Intervention de Guillaume Kasbarian

Séance en hémicycle du mardi 19 mars 2024 à 15h00
Rénovation de l'habitat dégradé — Présentation

Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement :

Je suis particulièrement heureux et honoré de défendre devant vous, à l'issue de la commission mixte paritaire, le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Je tiens à saluer l'engagement sans faille des rapporteurs Guillaume Vuilletet, député du Val-d'Oise, et Lionel Royer-Perreaut, député des Bouches-du-Rhône, qui se sont investis tout au long de l'examen du texte, de la première lecture à la préparation de la commission mixte paritaire, pour sécuriser, enrichir et améliorer les dispositions de ce projet de loi utile et nécessaire.

La version du texte aujourd'hui soumise à votre vote est le fruit d'un travail parlementaire très fourni. Partant d'un projet de loi comportant dix-sept articles, nous avons abouti à un texte riche de quelque soixante articles, soit autant de mesures pragmatiques et opérationnelles qui amélioreront durablement le traitement de l'habitat dégradé. Il est en effet intolérable que des personnes continuent de vivre, en 2024, en France, dans un habitat dégradé, indécent ou indigne. Près de 1,5 million de logements sont dégradés, ce qui signifie qu'autant de foyers vivent dans des conditions inacceptables.

Par ce texte, nous nous attaquons directement à cette réalité en proposant des solutions concrètes. Elles visent d'abord à aider les copropriétés à emprunter la somme nécessaire pour effectuer des travaux de rénovation, ensuite à renforcer les outils à la disposition des élus et des opérateurs pour mener de grands projets de réhabilitation, enfin à durcir les sanctions contre ceux qui tirent profit des habitats dégradés.

Ce travail s'inscrit dans la continuité de l'effort mené depuis 2017 par mes prédécesseurs, qui ont fait du traitement de l'habitat dégradé une priorité. Ainsi, Julien Denormandie a lancé dès 2018 le plan Initiative copropriétés (PIC) pour aider les grandes copropriétés en difficulté. Emmanuelle Wargon, en réformant et en simplifiant, avec l'aide du député Guillaume Vuilletet, la police de l'habitat indigne, a mené à bien le travail commencé dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan. Dans la continuité de cette action, Olivier Klein a confié à deux maires issus d'horizons différents – Mathieu Hanotin, maire socialiste de Saint-Denis, et Michèle Lutz, maire Les Républicains de Mulhouse – la mission d'étudier les moyens de mieux prendre en charge ces situations difficiles. Leurs travaux ont permis à mon prédécesseur, Patrice Vergriete, d'élaborer le texte initial du projet de loi qui nous occupe.

Pour mieux lutter contre la dégradation de l'habitat, nous devons mieux l'anticiper, car cette situation met plusieurs années à s'installer et peut donc être traitée en amont. Dans la vie humaine comme dans celle des bâtiments, il vaut mieux prévenir que guérir ! Dans cette optique, l'article 3 vise à créer une nouvelle procédure d'expropriation qui permettra d'intervenir en amont de la dégradation. Je me réjouis que le travail des rapporteurs ait mené à conserver, dans le texte de la CMP, les apports de l'Assemblée nationale à cet article.

L'article 2, lui aussi très attendu, permettra aux syndicats de copropriété d'assurer le financement des travaux par un emprunt collectif. Cette innovation majeure leur épargnera plusieurs mois d'examen de dossiers individuels, au profit d'une approche collective et globale. La rédaction adoptée par la CMP constitue un compromis salutaire entre les positions des deux chambres, qui permettra aux copropriétés d'emprunter en apportant des garanties de solvabilité aux établissements prêteurs. Elle lèvera ainsi un des principaux freins à la rénovation des copropriétés. Au fond, ce prêt est peut-être l'innovation financière qui manquait pour massifier la transition écologique : il encourage dans cette voie chacune des microdémocraties que sont les copropriétés.

Par ce texte, nous poursuivons également la lutte que nous avons engagée dès 2017 contre les marchands de sommeil et renforçons les sanctions à leur égard. Je le rappelle avec fermeté, les marchands de sommeil sont des délinquants dont nous ne pouvons en aucun cas cautionner les agissements. Nul n'a le droit de tirer une rente de la vulnérabilité d'autrui. À l'initiative du rapporteur Lionel Royer-Perreaut, élu d'un territoire très marqué par ce phénomène, l'Assemblée nationale a introduit des dispositions importantes visant à durcir les sanctions dont sont passibles les marchands de sommeil. Ces mesures sont cruciales pour notre dignité collective et constituent une avancée notable en la matière.

Je me réjouis enfin que la CMP ait conservé les simplifications importantes de la procédure de construction de logements prévues dans l'article 14. Il s'agit, dans le cadre des projets partenariaux d'aménagement (PPA) et des opérations d'intérêt national (OIN), de débloquer rapidement les procédures environnementales et d'urbanisme pour gagner plusieurs mois précieux lors du lancement d'un projet.

En effet, la production de logements est la première réponse au mal-logement. C'est la méthode que nous avons choisie en lançant récemment le programme Territoires engagés pour le logement, qui permettra d'accélérer, dans les trois prochaines années, la construction de 30 000 logements dans vingt-deux territoires où les enjeux industriels, économiques ou énergétiques sont particulièrement centraux. Le projet de loi s'inscrit donc dans la continuité de notre action et mettra à la disposition des collectivités des procédures d'accélération et de simplification bénéfiques aux projets. Ces dispositions bénéficieront à l'ensemble du territoire et prendront notamment en compte les spécificités ultramarines, ce dont je me réjouis.

Les travaux de la CMP ont également préservé et même renforcé une série d'avancées opérationnelles majeures attendues, parfois depuis longtemps, par les professionnels et les élus locaux. Ainsi, grâce au compromis trouvé en CMP, le texte répondra à des situations dangereuses et parfois dramatiques : les maires pourront, en cas de doute quant à la solidité de certains bâtis, demander des diagnostics structurels sur un périmètre défini. Cette mesure permettra de prévenir des effondrements d'immeubles, notamment dans les centres anciens, dans des villes comme Toulouse, Bordeaux, Marseille ou encore Lille. Je tiens à remercier les maires de nous avoir transmis cette attente et les parlementaires d'avoir été à notre écoute pour rendre possible cette avancée.

Grâce à ce projet de loi, nous nous dotons de nouveaux outils pour lutter contre l'habitat indigne, de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane. Nous nous attaquons au problème des copropriétés dégradées avec un objectif précis en tête : éviter de retirer des logements du marché, assurer aux Français un habitat digne, sûr et de qualité. Enfin, nous nous donnons des moyens supplémentaires pour répondre à certaines causes de la crise du logement et de la dégradation du parc. Nous pouvons être fiers de ce travail parlementaire collectif et transpartisan. J'espère que ce beau projet de loi sera voté par une large majorité.

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