Quel est l'enjeu ? Le défi démographique est gigantesque. Notre pays vieillit. C'est inédit dans notre histoire : d'ores et déjà, le nombre de personnes âgées plus de 60 ans dépasse celui des moins de 20 ans. Et ce n'est qu'un début : d'ici une décennie, les personnes âgées de plus de 75 ans passeront de 4 à 6 millions, soit une augmentation de 50 %.
Vous proposez du bidouillage et du bricolage pour affronter ce choc. Et c'est le grand craquage. D'abord, il y a le grand craquage des aidants, des familles, toujours en première ligne, du lundi au dimanche, jusqu'à l'épuisement, à la dépression, et, souvent, jusqu'à la mort. Un aidant sur trois meurt avant la personne aidée. Quel projet défendez-vous pour ces aidants ? Aucun.
Du côté des auxiliaires de vie, qui ne sont guère mieux loties, c'est aussi le grand craquage. Les accidents du travail bondissent car leur corps est usé, et leur esprit, fatigué. La situation est désormais pire, dans ces métiers, que dans ceux du bâtiment. Elle provoque des démissions en série. Dans tous les départements, on constate une pénurie. Vous ne faites rien, presque rien, pour remédier à ce malaise ; vous prenez des mesures dérisoires au regard de ce défi.
Enfin, c'est le grand craquage dans les Ehpad, où l'on constate un découragement géant, un turn-over record. Bref, la coque craque de partout. Nous assistons déjà à un quasi-naufrage. Pourtant, je le redis : nous n'avons pas encore affronté le raz-de-marée. Il nous faudrait réparer d'urgence, et il nous faudrait également inventer. En effet, nous ne pourrons pas placer une aide à domicile, salariée et payée, derrière chaque personne âgée. Nous ne construirons pas des Ephad à chaque coin de rue. Il nous faudrait imaginer, fonder une société du lien plutôt que des biens, donner un rôle aux voisins, nouer un pacte entre les générations, avec des béguinages, des colocations, des lieux de partage. Bref, il nous faudrait une grande loi en faveur du grand âge.