mais passe péniblement de 2,50 euros à 2,75 euros le trajet. Cela reste moins que les kinés, qui perçoivent 4 euros, et que les médecins, qui touchent 10 euros. Victimes de l'inflation, de la hausse du prix de l'essence et de l'entretien de leur véhicule, ils supportent des charges de fonctionnement qui ont explosé.
En quinze ans, les infirmiers libéraux ont perdu 21 % de leur pouvoir d'achat. Ils ont besoin d'une reconnaissance financière, mais aussi de la reconnaissance de la pénibilité de leur travail. Leur espérance de vie est amputée de sept ans par rapport à celle de la population générale.
Prenez la mesure du désespoir de nos infirmiers libéraux. Les conséquences de votre mépris sont terribles pour les Français, qui, en plus de ne pas avoir de médecins, n'auront bientôt plus d'infirmiers. Quelles sont vos solutions face au désespoir de nos infirmiers libéraux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Ni dans les propos qui ont été tenus ni dans la politique qui est menée, il n'y a de mépris pour les infirmières et les infirmiers…
…qui, on le sait, jouent un rôle majeur dans le système de santé. Au contraire, la majorité œuvre, depuis 2017, à la reconnaissance de la place qu'occupe cette profession.
Elle a ainsi créé le bilan de soins infirmiers, qui a permis aux infirmiers et aux infirmières d'être accompagnés par un effort de plus de 700 millions d'euros depuis 2020.
Il n'y a pas de mépris lorsque – et vous avez eu l'honnêteté de le rappeler – nous augmentons l'indemnité forfaitaire de déplacement de 10 %.
M. Frédéric Boccaletti fait signe que c'est peu.
Il n'y a pas de mépris lorsque je reçois, dans les jours suivant ma prise de fonctions, les trois syndicats d'infirmiers libéraux afin de discuter de leurs attentes et de leurs revendications.
Il n'y a pas de mépris lorsque j'ai diligenté, à leur demande, une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) afin d'évaluer la pénibilité de leur métier. Ils réclamaient une telle enquête depuis des années ; elle est en cours, et fera office de juge de paix. En tout cas, les organisations des infirmières et des infirmiers ont salué cette décision.
Il n'y a pas de mépris lorsque nous lançons le chantier de l'attractivité ou lorsque la majorité crée, comme elle l'a fait au mois de décembre dernier dans cet hémicycle, le statut d'infirmier référent, auquel nous allons donner du contenu avec les organisations syndicales.
Il n'y a pas non plus de mépris lorsque la majorité crée le statut d'infirmier en pratique avancée, auquel les décrets d'application, qui seront publiés dans les prochaines semaines, donneront, là aussi, un contenu concret.
N'essayez donc pas de travestir la réalité. Les infirmières et les infirmiers ont un rôle essentiel dans notre système de santé. Il faut les accompagner dans la mutation de leur métier, aux côtés des médecins et des autres soignants qui prennent en charge la santé des Français. Je m'y attelle, avec l'ensemble du Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.
Je l'affirme : il y a du mépris lorsque vous ne dites rien sur la revalorisation des actes médicaux ou lorsque vous vous gargarisez d'avoir porté de 2,5 à 2,75 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de déplacement !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le Premier ministre de l'éducation nationale, ma question, simple et brève, s'inspire d'un sujet de philosophie régulièrement soumis aux candidats au baccalauréat : peut-on avoir raison tout seul ?
Vous avez trois heures !
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Non, je ne pense pas que nous puissions avoir raison tout seul.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Pourtant, monsieur le Premier ministre de l'éducation nationale, c'est seul que vous avez acté par décret, le 16 mars dernier, l'installation de groupes de niveau en français et en mathématiques au collège.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
C'est seul que vous bouleversez brutalement la nature de notre système éducatif, sans même lui donner les moyens suffisants.
C'est seul que vous mettez fin au collège unique.
C'est seul que vous abandonnez l'objectif d'apprendre ensemble avec l'hétérogénéité comme principe d'émulation et de coopération pédagogique.
Mêmes mouvements.
C'est seul que vous refusez d'appréhender les inégalités de naissance pour mieux les combattre et faire société ensemble, au profit d'une vision intrinsèquement inégalitaire qui présente les élèves les plus en difficulté comme des freins à la réussite de ceux qui ont plus de facilités.
C'est seul que vous accentuez le séparatisme scolaire et l'assignation à résidence sociale des enfants issus des classes populaires.
C'est seul, et contre tous !
Contre les chercheurs, les comparaisons internationales et les études, qui montrent que l'homogénéité n'est pas vertueuse en matière d'éducation.
Contre l'ensemble des organisations professionnelles des personnels de l'éducation nationale.
Contre le Conseil supérieur de l'éducation, unanime pour rejeter la réforme qui ne dit pas son nom.
Contre les enseignants, mobilisés aujourd'hui dans tout le pays et à qui je veux rendre hommage.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Et contre le Parlement, qui n'est pas même appelé à discuter de ce bouleversement majeur.
Monsieur le Premier ministre, en démocratie, on n'a jamais raison seul contre tous. Puisque vous affirmez que l'éducation relève du domaine régalien, saisissez le Parlement d'une loi de programmation, comme cela a été le cas pour la sécurité, la justice ou la défense, et permettez que les représentants de la nation puissent faire entendre la voix d'une République attachée à son école et à son principe d'égalité !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC, et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Non, nous ne sommes pas seuls.
Nous ne sommes pas seuls à souhaiter la réussite de tous nos élèves. M. le Président de la République, M. le Premier ministre, moi-même, et vous tous, nous souhaitons qu'ils réussissent.
C'est la raison pour laquelle Gabriel Attal a, en son temps, décidé d'un choc des savoirs.
C'est un plan d'ensemble que, j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous, j'appliquerai ; les textes ont paru récemment ou commencent à paraître.
Quant à l'installation de groupes, au collège, en français et en maths, c'est-à-dire dans les enseignements fondamentaux, elle est précisément destinée à lutter contre les inégalités scolaires.
Je vais préciser mon propos. En effet, dans ces deux matières fondamentales, nous allons constituer des groupes en évaluant le niveau des élèves et en appréciant, à partir de là, leurs besoins spécifiques en fonction des compétences attendues. Les groupes ainsi formés n'ont qu'un seul but : améliorer la réussite scolaire des plus faibles et des meilleurs. Pour cela, nous avons évidemment besoin, dans le cadre de ces groupes, de réduire l'hétérogénéité lorsqu'elle est trop grande et ses effets. Il nous faut adapter à chacun de nos élèves les rythmes d'apprentissage afin de répondre à leurs besoins spécifiques.
Je dois ajouter que, comme ni le Premier ministre ni moi-même ne souhaitons le tri social et l'assignation scolaire définitive ,
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
nous avons prévu des temps de brassage en classe entière qui permettront aux élèves de changer de groupe.
Grâce à la souplesse ainsi donnée dans chaque établissement scolaire…
…à l'aide et au contrôle, que j'effectuerai, de ces éléments,…
…nous obtiendrons les résultats souhaités.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Tout d'abord, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, nous n'avons pas compris votre réponse à la question de Mme Vidal. Nous attendons un calendrier, en 2024, concernant la loi « grand âge », comme l'a promis l'ancienne Première ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Madame la ministre de l'éducation nationale, au lendemain de la clôture des vœux sur Parcoursup, pouvez-vous affirmer que chaque lycéenne et chaque lycéen pourront poursuivre ses études à la rentrée ? Dans les tribunes du public se trouvent 25 lycéens venus de ma circonscription ,
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC
avec qui j'ai réfléchi à cette question et qui attendent votre réponse.
L'année dernière, près de 16 % des candidats sont restés sans affectation après la phase principale. Comment se préparer à la rentrée quand on se retrouve sans option ? Comment encaisser le refus d'une formation pour laquelle on est fait ?
Depuis 2018, force est de constater que ce système creuse les inégalités entre nos jeunes et entre nos territoires et qu'il suscite, chez nos enfants et leurs parents, inquiétude et anxiété.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'année dernière, Luc, 17 ans, s'est vu refuser une formation en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps). Issu d'une famille endettée et modeste, il n'a pas pu partir dans une école privée ; il a laissé son rêve derrière lui, et s'est mis à travailler.
Une gestion néolibérale et désincarnée de l'avenir de nos enfants : voilà ce qu'a instauré cette plateforme sous l'ère Macron !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Lorsque chaque classe dispose d'une seule heure pour essayer d'y voir clair dans les 23 000 formations proposées, comment peut-on aiguiller les 35 élèves qui la composent et qui ont des ambitions différentes ?
J'apporte d'ailleurs mon soutien aux enseignants qui sont en grève aujourd'hui ,
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
notamment pour demander plus de moyens. Quant aux lycéens, ils demandent un système humain et adapté, pour choisir leur orientation.
Madame la ministre, quand allez-vous comprendre qu'il y a urgence à replacer l'humain au cœur du processus ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse…
Pardon, la parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Puisque Mme Belloubet et moi travaillons ensemble et qu'il existe un continuum entre le lycée et l'enseignement supérieur, vous comprendrez que je réponde à la question de M. Bouloux.
Cette année, 148 bacheliers se sont retrouvés sans affectation à l'issue de la procédure de Parcoursup ; nous continuons à suivre leur situation pour leur proposer des solutions. L'accompagnement des familles et des élèves ne cesse de s'améliorer chaque année, dans la transparence, pour diminuer leur stress. Comme vous, nous sommes conscients que cette amélioration doit se poursuivre.
C'est pourquoi nous travaillons, avec Nicole Belloubet et le ministère de l'éducation nationale, à améliorer l'orientation de nos élèves dès la seconde, voire dès le collège en fonction du métier qu'ils souhaitent exercer. Il s'agit de leur indiquer les parcours qu'ils doivent suivre et de construire avec eux leur projet professionnel.
Croyez-moi, les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur partagent votre volonté que tous les élèves soient accompagnés vers l'enseignement supérieur et la réussite. Nous continuerons d'y travailler – avec vous, si vous le voulez bien.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La jeunesse a droit à l'émancipation, au bonheur et aux études supérieures. Elle a le droit de ne pas être anxieuse pendant toute une année !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.– M. Benjamin Lucas applaudit également.
Vendredi dernier, au collège Édouard-Herriot de Chenôve, dans ma circonscription, un drame a été évité de justesse. Un élève de 15 ans porteur d'une lettre mentionnant les attentats de novembre 2015 a été interpellé après avoir menacé avec un couteau la principale de l'établissement. Je me suis immédiatement rendu sur place pour soutenir la communauté éducative et les élèves. J'ai vu des professeurs choqués, des élèves terrorisés, des familles apeurées.
Une cellule psychologique, installée dans le collège dès le lendemain du drame, a permis à un grand nombre d'entre eux de s'exprimer, tant l'émotion suscitée par cet acte inqualifiable était forte. J'y étais présent, avec la ministre Fadila Khattabi.
Je veux saluer le sang-froid et le courage exceptionnels dont a fait preuve Mme la principale.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC et HOR.
Poursuivie par son agresseur, elle est parvenue à quitter son bureau et à déclencher l'alarme anti-intrusion, permettant ainsi aux élèves et aux professeurs de se confiner immédiatement. Sans ce réflexe, et l'intervention rapide des forces de l'ordre, le pire aurait pu se produire.
Madame la ministre, je connais votre engagement à faire de la sécurité des écoles une priorité absolue. Toutefois, j'ai la conviction qu'il faut aller plus loin. Beaucoup a déjà été fait. Depuis 2002, un plan particulier de mise en sûreté a été instauré dans les établissements scolaires. Depuis 2017, 10 millions d'euros ont été investis dans la sécurisation des bâtiments publics, notamment des écoles.
De nombreuses pistes existent pour concilier un niveau de sûreté adéquat et un climat d'apprentissage serein, telles que la généralisation des alarmes anti-intrusion, l'amélioration de la prise en charge médico-sociale des élèves difficiles, et le renforcement de la formation des équipes éducatives. Quelles mesures complémentaires le Gouvernement entend-il prendre pour renforcer la sécurité de nos écoles ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Je me suis effectivement rendue, lundi, dans le collège concerné. L'équipe éducative – vous avez raison de le souligner – était encore sous le choc, en particulier la principale, qui a fait preuve d'un sang-froid remarquable, et les enseignants qui se trouvaient le plus à proximité du drame. Comme la principale l'a souligné, et comme j'ai pu le constater sur place, si nous avons évité un drame plus grave encore, cela n'est pas simplement le fait des circonstances, mais le résultat d'un travail approfondi réalisé en amont. Ce travail est celui des services publics de l'État – et je tiens à remercier tous ceux qui ont joué leur rôle –, qu'il s'agisse de la police, intervenue avec un sang-froid admirable, de la justice, présente très tôt, ou de la médecine et des services du rectorat. Ils ont remarquablement fonctionné.
Vous l'avez dit, un plan particulier de mise en sûreté avait été établi et répété auparavant ; les collectivités territoriales avaient investi dans des boutons de sûreté et d'autres mécanismes ; enfin, un plan de formation des chefs d'établissement et des équipes éducatives avait été instauré. Tous ces éléments ont permis que cet incident, très grave, ne débouche pas sur le pire.
Nous souhaitons aller plus loin, en développant un nouveau plan particulier de mise en sûreté, que mes services ont commencé à élaborer. Sous l'impulsion du Premier ministre, nous allons travailler, avec le ministre de l'intérieur et le ministre de la justice notamment, pour le préciser et le doter de mesures complémentaires. J'aurai l'occasion de vous en faire part dans les prochains jours. C'est essentiel pour éviter des drames ultérieurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, mais il est en opération de communication à Marseille !
Tout d'abord, je voudrais de nouveau, au nom du groupe Rassemblement national, apporter notre soutien aux policiers nationaux et municipaux, aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers, aux surveillants pénitentiaires et aux douaniers.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Jour après jour, ils sont victimes d'une violence décomplexée, provenant d'individus qui détestent ce que nous sommes, ce que nous représentons, et – surtout – qui méprisent la France.
Je pense en particulier aux courageux policiers du commissariat de La Courneuve, lâchement attaqués par des barbares, qui n'hésitent plus à utiliser des armes létales, sous l'acclamation de l'extrême gauche qui ne souhaite qu'une chose : l'effondrement de nos institutions. Or la seule réponse apportée par le Gouvernement consiste à sécuriser le commissariat. C'est bien, mais réaffirmer l'autorité de l'État et assurer la sécurité des honnêtes gens, c'est encore mieux.
Les jours se suivent et se ressemblent pour votre gouvernement. Depuis 2017, vous êtes le gouvernement de l'insécurité, de la submersion migratoire, de la lâcheté face à l'islam radical,…
Mme Blandine Brocard s'exclame
…et de la baisse de l'attractivité de la France. Bref, vous êtes le gouvernement du désordre, et les Français le constatent tous les jours dans les villes comme dans les campagnes.
Pire, vous êtes le gouvernement de la baisse du moral de nos forces de l'ordre. Ces dernières, pressées comme des citrons, n'ont plus confiance en vous et se sentent abandonnées – tout comme les Français. À quatre mois des Jeux olympiques et paralympiques qui mettront à l'honneur notre pays, vous ne proposez aucune vision, aucune stratégie. Vous êtes tremblotants, au point de déshabiller les commissariats de province et de retirer les CRS nageurs sauveteurs des plages. Nous vous avons alertés, avec certains députés de votre majorité, sur les dangers potentiels de telles mesures. Ma question est donc simple : qu'allez-vous faire pour protéger les Français, qui en ont grandement besoin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Laissez-moi vous dire que lorsque 900 hommes sont engagés sur le terrain à Marseille, on ne peut pas parler d'opération de communication.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je vous remercie pour votre question, qui me permet de revenir sur les chiffres du Gouvernement en matière de sécurité. Entre 2017 et 2022, les effectifs de police et de gendarmerie ont augmenté…
…de 10 000 hommes et femmes.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
En 2023, grâce à la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), votée par cette majorité ,
« Et par nous ! » sur quelques bancs du groupe LR
7 500 policiers et gendarmes supplémentaires, 238 nouvelles brigades de gendarmerie, ainsi que 11 nouvelles unités de forces mobiles, ont été déployés sur le territoire.
Mme Laure Lavalette s'exclame.
Conformément aux engagements du Président de la République, davantage de policiers sont présents dans les transports, et 15 milliards d'euros ont été alloués à la modernisation des matériels.
Depuis octobre dernier, des opérations « place nette » – comme celle menée aujourd'hui à Marseille, en présence du ministre de l'intérieur, du garde des sceaux et du Président de la République – ont été lancées sur tout le territoire.
Elles permettent de s'attaquer aux réseaux, et d'affirmer que les lois de la République s'appliquent partout sur le territoire national. Le nombre de points de deal a diminué de 26 %, les vols avec violences ont baissé de 8 %, et les violences aux personnes dans les transports ont été réduites de 10 %.
Ainsi, le Gouvernement est résolument au travail pour faire baisser la délinquance et l'insécurité des Français, et les résultats sont là !
Protestations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
En vous écoutant on comprend mieux pourquoi rien ne va. Vous êtes totalement déconnectée : des chiffres, des chiffres, des chiffres, et encore des chiffres ! Interpeller et poursuivre systématiquement les émeutiers, appliquer l'article 431-3 du code pénal relatif à l'attroupement, expulser les délinquants étrangers, suspendre leurs allocations familiales, telles sont les mesures de bon sens défendues par Marine Le Pen depuis plusieurs années.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes le roi de l'incantation et de la campagne permanente !
Ici, c'est l'hémicycle de l'Assemblée nationale, pas un lieu de meeting !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous sommes dans l'impasse budgétaire : la dette atteindra 3 000 milliards d'euros cette année, la croissance est inférieure à vos prévisions et, en conséquence, les rentrées fiscales seront plus faibles que ce que vous espériez.
Vous avez décidé, tout seul, d'un plan d'économies de 10 milliards d'euros : 2 milliards d'euros de baisse des crédits pour l'écologie et le logement, alors que ce secteur est en crise ; 700 millions d'euros d'économies sur l'enseignement, alors que vous avez fait tant de promesses ; 900 millions d'euros de baisse des crédits pour la recherche, dont nous avons tant besoin.
Mme Sandra Regol applaudit.
De plus, une cinquième réforme de l'assurance chômage est annoncée, avec le remplacement de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) par le RSA, qui provoque la vive inquiétude des départements et la colère des syndicats.
Bruno Le Maire propose aux présidents de groupe de le rencontrer, le 28 mars prochain, pour lui faire des propositions. Nous vous en avions fait beaucoup : près de 4 milliards d'euros d'économies sur des niches fiscales ; 8 milliards d'euros de nouvelles recettes, proposées lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, qui ne pesaient pas sur les ménages populaires ni sur les classes moyennes ; enfin, une grande réforme structurelle, un choc de décentralisation, de simplification et d'écoute. Vous n'avez rien retenu !
Vous avez dépensé beaucoup lors des différentes crises – 700 milliards d'euros. Vous avez dépensé sans compter, malgré nos avertissements. Monsieur le Premier ministre, nous ne voulons pas que vous passiez, une nouvelle fois, outre le Parlement. Nous vous réclamons un projet de loi de finances rectificative, débattu en toute transparence à l'Assemblée nationale et au Sénat, sous le regard de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez rappelé ce qu'indiquait tout à l'heure, à juste titre, Bruno Le Maire : nous avons fait le choix, pendant la crise du covid, d'accompagner les Français et les entreprises. Nous ne le regrettons pas. Si nous n'avions pas fait le choix du « quoi qu'il en coûte », ce que nous avons dépensé pour éviter les faillites d'entreprises et empêcher que beaucoup de nos concitoyens ne perdent leur emploi, nous l'aurions dépensé deux ou trois fois dans les années suivantes – en assurance chômage pour tous les Français sans emploi, et en accompagnement des entreprises en faillite.
Ce qui est certain, c'est que cette crise et le « quoi qu'il en coûte » sont intervenus après plusieurs années de rétablissement des comptes publics. En 2019, nous avons ramené le déficit sous les 3 % du PIB, et nous avons sorti la France de la procédure pour déficit excessif ouverte à Bruxelles, en engageant des réformes structurelles. Ces dernières n'étaient pas les plus évidentes politiquement, et nous en avions vivement débattu – notamment à propos des contrats aidés.
Nous n'avons jamais perdu notre fil : celui de l'activité économique et de l'emploi. Si le taux d'emploi était le même en France que chez nos voisins allemands, nous n'aurions pas tant de difficultés à rétablir nos finances publiques.
MM. Christophe Bex et Benjamin Saint-Huile s'exclament.
Si le taux d'emploi français était le même qu'en Allemagne, notre déficit serait sous les 3 % du PIB. Quand davantage de Français travaillent, vous payez moins d'assurance chômage, et vous percevez davantage de recettes fiscales et sociales, puisque les Français qui travaillent paient des cotisations et des impôts. Notre ligne est, et restera, la suivante : inciter toujours davantage à l'emploi.
M. Inaki Echaniz s'exclame.
C'est la raison pour laquelle vos propositions, monsieur le président Pancher – qui sont essentiellement des propositions de recettes, donc de taxes supplémentaires – ont été écartées. En effet, nous considérons qu'augmenter massivement les recettes, par une taxation supplémentaire du travail et des entreprises, nuirait à notre objectif de plein emploi.
Nous allons poursuivre dans la voie que nous avons choisie, et c'est pourquoi nous souhaitons reprendre la question de l'assurance chômage – nous aurons l'occasion d'y revenir, les discussions entre les partenaires sociaux sont en cours. L'annonce, faite dans ma déclaration de politique générale, sur l'allocation de solidarité spécifique, s'inscrit dans ce sens : inciter encore et toujours à l'emploi, qui est la clé pour équilibrer nos finances publiques.
Pour cela, des économies sont nécessaires, et c'est la raison pour laquelle Bruno Le Maire en a annoncé plusieurs – pour un montant total de 10 milliards d'euros – il y a quelques semaines. Effectivement, elles seront prises par décret, mais c'est ce que prévoit la lolf, la loi organique relative aux lois de finances : la procédure est donc respectée. Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation de Bruno Le Maire pour le 28 mars prochain, afin de lui faire des propositions d'économies. Il faut aborder ces sujets sans tabou, par-delà les clivages politiques. Nous souhaitons des propositions d'économies, plutôt que de recettes supplémentaires ou d'augmentation de taxes.
Nous souhaitons avancer, avec l'ensemble de la représentation nationale, sur ce sujet.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas la voiture-balai de vos décisions !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit aussi.
Vous ne pouvez pas venir nous chercher lorsque vous vous trouvez au pied du mur, et balayer dans le même temps nos propositions de réforme. Nous avons rencontré Bruno Le Maire il y a six mois, avec Charles de Courson, afin de lui remettre les propositions précises d'économies et de recettes du groupe LIOT. Vous n'en avez retenu aucune. Ne comptez pas sur nous pour participer à ce simulacre de concertation : le 28 mars, nous ne serons pas là !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Monsieur le Premier ministre, la peine de mort est-elle abolie pour tout le monde dans notre pays ? Je veux commencer par rendre hommage à Wanys, 18 ans, dont la vie a été fauchée par la police pour un refus d'obtempérer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Sa mort nous questionne. La présomption de légitime défense, défendue par l'extrême droite, s'applique-t-elle déjà contre les jeunes de nos quartiers ? Près d'un an après le meurtre de Nahel, tué à bout portant par les policiers, que reste-t-il ?
Son nom a été sali, sa maman insultée, ses soutiens bestialisés. Son bourreau, quant à lui, a empoché plus d'1 million d'euros, et a été traité comme un héros, par toutes celles et ceux qui abîment la République au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
Vous entretenez une société inhumaine, injuste, au sein de laquelle les jeunes racisés sont tués dans nos quartiers pour un simple refus d'obtempérer.
Hier, lorsque j'ai entendu le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, justifier le meurtre de Wanys sans aucune compassion, j'ai pensé à ce que disait Aimé Césaire : « Ce n'est pas par la tête que les civilisations pourrissent. C'est d'abord par le cœur. »
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Les paroles du préfet de police de Paris jettent de l'huile sur le feu quand il faudrait l'éteindre.
Elles peuvent être assimilées à une incitation à la violence et, en l'espèce, à une apologie de la peine de mort.
Notre peuple a besoin que chaque citoyen soit traité de façon identique pour trouver le chemin de la fraternité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Notre jeunesse a le droit à la dignité pour embrasser la promesse de l'égalité. Notre République a besoin de justice pour retrouver la paix. Nous réclamons la justice pour Nahel ! Nous réclamons la justice pour Wanys, et pour tous les autres !
Les députés du groupe LFI – NUPES ainsi que M. Benjamin Lucas se lèvent et applaudissent jusqu'à la fin de l'intervention de l'orateur. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Allez-vous appliquer les principes fondateurs de notre République à tous ses enfants, ou souhaitez-vous être le marchepied du fascisme qui grandit et qui menace l'unité du peuple dans notre pays ?
Les applaudissements des députés restés debout se poursuivent. – Applaudissements sur quelques autres bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Vous dépeignez une société, une République qui n'est pas la nôtre.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
Vous dépeignez une société, une République fantasmée. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi vous faites cela ,
« On sait ! » sur quelques bancs du groupe RE
car en agissant de la sorte, vous vous faites l'apôtre d'une forme de violence et de fracturation de la société qui doit être dénoncée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Cela étant dit, revenons-en aux faits. Mercredi dernier, deux individus à scooter ont percuté un équipage de police après un refus d'obtempérer.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Malgré l'arrivée très rapide des secours et son transport vers l'hôpital, le conducteur du scooter est malheureusement décédé dans la soirée. C'est un drame, et personne ne le conteste, monsieur Delogu,…
…mais je veux rappeler que les refus d'obtempérer mettent en péril la vie des délinquants, parfois la vie des passants, et aussi celle des policiers, pour lesquels vous n'avez pas un mot !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Six policiers et gendarmes sont décédés à la suite d'un refus d'obtempérer ces quatre dernières années.
Et le nombre de blessés parmi les policiers et gendarmes en mission ne cesse d'augmenter.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Face à ce fléau, l'arsenal législatif a été renforcé par le Gouvernement. Les policiers et les gendarmes sont formés, et sachez que les courses-poursuites ne sont engagées que dans des conditions extrêmement strictes.
Mêmes mouvements.
Ne dépeignez pas une réalité qui n'existe pas !
Par ailleurs, j'aurais également aimé vous entendre sur les violences urbaines particulièrement graves qui ont émaillé les soirées de dimanche et de lundi. Le commissariat de La Courneuve a été la cible de tirs de mortiers d'artifice, ainsi que de jets de pierres et de cocktails Molotov par une cinquantaine d'individus.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Deux policiers ont été blessés et neuf individus ont été interpellés. C'est aussi cela, la réalité, monsieur le député !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, devant quelques associations sans aucune légitimité démocratique, vous avez répondu à une question que nous sommes nombreux ici à nous poser depuis deux mois : quand aurons-nous enfin une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie ?
Nous allons débattre, avez-vous répondu, nous allons consulter une nouvelle fois, par l'intermédiaire de la Commission nationale du débat public (CNDP).
D'une certaine manière, vous faites preuve de constance dans la ligne de vos prédécesseurs : on débat, on consulte, mais c'est tout ! Les choses sont pourtant urgentes et claires : nous devons produire massivement des énergies décarbonées ! Quand allez-vous enfin prendre une décision et l'appliquer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.
D'abord, et j'espère que vous en serez heureux, le Gouvernement et le Premier ministre respectent la loi.
Oui, heureusement.
Avant que tout débat parlementaire n'ait lieu et avant que toute disposition législative établissant un mix énergétique sur plusieurs décennies ne soit prise, le Parlement, dans son auguste sagesse, a décidé qu'un débat public mobilisant la CNDP devait être organisé.
C'est ce que le Premier ministre a annoncé vendredi dernier devant des associations. Je le répète, j'espère que vous serez heureux que le Gouvernement respecte la loi.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Par ailleurs, vous le savez, d'autres concertations et d'autres débats sur l'évolution de notre mix énergétique ont eu lieu ces derniers mois avec des représentants des pouvoirs publics et des entreprises, ainsi que des parlementaires et des élus locaux. Ce débat doit se poursuivre, y compris, d'une manière ou d'une autre, devant la représentation nationale. Je vous l'ai dit personnellement, monsieur Schellenberger, et j'en ai également parlé avec d'autres parlementaires qui, comme vous, sont très mobilisés sur les questions énergétiques. J'y insiste : ce débat doit avoir lieu, même si ses modalités d'organisation demeurent sujettes à interrogations, notamment en raison – je dois le reconnaître – de la situation politique dans cet hémicycle.
La commission d'enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France a rendu son rapport le 30 mars 2023 !
…et que vous êtes incapables de trancher, de choisir une position et de donner votre vision. Alors que nous devons produire des énergies décarbonées, je répète qu'après deux ans de consultation, il faut décider !
Vous dites respecter la loi, mais que dit-elle ? Elle dit qu'il nous faut encore fermer douze réacteurs nucléaires d'ici à 2035. Est-ce cette loi, monsieur le ministre, que vous voulez respecter ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
En ce qui nous concerne, nous ne serons pas d'accord. Nous voulons changer cette loi et rétablir une filière industrielle dans le domaine du nucléaire. J'insiste, nous ne voulons pas seulement procéder à des changements bureaucratiques au sein d'organisations qui, tout à l'heure, seront déstructurées. Nous voulons produire, construire des réacteurs nucléaires, trouver une solution pour nos barrages, qui doivent continuer de faire partie du patrimoine des Français ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES
et trouver le moyen de donner rapidement aux industriels et aux Français le bénéfice de l'énergie nucléaire si compétitive à laquelle ils ont accès et à laquelle ils ont droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Sauf le respect que je vous dois, monsieur Schellenberger, vous démontrez combien ce débat est difficile. Si je puis me permettre, vous le caricaturez.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a plus de deux ans, à Belfort, le Président de la République – je sais que vous l'écoutez – a annoncé aux Françaises et aux Français un changement profond de la stratégie nucléaire…
…et sa volonté d'accélérer le redéveloppement de l'énergie nucléaire.
Comme vous le savez, nous prenons des mesures législatives en ce sens. J'espère d'ailleurs que, dans quelques minutes, vous voterez, ainsi que la représentation nationale dans son ensemble, un projet de loi qui permet l'accélération et la simplification de la gouvernance du nucléaire.
Je le redis, nous allons continuer de discuter de ces sujets. Rejoignez-nous, échangeons, appliquons cette stratégie et faisons en sorte d'accélérer les choses ensemble !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en 2017, Emmanuel Macron avait fait de l'emploi des jeunes l'une de ses priorités. Aujourd'hui, même s'il reste bien sûr beaucoup à accomplir, les résultats sont là. Le nombre d'apprentis, l'un des éléments clés de ce succès, a triplé. Pourtant, à l'époque, les éternels pessimistes disaient que c'était impossible.
Pourquoi ne pas désormais se fixer des objectifs ambitieux s'agissant des seniors ? Une de vos récentes interviews était titrée : « Notre objectif : le plein emploi jusqu'à 64 ans ! » Chiche !
Notre taux d'emploi des 55-64 ans, qui se situe autour de 57 %, est inférieur à celui de la plupart de nos voisins européens, des pays nordiques, ou encore du Japon, pays qui parvient le mieux à maintenir les seniors dans l'emploi.
La semaine dernière, à Versailles, un salon consacré aux seniors a encore fait le plein. Oui, chers collègues, ces derniers veulent travailler ! Mais avant de légiférer de nouveau, savons-nous si les dispositifs de formation et de reconversion existants sont adaptés et bien connus des directeurs des ressources humaines et des managers, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise ? En faisons-nous assez en matière d'aménagement des conditions et du temps de travail, en fonction des capacités de chacun ? Déployons-nous suffisamment les dispositifs de retraite progressive ? Ne devrions-nous pas rendre obligatoire la réalisation de véritables check-up approfondis de carrière, avec des plans d'actions à la clé ? Et pourquoi ne pas étudier la possibilité de légiférer en faveur d'une baisse progressive des charges patronales, sans effet de seuil ? Cela coûterait nécessairement moins cher que d'indemniser des chômeurs ! Enfin, le CDI sans date de fin n'est peut-être pas la seule manière de terminer sa carrière. Pourquoi ne pas inciter les seniors, sans les forcer, à accepter des missions même à temps partiel, un CDD ou un CDI se terminant à l'âge légal de départ à la retraite ?
En résumé, comme nous l'avons fait pour les jeunes, en capitalisant sur l'expérience des seniors, nous investirions aussi dans l'avenir de notre économie et de notre société.
Pourriez-vous nous donner votre avis sur cette question, nous indiquer l'état d'avancement des négociations entre les partenaires sociaux, et nous communiquer vos intentions concernant l'assurance chômage ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
L'emploi des seniors est un vrai sujet. En effet, si le taux d'emploi de cette catégorie de travailleurs n'a cessé de progresser en France depuis les années 2000, il demeure très inférieur à la moyenne des États de l'Union européenne. C'est particulièrement vrai du taux d'emploi des 60-64 ans, qui s'élève en France à 33 %, contre 61 % en Allemagne.
C'est pourquoi, dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a pris plusieurs mesures, telles que la généralisation à la fonction publique de la retraite progressive – ce n'était pas le cas auparavant –, le renforcement de l'attractivité du cumul emploi-retraite, ou encore la création d'un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu), doté de 1 milliard d'euros sur cinq ans.
Il nous faut toutefois aller plus loin. Le Gouvernement a ainsi invité les partenaires sociaux à travailler sur d'autres mesures favorables au maintien et au retour à l'emploi des seniors. Plusieurs pistes sont en discussion, comme celles consistant à mieux aménager les fins de carrière, à favoriser les transitions entre l'activité et les retraites, ou encore à mieux préparer les secondes parties de carrière en renforçant l'accès des seniors à la formation professionnelle et aux dispositifs de transition et de reconversion. J'ajoute qu'il faut aussi mieux lutter contre les stéréotypes et les discriminations liées à l'âge, ainsi qu'améliorer la transparence dans le recrutement.
M. Benjamin Saint-Huile mime des mouvements de brasse.
Vous l'aurez compris, nos seniors ont de l'expérience et du talent. Ils peuvent apporter beaucoup à nos entreprises et à notre économie. Il nous appartient donc, en lien avec les organisations syndicales et les entreprises, de trouver les façons les plus pertinentes de les maintenir dans l'emploi, particulièrement en cette période, alors que de nombreuses entreprises rencontrent de grandes difficultés de recrutement.
Le maintien dans l'emploi et le recrutement pour l'expertise et les compétences sont vraiment une question d'état d'esprit : il faut inciter plus que contraindre. Et je suis d'accord, le plein emploi jusqu'à 64 ans : c'est possible !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.
L'ordre du jour appelle le vote solennel du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197, 2305) et le vote solennel du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (n° 2198, 2300).
La conférence des présidents a décidé que ces votes donneraient lieu à des explications de vote communes.
J'attends quelques instants qu'un ministre soit aux bancs du Gouvernement.
Il me revient d'entamer les explications de vote du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
Je remercie tout d'abord le ministre délégué chargé de l'industrie d'avoir entendu la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
En effet, à la suite du débat que nous avions eu en séance, il y a tout juste un an, sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, notre première réaction fut de demander que la réorganisation éventuelle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) fasse l'objet d'un débat, dans le cadre d'un projet de loi spécifique s'appuyant sur une étude d'impact complète, et non par le biais d'un amendement quelque peu cavalier.
C'est désormais chose faite. Nous avons obtenu les données nécessaires à la prise de décision, ainsi que des éléments approfondis sur les plans scientifiques, technologiques et sociaux en particulier.
Permettez-moi de remercier également les rapporteurs Antoine Armand et Jean-Luc Fugit pour leur implication lors des débats en commission et en séance, ainsi que pour les excellents rapports qu'ils avaient publié auparavant : celui de Jean-Luc Fugit, corédigé avec le sénateur Stéphane Piednoir, au nom de l'Opecst, et celui de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, dont Antoine Armand était le rapporteur. Ces travaux nous ont permis de débattre sur ce sujet avec la même rigueur que ceux qui travaillent quotidiennement au sein de la filière nucléaire et dont je salue l'engagement.
Le présent projet de loi, qui vise à fusionner l'ASN et l'IRSN, permettra d'accompagner le lancement du programme nucléaire français d'une exigence de sûreté renforcée, à même de répondre aux meilleurs standards internationaux. La question essentielle que nous devons nous poser est de savoir si, dans le contexte de la relance du nucléaire, les prises de décision de l'ASN s'effectuent dans des conditions satisfaisantes. À cette question, actuellement, la réponse est non.
Notre rôle est de garantir à l'ASN les meilleures conditions d'expertise possibles. Or, au fil des politiques qui ont délaissé le nucléaire et nous ont fait perdre en souveraineté énergétique, nous n'avons pas été suffisamment attentifs aux conditions d'exercice de l'ASN. La preuve en est : nous constatons un écart totalement disproportionné entre les deux institutions sur le plan des moyens humains, puisque l'IRSN dispose de près de 1 760 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors que l'ASN n'en comptait que 516 au 31 décembre 2022.
Il s'agit donc de se poser la question du futur fonctionnement de l'ASN. Actuellement, l'Autorité procède à 2 000 inspections et délivre environ 2 000 décisions individuelles d'autorisation et d'enregistrement chaque année. En 2030, dans la perspective du programme de relance du nucléaire, les besoins seront trois à cinq fois plus élevés. Sans le projet de loi sur lequel nous nous apprêtons à voter, l'insuffisance de ses effectifs ne permettrait pas à l'ASN d'assurer un contrôle à la hauteur des exigences en matière de sûreté.
La relance annoncée du nucléaire fera peser sur l'ASN une charge de travail considérable : il s'agira à la fois de garantir la prolongation du parc actuel dans de bonnes conditions, de superviser la construction de nouveaux réacteurs de type EPR, d'examiner les options proposées pour les réacteurs de nouvelle génération, tels que les petits réacteurs modulaires (SMR) et, enfin, de relancer la fermeture du cycle du combustible grâce aux réacteurs à neutrons rapides.
Cette réorganisation, qui n'emporte aucune modification du cadre de sûreté nucléaire existant, lequel repose en premier lieu sur la responsabilité des exploitants, répond à quatre exigences : améliorer l'efficience des procédures de sûreté nucléaire, garantir l'indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) par rapport aux exploitants nucléaires et au Gouvernement, permettre une transparence renforcée au bénéfice du public, et renforcer l'attractivité des métiers pour garantir à l'autorité de bénéficier de compétences et d'expertises d'excellence.
Cette nouvelle organisation sera comparable à celle des plus grands pays nucléaires occidentaux et offrira à l'ASNR les meilleures garanties d'impartialité, grâce à son statut d'autorité administrative indépendante (AAI). Nous veillerons en particulier, au sein de l'Opecst, à ce que les fonctions d'expertise et de décision soient dûment séparées.
Par ailleurs, afin de renforcer l'attractivité des métiers, le projet de loi prévoit d'augmenter le niveau de rémunération des travailleurs et leur ouvre des perspectives d'évolution, en leur permettant notamment d'accéder au statut de fonctionnaire.
Tout en offrant de fortes garanties, le texte renforcera donc l'attractivité et l'efficacité du dispositif français de réglementation, de contrôle, d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire. C'est pourquoi, compte tenu de la nécessité de relever les défis énergétiques et industriels de notre pays, le groupe Horizons et apparentés se prononcera en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, applaudit également.
C'est très bien !
Le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer fait froid dans le dos. La sûreté nucléaire est une affaire particulièrement sérieuse : il s'agit de garantir la protection de la nation, de nos concitoyens, de notre environnement et de nous prémunir contre tout risque d'incidents ou d'accidents nucléaires.
Nous avons la chance extraordinaire de disposer, en France, d'un système de sûreté nucléaire robuste, fiable, reconnu pour la qualité de son expertise technique, son indépendance et sa capacité à rendre compte de manière transparente. Ce modèle, reconnu partout dans le monde, fait la fierté de la nation, que l'on soit pour ou contre le nucléaire, et je tiens à rendre hommage aux agents, aux experts, aux techniciens, aux chercheurs, aux hommes et aux femmes qui, chaque jour, s'évertuent, dans le cadre de leurs missions, à nous protéger.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Jean-Luc Fugit, rapporteur, applaudit également.
Ce qui fait la force de notre modèle, c'est l'attachement de notre pays à préserver une séparation et une indépendance entre l'expertise technique de l'IRSN et la décision de l'ASN, gage d'une confiance élevée de nos concitoyens dans l'énergie atomique et d'un dialogue technique rigoureux avec EDF.
Pourtant, c'est cette force, cette particularité du modèle français que vous vous acharnez, monsieur le ministre, à vouloir détruire. Un an après votre tentative de passage en force par voie d'amendement dans un texte qui avait déjà entamé sa navette, et alors même que l'Assemblée s'y est démocratiquement opposée et que la commission du développement durable a, de nouveau, rejeté votre projet de réforme, vous vous êtes acharné, avec le soutien du Rassemblement national, véritable girouette sur les sujets énergétiques, à poursuivre votre réforme inique, envers et contre tous.
Pour quelle raison ? Nous peinons à le comprendre. Vous n'êtes pas capable de nous donner une once de preuve de la pertinence d'un tel projet. Sur les marchés, lorsqu'on nous interroge sur les raisons de la réforme, nous répondons que nous ne sommes pas sûrs que vous les connaissiez vous-même.
On ne peut pas faire de pari à l'aveugle en matière de sûreté et de sécurité nucléaires. Or vous engagez cette réforme dans la précipitation, sans aucune justification crédible, et avec une légèreté et une irresponsabilité déconcertantes. Vous répétez en boucle qu'une seule entité sera synonyme de « simplification » et de « fluidification » – sans jamais toutefois nous expliquer comment. Vous vous appuyez sur le rapport de l'Opecst rédigé par M. le rapporteur Fugit. Mais ce rapport n'apporte pas le début d'une démonstration que le système dual actuel dysfonctionne, pas plus qu'il ne prouve qu'une réforme aboutirait à une organisation plus efficace.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
En faisant disparaître l'IRSN dans l'ASN, vous démantelez une organisation où travaillent plus de 1 700 femmes et hommes, dont la mission d'expertise, de recherche et de partage d'information au service des pouvoirs publics et de la population est reconnue. Pour nous, c'est non : ce projet de loi est une folie.
Monsieur le ministre, nous l'avons répété à plusieurs reprises : s'il existe des travaux dont vous avez connaissance, et qui justifieraient une telle révolution sur un sujet aussi important – comme plusieurs titres de presse l'ont avancé –, la représentation nationale doit pouvoir y avoir accès. Il est intolérable que nous devions débattre sans disposer de toutes les informations.
Vous nous vendez une réforme qui renforcerait la transparence, mais vous agissez dans l'opacité la plus complète. La liste des arguments sérieux justifiant votre réforme n'existe pas, contrairement à celle des risques, dramatiquement étayée. Ce n'est pas sur la simple base de votre bonne foi…
C'est pourtant déjà ça !
…que nous mettrons en péril quelque chose d'aussi capital que la sûreté.
Alors que vous vous apprêtez à relancer le nucléaire, cette réforme fait courir un risque incommensurable aux métiers de la filière. Vous décidez de rebattre les cartes tout en souhaitant lancer quatorze nouveaux EPR et ouvrir la voie aux SMR, tandis que l'ASN et l'IRSN travaillent aux pénibles ouvertures de Flamanville et Cigéo, alors même que les effectifs sont entièrement mobilisés pour préparer la prolongation du parc existant. C'est irresponsable et dangereux !
M. Benjamin Lucas et M. Maxime Laisney applaudissent.
Ce constat est partagé de façon quasi unanime par tous ceux qui sont impliqués dans la sûreté nucléaire – représentants des personnels de l'IRSN, de l'ASN, du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), anciens présidents de l'Opecst, scientifiques, experts, chercheurs. Les alertes se multiplient et les démissions s'enchaînent au sein du secteur de l'expertise nucléaire.
Mais vous n'écoutez pas. Peu importe ce que vous disent les experts et les scientifiques : vous imposez votre réforme sans les écouter, au détriment de la sûreté nucléaire.
Les tensions actuelles que connaît la filière nucléaire exigent de faire preuve de stabilité pour éviter la catastrophe, mais vous préférez passer en force et mettre la pression sur EDF et l'ASN.
Dans l'histoire, les catastrophes technologiques et industrielles sont souvent liées à des problèmes de réorganisation – que ce soit dans les domaines spatial, aéronautique, chimique ou nucléaire. Monsieur le ministre, chers collègues, ne négligez pas à ce point le facteur humain !
Écologistes, nous voterons résolument contre ce texte et nous invitons chaque député, quel que soit le groupe dans lequel il siège, à bien prendre conscience de la responsabilité qui est la sienne s'il vote ce texte. Je vous pose la même question que Jean-Jacques Delalonde, le président de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) :…
…si vous votez cette réforme en l'état, accepterez-vous demain d'être traduits en justice si elle cause un accident ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Pourquoi ?
Pourquoi réformer ce qui fonctionne dans un pays où tant de choses vont mal ? Pourquoi mettre à mal notre sûreté nucléaire en pleine relance de la filière ? Pourquoi revenir sur le modèle dual de sûreté nucléaire, qui a pourtant fait ses preuves et n'est contesté par personne ?
Voilà les questions auxquelles tous ici – y compris vous, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur – ont été incapables de répondre. La réforme de la sécurité nucléaire – la deuxième tentative, puisque vous aviez échoué à la faire adopter par un cavalier législatif – n'est justifiée par rien, ni personne. Vous êtes, une nouvelle fois, seuls contre tous.
Votre silence est la démonstration la plus évidente de votre embarras. Le Président de la République a décidé seul ce projet, dans le secret du Conseil de politique nucléaire, au nom d'un rapport lui-même secret qu'il a corrigé et réécrit pour le conformer à sa vision.
En l'absence d'études d'opportunité sérieuses, ce débat nous a invités à donner un blanc-seing à ce projet jupitérien de fausse simplification. Il reprend le même triptyque que d'habitude : accélérer, démanteler, simplifier – délivrer, libérer, c'est la reine des neiges sans cesse réinventée !
Sourires.
Le conte de fées de Sébastien Jumel !
Réunir des entités comme l'ASN et l'IRSN n'améliorera pas la fluidité du système. Personne n'appelle de ses vœux cette réforme – aucun organisme compétent en la matière, ni l'Agence internationale de l'énergie atomique (AEIA), ni les anciens présidents de l'Opecst, et encore moins l'Association nationale des comités et commissions locales d'information, dans laquelle j'ai eu la chance et le bonheur de siéger pendant de nombreuses années.
Même la Cour des comptes, pourtant avide de projets de fusion et d'économies budgétaires, déclarait en 2014 que « la fusion des deux organismes constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu'elle soulèverait », avant d'adopter à deux reprises, en octobre 2018 et en avril 2021, des observations définitives relatives à l'ASN et à l'IRSN, qui pointaient l'amélioration du travail entre les deux institutions.
L'inventaire ne s'arrête pas là : les salariés des institutions concernées, leurs organisations syndicales, du CEA jusqu'à l'IRSN – tous dénoncent une réforme dangereuse et insensée.
Même ceux qui, sur ces bancs, croient, comme moi, à la filière nucléaire, éprouvent des doutes profonds, voire un très grand malaise devant ce projet de loi qui, comme le collègue Schellenberger l'a souligné, est mal ficelé.
Le débat a permis de mettre en lumière la confusion qui règne s'agissant de ce texte. Au fond s'est jointe la forme ; rien dans l'examen du projet de loi n'a permis de rassurer le Parlement. La discussion du texte a été l'occasion d'accumuler les invraisemblances : méconnaissance et difficultés à justifier la réforme durant les auditions ; tentative de contournement du vote, à défaut de convaincre ; absence de réponses argumentées de la part du Gouvernement et du rapporteur.
Le débat a été empêché, y compris lorsque nous avons souhaité améliorer les conditions de cette fusion pour les personnels et l'organisation.
La transformation en AAI vous oblige à des contorsions juridiques et à une dispersion des compétences regrettable…
C'est l'inverse !
…qui séparera les expertises en matière de défense et de nucléaire civil, et cloisonnera des activités qui cohabitaient jusque-là. Cela n'a pas de sens.
Pire, confrontés à nos demandes de moyens supplémentaires, pour compenser la baisse très prononcée qu'ils ont subie, vous n'avez pas su convaincre les personnels et le Parlement que l'État ne saisira pas l'occasion de cette réforme pour faire des économies.
Vous n'avez pas non plus su nous rassurer quant au maintien du monopole d'EDF sur l'exploitation des installations nucléaires. L'ouverture à des marchands de savonnettes de l'exploitation des SMR constitue pour nous une ligne rouge.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – M. le rapporteur s'exclame.
Nous contestons ce texte mais, s'il nous désole, nous ne tomberons pas dans le piège que vous avez laissé s'installer : aux antinucléaires la défense de notre système dual, aux pronucléaires la défense de votre réforme. Bien que le groupe communiste considère que la relance du nucléaire est nécessaire, il redouble de vigilance quant au modèle que vous vous apprêtez à construire – un modèle que vous avez choisi de faire adopter quoi qu'il en coûte, avec les voix d'un RN girouette, comme l'a souligné ma collègue.
Moi, député de Penly, et soutien du projet de nouvel EPR qui doit s'y implanter, je vous le dis : je ne voterai pas cette mauvaise réforme – et la totalité des membres du groupe GDR présents aujourd'hui feront de même.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
On commence fort !
Sourires.
L'histoire de la sûreté nucléaire française, c'est l'histoire d'une réussite et d'une fierté partagée, d'abord en France, puis internationalement. Reconnue par tous, elle a été saluée en temps de crise comme un repère de la capacité française à rayonner partout dans le monde.
Voilà un an, par voie d'amendement, vous aviez envisagé de réformer ce système de sûreté. Naturellement battus par une Assemblée nationale qui a agi en responsabilité, vous avez décidé d'y revenir avec ce projet de loi.
Nous n'en connaissons toujours pas les véritables raisons – nous vous avons beaucoup interrogés à ce sujet. Sébastien Jumel vient de reposer la question initiale, première, centrale, à laquelle nous n'avons toujours pas obtenu de réponse sérieuse : pourquoi menez-vous cette réforme ? Vous répétez qu'il faut fluidifier, accélérer – comme s'il était acquis que pour accélérer en matière de nucléaire, il faudrait nécessairement revoir l'organisation de la sûreté. Personne n'a su le démontrer, pas même le bon rapport de l'Opecst, que je salue, ou celui du rapporteur Fugit. Ces rapports ne nous expliquent ni pourquoi l'on devrait réformer le système de sûreté, ni comment une telle réorganisation permettrait d'accélérer la relance du nucléaire – ils se contentent de nous décrire la méthode pour procéder à la réforme.
Ce qui a été surprenant lors de son débat, c'est l'unanimité des acteurs politiques, des parlementaires considérés comme pronucléaires, qui siègent sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, sur les bancs LR, de la majorité ou des oppositions, et qui président des commissions locales d'information (CLI). Ils vous ont clairement dit qu'ils n'approuvaient pas cette réforme, mais vous n'en avez pas tenu compte. Vous considérez que vous avez raison, que l'accélération nécessaire de la relance passe par la réforme des organisations de sûreté – ce que nous contestons farouchement.
Vous n'avez pas tenu compte non plus des organisations existantes : les salariés de l'IRSN, de l'ASN et du CEA ont pourtant exprimé leur opposition à cette fusion et à cette réorganisation.
Ce n'est pas très grave : pour une fois que vous avez une majorité au Parlement, vous avez décidé d'y aller tout de go. Dont acte.
Vous vous présentez comme les chantres du nucléaire, mais votre réforme engendrera de la défiance. S'il y a des choses que je conteste mais que je peux comprendre – comme la fusion –, il y en a d'autres que je refuse formellement. La possibilité que vous donnez dans ce texte de publier les avis d'experts en même temps que les décisions était attendue par les acteurs pronucléaires – jusque-là, l'usage voulait que la décision suive la publication des expertises. Mais, avec ce texte, vous permettez, par voie d'exception, que les avis d'experts soient publiés après les décisions.
Ce n'est pas vrai !
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT. – M. Maxime Laisney et M. Gérard Leseul applaudissent également.
Cela constituera un véritable carburant, une nouvelle énergie pour ceux qui se positionnent clairement contre le nucléaire ; vous renforcez un discours qui affirme que nous ne sommes ni clairs ni transparents. Vous voulez avancer sur le sujet : je m'étonne que vous n'ayez pas pris le temps d'écouter les arguments – qui ne sont pas politiciens et qui ne viennent pas d'en haut – de ceux qui traitent les questions d'énergie et de nucléaire au quotidien. Ils vous ont dit que cette réforme n'était pas une bonne idée.
Vous vous apprêtez à désorganiser un système reconnu et qui fonctionne, sans savoir quand le prochain sera opérationnel, ni combien il nous coûtera réellement.
Nous nous opposerons donc encore une fois à ce texte. Cette réforme est une mauvaise idée, mais nous sommes responsables, et conscients que nous avons intérêt, malgré nos divergences, à ce que le système de sûreté nucléaire fonctionne. C'est pourquoi nous regrettons la méthode, le calendrier, et l'incapacité à faire émerger un consensus. Ce n'est pas très difficile d'avoir raison seul ; ça l'est davantage quand on doit élargir sa majorité.
Heureusement pour vous, vous pouvez compter sur la propension du RN à changer d'avis.
M. Maxime Laisney applaudit.
Ma grand-mère disait qu'il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis. Il y a un an, le 15 mars 2023, le RN s'est abstenu sur la fusion. Cette année, le 4 mars, il a voté pour, le lendemain, contre, une semaine après, pour. S'il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis, vous êtes devenus des génies ! Mais nous vous laisserons dans la lampe car vous n'êtes pas capables de tenir la maison France – et encore moins la maison nucléaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Enfin un peu de raison dans ce monde ! C'est la Renaissance du nucléaire !
Après deux semaines de débats, en commission puis en séance, notre assemblée est appelée à se prononcer sur un texte important pour donner une nouvelle impulsion à la gouvernance de la sûreté nucléaire civile dans notre pays, à l'aube de défis majeurs pour la filière.
La fusion de l'ASN et de l'IRSN au sein de la nouvelle ASNR et la réorganisation de nos outils de contrôle poursuivent plusieurs objectifs : mieux accompagner la relance du nucléaire tandis que nous attendons l'arrivée des futurs EPR et SMR ; unifier les organes de contrôle afin d'accélérer les procédures ; fluidifier les relations entre expertise et décision, tout en veillant à conserver l'indépendance de chacune, dans un souci de transparence et d'intégrité des protocoles en vigueur.
Le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à voter présente différentes facettes, à propos desquelles nous sommes en partie d'accord, que l'on soit pro ou antinucléaire. Pensez-vous un seul instant que notre objectif, comme celui du Gouvernement, consiste à affaiblir la sûreté nucléaire et à faire courir un risque à nos concitoyens ?
La sûreté nucléaire reste une priorité. Cette réorganisation et les garanties que nous avons apportées en sont les preuves irréfragables, qu'il s'agisse de la consécration de la recherche au sein de l'ASNR, de la création d'un conseil scientifique, dont dispose aujourd'hui l'IRSN, de la transparence des décisions ou de l'indépendance, notamment vis-à-vis des industriels.
Plusieurs points sont renvoyés au règlement intérieur ; certains collègues auraient souhaité les voir inscrits dans la loi, mais cette fusion exige de la souplesse et de la réflexion. La rigidité d'une inscription dans la loi pourrait compromettre certains aspects de ce règlement, alors même qu'une douzaine de groupes de travail sont actuellement à l'œuvre pour préparer la réussite de cette fusion.
Nous avons entendu vos craintes relatives aux délais de la fusion, chers collègues, ainsi que les inquiétudes concernant la charge de travail, exprimées par les syndicats lors des différentes auditions menées par les rapporteurs en amont de nos travaux. Afin d'y répondre, en complément du travail fourni par nos collègues sénateurs, nous avons conforté la création, nécessaire, d'un préfigurateur, afin d'accompagner ce mouvement d'ampleur.
Dans l'objectif d'accompagner le renouveau de la filière nucléaire en France, une partie de ce texte s'attache à adapter les règles de la commande publique aux projets nucléaires. Ces modifications répondent à une double exigence : celle de nos besoins urgents, compte tenu du vieillissement du parc nucléaire, et celle de la sensibilité des opérations menées par les industriels du secteur. Ces dérogations restent mesurées, afin de garantir la sécurité des installations tout en conservant l'esprit du texte, qui tient à la transparence des décisions au service de la population.
Au-delà des mesures techniques relatives au fonctionnement de la gouvernance, une partie des articles du projet de loi est consacrée au devenir des personnels de l'ASN et de l'IRSN, ainsi que des activités qu'ils exercent dans leurs entités respectives. Il ne vient en aucun cas remettre en cause l'intégrité, la qualité ou le savoir-faire des personnels qui travaillent chaque jour à la sécurité de nos concitoyens, leur garantissant une énergie décarbonée sans risque pour leur santé ou pour l'environnement. Il ne vise pas non plus à définir la manière dont les travailleurs de la future autorité procéderont ; ce n'est pas le rôle de la représentation nationale, mais celui des scientifiques qui la composeront.
S'agissant de la fusion proposée par le Gouvernement à la suite du rapport de l'Opecst, cher au rapporteur Jean-Luc Fugit – dont je salue le travail de longue haleine sur ce dossier –,…
…le projet de loi vise à préserver les statuts et les missions de chacun, ainsi qu'à revaloriser les métiers. En effet, la relance de la filière nucléaire civile crée un appel d'air au bénéfice des industriels, parfois au détriment des organes de contrôle. Je parle de la rémunération, à laquelle un article du texte est dédié ; il s'agit de revaloriser substantiellement les salaires, notamment ceux des personnels de l'IRSN.
Nous en avons conscience, nous ne sommes pas au bout du chemin et un important travail reste à mener. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à porter un regard attentif sur la concrétisation de la fusion. Le groupe Renaissance vous en remercie et vous demande de faire preuve de vigilance quant à la rémunération des personnels de l'ASNR, attention indispensable pour garantir l'attractivité des métiers qu'elle regroupe.
Permettez-moi enfin de rappeler, à l'instar du rapporteur, que cette fusion, bien qu'importante, n'est pas la première du genre. Il ne s'agit pas d'effacer une entité au profit d'une autre, mais d'unifier les forces en présence, de préserver leur indépendance et de les protéger par un statut éprouvé depuis de nombreuses années.
Le groupe Renaissance se prononcera très majoritairement en faveur de ce texte, qui permettra la restructuration de la gouvernance de la sûreté nucléaire, à l'aube de la relance de la filière.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
« Rien n'est à craindre, tout est à comprendre. » Cette conviction de Marie Curie…
…n'est pas seulement le témoignage de l'un des esprits les plus brillants que la France a eu l'honneur de compter dans son histoire ; elle est aussi le legs de la civilisation française. Ce legs se trouve au cœur du projet national de Marine Le Pen, alors que la Macronie l'a oublié et que la NUPES l'a depuis longtemps renié.
Il y a quelques jours, les États-Unis ont fait un pas immense vers la conquête de Mars, grâce aux tests très concluants de la fusée Starship de Space X. Pour réussir cet exploit, les ingénieurs n'ont pas seulement surmonté les défis posés par les lois de la physique, ils ont aussi vaincu les peurs, la résignation et la bureaucratie, des difficultés bien plus périlleuses que la gravité.
Pendant que les États-Unis se réveillent, la Chine et la Russie essaient de prendre une avance technologique et stratégique que l'Europe a abandonnée. Dans un terrible renversement historique, l'Europe devient la Chine du XIX
Hélas, la Macronie, autoproclamée camp de la raison, incarne le stade ultime de la défaite de la science et de la technologie. Par faiblesse, vous avez toujours été la roue de secours des mensonges et de l'obscurantisme de la NUPES, tant en matière de génie génétique qu'en matière d'organismes génétiquement modifiés (OGM). Pour tous les défis du XXI
La Macronie est en réalité une sénescence, une illusion du savoir qui a peur de tout et surtout de la gauche.
M. Loïc Prud'homme s'exclame.
Il y a deux façons de trahir la filière nucléaire. La première a le mérite d'être frontale : c'est l'obscurantisme de la NUPES, qui ment ouvertement aux Français et a largement contribué à ruiner la filière nucléaire, avec les conséquences que l'on connaît. Je n'en citerai qu'une : les 1 000 morts provoquées chaque année en France par les centrales à charbon d'Allemagne et d'Europe de l'est, dont vous avez encouragé l'utilisation.
La deuxième façon de trahir la filière nucléaire est la lâcheté, celle des centristes et, pendant trop longtemps hélas, celle de l'UMP – Union pour un mouvement populaire. Elle a consisté à faire croire qu'on peut défendre le nucléaire et le progrès scientifique, tout en imposant tellement d'obstacles de normes et de paperasses absurdes que tout progrès, toute installation et toute production deviennent impossibles. Dès lors, il est bien difficile de vous faire confiance, chers collègues de la Macronie.
La relance du nucléaire que vous proclamez n'existe pas. Comme nous l'avions annoncé avec Marine Le Pen, l'EPR 2 connaît déjà des retards, tout comme les petits réacteurs : encore une fois, trop de bureaucratie et trop de normes, qui rendent impossible la production d'un design correct.
Il est aussi difficile de vous faire confiance quand vous expliquez cette réforme, à laquelle vous-mêmes ne semblez pas comprendre grand-chose. Encore et toujours, comme pour l'ensemble des textes que nous avons examinés depuis deux ans, vous savez que vous n'aurez pas le soutien de la NUPES ; pourtant, vous abandonnez tout à son idéologie. Ce projet de loi permettrait-il vraiment une relance plus rapide et plus agile du nucléaire et du progrès ? Je n'en suis pas sûr et nous sommes bien peu, au Rassemblement national, à le croire.
Bien évidemment, la sûreté est indispensable ; elle l'a toujours été. Mais en France, elle ne dépend ni de la bureaucratie ni d'hommes et de femmes qui imaginent inventer ici ce qui existe déjà. Elle dépend des ingénieurs, des salariés d'EDF, de tous ces hommes et ces femmes qui font la filière nucléaire française et qui ont toujours fait correctement leur travail. Le modèle économique qu'a choisi la France, la façon dont nous formons nos élites scientifiques et techniques, et la manière dont nous traitons les salariés ont pour effet de consolider la filière nucléaire.
Les députés du Rassemblement national n'inventent rien, pas plus que ceux des différents partis politiques. Les élus de la nation sont au service des ingénieurs et de la science. Nous ne saurions remplacer ceux qui savent travailler, inventer et créer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous vous attachez à une sûreté de papier ! Vous pensez qu'en empilant les normes, vous protégez la filière française, alors que vous ne faites que vous protéger vous-mêmes. Vous craignez les incidents uniquement parce que vous avez peur de devoir un jour rendre des comptes. Mais à force d'être terrorisés par ces comptes que vous devrez rendre, vous ignorez les comptes que vous devez déjà au sujet de l'effondrement de la production électrique française l'année dernière.
Mes chers collègues, entendez mon cri d'alarme : ne croyez pas que la sûreté de papier sauvera l'Occident ! C'est le génie des femmes et des hommes qui font notre civilisation qui le sauvera – personne d'autre !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous avons terminé l'examen du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire. Selon le ministre Roland Lescure, ce texte vise à créer une autorité « plus puissante, plus efficace, plus transparente, plus attractive » : c'est beau comme du McKinsey ; c'est du pipeau comme chacun le sait !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Aucune des alertes que nous avons relayées ici n'aura été entendue, alors même que nombre d'entre elles provenaient de personnes favorables au nucléaire : ni celles des salariés des trois entités concernées, ni celles des instances consultées, ni celles d'anciens directeurs de l'IRSN ou d'anciens présidents de l'Opecst.
Au prétexte de la sempiternelle simplification, le texte final aboutit au démantèlement de l'IRSN…
Mais non !
…dont une partie est dissoute dans l'ASN, alors que le reste est dispersé entre le CEA et le ministère des armées. Drôle de simplification…
D'une part, vous allez éparpiller les expertises en matière de sécurité nucléaire et de dosimétrie, ce qui est contraire aux recommandations de l'AIEA.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
C'est faux !
D'autre part, vous placez l'expertise en matière de sûreté nucléaire sous la coupe hiérarchique du décideur, permettant la prééminence des enjeux industriels et économiques sur les enjeux de sûreté dès la phase d'expertise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous aggravez cette pression en supprimant la publication des avis d'expertise en amont des décisions : cela représente un recul de vingt ans en matière de transparence, qui aura pour conséquence prévisible de laisser tourner des équipements nucléaires présentant un risque pour éviter de perdre de l'argent. C'est inacceptable !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – M. David Habib applaudit également.
Votre acharnement à sacrifier notre système dual, pourtant concomitant du plan Messmer des années 1970, s'explique par une raison que le ministre a fini par avouer clairement vendredi : répondre au défi de la relance de la filière.
Commençons par dire que les défis de la relance – pour ne pas dire les paris – sont ailleurs. Les paris technologiques concernent le design détaillé de l'EPR 2, qui n'est toujours pas prêt ; l'incapacité de Framatome à produire les pièces maîtresses du réacteur ; les petits réacteurs modulaires, qui ne sont pour l'heure que des chimères.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quant aux paris financiers, ils portent sur le coût des six premiers EPR 2, qui vient d'être réévalué de 30 %, et ce, sans compter les coûts de financement qui devraient doubler la facture – excusez du peu ! Si la relance entraîne davantage de travail d'expertise et de contrôle, des moyens humains supplémentaires seront nécessaires plutôt qu'une désorganisation complète des entités qui instruisent les dossiers, handicapant forcément votre accélération pour une durée indéterminée.
Mais revenons au sujet le plus grave : nous ne sommes pas d'accord pour adapter la gouvernance de la sûreté, qui a fait ses preuves jusqu'à présent, pour permettre quoiqu'il en coûte de construire de nouveaux réacteurs et de les faire tourner !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur ce point, les déclarations les plus inquiétantes, mais aussi les plus franches, sont venues des bancs du RN, comme nous venons de l'entendre ,
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
prêt à brader les exigences de sûreté comme le réclament les start-up qui veulent faire du business en exploitant de petits réacteurs nucléaires dans des sites Seveso et des zones habitées. C'est irresponsable !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Collègues de la majorité, la question qui vous est posée consiste à savoir si vous allez associer une nouvelle fois vos voix à celles de l'extrême droite pour obéir au caprice d'Emmanuel Macron, prêt à tout pour satisfaire les lobbys et son ego démesuré …
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…ou si vous aurez le courage d'empêcher ce saut dans l'inconnu en matière de sûreté nucléaire.
Il y a treize ans, huit jours et sept heures commençait la catastrophe de Fukushima. La commission d'enquête indépendante établie par le gouvernement japonais a conclu que la responsabilité de l'accident réside principalement dans la négligence de l'opérateur et, plus en amont, dans l'absence d'indépendance de l'organe de réglementation et dans sa complaisance à l'égard de l'opérateur. La catastrophe n'a pas été naturelle, mais humaine, précise-t-elle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Naoto Kan, Premier ministre à l'époque de l'accident, a dit : « J'étais absolument persuadé que le niveau de la technologie japonaise était si élevé qu'on pouvait faire confiance, qu'il n'y aurait pas quelque chose comme Tchernobyl. La réalité m'a appris que c'était complètement bête de penser une chose pareille. Je me suis dégoûté d'y avoir cru naïvement. » Cette phrase, je nous souhaite à tous que vous n'ayez jamais à la prononcer. Ne votez pas ce projet de loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains députés se lèvent, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Si le groupe Les Républicains est celui qui soutient le nucléaire de la façon la plus constante et indéfectible, ce n'est pas seulement parce qu'il s'agit du moyen le plus efficace de produire de l'électricité,…
…ce n'est pas seulement par souci de fournir aux ménages une énergie stable et abordable, et à l'industrie une énergie abondante et propice aux créations d'emplois, c'est surtout parce qu'il s'agit de l'énergie la plus propre et qui contribue le plus à notre souveraineté.
Au moment où rien n'est plus important que de lutter contre le réchauffement climatique, c'est grâce au nucléaire que la France a l'unité de PIB la moins carbonée d'Europe.
Nous n'avons aucune leçon à recevoir de qui que ce soit : une énergie décarbonée est plus importante encore qu'une énergie renouvelable. Le Président de la République, après des années d'errances dramatiques,…
…s'est finalement rallié à notre position, en relançant le nucléaire. Toutefois, nous avons accueilli cette victoire politique avec prudence.
Au début de l'année 2023, le vote de la loi « accélération du nucléaire » – loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes – a marqué le premier acte d'une inflexion de trajectoire. Par cohérence, les membres de mon groupe l'ont votée unanimement : la construction des six, puis des huit réacteurs de type EPR annoncés est l'une des priorités stratégiques de notre pays. Il est logique que nous soutenions le deuxième acte de la trajectoire qui s'ouvre aujourd'hui avec l'adaptation de notre outil de contrôle et de sécurité nucléaire à cette nouvelle donne.
Cette réforme aurait pu passer par le vote de deux amendements au projet de loi « accélération du nucléaire », mais les dispositions qu'ils prévoyaient, après avoir été adoptées en commission, ont été rejetées en séance. À l'époque, le groupe Les Républicains avait voté presque unanimement en leur faveur, puisque le rapport de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France recommandait déjà d'interroger les relations entre les organismes compétents en matière de sûreté nucléaire.
C'est donc avec constance et responsabilité que nous soutenons la fusion de l'ASN et de l'IRSN : elle optimisera notre système de sécurité, pour relever le défi de la relance du nucléaire que nous appelons de nos vœux depuis maintenant douze ans ; elle éliminera les délais de transmission d'informations entre les deux établissements, incompatibles avec la relance du nucléaire et la prolongation du parc d'infrastructures actuel ; elle facilitera une gestion plus attractive et moins dispersée des carrières ; surtout, grâce à l'adoption d'un de nos amendements, elle mettra un terme à la désynchronisation entre la publication des rapports et la prise des décisions.
Grâce à des discussions fécondes – que certains auraient voulu éviter –, le groupe Les Républicains a obtenu des avancées concrètes, comme la nomination d'un préfigurateur, référent pilote de la fusion. De toute évidence, une partie de l'hémicycle s'est opposée à l'idée même d'un débat ; en dépit d'une mobilisation aussi soudaine que stérile, la gauche aura heureusement échoué à empêcher nos discussions.
M. Frédéric Mathieu s'exclame.
La méthode employée, celle du blocage, est révélatrice de l'état d'esprit et des sempiternelles stratégies des antinucléaires – chacun sa cohérence. Ils ont brandi la menace de l'accident, de la brèche de sécurité, mais je tiens à rappeler que l'IRSN est né d'une fusion voulue par Dominique Voynet, alors ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Rappelons également que parmi les grands pays qui produisent de l'énergie nucléaire, la majorité a fait le choix d'un système de sécurité unitaire, comme celui que nous nous apprêtons à instituer.
Vu les défis auxquels la nouvelle autorité devra faire face, le bon dimensionnement de ses moyens budgétaires et de ses compétences sera déterminant : nous devrons y veiller lors de la discussion des prochaines lois de finances.
Le rejet de la gauche de l'hémicycle étant supposément lié à des enjeux de sécurité, on aurait attendu de sa part des amendements demandant des garde-fous, des garanties ou des informations supplémentaires. Or tout se passe comme si, au-delà des enjeux de sécurité, il y avait des intérêts politiques à conserver deux entités, alors que la majorité des grands pays producteurs d'énergie nucléaire n'en ont qu'une.
Alors que la filière nucléaire a régressé ces vingt dernières années, il est essentiel d'adapter notre outil pour réaliser l'ambition qui, je le crois, marquera les vingt prochaines années. Aussi le groupe Les Républicains appelle-t-il à voter cette réforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur l'ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bruno Millienne.
Nous atteignons la fin d'un long processus, commencé il y a plus d'un an et semé d'embûches. Il a causé du tort à l'ASN et à l'IRSN, ainsi qu'à leurs agents, et nous devons y mettre un terme en nous prononçant sur le projet de fusion entre ces deux entités.
Je voudrais tout d'abord revenir sur les événements qui ont entaché l'examen du texte. Certains ont employé des techniques abjectes pour faire croire à nos concitoyens que plusieurs votes étaient suspects de fraude.
M. Jean-Luc Fugit applaudit.
Je ne peux que condamner le comportement de ceux qui, à la recherche du buzz sur les réseaux sociaux, ont jeté en pâture l'un de leurs collègues, et qui peinent à s'en excuser une fois l'erreur commise. Quant à moi, j'apporte tout mon soutien à notre collègue menacé.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, LR et HOR.
Comment comprendre ce comportement, quand ceux qui l'adoptent se livrent ensuite à des manœuvres pour ne pas faire voter l'article 1er , au motif que les comptes ne seraient pas bons ? Nous devons travailler collectivement pour que de telles pratiques ne se reproduisent pas, et nous devons débattre en toute sérénité. Ce projet loi – et ce n'est pas le seul – est crucial pour l'avenir de notre pays et pour les agents concernés. Ceux-ci méritent mieux que ces turpitudes ; les Français méritent mieux.
En mars 2023, la fusion entre l'ASN et l'IRSN a été proposée par le Gouvernement au moyen d'un amendement au projet de loi « accélération du nucléaire ». Nous désapprouvions sa méthode – je m'étais personnellement impliqué pour le faire comprendre au Gouvernement –, mais cela ne signifiait pas que nous étions opposés à la fusion elle-même.
Que s'est-il passé depuis ? Pour étudier le bien-fondé de la fusion, nous avons collectivement demandé un rapport à l'Opecst. Ses auteurs, le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir, y ont souligné le bon fonctionnement du système actuel, tout en insistant sur la nécessité de le réformer pour qu'il s'adapte aux nouveaux enjeux. Le rapport recommande de « regrouper les moyens humains et financiers actuellement alloués au contrôle, à l'expertise et à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection, afin que ceux-ci relèvent à l'avenir d'une structure unique et indépendante. »
Le projet de loi reprend les propositions du rapport de l'Opecst, émanation du Parlement. Si nous le votons, l'Autorité de sûreté nucléaire et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire fusionneront en une nouvelle entité, dénommée Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Celle-ci sera chargée du contrôle, de l'instruction des dossiers de sûreté et de la radioprotection dans toutes ses composantes ; seules les missions de la direction de l'expertise nucléaire de défense et de sécurité (DEND) de l'IRSN seront transférées à un service du ministère des armées, mais les agents qui les assureront resteront dans les locaux de l'IRSN. Les activités de dosimétrie passive seront, quant à elles, transférées à une filiale du CEA : de nature commerciale, elles ne peuvent être exercées par une autorité administrative indépendante.
Alors qu'il avait été supprimé en commission, l'article 1er – pierre angulaire du projet gouvernemental – a été rétabli en séance. Ce fut l'occasion d'échanger des arguments dont certains m'ont laissé pantois : comment accuser le Gouvernement de vouloir remettre en cause la sûreté des installations nucléaires ? Je peux comprendre les réticences des syndicats et de certains d'entre vous, opposés de bonne foi au projet,…
…mais je reste étonné de voir les fossoyeurs du nucléaire, assis à ma gauche, se présenter comme ses défenseurs.
M. Sébastien Jumel s'exclame.
Soyez rassurés : le nucléaire est la pierre angulaire de la transition énergétique, personne ne souhaite un accident, et tout sera fait pour que nos installations restent les plus sûres du monde. Nous veillerons à la transparence des analyses de l'autorité et à la bonne différenciation des activités d'expertise et de prise de décision – le texte le garantit.
La fusion de l'IRSN et de l'ASN a un unique but : simplifier la sûreté nucléaire pour accompagner les innovations que connaîtra le secteur dans les prochaines années. La création de l'ASNR permettra de concentrer les talents de la sûreté nucléaire. Le travail des agents en sera facilité : ils pourront se consacrer aux enjeux de la sûreté et de la radioprotection plutôt qu'à des tâches administratives.
Beaucoup soulignent que le système fonctionne déjà bien, mais nous pouvons faire mieux – nous devons faire mieux ! Le Gouvernement a pris en compte les craintes exprimées par les acteurs du secteur, et rien ne vous empêche de soutenir ce projet de fusion. Le groupe Démocrate votera donc ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
La question de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection mérite d'être régulièrement posée, autant que celle de la sécurité du nucléaire civil et du nucléaire militaire. Personne ne vous reproche de le faire, monsieur le ministre, mais la réponse que vous apportez, la réponse présidentielle, est totalement contestable en plus d'être péremptoire. Vous n'avez démontré ni les dysfonctionnements du système actuel, ni la pertinence et le bien-fondé de votre projet de fusion ; vous n'avez convaincu ni les salariés de l'IRSN, ni ceux de l'ASN et du CEA.
M. Maxime Laisney et Mme Anna Pic applaudissent.
Vous n'y êtes pas mieux parvenus auprès des anciens dirigeants de l'IRSN et des anciens présidents de l'Opecst, dont aucun ne pourrait être qualifié d'antinucléaire.
L'image du système de sûreté français sort écornée de cette longue séquence de plus d'un an, lors de laquelle vous n'avez pas su convaincre celles et ceux qui ont à cœur d'assurer la sécurité et la sûreté des installations nucléaires actuelles et à venir. Plusieurs députés de votre minorité présidentielle doutent d'ailleurs de la pertinence de la réforme.
Mme Anna Pic applaudit.
Vous envisagez une relance du nucléaire qui sera au service de start-up en quête de profit, alors que notre préoccupation doit rester la sécurité, fondée sur l'expérience et la confiance. Nous devons pouvoir faire confiance aux exploitants et aux autorités de sûreté, car votre relance du nucléaire placera cette industrie au cœur du quotidien des générations futures pour plusieurs siècles. Vous semblez ainsi décider de la perpétuité du nucléaire, sans décider de l'ambition française en matière de souveraineté énergétique, du mix énergétique ni de la part respective que les énergies renouvelables et le nucléaire y prendront. Ce faisant, vous redessinez la carte du nucléaire sans débat de programmation, sans validation d'une politique de relance et en bousculant le système de contrôle et de sûreté : cela nous paraît totalement irresponsable.
Vous ne vous en cachez pas : avec cette réforme, le Gouvernement et les exploitants espèrent fluidifier les relations, raccourcir les délais et gagner du temps industriel. L'essentiel est dit.
Nous croyons au contraire que cette réforme pourrait se révéler contre-productive, tant elle comporte de risques directs ou induits : aux risques sociaux, managériaux, industriels et économiques s'ajoute un risque majeur de défiance. Décidée dans le huis huis clos d'une réunion du Conseil de politique nucléaire en février 2023, sur la base d'un rapport classé confidentiel – dont ni les rapporteurs, ni les présidents de commission n'ont demandé la communication, ce qui est proprement incroyable –, la fusion de l'ASN et de l'IRSN a été tentée avec malice et maladresse au printemps dernier. Par voie d'amendement, le Gouvernement a cherché à contourner l'obligation constitutionnelle d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État, obligatoire pour un projet de loi : une fois de plus, la manœuvre était incroyable !
Applaudissements sur quelques bancs des groupe SOC.
Depuis, vous avez adopté une méthode plus propre en présentant un projet de loi, mais nous sommes loin d'être rassurés : alors que le Sénat a amélioré le texte en renforçant la séparation entre l'expertise et la décision, vous n'avez eu de cesse de supprimer ses ajouts, à l'occasion de l'examen en commission des affaires économiques notamment. Le texte supprime la séparation fonctionnelle entre l'expertise et la décision, qui constituait pourtant le fondement du système de sûreté nucléaire. Vous isolez le nucléaire militaire et supprimez la publication des avis techniques avant décision.
C'est faux !
Pire, vous envisagez de publier les avis ex post, entamant ainsi la transparence du système et donc la confiance dont il fait l'objet. À ce sujet, de nombreuses instances vous avaient prévenus.
Aucun de nos amendements de clarification n'a été adopté, qu'il s'agisse de l'indépendance et du statut de la nouvelle autorité, du respect de la transparence ou de la publication des avis. Avec ce texte, vous renoncez à l'expérience française, à l'expertise patiemment construite autour d'une articulation légitime entre exploitants, experts et décideurs. Vous déstabilisez un système qui fonctionne, en avançant au pas de charge, sans l'accord de ses principaux acteurs – les salariés –, et en suscitant la désapprobation de la quasi-totalité des experts et observateurs extérieurs.
Nous ne partageons ni votre conception de la sûreté des installations nucléaires et de la protection des populations, ni votre conception du dialogue : par la grâce d'une idée présidentielle et technocratique, vous voudriez révolutionner le fonctionnement actuel de la sûreté nucléaire, dont l'efficience est pourtant reconnue. Nous déplorons que les objectifs de transparence et de sûreté affichés soient si loin d'être atteints.
Nous voterons résolument contre ce projet de loi car nous n'approuvons ni ses objectifs, ni son renoncement à la transparence.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 549
Nombre de suffrages exprimés 519
Majorité absolue 260
Pour l'adoption 260
Contre 259
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 548
Nombre de suffrages exprimés 523
Majorité absolue 262
Pour l'adoption 265
Contre 258
Le projet de loi organique est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
C'est ce qui s'appelle un vote sans équivoque !
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.– Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je remercie la majorité d'avoir soutenu ce projet de loi. J'ai bien conscience que ce n'est qu'une étape. La commission mixte paritaire se réunira bientôt et elle sera, je l'espère, conclusive.
Je l'ai dit en commission, je l'ai dit en séance, je le redis aujourd'hui : après le vote définitif, le travail ne fera que commencer. La fusion sera aussi le résultat du travail que nous engagerons dans la foulée avec tous les collaborateurs et toutes les collaboratrices des deux institutions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de Mme Hélène Laporte.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement (n° 2345).
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Durant le mois et demi qui vient de s'écouler, nous avons travaillé sur les enjeux de l'habitat dégradé : avec 1,5 million de logements concernés, ce sont plusieurs millions de Français qui vivent dans des conditions indignes. À travers ce projet de loi, la volonté du Gouvernement était de donner des outils susceptibles de lutter plus efficacement contre cette forme d'habitat, les outils existants étant parfois trop lourds et trop complexes.
Avec mon collègue Guillaume Vuilletet, corapporteur, nous avons veillé à ce que ce texte soit débattu dans un esprit transpartisan. Lors des débats à l'Assemblée nationale, nous avons fait en sorte que de nombreux amendements issus des oppositions soient adoptés, afin d'aller, au-delà des contingences politiciennes et de ce qui peut nous séparer, dans le sens de l'intérêt général. Ce même état d'esprit nous a animés pendant les débats avec nos collègues sénateurs : nous souhaitions que la commission mixte paritaire (CMP) soit conclusive ; elle l'a été, et je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui y ont contribué.
Ce texte vise trois grands objectifs. Le premier est l'accélération de la réhabilitation de l'habitat dégradé. Nous avons adopté plusieurs dispositions allant en ce sens : l'extension du régime des opérations de restauration immobilière (ORI), la sécurisation des actions nécessaires au traitement des copropriétés dégradées dans le cadre d'un contrat type de concession d'aménagement, ou encore les dispenses de formalités d'urbanisme pour les constructions temporaires à des fins d'hébergement implantées pour une durée n'excédant pas cinq ans. Ce sont des avancées auxquelles vous avez puissamment œuvré dans les discussions avec nos collègues du Sénat, cher collègue Vuilletet.
Le deuxième objectif est la prévention de la dégradation de l'habitat. Le texte crée un prêt collectif solidaire à l'article 2 : avec nos collègues sénateurs, nous sommes convenus qu'il serait bon d'ouvrir aux banques la possibilité d'accéder à certains fichiers. La CMP a en outre confirmé la nouvelle procédure d'expropriation s'appliquant aux immeubles frappés par un arrêté de police, sans être pour autant dans une situation de dégradation irrémédiable, afin d'anticiper l'intervention des pouvoirs publics. Nous avons par ailleurs trouvé un accord sur le renforcement des moyens expérimentaux déployés pour mieux prendre en charge les parties communes des copropriétés en cours de dégradation.
Le troisième objectif est la lutte contre les marchands de sommeil. S'il y a une chose qui doit nous réunir, quels que soient les bancs où nous siégeons, c'est la volonté de mettre fin aux agissements de ceux qui exploitent la misère humaine. Nous avons durci, dans le code pénal, les sanctions qu'ils encourent, en particulier en relevant le quantum des peines. Ce faisant, nous envoyons un message fort : le Parlement ne tolère plus les pratiques de ceux qui laissent vivre nos concitoyens dans des habitats fortement dégradés.
Ce projet de loi est important : il enrichit la politique du logement, dans le prolongement d'autres textes adoptés ces derniers mois ; il illustre ainsi la volonté du Gouvernement de lutter contre l'habitat indigne et dégradé. Je ne peux que vous engager à voter pour la rédaction sur laquelle se sont accordés les membres de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Je suis particulièrement heureux et honoré de défendre devant vous, à l'issue de la commission mixte paritaire, le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Je tiens à saluer l'engagement sans faille des rapporteurs Guillaume Vuilletet, député du Val-d'Oise, et Lionel Royer-Perreaut, député des Bouches-du-Rhône, qui se sont investis tout au long de l'examen du texte, de la première lecture à la préparation de la commission mixte paritaire, pour sécuriser, enrichir et améliorer les dispositions de ce projet de loi utile et nécessaire.
La version du texte aujourd'hui soumise à votre vote est le fruit d'un travail parlementaire très fourni. Partant d'un projet de loi comportant dix-sept articles, nous avons abouti à un texte riche de quelque soixante articles, soit autant de mesures pragmatiques et opérationnelles qui amélioreront durablement le traitement de l'habitat dégradé. Il est en effet intolérable que des personnes continuent de vivre, en 2024, en France, dans un habitat dégradé, indécent ou indigne. Près de 1,5 million de logements sont dégradés, ce qui signifie qu'autant de foyers vivent dans des conditions inacceptables.
Par ce texte, nous nous attaquons directement à cette réalité en proposant des solutions concrètes. Elles visent d'abord à aider les copropriétés à emprunter la somme nécessaire pour effectuer des travaux de rénovation, ensuite à renforcer les outils à la disposition des élus et des opérateurs pour mener de grands projets de réhabilitation, enfin à durcir les sanctions contre ceux qui tirent profit des habitats dégradés.
Ce travail s'inscrit dans la continuité de l'effort mené depuis 2017 par mes prédécesseurs, qui ont fait du traitement de l'habitat dégradé une priorité. Ainsi, Julien Denormandie a lancé dès 2018 le plan Initiative copropriétés (PIC) pour aider les grandes copropriétés en difficulté. Emmanuelle Wargon, en réformant et en simplifiant, avec l'aide du député Guillaume Vuilletet, la police de l'habitat indigne, a mené à bien le travail commencé dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan. Dans la continuité de cette action, Olivier Klein a confié à deux maires issus d'horizons différents – Mathieu Hanotin, maire socialiste de Saint-Denis, et Michèle Lutz, maire Les Républicains de Mulhouse – la mission d'étudier les moyens de mieux prendre en charge ces situations difficiles. Leurs travaux ont permis à mon prédécesseur, Patrice Vergriete, d'élaborer le texte initial du projet de loi qui nous occupe.
Pour mieux lutter contre la dégradation de l'habitat, nous devons mieux l'anticiper, car cette situation met plusieurs années à s'installer et peut donc être traitée en amont. Dans la vie humaine comme dans celle des bâtiments, il vaut mieux prévenir que guérir ! Dans cette optique, l'article 3 vise à créer une nouvelle procédure d'expropriation qui permettra d'intervenir en amont de la dégradation. Je me réjouis que le travail des rapporteurs ait mené à conserver, dans le texte de la CMP, les apports de l'Assemblée nationale à cet article.
L'article 2, lui aussi très attendu, permettra aux syndicats de copropriété d'assurer le financement des travaux par un emprunt collectif. Cette innovation majeure leur épargnera plusieurs mois d'examen de dossiers individuels, au profit d'une approche collective et globale. La rédaction adoptée par la CMP constitue un compromis salutaire entre les positions des deux chambres, qui permettra aux copropriétés d'emprunter en apportant des garanties de solvabilité aux établissements prêteurs. Elle lèvera ainsi un des principaux freins à la rénovation des copropriétés. Au fond, ce prêt est peut-être l'innovation financière qui manquait pour massifier la transition écologique : il encourage dans cette voie chacune des microdémocraties que sont les copropriétés.
Par ce texte, nous poursuivons également la lutte que nous avons engagée dès 2017 contre les marchands de sommeil et renforçons les sanctions à leur égard. Je le rappelle avec fermeté, les marchands de sommeil sont des délinquants dont nous ne pouvons en aucun cas cautionner les agissements. Nul n'a le droit de tirer une rente de la vulnérabilité d'autrui. À l'initiative du rapporteur Lionel Royer-Perreaut, élu d'un territoire très marqué par ce phénomène, l'Assemblée nationale a introduit des dispositions importantes visant à durcir les sanctions dont sont passibles les marchands de sommeil. Ces mesures sont cruciales pour notre dignité collective et constituent une avancée notable en la matière.
Je me réjouis enfin que la CMP ait conservé les simplifications importantes de la procédure de construction de logements prévues dans l'article 14. Il s'agit, dans le cadre des projets partenariaux d'aménagement (PPA) et des opérations d'intérêt national (OIN), de débloquer rapidement les procédures environnementales et d'urbanisme pour gagner plusieurs mois précieux lors du lancement d'un projet.
En effet, la production de logements est la première réponse au mal-logement. C'est la méthode que nous avons choisie en lançant récemment le programme Territoires engagés pour le logement, qui permettra d'accélérer, dans les trois prochaines années, la construction de 30 000 logements dans vingt-deux territoires où les enjeux industriels, économiques ou énergétiques sont particulièrement centraux. Le projet de loi s'inscrit donc dans la continuité de notre action et mettra à la disposition des collectivités des procédures d'accélération et de simplification bénéfiques aux projets. Ces dispositions bénéficieront à l'ensemble du territoire et prendront notamment en compte les spécificités ultramarines, ce dont je me réjouis.
Les travaux de la CMP ont également préservé et même renforcé une série d'avancées opérationnelles majeures attendues, parfois depuis longtemps, par les professionnels et les élus locaux. Ainsi, grâce au compromis trouvé en CMP, le texte répondra à des situations dangereuses et parfois dramatiques : les maires pourront, en cas de doute quant à la solidité de certains bâtis, demander des diagnostics structurels sur un périmètre défini. Cette mesure permettra de prévenir des effondrements d'immeubles, notamment dans les centres anciens, dans des villes comme Toulouse, Bordeaux, Marseille ou encore Lille. Je tiens à remercier les maires de nous avoir transmis cette attente et les parlementaires d'avoir été à notre écoute pour rendre possible cette avancée.
Grâce à ce projet de loi, nous nous dotons de nouveaux outils pour lutter contre l'habitat indigne, de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane. Nous nous attaquons au problème des copropriétés dégradées avec un objectif précis en tête : éviter de retirer des logements du marché, assurer aux Français un habitat digne, sûr et de qualité. Enfin, nous nous donnons des moyens supplémentaires pour répondre à certaines causes de la crise du logement et de la dégradation du parc. Nous pouvons être fiers de ce travail parlementaire collectif et transpartisan. J'espère que ce beau projet de loi sera voté par une large majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
La parole est à M. Stéphane Travert, président de la commission mixte paritaire.
L'Assemblée nationale achève l'examen du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Nous pouvons nous réjouir d'avoir réussi, par-delà les clivages bien naturels quant aux voies et moyens, à dégager un consensus pragmatique sur les instruments nécessaires pour rendre plus efficace l'action des collectivités publiques. Nous le devons indéniablement à l'esprit constructif et au sens du dialogue dont ont fait preuve les rapporteurs des deux assemblées, à commencer par nos collègues Lionel Royer-Perreaut et Guillaume Vuilletet. Je tiens à saluer leur engagement et la qualité de leur travail sur un texte non dénué de technicité.
À son dépôt, le projet de loi comportait dix-sept articles. Il en compte à présent soixante-trois, vingt-neuf articles ayant été ajoutés par les députés et dix-sept par les sénateurs. Dans sa grande sagesse, la Haute Assemblée a adopté conformes treize articles ; il en restait donc cinquante à discuter en CMP. Ces chiffres reflètent la volonté – que je sais partagée par tous, tant sur nos bancs qu'au Sénat – de bâtir une loi fondée sur des expériences et des réflexions de terrain, volonté qui présida également à l'établissement du rapport Lutz-Hanotin.
Le texte apporte des réponses opérationnelles aux attentes et aux besoins exprimés par les élus locaux, à commencer par la simplification et la rationalisation des cadres réglementaires et des outils d'urbanisme permettant de lutter contre l'habitat dégradé et insalubre. En effet, les maires et les présidents d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) témoignent que l'action publique locale en la matière se heurte trop souvent à la complexité des procédures ainsi qu'à l'enchevêtrement des objectifs, des principes et des normes. Par l'ordonnance du 16 septembre 2020, le Gouvernement a entrepris d'assurer l'harmonisation et la simplification des polices des immeubles, locaux et installations. Il importe que les pouvoirs publics poursuivent cette démarche indispensable.
Outre l'accélération et la simplification des procédures, la lutte contre la dégradation de l'habitat implique des opérations d'aménagement de grande ampleur qui nécessiteront de nouvelles ressources, sur le plan financier mais aussi en ce qui concerne l'ingénierie nécessaire à la formalisation et à la conduite des projets. C'est d'ailleurs le grand mérite du projet de loi que de fournir une boîte à outils adaptée à la diversité des situations qui existent en France. Les mesures qu'il contient forment un ensemble cohérent ; je n'en vois aucune qui soit inutile ou cosmétique.
En facilitant le recours à un emprunt collectif solidaire pour la réalisation de leurs travaux, l'article 2 dote ainsi les copropriétés d'un outil financier novateur pour conserver et valoriser leur patrimoine. Le compromis trouvé en CMP permet d'apporter aux établissements prêteurs les garanties nécessaires à une juste appréciation de la situation des copropriétés, sans retomber dans les ornières et les impasses du prêt collectif à adhésion individuelle. Autre acquis essentiel : l'article 2 bis A prévoit une contrepartie publique, grâce à l'élargissement de la couverture du fonds de garantie de la rénovation énergétique, afin que toutes les copropriétés aient accès aux ressources du crédit.
En étayant une expérimentation qui autorise la cession temporaire de la propriété des parties communes, voire du terrain qui en forme l'assiette, l'article 3 bis A issu des travaux de la CMP permet de surmonter les contraintes financières qui pourraient nuire à la préservation de biens d'intérêt collectif. Il renouvelle la gamme des outils de valorisation du bâti dont disposent les gestionnaires d'habitat collectif, dans un esprit analogue à celui des nouveaux articles 18 à 20, qui invitent les organismes HLM à utiliser plus largement les baux réels solidaires d'activité.
S'agissant des grandes opérations d'aménagement, l'accord trouvé avec le Sénat comporte des mesures utiles pour faciliter la réalisation de projets et d'opérations visant à prévenir ou à traiter la dégradation de l'habitat. Ainsi, l'article 3 crée une nouvelle procédure d'expropriation dans les copropriétés dont la dégradation est remédiable. Il en va de même de l'article 7 bis, qui dispense de formalités d'urbanisme les constructions provisoires et démontables utilisées à des fins d'hébergement et implantées pour une durée strictement définie. L'article 10 s'inscrit dans une logique similaire : il organise la scission de grandes copropriétés dont la taille compromet la poursuite d'opérations de requalification. C'est encore le cas de l'article 12, qui améliore le régime d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine instauré par la loi du 12 juillet 1970, dite loi Vivien.
Nos rapporteurs se sont employés à concilier deux objectifs essentiels : d'une part, préserver la capacité des collectivités à mener des opérations d'intérêt général, d'autre part, garantir le respect des libertés individuelles et collectives. C'est dans cet esprit qu'ils se sont accordés avec leur homologue du Sénat pour assurer la sécurité juridique des mesures destinées à prévenir et à réprimer les pratiques des marchands de sommeil.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter largement le texte, qui comporte des mesures utiles et attendues par les élus.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Jeudi dernier, les députés et les sénateurs membres de la commission mixte paritaire sont parvenus à un accord sur le projet de loi qui nous occupe, dont l'objet principal est d'améliorer la prévention des difficultés dans les copropriétés et de faciliter le traitement de l'habitat dégradé.
Cela fait des années que nous réclamons, avec d'autres, que les élus soient dotés des moyens techniques et juridiques d'accélérer les procédures et d'intervenir sur les copropriétés fragiles avant que la situation ne devienne irrémédiable. Nous accueillons donc avec satisfaction ce projet de loi qui améliore la panoplie d'outils disponibles, et je remercie les rapporteurs pour l'ouverture d'esprit dont ils ont fait preuve lors de nos débats. La nouvelle procédure d'expropriation dérogatoire des immeubles en état critique est évidemment la bienvenue, tout comme les mesures visant à accélérer et à sécuriser les opérations de requalification. Nous accueillons favorablement la création d'un nouveau type de prêt global et collectif pour les copropriétés, assorti d'une garantie publique, ou encore la possibilité pour les élus locaux de faire procéder d'office à un diagnostic structurel des immeubles en zone d'habitat dégradé, y compris dans les centres-villes anciens. L'actualité récente montre à quel point cette dernière mesure est utile.
Le texte inclut enfin des premières mesures de simplification des procédures régissant les opérations d'intérêt national. Nous y souscrivons également.
En dépit de ces avancées, nous regrettons que le projet de loi soit trop timide pour lutter efficacement contre l'habitat indigne. En effet, s'il se focalise sur des moyens techniques et juridiques certes utiles, il laisse de côté la question des moyens humains et financiers et celle du traitement des occupants – en particulier des locataires – contraints d'évacuer un logement dégradé.
La Banque des territoires estime à 9 milliards d'euros par an le montant des travaux à financer dans les copropriétés, mais le projet de loi reste muet quant aux moyens budgétaires mis à disposition pour intervenir. Il prévoit certes que l'État garantisse les prêts collectifs souscrits par les copropriétaires, mais cette garantie publique ne s'accompagne pour l'heure d'aucun financement. Sans moyens, cette boîte à outils risque fort de rester sur l'étagère !
Dans le contexte actuel d'attrition budgétaire, alors que le Gouvernement a annoncé 10 milliards d'euros d'économies sur le budget de l'État pour 2024 et 20 milliards en 2025, il y a fort à parier que les moyens, déjà insuffisants, le seront encore à l'avenir.
Or l'aggravation de la crise du logement appelle une réponse forte. En effet, il est intolérable que 330 000 personnes – deux fois plus qu'il y a dix ans – soient sans domicile ; il est inacceptable que 26 % des ménages, soit 1,4 million de foyers, aient eu froid chez eux cette année. En 2022, 863 000 coupures d'énergie ou réductions de puissance ont été effectuées pour cause d'impayés, soit une augmentation de 28 % en trois ans. Ce chiffre illustre combien l'action du Gouvernement en matière de régulation des prix de l'énergie est inefficace.
Alors que 2,4 millions de nos concitoyens attendent un logement social et que 70 % de ces demandeurs sont éligibles au logement très social, aucune mesure d'ampleur n'est prise pour relancer la construction de logements abordables. Certes, ce n'était pas l'objet de ce projet de loi, mais aucune disposition n'est prise par ailleurs à ce sujet. Le Gouvernement préfère regarder du côté du logement intermédiaire,…
C'est important !
…en levant 400 millions d'euros de fonds privés auprès des assureurs pour financer des logements auxquels seuls 5 % des demandeurs sont éligibles, à savoir ceux qui sont les plus solvables.
Un nouveau projet de loi est annoncé pour la mi-juin. Nous avons tout à en craindre, car loin de répondre aux problèmes urgents, il s'attaquera à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains – loi SRU –, qui constitue à nos yeux un totem du contrat social et qui permet de répartir de manière juste l'effort de solidarité nationale entre les communes.
Nous voterons le texte issu de la commission mixte paritaire, dans la mesure où il s'appuie sur les retours d'expérience des opérateurs et des élus. Cependant, nous adressons au Gouvernement un appel pour que l'État prenne enfin ses responsabilités devant l'ampleur de la crise du logement dans laquelle notre pays est plongé.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Inaki Echaniz applaudit également.
Dans tous les territoires, nos concitoyens voient avec inquiétude des immeubles s'abîmer, se lézarder, ou même s'effondrer. Partout, les copropriétaires sont exposés aux mêmes problèmes : difficultés de gestion, impayés de charges qui s'accumulent, travaux reportés. Ceux qui en ont les moyens désertent ces lieux de vie. Demeurent les plus fragiles, enfermés dans des logements devenus dangereux et dans une spirale de paupérisation. De telles situations sont inacceptables. Les pouvoirs publics ne peuvent agir que bien trop tard, une fois que l'immeuble est dans un état tel qu'il est nécessaire de le rénover intégralement ou de le rebâtir.
Le projet de loi permettra aux collectivités et aux opérateurs d'intervenir plus en amont et d'éviter ainsi des drames humains et sociaux. J'affirme d'emblée qu'il va dans le bon sens et que le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires y est favorable, car il approuve ses grandes lignes. Le texte permet de doter les collectivités de nouveaux outils : le groupe LIOT croit justement à l'intelligence des territoires et à la capacité d'action des élus locaux. Ce maillon essentiel pourra désormais intervenir en amont, autant que cela est possible, grâce à la nouvelle procédure créée à l'article 3, par laquelle des immeubles dont l'état est remédiable pourront être expropriés. Cette disposition permettra de remettre en état un bâtiment avant que la situation soit irrémédiable, et la destruction inéluctable. Cela relève du bon sens.
Autre instrument aux mains des collectivités, les opérations de restauration immobilière pourront être déclenchées sans attendre une dégradation trop importante, en prenant en considération les enjeux de rénovation énergétique.
De même, nous saluons la décision des sénateurs de permettre aux maires de déclencher un diagnostic structurel des immeubles en zone d'habitat dégradé.
Parmi les mesures allant dans le bon sens, citons également : le droit de préemption urbain renforcé pour les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah), pour les opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) ainsi que pour les immeubles soumis à un plan de sauvegarde ; la création du régime de concession spécifique ; la possibilité de procéder à la scission ou à la subdivision des copropriétés.
Néanmoins, nous avons des doutes concernant le nouvel emprunt global collectif. S'il constituera un instrument utile pour les copropriétés qui se portent bien, il est à craindre qu'il ne puisse pas être utilisé par les copropriétés dégradées, raison pour laquelle nous avions plaidé pour une garantie publique. Le Gouvernement a fait un pas vers nous en élargissant le champ d'intervention du fonds de garantie de la rénovation énergétique ; reste à savoir quelle enveloppe sera destinée aux besoins des copropriétés car, sans moyens suffisants, le traitement des copropriétés dégradées restera une simple déclaration d'intention.
Nous sommes heureux que la navette parlementaire ait permis de durcir les sanctions contre les marchands de sommeil, qui sont des propriétaires voyous. De même, nous sommes satisfaits des quelques mesures prises en faveur de la rénovation des copropriétés en outre-mer.
Si nous saluons ces avancées, nous ne voulons pas passer sous silence les carences du texte : nous ne pourrons pas faire l'économie d'une loi qui traite de l'habitat dégradé dans les zones rurales. Face à l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) et à l'interdiction de louer des passoires thermiques, l'élu rural que je suis éprouve quelque inquiétude. En effet, la tension est très forte dans les territoire ruraux ; les habitants peinent à trouver des logements locatifs, ce qui entraîne une perte de compétitivité et des troubles sociaux. Le problème des biens sans maître, en déshérence ou en état d'abandon manifeste doit donc être traité. Nous comprenons les contraintes imposées par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets –loi « climat et résilience » –, qui a défini l'objectif de zéro artificialisation nette, mais nous devrons être aidés à aller plus loin.
Considérant que le projet de loi va dans le bon sens, les députés du groupe LIOT le voteront.
Applaudissements sur les bancs des commissions. – Mme Michèle Peyron applaudit également.
Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter est le fruit d'un très beau travail de coconstruction : des dispositions issues de l'ensemble des groupes ont été adoptées par l'Assemblée nationale, et le travail mené par le Sénat a permis d'aboutir rapidement à une CMP conclusive. Le texte final comporte une cinquantaine d'articles. Je salue l'esprit constructif qui a guidé nos travaux.
Ce texte, certes technique, porte sur le tissu urbain existant, qui est la ville de demain. Beaucoup de copropriétés sont vétustes ; certaines sont insalubres ; elles souvent dotées d'équipements énergivores. Nos concitoyens, qu'ils soient locataires ou propriétaires, ainsi que les élus, se sentent souvent démunis face aux signes de fragilité, alors que celle-ci entraîne parfois des événements tragiques, lorsque des immeubles entiers s'effondrent.
Les pouvoirs publics se sont employés à soutenir les propriétaires dans des démarches de rénovation, d'amélioration et de performance énergétiques, pour répondre à des questions juridiques, urbaines, d'ingénierie et, bien entendu, sociales. Des blocages persistent cependant, et les procédures restent longues. Le projet de loi a pour ambition de simplifier le labyrinthe administratif et de compléter la boîte à outils offerte à l'action de la puissance publique.
Dans la lignée du plan Initiative copropriétés lancé en 2018, il traduit juridiquement le retour d'expérience des opérateurs et des acteurs impliqués dans la lutte contre l'habitat dégradé dans les copropriétés, que je tiens à saluer. Le texte s'attache ainsi à moderniser les outils dont disposent les collectivités et les opérateurs pour qu'ils puissent intervenir en amont, tout en garantissant la bonne fin des opérations de requalification des copropriétés en difficulté, le cas échéant par voie d'expropriation.
La commission mixte paritaire a amélioré le projet de loi à plusieurs égards.
L'arsenal juridique contre les marchands de sommeil a été consolidé : la peine encourue a été renforcée, la définition juridique de l'infraction correspondante a été clarifiée, et un délit de location irrégulière dissimulée a été créé, sanctionnant le paiement du loyer de la main à la main, sans délivrance de quittance.
La durée de l'expérimentation permettant l'expropriation temporaire des parties communes d'un immeuble en copropriété a été portée de dix à vingt ans, et le régime d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine a été amélioré.
Afin de faciliter la réalisation des travaux, les syndicats de copropriétaires pourront souscrire un prêt collectif solidaire. Le texte élargit la couverture assurée par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique à l'ensemble des travaux de rénovation des copropriétés en difficulté : celles qui peinent à obtenir le cautionnement d'un emprunt collectif pour réaliser des travaux disposeront ainsi d'une contre-garantie publique – cette disposition est à saluer.
Nous avons renforcé le pouvoir des maires pour qu'ils puissent intervenir plus en amont afin d'éviter la dégradation du bâti, en autorisant la réalisation d'office par l'autorité compétente des mesures prescrites en cas de méconnaissance des règles d'urbanisme. Ils pourront aussi refuser le permis de louer à des colocations à baux multiples lorsque, malgré le respect des normes de décence, des conditions de vie dignes ne sont pas assurées aux habitants.
Nous avons enfin intégré des dispositions visant à responsabiliser les syndics : un nouvel agrément de syndic d'intérêt collectif attestera de la capacité à assurer la gestion de copropriétés en difficulté.
Accélérer, anticiper, faciliter l'action publique : telles sont les principales mesures opérationnelles de ce beau projet de loi, qui devrait réduire les délais de réhabilitation et permettre de s'adapter plus rapidement aux nouveaux usages de la ville.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions et du Gouvernement.
La lutte contre l'habitat dégradé est une priorité nationale. En tant que député d'une circonscription du sud de la France, je suis en première ligne pour dénoncer la dégradation des centres historiques des villes et des bourgs.
Si Marseille est meurtrie par de dramatiques effondrements d'immeubles, d'autres villes sont exposées à des situations délicates, aggravées par la sécheresse qui provoque des désordres structurels.
Depuis le milieu des années 1990, la France fait face à une augmentation alarmante des situations d'urgence et des copropriétés fragiles. Les petits propriétaires éprouvent des difficultés croissantes à entretenir leur logement ou à assumer les appels de fonds de leur copropriété, alors que les charges ont bondi de 50 % en dix ans. La hausse de la taxe foncière, conséquence directe de la suppression de la taxe d'habitation conjuguée au désengagement continu de l'État, menace dangereusement leur solvabilité.
La hausse des normes ou des contraintes énergétiques fragilise également les petits propriétaires français, alors que le coût des travaux exigés a été plombé par l'inflation des matières premières à l'issue de la crise du covid et du fait du contexte géopolitique. Le prix du bois a bondi de près de 40 % depuis 2020 ; celui du ciment et du béton a grimpé de 50 % – sans compter la hausse des prix de l'énergie, conséquence de l'augmentation des taxes imposée par le Gouvernement.
Entre se chauffer, s'éclairer, payer ses charges ou réaliser des travaux de rénovation, pour des millions de Français propriétaires paupérisés par la politique d'Emmanuel Macron, le choix est vite fait : les travaux attendront.
Certes, il existe des propriétaires bailleurs sans scrupule, mais l'habitat dégradé est majoritairement lié à la précarisation des petits propriétaires, souvent âgés, qui ne peuvent assumer des travaux de rénovation dont le coût représente fréquemment plusieurs fois la valeur de leur bien.
Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, contient certaines dispositions favorables à la réhabilitation et à la simplification du financement des travaux, comme l'insaisissabilité des comptes bancaires des copropriétés en redressement. Cependant, il est indéniablement dévoyé par votre tendance à porter atteinte aux libertés fondamentales,…
Mais enfin ! Arrêtez ce genre de procès !
…en particulier au droit à la propriété, pour des considérations qui ne touchent ni de près ni de loin à la lutte contre l'habitat indigne ou dégradé.
En témoigne l'évocation insistante de la rénovation énergétique, au nom de laquelle il serait presque légitime d'exproprier un petit propriétaire ou de lui imposer des travaux, si le diagnostic énergétique de son logement ne lui décerne pas la bonne lettre. Notez que ces diagnostics ont été épinglés le 10 janvier dernier par le Conseil d'analyse économique (CAE) pour leur manque d'objectivité. Nous vous alertons depuis des mois : votre politique du logement est fondée sur des diagnostics dont la fiabilité est constamment décriée.
Soyons clairs, l'habitat indigne et dégradé ça n'est pas un diagnostic de performance énergétique (DPE) de classe « E » ; c'est plutôt quand le Gouvernement prend un décret pour permettre la location de logements avec une hauteur sous plafond de 1,80 mètre. Pour les locataires, cette pratique du « en même temps » est de plus en plus insupportable.
N'importe quoi !
On parle d'habitat indigne quand des bailleurs sociaux gèrent un parc entier de logements moisis et le louent, sans sourciller, à des personnes qui n'ont pas d'alternatives.
Ce texte semble donc s'inscrire dans une vision politique qui réprouve la propriété immobilière.
Au nom d'une conception particulière de cette modernité dont vous vous faites les prédicateurs, une telle approche transformerait la France en un pays de locataires mobiles ; les citoyens y seraient privés de la possibilité de construire un patrimoine immobilier, et réduits à la qualité d'agents économiques gérés et déplacés à l'envie, selon la situtation économique.
Ce projet de loi présente deux difficultés majeures s'agissant des expropriations. En premier lieu, se pose la question du relogement massif, par les collectivités locales, des propriétaires occupants ou des locataires, alors que plus de 2,4 millions de Français attendent toujours qu'un logement social leur soit attribué. Comment assurer ces relogements ? Expliquez-le nous ?
En second lieu, vient le problème de la compensation des propriétaires expropriés, alors que les finances publiques sont aujourd'hui exsangues.
La résidence du Pavillon, située à Sigean, dans ma circonscription, compte 300 parcelles menacées d'expropriation par l'État ; cent personnes vivent paisiblement dans cette copropriété, à l'année.
Dans l'espoir de faire partir les copropriétaires à peu de frais, l'État, qui est dans l'incapacité de les reloger ou de les indemniser à la hauteur des enjeux, s'y livre à de l'intimidation.
Parce que, depuis 2017, nous attendons toujours un ministère de l'aménagement du territoire, ce grand oublié du macronisme ; dans la crainte des dérives que je viens d'évoquer ; parce que nous nous opposons à l'offensive menée par Emmanuel Macron contre la propriété immobilière, et parce que nous soutenons les petits propriétaires, confrontés à cette entreprise de dépossession dissimulée derrière des intentions louables, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il y a dix jours, en pleine nuit, un immeuble s'effondre à Toulouse, au 4 rue Saint-Rome. À quelques mètres près, quatre passants manquent d'être ensevelis. Le gérant d'une boîte de nuit voisine déclarera qu'à une heure près, une dizaine de personnes auraient pu risquer leur vie en se trouvant devant son établissement.
Nous ne sommes pas passés loin du drame, et je tiens à saluer les secours, les pompiers et les agents municipaux qui se sont mobilisés afin d'éviter le pire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
Après cet immeuble de la rue Saint-Rome, un immeuble voisin, rue des Puits-Clos, est évacué, et puis un autre encore, le week-end dernier, dans le quartier Belfort, en centre-ville.
Les habitants sont inquiets : les personnes évacuées ont vu leur logement s'effondrer ; les autres ont entendu la déflagration de l'effondrement, et ont pu observer la poussière et les débris.
L'équipe municipale parle de la psychose des Toulousains qui la contacte après l'effondrement. Pourtant, il n'y a pas de psychose ; il y a seulement des habitants qui se rendent compte que rien n'a été fait depuis des années.
Tant de questions se posent dans les rues de Toulouse.
M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur, s'exclame.
Pourquoi aucune évaluation de l'habitat dégradé n'a été entreprise depuis le retour au pouvoir du maire M. Moudenc, il y a dix ans ? Pourquoi a-t-il enterré l'évaluation lancée par la précédente municipalité ? Pourquoi aucune campagne d'information sur les démarches à suivre en cas de signal dangereux n'a été mise en place ? Pourquoi n'y a-t-il aucun accompagnement significatif pour les victimes des évacuations ?
Ici comme ailleurs, nous payons la négligence et la démission d'un maire qui refuse de réguler le marché du logement. Au détriment de la sécurité des bâtiments, et donc des habitants, ce maire préfère transformer l'hypercentre de Toulouse en terrain de chasse pour les spéculateurs et les promoteurs.
Nous sommes une nuit, rue Saint-Rome, à Toulouse ; mais nous sommes aussi, un matin du 5 novembre, à Marseille, quand deux immeubles s'effondrent dans le quartier Noailles, causant la mort de huit personnes. Nous disons notre soutien à leurs proches, qui continuent d'œuvrer pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire – nous pensons à eux affectueusement.
Nous sommes les habitants de près de 2 millions de logements situés dans des copropriétés fragiles et en difficulté. Ces personnes, qui vivent dans un habitat incertain, sont souvent des locataires dont le loyer a plus que doublé en quarante ans, alors que leurs revenus n'ont pas augmenté ; ce sont aussi des petits propriétaires occupants.
Selon la Fondation Abbé Pierre, l'explosion des loyers dans le parc privé décent et le manque de logements accessibles ont pour effet d'alimenter un marché de l'habitat dégradé. Parmi les ménages les plus pauvres, ceux qui souhaitent accéder à la propriété s'engagent sur ce marché. Cependant, une fois devenus propriétaires, ils ne peuvent pas faire face au poids des charges et des travaux à effectuer, et ils se retrouvent endettés et piégés dans un logement parfois inhabitable.
Face à cette situation, vous proposez un projet de loi qui comporte des dispositions positives, comme, pour les collectivités, le droit de préemption urbain sur les immeubles dégradés.
Hélas, ces dispositions sont limitées par vos contradictions, qui nous poussent à l'abstention. Première contradiction : aucun moyen financier n'accompagne les dispositions prévues, alors que les collectivités subissent déjà vos coupes budgétaires. Seconde contradiction : vous faites l'impasse sur les causes de la dégradation des copropriétés, en particulier sur l'appauvrissement des copropriétaires, qui sont particulièrement touchés par l'inflation des charges d'énergie et d'entretien.
Par ailleurs, que penser de votre décret du 29 juillet 2023, qu'on aurait pu renommer « porte ouverte aux marchands de sommeil » ? Ce décret, en parallèle du projet de loi, autorise désormais la location de logements d'une hauteur de 1,80 mètre et de sous-sols, pourtant considérés comme impropres à l'habitation.
Voilà un double visage qui ne nous inspire pas confiance et qui nous amène à nous interroger sur votre réelle volonté de prendre à bras-le-corps les problèmes des habitats dégradés.
Pourtant, tout au long de l'examen du texte, nous avons fait des propositions. Permettez-moi de vous en citer trois parmi d'autres : mettre un guichet unique public pour organiser la rénovation par les propriétaires individuels ; développer un patrimoine foncier public échappant à la spéculation au niveau des collectivités ; rendre le permis de louer obligatoire dans les zones qui connaissent des situations d'habitat indigne.
En ce qui nous concerne, nous proposons un chemin de remise en ordre de la pagaille qu'a semé le capitalisme sur notre planète, dans nos vies et jusque dans nos logements. Ce chemin, c'est celui de la planification écologique, qui va de pair avec la planification urbaine, afin de permettre à chacun de vivre dans un logement sûr.
Comme le disait Mona Chollet, le logement n'est pas qu'un toit sur la tête ; il est aussi constitutif de notre intimité, de notre bien-être. Le logement est un lieu où l'on doit pouvoir se retrouver sans s'inquiéter de savoir si notre immeuble va s'effondrer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire, qui a réussi, le jeudi 14 mars dernier, à trouver un accord sur un texte de compromis relatif aux dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.
Alors que le secteur du logement traverse une grave crise, inédite par son caractère protéiforme, nous attendions de la part du Gouvernement des mesures d'urgence structurantes. Hélas, c'est un peu une occasion manquée. Nous regrettons profondément la faible portée d'un projet de loi qui se limite à l'habitat dégradé ; il s'agit d'un réel enjeu, mais il y en a tant d'autres.
Monsieur le ministre, nous tirons à nouveau la sonnette d'alarme : la simplification annoncée ne suffira pas. Je vous le dis avec gravité, il faut des mesures fortes, à la hauteur de la situation, pour remédier non seulement à la crise de la demande, mais aussi à celles de l'investissement et du financement, et la crise de confiance des propriétaires envers la location.
Cela étant dit, toutes les mesures allant dans le bon sens méritent d'être considérées. Même si leur portée est limitée, je pense aux mesures prévues par ce projet de loi. Nous les soutiendrons, en commençant par l'élargissement du périmètre des travaux éligibles pour les opérations de restauration immobilière, prévu à l'article 1er .
Le texte présenté initialement par le Gouvernement se limitait à dix-sept articles ; il était bien incomplet. En commission à l'Assemblée, nous l'avons complété avec douze articles. Le Gouvernement a lui-même ajouté ensuite dix-huit articles en séance, afin de pallier les obstacles liés aux irrecevabilités – signe que le projet initial était perfectible et qu'il y avait de nombreuses lacunes à combler.
Oui, c'est le travail parlementaire.
Le projet issu de la navette avec le Sénat, après cette CMP conclusive, contient cinquante articles. La majorité de ces articles reprend une rédaction sénatoriale, ce qui a notamment permis d'élargir les dispositions aux centres anciens de nos territoires, parfois oubliés parmi les possibilités d'actions permises par ce projet.
Je me réjouis de constater que les réserves que j'avais émises ont été entendues au Sénat et que des ajustements ont été retenus. Je pense en particulier aux risques liés à l'emprunt collectif imaginé à l'article 2. Je me réjouis également que les améliorations que nous avions apportées ici en première lecture aient été confirmées en CMP.
Le texte issu de la CMP contient de nombreuses mesures attendues, afin de faciliter, de simplifier et d'accélérer la rénovation de l'habitat dégradé. Oui, il faut compléter les outils mis à disposition des maires, en espérant qu'ils pourront s'en saisir. Oui, il faut également compléter notre arsenal législatif, afin de mieux lutter contre les marchands de sommeil – en espérant que la justice applique les sanctions prévues.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Les Républicains votera pour ce projet de loi, dans la rédaction finale issue de la CMP, même s'il est bien conscient que ce texte demeure insuffisant pour vraiment relancer les opérations de rénovation sur l'ensemble du territoire.
Au-delà du fonds de garantie de la rénovation énergétique, qui pourra désormais soutenir les copropriétés dégradées, il appartiendra au Gouvernement de prévoir les moyens nécessaires.
Si nous voulons relever le défi de la rénovation énergétique, alors que les crédits sont sous-consommés, il y a urgence à faciliter l'accès aux aides à l'investissement, partout, et pour tous.
Nous vous avions alerté l'automne dernier sur les effets délétères des évolutions que vous introduisiez du dispositif MaPrimeRénov', mais la marche arrière a été enclenchée trop tardivement. Il y a eu un sérieux coup de frein, avec près de 40 % de dossiers en moins durant les deux premiers mois de 2024. Il va falloir les rattraper.
Un ajustement du calendrier d'indécence énergétique sera nécessaire pour restaurer la confiance et favoriser l'engagement de tous. Le calendrier prévu actuellement par la loi est intenable ; il risque de provoquer une sortie massive de logements du marché locatif, alors que nous en manquons déjà cruellement. Il y a urgence à continuer à permettre la location, à partir du moment où le propriétaire s'est engagé, à travers sa copropriété, à un programme pluriannuel de travaux avec le financement imposé qui l'accompagne.
Monsieur le ministre, je vous invite surtout à reprendre nos propositions pragmatiques, concertées avec les acteurs du secteur, afin de relancer efficacement l'accession à la propriété sur l'ensemble du territoire, de fluidifier le marché locatif et de stimuler l'investissement dans la pierre.
N'ayons pas peur d'une rénovation radicale de la politique du logement menée en France depuis sept années.
Je n'ai pas peur, monsieur le député.
Sourires.
Cette politique dégradée a conduit à la crise, et surtout à déconsidérer durablement et injustement les propriétaires de maisons, alors que l'accès à la propriété est la principale aspiration de nos concitoyens, pour leur sécurité et leur bien-être – vous le savez bien dans votre territoire d'élection.
Ainsi, l'habitat dégradé peut toucher des territoires ruraux, des métropoles et des petites communes. Pour rendre effectives les promesses de ce projet de loi, il sera donc important que l'État prévoit les moyens d'accompagner équitablement toutes les communes concernées par ce fléau, quelles que soient leur taille, la forme du bâti ou leur localisation, en zone tendue ou non.
Chers collègues, il y a encore du pain sur la planche. Vous pouvez compter sur notre engagement en faveur du rétablissement d'une véritable politique équitable d'aménagement de notre territoire.
M. Guillaume Vuilletet, rapporteur, applaudit.
Alors que les échanges à l'Assemblée avaient déjà été très constructifs entre les différents groupes, nous pouvons nous réjouir du travail de qualité et de la bonne coopération entre l'Assemblée et le Sénat. Ce travail a abouti à un texte équilibré, qui apportera de nouveaux outils essentiels aux représentants de l'État, aux collectivités, aux syndicats de copropriété et à tous les acteurs de la rénovation des bâtiments.
Malgré son apparence technique, ce texte recèle de nombreuses avancées, très attendues par les acteurs publics et par les nombreuses copropriétés qui se retrouvent aujourd'hui sans solution face à la dégradation de leur bâti.
Un seul mot d'ordre doit désormais guider leur action : agir le plus en amont possible des dégradations, afin d'éviter d'en arriver aux solutions radicales ouvertes dans ce texte, agir afin d'éviter des accidents tragiques.
Nous ne pouvons plus laisser en danger des centaines de milliers de personnes en les faisant vivre dans des conditions indignes.
Les mesures de bon sens proposées dans ce texte permettront d'éviter l'attentisme, trop répandu aujourd'hui, qui amène à laisser la situation empirer sans que les pouvoirs publics puissent agir. Je pense, en particulier, à l'extension du champ des travaux pouvant faire l'objet d'une opération de restauration immobilière, et aux nouvelles procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Je me félicite également du renforcement des pouvoirs octroyés aux collectivités, notamment grâce au dispositif de préemption des copropriétés dégradées.
La prévention, au plus proche du terrain, sera renforcée par la possibilité donnée aux maires de définir des secteurs d'habitats dégradés pour renforcer les diagnostics, et le devoir de vigilance des copropriétés.
À l'initiative du rapporteur, Guillaume Vuilletet, nos débats ont également permis d'apporter de nouvelles facilités d'expropriations pour les immeubles fortement dégradés, tout en garantissant aux occupants un relogement temporaire. Nous espérons que les outils que nous mettons à disposition des différents acteurs publics seront toujours utilisés avec cette vision humaniste.
Notre assemblée a aussi souhaité renforcer les mesures de lutte contre les marchands de sommeil, notamment en renforçant les sanctions pénales et en interdisant de payer le loyer de la main à la main. C'était un non-dit de ce texte, mais il était impératif de le rappeler : nous ne pouvons pas laisser prospérer des marchands de malheur qui profiteraient de la misère et de notre incapacité à agir.
Enfin, la possibilité pour les copropriétaires de souscrire un prêt collectif pour financer les travaux essentiels à la préservation et au bon entretien de l'immeuble, ou les travaux de rénovation énergétique, est une avancée majeure : face à des situations bloquées – dont nous avons tous déjà été témoins –, il était impératif d'élargir la palette des possibilités offertes aux copropriétaires. Dans la même logique, l'élargissement du fonds de garantie pour la rénovation énergétique à l'ensemble des travaux de rénovation pour les copropriétés en difficulté va dans le bon sens.
Ces mesures essentielles prouvent que nous sommes au travail pour résoudre, pas à pas, la crise du logement à laquelle nous faisons face ; et cela ne peut se faire qu'en unissant toutes les bonnes volontés et les bonnes idées. S'abstenir sur ce texte revient à minimiser le phénomène ; critiquer sans formuler de propositions revient à être un marchand de cauchemars – c'est tout aussi nuisible qu'un marchand de sommeil. Renoncer à l'espoir, c'est renoncer à la vie. Nous continuerons à répondre présents pour bâtir, pierre après pierre, un logement digne pour tous les âges et toutes les bourses.
Eu égard aux avancées que j'ai soulignées, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur ceux des commissions.
Sur la question du logement, c'est peu dire qu'il existe d'importantes divergences entre le Gouvernement, sa majorité, et les oppositions ; et les annonces du Premier ministre lors de son discours de politique générale ne risquent pas de les atténuer – pas plus qu'elles n'apportent de solution à la crise du logement. Voilà près de sept ans déjà que nous avons eu la démonstration de la cécité, voire du total désintérêt, du Président de la République et de son entourage sur la question du logement.
En l'absence de ligne directrice, c'est donc Bercy qui, trop souvent, fait la pluie et le beau temps – même lorsque l'argument budgétaire se retourne contre lui : le Gouvernement a ainsi vu près de 5 milliards d'euros de TVA lui échapper faute de construction de logements, résultat d'une crise qu'il a lui-même engendrée, en plus des 300 millions d'euros d'économies qu'il s'est refusé à faire sur la niche fiscale Airbnb lors de la dernière loi de finances.
Cependant, on note une petite évolution durant cette législature, marquée, je crois, par une prise de conscience et une convergence des parlementaires de tous bords sur le constat d'une crise profonde, à défaut d'un accord sur les solutions. Nous avons ainsi pu avancer de manière transpartisane sur plusieurs sujets particuliers, comme l'illustrent la proposition de loi que je défends avec Annaïg Le Meur, adoptée en janvier par notre assemblée et qui sera inscrite dans les semaines à venir, au printemps, à l'ordre du jour du Sénat,…
Sourires.
…ou celle de notre collègue Romain Daubié, membre du groupe MODEM, visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, texte adopté à une large majorité ici même, il y a quelques jours. Je ne doute pas que ce sera à nouveau le cas aujourd'hui pour ce projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé, tant il répond à une attente forte des élus locaux confrontés à ces situations.
Je tiens à saluer à nouveau le travail de nos collègues rapporteurs, ouverts à la coconstruction. Comme nous l'avions fait lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, le groupe Socialistes et apparentés a ainsi pris toute sa part dans l'amélioration de ce texte. J'en veux pour preuve l'adoption de vingt-trois de nos amendements en commission et en séance en première lecture. En retenant la notion de poursuite de la dégradation de l'immeuble plutôt que celle de dégradation à terme irrémédiable, qui apparaissait très complexe à démontrer…
…nous avons objectivé le mécanisme d'expropriation à titre remédiable prévu à l'article 3 et l'avons rendu plus opérant.
Nous avons également mieux encadré les indemnités d'expropriation ou les conditions de relogement des personnes expropriées. Dans un souci de coordination avec le droit existant, le Gouvernement a d'ailleurs proposé, lors de l'examen du texte en séance au Sénat, une réécriture du dispositif d'expropriation pour les marchands de sommeil, que nous avions adopté en première lecture : nous serons vigilants quant à l'efficacité de cette nouvelle rédaction, monsieur le ministre, car sa simplification ne doit pas atténuer la portée de notre ambition. Nous serons également attentifs à ce que les engagements pris dans le cadre de l'article 2 au sujet du prêt collectif soient tenus.
Nous l'avons dit tout au long des débats, il est essentiel que l'État permette à l'ensemble des copropriétés, y compris celles en difficulté, d'accéder réellement au prêt et au cautionnement, en se portant garant ou à travers d'autres mécanismes. Il y va du succès du dispositif et, finalement, de la bonne réalisation des travaux, notamment ceux de rénovation énergétique.
Le Sénat puis la commission mixte paritaire ont globalement poursuivi ce travail sérieux, et je me réjouis que l'équilibre trouvé ici en première lecture ait été préservé. Si nous aurions souhaité aller plus loin sur certaines mesures – notamment en matière de lutte contre les marchands de sommeil –, nous ne minorons pas les progrès apportés par ce texte. Sans surprise, nous voterons donc à nouveau en faveur de ce projet de loi.
Pour répondre à l'ambition de ce texte, et transcrire le subtil équilibre entre atteinte au droit de propriété et intérêt général, les dispositions réglementaires devront être claires, lisibles, et simples à appliquer. J'en appelle à votre appétence bien connue pour la simplification administrative, monsieur le ministre, pour vous demander de vous assurer que l'administration ne rendra pas inopérantes ou inefficaces les dispositions adoptées par le législateur.
Vous pouvez compter sur moi !
J'espère vous retrouver bientôt pour d'autres CMP conclusives sur le logement !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – Applaudissements sur les bancs des commissions.
Ce projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement nous apporte des outils supplémentaires pour réduire les effets de la crise du logement que nous traversons. Le texte sur lequel la commission mixte paritaire s'est accordée vise ainsi à améliorer l'information des copropriétaires et leur contrôle sur les syndicats de copropriété, faciliter la souscription de prêts collectifs pour financer les travaux de rénovation, renforcer l'arsenal juridique et pénal de lutte contre les marchands de sommeil, ainsi que les outils à la main des collectivités et des opérateurs pour intervenir sur les copropriétés dégradées le plus en amont possible, et faciliter les travaux de rénovation énergétiques des logements.
Face aux nombreuses difficultés rencontrées par les copropriétés, à la multiplication, ces dernières années, des situations d'urgence, et à l'accélération de la dégradation des grands ensembles et petites copropriétés dans les centres-villes, nous avons besoin d'agir et de travailler collectivement.
Si la gestion d'une copropriété relève de la sphère privée, les problèmes de sécurité et de salubrité provoqués par une dégradation avancée sont, eux, des enjeux publics auxquels nous devons apporter des solutions. Or le bilan à mi-parcours du plan Initiative copropriétés a montré que les dispositions actuelles ne produisaient pas pleinement leurs effets. Il était donc nécessaire de renforcer le PIC afin d'accélérer son déploiement. De plus, il est important que nous nous dotions de mesures permettant d'intervenir en amont, car une intervention tardive entraîne des conséquences socio-économiques bien plus importantes.
Le premier chapitre du projet de loi tend à autoriser la souscription d'un prêt collectif pour financer les travaux des copropriétés par un vote à la majorité absolue des copropriétaires lors de l'assemblée générale. Cette mesure devrait faciliter en amont la réalisation des travaux de rénovation nécessaires avant la dégradation du bâti, dans un double objectif d'amélioration du cadre de vie et de transition écologique.
Afin d'accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés, ainsi que les opérations d'aménagement stratégiques, le second chapitre prévoit, entre autres, la sécurisation juridique des expropriations nécessaires pour assurer la sécurité des habitants ou indispensables pour accélérer les opérations de recyclage urbain de grandes friches. Cette mesure vise à répondre localement à la demande de production de logements, là où les programmes de traitement des copropriétés dégradées et en difficulté s'étalent actuellement sur de nombreuses années.
L'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale a permis de renforcer sa portée, notamment en modernisant le fonctionnement des copropriétés et en assurant une meilleure circulation de l'information, mais aussi de renforcer les outils de lutte contre les marchands de sommeil et d'augmenter le pouvoir des élus locaux, afin qu'ils puissent faire appliquer les décisions de démolition de constructions irrégulières jugées dangereuses pour la sécurité et la santé des habitants.
Ce texte de protection des copropriétés les plus vulnérables et de leurs habitants constitue un levier nécessaire de notre politique du logement. Pour toutes les raisons évoquées, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur, applaudit aussi.
Fin janvier, à Marseille, un enfant de 4 ans est décédé suite à un incendie dans l'une des grandes copropriétés dégradées les plus connues de la ville – un drame de plus, qui s'ajoute à une liste déjà trop longue depuis l'effondrement meurtrier de la rue d'Aubagne. Samedi 9 mars 2024, il y a dix jours, en plein centre historique de Toulouse, rue Saint-Rome, un immeuble d'habitations et de commerces s'est effondré de manière spectaculaire – fort heureusement, sans faire aucune victime, grâce au signalement, quelques jours plus tôt, de l'un des occupants. Le week-end dernier, un autre immeuble qui présentait d'importantes fissures a dû être évacué, contraignant les habitants à quitter leur logement. Nous avons, bien entendu, une pensée pour celles et ceux dont la vie a été prise ou a basculé à cause de l'habitat indigne.
Suite à cet épisode, la plateforme de la mairie de Toulouse a reçu, en dix jours, pas moins de 1 500 appels pour signaler des problèmes structurels sur des immeubles, soit déjà cinq fois plus que le nombre moyen d'appels enregistré d'ordinaire chaque année. Cela témoigne à la fois de l'inquiétude grandissante des habitants s'agissant de la vétusté de leur logement vieillissant, et, évidemment, du besoin d'une réponse forte de l'État pour mettre en sécurité nos concitoyens et concitoyennes. À l'échelle nationale, les chiffres sont très préoccupants : sur les 500 000 copropriétés en France, 107 000 sont qualifiées de fragiles, et on estime que plus d'1 million de Françaises et de Français occuperaient un logement dont l'état est préoccupant.
Les députés écologistes soutiendront donc ce texte, fruit des propositions du rapport remis en octobre à Patrice Vergriete, alors ministre délégué chargé du logement, par Michèle Lutz, maire de Mulhouse, et Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis, suite à la mission qui leur avait été confiée pour accélérer la lutte contre l'habitat indigne. Si ce projet de loi aurait pu aller plus loin, il propose un nouveau cadre pour intervenir sur les immeubles dégradés le plus en amont possible, et ainsi éviter d'en arriver à un degré irrémédiable d'insalubrité, qui ne pourrait qu'entraîner l'évacuation pour démolition. Il prévoit également des sanctions contre les marchands de sommeil, qui tirent allègrement profit de la précarité des locataires, ainsi que des outils intéressants pour accélérer la rénovation des copropriétés, qui rencontrent des difficultés pour lancer les travaux nécessaires à leur salubrité ou à l'efficacité énergétique – s'agissant des immeubles appartenant à plusieurs propriétaires. Il permettra en outre davantage de transparence à l'égard des occupants, et un diagnostic plus efficace des immeubles à risque par les collectivités.
Toutefois, nous souhaitons vous alerter sur plusieurs points.
Le caractère indigne d'un logement ne se mesure pas uniquement par la présence ou l'absence de risque d'effondrement, d'infiltrations ou de problèmes sanitaires. En 2023, à l'occasion de la niche Écologiste, la représentation nationale adoptait une proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l'argile, qui mettait en lumière la nécessaire adaptation des logements et des dispositifs assurantiels aux risques liés au changement climatique.
Cela témoigne de l'engagement des écologistes en faveur de politiques favorisant l'accès de toutes et tous à un logement digne et sécurisé, y compris face aux incertitudes climatiques – toutes les mesures que nous adoptons au Parlement aujourd'hui doivent prendre en compte les risques de demain.
Autre enjeu que nous défendons, et dont nous invitons le Gouvernement à se saisir sérieusement : l'habitabilité des logements en cas de vague de froid ou de fortes chaleurs. Il ne s'agit plus d'une question de confort en été ou en hiver, mais bien de la protection des populations dans les logements. Alors que les effets du changement climatique s'accélèrent d'année en année, cet enjeu doit être prioritaire.
La rénovation énergétique n'est pas une simple question de travaux que les propriétaires doivent réaliser selon un calendrier perpétuellement remis en cause, mais bien une question vitale de justice sociale : quand on crève de chaud pendant une canicule ou qu'on meurt de froid et d'humidité dans des logements mal isolés, il y va tout à la fois de la dignité de chacun et de la santé publique.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, lors du vote du premier budget de la législature – à l'époque où la majorité faisait encore semblant de nous laisser débattre avant de recourir au 49.3 –, notre assemblée avait adopté des amendements de la NUPES visant à accorder 12 milliards d'euros à la rénovation thermique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. François Ruffin applaudit également.
Monsieur le ministre, je vous invite sincèrement à nous entendre sur ce point : la rénovation énergétique n'est pas une variable d'ajustement de la politique du logement, ni de la politique budgétaire du pays.
Alors que nous devrions avoir un objectif national de 370 000 rénovations performantes par an d'ici à 2030, le budget de MaPrimeRénov' a diminué de plus de 1 milliard d'euros : ce n'est pas à la hauteur. Le défi est vertigineux, ne reculez pas devant l'obstacle.
La crise actuelle du logement touche toutes les catégories de la population : locataires, propriétaires, étudiants, sans-abri. Le niveau des taux d'intérêt freine toujours l'accès à la propriété, le marché locatif est paralysé, le logement social est à bout de souffle et vous le fragilisez davantage en démantelant la loi SRU. Le mal-logement et le sans-abrisme ne cessent de progresser. Monsieur le ministre, chers collègues, face à tous ces défis, le groupe Écologiste aimerait que la politique du logement, dans son ensemble, fasse l'objet d'une convergence aussi forte que celle qui nous rassemble pour l'adoption de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La discussion générale est close.
Sur le texte de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'appelle maintenant, le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, j'appelle l'Assemblée nationale à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisie.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
L'amendement n° 1 , modifiant l'article 8 bis, accepté par la commission, est adopté.
Cinq minutes ne se sont pas écoulées depuis son annonce mais, sauf avis contraire, je propose de procéder au scrutin public.
Assentiment.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement qui vient d'être adopté par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 171
Majorité absolue 86
Pour l'adoption 171
Contre 0
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Je remercie l'ensemble des députés pour ce large vote et pour l'extraordinaire travail parlementaire réalisé. Le parcours législatif a vu l'adoption de très nombreux amendements. Poursuivons ensemble notre travail en faveur du logement !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie (n° 2327).
La parole est à Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Nous pouvons enfin vous présenter la rédaction définitive de cette proposition de loi qui a connu un parcours législatif pour le moins sinueux. Je me réjouis qu'elle soit aujourd'hui soumise à votre vote, tant je suis convaincue de son bien-fondé et de sa nécessité. Depuis 2017, le champ de l'autonomie se structure progressivement, notamment avec la création en 2020 de la branche autonomie, souvent évoquée sur ces bancs mais toujours repoussée : nous l'avons défendue et son budget atteindra 41 milliards d'euros cette année.
Toutefois, de nombreux défis restent encore à relever pour améliorer la prise en charge des personnes âgées et en situation de vulnérabilité, selon une approche globale et dans un parcours coordonné. Cette proposition de loi a pour objectif de répondre sans plus attendre à une partie de ces défis de façon pragmatique. J'entends pourtant, sur divers bancs, que certains envisagent de ne pas voter le texte, déçus par l'absence de la loi « grand âge » tant attendue, et que j'appelle tout comme vous de mes vœux.
Cette initiative parlementaire collective propose un socle de mesures qui amélioreront rapidement et concrètement le quotidien des personnes âgées, de leurs proches aidants et des professionnels qui les accompagnent. Elle jette ainsi les fondements d'une société du bien vieillir et de l'autonomie, avant d'aller plus loin, ensemble et grâce à l'engagement du Gouvernement.
Permettez-moi, chers collègues, d'évoquer maintenant les mesures les plus emblématiques de ce texte. En premier lieu, une série de dispositifs vise à lutter de manière plus ciblée et plus efficace contre toutes les formes de maltraitance : ainsi, dans chaque département, sera créée une cellule de recueil, de suivi et d'analyse des situations de maltraitance. C'est une réponse concrète que l'on ne peut qu'approuver.
Nous consacrons également un droit de visite pour les résidents en Ehpad, les personnes hospitalisées et les personnes en fin de vie. Ayant tous à l'esprit les situations dramatiques vécues durant la période du covid, nous empêchons ainsi qu'elles ne se reproduisent. En transmettant aux directeurs d'établissement les antécédents judiciaires avec mention des condamnations non définitives et des mises en examen, nous leur permettons de prendre des mesures d'éloignement et nous protégeons davantage les personnes vulnérables.
Par ailleurs, une carte professionnelle sera délivrée aux intervenants du domicile, pour reconnaître et valoriser leurs compétences, faciliter leur quotidien mais aussi pour sécuriser et rassurer les personnes accompagnées à domicile. De plus, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourra attribuer aux départements 100 millions d'euros par an pour soutenir les aides à la mobilité des intervenants à domicile, y compris le financement du permis de conduire.
Nous proposons aussi l'expérimentation d'un financement des services à domicile par une dotation forfaitaire ou globale en remplacement de tout ou partie de la tarification horaire, et nous facilitons le déploiement des services autonomie à domicile par des mesures d'assouplissement et de rallongement de la durée de demande d'autorisation. C'était une demande de longue date des professionnels.
Par ailleurs, nous imposons un principe de transparence des évaluations de la qualité et la publication d'indicateurs, pour restaurer la confiance dans nos établissements. Avec le même objectif, nous renforçons les contrôles des Ehpad par une application contraignante des recommandations établies, et nous régulons les changements importants dans les modalités de prise de contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS). À tout cela, s'ajoutent les mesures que ma collègue Laurence Cristol ne manquera pas de vous présenter.
Sincèrement, mes chers collègues, si vous votez contre cette proposition de loi,…
Sourires.
…vous direz non à toutes ces avancées concrètes et immédiates, à ces mesures tant attendues que nombre d'entre vous réclament de longue date et ont d'ailleurs votées en première lecture il y a quelques mois. Voter en faveur de ce texte, c'est soutenir et aider vos parents, vos grands-parents, vous ou votre conjoint, aujourd'hui ou demain : pensez à celles et ceux qui vous ont élevés, aimés, et aidés à grandir !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous le leur devons. Mes chers collègues, la posture politique, même au nom d'une légitime pression, justifie-t-elle de priver nos aînés, nos chers proches, et tout un secteur professionnel, de mesures qu'ils attendent ?
Nos aînés méritent toute notre attention : je sais que vous me rejoindrez sur ce point. Merci pour eux !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente de la commission mixte paritaire, et Mme Laurence Cristol, rapporteure, applaudissent également.
La parole est à Mme Laurence Cristol, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Réforme des services à domicile, réforme du financement des Ehpad, création d'une cinquième branche associée à de nouveaux financements, plan de recrutement, Ségur de la santé et accords Laforcade : l'effort national pour nos personnes âgées n'aura jamais été aussi important que ces dernières années. Et pourtant, les maux du secteur demeurent multiples et ne cesseront de s'aggraver avec la transition démographique que nous vivons. Ils sont anciens, fruits d'une politique construite de manière incrémentale et par strates successives, qui crée de nombreux silos et connaît des besoins de financement croissants.
Cette proposition de loi, qui répond à un grand nombre d'enjeux concrets, est forte d'un parcours de dix-huit mois et riche d'améliorations des différents groupes de l'Assemblée, largement préservées en commission mixte paritaire (CMP). Tout d'abord, son article 1er rétablit la conférence nationale de l'autonomie dans un format identique à celui de la Conférence nationale du handicap (CNH). C'était important car, avec une espérance de vie sans incapacité inférieure à la moyenne européenne, nous avons besoin d'une plus grande cohérence dans l'action et d'une prévention assortie d'orientations définies nationalement, soutenues politiquement et déclinées territorialement. Dans le même sens, l'article 11 permet de renforcer le financement de la prévention en Ehpad, par l'intermédiaire du forfait soins.
Les personnes âgées et leurs aidants courent trop souvent de guichet en guichet pendant de longs mois avant d'accéder à leurs droits. Or, ce n'est pas aux personnes âgées vulnérables de s'adapter à la multiplicité des acteurs, mais bien aux acteurs de s'adapter aux personnes âgées. C'est pourquoi nous avons créé le service public départemental de l'autonomie (SPDA). Suivant la volonté du Sénat, nous avons permis que soient créés, dans une logique de proximité, des territoires de l'autonomie qui ne se substituent pas à la conférence départementale.
Avec le Sénat, nous avons maintenu le développement des registres canicule, ce qui conforte le rôle des maires dans la lutte contre l'isolement social. Nous avons retenu une rédaction clarifiée, tout en conservant les enrichissements adoptés à l'Assemblée. Nous avons également maintenu la généralisation des dispositifs Icope – soins intégrés pour personnes âgées – et Eqlaat – équipe locale d'accompagnement sur les aides techniques –, pour lequels nous attendons des arbitrages rapides dans la perspective du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant des établissements, outre la suppression de l'obligation alimentaire pour les petits-enfants dans le cadre de l'ASH – aide sociale à l'hébergement –, la CMP a adopté une rédaction de compromis pour une modulation encadrée des tarifs d'hébergement, qui offrira davantage de marges de manœuvre à nos Ehpad, en particulier publics, qui en ont tant besoin.
Autre demande très forte de beaucoup de nos collègues députés : nous avons rétabli le droit à l'accueil de son animal de compagnie en Ehpad, tout en l'encadrant pour ne pas mettre en difficulté les professionnels.
Enfin, nous avons rapidement trouvé un accord avec le Sénat au sujet de l'habitat intermédiaire, afin d'accélérer le dépassement du caractère binaire de l'offre entre logement autonome et prise en charge en établissement.
Au fil de ces dix-huit mois, des principes nous ont guidés : travailler avec toutes les propositions de la majorité comme de l'opposition ; mettre au centre de la réflexion les besoins concrets des personnes âgées et de leurs proches ; rompre avec des arrangements institutionnels, en favorisant la coordination des acteurs ; enfin, respecter le caractère partenarial de la politique en donnant du temps pour traiter des sujets qui doivent faire l'objet de concertations approfondies. Concerter est la condition nécessaire et urgente à l'élaboration d'une loi de programmation pluriannuelle, à laquelle j'ai donné un avis favorable et dont nous avons adopté le principe à l'unanimité.
Je regrette évidemment que certains minimisent la portée de cette proposition de loi, en laissant accroire que clarifier le pilotage local et national, lutter bien plus efficacement contre les maltraitances ou améliorer le quotidien des aides à domicile relèverait de mesures cosmétiques. Ils minimisent sa portée, certainement parce que souligner ces avancées risquerait, selon eux, d'hypothéquer l'avenir d'une loi relative au grand âge. Mais le réel nous oblige à voir les nuages s'accumuler au-dessus du secteur, c'est pourquoi nous devons partager une projection pluriannuelle des besoins, des financements et des responsabilités. Mettre à plat les désaccords par la concertation, ce sera déjà commencer à agir. La méthode reste ici secondaire : il s'agit de créer un horizon mobilisateur pour l'ensemble des acteurs et de garantir les droits des personnes âgées en perte d'autonomie, aujourd'hui et dans le futur.
À la fin des fins – et j'ai une pensée ici pour les résidents et les patients que j'accompagne depuis trente ans – garantir les droits des usagers, c'est assurer la plus essentielle et fondamentale dignité des personnes. Pour faire société, nous le devons aux personnes âgées en perte d'autonomie. Alors, votons ce texte, traçons collectivement un chemin et montrons que notre assemblée peut s'unir pour les personnes âgées !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur ceux des commissions. – Mme Maud Petit applaudit également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Nous sommes réunis à l'occasion de l'ultime étape de l'examen de cette proposition de loi qui a au cœur une ambition partagée par notre gouvernement, celle d'œuvrer concrètement à la construction d'une véritable société du bien vieillir et de l'autonomie. Ses nombreuses dispositions sont autant de briques pour ce chantier du grand âge – chantier majeur, immense, et surtout indispensable à l'avenir de notre pays. Nous l'avons engagé dès 2017, mais il reste encore beaucoup à faire !
Dans dix ans, mesdames et messieurs les députés, un quart des Français aura 65 ans ou davantage. Ce sera peut-être votre cas ; c'est sans doute déjà celui de vos parents ou grands-parents. Il s'agit d'une réalité qui nous concerne toutes et tous, à laquelle nous devons collectivement nous préparer. Au-delà des questions de santé publique et des enjeux évidents liés à la perte d'autonomie liés à cette transition démographique, les rapports avec les aînés en disent long sur l'état d'une société.
En France, le modèle de protection sociale repose sur la solidarité entre générations : c'est là quelque chose dont il faut être fiers, qu'il faut préserver et renforcer ! Depuis 2017, je le répète, le Président de la République en a toujours fait une priorité ; les gouvernements successifs se sont attelés, avec constance et détermination, à sécuriser les services d'aide à domicile, et les établissements. Comment ne pas évoquer la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l'autonomie, par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, qu'en tant que députée, j'ai votée à vos côtés ? Cette mesure et le parachèvement de la transformation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en caisse nationale de sécurité sociale furent l'une des réformes les plus importantes de notre système de protection sociale, depuis son instauration. Rappelons que le budget de cette cinquième branche s'élève cette année à 40 milliards d'euros et sera de 45 milliards en 2027.
Autre réforme ambitieuse que nous avons lancée : la création des services autonomie à domicile (SAD), véritables services intégrés fusionnant le soin et l'aide, afin que chacun puisse être accompagné et soigné chez lui lorsqu'il le souhaite. Maillant tout le territoire, ils permettront au plus grand nombre de vieillir à domicile en toute sécurité.
Face à la crise de confiance qu'a subie le secteur, un plan d'inspection systématique des Ehpad a déjà permis de contrôler la moitié des quelque 7 500 établissements du territoire national. Je peux vous assurer que nous poursuivrons et amplifierons résolument cette démarche consistant à renforcer les contrôles, sans pour autant, bien sûr, jeter l'anathème sur les professionnels du secteur. Je présenterai d'ailleurs dans les tout prochains jours la nouvelle stratégie nationale de lutte contre les maltraitances – je sais que cette cause vous tient à cœur.
Je pense également au service public départemental de l'autonomie, porte d'entrée unique pour accompagner et orienter les personnes vieillissantes ou handicapées, et mieux prévenir la perte d'autonomie : expérimenté dans dix-huit départements, je souhaite qu'il soit généralisé dès 2025.
Enfin, depuis le 1er janvier, MaPrimeAdapt' permet de financer les travaux nécessaires à l'adaptation du logement des personnes âgées ou en situation de handicap, en fonction de leurs besoins spécifiques : alors que 90 % des Français souhaitent vieillir chez eux, ce dispositif concret accompagne ainsi un indispensable virage domiciliaire.
Vous pouvez le constater, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement a déjà beaucoup accompli, avec votre concours, en faveur des politiques du grand âge. Encore une fois, nous menons des réformes ambitieuses qu'à notre arrivée, en 2017, les acteurs réclamaient depuis fort longtemps. Je sais que les objectifs, les convictions, les valeurs qui y président sont largement partagées dans cet hémicycle : ce texte en constitue la preuve. D'initiative parlementaire, il a été élaboré par des députés appartenant aux trois groupes de la majorité présidentielle, réunis en vue de répondre concrètement aux attentes et aux aspirations des personnes âgées comme de ceux qui prennent soin d'elles. Le Sénat y a ensuite apporté son exigence et, dans les deux chambres, de nombreux amendements, issus aussi bien de la majorité que des oppositions de droite et de gauche, ont enrichi la rédaction initiale.
Depuis près de deux ans, il a fait l'objet de divergences, certes, mais députés et sénateurs ont majoritairement eu à cœur d'avancer ensemble, de concert avec le Gouvernement, qui soutient le texte. Nous en sommes à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire : je me réjouis que celle-ci ait été conclusive et je remercie sa présidente, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, les deux rapporteures, Mme Annie Vidal et Mme Laurence Cristol, et tous ses membres, députés ou sénateurs, qui ont su travailler dans un esprit constructif. Grâce à ce texte, nous progressons sur le chemin d'une société du bien vieillir pour toutes et tous : les personnes âgées, leur famille, ainsi que celles et ceux qui les accompagnent au quotidien, autrement dit les aidants.
Faute de pouvoir revenir sur toutes les mesures du texte, je voudrais en citer quelques-unes, particulièrement emblématiques de son esprit, qui consiste à proposer des changements ancrés dans la vie quotidienne et répondant à des besoins exprimés par les intéressés.
Je pense, par exemple à la consécration du droit de visite dans les Ehpad, afin que l'on ne puisse plus, par principe, refuser à une personne âgée de recevoir un parent ou un ami chez elle
Mme Maud Petit applaudit
– car pour ses résidents, l'Ehpad est un lieu de vie, un chez-soi. En vertu de la même idée, je me réjouis de la place que nous donnons aux animaux de compagnie dans ces établissements.
Mêmes mouvements.
Quitter son domicile constitue toujours une rupture ; devoir, à cause de cela, abandonner un chien ou un chat, c'est la double peine.
J'ai encore pu le constater hier à La Maison du cèdre bleu, à Saint-Pierre-du-Perray, où une résidente a pu conserver son chien, tandis que l'Ehpad possède déjà deux chats : la présence d'un animal maintient le lien social, et peut même contribuer à réduire la prise de médicaments et retarder les effets du vieillissement. Je tiens ici à remercier les députés qui se sont fortement engagés en faveur de cette mesure – je tourne la tête à droite, à gauche, afin de saluer M. Philippe Juvin et M. Jérôme Guedj. Consciente des inquiétudes qui persistent chez certains, je prends devant vous l'engagement de travailler à un décret d'application équilibré, concerté avec les professionnels, les associations, pour que ce droit s'applique dans le respect le plus strict des exigences d'hygiène et de sécurité.
Je pourrais également mentionner le renforcement de l'habitat inclusif, les dispositions concernant la lutte contre les maltraitances, dont certaines font partie de notre stratégie nationale, ou encore celles relatives à l'amélioration des conditions de travail des aides à domicile, qui comprend notamment une carte professionnelle de stationnement et une aide financière liée à leurs déplacements, qui pèsent sur leur pouvoir d'achat. Sur ce point comme sur les autres, il reste du travail, mais nous avançons dans le bon sens.
Mesdames et messieurs les députés, « il y a on ne sait quelle aurore dans de la vieillesse épanouie », écrivait Victor Hugo : bel écho à notre ambition commune, celle du bien vieillir ! Le fait que nous vivions plus longtemps doit être une chance pour tous.
Nos réformes ambitieuses, mais aussi les dispositions utiles, concrètes, réalistes que le Parlement a inscrites dans ce texte y contribueront. Après l'adoption de la proposition de loi, il nous restera, si vous le voulez bien, trois priorités : la gouvernance, pour clarifier la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales, notamment les départements ; le développement de l'habitat intermédiaire, pour que ceux qui ne peuvent plus vivre seuls, mais gardent une certaine autonomie, accèdent à un accompagnement personnalisé ; le financement, le nerf de la guerre, pour décider collectivement qui paie quoi entre la sécurité sociale et l'État, entre les différentes générations, finalement entre les Français eux-mêmes.
C'est un véritable choix de société qu'il nous faudra faire ensemble. Le Gouvernement souhaite, sur ces trois points, ouvrir le débat avec les premiers intéressés : je m'engage devant vous à ce que nous en discutions avec vous, avec tous les Français,…
…à en tirer toutes les conséquences législatives qui s'imposent – je vous le dis, monsieur Vallaud ! Ce n'est qu'avec l'engagement des collectivités, des départements, que nous pourrons mener à bien ces concertations et dégager les voies de réforme appropriées. Vous l'aurez compris, cette proposition de loi est une pierre de plus dans notre chantier du grand âge,…
…ni la première ni la dernière, mais une pierre indispensable à la construction de notre modèle social en vue d'une meilleure prise en charge de la dépendance. C'est pourquoi je vous invite à voter largement en sa faveur.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, ainsi que sur les bancs des commissions. – Mmes Maud Petit et Estelle Folest applaudissent également.
J'ai reçu de M. Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Sur cette motion, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Guedj.
Normalement, je ne devrais pas être à cette tribune pour défendre une motion de rejet préalable.
Normalement, après l'adoption à l'unanimité de ce texte par notre assemblée en novembre dernier, après le travail de précision du Sénat et de la CMP, j'aurais dû constater que nous parvenions à un compromis qui aurait respecté l'accord politique passé en première lecture dans l'hémicycle.
Mon propos sera quelque peu solennel,…
…parce que nous devons nous interroger sur la manière dont nous, parlementaires, faisons la loi à partir d'un texte que nous proposons, et en relation avec l'exécutif. Je ne devrais pas avoir à vous proposer de rejeter cette proposition de loi, d'autant que ce n'est pas pour ce qu'elle contient – elle est le fruit d'un compromis, certes insatisfaisant, mais la noblesse de la politique réside dans la capacité à faire des compromis.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je propose de la rejeter parce que le Gouvernement méprise, balaie d'un revers de main l'accord politique passé ici, et s'assied dessus.
Quel est cet accord ? Annie Vidal et Laurence Cristol, que je salue, nous présentaient ce texte comme une brique, une première étape en vue d'améliorer l'accompagnement des personnes âgées. Si elles l'ont fait, c'est parce qu'à la fin de l'année 2018, Emmanuel Macron avait promis pour la fin de 2019 une loi consacrée au grand âge ; cette loi ne venant pas, elles ont décidé de mettre un pied dans la porte pour tenter de construire quelque chose. Immédiatement, en avril 2023, nous, parlementaires souverains, adoptions à l'unanimité un amendement visant à prévoir une loi de programmation ayant trait au grand âge, en même temps que nous acceptions le reste du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Véronique Besse et Mme Sandra Regol applaudissent également.
Cet accord politique a été confirmé, dans l'enceinte sacrée de la démocratie qu'est notre hémicycle, par la Première ministre. C'était, je le répète, en novembre 2023, au moment de l'adoption du texte en première lecture.
Élisabeth Borne l'a confirmé, et l'article figure dans la proposition de loi qu'on vous propose d'adopter.
Que prévoit cet article ? Qu'une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge doit être votée avant le 31 décembre 2024. Je le répète, Élisabeth Borne en a pris l'engagement ; Aurore Bergé, alors ministre des solidarités et des familles, a estimé que nous devions dégager des moyens dès à présent, sans quoi nous irions à la catastrophe.
Comme vous, je suis confronté aux enjeux du vieillissement. Le problème est que depuis la construction de ce compromis, le nouveau gouvernement de Gabriel Attal n'a pas tenu les engagements de l'État. C'est ce qui justifie mon amertume et ma présence devant vous.
Que penser, quand un gouvernement s'exprime devant nous, prend l'engagement de déposer un projet de loi sur le grand âge, définit un calendrier et une méthode – coconstruction du texte au premier semestre 2024, adoption à la fin de l'année – et que depuis, ni Gabriel Attal, ni Catherine Vautrin, ni vous, madame la ministre, n'en parlez ? Encore à l'instant, vous indiquiez que vous en tireriez toutes les conséquences législatives.
Reconnaissez que la situation est ubuesque : vous nous demandez d'adopter un texte qui prévoit le vote d'un projet de loi de programmation avant le 31 décembre 2024, mais vous n'en dites pas un mot !
Vous nous avez bassinés – si vous me permettez l'expression – sur la nécessité de chercher des terrains de coconstruction parlementaire, si possible transpartisans. Celui-ci vous est livré clés en main !
Nous aurons des désaccords sur le contenu, sur les modalités de financement, mais nous devons rendre des comptes aux personnes âgées et à leurs aidants, familles comme professionnels, qui souhaitent un débat sur ce projet de loi « grand âge », afin de répondre aux enjeux cruciaux qui ne cesseront de s'accentuer : crise dans les Ehpad, difficultés de recrutement, difficultés des services d'aide à domicile et de leurs salariées – ce sont essentiellement des femmes –, dont le statut, le mode d'organisation et de rémunération ne permettent pas d'offrir une réponse satisfaisante ni de garantir le nécessaire droit à vieillir dans la dignité.
C'est la colère d'un parlementaire qui a l'impression d'être floué qui s'exprime ici !
Si, pendant les questions au Gouvernement, vous aviez affirmé – vous, madame la ministre, ou le Premier ministre – que l'engagement pris par Élisabeth Borne devant les parlementaires serait respecté, conformément au calendrier figurant dans la proposition de loi, alors j'aurais retiré ma motion de rejet préalable et j'aurais voté, avec d'autres, ce texte qui est le fruit d'un équilibre.
M. Boris Vallaud applaudit.
Au lieu de cela, la rapporteure Annie Vidal joue sur le ressort de la culpabilité : si nous ne votons pas, ce serait parce que nous n'aimons pas les personnes âgées !
Vous cherchez à nous stigmatiser, après avoir affirmé qu'il faudrait nous contenter de cette proposition de loi pour solde de tout compte.
Chacune des mesures qui y figurent, prise individuellement, est intéressante mais quel décalage avec l'ampleur des besoins ! Les parlementaires plaident largement pour une loi.
En début d'après-midi, le Premier ministre a reçu un courrier signé par huit présidents de groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat, d'Olivier Marleix à Boris Vallaud, de Patrick Kanner à Bruno Retailleau, de Bertrand Pancher aux présidents des groupes écologistes et du groupe communiste du Sénat.
Beaucoup d'acteurs, représentant la diversité du territoire et de la nation, vous le disent : cette loi de programmation est nécessaire. Mais vous les méprisez, vous les ignorez et n'en tenez pas compte !
Mme Fadila Khattabi s'exclame.
La proposition de loi visant à bâtir la société du bien vieillir n'est pas à la hauteur des enjeux. Je l'illustrerai par un seul exemple : lorsque nous l'avons adoptée en première lecture, le Gouvernement a levé le gage, comme c'est la tradition. Mais je mets au défi quiconque de chiffrer le budget que le Gouvernement compter y affecter : ni la ministre, ni les rapporteures n'ont mentionné l'engagement budgétaire de la nation pour appliquer des mesures dont on nous dit qu'elles sont absolument indispensables.
Avec d'autres, je me suis livré à un chiffrage, forcément un peu plus approximatif que celui que pourraient réaliser les services de l'État.
Nous arrivons à quelques centaines de millions d'euros – 250, peut-être 400. Nous sommes tous conscients de l'ampleur des besoins – Dominique Libault, les professionnels du secteur et vous-mêmes, chers collègues. Même Emmanuel Macron, lorsqu'il a annoncé une loi sur le grand âge à Montpellier en 2018, a reconnu qu'il faudrait 9 à 10 milliards à l'horizon de 2030. Quel décalage, donc, entre le contenu de votre proposition de loi et l'ampleur des besoins ! Cela plaide clairement en faveur d'une loi de programmation.
Bien sûr, chacune des mesures du texte est sympathique. À l'instant, madame la ministre, vous avez abondamment parlé de la présence des animaux domestiques dans les Ehpad.
Pas seulement !
M. Benjamin Lucas s'exclame.
Mais faire venir des chiens et des chats dans les Ehpad ne réglera pas leur principal problème : ce dont les Ehpad ont besoin, ce n'est pas des animaux de compagnie, mais des infirmières et des aides-soignantes !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
C'est d'un ratio opposable de personnels qu'ont besoin les Ehpad ! Ils le demandent depuis des mois, et Caroline Fiat ou Monique Iborra ont pointé sa nécessité dès 2018 !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il faut en finir avec cette aberration : le soir à partir de vingt heures, il n'y a plus que deux personnes pour s'occuper des quatre-vingts résidents d'un Ehpad ; le matin, au lieu de consacrer trente ou quarante-cinq minutes à la toilette, comme les aides-soignantes l'apprennent à l'école, elles n'en prennent que huit, dix, quinze ou vingt ! C'est une maltraitance institutionnelle pour les personnes qu'elles accompagnent.
Alors que nous appelons ce texte de nos vœux, il aurait été tellement plus simple de nous dire que vous alliez déposer un projet de loi de programmation. Nous vous aurions accompagnés, en débattant, en discutant. Vous ne le faites pas.
C'est non seulement une faute politique, mais aussi l'expression de votre mépris pour le Parlement. C'est pourquoi, chers collègues, je vous propose de rejeter le présent texte, de reprendre tous les articles sur lesquels nous sommes d'accord et de les intégrer dans le futur projet de loi sur le grand âge. C'est ainsi que nous serons utiles aux Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Martine Froger applaudit également.
Monsieur Guedj, je suis d'accord avec vous.
« Ah ! sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous n'auriez pas dû présenter cette motion de rejet !
C'est un manque de cohérence !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Cette proposition de loi est une initiative parlementaire, et j'ai du respect pour le travail parlementaire qui lui a été consacré depuis deux ans.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Vous l'avez votée en première lecture, c'est pourquoi je ne comprends pas ce revirement. Ce n'est pas logique.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Je le répète, il s'agit d'une initiative parlementaire qui met certaines mesures importantes sur la table, et qui permet d'avancer.
Vous me reprochez de ne parler que des chiens et des chats.
Ce n'est pas le cas – les rapporteures ont d'ailleurs rappelé toutes les mesures de cette proposition de loi, qui constituent de belles avancées. Vous nous interpellez constamment sur les aides à domicile : je respecte leur travail, et je sais que leur pouvoir d'achat est souvent fragilisé par les trajets qu'elles effectuent. C'est pourquoi nous les accompagnerons financièrement.
Mmes Maud Petit et Estelle Folest applaudissent.
C'est une mesure de bon sens, qui contribuera au pouvoir d'achat des aides à domicile.
Je ne manifeste aucun mépris, juste du bon sens !
Annoncez le projet de loi ! Et que faites-vous de l'amendement qui promet une loi de programmation ?
L'amendement a été adopté et figure dans la proposition de loi. J'y insiste, il s'agit d'une première strate. Comme je l'ai dit dans l'après-midi, nous poursuivrons le travail ensemble, avec vous, avec les Français.
Il y aura des mesures législatives : nous les préparons pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et le prochain projet de loi de finances (PLF).
Je vous invite à repousser la motion de rejet, car elle ne répond pas aux attentes des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Monsieur Guedj, vous manquez vraiment de cohérence !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Nous soutenons la motion de rejet. Pourquoi ? Parce que le pays n'a pas besoin d'une proposition de loi portant diverses mesures pour bâtir la société du bien vieillir, mais d'un véritable projet de loi sur le grand âge et l'autonomie. Nous vous le disons depuis des années !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je m'adresse aux collègues qui n'en seraient pas convaincus et qui s'apprêteraient à voter contre la motion de rejet préalable.
Vous vous enorgueillissez que les animaux de compagnie soient bientôt accueillis dans les Ehpad. Mais allez discuter avec les directeurs et les soignants !
Ils nous alertent tous : qui va s'occuper des animaux de compagnie, alors que les soignants n'ont déjà pas le temps de s'occuper des résidents, de les lever, de faire leur toilette ou de les accompagner aux WC ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Qui va s'occuper de la litière ? Avez-vous pensé aux soignants qui sont allergiques à certains animaux ?
Vous me direz, ce n'est pas grave, ils prendront un antihistaminique, on n'est plus à ça près !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais que ferez-vous des soignants qui ont une phobie des animaux – cela existe ? Vous me direz, ce n'est pas grave, on fera une rupture conventionnelle et on les enverra à France Travail, alors que nous manquons déjà cruellement de soignants !
Et quand l'animal de compagnie mordra un soignant, qui sera responsable ?
On ne sait pas ! Ce n'est pas prévu dans la proposition de loi. Quand un résident décédera – parce que, vous ne le savez peut-être pas, mais les résidents des Ehpad décèdent –, que ferons-nous de son animal de compagnie ? Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France a fait l'objet de nombreux débats. Disons-le d'emblée, ce texte n'est pas celui que nous espérions ; ses manques sont criants, alors que les enjeux sont considérables.
De 2 millions actuellement, les personnes âgées de 85 ans seront près de 5 millions en 2050 ; parmi elles, 2,9 millions seront dépendantes – étant entendu que 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile. Déjà, certaines personnes ne peuvent plus être maintenues chez elles, faute de personnel. Les Ehpad sont en grande difficulté. Nous devons impérativement prendre des mesures pour favoriser l'attractivité des métiers du service à la personne – auxiliaires de vie, aides-soignantes –, mieux les rémunérer, mieux les former et mieux les reconnaître.
Les méthodes d'accompagnement des aînés doivent profondément changer pour respecter leur choix, mais aussi pour leur garantir une prise en charge respectueuse et de qualité.
Rien de tel dans cette proposition de loi : pas de moyens supplémentaires pour les Ehpad ou pour le maientien à domicile, pas de choc d'attractivité pour les personnels.
Toutefois, un travail intense a été réalisé, et députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur un texte commun lors de la CMP, le 12 mars.
Si cette proposition de loi ne saurait se substituer à une véritable stratégie d'ensemble pour le grand âge, sa principale mesure, prévue à l'article 2 bis B, a été votée conforme par l'Assemblée et le Sénat : elle promet une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge, assortie d'un financement ; nous l'appelons tous de nos vœux, car elle est indispensable pour nous préparer aux défis qui s'annoncent.
C'est pourquoi nous voterons contre cette motion de rejet.
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions.
Quel parcours ! Depuis près d'un an, cette proposition de loi a connu des interruptions et des reports ; elle a fait l'objet d'enrichissements et de nombreux débats. L'adaptation de la société au vieillissement de la population est un sujet majeur aujourd'hui, et déterminant pour l'avenir. Les besoins sont tels que nous ne devons pas atermoyer – une avancée reste une avancée.
Ce texte n'a jamais prétendu être la loi pour le grand âge – il n'a jamais été annoncé comme tel.
En impulsant une politique de prévention ambitieuse, en valorisant les professionnels et en développant l'habitat inclusif, il marque une première étape.
Chaque député a sans doute été attentif aux applications concrètes du texte dans les établissements d'accueil ou au domicile des seniors de sa circonscription : pour ma part, j'ai été sensible à la réglementation incendie dans les habitats inclusifs, enjeu majeur pour le secteur ; mon collègue Pascal Lecamp a salué l'instauration de quotas d'accueil de nuit dans les Ehpad ; quant à Cyrille Isaac-Sibille, il s'est particulièrement intéressé à la prévention.
Monsieur Guedj, que dirons-nous aux établissements et aux professionnels si votre motion de rejet est adoptée ? Leur dirons-nous qu'ils devront se passer d'avancées concrètes qui répondent à leurs demandes, ou qu'ils devront attendre ? Ce n'est pas raisonnable. Étant donné votre intérêt pour ces questions, vous le savez. Victor Castanet a rappelé ce matin sur France Inter que l'absence de vote serait une catastrophe pour le secteur.
Nous devons adopter le texte et continuer à travailler pour répondre à des questions cruciales, notamment en matière de financement. Le groupe Démocrate votera contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE ainsi que sur les bancs des commissions.
Les Français font de moins en moins confiance aux hommes politiques, et nous nous lamentons tous de la montée inexorable de l'abstention. Peut-on leur en vouloir quand, année après année, les promesses, y compris celles formulées au plus haut sommet de l'État, ne sont pas tenues ?
C'est particulièrement vrai de la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie – domaine qui devrait pourtant susciter toute notre attention. La proposition de loi « bien vieillir » répondra-t-elle aux difficultés des Ehpad, parmi lesquels 85 % sont déficitaires ? Non.
Répondra-t-elle aux difficultés des départements qui font face à une augmentation des dépenses d'aide sociale pour les personnes âgées, sans disposer de ressources supplémentaires ? Non.
Répondra-t-elle aux besoins des 76 % de résidents des Ehpad qui ne disposent pas de revenus mensuels suffisants pour payer leur maison de retraite ? Non.
Répondra-t-elle aux difficultés de recrutement des services à domicile ? Non.
Vous l'aurez compris : celle loi est une brique – une bonne brique – mais il nous reste à construire la maison.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Cette motion de rejet ne traduit pas une posture politique, mais une demande : que l'engagement du Président de la République et d'Élisabeth Borne, lorsqu'elle était Première ministre, soit tenu ; que la promesse du Gouvernement soit respectée. Refusons cette motion de rejet et mettons-nous au travail dès ce soir !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
…même si elle n'est pas, nous le savons tous, la loi pour le grand âge tant attendue – cela a toujours été admis. Le travail avec les sénateurs a abouti à de nombreuses avancées. Ne pas adopter ce texte en se cachant derrière l'absence de loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge est malhonnête. En effet, tant que nous n'avons pas réfléchi au financement de la cinquième branche de la sécurité sociale, nous ne pouvons pas discuter d'une loi de programmation.
Une mission relative au virage domiciliaire et à la tarification – auxquels j'ajouterais le financement de la cinquième branche – devait être confiée à des députés : j'insiste pour qu'elle soit créée. Quoi qu'il en soit, la proposition de loi sur laquelle nous devons nous prononcer n'est qu'une brique – elle met un pied dans la porte. Le groupe Horizons et apparentés votera donc contre la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Cette motion de rejet constitue une réponse nécessaire à votre inaction.
Vous refusez d'agir, le Parlement prend ses responsabilités – c'est notre devoir. Merci de cesser de nous faire la leçon sur ce que nous devrions – ou non – demander.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
Le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie explosera à partir de 2025 – vous l'avez vous-même indiqué. La plupart d'entre elles veulent rester chez elles, et nous devons leur en donner la possibilité. En dépit des espoirs suscités par la création de la cinquième branche, le secteur de l'autonomie n'a pas les moyens d'absorber ces besoins, mais nous pouvons les lui donner.
La proposition de loi comprend, il est vrai, deux ou trois petites choses acceptables – et même quelques avancées. Toutefois, elle ne suscitera ni un choc d'attractivité pour les métiers, ni une transformation ambitieuse du secteur médico-social, faute de financements suffisants. Soyez cohérente, madame la ministre, respectez les parlementaires, et surtout, respectez la parole donnée – donnée non pas une fois, mais au moins cinq fois :…
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES
… en 2018 par Emmanuel Macron ; en 2021 par Brigitte Bourguignon – elle s'est cassé les dents– ; dans le PLFSS pour l'année 2022 – ce fut un flop – ; fin 2023, quand nos actuelle et ancienne collègues, Élisabeth Borne et Aurore Bergé, ont pris le relais des promesses jamais tenues. Nous commençons à en avoir assez : nous vous demandons donc de revoir votre copie pour respecter la parole donnée et celle du Parlement. Nous vous avons même facilité la tâche en votant, en première lecture, un amendement imposant au Gouvernement de présenter un projet de loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge d'ici à la fin de l'année 2024.
Où est cette grande loi ? Dans le tiroir où vous avez rangé les cahiers de doléances du grand débat de 2019, ou dans celui où vous avez rangé les promesses faites à la Convention citoyenne pour le climat ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES. – M. François Ruffin applaudit également.
Nous avons quelques inquiétudes. Chers collègues, nous partageons la même analyse et le même objectif. Ayez le courage de voter selon…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.
Je suis atterré par les propos que vous avez tenus pour vendre la proposition de loi, madame la ministre, mesdames les rapporteures. Personne ne conteste que le texte contient des éléments positifs, mais pensez-vous traiter sérieusement du grand âge à moyens constants, avec une proposition de loi ? Ce n'est pas possible. Vous ne semblez pas mesurer l'état dans lequel se trouve le secteur de l'autonomie.
Nous voterons la motion de rejet préalable, car nous sommes convaincus que si nous adoptons la proposition de loi, nous n'aurons rien d'autre.
D'ailleurs, depuis tout à l'heure, vous passez votre temps à nous expliquer que ce texte est l'alpha et l'oméga du grand âge.
Madame la ministre, vous avez affirmé que le Gouvernement agissait depuis le début de la législature. Faut-il rappeler que 77 % des Ehpad publics et 92 % des Ehpad associatifs sont déficitaires ? Le reste à charge moyen, à 1 900 euros, écarte nombre des aînés des structures d'accueil. Nous voterons pour la motion de rejet préalable et nous rejetterons la proposition de loi, car nous exigeons une véritable loi de programmation pour le grand âge.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nous travaillons depuis un an sur cette proposition de loi « bien vieillir », qui comprend quelques mesures positives relatives à l'accompagnement des aînés. Nous avions d'abord dénoncé le décalage profond entre ce texte et la promesse présidentielle de répondre enfin aux enjeux profonds de la politique d'accompagnement des personnes âgées. En effet, le Président de la République avait affirmé vouloir créer les conditions pour que les personnes âgées vieillissent dignement à domicile comme en établissement, en inscrivant les objectifs et les moyens de ce défi dans une grande loi pour le grand âge.
À l'occasion d'un premier changement de gouvernement, nous avions exigé et obtenu l'engagement que le présent texte, issu de la majorité, ne soit qu'une première étape et non un aboutissement. La ministre des solidarités et des familles et la Première ministre s'étaient engagées à ce qu'une loi de programmation soit étudiée avant la fin de l'année. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires avait alors accepté de prendre ce texte pour ce qu'il était : une proposition de loi qui apportait certaines réponses à des problèmes précis.
Après un changement de gouvernement, l'engagement pris il y a quelques semaines par une ministre – qui est encore membre du Gouvernement – et par l'ancienne Première ministre – qui siège désormais dans l'hémicycle –, ne semble pas tenu par le Premier ministre actuel, donc par le Président de la République. Nous sommes nombreux à exprimer de la déception, de l'incompréhension, mais aussi de la colère face à ce revirement. La parole donnée, surtout quand elle émane du plus haut sommet de l'État, doit être respectée.
L'excuse d'un possible rejet de l'article 2 bis par le Conseil d'État n'est pas acceptable. Seule est en jeu la volonté d'agir et d'apporter des solutions du Président et du Gouvernement. La parole donnée n'étant pas honorée, la proposition de loi, en dépit de quelques mesures positives, est vidée de sa promesse essentielle. Le groupe LIOT votera en majorité pour la motion de rejet préalable afin qu'un projet de loi ambitieux soit présenté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Chers collègues socialistes, le dépôt de cette motion de rejet préalable est incompréhensible.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Dans un communiqué de presse publié hier sur les réseaux sociaux, vous avez clamé votre opposition à la proposition de loi, tout en reconnaissant qu'elle comportait des mesures nécessaires. Dans une tentative désespérée de masquer cette contradiction, vous tentez de vous défausser sur le Gouvernement alors que le texte résulte d'une initiative parlementaire et qu'il a été adopté à une large majorité par l'Assemblée en première lecture, y compris par votre groupe. Personne n'est dupe de cette basse manœuvre.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Après avoir fanfaronné sur les réseaux sociaux, puisque plusieurs de vos amendements appelant à une loi de programmation pour le grand âge ont été adoptés, seriez-vous prêts à mettre en péril le présent texte pour conserver vos lauriers ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je le rappelle : des amendements en ce sens provenaient de tous les bancs, y compris de ceux de la majorité.
Ils ont été adoptés à l'unanimité pour la simple et bonne raison que nous sommes toutes et tous soucieux que le secteur du grand âge bénéficie des réformes dont il a besoin.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Chers collègues, gardez à l'esprit qu'en votant la motion de rejet préalable, vous cautionnerez une tentative de confiscation de plusieurs mois de travail parlementaire, pour un caprice politicien.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Cette manœuvre politicienne ne serait pas si grave, si elle ne confisquait pas les avancées et les droits apportés aux aînés et au secteur du grand âge.
MM. Jérôme Guedj et Benjamin Lucas s'exclament.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 295
Nombre de suffrages exprimés 288
Majorité absolue 145
Pour l'adoption 104
Contre 184
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Avant de commencer la discussion générale, je vous informe que la séance sera prolongée au-delà de vingt heures pour poursuivre l'examen du texte.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Nous lèverons la séance à vingt heures.
Dans la discussion générale, la parole est à M. François Ruffin.
C'est avec colère que je monte à la tribune. Vous vous fichez de nous. Vous, tout le Gouvernement et le président, vous vous moquez des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous vous moquez des personnes âgées. Vous vous moquez de leurs familles. Vous vous moquez des aides à domicile, des soignantes en Ehpad, des aidants. Depuis sept ans, vous vous moquez du pays tout entier.
Quel est l'enjeu ? Le défi démographique est gigantesque. Notre pays vieillit. C'est inédit dans notre histoire : d'ores et déjà, le nombre de personnes âgées plus de 60 ans dépasse celui des moins de 20 ans. Et ce n'est qu'un début : d'ici une décennie, les personnes âgées de plus de 75 ans passeront de 4 à 6 millions, soit une augmentation de 50 %.
Vous proposez du bidouillage et du bricolage pour affronter ce choc. Et c'est le grand craquage. D'abord, il y a le grand craquage des aidants, des familles, toujours en première ligne, du lundi au dimanche, jusqu'à l'épuisement, à la dépression, et, souvent, jusqu'à la mort. Un aidant sur trois meurt avant la personne aidée. Quel projet défendez-vous pour ces aidants ? Aucun.
Du côté des auxiliaires de vie, qui ne sont guère mieux loties, c'est aussi le grand craquage. Les accidents du travail bondissent car leur corps est usé, et leur esprit, fatigué. La situation est désormais pire, dans ces métiers, que dans ceux du bâtiment. Elle provoque des démissions en série. Dans tous les départements, on constate une pénurie. Vous ne faites rien, presque rien, pour remédier à ce malaise ; vous prenez des mesures dérisoires au regard de ce défi.
Enfin, c'est le grand craquage dans les Ehpad, où l'on constate un découragement géant, un turn-over record. Bref, la coque craque de partout. Nous assistons déjà à un quasi-naufrage. Pourtant, je le redis : nous n'avons pas encore affronté le raz-de-marée. Il nous faudrait réparer d'urgence, et il nous faudrait également inventer. En effet, nous ne pourrons pas placer une aide à domicile, salariée et payée, derrière chaque personne âgée. Nous ne construirons pas des Ephad à chaque coin de rue. Il nous faudrait imaginer, fonder une société du lien plutôt que des biens, donner un rôle aux voisins, nouer un pacte entre les générations, avec des béguinages, des colocations, des lieux de partage. Bref, il nous faudrait une grande loi en faveur du grand âge.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Qu'avez-vous fait depuis sept ans pour relever ce défi ? Rien, encore rien, toujours rien. Si, vous avez promis. Cet automne, Aurore Bergé était à votre place, sur ce banc. Et la ministre d'alors le jurait, la main sur le cœur :
Sourires sur plusieurs bancs
« une loi de programmation relative au grand âge verra prochainement le jour », ajoutant « le projet de loi sera déposé avant l'été ». Sur nos bancs, nous demeurions sceptiques. On nous avait tant promis cette loi relative au grand âge ! On l'a tant repoussée !
Emmanuel Macron lui-même s'y était engagé, et, après lui, Agnès Buzyn, Olivier Véran, Brigitte Bourguigon, Jean-Christophe Combe. Aurore Bergé, à son tour, a repris le refrain des promesses, en insistant avec force : « La Première ministre a confirmé cet engagement. » Et, de fait, Élisabeth Borne a confirmé que le projet de loi de programmation relative au grand âge serait déposé.
Nous avons presque fini par le croire, faisant preuve d'un peu de naïveté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Car aujourd'hui, lorsqu'on vous demande quand cette loi verra le jour, vous ne répondez que par un silence gêné ; silence que l'on retrouve dans le discours de Gabriel Attal et dans les grandes déclarations du président Macron.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Dans une vraie démocratie, Mme Buzyn, Mme Bergé, M. Véran, Mme Borne et, surtout, M. Macron devraient s'expliquer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais non, on promet et on oublie, on invite à l'amnésie. Vos mots ne valent plus rien.
Vos phrases sont du vent. Plus personne ne vous croit. Vous n'existez pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Un seul ministère existe et dirige tout : celui de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Bruno Le Maire règne en maître, ou plutôt en petit comptable minable,…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
réduire les impôts des riches, baisser les taxes des sociétés, accorder à vos amis les nantis des dizaines de milliards d'aides, à bourse déliée. Le même Bruno Le Maire a ensuite le culot de hurler au déficit. Bien entendu, c'est vous qui, tous les jours, le creusez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Et le petit marquis de Bercy décide alors, depuis son château, de couper dans les dépenses en faveur des manants – dans les dépenses pour l'éducation, la recherche, l'écologie, la santé, les enfants et les aînés. Voilà la voie qu'il propose pour la France, et il s'en vante : celle d'une France rétrécie, riquiqui.
Sans vision, sans ambition, vous empêchez la nation de se préparer comme elle le devrait à deux grands chocs : le choc climatique et le choc démographique. Vous nous faites perdre du temps. Ces défis majeurs, ces causes de malheur, vous les laissez à ceux qui vous succéderont. C'est nous qui devrons réparer en urgence. C'est nous qui devrons inventer. C'est nous qui devrons reprendre le flambeau d'Ambroise Croizat ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
afin que nos aïeux, nos parents, nous-mêmes bientôt, avancions vers le grand âge sans angoisse. Nous devons non pas considérer le grand âge comme une antichambre de la mort mais comme une nouvelle étape de la vie.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes Écolo – NUPES et SOC applaudissent également.
Au terme d'un long et tortueux parcours législatif – au cours duquel pas moins de quatre ministres se sont succédé –, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie.
Disons-le d'emblée, ce texte n'est pas celui que nous espérions : les manques sont criants.
Aucun moyen supplémentaire n'est alloué aux Ehpad ou à l'aide à domicile ; aucun choc d'attractivité n'est créé pour les personnels – aides-soignantes, auxiliaires de vie ; aucune vision pluriannuelle n'est présentée.
La grande loi relative au grand âge et à l'autonomie, promise par le candidat Emmanuel Macron en 2017, et annoncée avant l'automne 2019, était présentée comme une véritable stratégie d'ensemble, une loi de programmation pluriannuelle dotée de financements pérennes.
Sept ans plus tard, malgré la publication de multiples rapports – celui de Dominique Libault, celui de Laurent Vachey et celui de Myriam El Khomri –, qui devaient préfigurer cette grande loi, celle-ci n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour. Ce report illustre tristement les choix et les priorités du Gouvernement.
Ce calendrier différé a, dès lors, fait perdre toute crédibilité à la création de la cinquième branche de la sécurité sociale ainsi qu'aux maigres avancées inscrites dans les derniers PLFSS. Si un financement d'envergure n'est pas alloué à cette cinquième branche, elle ne pourra marquer un tournant dans les politiques publiques relatives au grand âge. Nous avons besoin de moyens, et cette branche supplémentaire de la sécurité sociale reste, à ce jour, une coquille vide.
Les grandes difficultés financières et humaines d'une large majorité d'Ehpad, dont nous sommes témoins dans nos circonscriptions, le confirment. Ni les 100 millions d'euros alloués aux Ehpad par le Gouvernement l'an dernier, ni la présente proposition de loi ne suffisent à rassurer les directeurs d'établissement, les familles et les résidents, ni à répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de virage domiciliaire.
C'est pourquoi, dans ce contexte, le Parlement a créé un article 2 bis B, qui concrétise la promesse d'examiner une loi de programmation, préalable indispensable pour relever les défis auxquels notre société sera confrontée dans les années à venir. Soutenu par tous les groupes politiques, cet article a été voté conforme au Sénat et maintenu dans le texte issu de la CMP. Alors Première ministre, Élisabeth Borne s'était elle-même engagée sur un calendrier, confirmant l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle avant la fin de l'année 2024. Mais les promesses n'engagent que ceux qui les croient.
Je veux croire en votre sincérité, mais force est de constater que rien n'a avancé depuis. Le Premier ministre, Gabriel Attal, n'a pas mentionné ce projet de loi dans son discours de politique générale. Il ne figurait pas non plus dans la feuille de route transmise au Parlement. Pis, la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités se cache derrière le Conseil d'État pour expliquer qu'une loi de programmation ne serait pas constitutionnelle. Interrogé sur le sujet ici même, tout à l'heure, le Gouvernement n'a pas renouvelé son engagement.
Pourtant, la perte d'autonomie et le vieillissement de notre population constituent une urgence sociale ; ce ne sont pas les quelques mesures du présent texte qui nous permettront de relever ce défi. Les enjeux sont considérables : nous savons que les personnes âgées de 85 ans et plus passeront de 2 millions aujourd'hui à près de 5 millions en 2050, parmi lesquelles 2,9 millions seront dépendantes.
D'après une étude, 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile. Or certaines personnes ne peuvent être maintenues chez elles en raison du manque de personnel. Nous devons donc amplifier les mesures propices à un véritable virage domiciliaire en matière d'attractivité, de rémunération, de formation et de reconnaissance des métiers de l'aide à la personne. Il faut un changement profond des méthodes d'accompagnement des personnes âgées, afin de respecter leur choix et de garantir une prise en charge respectueuse et de qualité.
Alors oui, la proposition de loi esquisse certaines avancées : la création d'un guichet unique, le service public départemental de l'autonomie ; la généralisation du programme Icope en matière de prévention ; le droit de visite inconditionnel en Ehpad ; la création d'une cellule de signalement des situations de maltraitance ; l'instauration d'une carte professionnelle pour les personnels du secteur de l'aide à domicile ; la fusion des services de soins infirmiers à domicile – Ssiad – et des services autonomie à domicile – Sad –, pour constituer les services autonomie à domicile ; l'accueil des animaux domestiques dans les Ehpad ; le soutien au développement de l'habitat inclusif. Néanmoins, cette somme de mesurettes ne constitue pas une politique à la hauteur de l'enjeu. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.
Il nous aura fallu un an et demi de travail pour, finalement, trouver un accord équilibré avec le Sénat et soumettre au vote un texte portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie. Je me réjouis de ce consensus et remercie chaleureusement notre collègue Astrid Panosyan-Bouvet, à l'origine de cette initiative parlementaire. Je rappelle qu'il s'agit d'une proposition de loi, c'est-à-dire d'un texte d'origine parlementaire ; il ne s'agit pas de la grande loi attendue par ailleurs. Respectons néanmoins ce travail parlementaire.
Par ce texte, nous avons fait le choix de redéfinir notre rapport à la vieillesse et à l'accompagnement des aînés. Vieillir, c'est vivre plus longtemps. Nous avons une chance incroyable : en quelques décennies, nous avons gagné quinze années d'espérance de vie. Nous devons les vivre en bonne santé, en conservant notre autonomie, et, si possible, en restant à domicile. C'est le rôle majeur de la prévention. En 2030, plus de 21 millions de Français auront plus de 60 ans, parmi lesquels 3 millions seront en perte d'autonomie.
Ces projections nous obligent à repenser notre système, pour prolonger non seulement l'espérance de vie, mais aussi l'espérance de vie en bonne santé.
Le groupe Démocrate se réjouit que la proposition de loi intègre ces enjeux. Demain, la conférence nationale de l'autonomie nouvellement créée pilotera la politique de prévention de la perte d'autonomie, fixera un cap et des objectifs. Le centre de ressources probantes recensera les actions de prévention qui ont fait leur preuve, à l'instar du plan Antichute des personnes âgées, afin d'en permettre la généralisation. Un lieu identifié dans chaque département – le service public départemental de l'autonomie – servira de guichet unique pour toute question relative à l'inclusion, à l'adaptation des logements ou à l'accompagnement social.
Bien vieillir, c'est également garantir le maintien des droits et de la citoyenneté de chacun. Les aînés ne doivent pas être marginalisés. Il est impératif de garantir à tous l'accès à des services de qualité, respectueux des besoins et des souhaits, de promouvoir une culture de l'inclusion où chaque personne, quel que soit son âge ou son degré de dépendance, est valorisée et entendue.
Au moyen de ce texte, nous avons souhaité réaffirmer les droits fondamentaux des personnes âgées et remettre l'humain au cœur des politiques publiques. Citons par exemple la mesure autorisant les résidents des Ehpad à garder leurs animaux de compagnie, à condition que le règlement de l'établissement le permette – ce n'est pas anecdotique, monsieur Guedj, ne vous moquez pas.
Cela permettra aux personnes âgées de maintenir le lien avec leur animal de compagnie, bien souvent indispensable à leur maintien en bonne santé et à leur épanouissement dans leur nouveau lieu de résidence.
Bien vieillir, chez soi ou en établissement, suppose enfin d'être accompagné par des professionnels qualifiés et reconnus. Pour rendre plus attractifs les métiers du grand âge, le texte crée une carte professionnelle des intervenants de l'aide à domicile, qui consolide la reconnaissance du métier et sécurise la relation avec les patients. Un soutien financier croissant sera également apporté à ces professionnels, grâce à la prise en charge de leurs déplacements. Là encore, ce n'est pas anecdotique.
Cette proposition de loi n'est pas une réforme de l'accompagnement du grand âge, mais une proposition de loi d'origine parlementaire qui pose les fondations de l'édifice du bien vieillir en France, attendue par les acteurs du secteur. Elle propose un cadre pour organiser la prévention de la perte d'autonomie. J'aimerais que les personnes âgées restent autonomes le plus longtemps possible. Or cela n'est réalisable qu'au moyen de la prévention ; c'est ce qui sauvera le système, selon moi.
Le groupe Démocrate a contribué à enrichir ce texte, avec l'expérimentation de quotas d'accueil de nuit dans les Ehpad – proposition défendue par Pascal Lecamp – ou encore la nouvelle définition des lieux d'habitat inclusif – défendue par Anne Bergantz.
Madame la ministre, vous avez parlé de l'aurore chère à Victor Hugo.
Je compléterai vos propos en disant que peuvent exister de merveilleux couchers de soleil. Le grand âge peut être un grand coucher de soleil. Dans cet esprit, les députés du groupe Démocrate voteront la proposition de loi avec plaisir.
La présidente de l'Assemblée nationale a reçu de la ministre chargée des relations avec le Parlement une lettre l'informant que la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie se poursuivra ce soir, à vingt et une heures trente.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie ;
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra