La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à lutter contre l'inflation par l'encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d'achat plancher des matières premières agricoles (n° 1776) (M. Manuel Bompard, rapporteur)
Mes chers collègues, cette proposition de loi est inscrite par le groupe LFI-NUPES en deuxième position dans sa journée réservée du jeudi 30 novembre. Elle a fait l'objet de quarante et un amendements, dont quatre ont été considérés comme des cavaliers législatifs et deux retirés. Il nous reste donc trente-cinq amendements à examiner.
Monsieur le président, chers collègues, je vous remercie de m'accueillir dans votre commission pour l'examen de cette proposition de loi qui vise principalement à préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens dans un contexte de forte inflation.
L'inflation a battu des records dans notre pays depuis l'après-covid. La hausse des prix à la consommation a été particulièrement forte depuis la fin de 2021 et a atteint 6,2 % en France en octobre 2022, selon l'indice des prix à la consommation mesuré par l'Insee. Un tel niveau d'inflation n'avait pas été observé depuis les années 1980 en France.
Cette situation a des conséquences concrètes. Nos concitoyens ne parviennent plus à se nourrir, à se loger, à se chauffer ou à se déplacer. Ils sont obligés de se priver et sacrifient de petits bonheurs de la vie quotidienne, comme l'atteste la baisse de la consommation des ménages depuis plusieurs mois. Ils sont de plus en plus nombreux à s'enfoncer dans la pauvreté : plus de 2,4 millions de personnes ont eu recours aux banques alimentaires en 2022, soit trois fois plus qu'en 2011, et 400 000 personnes de plus qu'en 2020.
De nombreux organismes ont pointé le rôle majeur qu'a joué la progression des marges des entreprises dans cette hausse vertigineuse des prix. Selon le Fonds monétaire international, l'augmentation des profits est la première cause de l'inflation en 2022 et au cours du premier semestre de l'année 2023.
Alors que les prix des produits alimentaires ont augmenté de plus de 20 % en deux ans, les marges de l'industrie agroalimentaire ont bondi de 70 % dans la même période. De même, alors que le prix du carburant tourne depuis plusieurs mois autour de 2 euros le litre, les marges des raffineurs ont été multipliées par cinq entre le printemps et l'automne de l'année 2023.
Pour résumer, pendant que de plus en plus de Français se serrent la ceinture, une petite minorité profite de la situation pour s'enrichir sur leur dos. Cette situation est inacceptable et doit cesser.
Face à cette urgence sociale et à cette injustice profonde, le Gouvernement multiplie les déclarations d'intention et les opérations de communication sans effet. Bruno Le Maire suggère, Bruno Le Maire demande, Bruno Le Maire espère, Bruno Le Maire souhaite, Bruno Le Maire supplie, mais Bruno Le Maire refuse de faire ce que l'on attend d'un gouvernement : agir enfin par la loi pour protéger le pouvoir d'achat des Français et rendre leur vie moins difficile.
Avec cette proposition de loi, je vous propose donc que le Parlement fasse enfin aujourd'hui ce que le Gouvernement refuse de faire depuis des mois. Avec mes collègues de la France insoumise, nous proposons cinq mesures spécifiques afin de faire baisser concrètement le prix des produits alimentaires et du carburant tout en garantissant une meilleure rémunération des agriculteurs, qui sont bien souvent également victimes des stratégies d'accumulation de quelques acteurs économiques.
La première mesure, à l'article 1er du texte, renforce le rôle des conférences publiques de filière en leur confiant la tâche de déterminer, pour chaque filière, un prix plancher de la matière première agricole sous l'égide du médiateur des relations commerciales agricoles. Par ailleurs, pour éviter les stratégies de blocage de certains industriels ou de certains acteurs de la grande distribution, je vous propose de confier aux ministres compétents la tâche d'arrêter un niveau plancher de prix d'achat de tout ou partie des matières premières agricoles concernées en cas d'échec des négociations. Toujours dans le sens d'une meilleure protection du revenu des agriculteurs, je vous proposerai par amendement une mesure complémentaire visant à conforter la place des indicateurs de coût de production dans les contrats de vente des produits agricoles.
La deuxième mesure, qui se décline à l'article 2 pour ce qui est des relations entre producteurs et distributeurs et à l'article 4 s'agissant des relations entre les distributeurs et le consommateur final, vise, d'une part, à instaurer un coefficient multiplicateur maximum, applicable dès le 1er janvier 2024 et pour une durée d'un an et, d'autre part, à permettre au pouvoir réglementaire d'en fixer un autre dès lors que l'on constate que, sur une période de six mois consécutifs, l'indice des prix à la consommation des produits alimentaires augmente davantage que l'indice des prix des produits agricoles à la production. Cette mesure a pour objet d'encadrer par la loi les marges faites à chaque stade de la chaîne de commercialisation. Ce dispositif s'appliquerait aux industries de l'agroalimentaire comme de la grande distribution afin que des marges indues ne soient pas réalisées au détriment des producteurs et des consommateurs.
La troisième mesure, à l'article 3, porte spécifiquement sur le prix de l'essence, sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. Il s'agit là aussi d'instaurer un coefficient multiplicateur pour éviter que la marge brute de raffinage n'atteigne des sommets sans commune mesure avec l'évolution constatée du cours du pétrole.
La quatrième mesure consiste, à l'article 4, à supprimer la majoration de 10 % du seuil de revente à perte, dit mécanisme du « SRP+10 », dont on souhaitait initialement qu'elle bénéficie aux producteurs par une sorte de ruissellement vertueux. En vérité, ce dispositif n'a bénéficié ni aux producteurs, ni aux consommateurs, mais essentiellement aux distributeurs qui se sont emparés de cette manne alors qu'ils n'en demandaient pas tant, comme l'a démontré un rapport du Sénat publié en 2019. Plusieurs acteurs que j'ai auditionnés dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi se sont montrés favorables à cette suppression. D'autres étaient plus réticents, craignant qu'elle ne soit répercutée au final sur les producteurs. Je tiens à les rassurer : l'article 1er, qui garantit un prix plancher d'achat des matières premières, permet d'éviter que cette suppression se fasse au détriment des agriculteurs.
La cinquième et dernière mesure que je propose figure dans un amendement portant création d'un article 1er bis, qui tend à renforcer le rôle de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) en lui accordant davantage de pouvoirs d'enquête et de sanction pour renforcer la transparence sur les mécanismes de construction des prix.
Certains d'entre vous m'objecteront peut-être que l'inflation semble moins forte depuis quelques semaines, grâce notamment à un net ralentissement sur un an de la hausse des prix de l'énergie. La note de conjoncture de l'Insee publiée le 15 novembre montre que l'inflation a légèrement baissé au mois d'octobre, pour s'établir à 4 % sur un an. Rappelons toutefois qu'un ralentissement de l'inflation ne signifie pas la fin de la hausse des prix et, donc, des difficultés des Français. Les prix continueront à progresser, même s'ils l'ont fait moins rapidement au mois d'octobre. En outre, rien dans le contexte national ou international ne permet de garantir la pérennité de cette évolution à la baisse. L'instabilité au niveau mondial demeure extrêmement forte, et nous n'avons pas encore ressenti les éventuels effets du conflit au Proche-Orient sur le prix du pétrole. Cela nous interdit toute confiance excessive quant à l'évolution de la situation dans les mois et années à venir.
C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de mettre en place, outre des mesures d'effet immédiat, des mécanismes pérennes qui devront être activés dès lors que des conditions économiques particulières seront réunies. Cela permettra de répondre immédiatement et de manière efficace aux éventuelles poussées inflationnistes.
Comme vous le voyez, cette proposition de loi se veut concrète et utile. Elle contient des mesures de justice élémentaire qui devraient faire l'unanimité sur ces bancs. Je note d'ailleurs que le ministre de l'économie, la Première ministre, le Président de la République, et peut-être le président de cette commission qui sourit à mes propos, ont eux-mêmes pointé en septembre dernier les marges excessives dans l'agroalimentaire comme dans le raffinage.
Je rappelle à ceux qui l'auraient oublié qu'en 2011, M. Christian Estrosi avait déposé une proposition de loi visant à limiter les marges de la grande distribution, cosignée notamment par nos collègues Thierry Benoit, Éric Ciotti, Marie-Christine Dalloz, Marc Le Fur ou encore par le député devenu ministre Philippe Vigier. La même année, le président Chassaigne en déposait une visant à encadrer les prix des produits alimentaires. L'ensemble de ces dispositions devraient donc faire consensus parmi les groupes. J'espère que la discussion permettra de le démontrer.
Les nombreuses propositions présentées et les nombreuses interventions, y compris présidentielles et ministérielles, faites en ce sens n'ont pour l'instant pas été suivies d'effet. Il est temps de passer des paroles aux actes. C'est ce que je vous propose avec cette proposition de loi.
Je commencerai en saluant le travail du rapporteur, qui a réussi quelque chose d'exceptionnel avec ce texte. En effet, quiconque aura suivi les travaux successifs sur les lois Egalim 1 et Egalim 2, la loi Descrozaille et plus récemment la loi sur les négociations commerciales, aura constaté qu'il existe en France deux types d'acteurs irréconciliables : la grande distribution et les industriels. Généralement, quand l'un dit blanc, l'autre dit noir et quand l'un dit oui, l'autre dit non. Et là où nous pensions la cause perdue, Manuel Bompard a réussi l'exploit de les faire tomber d'accord : cette fois, tout le monde dit non ! C'est tellement rare que cela mérite d'être souligné.
J'ai suivi l'ensemble des auditions que vous avez menées, Monsieur le rapporteur, et vous l'avez entendu comme moi : la solution que vous proposez n'est pas la bonne. Qu'il s'agisse des industriels, de la grande distribution, des agriculteurs, voire des associations de consommateurs, tous nous expliquent que, derrière ces marges que vous brandissez en étendard de votre prétendu combat pour le pouvoir d'achat, il y a des salaires en hausse, des embauches et des investissements dans la transition écologique.
Nous avons pourtant essayé de faire droit à votre texte, mais il est très difficile de comprendre comment vous établissez vos coefficients multiplicateurs. Or avec un coefficient établi de manière aléatoire, vous aurez nécessairement des marges trop étroites sur certains produits et trop larges sur d'autres. Les conséquences pour le consommateur final seront, au mieux, inexistantes. Là encore, ce n'est pas moi qui le dis, mais les acteurs que vous avez rencontrés.
Pour ma part, je soutiendrai une plus grande transparence sur les marges et sur la formation du prix. Il paraît nécessaire que les choses soient plus claires, tant pour informer le consommateur que pour éviter l'écueil des marges excessives. Mais le texte qui nous est soumis ressemble davantage à un projet idéologique, qui limitera le développement économique, l'emploi et l'investissement sans nullement soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs. Le groupe Renaissance votera contre ce texte qui ne trouvera aucun soutien, à part peut-être au Rassemblement national.
Vous pointez deux acteurs : la grande distribution et l'industrie agroalimentaire. Vous oubliez les producteurs et les consommateurs. En tant que législateur, notre responsabilité est de légiférer pour éviter que certains acteurs – ceux que vous avez cités – profitent de la situation pendant que d'autres acteurs – ceux que vous avez oubliés – en pâtissent.
Bien au contraire, j'ai cité notamment les consommateurs. D'ailleurs, lors de leur audition, les représentants d'UFC-Que choisir vous ont dit que vos propositions n'étaient pas les bonnes.
Tout de même, ce qui est fascinant chez Renaissance, c'est d'avoir échoué sur l'enjeu de la rémunération des agriculteurs et d'être encore capable de donner des leçons. Depuis sept ans que vous êtes au pouvoir, vous rejetez les propositions avec le même sourire ironique assez déplaisant. Celles-ci pourraient pourtant vous paraître intéressantes puisque le Président de la République lui-même a annoncé vouloir un pacte de modération des marges, dont nous n'avons certes pas très bien compris le contour – encore un dispositif vaporeux ! – mais qui en tout cas rejoint la philosophie de ce texte.
Pour notre part, nous voyons un certain intérêt à cette proposition de loi, sans œillères idéologiques – car il y a beaucoup d'idéologie ici, de la part de la France insoumise mais aussi de la majorité qui, par principe, refuse systématiquement des propositions alternatives aux siennes. Je rappelle que, malgré trois versions du texte, les lois Egalim n'ont pas réussi à garantir un prix rémunérateur pour les agriculteurs : ils l'ont souligné lors des auditions. En revanche, elles ont été un formidable booster de l'inflation alimentaire. Vous avez donc à nouveau raté votre cible et aggravé la situation des Français.
Je préciserai toutefois que si, dans un esprit d'ouverture, nous avons accueilli avec intérêt cette proposition de loi, nous proposons de l'amender largement. La majorité ne l'a pas fait, ce qui est une façon de faire assez surprenante. Pour notre part, bien que nous soyons en désaccord sur de nombreux textes de la majorité, nous nous attachons toujours à les amender pour tenter de les améliorer. Mais, Monsieur Bompard, vous avez totalement réécrit votre texte hier soir. Ce n'est pas très honnête à l'égard de ceux qui ont fait l'effort de proposer des amendements. J'ai donc passé une partie de la nuit à réécrire des sous-amendements. Vous avez également repris des propositions que j'avais faites par amendement, sur les critères de différenciation ou l'affichage du prix du carburant. Ce n'est pas très honnête non plus de votre part : vous auriez pu simplement donner un avis favorable à mes amendements. J'espère que votre avis sera favorable aux sous-amendements que j'ai déposés, dont ceux visant à corriger quelques fautes d'orthographe dans votre texte.
Lorsqu'on dépose une proposition de loi et qu'on organise des auditions, il me semble tout à fait normal de tenir compte ensuite de ce qui en ressort. J'ai donc formulé, en tant que rapporteur, des amendements qui permettent de préciser les modalités d'application du dispositif et d'introduire une forme de différenciation afin que les mesures d'encadrement des marges s'appliquent aux grands groupes industriels et à la grande industrie, et pas aux TPE (très petites entreprises) ou aux PME ; bref, je n'ai fait qu'apporter des modifications résultant des auditions. C'est un processus normal de construction législative. Il est vrai que mes propositions correspondent donc parfois à celles que vous avez faites par amendement, puisque vous avez assisté aux mêmes auditions que moi. J'en suis très content, et c'est logique.
Ce qui me ramène à l'intervention du porte-parole de Renaissance : c'est justement parce que certains acteurs auditionnés ont exprimé des demandes de précision sur des modalités du dispositif que j'ai proposé ces amendements. Si vous n'étiez pas en train de mener une guerre idéologique, vous constateriez que ces précisions sont de nature à améliorer la situation. J'ai été surpris du ton de votre intervention, en rupture avec les propos du Président de la République sur ce sujet.
Présenter cette proposition de loi dans notre niche parlementaire nous a paru essentiel parce qu'il y a urgence : notre pays a faim ! D'après le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), en six ans de présidence Macron, nous sommes passés de 6 à 11 millions de personnes qui déclarent avoir faim. Cinq millions de personnes supplémentaires, et une situation d'autant plus alarmante que les prix sont littéralement en train d'exploser. Le rapporteur parlait d'une hausse de 20 % dans l'alimentation, mais elle atteint 30 % pour les produits laitiers, le poisson, la viande, et 15 % pour l'essence. Les ménages aux revenus les plus modestes sont les plus touchés, et la crise inflationniste est loin d'être finie : contrairement à ce qu'affirme le ministre de l'économie, les prix continuent d'augmenter.
Nous devons agir, et pour cela affaiblir la principale source de cette inflation, à savoir les marges des multinationales de la transformation et, dans une moindre mesure, de la distribution. C'est ce que montrent désormais les études de l'Insee, mais également du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne. Même le ministre de l'économie et le Président de la République l'ont reconnu dernièrement.
Le problème est que, pour l'instant, le Gouvernement ne s'est pas attaqué à cette source d'inflation, si ce n'est en priant les multinationales et leurs actionnaires de consentir quelques efforts. Nous attendons toujours le fameux accord de modération des marges dont le président Macron nous a parlé en septembre car, apparemment, les prières et les promesses ne marchent pas – et pour cause : les actionnaires tiennent à leurs dividendes, et donc aux marges !
Pire, le Gouvernement a même renoncé à la taxation sur les superprofits des multinationales de l'énergie pour l'année prochaine. Il a multiplié les chèques provisoires et insuffisants, les lois inutiles et inefficaces, les mesures incompréhensibles comme l'avancement de quinze jours des dates de négociations commerciales, dont tout le monde sait, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat – j'ai assisté à la CMP – ou dans les organisations professionnelles agricoles, qu'elles n'auront aucun effet sur la situation de nos concitoyens. Tous les acteurs de la production et de la distribution alimentaire soutiennent en revanche l'idée d'un chèque alimentaire pour des produits locaux et de qualité, mais là non plus, nous ne voyons rien venir en dépit des annonces.
Il faut des politiques plus fortes. L'État doit retrouver sa puissance en matière économique, ne pas renoncer face au pouvoir exorbitant des multinationales, qui s'exerce au détriment des consommateurs et des petits producteurs. Nous voulons un État qui encadre réellement les prix et les marges des multinationales. Ce texte de loi permet de protéger les consommateurs face à la flambée des prix, et cela à la faveur des producteurs agricoles puisque l'article 1er fixe des prix plancher.
Vous voyez, il est possible d'agir, à condition de sortir de l'idéologie ultralibérale !
Monsieur le rapporteur, détrompez-moi si je fais fausse route : si je comprends bien l'objet et l'esprit de votre proposition de loi, il s'agit de s'attaquer aux profiteurs de crise, à ceux qui ont, dans le cadre de l'inflation que nous connaissons, réalisé des marges plus importantes au cours des années 2022 et 2023. Ces acteurs qui ont un comportement de sagouin sont mineurs : dans le monde de l'économie, de tels comportements ne sont pas majoritaires. Ils peuvent être la marque de quelques individus, quelques entreprises que nous connaissons bien et dont le siège social n'est pas en France, mais ces comportements sont loin d'être ceux de la majorité des entreprises de France.
Je rappelle également que les nombreuses entreprises qui sont installées dans nos territoires y créent de l'emploi et contribuent, par ce biais, à lutter contre la précarité.
Avec cette proposition de loi, j'ai le sentiment, Monsieur le rapporteur, que vous voulez tuer un moustique avec un bazooka. Le résultat, quand on fait cela, est qu'on détruit la maison. Vous allez détruire la maison de l'économie française parce que l'encadrement des marges assez large que vous prévoyez envoie un message négatif à nos entreprises, une image péjorative du fonctionnement de l'économie française, au moment même où nous voulons tous, quelles que soient nos idéologies politiques et nos responsabilités au sein de nos territoires – communes, agglomérations, régions, État – attirer des investisseurs en France, voire lutter contre ceux qui délocalisent, notamment dans les pays de l'Est où les coûts sociaux sont bien moindres qu'en France – ce qui est un autre défi.
Un exemple concret, dans ma circonscription : en 2020, dans le petit village de Jussy, l'usine Lu-Mondelez a subi un incendie. La moitié de l'usine est partie en fumée, entraînant son arrêt, le chômage partiel, etc. Or le siège de Mondelez est à Chicago : pour eux, Jussy, avec ses 1 200 habitants, c'est Pétaouchnok ! Si nous ne nous battons pas pour montrer aux décideurs de Chicago qu'investir en France est vertueux, jamais ils ne réinvestiront 50 millions d'euros sur notre territoire, jamais ils ne préserveront ces 200 emplois qui font vivre autant de foyers, voire plus en prenant en compte les sous-traitants.
Je suis d'accord avec vous, il faut améliorer la transparence sur les marges, et j'ai déposé un amendement en ce sens à l'article 2. Mais en voulant absolument restreindre, contenir au maximum les marges de nos entreprises, le risque est d'envoyer un message extrêmement négatif pour l'économie française.
Cher collègue, merci d'entrer dans le cœur du texte et de soulever des thèmes importants. J'aimerais vous rassurer : le dispositif tel qu'il est conçu cible précisément les entreprises de l'industrie alimentaire et de la grande distribution qui réalisent des marges excessives. Les autres, celles qui ne profitent pas de la situation, ne sont pas concernées par ce mécanisme qui ne sera actionné que pour celles qui dépasseront les indicateurs prévus, concernant par exemple le niveau des marges. Et, précisément afin de pas donner le sentiment que vous évoquez, j'ai déposé des amendements pour renforcer cette différenciation. J'espère que vous les adopterez.
Cette proposition de loi de nos collègues de la France insoumise vise à encadrer les marges de différentes filières en instaurant une quasi-administration des prix. Elle pose en substance la question fondamentale du partage de la valeur tout au long de la chaîne agroalimentaire. Au sein du groupe Démocrate, nous sommes particulièrement attachés à cette notion d'un juste partage de la valeur ; nous sommes attachés au juste prix payé à l'agriculteur, à la préservation des intérêts des TPE et PME qui maillent nos territoires, notamment dans les zones rurales, et à une alimentation de qualité accessible à toutes les Françaises et tous les Français.
Si nous partageons l'objectif donc, vous ne serez pas surpris que nous ne partagions pas les moyens pour l'atteindre. En effet, ces coefficients multiplicateurs seraient une véritable usine à gaz pour nos TPE et PME sans que rien changer aux prix, car s'il y a un problème de marges dans l'industrie agroalimentaire, ce ne sont pas ces entreprises de nos territoires qui sont en cause, elles qui connaissent souvent des situations économiques extrêmement difficiles. De plus, c'est une mesure dont le contrôle de l'application représenterait une tâche pharaonique pour la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
Outre la philosophie générale, le dispositif que vous proposez est inopérant. En effet, vous ne prenez en compte que les coûts de production pour déterminer le prix de vente, en évacuant totalement les questions de gestion des salaires, de coûts fixes liés aux investissements divers ou de trésorerie. En outre, votre texte arrive alors que l'inflation ralentit et que certains prix, notamment ceux de l'énergie, retrouvent des niveaux acceptables.
En résumé, le groupe Démocrate s'associe au constat, mais rejette les conséquences que vous en tirez. L'enjeu serait d'abord d'établir clairement l'état du partage de la valeur avant de recourir à un outil aussi compliqué et brutal que l'encadrement des marges.
Vous redoutez que ce dispositif frappe nos petites entreprises, qui ne sont pas responsables de la situation. Vous verrez que certains de mes amendements visent à exclure du dispositif par exemple les entreprises de l'industrie alimentaire dont le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros. Votre inquiétude me semble donc dissipée.
De même, je précise dans l'un de mes amendements la définition de la marge afin d'éviter de peser à la baisse sur les salaires.
Puisque vous partagez l'objectif, j'espère que le travail que nous allons réaliser sur les amendements nous permettra de partager les moyens. En effet, avoir des inquiétudes ou des interrogations sur les moyens ne saurait conduire à l'inaction, comme c'est malheureusement le cas depuis maintenant plusieurs mois.
C'est vrai, nous partageons l'objectif, mais pas du tout les moyens. Votre proposition est brutale. Il faut prendre le temps de dresser un bilan pour proposer un texte plus large et plus cohérent.
Je salue l'initiative du groupe La France insoumise. Cette proposition de loi est stimulante sur le plan intellectuel et pertinente sur le fond.
Le fait que des millions de Français doivent aujourd'hui arbitrer entre le logement, les soins et l'alimentation est un échec collectif. Nous saluons tous ceux qui sont en première ligne et qui lancent des alertes, comme le Secours catholique et le Secours populaire la semaine dernière. Tout converge pour dire que l'on assiste à une augmentation de la pauvreté, ce qui est un scandale dans notre pays, l'une des premières puissances mondiales, où les inégalités n'ont cessé de se creuser. La question de l'accès à l'alimentation et de son coût est cruciale. Je ne développerai pas les catégories particulièrement concernées, nous les avons tous dans notre cœur, mais j'insiste : en aucun cas, la charité ne peut remplacer la justice ; il y a là un combat qui relève de la régulation de la puissance publique.
La position des socialistes s'est toujours fondée sur des contrats tripartites pluriannuels garantissant aux producteurs, aux transformateurs et aux distributeurs une juste rémunération de tous ceux qui travaillent dans la chaîne agroalimentaire. Cet indice de partage de la valeur pourrait être aujourd'hui reconnu et labellisé dans une logique proche des principes du commerce équitable qui pourraient devenir une norme pour le commerce à l'échelle de l'Union européenne mais également les échanges internationaux. Ce sont ces principes que nous devrions chérir, tant pour les normes environnementales que sociales.
Plus pragmatiquement, nous invitons à ce que l'indice de révision du prix de l'énergie et des matières premières soit intégré dans les contrats. Avec un tel dispositif, nous n'aurions pas eu besoin de prendre cette mesurette sur le raccourcissement des délais de trois semaines, puisque nous aurions eu une révision en continu tenant compte de l'inflation de certaines matières premières.
Ces positions historiques rappelées, le groupe Socialiste regarde avec bienveillance cette proposition audacieuse. Je formulerai toutefois trois remarques.
La première touche à la temporalité. S'agissant de choses aussi systémiques, nous préférerions l'esprit d'une expérimentation susceptible d'être approfondie et prolongée au bout d'un an plutôt qu'un dispositif pluriannuel. L'idée d'une situation de crise qui justifierait le déclenchement de ces mesures exceptionnelles que nous pourrions évaluer et pérenniser nous paraîtrait plus adaptée.
Par ailleurs, fixer par la loi des normes sur les taux de marge indécents nous paraît risqué. Vous proposez de vous en remettre plutôt à des décrets qui pourront prendre en compte les références historiques. Cela nous paraît extrêmement sage.
Enfin, il faut préciser la cible pour lever les obstacles pointés par Julien Dive.
À ces réserves près, nous sommes disposés à accompagner cette proposition de loi. Dans ce contexte de crise, il faut sortir de l'ornière. Les marges indécentes ne sont absolument pas justifiables à l'heure où certains de nos concitoyens doivent arbitrer entre leur alimentation et leur santé. Il est urgent de mettre fin à ces pratiques pour le moins obscures, car nous savons que, dans la grande distribution et dans les multinationales de l'agroalimentaire, l'optimisation fiscale sur l'immobilier et les transferts de coûts est une marge majeure de bénéfices.
Je partage l'essentiel de vos remarques. Les deux derniers points sont satisfaits, je pense, par mes amendements. Par ailleurs, il y aurait de toute façon un risque de constitutionnalité à vouloir instituer un dispositif pérenne. Ce n'est donc pas ce que je propose de faire. Ce qui est prévu, c'est un dispositif qui fonctionne pour l'année 2024, puis des indicateurs qui permettraient de le déclencher en situation exceptionnelle.
Monsieur le rapporteur, vous abordez un sujet qui me tient à cœur. Vous avez fait référence, ce qui montre que vous avez travaillé votre sujet, à la proposition de loi de M. Estrosi de 2011, dont je me souviens parfaitement pour l'avoir cosignée. Depuis, j'ai présidé une commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, qui a abouti à la proposition de loi de Grégory Besson-Moreau devenue la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2. Cette loi traite notamment de la non-négociabilité des matières premières agricoles. Si elle était correctement appliquée, elle apporterait une réponse à l'article 1er de votre proposition de loi.
Vous m'avez trouvé, vous et votre groupe politique, à vos côtés lorsqu'il s'est agi de taxer les superprofits. J'avais d'ailleurs déposé à l'été 2022 le même amendement que vous, car je considère que certains profits et superdividendes sont de véritables anomalies. Il faut que le Gouvernement réalise qu'on ne va pas suffisamment chercher l'argent là où il est.
Lorsque la rémunération du PDG d'un groupe de la grande distribution se monte à 9 millions d'euros pour l'année 2022, cela m'interpelle. Lorsque j'apprends, en audition la semaine dernière, que la présidente de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), rémunérée avec de l'argent public, perçoit pratiquement 200 000 euros par an, cela m'interpelle. Et lorsqu'en commission d'enquête, une ministre des sports nous explique qu'en tant que présidente d'une fédération française de sport, elle était rémunérée 500 000 euros par an, cela m'interpelle.
Je vous rejoins sur le rôle de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Je ne pense pas que nous pourrons régler la question aujourd'hui, mais j'observe qu'il ne compte que trois personnes : si nous voulons approfondir la question de la transparence, il faudra redéfinir sa mission et lui octroyer de nouveaux moyens, notamment humains.
J'appelle enfin votre attention sur l'importance de travailler à un cadre européen en la matière. En France, les services fiscaux disposent de toutes les données sur la création de richesse, les bénéfices, les marges réalisées par les multinationales et groupes de la grande distribution. Il faut agir au niveau européen, notamment auprès de l'autorité de la concurrence européenne, pour être en mesure de corriger les anomalies et les excès des mauvaises négociations commerciales et du mauvais partage de la valeur.
Notre objectif n'est pas d'aller à l'encontre des progrès apportés par la loi Egalim 2, mais plutôt d'en combler certaines imperfections. La non-négociabilité de la matière agricole a été une belle avancée mais, selon les acteurs, la référence aux indices de coût de production pose question. Je pense qu'il est possible d'améliorer les choses.
En défendant cette proposition de loi, nous ne voulons pas mener une bataille idéologique mais construire un dispositif sérieux, raisonnable et crédible, qui, indépendamment des désaccords que nous pouvons avoir sur les solutions à mettre en place, permette de soulager immédiatement les difficultés des Français. C'est dans cet état d'esprit que je vous appelle à nous rejoindre.
Pour notre part, ce n'est pas cette proposition de loi que nous considérons comme d'une brutalité inouïe, mais la situation économique et sociale dans laquelle sont plongées tant de personnes dans notre pays. Nous assistons à une baisse des achats alimentaires et nombre de Françaises et de Français ne mangent plus à leur faim. Voilà un constat d'une brutalité incroyable, auquel le Gouvernement ne répond pas.
La situation est plus qu'alarmante, cela a été ressenti avec beaucoup d'acuité lorsque le président des Restos du Cœur a lancé son cri d'alarme. Mais quelles politiques structurelles avez-vous engagées pour résoudre ce problème ? Celles que mène le Gouvernement fabriquent, au contraire, de la pauvreté – je pense à l'assurance chômage et aux grandes difficultés faites aux personnes privées d'emploi dans notre pays. Il faut une tout autre politique sociale. Il faut aussi cibler les causes de l'inflation sur lesquelles nous pouvons agir, à commencer par le fait que certaines entreprises, personne ici le nie, profitent outrageusement de la situation. Oui, il faut limiter les marges des entreprises lorsqu'elles se gavent.
Les groupes de la majorité n'apportent pas de réponses, juste une litanie d'invectives contre cette proposition de loi. Où sont les propositions concrètes de la majorité pour résoudre le problème majeur auquel notre société est aujourd'hui confrontée ? Notre collègue des Républicains trouve que limiter les marges n'est pas raisonnable, mais est-il raisonnable de voir le président de Carrefour se verser un salaire de 9 millions alors que le nombre d'expulsions augmente dans notre pays et que de plus en plus de gens peinent à remplir leur frigo ?
Je remercie La France insoumise de présenter cette proposition de loi, qualifiée par M. Bompard de raisonnable, crédible et concrète. Je regrette que les groupes de la majorité ne cherchent pas à la faire prospérer et à trouver des mesures pour améliorer concrètement et immédiatement la situation des Françaises et des Français.
Les groupes ont encore le droit d'être pour ou contre des mesures, nous ne sommes pas obligés de nous mettre tous d'accord. Je suis garant de la liberté de chacun des groupes à adhérer ou pas aux propositions faites.
Vous avez raison, Monsieur le président, je rassure tout le monde : nous n'avons pas le pouvoir d'utiliser le 49.3 sur ce texte !
Pas directement, en effet !
Pour le reste, je partage les propos de notre collègue. Je peux toujours entendre les réserves formulées sur tel ou tel dispositif. Ce qui m'est plus difficile, c'est de les entendre tous refuser à tour de rôle sans jamais faire en retour aucune proposition pour résoudre concrètement le problème. Nous avons le mérite de poser sur la table une proposition. Il serait raisonnable que tout le monde s'en empare et fasse des propositions pour la modifier si nécessaire, comme certains l'ont fait, afin de mettre enfin un terme à une situation d'injustice inacceptable.
Je signalais simplement que tout le monde n'est pas forcément favorable à un encadrement des prix et des marges ou à un prix plancher, et que cela fait partie de la liberté dans notre commission de pouvoir en débattre.
Nous examinons cette proposition de loi alors que la loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation – ou censées le faire – vient à peine d'être adoptée. Cette loi d'initiative gouvernementale sera sans effet sur l'inflation, et cela d'abord parce qu'elle est dénuée de tout outil d'intervention publique sur la formation des prix et sur l'encadrement des marges des industriels et de la distribution.
Fort heureusement, la philosophie du texte qui nous est soumis est bien différente. Il reprend deux outils politiques que les parlementaires communistes défendent depuis longtemps. Le premier est, à l'article 1er, les conférences publiques de filière permettant de définir des prix plancher des productions agricoles ; le second, l'application d'un coefficient multiplicateur entre prix d'achat et prix de vente, pour les industriels avec l'article 2 et pour les distributeurs avec l'article 4.
En 2009, en 2011 et en 2016 sous forme de propositions de loi, et sur quasiment tous les textes touchant à l'agriculture ou aux négociations commerciales sous forme d'amendements, je défends, en vieux soldat de la régulation et de l'interventionnisme, l'instauration de ces outils fondamentaux. Je me félicite donc de leur reprise aujourd'hui : quand les idées sont bonnes, il faut qu'elles soient partagées librement et sans droits d'auteur.
D'ailleurs, le coefficient multiplicateur est depuis longtemps un logiciel libre. L'exégèse de sa longue histoire politique serait particulièrement instructive pour tous les libéraux qui le vilipendent comme un horrible principe d'économie administrée. Instauré à la Libération pour lutter contre la spéculation des années 1930, supprimé en 1986 sous la pression des distributeurs par le gouvernement Chirac, il a été réintroduit partiellement en 2005 par la majorité de droite dans la loi sur les territoires ruraux, puis modifié en loi de finances rectificative fin 2011. Objet de longs débats qui ont rappelé son utilité en cas de crise ou élargi ses possibilités d'application, le coefficient multiplicateur est bien cet outil central dont notre pays a besoin pour calmer les appétits financiers des industriels et de la distribution.
Il pourrait être un levier puissant, une pièce maîtresse d'un contrôle des marges efficace – un levier à mettre à la disposition d'un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires réformé, renforcé, voire transformé en une véritable régie publique d'intervention pour une répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans les chaînes de valeur des produits alimentaires. Nous y travaillerons, et c'est d'ailleurs l'objet d'un article additionnel.
Cette proposition de loi fait, aujourd'hui encore, l'objet d'un pilonnage essentiellement idéologique. J'espère, comme l'a demandé notre rapporteur, que nous pourrons en débattre sereinement, propositions à la clé.
Je remercie le président Chassaigne d'avoir rappelé l'histoire de ces dispositifs et montré que ceux-ci ont été utilisés quelles que soient les étiquettes politiques. Ils existent d'ailleurs à l'étranger, bien loin des caricatures que certains essaient d'en faire sur ces bancs. Il faut aller au-delà des caricatures pour l'inscrire dans la loi.
Alors que l'inflation tutoie les 10 % et que les Français peinent à remplir leurs caddies, il est légitime de s'interroger sur les causes de la hausse des prix. Personne ne peut nier le rôle de l'énergie dans cette inflation galopante – on sait que l'augmentation drastique de ses coûts au lendemain de la guerre en Ukraine a eu des répercussions durables sur l'ensemble des chaînes de valeur – mais ce n'est pas le seul facteur explicatif. Selon les deux dernières notes de conjoncture de l'Insee, de mars et juin 2023, l'augmentation des marges des entreprises participe également à cette dynamique.
Limiter les marches des entreprises limiterait donc l'inflation. Jusque-là, nous sommes d'accord avec le postulat de cette proposition de loi. Nous divergeons cependant sur la méthode, que nous jugeons trop drastique, peu opérationnelle et porteuse d'effets de bord. Tout d'abord, nous considérons que toute marge n'est pas mauvaise par essence et qu'il est difficile de faire la différence entre une entreprise qui marge pour assurer l'augmentation des salaires et pour investir, une qui marge pour se reconstituer après des années difficiles et une qui marge pour rémunérer des actionnaires.
Ensuite, en appliquant l'encadrement des marges à chaque maillon de la chaîne alimentaire, vous instaurez de fait un contrôle des prix. Cette économie administrée aurait de lourdes conséquences sur les acteurs économiques concernés, qui subiraient une perte de compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents européens et internationaux et donc un déclin de leur rentabilité. Ce n'est pas grave en soi, me répondrez-vous, si ce n'est qu'à terme, l'emploi des Français s'en trouverait menacé, sans parler du risque de pénurie de certains produits.
Le Président de la République avait évoqué un instrument moins coercitif : la mise en place d'accords de modération des marges. Nous appelons la majorité à se saisir de cette opportunité en votant notre amendement.
Rappelons pour finir que, dans une économie de marché, l'instrument principal pour corriger les marges est l'impôt sur les bénéfices des entreprises, que le Président de la République n'a cessé de baisser depuis qu'il est arrivé aux responsabilités.
Toute marge n'est pas mauvaise, disiez-vous. C'est pourquoi cette proposition ne vise pas à supprimer les marges mais seulement à les encadrer, afin d'éviter qu'elles ne soient excessives. Il ne s'agit pas d'empêcher toutes les sortes de marges, y compris celles que vous avez évoquées, mais de considérer qu'il existe une référence de marge raisonnable et que, dans une situation exceptionnelle, cette référence ne peut pas être dépassée.
Pour le reste, nous aurons l'occasion de discuter du dispositif que vous proposez par amendement. Je ne suis pas opposé aux dispositifs volontaires ; je dis seulement que lorsque ceux-ci ne sont pas suivis d'effet, il est bien que la loi soit là, comme une épée de Damoclès.
Monsieur le président, vous dites être contre le blocage des prix et l'encadrement des marges. Pouvez-vous m'expliquer alors pourquoi le prix du gel hydroalcoolique ou celui des bouteilles d'eau à Mayotte a été bloqué, et pourquoi vous avez encadré les marges sur les lunettes ?
Monsieur le rapporteur, je ne partage pas vos propositions. Plutôt que d'encadrer les marges et d'instaurer un prix minimum pour l'achat de matières premières agricoles, ne serait-il pas plus judicieux d'imposer à tous les maillons de la filière agroalimentaire une totale transparence des marges, et d'obliger ainsi à la juste redistribution de ces dernières, notamment au bénéfice de nos agriculteurs qui en ont bien besoin ? Certains industriels, on le sait, refusent de publier leurs résultats et leurs marges, et de payer des pénalités. Quant au prix des carburants, la solution est de baisser les taxes, puisqu'elles constituent 60 % du prix du carburant.
Étant un homme de droite, je ne suis pas favorable à l'économie administrée mais il est vrai qu'il est primordial que nous connaissions précisément les marges réalisées dans l'entreprise. Et puis, cette proposition de loi le montre, il est peut-être des moments dans l'histoire où les prix doivent être encadrés. Dès lors que l'économie se resserre et que les gens sont à 10 euros près à la fin du mois, il faut sans doute, comme cela se pratique outre-mer, encadrer les prix dans certains secteurs afin d'éviter qu'ils ne flambent.
Il faudra également réfléchir à un système où le prix conseillé serait mentionné sur les emballages. Aujourd'hui, les prix de certains produits sont fixés par l'industriel. Obliger à ce que le prix conseillé soit aussi établi par l'agriculteur et le transformateur éviterait que certains ne puissent se goinfrer.
Permettez-moi de dénoncer l'insuffisance de l'analyse et de la prise en compte par le pouvoir des effets de l'inflation sur la qualité de l'alimentation des Français. Nous vivons une crise alimentaire sans précédent dans l'histoire récente de notre pays et de l'Union européenne. Je le dis solennellement aux membres de la majorité, faire croire que nous y ferons face par un simple renforcement du droit des négociations commerciales et en quémandant une modération volontaire des appétits financiers de l'agroalimentaire et de la distribution est révoltant et indigne des souffrances vécues par des millions de nos concitoyens.
Ce choc intervient dans une France qui compte 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, où un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre et où 7 millions de personnes au moins font régulièrement appel à l'aide alimentaire. Pour les ménages les plus pauvres, l'alimentation constitue une variable de survie du budget familial, le contenu de l'assiette étant ajusté au fil du mois. Cela appelle des réponses politiques fortes. Commençons donc ce travail dès aujourd'hui avec les outils qui nous sont présentés, notamment ce texte.
Un certain nombre de petites entreprises ont des produits à la fois en marque propre et en marque de distributeur (MDD) : une trop bonne information sur leurs marges peut les mettre en difficulté lors des négociations. Il faut vraiment y être vigilant, et ne pas se laisser tenter par les fausses bonnes idées.
Dans le même esprit, toutes les entreprises qui enregistrent de bons résultats ne sont pas dans la même situation. Certaines peuvent avoir des licences de marque avec des sociétés à l'étranger, avec un montage classique au Luxembourg ou en Irlande. Un ratio ne permet pas forcément de savoir si les marges sont anormales ou pas.
Comme l'a dit Thierry Benoit, la loi Egalim 2 n'est pas pleinement appliquée : parfois, il n'y a pas de contrat, parfois les clauses de révision des prix ne sont pas appliquées. Mais cette loi présente aussi de grosses failles, auxquelles le texte qui nous est soumis permet de répondre de manière efficace. Ainsi, il accorde au médiateur des relations commerciales un pouvoir coercitif supplémentaire. Surtout, sachant que les indicateurs de prix bénéficient en fait aux multinationales – je pourrais vous parler des pratiques de Lactalis et autres – il s'appuie sur des prix planchers et non sur des indicateurs de production.
Je suis d'accord avec l'objectif de transparence que vous affichez, Monsieur Vigier. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai proposé d'introduire un article 1er bis qui renforce les pouvoirs de sanction lorsque les informations ne sont pas transmises à l'OFPM.
Mais le sujet a déjà fait l'objet d'études. Deux rapports de l'Insee notamment montrent que, de manière générale, les marges de l'industrie agroalimentaire ont connu de très fortes hausses ces derniers mois. Il ne suffit donc pas de dire que l'on manque d'informations, même si c'est vrai, il faut aussi empêcher que cela permette à certains de devenir des profiteurs de crise. Je n'affirme pas que c'est le cas de l'ensemble des entreprises mais il y en a, et il faut faire en sorte que cela cesse. C'est le sens de cette proposition de loi.
S'agissant du carburant, j'entends souvent opposer la baisse des taxes et la baisse des prix. Sauf que si l'on baisse les prix, on baisse les taxes. Si le prix du litre de carburant est de 2 euros, avec 50 % de taxes, on a 1 euro en taxes et 1 euro dans la chaîne. Si, par l'encadrement des marges, on ramène le prix à 1,5 euro, on n'a plus que 75 centimes de taxes : la moitié de l'effort, soit 25 centimes, est prise en charge par l'État et l'autre moitié par la filière. Cette proposition permet de partager l'effort, car il n'est pas envisageable non plus que l'État et les deniers publics soient les seuls à alimenter les marges des profiteurs de crise.
Pour ce qui est des produits sans marque propre et des marques de distributeurs, dès lors qu'on introduit une forme de différenciation dans la proposition de loi, en reprenant d'ailleurs le seuil de 350 millions d'euros figurant dans la loi sur l'avancée des dates des négociations commerciales – j'espère que vous appréciez notre ouverture d'esprit – ces produits ne seront pas concernés par le dispositif. Il me semble que c'est de nature à lever votre inquiétude légitime.
Pour le reste, je remercie les collègues qui ont exprimé des points d'accord avec le dispositif proposé.
M. Grégoire de Fournas, du Rassemblement national, m'ayant interpellé directement sur la question du blocage des prix, je ne veux pas le laisser sans réponse. Chacun connaît ma position, puisque je me suis exprimé à de nombreuses reprises pour exprimer mon doute sur les mécanismes interventionnistes de fixation des prix ou des marges.
On a encore le droit, dans notre pays, de savoir où l'on habite, idéologiquement. On peut avoir une colonne vertébrale en matière économique et politique. J'ai toujours été de philosophie libérale. Je ne veux pas sortir de l'économie de marché et je ne suis pas favorable au contrôle étatique des prix ni des marges. J'estime que les 195 pays du monde ont fourni suffisamment d'exemples depuis des centaines d'années pour montrer que les modèles dirigistes et étatistes, d'un point de vue économique, ne fonctionnent pas.
J'ai le droit, monsieur de Fournas, de constater que, dans tous les pays, que ce soit des économies de marché ou des économies dirigées, les mécanismes de blocage des prix ont toujours conduit aux mêmes effets : une démobilisation des producteurs qui, au prix fixé par l'État, préfèrent s'arrêter ; des mécanismes de pénurie dans les supermarchés, parce qu'ils ne peuvent pas répondre au prix administrativement fixé ; des mécanismes de vente sous le manteau, au black, d'un certain nombre de produits ; et à la fin des fins un rattrapage des prix, parce qu'on finit toujours par lever les blocages. C'est ce qui s'est passé partout, au Venezuela, en Argentine, en France lorsque cela a été expérimenté, aux États-Unis, sur tous les marchés économiques.
Permettez-moi donc de ne pas fixer mon idéologie en fonction des sondages et de ne pas être un jour libéral et le lendemain dirigiste – un jour contre le nucléaire, le lendemain pour le nucléaire. Je suis désolé, monsieur de Fournas, j'ai un corpus, je sais où j'habite. Vous êtes libre de suivre les sondages. J'ai, pour ma part, un sous-jacent idéologique.
L'idéologie n'est pas un gros mot, nous avons tous le droit d'avoir des références économiques et politiques. Mais au-delà, je suis sensible à l'argument de M. Izard selon lequel pas un seul acteur interrogé n'a considéré que c'était une bonne idée. On a donc le droit de s'interroger : s'agissant d'une proposition censément modérée, raisonnable et gentille, il est tout de même curieux que pas un seul acteur économique ne nous ait demandé de la voter !
Nous en venons aux amendements.
Avant l'article 1er
Amendement CE32 de M. Manuel Bompard
Je n'ai rien contre l'idéologie, sauf quand elle devient un aveuglement face à la situation que nous connaissons.
Un certain nombre des acteurs que nous avons auditionnés considèrent qu'une des difficultés de la loi Egalim 2 tient au fait que les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture ne sont pas respectés dans les négociations ou que l'on tente parfois de leur substituer d'autres indices. Cet amendement vise à faire en sorte que les indicateurs soient pris en compte dans la fixation d'un prix minimal pour les produits agricoles.
Pour reprendre les propos des agriculteurs lors des auditions, l'encre de la loi Descrozaille n'est pas encore sèche que vous voulez déjà leur imposer de nouvelles contraintes administratives, les plaçant ainsi dans l'insécurité juridique. Avec ce type de grands principes qui peuvent paraître sensés, ce ne sont pas les marges de la grande distribution ou de l'industrie agroalimentaire que vous ferez baisser, mais celles des avocats que vous allez augmenter.
Il s'agit juste de réintroduire dans notre économie le mécanisme des prix plancher que nous avons connu jusqu'à récemment. Jusque dans les années 1990-2000, il y avait des prix minimums européens garantis pour le lait, le sucre, les grandes cultures, la viande bovine. Ils ont malheureusement été supprimés progressivement, avec la dérégulation des marchés agricoles, mais jusqu'en 2008 encore, l'interprofession laitière fixait des prix minimums en France sur le lait.
Contrairement à ce que vous dites, il ne s'agit pas d'une économie dirigée mais d'une économie de marché régulée. Ce mécanisme existe dans de nombreux pays, par exemple au Canada avec les marketing boards laitiers, aux États-Unis, ou au Royaume-Uni jusque dans les années 1980. La norme, dans l'histoire et dans le monde, est plutôt d'avoir des prix planchers agricoles, l'exception étant l'Europe, et particulièrement la France. Soyons donc raisonnables, revenons à ce qui se pratique ailleurs dans le monde et qui protégera réellement les producteurs agricoles.
Cher collègue Izard, vous n'avez pas dû assister aux mêmes auditions que moi, car cette proposition a été formulée par la FNSEA. Il faut sortir des fiches qui vous ont été préparées, parce que votre argumentation ne tient pas. Cet amendement vise à renforcer la prise en compte des indicateurs de coûts de production dans les négociations, ce qui est précisément l'une des limites du dispositif Egalim 2, pointée par l'ensemble des syndicats agricoles.
La commission rejette l'amendement.
Article 1er (article L.631-27-1 du code rural et de la pêche maritime) : Fixer collectivement un prix d'achat plancher des matières premières agricoles, de façon à garantir le revenu des agriculteurs et la pérennité de leur activité
Amendement CE33 de M. Manuel Bompard et sous-amendements CE36, CE37, CE38 et CE39 de M. Grégoire de Fournas
Cet amendement de rédaction globale a pour objet de placer les conférences publiques de filière sous l'égide du médiateur des relations commerciales agricoles alors que les dispositions en vigueur les placent sous l'égide de FranceAgriMer. Définir des niveaux de prix planchers des produits agricoles deviendra la principale mission des conférences publiques de filière. FranceAgriMer, les instituts techniques agricoles ou l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires éclaireront la négociation avec les données qu'ils recueillent ou qu'ils produisent, mais le médiateur est le mieux placé, au regard de ses autres missions, pour conduire une négociation entre des partenaires commerciaux dans le secteur agroalimentaire.
L'amendement complète également le dispositif de l'article 1er en envisageant l'hypothèse d'un échec des négociations interprofessionnelles pour fixer certains niveaux de prix plancher. Là encore, une demande des acteurs était de prévoir l'intervention d'une tierce personne. Dans ce cas, nous proposons donc que le médiateur remette aux ministres chargés de l'économie et de l'agriculture un compte rendu de la négociation sur lequel ces derniers pourront s'appuyer pour fixer par arrêté les niveaux de prix plancher.
Le sous-amendement CE36 fera, je pense, consensus contre La France insoumise. Il s'agit de ne pas inclure les associations de protection de l'environnement dans les conférences publiques de filière, comme vous souhaitez le faire. Il est totalement inenvisageable que Greenpeace ou Les Soulèvements de la Terre donnent leur avis sur la répartition des marges au sein des filières.
Le deuxième sous-amendement, CE37, introduit un point que vous n'abordez pas dans votre texte, à savoir la question de la concurrence étrangère. Il est bien évident qu'il faut graver dans le marbre le principe de privilégier les productions françaises avant toute importation.
Les sous-amendements CE38 et CE39 reviennent sur la demande qui vient d'être rejetée dans l'amendement précédent bien qu'elle ait été formulée par la FNSEA lors des auditions – je le précise à nos collègues LR et à M. Izard. En effet, la loi Egalim 2 est sans doute excellente, mais elle ne fait aucune référence aux coûts de production. La moindre des choses est que les prix couvrent les coûts de production. Je vous propose donc un nouveau vote sur ce point.
Je suis défavorable à l'exclusion des associations de protection de l'environnement des conférences de filière. Elles ne fixeront pas les marges, bien évidemment, mais il me semble normal que la négociation soit éclairée par différents points de vue. Outre les autres organismes, les associations de l'environnement offrent un avis utile dans la discussion.
Quant à vos sous-amendements sur les indicateurs de coût de production, il me semble que ma rédaction était plus complète parce qu'elle ne faisait pas seulement référence à ceux établis par FranceAgriMer. Votre amendement ne reprend le mien que de manière partielle. Je vous propose de retirer le vôtre et que nous retravaillions le mien, complété ou précisé au besoin, afin qu'il puisse être adopté en séance.
Monsieur le rapporteur, votre amendement a été rejeté. Vous considérez que le mien est plus faible, mais il ne nous reste que cela pour que cette notion importante soit inscrite dans le texte. Je vous prie de revenir sur votre décision qui n'est pas compréhensible.
Le deuxième sous-amendement aborde la question de la protection des productions françaises. À mon avis, le coefficient multiplicateur protège les productions françaises. Imaginons un produit acheté 1 euro à l'étranger et 2 euros en France. Si vous appliquez un coefficient de 2, le produit acheté à l'étranger se vendra 2 euros, soit 1 euro de marge pour la filière, et celui acheté en France se vendra 4 euros, soit 2 euros pour la filière. Le coefficient multiplicateur protège donc les productions françaises, et pénalise les achats au plus bas prix faits à l'étranger.
Pour ma part, je pense qu'il faut appliquer stricto sensu la loi Egalim 2 renforcée par la loi Descrozaille qui vient d'être votée, et s'en tenir à cela. Les indicateurs de coûts de production et les conférences de filières ne sont pas le travail du médiateur des relations commerciales agricoles. Par définition, il ne faut faire appel à lui que lorsque les parties n'arrivent pas à se comprendre. Sinon, tout est dans tout et l'on finira par remettre en cause le médiateur.
Dans un autre article, vous proposez de redéfinir, après dix ans de fonctionnement, le rôle et la mission de l'Observatoire de la formation des prix et des marges alimentaires, et peut-être de le doter de nouveaux moyens si on lui confie de nouvelles missions. Je n'y suis pas opposé, mais soyons pragmatiques : commençons par appliquer de manière ferme les lois Egalim 2 et Decrozaille, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas l'article 1er.
Je voudrais préciser ma réponse à propos des indicateurs. Votre sous-amendement prévoit que FranceAgriMer établisse les indicateurs de coûts de production. Ce n'est pas ce qui est prévu par la loi en vigueur : les données fournies par FranceAgriMer sont en fait utilisées pour établir des indicateurs de coûts de production. Donc, techniquement, ce sous-amendement ne fonctionne pas. En revanche, l'amendement que j'avais déposé initialement restait dans le cadre du rôle de chacun.
Quant au sous-amendement visant à ce que les conférences publiques de filière définissent comme prioritaires les débouchés des matières premières agricoles de production française, je partage l'objectif, mais ce n'est pas aux conférences publiques de filière qu'il revient de déterminer quelles sont les importations autorisées et celles qui ne le sont pas. C'est à la loi, à nous, d'en décider. Voilà les raisons pour lesquelles j'ai donné un avis défavorable.
La commission rejette successivement les sous-amendements et l'amendement.
Amendements CE7 de M. Grégoire de Fournas et CE21 de M. Nicolas Meizonnet (discussion commune)
Ils sont défendus tous les deux, Monsieur le président. Mais je note que sur l'amendement « Greenpeace », vous n'avez pas voté avec le RN : c'est regrettable.
Ces amendements correspondant aux sous-amendements défendus précédemment, mon avis reste défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE9 de M. Grégoire de Fournas
Puisque l'amendement de rédaction globale du rapporteur n'a pas été adopté tout à l'heure, nous en revenons à la version initiale du texte. Revoilà donc l'amendement « Greenpeace » qui propose d'exclure les organisations environnementales des conférences publiques de filières.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE28 de M. Dominique Potier
Vous n'avez pas, Monsieur le président, le monopole de la colonne vertébrale idéologique. Entre l'économie administrée et l'économie de la jungle, il existe la social-démocratie, ou l'économie sociale de marché. C'est dans cet esprit que je propose de prendre comme référence de la fixation des prix plancher les principes du commerce équitable, tels que définis dans les lois de 2005 et renforcés dans la loi Pacte (loi relative à la croissance et la transformation des entreprises) que vous connaissez bien, puisqu'elle date de la précédente législature.
Ces principes garantissent à chaque personne concernée le paiement par l'acheteur d'un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d'une identification des coûts de production, en impliquant tous les maillons de la chaîne de production, du fournisseur au distributeur. Ce qui est aujourd'hui une niche, le commerce équitable, doit devenir une norme. Ces principes fondamentaux sont ceux d'une économie sociale, qui n'est pas une économie administrée mais le libre choix de fixer des marges décentes à chaque étape, autrement dit des marges qui permettent de rémunérer tous les travailleurs dignement, où qu'ils soient.
C'est ce principe que nous défendons dans cet amendement. Nous l'avions inclus dans la loi Descrozaille. En l'adoptant, nous ferions un geste politique pour montrer qu'entre la suradministration et l'indécence des marges, il y a une voie médiane : celle du commerce équitable.
Je vous rassure, je ne revendique aucun monopole. En bon libéral, c'est la concurrence que j'aime.
Ces principes du commerce équitable ont fait leurs preuves, notamment dans les échanges internationaux. Je suis favorable à ce qu'ils soient intégrés dans les négociations pour déterminer les prix minimums d'achat des matières premières.
Mon collègue girondin Grégoire de Fournas se demandait tout à l'heure pourquoi nous ne votions pas son amendement « Greenpeace ». En réalité, je ne voterai aucun amendement concernant ce texte, pas plus que je ne voterai le texte. Mes collègues de la majorité en feront autant, tout simplement parce que nous ne votons pas des lois populistes qui donnent l'occasion à l'extrême gauche et l'extrême droite de s'allier pour faire n'importe quoi.
(Exclamations.)
Laissez-moi utiliser mon temps de parole comme je le souhaite, certains ici le font assez souvent. Si c'était aussi simple que ce que vous dites, on citerait l'exemple des vins de Bordeaux dont le prix est aujourd'hui bloqué à la moitié de son coût de production. S'il suffisait de bloquer des prix pour attirer les gens dans les étals ou les commerces, Bordeaux s'en porterait mieux !
Nous ne sommes pas là pour savoir qui est de gauche ou de droite, mais pour savoir si cette proposition de loi est utile aux Français et à l'économie. L'amendement de notre collègue Potier avait déjà été adopté sur différents bancs. Il est équilibré et cherche à redonner de la valeur à l'ensemble de la chaîne, comme cela se fait dans le commerce équitable. On peut voter comme on pense, mais pas pour des calculs politiques !
Que ce soit bien clair : vous dites que quel que soit l'amendement, quel que soit son contenu, par principe vous voterez contre parce que la proposition de loi ne vous convient pas. C'est stupéfiant. Cela en dit long sur votre méthode de coconstruction législative. Nous avons le mérite de faire une proposition : elle peut ne pas totalement vous convenir mais, dans ce cas, présentez des modifications ! Vous donnez l'impression de n'avoir rien à faire d'un sujet aussi important.
Par ailleurs, Monsieur Lavergne, vous déplorez que les prix des vins de Bordeaux soient bloqués à la moitié des coûts de production. En votant pour l'amendement que vous avez rejeté, vous auriez empêché cela, car c'était précisément son sens. Il faut essayer d'être un peu cohérent, c'est tout de même plus facile pour être convaincant.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CE8 et CE6 de M. Grégoire de Fournas
Ainsi, les prix des vins de Bordeaux seraient bloqués ? S'il s'agit du blocage dont nous parlons depuis le début de cette réunion, à savoir une décision de l'État, vous m'apprenez quelque chose !
Comme le rapporteur, je regrette sincèrement que vous ayez décidé de refuser tous les amendements par principe. Bien que de nombreux textes ne recueillent pas son accord, le groupe Rassemblement national a toujours présenté des amendements et toujours voté ceux qui allaient dans le bon sens.
Je précise à M. le rapporteur qu'il peut se garder sa petite leçon sur le sectarisme, parce que La France insoumise a également systématiquement voté contre les amendements du groupe Rassemblement national, y compris ceux qui allaient dans le sens des positions qu'elle défendait. Vous fustigez le sectarisme, mais vous êtes le premier à le pratiquer.
L'amendement CE8 vise à faire intervenir le pouvoir réglementaire en cas de désaccord au sein de la conférence publique de filière. Vous aviez, Monsieur le rapporteur, inscrit ce principe dans votre amendement de réécriture qui a été rejeté. Si vous voulez que ce principe indispensable soit adopté, il faut voter cet amendement.
Quant à l'amendement CE6, il est défendu.
L'amendement CE8 soulève la même difficulté que tout à l'heure, car ce n'est pas FranceAgriMer qui définit les indicateurs. Peut-être considérerez-vous que c'est une preuve de sectarisme, monsieur de Fournas, mais je m'efforce simplement de ne donner un avis favorable qu'aux amendements sérieux et conformes à la réalité. Comme je partage néanmoins l'objectif de votre amendement, je vous propose de le retirer et d'en déposer un similaire pour la séance publique, qui évite de faire référence à des indicateurs définis par FranceAgriMer.
S'agissant de l'amendement CE6, je suis favorable à l'idée de favoriser les matières premières agricoles françaises disponibles, mais il n'appartient pas aux conférences publiques de filières de déterminer les importations à autoriser, autrement dit de pratiquer une forme de protectionnisme. J'y suis favorable sur le principe, mais cette proposition de loi n'est pas le bon véhicule.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE27 de M. Dominique Potier
Le groupe Socialistes dépose de façon récurrente des amendements tels que celui-ci, qui précise que dans certains secteurs, dont la liste est définie par décret, les conditions générales de vente (CGV) présentent les bornes minimales et maximales entre lesquelles le prix de la matière première agricole a été fixé. C'est important notamment dans le secteur de la viande, où un tel dispositif a déjà été expérimenté. Ce secteur connaît en effet une décapitalisation massive, supérieure à la baisse de la consommation de viande, tandis que nous importons des produits dont la sécurité sanitaire est incertaine et dont nous ne connaissons pas les conditions de travail des producteurs ; c'est encore ce qui est envisagé dans le cadre du projet d'accord de libre-échange entre l'Europe et le Marché commun du Sud (Mercosur). Il est important également d'instaurer ce dispositif dans le secteur du lait, où commence à planer une incertitude sur l'autonomie de la France à l'horizon 2030, ou encore dans le secteur stratégique des fruits et légumes. L'encadrement des prix apporterait une garantie de sérénité aux producteurs et aux filières dont les difficultés fragilisent notre souveraineté nationale.
Vous souhaitez rendre obligatoire l'indication dans les conditions générales de vente des bornes du tunnel de prix du contrat d'approvisionnement en matières premières agricoles, lorsqu'un tel tunnel de prix doit être prévu dans le contrat amont. La loi Egalim 2 prévoit que dans la clause de prix des contrats de vente de produits agricoles, les parties peuvent convenir de bornes minimales et maximales entre lesquelles les critères et les modalités de détermination ou de révision du prix produisent leurs effets. Cette clause dite de « tunnel de prix » peut être rendue obligatoire par décret pour certains produits agricoles – c'est le cas pour la viande bovine depuis le décret du 29 octobre 2021. Vous souhaitez que ces bornes se retrouvent dans les CGV des industriels, afin de renforcer la sanctuarisation du prix de la matière première agricole dans les négociations commerciales. Je trouve cette idée tout à fait pertinente et suis donc favorable à votre amendement.
J'apporte mon soutien à cet amendement. On nous parle d'économie ultra-dirigée ou ultra-administrée, mais sachez que le tunnel de prix figure déjà dans la loi, à titre d'expérimentation ! Malheureusement, celle-ci n'a pas été mise en œuvre. Le présent amendement vise simplement l'instauration d'un tunnel de prix non pas seulement dans le secteur de la viande bovine mais dans l'ensemble des secteurs stratégiques.
Je voudrais également appuyer les propos de Dominique Potier au sujet du lait. Selon les chiffres de l'OFPM, entre 2020 et 2022, la part du prix du lait revenant aux producteurs agricoles a été ramenée de 38 % à 29 %, alors que celle des industriels agroalimentaires passait de 32 % à 42 %. Le transfert qui s'opère ainsi des producteurs vers les industriels est manifeste ; il démontre que la loi actuelle ne fonctionne pas.
La commission adopte l'amendement.
Elle rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
Amendement CE34 de M. Manuel Bompard et sous-amendements CE42 et CE43 de M. Grégoire de Fournas
Mon amendement vise à améliorer la transparence dans la construction des prix à chaque maillon de la filière agroalimentaire – ce que plusieurs d'entre vous, tous bancs confondus, ont estimé nécessaire. Il s'agit pour cela de préciser les missions de l'Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) et de renforcer ses moyens d'action. L'observatoire est déjà chargé par la loi d'éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires. L'amendement précise que son action porte sur l'appréciation et sur l'évolution des taux de valeur ajoutée et de marge de l'ensemble des entreprises intervenant dans la production et la distribution de produits alimentaires. Il vise surtout à renforcer les moyens de l'observatoire, en lui permettant notamment de faire appel aux services de la DGCCRF. Il prévoit enfin des sanctions à l'encontre des entreprises qui feraient obstacle à la bonne réalisation de ses missions. Je donne un avis favorable aux sous-amendements.
La commission adopte successivement les sous-amendements.
Elle rejette l'amendement.
Amendement CE29 de M. Dominique Potier
Encore un amendement récurrent, qui vise à rééquilibrer le rapport de force entre la grande distribution – où quatre centrales d'achat représentent 80 % du marché – et des organisations de producteurs et coopératives trop dispersées. L'idéal serait que des associations de producteurs fixent le niveau minimal de coûts à la production à l'échelle des grands bassins de production, en fonction des conditions pédoclimatiques et des infrastructures logistiques et de transformation. L'émergence de ces associations peut être encouragée par le plan stratégique national. Ce fut le cas dans le secteur ovin mais le dispositif a globalement été trop peu mobilisé. Nous en avons fait le reproche à plusieurs ministres de l'agriculture successifs, et souhaitons y remédier par le présent amendement.
Vous souhaitez que le Gouvernement remette un rapport relatif à la structuration des organisations de producteurs et aux moyens à mettre en œuvre pour les développer dans le cadre du plan stratégique national. La structuration du maillon amont est en effet nécessaire pour rééquilibrer le rapport de force dans les négociations des contrats de vente de produits agricoles, et donc pour défendre la rémunération des agriculteurs. Avis favorable.
Je soutiens particulièrement cet amendement, même s'il ne s'agit que d'une demande de rapport. La structuration des filières de production pose en effet un vrai problème. On pensait avoir trouvé la solution et les 80 000 producteurs laitiers étaient censés s'organiser face à Lactalis, Danone ou Savencia. Mais ils n'y arrivent pas, si bien qu'il y a aujourd'hui une multitude d'organisations de producteurs, parfois mises en concurrence, face à des multinationales qui sont de véritables mastodontes – Lactalis réalise un quart de la collecte laitière en France ! Le système ne fonctionne pas. La seule solution qui serait efficace est une réelle régulation des marges dans l'industrie agroalimentaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE20 de M. Grégoire de Fournas
Il vise à demander un rapport sur l'impact des importations alimentaires sur les prix payés aux producteurs français pour l'achat des matières premières agricoles. Dans la mesure où le rapporteur partage cette intention, je ne doute pas qu'il émettra un avis favorable.
Je suis navré de vous décevoir, monsieur de Fournas, mais je pense que vous avez déjà une idée de la réponse : le jeu de l'offre et de la demande tire les prix vers le bas, d'autant plus si les produits importés viennent de pays dans lesquels les producteurs ne sont pas soumis aux mêmes contraintes qu'en France. C'est précisément cet aspect qui mériterait d'être évalué et de faire l'objet d'un rapport du Gouvernement. Je suis donc défavorable à votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Article 2 (article L. 410-2-1 [nouveau] du code du commerce) : Encadrer le taux de marge des entreprises de l'industrie agroalimentaire en période d'inflation
Amendement CE35 de M. Manuel Bompard, sous-amendements CE40 et CE44 de M. Grégoire de Fournas, amendement CE2 de M. Julien Dive (discussion commune)
Je propose ici une nouvelle rédaction de l'article 2, issue des auditions que nous avons menées, dans le but d'en préciser le dispositif.
Cet article prévoit deux dispositifs d'encadrement des marges, l'un exceptionnel et l'autre pérenne. Nous proposons que ce dernier s'active si l'indice des prix à la consommation des produits alimentaires augmente davantage que l'indice des prix des produits agricoles à la production pendant une période de six mois consécutifs. Nous proposons également d'opérer une différenciation des entreprises, afin que l'encadrement des marges ne s'applique pas à celles dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d'euros. Telles sont les principales modifications que nous proposons.
Le sous-amendement CE40 précise que seules les entreprises dont le siège social est situé en France peuvent être exclues du dispositif d'encadrement des marges. Les industriels nous ont en effet expliqué que ces nouvelles dispositions nécessiteraient une gestion administrative fastidieuse. Le sous-amendement permettrait à celles qui sont françaises de retrouver un avantage compétitif par rapport aux autres. Quant au sous-amendement CE44, il est rédactionnel et vise à rétablir une référence correcte au code du commerce.
Avis favorable au deuxième sous-amendement, qui apporte une précision nécessaire. Quant au premier, il aboutirait à exclure du dispositif les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 350 millions d'euros, dès lors que leur siège social serait situé en France. Si c'est bien l'objectif de votre sous-amendement, j'y suis défavorable. L'idée est d'exonérer les petites et moyennes entreprises du dispositif : les grands groupes doivent y être astreints, que leur siège social soit situé en France ou non.
Vous faites une mauvaise lecture du sous-amendement CE40, Monsieur le rapporteur : les conditions de seuil de chiffre d'affaires et de siège social situé en France seraient cumulatives.
Merci de cette précision. Votre rédaction aboutirait néanmoins à ce que les petites entreprises n'ayant pas leur siège social en France soient astreintes au dispositif. Je ne suis pas opposé à l'introduction d'un critère de domiciliation du siège social mais je ne dispose pas de suffisamment d'informations sur le nombre d'entreprises qui pourraient être concernées. Je vous propose donc de retirer votre sous-amendement et d'y réfléchir d'ici l'examen du texte en séance.
Plusieurs de mes collègues ont souligné la nécessité de renforcer l'OFPM, après dix années d'existence. C'est pourquoi nous proposons, avec l'amendement CE2, que l'observatoire soit mandaté pour opérer des contrôles visant à garantir la transparence et l'équité dans les négociations commerciales, ainsi qu'à prévenir les pratiques abusives ou discriminatoires qui pourraient affecter les marges des parties prenantes. Les contrôles réalisés par l'OFPM incluraient ainsi l'analyse des marges brutes et nettes réalisées par chaque acteur tout au long de la chaîne d'approvisionnement et l'identification d'éventuelles pratiques contraires aux objectifs de la loi, telles que des pressions injustifiées sur les prix ou des délais de paiement non conformes – en cohérence avec les objectifs de la loi sur les négociations commerciales adoptées récemment. Le Parlement serait évidemment tenu informé des contrôles effectués par l'Observatoire.
Pour le dire clairement, Monsieur Dive, vous proposez de renforcer les pouvoirs de l'OFPM non pas en plus, mais en lieu et place de l'article 2 et du dispositif d'encadrement des marges. Si je suis favorable à une plus grande transparence – j'ai d'ailleurs proposé à cet effet un article additionnel, que vous avez rejeté – je ne suis pas favorable en revanche à ce que la transparence se substitue au dispositif d'encadrement des marges. Avis défavorable.
J'ai du mal à comprendre, Monsieur le rapporteur, que vous ne vous soyez pas penché sur la question de la localisation du siège social des entreprises, alors que j'avais déposé mon sous-amendement sur la version initiale de l'article 2.
Vous n'avez pas simplement modifié quelques points de votre texte, Monsieur le rapporteur, mais réécrit l'intégralité des articles. Vous peinez à nous expliquer clairement vos propositions car vous les avez rédigées au tout dernier moment. Vous conviendrez qu'il est difficile pour votre opposition de se prononcer dans ces conditions. Mes collègues et moi-même trouvons la proposition de M. Dive plutôt intéressante, même si elle nécessite encore du travail – vous nous l'avez démontré Monsieur le rapporteur, ce type de proposition ne s'improvise pas au dernier moment. Nous soutiendrons donc l'amendement CE2.
Cette proposition de loi est un outil. Si l'amendement de M. Dive est adopté, cet outil deviendra un couteau sans lame ayant perdu son manche !
Nous sommes au cœur de cette proposition de loi. Je suis pour ma part défavorable à l'article 2. Quant à l'amendement de M. Dive, je considère qu'il serait inopérant.
Le fait que le rapporteur ait dû réécrire l'article démontre la difficulté à agir sur l'encadrement des marges. Je ne pense d'ailleurs pas que ce soit par le biais d'une proposition de loi que l'on puisse aborder ce sujet. Seul un projet de loi, accompagné d'une étude d'impact, nous permettrait de mesurer les conséquences des dispositifs proposés.
S'agissant de l'amendement de M. Dive, en tant que représentant de l'Assemblée nationale à l'OFPM, je témoigne du fait que l'observatoire ne fait que regarder dans le rétroviseur une situation passée et qu'il ne dispose pas de moyens de contrôle. Il a eu bien du mal, par exemple, à obtenir de la part des laiteries la transparence sur leurs marges.
Il me semble que le fait d'apporter des modifications à un texte après avoir mené des auditions est plutôt un gage d'ouverture et de sérieux. Notre groupe est évidemment favorable à une plus grande transparence et à un renforcement des moyens de l'OFPM : c'était justement l'objet de l'article additionnel proposé par le rapporteur après l'article 1er, quel dommage que vous ne l'ayez pas voté ! Quoi qu'il en soit, le renforcement des contrôles de l'observatoire ne peut pas se substituer à la proposition que nous faisons. C'est la transparence qui permettra de mieux encadrer les marges.
Le texte, dans sa version actuelle, est incohérent et inopérant. Votons l'amendement de M. Dive dans un premier temps et travaillons ensuite sur un projet de loi plus large, comme l'a suggéré M. Benoit.
L'amendement de Julien Dive est au cœur du sujet. La chaîne alimentaire est constituée de différents maillons dont certains réalisent des marges considérables, en totale opacité : certains industriels préfèrent payer des pénalités plutôt que de publier leurs résultats et leurs marges ! L'amendement CE2 est essentiel car en rendant transparentes l'ensemble des marges, il nous permettrait d'en redistribuer une partie vers les agriculteurs et les producteurs, qui en ont bien besoin.
Certains ayant estimé que la présentation du dispositif n'était pas très claire, je vais la préciser, afin que chacun puisse voter en connaissance de cause.
Dans la version initiale de l'article 2 étaient proposés deux dispositifs d'encadrement des marges. L'un concernait l'année 2024, l'autre aurait été activé en fonction d'un paramètre : le rapport existant entre le bénéfice d'une année et la moyenne des bénéfices réalisés au cours des trois exercices précédents.
Le problème n'est pas lié à la pertinence de cet indicateur mais au fait que, d'après l'Insee, il ne serait pas disponible avant la fin de l'exercice et que le dispositif s'activerait donc trop tardivement. C'est la raison pour laquelle nous proposons de fonder le déclenchement du dispositif sur un autre indicateur : les variations différentielles des indices de prix à la consommation et des indices de prix à la production qui, eux, sont fournis chaque mois. La comparaison de ces deux indices sur une période de six mois permet de déterminer si l'on se trouve, ou non, dans une situation inflationniste injustifiée.
Quant au dispositif en lui-même, il consiste à déterminer un taux de marge filière par filière, qui ne peut pas être supérieur au taux de marge moyen réalisé au cours des dix dernières années. La réécriture proposée intègre ainsi un indicateur dynamique, préférable à un indicateur fixe.
Enfin, la troisième modification importante opérée concerne la prise en compte de la masse salariale dans le calcul du taux de marge, de telle sorte qu'elle ne puisse être utilisée comme un élément différenciant.
Voici l'ensemble du dispositif. Si certains d'entre vous n'ont toujours pas compris, ce ne sera pas à cause du manque de clarté de mes explications !
J'avoue humblement que c'est mon cas. Peut-être l'examen du texte en séance sera-t-il plus éclairant ?
La commission rejette successivement les sous-amendements et l'amendement CE35.
Elle adopte l'amendement CE2 et l'article 2 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CE10 de M. Grégoire de Fournas, CE22 de M. Nicolas Meizonnet, et CE12 et CE11 de M. Grégoire de Fournas tombent.
Pour que les choses soient claires, vous venez de supprimer le dispositif d'encadrement des marges de l'industrie agroalimentaire pour lui substituer un article rappelant simplement l'existence de l'OFPM.
Après l'article 2
Amendement CE24 de M. David Taupiac
Le 24 septembre dernier, le Président de la République annonçait sur France 2 et TF1 la signature avec les entreprises du secteur agroalimentaire d'un accord de modération des marges. Cette promesse ne s'est toujours pas concrétisée. Le présent amendement propose d'y remédier en ouvrant la voie à de tels accords.
Votre amendement vise à permettre la conclusion, entre l'État et les entreprises du secteur alimentaire, d'accords de modération des marges de distribution des produits agroalimentaires. Comme vous, je m'interroge sur l'énigme que constitue encore à ce jour cette annonce du Président de la République puisque rien n'a été proposé ni fait depuis – la présente proposition de loi entend d'ailleurs répondre à cette carence.
Le dispositif dont vous proposez l'extension existe aujourd'hui pour les fruits et légumes, filière par nature exposée à des crises conjoncturelles, notamment de surproduction. Il s'accompagne d'un avantage fiscal pour les distributeurs engagés dans la démarche, qui sont exonérés du paiement de la taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. J'attire votre attention sur le fait que cet avantage fiscal, au bénéfice des distributeurs, ne peut être utilisé pour une généralisation du dispositif à l'ensemble des produits alimentaires. Dès lors que vous n'envisagez pas d'incitation fiscale, néanmoins, je suis favorable à votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 (article L. 410-2-2 [nouveau] du code du commerce) : Instaurer un coefficient multiplicateur maximum permettant d'encadrer la marge brute bénéficiant aux activités de raffinage
Amendement CE30 de M. Manuel Bompard et sous-amendement CE41 de M. Grégoire de Fournas
Je propose là encore de réécrire l'article, afin notamment de remplacer le coefficient multiplicateur par un coefficient maximum défini de façon dynamique, qui ne peut être supérieur à la moyenne des taux de marge brute des dix dernières années, entre le prix d'achat de la tonne de pétrole brut et le prix de vente au distributeur de la tonne de carburant qui en est issue.
Je rappelle qu'entre avril et septembre de cette année, les marges des raffineurs sont passées de 20 euros à 120 euros la tonne, alors que les cours du brut n'évoluaient pas dans la même proportion. C'est la raison pour laquelle l'article 3 propose d'introduire un dispositif d'encadrement des marges dans les activités de raffinage. Comme nous l'avons proposé pour le secteur alimentaire, ce dispositif serait déclenché par l'atteinte d'un seuil.
Le Président de la République a déclaré il y a quelques mois que les sur-marges observées dans le secteur du raffinage constituaient une difficulté. Je vous propose de la résoudre.
La majorité a voté tout à l'heure contre un sous-amendement rédactionnel qui visait simplement à corriger une référence au code de commerce. Cela montre le caractère sectaire de sa démarche. Ne nous reprochez pas de ne pas faire de propositions si vous les refusez par principe ! S'agissant de sectarisme, majorité et LFI, c'est même combat !
J'en viens au sous-amendement CE41. Vous reprenez, Monsieur le rapporteur, une de mes propositions qui consiste à afficher la composition du prix des carburants, afin que les consommateurs puissent constater le poids des taxes dans le prix du litre de carburant. Mais vous la reprenez mal puisque vous proposez un affichage sur le site internet du ministère chargé de l'environnement. Je propose, quant à moi, que l'affichage soit réalisé sur les pompes à essence, comme ce fut le cas pour les aides gouvernementales à l'achat de carburant.
Je n'ai pas mal copié un de vos amendements, monsieur de Fournas. D'abord, je n'ai l'habitude de le faire. Ensuite, le dispositif que vous proposez me semble soulever des difficultés importantes. Ainsi, qui affichera le détail dans les stations-service ? Faudra-t-il le faire tous les jours, toutes les semaines, tous les mois ? Allez-vous demander aux gestionnaires de petites stations d'aller changer l'étiquette tous les matins ? Il me paraît plus efficace et plus simple de demander à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) de publier régulièrement des informations sur la constitution du prix des carburants. Étant en désaccord avec l'amendement que vous proposez, monsieur de Fournas, je ne souhaite pas le copier mais proposer une solution alternative.
Vous avez dû mal lire votre amendement, Monsieur le rapporteur, car vous prévoyez une mise à jour tous les mois, et non tous les matins. Vous demandez qui réalisera l'affichage : je propose quant à moi que ce soit les stations-service, comme lorsqu'il s'agissait d'afficher les aides gouvernementales. Il n'y a là rien de nouveau, ni d'infaisable. Je mesure simplement votre capacité à trouver de bonnes excuses pour ne pas donner d'avis favorable aux amendements du Rassemblement national. Sans doute notre groupe aurait-il mieux fait de refuser en bloc votre texte, comme l'a fait la majorité. Vous n'êtes pas capable de concrétiser la coconstruction que vous appeliez de vos vœux au début de l'examen du texte.
Il me semble avoir répondu de façon argumentée à chacun de vos amendements. Je n'ai aucun problème avec les amendements justes, précis et cohérents avec le dispositif que nous proposons. En l'occurrence, vos amendements ne le sont pas. C'est la raison pour laquelle mes avis sont défavorables.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l'amendement.
Amendements CE13 et CE14 de M. Grégoire de Fournas
Je suis favorable à un dispositif pérenne d'encadrement des marges, comme le propose l'amendement CE13. Je dois cependant souligner, en espérant que M. de Fournas n'y verra pas de sectarisme, qu'un tel dispositif présenterait un risque majeur d'inconstitutionnalité. Ce qui permet l'existence de dispositifs de blocage des prix dans le code du commerce, c'est le fait qu'ils soient circonscrits à des situations particulières, et temporaires. Avis défavorable aux deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle rejette l'article 3.
Article 4 (article L. 410-2-3 [nouveau] du code de commerce) : Instaurer un coefficient multiplicateur pour le prix de vente des denrées alimentaires et supprimer le SRP + 10
Amendement de suppression CE4 de M. Julien Dive
Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, le taux de marge des industries agroalimentaires serait passé de 28 % à 48,5 % en un an. Vous vous fondez pour l'affirmer sur les chiffres de l'Institut La Boétie, dont je ne connais pas la qualité mais qui est présidé par un certain Jean-Luc Mélenchon… En revanche, je connais l'Insee, qui, pour la même année, estime que le taux de marge dans l'agroalimentaire est passé de 31 % à 32,3 %.
J'en viens à mon amendement de suppression. Deux choses me gênent dans l'article 4. Premièrement, il laisserait aux acteurs de la grande distribution la possibilité de gonfler artificiellement leurs coûts pour préserver ou étendre leurs marges. Deuxièmement, la suppression du SRP+10 ferait certainement plaisir à Michel-Édouard Leclerc, qui en a fait un chiffon rouge – et c'était peut-être votre intention – mais c'est un dispositif que nous avons prorogé il y a quelques mois. Il correspond à l'esprit d'Egalim 1, celui du partage de la valeur, et s'il n'est pas totalement efficace pour certains acteurs, il l'est pour d'autres.
Selon la note récemment publiée par l'Insee, les marges des entreprises ont progressé, tous secteurs confondus, et cette progression est tirée par les marges très importantes des industries agroalimentaires. Cela dit, j'ai proposé un mécanisme de différenciation pour garantir que l'on ciblerait bien la grande distribution et non la petite épicerie du coin.
Votre amendement est surprenant, d'abord puisqu'il consiste à ne rien faire face à la situation, ensuite parce que des personnalités appartenant aujourd'hui à la majorité ou au groupe Les Républicains défendaient il y a une dizaine d'années un dispositif similaire à celui que je souhaite instaurer. Il est dommage de ne plus le faire aujourd'hui.
Monsieur Dive, selon le dernier rapport de l'OFPM, la marge brute de la grande distribution représentait 29 %, certes contre 32 % en 2021. Il est donc vrai qu'elle n'est pas la première cause de l'inflation des prix alimentaires – mais cela a été le cas à d'autres périodes. De plus, il est juste que les marges soient régulées, dans la grande transformation comme dans la grande distribution – cela éviterait que chacun se renvoie la balle. Un tel dispositif d'encadrement des marges existe aux États-Unis dans de nombreuses filières alimentaires.
Monsieur Dive, il est complètement faux de dire que l'article pourrait inciter les distributeurs à augmenter artificiellement leurs coûts. Le texte prévoit un encadrement des marges entre le prix d'achat et le prix de revente au consommateur : ces coûts ne seraient donc pas pris en compte. Que tous les collègues qui s'apprêtent à voter cet amendement de suppression ne s'avisent pas, ensuite, de soutenir les agriculteurs qui se battent contre les marges abusives réalisées sur leur production !
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article est supprimé et les amendements CE15 de M. Grégoire de Fournas, CE31 de M. Manuel Bompard, et CE16 et CE17 de M. Grégoire de Fournas tombent.
Après l'article 4
Amendement CE18 de M. Grégoire de Fournas
C'est l'amendement Kasbarian : il reprend une proposition que vous aviez faite, Monsieur le président, dans le cadre de la loi Descrozaille et qui, très étonnamment, n'avait pas reçu un avis favorable du rapporteur. Il s'agit d'imposer la publication des marges de la grande distribution.
Monsieur le rapporteur, vous ne voulez donc pas que la grande distribution publie ses marges. Cela va à l'encontre de ce que vous défendez par ailleurs. Mais j'ai bien compris qu'il s'agissait d'une position de principe qui concerne tous mes amendements. Je m'en remets à votre sectarisme.
Je suis tellement opposé à ce que la grande distribution publie ses marges que j'ai proposé tout à l'heure, après l'article 1er, de renforcer les pouvoirs d'enquête et de sanction de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires…
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CE23 de M. Nicolas Meizonnet.
J'aimerais faire un bilan avant le vote : cela permettra de savoir qui vote sur quoi. Cela vous fait rire, mais je ne suis pas sûr que les gens qui viennent faire leurs courses au supermarché rient beaucoup, ni les agricultrices et agriculteurs qui galèrent pour obtenir des prix rémunérateurs. Et ça ne me fait pas rire non plus.
L'article 1er visait à introduire des prix planchers pour les productions agricoles ; il avait pour but de garantir des prix rémunérateurs aux agriculteurs. À cette fin, les négociations s'appuieraient davantage sur des indicateurs et le ministre pourrait fixer un prix plancher si elles n'aboutissaient pas. Cet article, vous l'avez rejeté.
L'article 2 tendait à introduire, pour 2024 puis dans les situations de surmarge, un mécanisme d'encadrement des marges des industries agroalimentaires. Vous l'avez remplacé par un article impraticable sur l'Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires. J'avais en outre proposé de renforcer les pouvoirs de sanction de ce dernier, ce que ne fait pas la nouvelle rédaction de M. Dive.
L'article 3 visait à encadrer les marges des raffineurs ; vous l'avez supprimé.
L'article 4 prévoyait l'encadrement des marges de la grande distribution ; vous l'avez également supprimé.
Il ne reste donc du texte que son article 2, mais sous la forme proposée par le groupe LR. Ce n'est plus une proposition de loi qui permet d'encadrer les marges, puisqu'il n'y a plus d'encadrement ! Je voterai donc contre.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion est suspendue de onze heures cinquante à midi.
*
* *
La commission a ensuite commencé l'examen de la proposition de loi visant à répondre à la crise du logement chez les jeunes (n° 1771) (M. François Piquemal, rapporteur)
Cette proposition de loi est inscrite en neuvième et dernière position dans la niche du 30 novembre : nous verrons si elle a une chance ou non d'être examinée en séance.
Elle a fait l'objet de trente-cinq amendements, dont un qui était contraire à l'article 40 de la Constitution et treize que j'ai déclarés irrecevables en vertu de l'article 45 – la plupart portaient sur l'attribution des logements sociaux, question qui n'est pas abordée par le texte, ou fixaient des contraintes ne se rattachant pas au loyer pour l'ensemble du parc privé et social. Il nous reste donc vingt amendements à examiner.
Nous allons procéder à la discussion générale avant de lever la séance et nous étudierons les amendements à partir de quinze heures.
Les vieilles histoires sont comme les vieux amis : il faut savoir leur rendre visite de temps en temps. Je commencerai donc avec une vieille histoire que j'ai lue et fait étudier à mes élèves quand j'enseignais au lycée, La Promesse de l'aube, de Romain Gary. Roman Kacew, de son vrai nom, était un enfant migrant, exilé, juif, qui a vécu en Russie, en Pologne puis en France. Son histoire et celle de sa mère sont à l'image du parcours de millions de Françaises et de Français venus des quatre coins du monde et qui ont fait la France, l'ont sauvée parfois, alors qu'ils avaient été confrontés à son visage le plus sombre, celui du racisme et de l'extrême droite.
Je ne peux que vous inciter à lire ce roman, qui raconte aussi un parcours de logement. Enfant, Romain Gary est expulsé avec sa mère de leur logement en Pologne pendant un hiver glacial. Arrivé en France, après Nice puis Aix-en-Provence, où il passe sa première année d'études, il part pour Paris, où il est confronté à la cherté de la vie. Pour se nourrir, il en est réduit à voler des croissants dans une brasserie, avec la complicité d'un serveur auquel il fait incarner dans son livre la part d'humanité qui peut exister en chacun de nous.
Ce livre parle d'humanisme. C'est bien de cela qu'il est question dans notre proposition de loi, qui vise à ne plus laisser des millions de nos jeunes dans la précarité. Il s'agit d'apporter des solutions fortes à une crise grave. Pour les jeunes, qu'ils soient étudiants, travailleurs ou privés d'emploi, l'accès au logement est plus difficile, car leurs ressources sont plus faibles et plus précaires que celles des autres ménages. Selon l'Observatoire des inégalités, les 18-29 ans sont la tranche d'âge la plus touchée par la pauvreté : 19 % d'entre eux, soit 1,5 million, se trouvaient sous le seuil de pauvreté en 2019.
Ils sont confrontés à un marché locatif presque bloqué, alors que les parcs publics comme les résidences et les foyers qui leur sont réservés sont déjà saturés. La concurrence entre demandeurs leur est particulièrement défavorable et les loyers s'envolent à des niveaux insoutenables pour des petits budgets. La dépense dévolue au logement mobilise ainsi une part de plus en plus lourde de leurs ressources. Pour les étudiants, elle s'élèverait, en moyenne nationale, à 60,58 % de leur budget, ce qui laisse très peu pour le panier alimentaire, sans parler des loisirs.
Certains préfèrent renoncer à leurs ambitions universitaires, évitant les villes où les loyers sont trop chers ; d'autres sautent des repas – nous avons tous en tête les images des files d'attente devant les distributions assurées par des associations humanitaires ; nous avions d'ailleurs proposé le repas à 1 euro pour les étudiants dans notre précédente niche. Certains vivent dans leur voiture, dans des campings, à la rue.
Il y a urgence à agir. Si la situation s'est aggravée ces dernières années, le constat n'est pas nouveau : un candidat à l'élection présidentielle, un certain Emmanuel Macron, promettait en 2022 de construire 60 000 logements pour les étudiants et 20 000 pour les jeunes actifs, tout en mobilisant les bailleurs sociaux pour créer au sein du parc social 30 000 « logements jeunes ». Au final, le nombre de logements créés pour les étudiants entre 2017 et 2022 n'atteint pas tout à fait 30 000 et ceux destinés aux jeunes actifs ont été très peu nombreux, pendant que la production de logements sociaux reculait inexorablement, passant de plus de 113 000 agréments à 95 679.
Avec notre proposition de loi, nous prenons le Président de la République au mot : développons enfin une offre abordable à la hauteur des besoins ! Et, parce que cela ne peut suffire – même en portant à 35 % la part de logements sociaux –, rendons accessible l'offre privée disponible.
Le texte ne prétend pas résoudre toutes les difficultés que doivent surmonter nos jeunes pour accéder à un logement. Il propose de s'attaquer à trois causes fondamentales de ces difficultés : le manque de logements abordables, l'augmentation des loyers et la faiblesse de leurs ressources.
Ainsi, l'article 1er consiste à relever de dix points la part minimale de logements sociaux dans les communes urbaines et à réserver, au sein de ce parc, 5 % pour des résidences universitaires et foyers de jeunes travailleurs.
L'article 2 tend à rendre obligatoire un dispositif d'encadrement des loyers, généralisé à l'ensemble du territoire national.
Enfin, le dernier article vise à compléter les aides personnelles au logement (APL) – durement atteintes ces dernières années – par un forfait de 150 euros mensuels pour tous les bénéficiaires de moins de 25 ans. Pourquoi 150 euros ? Parce que c'est le tout premier échelon d'une bourse.
Je ne peux conclure sans citer les mots de celui qui est en ce moment à l'affiche des salles de cinéma : l'abbé Pierre – après vous avoir conseillé une lecture, je vous recommande ce film. « C'est la vie qui doit créer la loi », disait-il, « et non pas la loi figer la vie ».
La crise du logement, qui frappe de plein fouet l'ensemble des Français, touche encore plus sévèrement les étudiants, qui, par définition, n'ont pas les ressources nécessaires pour faire face à l'augmentation constante des prix des loyers.
Face à cette situation d'urgence, la Première ministre et le ministre chargé du logement ont annoncé la semaine dernière de nouvelles mesures pour intensifier la production et faciliter l'accès à un logement abordable pour tous. D'ici à la fin du quinquennat, 35 000 nouveaux logements d'étudiants seront créés. Le Gouvernement présentera également un plan ambitieux pour remédier à la crise du logement étudiant et nommera un délégué interministériel pour le mettre en œuvre. Vous l'avez dit, la question du logement ne doit pas freiner la poursuite des études ni l'accès à un emploi.
Le texte de La France insoumise manque sa cible en ne répondant à la crise du logement chez les jeunes que de manière démagogique, inefficace et coûteuse.
La trajectoire proposée à l'article 1er est à la fois irréaliste et totalement inadaptée aux besoins des étudiants et de nos territoires. L'objectif de production de logements à moyen terme est irréalisable et affaiblirait le dispositif SRU (solidarité et renouvellement urbains) dans son ensemble, aucune commune ou presque ne pouvant ni ne souhaitant atteindre cet objectif. Pourquoi fixer le même dans toutes les communes alors que peu d'aires urbaines comptent une proportion importante d'étudiants ?
L'article 2, sur l'encadrement des loyers, rompt avec les objectifs de l'expérimentation du dispositif telle que nous l'avons conçue dans la loi Elan (portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique). Outre un changement d'objectif politique, cela représente un risque constitutionnel d'atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle. Je rappelle, en effet, que l'encadrement des loyers repose sur une différenciation territoriale : le niveau des loyers est limité dans les territoires se caractérisant par un déséquilibre entre l'offre et la demande. Il n'a donc pas vocation à être étendu à l'ensemble du territoire.
Enfin, l'article 3 coûterait à lui seul près de 1,8 milliard, en plus des 16 milliards de prestations déjà allouées en 2023. Il ciblerait les étudiants sans aucune distinction de revenu ou de situation. Ce n'est pas sérieux.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition de loi.
Il faut d'abord pointer la lourde responsabilité de la majorité et d'Emmanuel Macron dans la crise du logement que subissent les Français. Depuis 2017, les gouvernements qui se sont succédé n'ont apporté aucune vision en matière de politique du logement, réduite à une simple ligne comptable dans le budget de l'État.
Les crédits alloués à l'accession à la propriété, à l'aide au logement ou aux bailleurs sociaux sont sans cesse rabotés. Les dispositifs de soutien à l'investissement sont ridicules. La construction de logements neufs en 2024 ne devrait pas dépasser le niveau de 1992, alors que la France comptait alors 12 millions d'habitants de moins, sans compter le flux migratoire de 400 000 entrées par an, légales ou illégales, qui, qu'on le veuille ou non, accroît la pression sur la disponibilité des logements. La communication à propos de la réforme du prêt à taux zéro, censée étendre le public éligible, est mensongère : la réduction aux seules zones tendues, l'exclusion des territoires ruraux, le fait que la maison individuelle, à laquelle les Français sont si attachés, sorte du dispositif montrent qu'il s'agit d'une escroquerie.
En réalité, dès son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a tout fait pour décourager l'investissement immobilier. Il ne souhaite plus que les Français deviennent propriétaires. Il est sous l'emprise d'une écologie punitive – zéro artificialisation nette (ZAN), normes de diagnostic de performance énergétique intenables qui font un carnage dans le marché locatif. Sans parler de l'absence de toute politique d'aménagement du territoire : le Gouvernement continue d'encourager la métropolisation – la concentration de l'activité, des capitaux et des hommes dans les grandes métropoles – jusqu'à l'épuisement du modèle.
La pression foncière est devenue telle que 12 % des étudiants renoncent à leurs études et les salariés à leur emploi, faute d'un logement. Cela aura des conséquences sur la croissance économique.
Chers collègues de La France insoumise, pourquoi ne cibler que les jeunes alors que la crise touche tous les Français – les plus modestes, bien sûr, mais désormais aussi les retraités et les classes moyennes, voire les classes moyennes supérieures ?
Votre texte donne la priorité à la construction de logements sociaux. Vous souhaitez porter à 35 % la part obligatoire de logements sociaux fixée par la loi SRU alors que de nombreuses communes peinent à atteindre l'objectif de 25 %. Et pourquoi pas 50 %, puisque vous n'expliquez pas par quels moyens vous comptez atteindre ce taux ? L'objectif nous semble totalement irréaliste.
Vous voulez réduire les loyers en les encadrant, mais les professionnels sont unanimes : l'encadrement des loyers dans des marchés sous tension n'a que peu d'effet, ou pas du tout. C'est une atteinte au droit de propriété que d'imposer la baisse des loyers de façon administrée, sans compensation pour les petits bailleurs – mais nous avons bien compris que vous regrettez de ne pas pouvoir les spolier !
Enfin, vous souhaitez augmenter les aides personnelles au logement pour les moins de 25 ans, créant ainsi une concurrence de pouvoir d'achat entre les locataires. Là encore, vous êtes dans l'affichage, si ce n'est le racolage, faisant complètement abstraction des effets pervers de cette disposition sur le marché locatif.
Ces mesures purement idéologiques font fi de toute considération économique et sont contre-productives. On le voit à Paris, dirigée par la NUPES : malgré les préemptions massives d'immeubles pour y créer du logement social et l'encadrement des loyers, les prix n'ont jamais été aussi élevés, franchissant le seuil des 10 000 euros le mètre carré.
Nous voterons contre cette proposition de loi.
Deux mois après la rentrée universitaire, catastrophique pour de nombreux jeunes, la question du logement des jeunes est plus que jamais une urgence à traiter.
En ce qui concerne les étudiants, il n'y a pas assez de logements en Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires). Avec la démocratisation de l'enseignement supérieur, le nombre d'étudiants a été multiplié par dix depuis 1960, mais les logements Crous n'ont pas suivi. Emmanuel Macron avait pourtant promis de créer 60 000 logements étudiants entre 2017 et 2022, mais il n'en aura fait construire qu'un peu plus de 16 000. Encore une promesse non tenue. Du coup, les étudiants se logent dans le privé, où les loyers explosent.
Pourtant, les jeunes sont de plus en plus précaires. Nous nous souvenons tous des files d'attente devant les distributions alimentaires. Un étudiant sur deux est obligé de se salarier pour payer ses études et son logement. Les 18-29 ans sont la tranche d'âge la plus touchée par la pauvreté. Il y a 26 % de pauvres chez les jeunes : un quart ! C'est énorme et cela devrait tous nous alerter.
Étudiants, jeunes travailleurs, jeunes qui ne sont ni en études ni en emploi : même combat. Les loyers sont inaccessibles, et les propriétaires se servent de la situation pour louer trop cher des logements quelquefois insalubres. Après avoir payé les charges, le loyer et l'électricité de la passoire thermique de 13 mètres carrés sous les combles qui leur sert d'appartement, les jeunes survivent parfois avec moins de 50 euros par mois. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu ce genre de situation, mais 50 euros, c'est à peine plus que le prix du repas que vous irez manger au restaurant après avoir discuté de cette proposition de loi.
Face à la précarité étudiante, le Gouvernement et la majorité ont choisi de voter contre le repas au Crous à 1 euro et de réduire les APL. Ils ont choisi de ne pas construire de nouveaux logements, ou très peu, et de ne pas encadrer les loyers pour permettre à chacun d'avoir un toit. Certains jeunes dorment en camping, dans leur voiture ou même à la rue. D'autres doivent renoncer à leurs études ou à leur autonomie en retournant chez leurs parents, faute de pouvoir se payer un logement décent.
Cette proposition de loi est donc plus nécessaire que jamais pour endiguer enfin la crise du mal-logement chez les jeunes. J'espère que vous accorderez à la jeunesse la dignité qu'elle mérite et que vous agirez pour que tous les jeunes puissent se loger pendant ce qui devrait être les plus belles années de leur vie.
Merci de mettre les points sur les i et de rappeler la situation. Comment nier l'urgence sociale à laquelle le texte vise à répondre ?
Soyons clairs : ce texte n'a pas vocation à répondre au problème du logement dans notre pays, il surfe sur les difficultés des jeunes à se loger – au passage, ils ne sont pas les seuls dans ce cas.
Quelles seraient les solutions, selon La France insoumise ? Premièrement, augmenter le pourcentage obligatoire de logements sociaux dans les communes, le faisant passer de 20 à 30 % dans celles de plus de 3 500 habitants et de 25 à 35 % dans celles de plus de 50 000. Poser cette question la semaine où les maires se réunissent en congrès pour évoquer les difficultés de leur mandat alors que les normes administratives sont toujours plus exigeantes, il fallait oser !
Deuxième solution, faire réguler plus durement les loyers par le préfet dans les zones à forte demande et verser une prime aux jeunes. Or, notre groupe ne cesse de l'expliquer, l'offre de logements fait cruellement défaut en France, à l'achat comme à la location : c'est sur cet aspect que nous devons agir ; mais vous ne trouvez rien de mieux à faire que de freiner encore les propriétaires qui voudraient investir.
Notre groupe s'opposera à ces mesures et appelle à légiférer par des dispositions plus justes et concrètes afin de faire baisser le prix des logements en augmentant l'offre disponible. Il faut assouplir le ZAN dans nos campagnes, au moins pour construire de nouveaux logements liés à la réindustrialisation, et desserrer l'encadrement des loyers, qui empêche les propriétaires de rentrer dans leurs frais s'ils réalisent des travaux de rénovation énergétique. Il faut un calendrier plus réaliste de mise en œuvre du classement découlant du diagnostic de performance énergétique, qui, en l'état, va aboutir à soustraire des logements au marché locatif. Et pourquoi ne pas miser sur un vrai prêt à taux zéro pour relancer l'offre, voire sur un abattement fiscal majoré quand un bien, meublé ou non, est loué à un étudiant ? Nous discuterons de tout cela dans le cadre de la proposition de loi de Thibault Bazin qui sera examinée lors de la niche LR du 7 décembre prochain.
Votre intervention montre que nous avons des visions différentes du logement et, sans doute, de la société.
Notre proposition de loi concerne les jeunes et j'ai précisé, avec humilité, qu'elle ne prétend pas résoudre l'ensemble de la crise du logement. Je vous renvoie sur ce sujet à l'excellente proposition de loi de mon collègue William Martinet, qui est plus large.
Si les gens ne peuvent plus acheter de logement, ce n'est pas de notre fait. Le système est grippé. Tous les participants au volet logement du Conseil national de la refondation en sont sortis déçus. J'ai une pensée pour tous les professionnels de l'immobilier, exsangues à cause de la politique du vide qui est menée.
Merci de nous permettre d'aborder ce thème essentiel. Dans la Sarthe aussi, cette année, la presse a fait état des difficultés des étudiants à se loger ; j'espère que l'arrivée prochaine de deux nouvelles résidences étudiantes améliorera la situation. Mais mon groupe ne peut souscrire à vos propositions contre-productives.
Le relèvement des quotas de logements sociaux pénaliserait les communes qui respectent les règles, sans produire de conséquences pour les quelque 300 villes ayant moins de 10 % de logements sociaux, les pénalités étant plafonnées à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Notre action doit plutôt porter sur ces communes qui ne respectent pas les taux, en privilégiant les dispositions favorables à la mixité sociale.
À l'article 2, l'encadrement des loyers tel que vous le proposez ne respecte pas l'équilibre, préservé dans l'expérimentation actuelle, entre la nécessité pour le propriétaire de rentrer dans ses frais et le besoin d'agir en faveur des ménages fragiles. Quelles en seraient les conséquences sur les investissements privés dans le parc locatif, qui doivent être encouragés s'agissant d'un marché en grande tension ?
Enfin, le coût des mesures proposées à l'article 3 pourrait contribuer directement à l'inflation des loyers.
La question du logement n'en est pas moins essentielle à nos yeux. La crise actuelle du marché réduit notablement le pouvoir d'achat de nos concitoyens et freine leur accès à l'emploi. Nous devons donc relancer une politique incitative de l'offre et repenser nos règles fiscales et juridiques afin de stimuler un marché atone.
Concernant les jeunes, réjouissons-nous de l'annonce de la construction de 35 000 logements étudiants au cours des quatre prochaines années et encourageons les collectivités à libérer du foncier pour des projets consacrés à ce public. Plus largement, nous devons améliorer la connaissance par les jeunes des dispositifs auxquels ils sont éligibles. Il nous faudra également réfléchir à la manière de faciliter leur accès au parc social existant, structurellement inadapté à leurs besoins du fait de la longueur des procédures, et étendre la possibilité de colocation dans les logements qui leur sont destinés.
Nous espérons que les différents textes en préparation nous permettront de faire bouger les lignes. Le groupe Démocrate s'opposera à ce texte.
Là encore, nous n'avons pas la même vision de la politique du logement. Mais nous sommes d'accord pour créer un choc de l'offre, et c'est ce que nous proposons ici.
Je reviendrai plus longuement sur la cible de 35 % de logements sociaux. Le proposer pendant le congrès de l'Association des maires de France relevait d'un hasard du calendrier, mais c'est une bonne chose, car certains maires sont méritants, d'autres non.
Attention, le premier moyen d'accéder au logement n'est pas de devenir propriétaire : il faut d'abord pouvoir louer un logement. Avant 1990, 30 % des acheteurs possédaient déjà un logement ; en 2008, le taux était monté à 66 %. Devenir propriétaire est de plus en plus l'affaire de gens qui le sont déjà, et il y a de moins en moins de néoaccédants. En outre, 50 % des logements en location sont détenus par 3,5 % des bailleurs.
Nous remercions le groupe La France insoumise de nous donner l'occasion de débattre des difficultés que les jeunes rencontrent pour se loger. Nous n'en serions pas là si le Président de la République avait tenu ses promesses.
La crise du logement frappe d'autant plus durement les jeunes que le nombre de logements destinés aux étudiants et aux jeunes travailleurs est insuffisant et que les loyers sont partout trop élevés pour ceux qui n'ont pas encore de revenus ou perçoivent un premier salaire.
Il serait donc utile de majorer les aides au logement de 150 euros, pour les aider à payer le loyer et d'autres dépenses de la vie quotidienne. Les images des files d'attente aux distributions alimentaires devraient tous nous interpeller. Toutefois, le montant de la majoration pourrait être pondéré selon les territoires, comme c'est le cas pour les APL.
S'agissant de l'encadrement des loyers, vous reprenez un dispositif de la proposition de loi visant à répondre à l'urgence sociale que les groupes de la NUPES avaient défendue en juillet 2022 pour répondre aux mesures du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat. Toutefois, vous le durcissez, en minorant de fait les loyers de 20 % en zone tendue. Si nous partageons pleinement le constat que les loyers sont élevés et ont encore augmenté récemment, une telle diminution aurait nécessairement une forte incidence sur les bailleurs, qui ne sont pas tous des acteurs institutionnels ou des multipropriétaires. Certes, le durcissement des conditions de mise en location accroît le risque de déséquilibre, mais nous privilégions un encadrement renforcé, comme dans le texte de juillet de 2022.
En matière de politique de la ville, l'expérience de nos circonscriptions nous a enseigné qu'un taux trop élevé de logements sociaux limite les capacités d'action des communes pour satisfaire aux attentes des habitants. En effet, cela augmente les besoins de services publics, quand les ressources fiscales des collectivités souffrent d'une compensation insuffisante du mécanisme d'exonération de taxe foncière. Un taux de 35 % serait donc trop élevé. Il faut surtout remédier au profond déséquilibre entre les communes qui respectent la loi ou dépassent les objectifs fixés et celles qui ne le font pas, voire revendiquent de l'enfreindre. Ce texte risquerait d'accroître l'inégalité territoriale en matière de solidarité nationale. J'appelle à trouver des moyens de pousser les maires réfractaires à respecter la loi.
Je connais votre implication en faveur du logement, Monsieur le rapporteur. Les membres du groupe Socialistes et apparentés sont dans un état d'esprit constructif. La position du texte dans l'ordre du jour de votre niche nous conduit à ne pas déposer d'amendements, mais nous sommes volontaires pour continuer à travailler avec vous sur ce sujet. Nous nous abstiendrons sur le texte, mais nous voterons contre les amendements de suppression, afin d'avoir un véritable débat sur le logement et les jeunes.
Je remercie M. Echaniz de se montrer constructif ; j'espère qu'il en ira de même pour tous les groupes, afin d'aller au fond du débat.
Vous voulez résoudre la crise du logement pour les jeunes : le groupe Horizons et apparentés pense que vos solutions ne sont pas de nature à y parvenir. Elles sont trop nationales et ne prennent pas assez en considération les disparités locales ; elles sont trop coûteuses et risqueraient d'alimenter la hausse des loyers.
Nous avons tous conscience des difficultés que rencontrent nos concitoyens pour se loger à un prix abordable, dans un marché locatif qui connaît une forte tension. La hausse des taux d'emprunt, celle des coûts de la construction et la nécessité d'adapter le parc aux exigences sociales et environnementales contribuent à la crise, qui frappe nos jeunes avec plus de virulence encore.
Pour la surmonter, le Gouvernement a élaboré une nouvelle feuille de route. Elle contient un volet économique, avec un soutien à la production de logements abordables, le maintien du taux du livret A, l'élargissement du prêt à taux zéro et un plan pour le logement des étudiants ; un volet environnemental, avec une accélération de l'adaptation du parc à la transition écologique et démographique et un investissement de 4,6 milliards dans MaPrimeRénov' en 2024 ; un volet social, consacré à protéger les plus vulnérables, en prévoyant l'accès à un logement décent et adapté et l'application des politiques sociales du logement et de l'hébergement ; et un volet territorial, avec des politiques locales du logement, adaptées aux spécificités de chaque territoire.
Le groupe Horizons et apparentés votera contre la présente proposition de loi.
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, de nous donner l'occasion d'aborder un sujet majeur. Tout le monde ici convient que des difficultés structurelles font obstacle à l'accès au logement. On peut venir discuter en paix, en disant de façon factuelle que les engagements pris en 2017 n'ont pas été tenus et que cela participe grandement à la crise du logement qui frappe les Français, les étudiants en particulier.
L'année dernière, lors de sa journée de niche, le groupe Socialistes et apparentés avait défendu une proposition de loi visant à assurer un repas à 1 euro pour tous les étudiants. Cette mesure avait été appliquée par le Gouvernement pendant la crise du covid, mais avait été restreinte ensuite aux seuls boursiers, conduisant plusieurs groupes à soutenir notre proposition.
Nous considérons globalement la présente proposition de loi avec intérêt, même si sur certains points la manière de procéder nous semble contestable. Ainsi, on peut envisager le relèvement des seuils de la loi SRU, mais non sans concertation préalable avec les représentants des communes. Ensuite, nous préférerions de loin trouver des moyens dissuasifs de sanctionner ceux qui ne respectent pas la règle plutôt que de relever artificiellement des taux dont on sait qu'ils ne seront pas atteints. Il faut nous interroger sur notre capacité de coercition envers les plus récalcitrants à appliquer les objectifs fixés par le Parlement.
Vous prévoyez d'augmenter les aides au logement de 150 euros pour les jeunes. Nous validons le principe. Cependant, il s'agirait d'une dépense considérable ; il aurait été plus intéressant de cibler la mesure pour aider ceux qui en ont le plus besoin.
Quant à l'encadrement des loyers, la rédaction risque d'induire des effets de bords – nous y reviendrons.
Oui, il y a une crise du logement, qui pénalise aussi les étudiants et les jeunes actifs. Pour y remédier, vous proposez trois mesures qui ne résoudront pas le grippage de l'offre ni de l'investissement. Pire, elles pourraient aggraver la situation.
L'article 1er prévoit d'augmenter significativement la proportion minimale de logements sociaux dans les communes. Cela ne risque-t-il pas de créer des ghettos, puisque 100 % de la production nouvelle de logements serait ainsi destinée au parc social ? La diminution de la mixité qui en résulterait semble contraire à l'ambition du texte – n'oublions pas les émeutes de cet été.
L'article 2 tend à diminuer les loyers. Cela pourrait réduire encore le nombre de logements en location, donc pénaliser les jeunes. En effet, nombre de propriétaires devront effectuer des travaux coûteux afin d'améliorer les performances énergétiques de leur bien, condition pour continuer à les louer. L'encadrement des loyers que vous demandez réduirait leur capacité à financer ces travaux pourtant nécessaires à la transition écologique et profitables aux locataires, puisqu'ils favoriseraient les économies d'énergie.
Certains collègues considèrent qu'augmenter les seuils de la loi SRU, donc de logement social, pénaliserait les communes.
Nous n'avons pas la même vision du logement social. Celui-ci est une force. Il permet de loger les travailleurs essentiels et de lutter contre la spéculation immobilière. Les cas où les communes sont pénalisées, c'est lorsque les entreprises ne peuvent recruter, parce que les salariés ne parviennent pas à se loger ; lorsque les étudiants ne peuvent étudier, faute de logement proche de l'université ; lorsque des personnes sont sans abri. Remettons les choses dans l'ordre ! Les jeunes souffrent du manque de logement abordable, or le logement social est une solution pour en produire. Nous devrions nous féliciter de nous fixer des objectifs plus ambitieux en la matière.
France Info a publié hier ce chiffre : moins de 50 % des communes atteignent les objectifs de la loi SRU. Des maires méritants tâchent de respecter la loi, de construire ou de rénover du logement public pour celles et ceux qui sont en difficulté ; mais d'autres ne font pas l'effort. Certains sont des hors-la-loi multirécidivistes, et leur comportement a des conséquences néfastes pour les habitants de leur ville et les communes limitrophes. Je salue les premiers et, comme vous, j'appelle à définir des sanctions contre les seconds. Je vous invite tous à consulter l'infographie sur le site de France Info pour savoir quelle est la situation de votre commune.
Il est faux de dire que le dispositif d'encadrement des loyers ne prend pas en compte les réalités locales : de même que l'article 1er prévoit des adaptations en fonction des tensions locatives et des contraintes locales, à l'article 2, je défendrai un amendement visant à distinguer les communes selon leur tension.
Monsieur Bazin, vous m'alertez sur le risque de créer des ghettos. Vous avez raison, il existe des ghettos – parfois de riches. À Toulouse, le maire Les Républicains M. Moudenc a fait inscrire dans le plan local d'urbanisme un critère d'emprise foncière pour la construction de logements sociaux, afin de préserver des îlots de spéculation dans le centre-ville où seuls certains peuvent se loger. D'autres vendent à la découpe des logements publics. Il serait bon pour quelques habitants des ghettos de riches d'avoir des voisins qui vivent d'autres réalités que la leur, comme des aides-soignantes ou des travailleurs du BTP, qui parfois habitent dans leur voiture – ceux qui construisent les logements ne peuvent parfois pas se loger ! Bref, c'est une question de répartition territoriale de l'offre de logement public : la mixité territoriale, comme on dit, doit s'appliquer partout.
Nous proposons donc de créer un choc d'offre de logement public. En encadrant les loyers à la baisse, on augmente le nombre de personnes qui auront accès au marché privé. Or il y a 2,4 millions de personnes qui attendent un logement HLM parce qu'elles ne parviennent pas à se loger à des conditions décentes dans le parc privé, trop cher. Je reçois des témoignages en cascade de personnes qui maquillent leur feuille de paie sur Photoshop ou InDesign pour obtenir un logement. Malheureusement, cette pratique illégale devient courante, pour survivre – chacun fait comme il peut, mais faut-il s'en satisfaire ?
Monsieur Falcon, j'ai réservé le meilleur pour la fin. Des collègues de tous bords ont dénoncé la politique du logement de M. Macron, faite de coupes rases, mais la vôtre est un véritable bingo de ce qu'il ne faut pas faire ! J'ai lu vos amendements avec attention. Vous voulez loger les jeunes dans des passoires thermiques, en proposant de ne pas sortir les logements classés F et G du marché pour les leur réserver. Vous êtes contre l'encadrement, donc contre la régulation et la baisse des loyers. Vous êtes opposés au développement du parc public. J'en viens à me demander si vous avez un problème avec le service public en général, alors qu'il y en a tant besoin. J'ai d'ailleurs observé que Fréjus et Perpignan étaient au nombre des communes qui ne respectent pas la loi SRU : je suis sûr que vous saurez convaincre leurs maires de se mettre en conformité avec la loi.
Vous êtes contre l'augmentation de 150 euros des APL. Vous avez déposé beaucoup d'amendements sur la préférence nationale, semblant ignorer qu'il y a des discriminations avérées dans l'attribution des logements, même publics – nous en avons eu un cas malheureux à Toulouse, il y a quelques années. Cerise sur le gâteau : vous avez déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l'article 45, visant à loger les travailleurs saisonniers dans les internats, donc à dispenser les employeurs de les héberger. C'est particulièrement gratiné, sachant en outre que M. de Fournas, qui l'a cosigné, a lui-même logé des travailleurs étrangers sous une tente, dans son domaine. Le mal-logement, vous connaissez !
J'espère que nous aurons des discussions poussées sur chaque article : nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais nous reconnaissons tous qu'un débat de fond sur le logement est indispensable.
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Informations relatives à la commission
La commission a créé la mission d'information relative aux stratégies de marché du secteur viticole, avec pour rapporteurs M. Éric Girardin (Renaissance) et M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES).
La commission a ensuite désigné M. Frédéric Descrozaille (RE), comme rapporteur de droit sur la proposition de loi n° 2023-221 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite « Descrozaille » et Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES) comme co-rapporteure.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9 h 30
Présents. – M. Xavier Albertini, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, M. Thibault Bazin, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Manuel Bompard, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Bertrand Bouyx, Mme Maud Bregeon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Françoise Buffet, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, Mme Martine Etienne, M. Frédéric Falcon, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Hervé de Lépinau, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. William Martinet, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. André Villiers
Excusés. – Mme Delphine Batho, M. Philippe Bolo, M. Sébastien Jumel, Mme Hélène Laporte, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Charles Rodwell, M. Jiovanny William