Aucun moyen supplémentaire n'est alloué aux Ehpad ou à l'aide à domicile ; aucun choc d'attractivité n'est créé pour les personnels – aides-soignantes, auxiliaires de vie ; aucune vision pluriannuelle n'est présentée.
La grande loi relative au grand âge et à l'autonomie, promise par le candidat Emmanuel Macron en 2017, et annoncée avant l'automne 2019, était présentée comme une véritable stratégie d'ensemble, une loi de programmation pluriannuelle dotée de financements pérennes.
Sept ans plus tard, malgré la publication de multiples rapports – celui de Dominique Libault, celui de Laurent Vachey et celui de Myriam El Khomri –, qui devaient préfigurer cette grande loi, celle-ci n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour. Ce report illustre tristement les choix et les priorités du Gouvernement.
Ce calendrier différé a, dès lors, fait perdre toute crédibilité à la création de la cinquième branche de la sécurité sociale ainsi qu'aux maigres avancées inscrites dans les derniers PLFSS. Si un financement d'envergure n'est pas alloué à cette cinquième branche, elle ne pourra marquer un tournant dans les politiques publiques relatives au grand âge. Nous avons besoin de moyens, et cette branche supplémentaire de la sécurité sociale reste, à ce jour, une coquille vide.
Les grandes difficultés financières et humaines d'une large majorité d'Ehpad, dont nous sommes témoins dans nos circonscriptions, le confirment. Ni les 100 millions d'euros alloués aux Ehpad par le Gouvernement l'an dernier, ni la présente proposition de loi ne suffisent à rassurer les directeurs d'établissement, les familles et les résidents, ni à répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de virage domiciliaire.
C'est pourquoi, dans ce contexte, le Parlement a créé un article 2 bis B, qui concrétise la promesse d'examiner une loi de programmation, préalable indispensable pour relever les défis auxquels notre société sera confrontée dans les années à venir. Soutenu par tous les groupes politiques, cet article a été voté conforme au Sénat et maintenu dans le texte issu de la CMP. Alors Première ministre, Élisabeth Borne s'était elle-même engagée sur un calendrier, confirmant l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle avant la fin de l'année 2024. Mais les promesses n'engagent que ceux qui les croient.
Je veux croire en votre sincérité, mais force est de constater que rien n'a avancé depuis. Le Premier ministre, Gabriel Attal, n'a pas mentionné ce projet de loi dans son discours de politique générale. Il ne figurait pas non plus dans la feuille de route transmise au Parlement. Pis, la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités se cache derrière le Conseil d'État pour expliquer qu'une loi de programmation ne serait pas constitutionnelle. Interrogé sur le sujet ici même, tout à l'heure, le Gouvernement n'a pas renouvelé son engagement.
Pourtant, la perte d'autonomie et le vieillissement de notre population constituent une urgence sociale ; ce ne sont pas les quelques mesures du présent texte qui nous permettront de relever ce défi. Les enjeux sont considérables : nous savons que les personnes âgées de 85 ans et plus passeront de 2 millions aujourd'hui à près de 5 millions en 2050, parmi lesquelles 2,9 millions seront dépendantes.
D'après une étude, 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile. Or certaines personnes ne peuvent être maintenues chez elles en raison du manque de personnel. Nous devons donc amplifier les mesures propices à un véritable virage domiciliaire en matière d'attractivité, de rémunération, de formation et de reconnaissance des métiers de l'aide à la personne. Il faut un changement profond des méthodes d'accompagnement des personnes âgées, afin de respecter leur choix et de garantir une prise en charge respectueuse et de qualité.
Alors oui, la proposition de loi esquisse certaines avancées : la création d'un guichet unique, le service public départemental de l'autonomie ; la généralisation du programme Icope en matière de prévention ; le droit de visite inconditionnel en Ehpad ; la création d'une cellule de signalement des situations de maltraitance ; l'instauration d'une carte professionnelle pour les personnels du secteur de l'aide à domicile ; la fusion des services de soins infirmiers à domicile – Ssiad – et des services autonomie à domicile – Sad –, pour constituer les services autonomie à domicile ; l'accueil des animaux domestiques dans les Ehpad ; le soutien au développement de l'habitat inclusif. Néanmoins, cette somme de mesurettes ne constitue pas une politique à la hauteur de l'enjeu. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.