Intervention de Pierre Henriet

Séance en hémicycle du mardi 19 mars 2024 à 15h00
Gouvernance de la sureté nucléaire et de la radioprotection - application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Explications de vote communes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Henriet :

Il me revient d'entamer les explications de vote du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

Je remercie tout d'abord le ministre délégué chargé de l'industrie d'avoir entendu la demande de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

En effet, à la suite du débat que nous avions eu en séance, il y a tout juste un an, sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, notre première réaction fut de demander que la réorganisation éventuelle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) fasse l'objet d'un débat, dans le cadre d'un projet de loi spécifique s'appuyant sur une étude d'impact complète, et non par le biais d'un amendement quelque peu cavalier.

C'est désormais chose faite. Nous avons obtenu les données nécessaires à la prise de décision, ainsi que des éléments approfondis sur les plans scientifiques, technologiques et sociaux en particulier.

Permettez-moi de remercier également les rapporteurs Antoine Armand et Jean-Luc Fugit pour leur implication lors des débats en commission et en séance, ainsi que pour les excellents rapports qu'ils avaient publié auparavant : celui de Jean-Luc Fugit, corédigé avec le sénateur Stéphane Piednoir, au nom de l'Opecst, et celui de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, dont Antoine Armand était le rapporteur. Ces travaux nous ont permis de débattre sur ce sujet avec la même rigueur que ceux qui travaillent quotidiennement au sein de la filière nucléaire et dont je salue l'engagement.

Le présent projet de loi, qui vise à fusionner l'ASN et l'IRSN, permettra d'accompagner le lancement du programme nucléaire français d'une exigence de sûreté renforcée, à même de répondre aux meilleurs standards internationaux. La question essentielle que nous devons nous poser est de savoir si, dans le contexte de la relance du nucléaire, les prises de décision de l'ASN s'effectuent dans des conditions satisfaisantes. À cette question, actuellement, la réponse est non.

Notre rôle est de garantir à l'ASN les meilleures conditions d'expertise possibles. Or, au fil des politiques qui ont délaissé le nucléaire et nous ont fait perdre en souveraineté énergétique, nous n'avons pas été suffisamment attentifs aux conditions d'exercice de l'ASN. La preuve en est : nous constatons un écart totalement disproportionné entre les deux institutions sur le plan des moyens humains, puisque l'IRSN dispose de près de 1 760 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors que l'ASN n'en comptait que 516 au 31 décembre 2022.

Il s'agit donc de se poser la question du futur fonctionnement de l'ASN. Actuellement, l'Autorité procède à 2 000 inspections et délivre environ 2 000 décisions individuelles d'autorisation et d'enregistrement chaque année. En 2030, dans la perspective du programme de relance du nucléaire, les besoins seront trois à cinq fois plus élevés. Sans le projet de loi sur lequel nous nous apprêtons à voter, l'insuffisance de ses effectifs ne permettrait pas à l'ASN d'assurer un contrôle à la hauteur des exigences en matière de sûreté.

La relance annoncée du nucléaire fera peser sur l'ASN une charge de travail considérable : il s'agira à la fois de garantir la prolongation du parc actuel dans de bonnes conditions, de superviser la construction de nouveaux réacteurs de type EPR, d'examiner les options proposées pour les réacteurs de nouvelle génération, tels que les petits réacteurs modulaires (SMR) et, enfin, de relancer la fermeture du cycle du combustible grâce aux réacteurs à neutrons rapides.

Cette réorganisation, qui n'emporte aucune modification du cadre de sûreté nucléaire existant, lequel repose en premier lieu sur la responsabilité des exploitants, répond à quatre exigences : améliorer l'efficience des procédures de sûreté nucléaire, garantir l'indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) par rapport aux exploitants nucléaires et au Gouvernement, permettre une transparence renforcée au bénéfice du public, et renforcer l'attractivité des métiers pour garantir à l'autorité de bénéficier de compétences et d'expertises d'excellence.

Cette nouvelle organisation sera comparable à celle des plus grands pays nucléaires occidentaux et offrira à l'ASNR les meilleures garanties d'impartialité, grâce à son statut d'autorité administrative indépendante (AAI). Nous veillerons en particulier, au sein de l'Opecst, à ce que les fonctions d'expertise et de décision soient dûment séparées.

Par ailleurs, afin de renforcer l'attractivité des métiers, le projet de loi prévoit d'augmenter le niveau de rémunération des travailleurs et leur ouvre des perspectives d'évolution, en leur permettant notamment d'accéder au statut de fonctionnaire.

Tout en offrant de fortes garanties, le texte renforcera donc l'attractivité et l'efficacité du dispositif français de réglementation, de contrôle, d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire. C'est pourquoi, compte tenu de la nécessité de relever les défis énergétiques et industriels de notre pays, le groupe Horizons et apparentés se prononcera en faveur de ce projet de loi.

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