Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Nous examinons cette proposition de loi alors que la loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation – ou censées le faire – vient à peine d'être adoptée. Cette loi d'initiative gouvernementale sera sans effet sur l'inflation, et cela d'abord parce qu'elle est dénuée de tout outil d'intervention publique sur la formation des prix et sur l'encadrement des marges des industriels et de la distribution.

Fort heureusement, la philosophie du texte qui nous est soumis est bien différente. Il reprend deux outils politiques que les parlementaires communistes défendent depuis longtemps. Le premier est, à l'article 1er, les conférences publiques de filière permettant de définir des prix plancher des productions agricoles ; le second, l'application d'un coefficient multiplicateur entre prix d'achat et prix de vente, pour les industriels avec l'article 2 et pour les distributeurs avec l'article 4.

En 2009, en 2011 et en 2016 sous forme de propositions de loi, et sur quasiment tous les textes touchant à l'agriculture ou aux négociations commerciales sous forme d'amendements, je défends, en vieux soldat de la régulation et de l'interventionnisme, l'instauration de ces outils fondamentaux. Je me félicite donc de leur reprise aujourd'hui : quand les idées sont bonnes, il faut qu'elles soient partagées librement et sans droits d'auteur.

D'ailleurs, le coefficient multiplicateur est depuis longtemps un logiciel libre. L'exégèse de sa longue histoire politique serait particulièrement instructive pour tous les libéraux qui le vilipendent comme un horrible principe d'économie administrée. Instauré à la Libération pour lutter contre la spéculation des années 1930, supprimé en 1986 sous la pression des distributeurs par le gouvernement Chirac, il a été réintroduit partiellement en 2005 par la majorité de droite dans la loi sur les territoires ruraux, puis modifié en loi de finances rectificative fin 2011. Objet de longs débats qui ont rappelé son utilité en cas de crise ou élargi ses possibilités d'application, le coefficient multiplicateur est bien cet outil central dont notre pays a besoin pour calmer les appétits financiers des industriels et de la distribution.

Il pourrait être un levier puissant, une pièce maîtresse d'un contrôle des marges efficace – un levier à mettre à la disposition d'un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires réformé, renforcé, voire transformé en une véritable régie publique d'intervention pour une répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans les chaînes de valeur des produits alimentaires. Nous y travaillerons, et c'est d'ailleurs l'objet d'un article additionnel.

Cette proposition de loi fait, aujourd'hui encore, l'objet d'un pilonnage essentiellement idéologique. J'espère, comme l'a demandé notre rapporteur, que nous pourrons en débattre sereinement, propositions à la clé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion