La commission a procédé à l'examen de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (n° 360) (M. Guillaume Kasbarian, rapporteur).
Ce n'est pas la première fois que M. Guillaume Kasbarian porte le sujet des logements squattés à l'attention des membres de l'Assemblée nationale. Lors de l'examen du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), dont il était également le rapporteur, il avait fait adopter un amendement, devenu l'article 73 de la loi, visant à enrichir le dispositif d'évacuation administrative en cas de squat d'un logement. Le rapport d'application de cette loi a été présenté devant la commission des affaires économiques le 13 juillet 2021. Tout en relevant que ce dispositif avait déjà permis beaucoup d'avancées concrètes, ses auteurs observaient que des problèmes d'application demeuraient, en raison de difficultés d'interprétation, en particulier de la notion de domicile.
L'actualité nous rappelle quasiment chaque semaine les carences qui subsistent. Les litiges qui opposent propriétaires et occupants illicites de leurs logements sont nombreux. Cette situation anormale précarise des propriétaires qui, souvent, se retrouvent endettés, voire surendettés. Le texte que nous soumet notre rapporteur a pour finalité de renforcer la protection contre les squats, mais aussi de mieux accompagner les bailleurs lors des procédures pour impayés de loyers.
Soixante-treize amendements ont été déposés, sur lesquels dix ont été retirés par leurs auteurs et trois, déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. En outre, j'ai considéré comme cavaliers législatifs neuf amendements qui n'avaient pas de lien avec un article de la proposition de loi (PPL). Il reste, par conséquent, cinquante et un amendement à examiner.
La propriété des personnes est l'un des principes fondamentaux de notre République. Précieux réconfort pour nos concitoyens qui se sont constitué un patrimoine à la sueur de leur front, ce principe préserve le fruit de longues années de travail. C'est pour cette raison que les atteintes qui y sont portées par les actions de squat suscitent l'indignation collective. Même ceux qui n'ont jamais vécu une telle situation s'en disent malades. Le fait de s'installer chez autrui est ressenti comme une violence particulièrement forte. De telles affaires sont dangereuses pour notre démocratie, car le spectacle de l'impunité et le sentiment d'injustice rongent notre pacte républicain.
Contre une idée reçue, rappelons que le squat est puni par notre droit. Une procédure accélérée d'expulsion des squatteurs existe depuis 2007, que nous avons renforcée, en 2020, dans la loi Asap. Grâce à ces nouvelles règles, 170 expulsions ont pu être menées à bien en quelques jours seulement, en 2021.
Toutefois, l'actualité nous a montré maintes fois qu'il faut aller plus loin, en tout cas appréhender le problème plus globalement. C'est l'objet de la première partie de la proposition de loi.
Il s'agit de traiter ce que les avocats entendus lors des auditions ont qualifié de « zone grise », qui recouvre le non-paiement de loyer pendant des mois voire des années, le refus de quitter un logement en fin de bail ou quand le bailleur souhaite le récupérer pour lui-même ou un membre de sa famille, ou encore les cas de dégradation du bien loué. La proposition de loi n'aura strictement aucun effet sur la plupart des locations, qui se passent très bien. Elle vise les comportements malhonnêtes d'une minorité de locataires, qui existent bel et bien en dépit de ce que certains voudraient nous faire croire et dont ont témoigné les personnes que nous avons entendues tout au long de nos travaux – je les en remercie ainsi que celles qui ont pris la peine de nous envoyer leurs témoignages écrits.
Chacun connaît, dans son entourage, des exemples de litiges locatifs vécus comme des expériences difficiles, parfois de véritables traumatismes. Ces souffrances doivent motiver notre action. Pour ceux qui les balayent d'un revers de main au motif qu'il ne s'agirait que de cas isolés, voici quelques chiffres : nous avons reçu soixante et onze témoignages en à peine quelques jours ; les sommes impayées s'élevaient en moyenne à 17 794 euros ; les délais moyens d'achèvement de la procédure étaient de vingt et un mois – dans un cas même, elle n'a toujours pas abouti au bout de soixante-douze mois.
Quand bien même ces exemples ne seraient que minoritaires, en quoi cela justifierait-il de ne pas légiférer ? Remplirions-nous notre rôle de législateur si nous refusions de nous en occuper ? Avec un tel raisonnement, nous ne nous serions pas attaqués aux propriétaires malhonnêtes à travers la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan). Nous avons renforcé la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne, parce que ces situations sont inacceptables et doivent cesser, quel que soit leur nombre.
De la même façon, nous devons nous intéresser à la minorité de locataires malhonnêtes, qui nuisent non seulement aux propriétaires, mais aussi aux autres locataires, par l'appréhension qu'ils suscitent chez les bailleurs et qui les pousse à augmenter leurs exigences, voire à ne pas louer leurs biens. Si notre marché locatif regorge de certificats, de garanties, de cautions, d'attestations et autres justificatifs, c'est qu'il n'y a pas assez de confiance entre les propriétaires et les locataires. Ceux qui sapent cette confiance sont ces locataires minoritaires, qui grugent les propriétaires et profitent d'une procédure longue et complexe pour agir en toute impunité. Qui en paie les conséquences ? L'immense majorité des locataires bons payeurs.
La lenteur et la lourdeur des procédures de règlement des conflits locatifs entament la confiance que nos concitoyens ont dans la justice et les institutions. C'est pourquoi cette proposition de loi aborde cette zone grise longtemps délaissée par l'aspect des relations entre locataires et bailleurs.
Du côté des locataires, nous avons pris, ces dernières années, des mesures pour sécuriser leur accès au logement : l'encadrement des loyers en zone tendue, créé par la loi Elan et prorogé jusqu'en 2026 par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) ; la garantie Visale (visa pour le logement et l'emploi), qui permet un cautionnement plus fiable des locataires ; le plafonnement de la hausse des loyers en dessous du taux d'inflation pendant un an, dans le cadre de la loi sur la protection du pouvoir d'achat.
Pour ce qui est des propriétaires, nous attendons d'eux des efforts importants en matière de mise à niveau énergétique du parc locatif. Tous les logements G seront concernés dès 2025 et les logements F à compter de 2028. Soit au bas mot 1,5 million de logements du parc locatif privé.
Il y a un équilibre à trouver entre les protections accordées aux locataires et les efforts supplémentaires demandés aux propriétaires. Dans un contexte tendu, la simplicité d'options comme le parc des meublés de tourisme ou celui des résidences services pourrait détourner les bailleurs de l'investissement locatif. Il importe donc de leur envoyer un signal en agissant sur le contentieux locatif, dont l'excessive complexité, la longueur, la lourdeur, le coût et l'incertitude des procédures sont sources d'appréhension. Tout bailleur potentiel pressent que, en cas de litige avec un locataire, les voies de recours seraient tortueuses. Remédier à ces injustices, tel est le sens de la proposition de loi.
Nous ne supprimons aucune des étapes de la procédure du contentieux locatif, aucune des protections accordées au locataire. Nous proposons simplement de faire en sorte d'obtenir plus vite des décisions exécutoires, car les procès interminables ne profitent à personne.
Je me prononcerai en faveur des amendements qui concourent au renforcement de la défense de la propriété privée et à la lutte contre les squats. Je serai favorable également à ceux, issus de bancs différents, qui proposent d'aller plus vite, sans porter atteinte aux droits fondamentaux des parties en présence.
Les auditions ayant montré que l'article 3 ne permettrait pas d'accélérer les procédures contentieuses, j'en proposerai la suppression. Je proposerai également d'aménager la rédaction de l'article 4, afin de laisser au juge la possibilité de mieux apprécier la situation de chaque partie.
La lecture des amendements m'a laissé penser que ce débat donnera lieu à l'expression de positions idéologiques radicalement différentes, certains semblant vouloir défendre les squats, allonger les procédures ou, simplement, ne pas parler de ces petits propriétaires en difficulté au simple motif qu'ils sont propriétaires.
J'ai néanmoins le sentiment qu'une grande majorité d'entre vous souhaite que le législateur renforce la protection du domicile, sanctionne sévèrement le squat, accélère les procédures et fasse tout ce qui est en son pouvoir pour répondre à ces situations de détresse psychologique et sociale, quand bien même elles seraient peu nombreuses. Ceux qui les subissent et qui en ont témoigné nous regardent et comptent sur nous.
Cette proposition de loi vise à lutter contre les squats et les contentieux locatifs longs et abusifs. Il s'agit, en outre, de mieux protéger les petits bailleurs, mais aussi les locataires, qui peuvent se faire abuser par de faux propriétaires.
Certains témoignages recueillis lors des auditions sont particulièrement édifiants. Mégane, 24 ans, habite la Somme. Elle a pour seul logement la maison que sa maman, décédée, lui a léguée. Cette maison est occupée par un locataire qui ne paie pas son loyer depuis un an et demi. La jeune femme, je la cite, est « dehors quand le locataire est au chaud ». Cécilia, en Île-de-France, possède un appartement de 35 mètres carrés, dans lequel vivent des locataires, qui, de reports de jugement en condamnations, ne paient pas leur loyer depuis six ans. Cécilia voit pourtant, sur les réseaux sociaux, des photos de vacances de ces locataires, de week-ends à l'étranger ou de fêtes organisées dans son appartement. Le total des impayés s'élève à 75 000 euros, auxquels s'ajoutent 25 000 euros de charges et 7 000 euros de frais d'avocat. Ne pouvant plus assumer ses charges, Cécilia a dû changer de logement. Elle est désormais contrainte de vendre son appartement squatté avec, évidemment, une très forte décote. Un autre propriétaire doit payer 60 000 euros à un squatteur au titre d'un garde-corps défectueux sur une fenêtre du logement illégalement occupé. Dans les Côtes-d'Armor, un propriétaire a, quant à lui, trouvé une famille installée chez lui, qui avait elle-même été dupée par un faux propriétaire.
Cette proposition de loi ne vise pas les petits locataires en galère passagère, mais les personnes foncièrement malhonnêtes, qui exploitent les failles de notre droit, les arnaqueurs patentés souvent multirécidivistes. Elle intègre, par exemple, les logements en cours de déménagement dans le délit de squat, car certains de ces arnaqueurs professionnels savent qu'elles ne sont pas comprises dans son champ.
Puisse cette proposition de loi permettre à toutes les victimes de retrouver confiance en la justice et empêcher qu'elles ne se jettent dans les bras de l'extrême droite.
Vous avez raison, cette proposition de loi prend en considération la souffrance des victimes de squatteurs, que nous entendons toutes et tous dans nos circonscriptions. Ces victimes, d'ailleurs, peuvent être propriétaires ou locataires, car vous pouvez louer un logement et être la cible de squatteurs. Vous avez donc raison de ne pas opposer propriétaires et locataires. Je vous rejoins donc sur l'objectif de cette proposition de loi et j'espère que nous aurons un beau débat.
Un squatteur est un occupant qui ne possède ni droit, ni titre sur le bien qu'il occupe. Il s'agit donc d'un individu qui est entré dans ce bien par effraction, sans autorisation. Un tiers des petits propriétaires sont des retraités et les revenus qu'ils tirent de la location sont indispensables pour leur garantir une retraite sereine. Or ils n'ont pas, comme les gros bailleurs, les moyens de faire protéger leur logement contre les squatteurs.
Depuis la loi Elan du 23 novembre 2018, les squatteurs ne bénéficient plus de la trêve hivernale. Toutefois, beaucoup de nos concitoyens ont l'impression que la loi les protège, en raison du décalage qui existe entre la rapidité avec laquelle un squatteur peut élire domicile dans un logement et la longueur de la procédure légale que le propriétaire doit respecter pour le déloger. Il arrive même que les préfectures refusent de procéder à l'expulsion des squatteurs dans certains cas.
Cela renforce, d'un côté, le sentiment d'injustice et d'inefficacité et, de l'autre, la sensation d'impunité et de toute-puissance. Car les propriétaires de logements squattés ne doivent en aucun cas intervenir directement. S'ils le font, ils s'exposent à une peine d'emprisonnement et au paiement d'amendes qu'ils seront tenus, eux, de régler.
Le délai moyen d'expulsion varie d'un tribunal à l'autre. C'est le juge des contentieux qui est compétent pour trancher les litiges civils sur les baux d'habitation, et plus le tribunal a d'affaires à traiter, plus, logiquement, les délais sont longs – de plusieurs semaines à plusieurs années.
Le groupe Rassemblement national approuve cette proposition de loi, qui représente une avancée : elle remet enfin à niveau les sanctions encourues par les squatteurs et les propriétaires qui ont légitimement cherché à les chasser pour récupérer leur bien. Hélas, son application pâtira probablement de la lenteur extrême de la justice, résultat du manque cruel de moyens dont elle souffre depuis plusieurs années.
L'objectif de la proposition de loi est d'accélérer les procédures, parce que personne n'a rien à gagner de procédures à rallonge. Vous avez salué les avancées que la majorité a votées : la loi Elan, qui a remis en cause la trêve hivernale pour les squatteurs ; la loi Asap, qui a créé une procédure préfectorale fondée sur l'article 38 de la loi instaurant le droit au logement opposable (Dalo), qui a permis d'accélérer le processus. Je salue, d'ailleurs, l'action des préfets, qui, en application de cet article, ont expulsé 170 squatteurs en 2021, sans avoir la main qui tremble. De même, la justice fait son travail, avec des moyens considérablement renforcés.
C'est en toute confiance dans notre État de droit, dans nos préfets, dans notre justice pour appliquer les lois que nous votons que je propose ce texte.
Une personne à la rue qui meurt toutes les cinq heures en France, 300 000 sans-abri, dont 2 000 enfants, 4,1 millions de personnes mal logées, et voici la loi que vous nous proposez : un texte qui vise à légiférer sur un problème qui ne concerne que 0,005 % des logements recensés dans ce pays. L'observatoire des squats a identifié 170 cas en 2021, dont la majorité, vous l'avez signalé, ont été rapidement réglés.
À lire votre exposé des motifs, il s'agit finalement d'une proposition de loi « fait divers », une loi « CNews » : « La médiatisation constante des squats et litiges de loyers témoigne de la forte émotion […] ». Vous parlez de ressenti. Il y a un an, Mme Wargon, alors ministre déléguée au logement, présentait le premier bilan de l'observatoire du squat en citant comme principal enseignement que le squat n'est pas un phénomène massif en France : « […] on a compté 124 dossiers […] Cela reste 100 fois moins que le nombre de cambriolages. Donc il faut faire attention à ce qu'on n'ait pas d'instrumentalisation politique de ce sujet ». Le rôle du législateur devrait être de désamorcer ces polémiques, en rappelant le droit applicable, qui comprend déjà, vous l'avez dit, un ensemble de mesures, tant civiles que pénales, largement suffisantes.
Sur le fond, ce texte révèle une vision dangereuse de la société. Ses rédacteurs ont visiblement un problème avec la justice, que ce soit l'institution, qui souffre du manque de moyens, ou son principe, qui repose sur le droit à un procès équitable et sur le contradictoire. Tout est fait pour que les expulsions de personnes qui s'abritent dans des logements vides soient effectuées sans aucune procédure judiciaire. Les marchands de sommeil et les arnaqueurs peuvent applaudir : ils auront de bons prétextes pour mettre la pression sur leurs victimes. Puisque vous aimez bien les acronymes, vous pouvez d'ores et déjà parler de loi MDS, pour marchand de sommeil – ça ira plus vite.
Cette proposition de loi est aussi un texte anti-locataires, qui fait l'impasse sur les causes du mal-logement, sur les 3,1 millions de logements vacants, dont vous ne parlez jamais, ou encore sur les nombreux abus dont sont parfois victimes les occupants. Qu'il s'agisse de faux bail, de paiement en liquide sans bail écrit, donc sans impôt, ou encore d'expulsion illégale, les locataires éprouvent le plus grand mal à porter plainte et à obtenir justice lorsqu'ils en sont victimes.
Ces dispositions régressives, qui vont jusqu'à la pénalisation des locataires, sont inédites et en contradiction totale avec la politique gouvernementale, qui prônait le « logement d'abord ». Les expulsions locatives ont un coût économique et humain important. Les prévenir est bien moins coûteux, à tous égards.
Alors que les charges d'énergie ne cessent d'augmenter, que l'inflation est là, que les prix ne sont pas bloqués, que les salaires ne sont pas augmentés et qu'il n'y a pas de baisse des loyers, cette proposition de loi met en place le décor d'un désastre social.
Je répondrai sur trois points, faute de temps.
Les cas de squat sont très minoritaires, donc il ne faut pas s'en préoccuper, dites-vous. Si nous tenions ce genre de raisonnement, nous n'aurions rien fait contre les marchands de sommeil, eux aussi minoritaires. Nous avons tous reçu des témoignages de citoyens qui sont victimes de squatteurs ou qui sont pris dans des procédures d'impayés interminables. Ce n'est pas parce qu'ils sont peu nombreux qu'il faut fermer les yeux.
Toujours selon vous, l'arsenal législatif serait suffisant. Dans vos amendements, vous proposez de revenir dessus : pardon, mais j'ai le sentiment que La France insoumise défend idéologiquement le squat.
Enfin, cette proposition de loi peut aussi permettre de sanctionner davantage les marchands de sommeil, grâce notamment à la création d'un délit, proposé dans un amendement de la majorité.
Je veux rendre hommage au travail de notre ancien collègue Julien Aubert, car, en matière de squat, tout était dans la proposition de loi visant à restaurer dans leurs droits des propriétaires spoliés de leurs biens et impuissants à faire valoir leurs droits, qu'il avait déposée en 2019. Dans la loi Asap, comme dans la présente proposition de loi, ces mesures vous ont inspiré et je m'en réjouis.
Dans la loi Asap, les expulsions administratives étendues aux résidences secondaires, la mise en demeure des squatteurs par les préfets sous quarante-huit heures et l'ultimatum de vingt-quatre heures pour quitter les lieux sont des mesures que vous avez défendues, monsieur le rapporteur, et qui sont utiles en effet.
En revanche, au motif de cavalier législatif, l'alourdissement de la peine avait été retoqué par le Conseil constitutionnel. La peine actuellement encourue – un an de prison et 15 000 euros d'amende – n'a pas découragé les squatteurs. Des affaires retentissantes prouvent l'insuffisance du dispositif juridique en vigueur, ce que Les Républicains avaient d'ailleurs pointé.
La médiatisation de certaines affaires peut accélérer leur résolution, mais c'est bien le droit, et lui seul, qui peut porter assistance aux victimes de squatteurs. Ces atteintes manifestes au droit de propriété, dont je rappelle tout de même qu'il a une valeur constitutionnelle, sont inacceptables. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d'impuissance à laquelle nous avons le devoir de répondre. Et le préjudice devient insupportable lorsque le bien est dégradé.
Notre groupe présentera divers amendements. Tout d'abord, l'occupation de mauvaise foi, sans droit ni titre, d'un immeuble appartenant à un tiers, s'apparente, selon nous, à un vol. Il s'agit donc de créer un nouveau délit – le squat, c'est du vol – et, par là même, de définir en creux la notion de propriété. Nous proposerons également d'inverser la charge de la preuve – ce n'est plus au propriétaire de prouver sa légitimité – et le quantum de peine, pour autant qu'il n'y ait pas de violence, est revu.
Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous faire un retour synthétique des nombreuses auditions que vous avez menées ?
Nous avons entendu des spécialistes de la propriété privée, organisé une table ronde d'avocats, reçu des associations, notamment la Fondation Abbé Pierre qui n'est pas en ligne avec notre proposition de loi – donc, des personnes qui soutiennent ce texte et d'autres qui y sont opposées.
Surtout, nous avons accueilli des victimes. Je tenais en effet à faire venir à l'Assemblée des personnes qui vivent des situations de squat ou d'impayés. La totalité de leurs témoignages sont à votre disposition.
Je tiens à saluer toutes celles et tous ceux qui, avant nous, ont travaillé sur la question des squats et des impayés. Vous avez cité Julien Aubert, mais il y a également la vingtaine de parlementaires qui réfléchissent à la question depuis plusieurs années. Je les liste d'ailleurs en page 14 de mon rapport.
Chacun d'entre nous garde en mémoire les affaires récemment médiatisées de propriétaires mis en grande difficulté par l'occupation illicite de leur logement. Ces histoires ont fait naître un profond sentiment d'injustice, car elles touchent beaucoup de petits propriétaires qui ont souvent travaillé et épargné de longues années avant de pouvoir investir dans l'immobilier locatif.
Le législateur doit trouver des solutions pour répondre de manière déterminée et efficace à ces situations, qui ne sont pas acceptables. Le groupe Démocrate apportera son soutien à cette proposition de loi qui vise à mieux protéger les propriétaires.
Cependant, quelques points de vigilance subsistent, eu égard à la complexité des dossiers d'impayés et de squats. Nous soutiendrons l'article 1er, qui propose de renforcer les sanctions pour délit de squat, avec une amende pouvant atteindre 45 000 euros et une peine maximale d'emprisonnement de trois ans. Le groupe approuvera également l'article 2, qui élargit les domiciles protégés aux résidences secondaires et aux logements non meublés.
Notre groupe tient à préserver certains acquis sociaux et nous saluons le retrait de l'article 3 figurant dans la version initiale.
Les articles 4 et 5 contiennent des dispositions intéressantes, mais nous pensons qu'il faut conserver au juge la possibilité d'accorder des délais de paiement au locataire en difficulté qui le demande, puis d'apprécier la situation pour faire jouer, ou non, la clause de résiliation. C'est pourquoi nous serons favorables à l'amendement du rapporteur sur ce sujet.
Nous soutiendrons également la réduction des délais de la procédure judiciaire relative aux impayés, prévue par l'article 5.
Notre groupe salue et soutient la démarche qui ambitionne de protéger davantage les propriétaires, tout en veillant à ce que le droit français soit juste et proportionné pour chacun.
Merci pour votre soutien à cette proposition de loi. J'entends tout à fait vos points de vigilance et nous en discuterons pendant l'examen des articles.
On ne peut pas sanctionner de la même façon des squatteurs violents, qui entrent par effraction dans un logement, et des locataires titulaires d'un bail, qui se retrouvent accidentellement dans l'impossibilité de payer leur loyer. Ces derniers ont surtout besoin d'un accompagnement social, ce qui n'est pas prévu dans votre texte. Pour les propriétaires, il faut, bien sûr, une sécurisation sur le plan financier, une sorte de garantie universelle des loyers.
Je souligne, par ailleurs, que les dispositions de la loi Asap n'ont pas été évaluées et que ce texte fait l'impasse sur la crise du logement, qui se traduit par une construction insuffisante et des logements dégradés, voire insalubres.
En l'état de cette PPL, notre groupe ne peut apporter son soutien.
Il n'est pas prévu de sanctionner de la même manière un locataire en situation d'impayé et un squatteur, ni dans le droit aujourd'hui, ni dans cette proposition de loi.
J'avais prévu, à l'article 3, d'introduire une peine, d'ailleurs différente de celle applicable aux squatteurs, pour ceux qui se maintiennent dans un domicile en dépit d'une décision de justice leur intimant de partir. J'ai entendu, lors des auditions, les remarques sur la complexité qui résulterait d'une telle disposition, par laquelle les propriétaires seraient conduits à porter plainte à nouveau contre le locataire récalcitrant et à déclencher une nouvelle procédure judiciaire. Comme l'effet serait contraire à l'objectif d'accélérer la procédure, j'ai moi-même déposé un amendement de suppression de cet article. En le supprimant, je supprime donc une de vos réticences.
La loi Asap a bien été évaluée, notamment pour ce qui est du squat, six mois après son application. Avec Sylvia Pinel, députée d'opposition, nous avons recueilli des chiffres très précis, région par région, de l'application de son article 73. Des difficultés d'application ont été remontées par les préfets et c'est la raison pour laquelle je propose l'article 2 de cette proposition de loi.
Le groupe Horizons et apparentés tient à saluer le travail accompli sur la protection des propriétaires contre l'occupation illicite de leurs logements depuis la loi Asap. La proposition de loi présentée par les députés du groupe Renaissance prévoit de mieux réprimer les squats grâce à des sanctions renforcées et à un élargissement de la définition légale du délit de violation de domicile. Il organise également la sécurisation des rapports locatifs, en permettant la résiliation du bail de manière automatique en cas d'impayés et en réduisant les délais pour les procédures contentieuses et l'expulsion des occupants indélicats.
S'il est vrai que le phénomène du squat n'est pas massif en France, ce texte n'en est pas moins utile pour répondre aux situations inadmissibles de violation de la propriété, qui suscitent dans notre pays une émotion légitime. De nombreux propriétaires bailleurs peuvent aussi être victimes de locataires qui refusent de payer leur loyer et de partir, ce qui donne lieu à de longues procédures. Certains de ces propriétaires peuvent être des retraités pour lesquels la location de leurs biens constitue une source de revenus importante.
Face à ces différentes situations, ce texte apporte des réponses concrètes, efficaces et attendues sur le terrain. Afin de clarifier les attributions des maires, mon groupe défendra un amendement destiné à élargir la faculté de constater l'occupation illicite d'un logement. En effet, le maire est souvent un acteur de premier plan dans ces affaires et devrait être habilité à procéder à ce constat.
Naturellement, le groupe Horizons et apparentés soutiendra cette proposition de loi.
Merci pour votre soutien. J'accueillerai avec bienveillance votre amendement qui permet de compléter le dispositif de l'article 38 de la loi Dalo, en associant le maire à la procédure. Les territoires ruraux manquent effectivement parfois d'officiers de police judiciaire (OPJ). Le renfort du maire et de ses services peut alors être utile pour accélérer le déclenchement de cet article 38.
La proposition de loi que nous avons à étudier est aussi inique que dangereuse, et je serais très surpris qu'Olivier Klein, ministre chargé du logement et maire d'une ville qui a souffert plus que toute autre des marchands de sommeil et des propriétaires délinquants, puisse y souscrire. Ce n'est pas ces propriétaires délinquants que cette loi veut punir. Ceux-là pourront continuer d'exploiter tranquillement les souffrances des plus précaires, en empochant les loyers de logements insalubres, parfois prêts à s'effondrer.
Avec l'article 3, c'est bien aux locataires en difficulté que vous vouliez vous en prendre, en les envoyant devant un juge plutôt qu'auprès d'un organisme susceptible de les reloger. Vous souhaitez soudainement le supprimer et ne voulez donc plus incarcérer ceux qui, pris à la gorge, sont contraints de choisir le frigo plutôt que la quittance. Bravo ! Vous avez fait preuve de raison. Heureusement, car vous alliez réinventer la prison pour dettes, qui a été abolie en France en 1867. Malgré votre revirement, je tiens à rappeler quelques données que vous avez manifestement occultées au moment de rédiger votre texte.
Le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants, des chiffres sous-évalués puisque nombre de personnes, découragées, n'essaient même plus d'appeler ce numéro. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre de 2022 révèle que plus de 4 millions de Français sont non ou mal logés. Quant aux expulsions locatives, qui ont concerné 8 156 ménages en 2021, elles devraient repartir à la hausse après avoir baissé grâce à la prolongation de deux mois de la trêve hivernale, en raison du contexte sanitaire. Surtout, la rue a tué 623 personnes l'année passée.
Votre proposition de loi ne fait que cacher sous le tapis les vrais enjeux du logement. Vous prétendez sécuriser les rapports entre propriétaires bailleurs et locataires, mais vous ne vous attaquez jamais aux problèmes à la racine. Pour nous, Écologistes, il est urgent d'instaurer la garantie universelle des loyers, afin de rassurer les propriétaires et permettre à tous d'être logés sans crainte. C'est une question de droit et de dignité. Il est impératif d'encadrer les loyers partout – ils seront ainsi moins difficiles à payer – et d'en finir avec les rentes et la spéculation immobilière, qu'Emmanuel Macron lui-même avait en son temps dénoncées.
Nous ne pouvons pas continuer à faire reposer le risque pour le propriétaire sur un dispositif de garant aléatoire, injuste et inefficace, qui prive de logement tant de nos concitoyens les moins bien nés. C'est en sécurisant le locataire, en amont de la location, et en rassurant le propriétaire que nous pourrons remettre sur le marché les plus de 3 millions de logements vacants. Et permettre ainsi au plus grand nombre de se trouver un toit.
Toujours à court d'idées pour éradiquer la pauvreté, vous en débordez, en revanche, pour la criminaliser. C'est pourquoi les Écologistes s'opposeront à ce texte.
Vous allez devoir voter certains éléments de cette proposition de loi, puisque la majorité va proposer un amendement qui pénalise les marchands de sommeil.
Je vais proposer de supprimer l'article 3 car il me semble complexe à mettre en œuvre, et risque de recréer de la procédure judiciaire et de la paperasse administrative. Mais mon objectif reste bel et bien d'accélérer le processus et des amendements seront soutenus en ce sens.
Nous verrons alors si vous défendez le droit de propriété ou les squatteurs ; si vous souhaitez accélérer la procédure judiciaire ou plutôt la ralentir. Nous verrons si vous entendez la souffrance des petits propriétaires en difficulté qui, pendant des années, sont empêtrés dans des procédures judiciaires interminables ou si, au contraire, vous voulez rallonger encore ces procédures. Sur tous ces sujets, nous verrons quelle est la position de chacun.
Dans les outre-mer, l'occupation illicite des logements est d'actualité, et les principales chaînes de télévision et de radio s'en saisissent.
Parmi mes concitoyens qui sont venus travailler dans l'Hexagone, certains ont acheté ou hérité de petits bouts de terrain en Guadeloupe, sur lesquels ils ont fait construire une petite maison qu'ils louent en attendant de revenir y passer une retraite bien méritée. Quand vient le moment de les récupérer, elles sont occupées par des personnes qui ne paient plus le loyer et qui les narguent.
Il faut bien comprendre qu'il s'agit ici d'équité, d'équilibre ; il ne s'agit pas de débattre du problème fondamental du mal-logement, qui peut faire l'objet d'un débat ou d'un autre texte. Nous devons renforcer le citoyen dans ses droits, pour le rassurer. Que des personnes qui ont investi et ont cru dans une société de liberté et de justice se retrouvent chez le psychiatre ou le psychologue est tout de même problématique.
Notre groupe approuvera cette proposition de loi.
Je suis d'accord avec vous : il ne faut pas opposer politique du logement et lutte contre le squat et l'occupation illicite. On peut très bien préconiser la construction et l'augmentation de l'offre de logements, la rénovation thermique, l'accompagnement social de relogement, l'hébergement d'urgence et, en même temps, considérer que le droit doit s'appliquer, que ni le squat, ni l'occupation illicite d'un logement ne peuvent être justifiés parce qu'on n'aurait pas d'autre choix, comme certains l'expliquent. Des millions de Français connaissent aujourd'hui des conditions de vie précaires, mais ils paient leur loyer. Ils ne vont pas squatter le canapé du voisin.
On peut donc mener une politique du logement ambitieuse tout en prônant le respect des lois de la République. Je salue votre position et votre équilibre.
J'entends parler depuis tout à l'heure de marchands de sommeil. Je rappelle que, dans la loi Elan, défendue alors par le ministre chargé de la ville et du logement Julien Denormandie, nous avions fiscalement assimilé les marchands de sommeil à des délinquants comme les trafiquants de drogue. Nous nous sommes donc attaqués à cette question très importante et cela devrait nous inciter à sortir de cette position binaire entre gentils squatteurs et méchants propriétaires.
Je souhaite livrer un témoignage supplémentaire, celui d'une jeune femme seule, mère de deux enfants, qui s'est retrouvée endettée à hauteur de 30 000 euros et a dû être logée par sa commune parce que sa maison, léguée par ses parents décédés, était squattée. C'est parce que ce genre de situation précarise des petits propriétaires que nous vous présentons ce texte.
Nous en venons aux questions individuelles des députés.
L'heure est grave. Cette proposition de loi est une rupture historique avec un demi-siècle de construction juridique pour protéger les locataires et consacrer le droit au logement. Cette construction juridique repose sur le postulat de l'asymétrie entre locataires et propriétaires bailleurs : un locataire qui perd son logement ne peut plus satisfaire le besoin fondamental d'avoir un toit pour le protéger ; un propriétaire bailleur qui fait face à une occupation sans paiement de loyer subit une perte de rentabilité financière. Sans dire que ce n'est pas grave ni qu'il ne faut pas s'en occuper, on ne peut pas mettre sur le même plan la satisfaction d'un besoin fondamental et la rentabilité financière.
Pour régler ces litiges, la loi dont nous avons besoin est celle de la République, pas celle de la jungle. La République doit veiller à ce que leur règlement ne se traduise pas par des remises à la rue, par l'augmentation du sans-abrisme. Or ce serait une des conséquences de la proposition de loi.
Si celle-ci venait à être adoptée, à combien estimez-vous le nombre de sans-abri supplémentaires dans les prochaines années ?
Le squat constitue un phénomène inacceptable. C'est une atteinte à la propriété privée psychologiquement traumatisante. Aussi est-il nécessaire de renforcer l'arsenal juridique afin de protéger les Français contre ces occupations illégales, tout en punissant très sévèrement les squatteurs.
Vous souhaitez supprimer l'article 3, qui permettait de sanctionner les occupants qui se maintiennent dans les lieux après un commandement de les quitter. Selon cet article, la peine encourue était de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Puisque ces sanctions disparaissent, que proposez-vous pour les remplacer ?
Il est surprenant que vous présentiez comme un texte humaniste, presque humanitaire, cette proposition de loi dont la destination est clairement de protéger le droit des petits propriétaires, alors que vous auriez pu faire prévaloir le droit au logement, inscrit dans les droits de l'homme. Certes, il existe, ici et là, sur le territoire français, des situations de squat et d'occupations illicites, et des locataires indélicats. Mais s'il y a autant de cas, selon vous, c'est parce qu'il n'y a pas assez de logements pour abriter ces personnes qui, sans cela, se retrouveraient à la rue.
Pourquoi n'avez-vous pas privilégié un texte qui protège du mal-logement plutôt que de vous livrer, à ce point et sans complexe, à une surenchère de protection des droits des petits propriétaires ?
Pourquoi une indignation à géométrie si variable ? Vous citez beaucoup de cas particuliers, mais, en tout, 170 cas de squat ont été recensés en 2021 et la plupart ont été réglés rapidement. L'indignation est beaucoup moins importante quand des gamins font la queue pour manger, que des personnes ne trouvent pas de logement, que des soignants alertent sur l'hôpital.
Vous nous faites pleurer sur les propriétaires qui n'arrivent plus à vivre sans ce complément de retraite. Outre que, selon nous, le logement n'est pas un bien financier qui doit compléter une retraite, dans ce pays, la majorité des propriétaires sont des multipropriétaires, qui possèdent de très nombreux logements.
Vous n'abordez pas la question de l'accès au logement. Avez-vous envisagé, dans une prochaine loi ou dans celle-ci, de vous pencher sur les maires voyous qui ne respectent pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui ne construisent pas de logements sociaux sur leur commune et refusent d'accueillir les travailleurs de ce pays ?
Si je comprends bien certains de nos collègues, les manquements de l'État devraient être compensés par les propriétaires individuels. Je ne crois pas cela possible et je ne m'opposerai pas à cette proposition de loi. On ne peut pas laisser quelqu'un s'approprier un bien sans rien dire, sinon, cela signifie que l'on peut se faire justice soi-même face aux carences de l'État en matière de droit au logement.
Quant aux propriétaires qui possèdent plusieurs biens immobiliers, ils ne sont pas concernés ici. Ils ont des avocats et, en général, délèguent la gestion de leurs biens. Ceux qui sont embêtés, ce sont les petits propriétaires. On peut, à juste titre, estimer que les retraites ne sont pas assez élevées, mais comment faire, concrètement, pour que des agriculteurs, qui touchent 800 euros en moyenne, puissent vivre, tout simplement ?
La création d'un fichier des personnes condamnées pour squat a-t-elle été évoquée ? Qu'en est-il des faux baux, qui permettent parfois d'obtenir certains droits, comme l'ouverture de compteurs électriques, et qui compliquent les procédures ? Pourrait-on envisager un fonds de solidarité pour les propriétaires de logements squattés, dans des cas très graves, selon des critères de revenus et pour certains montants d'impayés ?
Si nous voulons avoir des débats constructifs, nous devons faire preuve d'honnêteté intellectuelle. Il n'est pas question de se féliciter qu'un petit propriétaire se fasse squatter le logement dans lequel il vit – cela soulève la notion de domicile, qui devrait nous valoir une discussion intéressante. Simplement, nous disons que ce phénomène est mineur par rapport à d'autres problèmes de mal-logement, qui mériteraient davantage de mobilisation de l'Assemblée.
Vous avez auditionné des petits propriétaires mais avez-vous entendu des personnes qui ont squatté, pour connaître leur statut, leurs revenus, leurs motivations ?
Je soutiens cette proposition de loi.
En Espagne, où je réside, les okupas sont devenus un phénomène de société et manifestent une volonté d'occupation systématique de logements vides, parfois simplement vacants pour quelques semaines. Ces choix de vie ne peuvent pas se faire aux dépens des petits propriétaires. De nombreux Français sont d'ailleurs victimes de cette situation et du laisser-faire des autorités espagnoles.
Ces Français-là, comme tous les petits propriétaires qui seront protégés par ce texte, se réjouiront de voir que la France décide de reprendre les choses en main face à cette dérive sociétale.
Cette PPL ne nie pas le problème du mal-logement ; elle concerne l'occupation illicite des logements, qui est un autre sujet. La rénovation du parc, l'offre de logements, les prix sont des questions tout à fait pertinentes, que notre commission des affaires économiques traite par ailleurs. Nous avons même lancé une mission d'information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, notamment les zones touristiques, dont les corapporteurs sont Annaïg Le Meur, pour la majorité, et Vincent Rolland, pour l'opposition. Ce que je propose, ce n'est pas une loi de programmation quinquennale sur le logement, c'est un texte sur le thème spécifique de l'occupation illicite des logements.
J'approuve l'argumentaire de M. Molac : ce n'est pas aux petits propriétaires de payer les engagements de l'État en matière de logement ; pour les multipropriétaires, qui confient la gestion de leurs biens à des sociétés, le squat n'est pas vraiment un problème. C'en est un, en revanche, pour l'agriculteur qui a mis en location un appartement pour s'assurer un revenu complémentaire, ou pour la personne qui doit rembourser chaque mois à sa banque le prêt qu'elle a contracté pour acheter cet appartement. Si elle ne perçoit pas de loyer pendant des mois, voire des années, sa situation devient dramatique. On ne peut pas balayer ces situations sous le tapis.
Je m'élève contre le raisonnement de M. Piquemal, selon lequel un problème minoritaire ne mérite pas d'être traité. Fort heureusement, dans leur immense majorité, les rapports locatifs se passent très bien – les propriétaires ne sont pas victimes de squatteurs et les locataires, modestes ou pas, paient leur loyer rubis sur l'ongle. Certains parmi eux s'insurgent d'ailleurs que les autorités soient laxistes avec ceux qui ne le font pas. À propos d'honnêteté intellectuelle, reconnaissons que cette proposition de loi n'aura aucune conséquence sur l'immense majorité des locataires qui paient leur loyer chaque mois. Elle n'aura d'impact, effectivement, que dans des situations minoritaires, mais qui ont des conséquences insupportables, car elles mettent des gens en difficulté.
Je n'ai pas auditionné de squatteur, car aucun n'a répondu à notre invitation – ils étaient pourtant les bienvenus. Nous avons reçu des collectifs qui défendent l'idéologie du squat et des associations qui défendent les squatteurs, notamment la Fondation Abbé Pierre. En revanche, pour bien faire comprendre de quoi il est question, je tiens à votre disposition des petites brochures, accessibles sur internet, qui donnent des conseils pour réussir un squat. Le guide du squatteur de A à Z recommande ainsi de bien choisir sa maison, de repérer les lieux ou de sélectionner soigneusement son propriétaire. Il fournit également des indications pour l'installation sur place, les premiers contacts avec la police, le « proprio » ou les huissiers, les différentes procédures judiciaires, les amendes potentielles, etc. Ce sont ces gens qu'on m'invite à recevoir à l'Assemblée nationale, mais je rappelle que le squat est puni par la loi, c'est un délit.
Monsieur Vojetta, je salue l'éclairage international que vous avez apporté. D'ailleurs, quand on étudie les procédures en cours chez certains de nos voisins pour lutter contre les squats ou les impayés, on s'aperçoit que la France est plutôt tolérante, pour ce qui est des délais notamment. Je souhaiterais pouvoir aller plus loin sur ce sujet, et je vous invite à y travailler ensemble.
Monsieur Vigier, vous me demandez par quoi nous allons remplacer l'article 3. L'objectif initial de cet article était, non pas de créer un délit, mais d'accélérer la procédure et de réduire les délais. Les premiers retours ont montré que ce n'était pas le cas et qu'il risquait même de les rallonger. J'ai donc décidé de supprimer cet article 3. Dès lors, que faire ? Certains parmi vous ont été très créatifs et ont déposé des amendements qui permettraient de réduire les délais après que le juge a pris sa décision. On peut s'entendre sur ces propositions de réduction, peut-être moins attrayantes que la création d'un délit, mais très efficaces pour accélérer les choses.
Monsieur Daubié, le sujet du fichier des squatteurs a été évoqué lors d'une table ronde avec des avocats. Il s'agit d'une question compliquée, sensible, car elle se heurte au principe du droit au logement. Ce n'est pas parce que vous y êtes inscrit comme squatteur professionnel que l'on peut vous priver de votre droit au logement, qui a valeur constitutionnelle. La création d'un tel fichier pose donc problème, sans parler des aspects opérationnels – qui y serait inscrit et qui le piloterait, notamment.
CHAPITRE Ier Mieux réprimer le squat du logement
Avant l'article 1er
Amendement CE31 de Mme Annie Genevard et sous-amendements CE72 et CE73 de M. Guillaume Kasbarian.
Nous proposons de compléter le titre Ier du livre III du code pénal par un chapitre V intitulé « De l'occupation frauduleuse d'un immeuble » et comportant deux articles.
Le premier crée un nouveau délit en qualifiant de vol l'occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d'un immeuble appartenant à un tiers. Je rappelle que l'article 311-1 du code pénal définit le vol comme « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui », ce qui correspond bien au sujet dont nous discutons. Le squat, c'est du vol.
Le second article vise à inverser la charge de la preuve en imposant non au propriétaire de justifier de sa qualité, mais au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d'un titre qui l'autorise à occuper le lieu en question. En cela, il définit le droit de propriété, qui figure dans le bloc de constitutionnalité sans faire encore l'objet d'une définition législative, au contraire de la notion de domicile.
J'appelle votre attention sur l'importance de cet amendement, qui s'inspire de la proposition de loi de M. Julien Aubert visant à punir pénalement l'appropriation du bien d'autrui sans motif légitime, et que je n'hésite pas à qualifier de fondateur.
Vous proposez d'insérer dans le code pénal un article 315-1 disposant que « l'occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d'un immeuble appartenant à un tiers s'apparente à un vol. » Sur le principe, je suis d'accord : du point de vue idéologique ou philosophique, il me paraît tout à fait justifié et même important d'acter ce principe dans la loi.
Dans l'esprit de tout un chacun, un immeuble est une propriété construite, mais ce n'est pas forcément le cas du point de vue juridique. Or, un promeneur adepte de camping sauvage qui planterait sa tente sur un terrain qui n'est pas le sien ne commet pas de vol. Aussi mon sous-amendement CE72 vise-t-il à clarifier les choses en précisant que seuls les immeubles bâtis à usage d'habitation sont concernés par cette définition ; en en excluant les terrains vagues, les terrains agricoles et tous les terrains non bâtis, nous éviterons des situations ubuesques.
Vous souhaitez également introduire un article 315-2 imposant au tiers occupant de prouver sa bonne foi « par la présentation d'un titre de propriété, d'un contrat de bail en cours de validité le liant au propriétaire de l'immeuble occupé ou bien d'une convention d'occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien ». La preuve de la bonne foi par la présentation de l'une de ces trois pièces est exclusive : en leur absence, le juge ne peut considérer que le tiers occupant est de bonne foi. Ce renversement de la charge de la preuve, qui ne permet pas au juge de qualifier la bonne foi, pose un problème de constitutionnalité. Par ailleurs, dans la pratique, il est des situations où l'occupant se trouve dans l'impossibilité de présenter l'une de ces trois pièces, par exemple s'il vit en concubinage, ou s'il a été autorisé à dormir chez un ami sans que ce dernier lui ait signé de bail ou de convention d'occupation des lieux. Nous devons accorder au juge une marge d'interprétation. Pour ce faire et afin de rendre votre amendement constitutionnel, mon sous-amendement CE73 vise à prévoir la seule présentation d'un titre, sans qu'il s'agisse de prouver sa bonne foi.
Je donne donc à votre amendement un avis favorable, sous réserve de l'adoption de mes deux sous-amendements de clarification.
Nous soutiendrons cet amendement, qui va dans le bon sens en ce qu'il permet d'élargir la cible visée par la proposition de loi. Si le sous-amendement CE73, à propos duquel j'ai échangé avec Mme Genevard, ne nous semble pas poser de problème, nous nous interrogeons cependant sur le sous-amendement CE72.
La situation d'un immeuble bâti à usage d'habitation est parfois dynamique : un tel immeuble peut être en cours de construction, de reconstruction ou d'extension. Il y a donc des moments où le propriétaire d'un terrain, bâti ou non, n'a pas du tout intérêt à ce que ce dernier soit squatté car cela peut le priver de son futur domicile. Il faut aussi envisager le cas où un immeuble n'est plus occupé du fait d'un incendie ou d'un affaissement de terrain : là encore, une occupation illicite du lieu peut poser problème.
Nous nous interrogeons également sur la notion d'usage d'habitation. Un médecin peut utiliser une partie de son domicile pour accueillir ses patients : ces locaux se trouvent alors exclus de la protection accordée aux immeubles bâtis à usage d'habitation. Imaginons qu'une maison de santé se construise à proximité de chez lui ; il pourrait alors souhaiter récupérer ses locaux professionnels pour y étendre son habitation ainsi que la protection dont nous parlons. De même, je ne vois pas pourquoi un artisan ne verrait pas cette protection s'appliquer à la totalité de son domicile, quand bien même une partie de l'immeuble abriterait ses bureaux. Peut-être pourrions-nous retravailler ce sous-amendement en vue de la séance, afin de nous assurer qu'il ne crée pas de failles dans le dispositif imaginé.
Nous nous opposerons à l'amendement CE31, qui nous paraît profondément régressif, même modifié par les sous-amendements de M. Kasbarian.
Nous souscrivons tous à la nécessité de protéger de toute violation le domicile des personnes. Si un individu s'introduit chez vous, il est normal que les forces de police libèrent votre domicile dans les plus brefs délais. L'objet de cet amendement est tout autre : il vise à protéger non pas le domicile des personnes, mais les logements vides. Nous ne souhaitons pas assurer l'impunité des squats ou faire en sorte qu'un logement vide puisse être occupé ad vitam aeternam par un squatteur ; cependant, dès lors que nous parlons d'un logement vide et non d'un domicile, il convient d'appliquer une procédure qui prend sans doute un certain temps mais qui permet au moins d'évaluer la situation sociale des personnes concernées et d'éviter que leur expulsion de ce logement vide se traduise par leur retour à la rue et par l'augmentation du sans-abrisme.
Nous n'avons pas encore eu l'occasion de rappeler que, dans les cas les plus extrêmes, les squats sont des stratégies de survie. Chaque soir, 6 000 personnes qui appellent le 115, le numéro consacré à l'hébergement d'urgence, ne se voient pas proposer de solution. Pour nous qui sommes bien au chaud, il est facile de dire que ces gens doivent respecter le droit de propriété en tant que principe constitutionnel ! Quand on est à la rue, avec sa famille, et qu'on a vu un logement vide juste à côté, on adopte parfois une stratégie de survie en décidant de l'occuper. Encore une fois, cela ne veut pas dire que ces personnes doivent jouir d'une impunité, mais qu'il convient d'appliquer une procédure judiciaire et d'assurer un traitement social de ces situations. S'il est sans doute intéressant de protéger les logements vides, il faut peut-être aussi penser à protéger les gens et les familles qui se trouvent à la rue.
J'approuve totalement le sous-amendement CE73, qui vise à réduire le risque d'inconstitutionnalité du dispositif.
Le sous-amendement CE72 limite le nouveau délit à l'occupation illicite des immeubles bâtis – cette précision est importante – à usage d'habitation, excluant de fait les immeubles à usage commercial comme les commerces vides et les bureaux. Bien que j'entende les interrogations de nos collègues à ce propos, je souscris à ce sous-amendement, compte tenu de l'importance du sujet. Il méritera cependant d'être retravaillé en vue de la séance, car le squat ne concerne pas que des logements.
Monsieur Martinet, je ne sais pas où vous avez vu que mon amendement portait exclusivement sur les logements vides. Tel n'est pas du tout le cas ! Les situations de mal-logement et l'existence de zones tendues où les gens ne peuvent accéder à un toit renvoient à d'autres questions et ne peuvent en aucun cas justifier cet acte délictueux que constitue le squat.
« Le fait qu'il y ait des logements libres, nombreux, est profondément choquant – je dirais que c'est provocant. Ces logements, de quoi s'agit-il ? Il s'agit des logements qui appartiennent à des grands groupes financiers. Il ne s'agit pas naturellement de logements qui appartiennent à des propriétaires privés et qui, pour une raison ou pour une autre, sont momentanément libres. Ce sont des logements qui sont dans les portefeuilles de grands groupes financiers – des banques, des marchands de biens, etc. – et qui ne sont pas mis sur le marché pour des raisons qui tiennent en réalité à une approche spéculative. Et donc, ce qu'on va faire, c'est utiliser l'ordonnance de 1945, une ordonnance du général de Gaulle qui permet de réquisitionner des logements vacants pour y mettre les gens qui en ont besoin. » Ces mots sont ceux de Jacques Chirac, en décembre 1994. À une époque où on ne comptait pas 3,1 millions de logements vacants, votre famille politique a su défendre une position républicaine face à l'urgence qui se présentait en matière de droit au logement.
L'amendement CE31 ne précise pas si les immeubles concernés sont des domiciles ou des logements vides. En refusant de s'emparer de cet outil qu'est la réquisition, on ne laisse à certaines personnes d'autre choix que de se mettre à l'abri par elles-mêmes, malgré les problèmes qui en découlent.
Nous avons manifestement un désaccord avec les députés de La France insoumise, qui viennent, de façon assez cocasse avec cette citation de Jacques Chirac, de justifier le squat en disant que certaines personnes n'ont pas d'autre choix que de s'installer sur le canapé de leur voisin.
Non ! Vous justifiez un acte délictueux : vous venez de dire qu'il vous paraissait normal qu'une personne ayant du mal à se loger squatte. Cela ne me surprend pas au regard des amendements que vous avez déposés, qui relèvent eux aussi de la justification ou de la défense du squat.
J'entends que vous le reconnaissez vous-mêmes. Nous pouvons donc prendre acte d'une différence idéologique fondamentale entre vous et moi : pour ma part, je ne justifie pas le squat, que la loi qualifie de délit.
Je vous remercie, madame Genevard, de votre soutien à mes deux sous-amendements. Je ne doute pas une seconde qu'il sera nécessaire, d'ici à la séance, d'affiner et d'améliorer la rédaction de ces dispositions, mais le fait d'adopter dès à présent votre amendement modifié par mes sous-amendements permettra de poser un principe important tout en précisant la nature des immeubles concernés et en évitant tout risque d'inconstitutionnalité. La procédure législative ne s'arrêtera pas là, puisque les sénateurs seront aussi amenés à examiner ce texte. Je suis convaincu que nous arriverons à améliorer la rédaction de ces dispositions ensemble, dans les jours et les semaines qui viennent.
La commission adopte successivement les sous-amendements et l'amendement sous-amendé.
Article 1er : (art. 226-4 du code pénal) Renforcement du quantum de la sanction du délit de violation de domicile
Amendements de suppression CE9 de M. François Piquemal et CE41 de M. Aurélien Taché.
Vous n'avez pas défini la notion de squatteur. Juridiquement, on parle d'occupant sans droit ni titre. Ainsi, les victimes d'un marchand de sommeil qui leur a faussement fait croire qu'il était propriétaire d'un logement sont des occupants sans droit ni titre, donc des squatteurs selon votre terminologie. Ces victimes ont-elles été auditionnées ? Je ne le pense pas. C'est dommage, car cela nous aurait permis de comprendre certaines choses.
J'en viens à l'article 1er. Que changeront, pour les propriétaires, l'allongement de la peine de prison et l'augmentation du montant de l'amende venant sanctionner les occupations illicites ? Nous ne le savons pas, car nous ne connaissons pas les motivations des divers occupants sans droit ni titre, parmi lesquels vous ne faites d'ailleurs aucune différence. Vous avez évoqué tout à l'heure une brochure dont on ne connaît pas l'origine, mais nous n'avons aucun élément permettant de comprendre ce phénomène.
Selon mes calculs, envoyer quelqu'un trois ans en prison coûtent 120 450 euros à la société. Or, à Toulouse, la ville d'où je viens – de même que M. Nogal, un parlementaire fortement impliqué lors de l'examen de la loi Elan –, le loyer mensuel moyen d'un petit T3 s'élève à 650 euros : aussi le coût de trois années d'emprisonnement équivaut-il à quinze ans de loyer. Au lieu d'envoyer un individu dans une prison déjà surchargée, nous pourrions provisionner cette somme pour trouver des solutions en amont et éviter que des gens se retrouvent à la rue ou en train d'occuper un logement sans droit ni titre.
Pour toutes ces raisons, l'article 1er ne sert en rien la cause que vous défendez.
L'article 1er vise à renforcer les sanctions dont sont passibles les auteurs du délit de violation de domicile afin de les aligner sur la peine qu'encourent les propriétaires qui procèdent à une expulsion sans le concours de la force publique. La loi prévoit en effet que les propriétaires qui se font justice eux-mêmes encourent une peine allant jusqu'à 30 000 euros d'amende et trois ans de prison, tandis qu'une occupation illégale peut être sanctionnée d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Or, si un propriétaire qui commet un délit d'expulsion illégale est plus sévèrement puni, c'est parce qu'il s'en prend physiquement à des familles, qu'il met dehors, souvent violemment. Lorsqu'un squatteur entre dans un domicile, la violence n'est pas la même : il occupe un bien mais ne se confronte pas physiquement à un propriétaire absent.
Cet article est par ailleurs inutile, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'article 38 de la loi Dalo prévoit des dispositions suffisantes pour remédier à ce type de situation. Une personne dont le domicile est occupé peut, après avoir déposé plainte, demander au préfet de mettre l'occupant en demeure de quitter les lieux ; la décision de mise en demeure est alors prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Lorsque cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement. Bien souvent, la médiatisation de l'affaire et la récupération politique entreprise par certains – nous avons encore eu plusieurs exemples ce matin – incitent le préfet à tout mettre en œuvre pour expulser les occupants du logement et les héberger dans les plus brefs délais.
La peine prévue par l'article 1er équivaut à trente-cinq à soixante-quinze fois le revenu de solidarité active (RSA), selon la composition de la famille des occupants, qui sont souvent des bénéficiaires de cette allocation confrontés à de grandes difficultés. L'amende infligée, impossible à payer, ne changera donc absolument rien. Des peines plus lourdes ne sont pas dissuasives.
Compte tenu des dispositions existantes et de l'absurdité – il n'y a pas d'autre mot – des sanctions prévues, je demande la suppression de l'article 1er.
Cet article vise à augmenter les sanctions encourues par les squatteurs, portées d'un à trois ans d'emprisonnement et de 15 000 à 45 000 euros d'amende. En effet, on marche sur la tête : il est aujourd'hui plus sévèrement réprimé d'expulser un squatteur de chez soi que de squatter un logement.
L'Assemblée nationale et le Sénat avaient déjà largement adopté, dans le cadre de la loi Asap, un triplement des sanctions prononcées contre les squatteurs – ce que prévoit précisément l'article 1er –, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. En 2020, la gauche n'avait rien trouvé à y redire, à l'exception du groupe La France insoumise, qui s'était abstenu. Deux ans plus tard, elle s'est radicalisée au point de demander la suppression de la même disposition. Je vous invite pourtant à poser la question dans vos circonscriptions : il est pour le moins contre-intuitif que le squatteur risque trois fois moins que le propriétaire qui entreprend de le chasser de chez lui.
Monsieur Taché, monsieur Piquemal, je ne suis pas surpris que vous défendiez les squatteurs. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas déposé un amendement visant à lever toute sanction contre le squat. Allez-y franco ! Je donne évidemment un avis défavorable à vos amendements de suppression.
Nous nous prononçons contre ces amendements, car c'est une bonne chose que de remettre un peu de responsabilité individuelle et de restaurer des repères dans notre société. N'oublions pas que des aides financières et administratives très importantes existent afin que leurs bénéficiaires trouvent à se loger avant d'être amenés à violer la loi.
Si nous suivions votre raisonnement, monsieur Piquemal, nous ne sanctionnerions plus aucun vol dès lors qu'un séjour en prison coûte plus cher que le bien subtilisé. Cela reviendrait à légaliser ce délit.
Monsieur Taché, le fait d'être empêché d'entrer chez soi pendant deux ans peut provoquer un traumatisme très violent chez certaines personnes, notamment chez les plus âgées.
Les solutions proposées sont pires que le mal. En France, on constate une baisse des mises en location, notamment des petits logements qui s'adressent habituellement aux étudiants et aux personnes à faibles revenus. Les locations de studios diminuent de 12 %, tandis que celles de deux-pièces connaissent une baisse de 10 %. Vos bons sentiments pavent donc le chemin de l'enfer et de l'anarchie, que vous appelez peut-être de vos vœux.
Nous souhaitons supprimer un article absolument scandaleux, par lequel vous encouragez les gens à se faire justice eux-mêmes. Vous voulez que des propriétaires puissent s'en prendre physiquement à des personnes et à des familles qui, certes, occupent un logement sans titre. Nous ne sommes pas favorables à la justice privée. Vous nous accusez de soutenir l'anarchisme et les squatteurs, mais non : nous assumons de défendre celles et ceux qui sont fragiles, précaires et que la société ne protège pas. L'État n'assume pas son rôle de garant du droit au logement.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE21 de Mme Danielle Simonnet.
Vous nous accusez d'être favorables à l'anarchie, mais c'est vous qui instaurez la loi de la jungle en voulant passer outre la justice et le principe du contradictoire ! On voit bien de quel côté se trouvent ceux qui sont pour le désordre républicain.
Vous nous accusez aussi de défendre les squats, mais la question n'est pas là. Monsieur le rapporteur, avez-vous auditionné des victimes de marchands de sommeil, qui sont, selon votre terminologie, des squatteurs ? Je vous ai déjà posé cette question tout à l'heure mais vous ne m'avez pas répondu. Il y a trois ans, à Toulouse, les occupants d'un immeuble ont été victimes d'un incendie. Il se trouve que la personne qui leur louait leurs appartements était un marchand de sommeil : ils n'ont donc pas pu se retourner contre cet arnaqueur. Faudrait-il qu'ils subissent une double peine en étant expulsés manu militari, sans aucun droit ? Par cet amendement de bon sens, nous demandons que les victimes de marchands de sommeil se voient proposer un relogement. Cela éviterait de reporter le problème en poussant ces personnes à occuper illégalement un autre logement.
Contrairement à votre collègue Mme Simonnet, qui est venue presque à chaque fois, vous n'avez assisté à aucune audition. Ne me reprochez donc pas de ne pas avoir entendu certaines personnes alors que vous n'êtes même pas venu écouter celles que j'ai invitées !
C'est pourtant ma réponse.
Votre amendement, qui vise à interrompre la procédure d'expulsion tant que les squatteurs n'ont pas été relogés, est scandaleux. Dans six cas de squat sur les vingt-trois recensés à Paris au premier semestre 2021, les victimes étaient des locataires ayant trouvé un squatteur à leur domicile en rentrant du boulot. Que fallait-il leur répondre ? Qu'ils ne pourraient pas rentrer chez eux tant qu'une solution de relogement n'a pas été trouvée pour les squatteurs ? Vous rendez-vous compte de l'aberration de votre proposition ? Non seulement vous défendez les squats et les squatteurs, mais vous voulez également faire traîner la procédure d'expulsion.
Avis défavorable.
Je m'oppose à cet amendement. Quand on vous écoute, on a l'impression que tous les squatteurs ont été victimes de marchands de sommeil ; or ce n'est généralement pas le cas. Vous avez peut-être un exemple, mais vous ne pouvez pas en faire une généralité. La loi a vocation à protéger les victimes.
Vous affirmez vouloir vous occuper des personnes précaires. Heureusement que toutes ces personnes ne sont pas des squatteurs ! Dans notre République, il y a des droits et des procédures à respecter ; or la précarité ne donne pas le droit de ne pas respecter les autres ou de rendre précaires d'autres personnes en occupant leur logement de manière illicite. Nous n'allons donc pas voter un mécanisme qui inciterait une personne désireuse d'occuper un logement différent à aller squatter chez quelqu'un, sachant qu'elle pourrait y rester tant qu'on ne lui aurait pas proposé le logement qui lui conviendrait. Ce serait profondément scandaleux ! Nous devons mettre en place un système vertueux qui incite au respect de la propriété d'autrui au lieu d'encourager des pratiques déviantes dont les conséquences seraient véritablement malsaines pour notre société.
Effectivement, monsieur le rapporteur, Mme Simonnet a représenté notre groupe durant l'ensemble des auditions. Or ma collègue Aurélie Trouvé me fait remarquer qu'aucun député de la majorité n'a assisté à l'une des auditions relatives à notre proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores. Si vous cherchez à évaluer le travail de chaque groupe politique, je crains que la comparaison ne soit en votre défaveur.
M. Bazin a mis en avant les notions d'exemplarité et de respect de la loi. Oui, discutons du respect du droit de propriété, mais discutons aussi du respect de la loi en matière de relogement des personnes ! Des dizaines de milliers de nos concitoyens se sont vu reconnaître un droit au relogement prioritaire et urgent au titre de la loi Dalo, ce qui impose à l'État – en l'occurrence, au préfet de chaque département – de leur proposer une solution de relogement. Certaines personnes qui travaillent n'ont pas les moyens de trouver un logement, pour elles et leur famille, et connaissent des situations d'errance résidentielle ; bien qu'elles bénéficient de la loi Dalo, l'État n'assure pas leur relogement, si bien qu'elles n'ont parfois pas d'autre solution que de squatter des logements vides. Paradoxalement, le même préfet qui n'applique pas la loi Dalo et a été condamné à ce titre par le tribunal administratif organise leur expulsion au nom de la défense du droit de propriété. Autant l'État se montre réactif pour vider les logements vides et lutter contre le squat, autant il n'applique pas la loi concernant le relogement. Une telle asymétrie nous paraît insupportable et inacceptable. C'est pourquoi l'amendement CE21 vise à faire le lien entre droit de propriété et droit au logement et à rappeler à l'État ses obligations en matière de relogement.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE30 de Mme Annie Genevard et CE33 de Mme Géraldine Grangier, et amendement CE32 de Mme Annie Genevard (discussion commune).
Lorsqu'un propriétaire lésé veut restaurer son droit sans passer par une décision de justice, parce qu'il estime que la procédure serait trop longue et qu'il se trouve dans un impérieux besoin de récupérer son bien, il encourt une peine de trois ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, tandis que le squatteur, qui s'est approprié un bien qui ne lui appartient pas, est pénalisé d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Ce rapport très asymétrique pose la question du quantum de la peine, qui est plus lourd pour la victime que pour l'auteur du préjudice. Vous conviendrez que cela est contraire au bon sens ! Depuis quand la victime est-elle davantage pénalisée que l'auteur du délit ?
Je propose d'inverser les choses. Le squatteur doit être pénalisé : c'est ce que fait l'article 1er en prévoyant une amende de 45 000 euros et trois ans d'emprisonnement. En revanche, le propriétaire ou le locataire victime doit se voir infliger une peine plus légère. Aussi l'amendement CE30 vise-t-il à ramener à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende la peine encourue par un propriétaire qui, excédé ou lourdement pénalisé par la situation de squat, déciderait, par exemple, de changer la serrure de la porte d'entrée de son appartement afin de récupérer son bien, en agissant sans violence ni intimidation – de tels comportements relèvent d'un autre type de délits.
Au cas où certains estimeraient la différence trop importante, l'amendement CE32 offre une solution de repli en prévoyant qu'un propriétaire qui évince un squatteur encourt dix-huit mois d'emprisonnement et 20 000 euros d'amende.
Nous ne devons pas nous contenter d'aligner les peines encourues par les squatteurs sur celles que risquent les propriétaires. L'amendement CE33 vise à abaisser le quantum de la peine encourue par les propriétaires, qui passerait de trois à un an d'emprisonnement et de 30 000 à 15 000 euros d'amende. Cela réparerait une injustice flagrante et atténuerait l'impression d'impunité pour les squatteurs ressentie à juste titre par nos concitoyens.
Madame Genevard, vous avez souligné l'absurdité de l'actuel quantum des peines : le squatteur risque trois fois moins que le propriétaire qui, en l'absence de l'occupant illicite, sort les valises de ce dernier, remplace la serrure de sa porte d'entrée et reprend possession de son bien – un comportement qui constitue un délit passible de trois ans de prison et de 30 000 euros d'amende.
L'article 1er vise à rééquilibrer le quantum des peines en rendant l'ensemble des délits commis par le propriétaire ou le squatteur passibles de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Vous proposez d'aller plus loin en renversant le déséquilibre au profit du propriétaire et en diminuant la peine encourue par celui qui sortirait les valises du squatteur et changerait les serrures de sa porte d'entrée. Je précise d'emblée que des peines complémentaires sont prévues si d'autres délits sont commis. Ainsi, le fait de proférer des menaces, y compris des menaces de mort, est passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende. Le propriétaire qui commettrait des violences aggravées encourt jusqu'à vingt ans de réclusion criminelle. On ne peut donc pas accuser ces amendements de libérer la violence.
Une telle mesure permettrait-elle d'accélérer franchement les choses ? Pas forcément. Est-il nécessaire d'aller jusque-là ? Pas forcément non plus. Je m'en remets donc à la sagesse de notre commission.
Le Rassemblement national et Les Républicains sont pris en flagrant délit de laxisme judiciaire puisqu'ils proposent d'abaisser les peines encourues pour expulsion illégale. En outre, ils envoient un message politique très dangereux à la société en encourageant les propriétaires à se faire justice eux-mêmes.
Vous jouez de l'ambiguïté de la notion de « chez soi ». Pour nous, le squat ne désigne pas une famille qui occupe un logement vide pour assurer sa survie. Au lieu d'améliorer la réponse judiciaire, vous incitez les propriétaires à se faire justice eux-mêmes.
Pour avoir accompagné des familles ayant été expulsées illégalement, je peux témoigner de la grande violence qu'elles subissent. Très concrètement, le propriétaire envoie de gros bras pour menacer une famille à son domicile. La violence est évidemment impossible à prouver puisque la famille en est le seul témoin – bon courage pour aller déposer plainte au commissariat !
Il est indispensable de maintenir le délit d'expulsion illégale et d'inviter les forces de l'ordre à le réprimer davantage, afin que ne règne pas la loi de la jungle. Oui, un logement vide doit pouvoir être évacué mais dans le respect de l'État de droit.
Que l'auteur de l'occupation sans droit ni titre d'un lieu soit pénalisé moins lourdement que la victime est une insulte non seulement au bon sens mais aussi à la morale. Il ne s'agit pas d'exonérer le propriétaire qui évincerait un squatteur de toute peine – il risque, excusez du peu, un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, dans le cas où l'éviction est dépourvue de violence et d'intimidation. La peine joue bien son rôle dissuasif.
Le législateur ne peut pas raisonnablement mettre sur un même plan l'auteur d'un délit et sa victime. Je suis convaincue que si on interrogeait les Français au nom desquels la justice est rendue, ils considéreraient que la victime ne peut pas être punie plus lourdement que le délinquant, quand bien même elle se ferait justice elle-même. Le principe essentiel de notre droit qu'est la proportionnalité de la peine est ici battu en brèche.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'article 1er non modifié.
Présidence de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Après l'article 1er
Amendement CE60 de M. Paul Midy.
Il s'agit d'un amendement de la majorité visant à combler un vide juridique, qui pénalise autant les bailleurs que les locataires.
Pour l'illustrer, je prendrai l'exemple d'une famille locataire d'une maison dans les Côtes-d'Armor récemment expulsée, sans aucun espoir de retrouver les 1 280 euros qu'elle avait versés à un faux bailleur, ou celui d'une femme placée en maison de retraite, dont la maison était habitée par des locataires eux aussi trompés par un faux propriétaire.
En l'absence d'actes d'extérieurs pour caractériser le délit prévu par l'article 313-1 du code pénal, ni la famille, ni la vieille dame ne peuvent être reconnues victimes d'escroquerie.
L'amendement a donc pour objet de compléter le code pénal afin de sanctionner le fait pour une personne de se faire passer pour le propriétaire d'un bien aux fins de le louer.
C'est un très bel amendement qui, j'en suis sûr, fera l'unanimité. Il contribue à renforcer la lutte contre les marchands de sommeil que certains nous reprochent de négliger.
Ne seront passibles de la sanction que les personnes remplissant deux critères cumulatifs : elles ne disposent d'aucun titre d'occupation ; elles se font passer pour propriétaires aux fins de louer le logement.
L'amendement s'inscrit dans la continuité du travail de la majorité sous la précédente législature sur les marchands de sommeil, qui avait été formalisé dans la loi Elan.
Avis très favorable.
Nous voterons l'amendement.
Je note que Mme Bregeon qualifie dans son exemple l'occupante sans droit ni titre de locataire, contrairement à vous qui préférez le terme de squatteur, monsieur le rapporteur.
Faute de définition du terme de squatteur ou de l'expression d'occupant sans droit ni titre, vous ne dissipez pas le flou qui justifie nos réserves. C'est une bonne chose que de sanctionner les arnaqueurs mais quelle réparation proposez-vous à l'occupante sans droit ni titre qui est doublement victime puisqu'outre l'escroquerie, elle se trouve sans logement ?
L'amendement de Mme Genevard que nous avons adopté clarifie la notion de squatteur. Si vous n'avez ni titre de propriété, ni bail, ni convention d'occupation à titre gracieux, vous êtes occupant sans droit ni titre. Libre à vous de modifier cette définition par un amendement d'ici à la séance.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE34 de Mme Géraldine Grangier.
Il s'agit de faciliter l'expulsion d'occupants illégaux, en portant de quarante-huit à quatre-vingt-seize heures le délai pendant lequel le flagrant délit d'occupation sans titre d'un logement peut être constaté.
Il faut en finir avec le mythe des quarante-huit heures, d'autant que la flagrance n'est pas l'élément central du délit.
Il s'agit d'une mauvaise interprétation très répandue de la loi. Quel que soit le délai écoulé depuis l'introduction du squatteur au domicile, le propriétaire peut engager la procédure prévue à l'article 38 de la loi Dalo – saisir le préfet, qui décide, dans les quarante-huit heures, de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux dans un délai minimal de vingt-quatre heures sous peine d'être expulsés par les forces de l'ordre. La procédure d'expulsion express – trois jours top chrono – peut être activée à tout moment. Nous avons essayé de sensibiliser les préfets, les forces de l'ordre et les services judiciaires. Il faut passer le message à tous les acteurs concernés.
Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Article 2 : (art. 226-4 du code pénal et art. 38 de la loi n° 2007-290) Clarification de la caractérisation du délit de violation du domicile
Amendements de suppression CE10 de Mme Danielle Simonnet et CE42 de M. Aurélien Taché.
Monsieur le rapporteur, je vous recommande l'excellent livre de Mona Chollet, Chez soi, qui évoque le logement en tant que droit humain mais aussi le rapport intime que l'on entretient avec celui-ci.
Dans l'article 2, vous voulez étendre le « chez soi » à des biens immobiliers dépourvus de meubles alors que sont déjà incluses les résidences secondaires qui peuvent parfois donner lieu à de la spéculation immobilière. Un patron du CAC40 multipropriétaire pourrait ainsi voir toutes ses possessions considérées comme son domicile dès lors qu'il les déclare comme telles.
De nombreux juristes dont ceux de la Fondation Abbé Pierre estiment qu'il s'agit d'un dévoiement de la notion de domicile.
L'article 2, comme l'ensemble de la proposition de loi, ne répond en rien à la crise historique du logement mais s'attaque plutôt à ses victimes les plus vulnérables. La NUPES n'est pas la seule à le dire, la Fondation Abbé Pierre, qui n'est pas suspecte d'engagement anarchiste, pour reprendre les mots du rapporteur, porte le même jugement.
Il est dangereux d'étendre la procédure d'expulsion de l'article 38 de la loi Dalo aux logements ou immeubles vides.
Permettez-moi de rappeler l'historique de la loi Dalo : elle a été votée en 2007 à la suite de la mobilisation de collectifs tels que Jeudi noir – dont d'illustres collègues ont été membres et je les en remercie – qui investissaient des immeubles vides à Paris pour alerter sur la crise du logement. Voilà la réponse que la droite républicaine et Jacques Chirac apportaient à l'époque : non pas la criminalisation mais la création d'un droit au logement opposable. Nous ne pouvons que constater amèrement l'évolution en la matière de la droite à laquelle vous appartenez désormais.
Quant au fond de l'article, il est indispensable de distinguer un domicile où l'on vit, avec des meubles qui en témoignent, et la propriété. S'il est désormais établi qu'un logement vide ou temporairement vide est un logement inoccupé, alors c'est tout le droit au logement qui est remis en cause. Un domicile doit contenir les éléments minimaux nécessaires à l'habitation des lieux.
L'article offre une protection excessive aux propriétaires de logements vides – la France en compte 3 millions – au détriment des droits les plus élémentaires de la personne.
L'article 2 vise à conforter la procédure de l'article 38 précitée en levant certaines difficultés d'application qui nous ont été rapportées par les préfectures.
D'une part, la double condition de l'introduction et du maintien délictuels étant compliquée à satisfaire, je propose d'y substituer une condition alternative – l'introduction ou le maintien.
D'autre part, le cas du déménagement à l'occasion duquel le logement est temporairement dépourvu de meubles n'était pas couvert. J'ai été saisi du cas d'un couple qui achète un bien près de Bobigny ; le précédent propriétaire ayant déménagé, le logement se retrouve vide de meubles ; lorsque le nouveau propriétaire veut en prendre possession, un squatteur s'est installé ; la préfecture refuse de lancer la procédure de l'article 38, au motif qu'il n'y a pas de meubles. Pourtant, il s'agit bien d'un domicile. J'essaie d'apporter une solution dans ces cas où le logement est temporairement vide.
Nous aurions pu travailler ensemble à une rédaction qui vous convienne mais vous préférez supprimer purement et simplement l'article. Cela révèle une nouvelle fois votre soutien aux squatteurs. Avis défavorable.
L'article 2 a le mérite d'illustrer l'objectif réel de la proposition de loi.
Celle-ci ne vise pas à protéger les propriétaires d'une violation de leur domicile puisque l'arsenal législatif existe déjà et permet heureusement aux forces de police d'intervenir.
Elle n'a pas non plus pour objet de protéger les petits propriétaires bailleurs contre un squat ou un impayé de loyer qui les mettrait en difficulté financière. La réponse, pour eux, se trouve dans l'instauration de la garantie universelle des loyers, que vous refusez.
Elle vise à défendre le patrimoine des multipropriétaires au détriment des personnes pour lesquelles le squat est une stratégie de survie. L'extension du domaine du domicile, si vous m'autorisez l'expression, permettra à un multipropriétaire de déclarer tel ou tel logement, même vacant, en tant que domicile pour faciliter l'expulsion des squatteurs.
Il s'agit d'un article de bon sens. Le rapporteur a présenté les nombreux guides disponibles sur internet, qui présentent les failles de notre droit pour pouvoir squatter impunément.
Le squat d'un logement inoccupé pour cause de déménagement n'est pas acceptable. La logique selon laquelle une personne peut s'approprier un bien inutilisé par son propriétaire, qu'il s'agisse d'une voiture, d'un téléphone ou d'un appartement, signe la fin de l'État de droit.
Selon les termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ». Je vous laisse le soin de trouver les moyens de le modifier si telle est votre ambition.
Vous constaterez que le guide du bon squatteur que j'ai prêté à un député de La France insoumise conseille de déménager les meubles ou de prendre des photos montrant le logement vide pour se prémunir contre l'expulsion. C'est à cette stratégie de contournement que je m'attaque dans l'article 2.
Je vous invite à relire l'article 38 de la loi Dalo, car votre argumentation laisse penser que soit vous ne l'avez pas lu, soit vous y êtes opposé.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE7 de M. Jiovanny William.
Je retire l'amendement. Néanmoins, j'invite mes collègues à examiner les contentieux portés devant le juge pour impayés ou occupations sans droit ni titre. La plupart des dossiers que j'ai à connaître ne concernent pas des multipropriétaires mais des gens qui empruntent, souvent avec difficulté, pour acheter le bien. Il faut penser aux propriétaires qui sont pris entre la banque qui menace de saisir le bien et 20 000 euros d'impayés. Mais il faut aussi protéger les locataires et le principe du contradictoire.
Le terme d'incrimination que j'ai entendu me paraît inapproprié. Il n'est pas question d'un crime mais d'un délit.
Je salue votre assiduité aux auditions et votre connaissance du sujet, en particulier de la souffrance des petits propriétaires victimes, dont témoignent vos amendements.
Je ne pense pas avoir employé le terme d'incrimination. Mon objectif principal est d'accélérer les procédures, c'est la raison pour laquelle je proposerai de supprimer l'article 3.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 2 non modifié.
Après l'article 2
Amendements CE26 de M. François Piquemal et CE46 de M. Romain Daubié (discussion commune).
Depuis le début, vous nous accusez de soutenir les squatteurs.
Je vous répète ma question, car vous la comprenez mal : sans les avoir auditionnés, avez-vous néanmoins établi une typologie des occupants sans droit ni titre, dont nous savons que les motivations peuvent être différentes. Par ailleurs, pourquoi défendez-vous les multipropriétaires ?
Dans l'esprit de la proposition de loi, l'amendement vise à accélérer la procédure, à mieux protéger le droit de propriété et à lutter contre le squat.
Il s'agit de modifier l'article 38 pour rendre le recours à la force publique, à la demande du préfet, plus systématique. Le législateur doit prendre ses responsabilités en modifiant la loi et le préfet aussi dans l'exécution de la loi, afin de raccourcir les délais d'expulsion.
Les deux amendements vont dans des sens opposés.
Le premier vise à exclure la résidence secondaire du champ d'application de l'article 38 – nous l'avions ajoutée dans la loi Asap à une large majorité, La France insoumise s'était abstenue. Je me souviens d'une affaire à Fréjus dans laquelle des propriétaires avaient trouvé en arrivant leur modeste appartement de vacances squatté et avaient été obligés de dormir dans la rue. Je suis surpris du retour en arrière que vous proposez. J'y suis évidemment défavorable.
Le second amendement vise à interdire au préfet de refuser d'engager la mise en demeure, en dépit d'un motif impérieux d'intérêt général. Je comprends votre intention mais il me semble important de laisser au préfet une marge d'appréciation. Je vous propose de travailler d'ici à la séance pour trouver des réponses aux difficultés liées à un refus du préfet dont vous auriez eu connaissance. Je vous invite donc à retirer l'amendement.
Le rapporteur estime à juste titre qu'il ne faut pas restreindre le pouvoir d'appréciation du préfet. Je l'invite à aller plus loin en renonçant à restreindre celui du juge, contrairement à ce que prévoit l'article 4.
Il faut défendre la liberté du juge car, contrairement à ce qui est dit depuis le début de la discussion, les occupants sans droit ni titre d'un logement ne sont pas tous des personnes sans scrupule, manipulatrices, qui ont lu le guide dont vous avez parlé. Parmi eux, il y a de nombreuses personnes en grande détresse sociale.
Pour pouvoir faire le nécessaire tri entre les squatteurs de mauvaise foi et les personnes en détresse sociale, il convient de conserver le pouvoir d'appréciation du préfet et du juge.
Il faut distinguer l'occupation sans droit ni titre, qui est la conséquence d'un incident venu perturber l'occupation régulière – impayés, délivrance d'un congé pour reprise –, et le squat brutal.
Dans le premier cas, l'intervention du juge de l'exécution est importante et la justice est souvent bien faite. Dans la majorité des cas, le propriétaire a été négligent en laissant filer la dette de loyer. Il ne réagit pas dès le premier impayé, car les propriétaires sont aussi capables d'humanité ; ce n'est que lorsque la situation est faisandée qu'il engage la procédure judiciaire.
Dans le second cas, l'article 38 depuis la réforme de 2020 définit bien le domicile. Les résidences secondaires sont concernées, à moins que La France insoumise ne fasse adopter une loi qui les interdit. Fort heureusement, nous n'en sommes pas là.
Monsieur Martinet, je vous répondrai lors de l'examen de l'article 4.
Monsieur de Lépinau, vous avez raison, les procédures sont différentes. Dans le cas du squat, il s'agit d'une procédure express impliquant le préfet, sans intervention judiciaire, qui vise à protéger le domicile. Dans l'autre cas, qu'il s'agisse d'impayés, d'une séparation, d'un différend familial, le contentieux, puisque c'en est un, emprunte le circuit judiciaire classique, long.
Contrairement à ce que vous affirmez, d'après les auditions que nous avons effectuées, la justice n'est pas toujours bien faite. La faute n'incombe pas toujours au propriétaire négligent. Certains propriétaires engagent une démarche contentieuse à l'issue du délai légal de deux mois mais la procédure est particulièrement longue.
Je suis d'accord pour distinguer le domicile d'un logement vide en cas de squat et adapter les pouvoirs du préfet et du juge à chaque situation. Notre collègue d'extrême droite partage avec la majorité une vision extensive de la notion de domicile. Nous considérons que le domicile est l'endroit où les gens vivent.
L'amendement CE46 est retiré.
La commission rejette l'amendement CE26.
Amendements CE29 de M. Jean-Louis Thiériot et CE56 de M. Nicolas Meizonnet (discussion commune).
L'amendement de Jean-Louis Thiériot vise à corriger une injustice et à effacer les effets kafkaïens d'une jurisprudence dénuée de bon sens et même de sens moral.
Selon cette dernière, la responsabilité du propriétaire dont le bien est squatté peut être engagée en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien pendant cette période.
Afin de permettre au juge de se prononcer en équité, l'amendement a pour objet d'exonérer le propriétaire de son obligation d'entretien dès lors qu'il est privé de la jouissance du bien par une occupation sans droit ni titre.
Il importe en effet de mettre un terme à cette aberration où la responsabilité civile d'un propriétaire peut être engagée en cas de dommage survenu lors d'une occupation sans droit ni titre, en raison d'un défaut d'entretien. Cet amendement permettra de protéger les propriétaires en créant une cause d'exonération ad hoc dans le cas où leur responsabilité serait recherchée.
Ces deux amendements s'attaquent à un vrai problème mais le CE29, complétant l'article 1244 du code civil, est plus précis. Il s'agit d'une proposition de bon sens et très attendue.
Avis favorable à l'amendement de M. Thiériot et demande de retrait ou avis défavorable à l'amendement CE56.
Son application entraînerait des effets pervers. Imaginez un locataire en contentieux avec un propriétaire et qui est expulsable en raison d'impayés de loyer. Il sera alors considéré comme occupant sans droit ni titre. Pendant ce temps, le propriétaire se refuse à entretenir le logement, qui fait partie d'une copropriété dégradée, insalubre, menacée d'effondrement. Outre que le refus d'entretenir un bien est contradictoire avec la volonté de le récupérer, la situation peut devenir dangereuse. Nous voterons donc contre cet amendement.
L'amendement de M. Thiériot est, au contraire, remarquable. Lorsqu'un immeuble risque l'effondrement, des arrêtés sont pris et la procédure diffère.
Je rappelle que la Cour de cassation a récemment jugé une affaire où l'occupant, dont l'expulsion n'a pas été exécutée, a fait un procès au propriétaire suite à une chute après le descellement d'un garde-corps de fenêtre. Ce dernier a été condamné à payer 60 000 euros à une personne qui squatte son bien depuis des années !
Nous voterons cet amendement de bon sens.
Ce qui nous oppose, en l'occurrence, n'est pas d'ordre idéologique.
La situation décrite par M. Midy est évidemment scandaleuse mais les conséquences d'un tel amendement excèdent ce cas de figure et peuvent avoir des effets pervers. Un arrêté de péril peut être pris, en effet, si tout se passe bien, mais il convient surtout d'éviter que le défaut d'entretien d'un logement emporte un risque d'effondrement.
Un propriétaire peut décider de cesser d'entretenir son bien en raison d'un conflit qui l'oppose à son locataire mais, si cette situation perdure, la dégradation sera telle qu'elle en deviendra dangereuse, y compris pour la copropriété ou les immeubles mitoyens. Sans doute serait-il opportun de concevoir un autre amendement, mieux ciblé, pour répondre à la situation qui a été évoquée mais celui-ci est très périlleux.
Et cette argumentation, spécieuse. Depuis le début, vous considérez que cette proposition de loi est pro-CAC40, pro-milliardaires, pro-multipropriétaires. Rien de ce qui est juste n'est sans nuance et vous n'en avez aucune. Il y a des voyous et des abus, y compris parmi les gens qui sont dans le besoin. Dans certains cas, la loi Dalo est instrumentalisée au point que des propriétaires subissent des situations inacceptables. Nous proposons un texte équilibré, qui rétablit un peu de nuance et qui permet de résoudre de tels problèmes. Il ne maltraite absolument pas les procédures, qu'il se contente de raccourcir sans réintroduire une forme d'asymétrie. De grâce, arrêtez de taper sur toutes ces propositions !
Si des ajustements rédactionnels sont nécessaires pour répondre à telle ou elle situation, ils pourront être défendus en séance publique. Cela ne dispense en rien de voter l'amendement de M. Thiériot.
J'ai pris note que M. le rapporteur, sur le fond, approuve notre amendement. Je le retire et je le présenterai, modifié, en séance.
L'amendement CE56 est retiré.
La commission adopte l'amendement CE29.
Amendement CE22 de Mme Danielle Simonnet.
Nous proposons d'interdire les expulsions de squats pendant la trêve hivernale – 64 % ont lieu pendant cette période – tant elles sont inhumaines, barbares et foulent aux pieds le droit au logement. L'espérance de vie moyenne d'une personne qui vit dans la rue est de 49 ans et les victimes de ces expulsions sont déjà dans la plus grande précarité. Ceux que vous qualifiez de « squatteurs » survivent plus qu'ils ne vivent et ils ne peuvent faire autrement pour avoir un toit sur la tête. Nous ne devrions même pas avoir ce débat dans l'un des pays les plus riches du monde !
Vous nous parlez de ce manuel du parfait squatteur, or celui du parfait évadé fiscal ne semble pas vous émouvoir !
Cet amendement est indécent. À Paris, au premier semestre 2021, sur vingt-trois cas de squats, six concernaient des locataires qui sont rentrés chez eux le soir et ont découvert un squatteur dans leur canapé. Aujourd'hui, le 16 novembre, avec votre amendement, un locataire dont le logement serait squatté ne pourrait faire appliquer l'article 38 de la loi Dalo et faire expulser un squatteur avant le mois d'avril. Je suis à moitié étonné qu'il soit suggéré par la Fondation Abbé Pierre et que vous le souteniez.
Avis défavorable.
Nous ne parlons vraiment pas de la même chose.
L'article 38 de la loi Dalo, la plupart du temps, est utilisé pour expulser pendant la trêve hivernale des personnes qui vivent dans des campements de fortune et des bidonvilles. Elles devraient bénéficier de la trêve hivernale, mais vous les qualifiez de squatteurs pour pouvoir procéder à ces expulsions de familles, d'enfants, qui n'ont ensuite nulle part où aller. Cet amendement permettrait de faire cesser ce détournement de la loi qui, une fois encore, vise à s'en prendre aux plus fragiles. Vous ne reculez devant rien quand il s'agit de chasser et de criminaliser les pauvres !
Je note un nouvel amalgame entre les situations d'impayés et les squats. En cas d'impayés, il est toujours humainement scandaleux de mettre des gens à la porte, or il est ici question des squats.
Conscient du poids électoral de la Nupes, je m'étonne que vous n'ayez pas créé une plateforme de solidarité pour permettre à vos électeurs, qui ont toujours la main sur le cœur, d'organiser l'accueil des personnes expulsées. C'est d'autant plus étonnant que nombre d'habitants des 7e et 8e arrondissements de Paris, où vous avez fait des scores élevés, ont des résidences secondaires. Transférez donc à votre électorat le soin des relogements temporaires plutôt que d'imposer aux propriétaires qui ne votent peut-être pas pour vous de les subir !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE58 de M. Paul Midy.
Il vise à proroger l'expérimentation issue de la loi Elan permettant de promouvoir et d'encourager les opérations d'occupation intercalaire afin de protéger les immeubles vacants.
Ce dispositif prévoit que des organismes peuvent être agréés par l'État, au regard de leurs compétences à mener des travaux d'aménagement et à organiser l'occupation de bâtiments par des résidents temporaires, pour mettre en place un dispositif d'occupation temporaire de locaux en vue d'en assurer la protection et la préservation.
Nous proposons une telle prorogation afin de sécuriser les opérations en cours et de réfléchir à une éventuelle pérennisation de ce dispositif à succès.
Je suis favorable à la prorogation de ce très beau dispositif et à une réflexion, d'ici à la séance publique, sur sa pérennisation.
La commission adopte l'amendement.
CHAPITRE II Sécuriser les rapports locatifs
Article 3 : (art. 315-1 [nouveau] du code pénal) Création du délit d'occupation frauduleuse du logement d'un tiers
Amendements de suppression CE69 de M. Guillaume Kasbarian, CE11 de M. François Piquemal et CE43 de M. Aurélien Taché.
J'ai tout d'abord envisagé la création d'un nouveau délit visant des locataires demeurant dans un logement malgré une décision de justice leur demandant de le quitter.
Néanmoins, après de nombreux échanges, y compris avec des spécialistes du droit, il est apparu qu'une telle procédure serait trop complexe : il faut à nouveau porter plainte, le juge doit être ressaisi et il faut supporter de nouveaux frais d'avocat, ce qui ne permet pas d'accélérer la procédure et, donc, d'atteindre notre objectif.
Je préfère donc proposer la suppression de cet article au profit, un peu plus loin, de dispositifs permettant vraiment d'accélérer la procédure et de gagner en efficacité.
Cet article doit en effet être supprimé.
Je suis de plus en plus ébahi face à votre impréparation. Si vous êtes incapable de répondre sur les types d'occupants, vous êtes, en revanche, passionné par le squat, au point que l'on pourrait vous appeler monsieur squat. Par votre article 4, vous allez même créer de nouveaux squatteurs !
Cette proposition de loi est complètement à côté de la plaque ! Nous avons appris hier que la part des aides au logement n'a jamais été aussi faible dans le PIB ! En 2010, elle était de 2,2 % ; aujourd'hui, elle est d'1,5 %.
Je me demande aussi ce que vous avez contre les locataires.
Je me félicite d'une telle suppression. Je ne comprends d'ailleurs même pas comment vous avez pu imaginer un tel dispositif. Le problème, ce n'est pas une prétendue complexité mais que vous ayez voulu faire des gens qui ne peuvent pas payer leur loyer des délinquants. Un impayé devait devenir un délit pénal ! Vous auriez pu appeler votre texte la « proposition de loi Jean Valjean » ! Votre réflexe, face à de telles situations, ce n'est pas de songer à augmenter l'aide personnalisée au logement (APL) ou de trouver un accompagnement social mais d'emprisonner ! Même les majorités les plus à droite n'ont jamais proposé une chose pareille ! Vous avez eu un accès de bon sens pour des raisons semble-t-il techniques mais j'espère aussi que, philosophiquement, vous vous êtes rendu compte de ce que vous étiez en train de faire. Cet article était odieux et inique.
Vous pourriez saluer notre capacité d'écoute au lieu de vous agiter et de vous livrer à des attaques personnelles. Je ne suis pas dogmatique et j'entends les critiques qui sont faites.
Je reste très clair : je me bats contre le squat, l'occupation illicite, que je condamne. Philosophiquement, donc, je persiste et je signe. Vous devriez plutôt m'appeler monsieur anti-squat. J'en profite pour demander à votre collègue de La France insoumise de me rendre le guide du bon squatteur qu'il m'a emprunté – son intérêt n'est sans doute pas de même nature que le mien.
Je salue le travail collectif qui a été accompli. Ce n'est tout de même pas anodin que de retirer un article. Nous constatons à quel point les auditions sont précieuses et nous nous montrons à l'écoute, en particulier, M. le rapporteur, qui est en effet monsieur anti-squat, à la différence des messieurs squat de La France insoumise.
Je partage l'indignation de M. Taché. Il est impensable d'avoir proposé un tel article !
Imaginez une famille dont le taux d'effort est de 50 % ou 60 %, ce qui est fréquent dans les grandes métropoles. Un parent perd son emploi et la moitié des revenus disparaît. Le taux d'effort est impossible à assumer ; la spirale infernale des impayés s'enclenche ; il est très difficile de trouver un nouveau logement plus adapté à la situation. De fil en aiguille, la procédure d'expulsion commence, le jugement est prononcé et cette famille se retrouve sans droit ni titre. Avec votre article Jean Valjean, cette famille était vouée aux amendes et à la prison ce qui, chacun en conviendra, est insupportable. Je regrette que, pour justifier sa suppression, vous ayez fait valoir sa prétendue complexité alors qu'il y va de l'humanisme même.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 3 est supprimé et l'amendement CE57 de M. Hervé de Lépinau tombe.
Après l'article 3
Amendement CE39 de Mme Françoise Buffet.
Je propose de prévenir les situations conflictuelles en intervenant en amont. Lors de la signature du bail, l'unique moyen de paiement reste le chèque alors qu'il est de moins en moins utilisé par les Français en raison de la recrudescence de chèques non provisionnés. La possibilité de solliciter le versement du dépôt de garantie au moyen d'un chèque de banque permettrait de lever toute difficulté, de protéger le bailleur et d'éviter un impayé.
Un chèque de banque compliquerait un peu le processus en pénalisant les locataires, qui devraient se livrer à une démarche administrative supplémentaire. De plus, le risque est grand que tous les propriétaires en demandent un. N'a-t-il pas d'autres moyens de prévenir les impayés ?
Avis défavorable.
Il ne s'agit que d'une possibilité, au même titre qu'il est possible de demander une attestation de paiement de loyer aux anciens bailleurs. C'est le seul domaine où les chèques soient obligatoires, les virements étant impossibles puisque le versement doit être concomitant avec la signature du bail.
En stigmatisant les pauvres, ce texte est d'abord antisocial. Les plus précaires, parfois, n'ont même pas de compte bancaire avec chéquier ! Ils peuvent être aussi interdits bancaires. Voulez-vous leur infliger une double peine en les obligeant à crécher sous les ponts ? Il faudrait être un peu raisonnable et cesser d'obliger ces pauvres gens à disposer de moyens de paiement que vous, à leur différence, vous manipulez facilement.
La commission rejette l'amendement.
Article 4 : (art. 24 de la loi n° 89-462) Systématisation de la clause de résiliation du bail et suppression de la faculté du juge d'en suspendre les effets.
Amendements de suppression CE12 de Mme Danielle Simonnet et CE44 de M. Aurélien Taché.
En généralisant la clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement de loyer ou des charges, vous créez davantage de squatteurs. Vous méritez bien votre surnom de monsieur squat puisque votre texte multipliera le nombre de personnes sans droit ni titre, que vous considérez comme des squatteurs.
Les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex) et les moyens qui pourraient leur être consacrés sont totalement absents de cette proposition de loi. Qu'en est-il, également, du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ?
À Toulouse, un logement sur dix est vacant. Une telle situation est-elle normale ? Au lieu d'être monsieur squat, appliquez les dispositifs de réquisition aux 3,1 millions de logements vacants et devenez monsieur réquisition. Vous auriez ainsi une autre envergure, comme le général de Gaulle, Jacques Chirac ou Lionel Jospin.
Je ne répondrai pas aux provocations et je me dois de me réserver un peu pour l'hémicycle. Avis défavorable.
Le sujet est sérieux ! Nos concitoyens sont choqués par les abus : squats, loyers jamais honorés, manœuvres frauduleuses. Nous ne sommes pas au théâtre, avec monsieur fraude ou monsieur squat ; nous sommes confrontés à un problème de politique publique. Le général de Gaulle était aussi l'homme du devoir : c'est l'intégralité de son message que les Insoumis devraient retenir !
Les rapports locatifs, nous le constatons, sont déséquilibrés, voire dévoyés. Cet article va dans le bon sens mais il convient de bien distinguer ce qui relève du squat et de l'impayé, tout en prévoyant un arsenal permettant de lutter contre les manœuvres frauduleuses. Certaines personnes rencontrent en effet des problèmes économiques, mais d'autres ne paient pas leur loyer alors qu'elles le pourraient. Cette proposition de loi ne doit pas être caricaturée et ne concerne pas les seuls squats : elle vise aussi à accompagner les propriétaires confrontés à des locataires malhonnêtes. Sans doute conviendra-t-il, à ce propos, de revoir son titre.
Cet article, qui réduit le périmètre d'appréciation du juge et ses marges de manœuvre, doit être supprimé.
Je comprends que le propriétaire considère que la procédure judiciaire limite sa liberté, mais nous devrions tous être attachés à cette dernière car elle permet de réaliser un arbitrage entre les différents droits – le droit de propriété et le droit au logement – et elle soulève la question de l'ordre public : il est normal que le juge puisse s'exprimer lorsque des familles, des enfants, risquent d'être mis à la rue, et qu'il puisse, le cas échéant, accorder un délai supplémentaire avant une expulsion. Le juge joue également un rôle très important pour distinguer ceux qui sont de mauvaise foi et ceux qui sont en détresse sociale. Peut-être avons-nous été collectivement caricaturaux mais il n'en reste pas moins que les situations sont différentes et que le juge peut les distinguer.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE71 de M. Guillaume Kasbarian.
Il remplace certaines facultés exercées d'office du juge par des facultés exercées à la demande du locataire.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CE68 de M. Guillaume Kasbarian et CE28 de Mme Caroline Yadan.
De nombreux locataires peuvent avoir des difficultés et doivent pouvoir faire valoir leurs droits devant les tribunaux. La loi les protège d'ailleurs efficacement, mais aucune obligation d'entamer des démarches judiciaires ne leur incombe.
Par ailleurs, tous les propriétaires ne sont pas aisés et ne peuvent pas assumer une perte financière importante, en particulier les bailleurs privés, pour lesquels l'achat d'un bien immobilier fait l'objet d'un prêt et constitue le seul patrimoine ainsi qu'une source de revenu complémentaire. Les impayés locatifs conduisent souvent les propriétaires dans des situations inextricables et ubuesques. Dans un souci d'équilibre, il nous appartient donc de les protéger eux aussi des abus.
Cet amendement vise ainsi à responsabiliser les locataires en les incitant à solliciter le juge rapidement et à maintenir le paiement du loyer avant que les difficultés s'accumulent. Il me semble plus approprié que le juge puisse conserver la faculté d'apprécier la situation et d'accorder des délais de paiement de la dette locative tout en tenant mieux compte des difficultés rencontrées par le bailleur privé en conditionnant la suspension de la clause de résiliation à la bonne foi démontrée du locataire.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.
Elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : (art. 24 de la loi n° 89-462, art. L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution) Réduction de délais dans la procédure contentieuse du litige locatif
Amendements de suppression CE13 de M. François Piquemal et CE45 de M. Aurélien Taché.
L'article 5 prévoit la réduction des délais de procédure dans le traitement des impayés de loyer. Or, dans certains cas, des personnes qui n'arrivent pas à payer leur loyer pendant un certain temps, sont déclarées expulsables et sont même menacées d'une expulsion locative, peuvent être accompagnées par une structure sociale et renouer le dialogue avec le bailleur pour trouver une sortie par le haut. Si l'on raccourcit les délais, on empêche toute solution à moyen ou long terme.
Par ailleurs, si l'on veut accélérer les expulsions locatives, il faut donner plus de moyens à la force publique, donc augmenter les frais. Une expulsion locative coûte en moyenne 2 000 euros, sans compter les déménageurs, les huissiers etc. Cet argent pourrait utilement servir à la prévention des expulsions.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article.
Vous dites vouloir ne vous en prendre qu'aux squatteurs et aux locataires de mauvaise foi, et non à ceux qui sont en difficulté, mais si vous réduisez les délais de trois ans à un, vous restreignez considérablement les chances de ces derniers de remonter la pente, quand bien même ils disposeraient de l'accord du propriétaire ou d'une clause favorable du juge. Je ne comprends pas le sens de cet article. Si vous êtes sincère, supprimez-le !
Avis défavorable. L'objectif du texte est d'accélérer les procédures. La lenteur n'est bonne pour personne.
C'est faux ! Très fréquemment, les services sociaux se mobilisent pour trouver un nouveau logement aux familles menacées d'expulsion afin qu'elles ne se retrouvent pas à la rue. Avec cet article, vous réduisez la capacité du juge à allonger la durée de la procédure d'expulsion et, partant, vous augmentez le risque que la famille ne trouve aucune solution de relogement.
L'objectif du texte est d'apporter une protection non pas contre les locataires en galère passagère – cela peut arriver à tout le monde –, mais contre ceux qui abusent en toute conscience du droit. Si cet article était adopté, la durée de la procédure contentieuse serait comprise entre un an et trois ans, contre cinq aujourd'hui : on voit bien que ce n'est pas le bas du spectre des procédures qui est visé.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE48 de M. Christophe Naegelen.
Lorsque la procédure d'expulsion est enclenchée, un commandement de payer est délivré par un huissier et un délai de deux mois est laissé aux locataires pour régulariser la situation. Je propose de réduire ce délai à un mois, afin que l'assignation du locataire devant le tribunal puisse être accélérée. Je rappelle qu'avant que la procédure soit enclenchée par le propriétaire, il se passe souvent des mois, voire des années.
Avis favorable. C'est une très bonne idée. Je profite de l'occasion pour saluer votre travail sur le sujet, en particulier la proposition de loi que vous aviez déposée visant à fluidifier la procédure en cas de locataire défaillant.
Tant que vous y êtes, pourquoi ne pas déposer un amendement visant à créer un fonds de solidarité avec les petits propriétaires afin de compenser les manques à gagner résultant de défauts de paiement ?
Faisons plutôt bénéficier d'une déduction fiscale ceux qui hébergent les personnes expulsées et qui participent à l'effort de solidarité : cela satisferait davantage votre électorat des 16e, 8e et 17e arrondissements !
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE61 de M. Paul Midy.
Cet amendement tend à prévoir la transmission systématique, par huissier de justice, du commandement de payer à la Ccapex, afin de permettre la prise en charge le plus en aval possible des difficultés du locataire. Il reprend une suggestion du rapport « Prévenir les expulsions locatives tout en protégeant les propriétaires et anticiper les conséquences de la crise sanitaire » remis en décembre 2020 par notre ex-collègue, Nicolas Démoulin. Une étude de 2017 du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) soulignait, elle aussi, la rareté des actions de prévention des impayés et de l'expulsion à un stade précoce.
Très bonne idée. M. Piquemal trouvait qu'on ne parlait pas assez de la Ccapex : voilà qui répond à son interpellation ! Avis favorable.
Ma collègue Le Meur me surprend d'autant plus qu'elle nomme celui que vous appelez un squatteur un « locataire occupant sans droit ni titre ».
Informer la Ccapex en amont, c'est bien, mais ce qui serait encore mieux, c'est qu'on lui donne les moyens humains et financiers pour agir, ce qui n'est pas le cas dans tous les départements.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE59 de M. Paul Midy.
Il est proposé de réduire de deux mois à un la durée minimale qui doit s'écouler entre le commandement de quitter les lieux signifié par huissier et l'exécution de la décision.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement de coordination CE67 de M. Guillaume Kasbarian.
Amendement CE64 de M. Hervé de Lépinau.
Je trouve choquant qu'alors que la résiliation du bail et l'expulsion ont été prononcées après une procédure déjà longue, on donne au juge de l'exécution la possibilité de prolonger l'occupation pour une période de trois ans maximum. Notre rapporteur veut réduire ce délai ; je propose de le supprimer.
L'objectif de l'article est d'accélérer la procédure, non de réduire la capacité d'appréciation du juge. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
Amendement CE35 de Mme Anaïs Sabatini.
Il s'agit de prévoir que l'expulsion d'urgence peut être diligentée par l'autorité administrative, sans aucune condition de durée de l'occupation illégale, dès lors que cette occupation constitue une atteinte à l'ordre public. Cet amendement vise en définitive à accélérer les démarches d'expulsion en permettant aux préfets de recourir aux forces de l'ordre dès lors que la personne prouve que le logement lui appartient ou qu'il en est le locataire officiel. Le droit de propriété sera ainsi mieux protégé, dans la mesure où le dispositif concernerait non seulement l'occupation du domicile, mais aussi celle des logements vacants, se trouvant entre deux locations ou squattés avant que le propriétaire ou le locataire n'y emménage.
La procédure d'urgence que vous proposez de créer viendrait concurrencer celle prévue à l'article 38 de la loi Dalo et, partant, risquerait de la fragiliser. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendement CE16 de Mme Danielle Simonnet.
Cet amendement vise à interdire les expulsions sans solution de relogement – ou, plus précisément, à empêcher le concours de la force publique dans ces cas de figure. Une expulsion sans relogement revient à produire du sans-abrisme. Au XXIe siècle, dans la sixième puissance économique mondiale, ce n'est pas acceptable.
Cette mesure devrait aller de pair avec la garantie universelle des loyers, afin que les propriétaires soient indemnisés pendant la période d'attente du relogement. Ce diptyque serait porteur d'un grand progrès social.
Quoi que vous en disiez, monsieur le rapporteur, c'est sur la lutte contre le mal-logement qu'aurait dû porter la proposition de loi. De même que quand on discute du code du travail, on fait évidemment le lien avec le chômage, quand on discute des procédures d'expulsion, on doit faire le lien avec le mal-logement. Les procédures utilisées, le degré de protection des locataires, les règles applicables, tout cela détermine le nombre de personnes susceptibles de se retrouver à la rue. Je rappelle qu'elles sont chaque soir quelque 6 000 à appeler le 115. Voilà le bilan de l'action de la majorité. La présente proposition de loi ne fera qu'aggraver la situation.
Cet amendement, qui vise à allonger les délais, ne va pas dans le sens que nous souhaitons. Avis défavorable.
La lutte contre le sans-abrisme était l'un des chevaux de bataille de notre ancien collègue Nicolas Démoulin, qui coprésida, sous la précédente législature, le groupe d'études « Pauvreté, précarité et sans-abri » et remit au Premier ministre un rapport sur la prévention des expulsions locatives. Les mesures prises à la suite de ce rapport ont permis d'éviter une vingtaine de milliers d'expulsions locatives. Qu'il me soit permis de saluer ses travaux, dans la continuité desquels nous nous inscrivons aujourd'hui.
Si vous êtes contre les squats, votez pour cet amendement, monsieur le rapporteur ! En mettant des gens à la rue, vous réunissez les conditions dans lesquelles les squats prospèrent, car ceux qui appellent le 115 sans recevoir aucune réponse n'ont souvent pas d'autre solution que de devenir des occupants sans droit ni titre.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE25 de M. François Piquemal.
Cet amendement vise à interdire toute expulsion, dans les zones tendues, dès lors que le propriétaire ne respecte pas l'encadrement des loyers. Vous ne cessez de nous faire part de votre volonté de rétablir l'équilibre entre propriétaires et locataires. Or il est parfaitement injuste qu'un locataire traversant une mauvaise passe soit expulsé par un propriétaire qui ne respecte même pas la loi ! Nous avions déposé un amendement visant à donner plus de moyens aux collectivités territoriales pour vérifier que l'encadrement des loyers est bien respecté, mais il a été jugé irrecevable. C'est dommage.
Notre solidarité n'est pas à géométrie variable ; elle ne dépend pas de la couleur de la peau. Nous n'avons pas de leçons à recevoir du Rassemblement national en la matière. On l'a vu récemment : la solidarité, pour ce dernier, consiste à renvoyer les gens chez eux, quand bien même ils devraient pour cela crever en mer !
Je suis heureux de vous entendre saluer une mesure mise en place par la majorité : l'encadrement des loyers. Je suis néanmoins surpris que vous jugiez que le locataire a le droit de se faire justice lui-même en ne payant pas son loyer et que vous refusiez qu'il puisse être expulsé. La logique de l'amendement me paraît plutôt tortueuse. Je ne pense pas que ce soit la bonne solution.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE54 de M. Nicolas Meizonnet.
Il convient de protéger les propriétaires victimes de squatteurs. L'occupation illicite d'un logement peut entraîner des coûts difficiles à supporter pour le propriétaire. C'est pourquoi nous proposons que l'ensemble des charges, dépens et frais irrépétibles tendant au recouvrement de sommes nées du fait de cette occupation ou tendant à l'expulsion de l'occupant soient à la charge de ce dernier.
Sur ce sujet, nous avons déjà adopté l'amendement CE29 de M. Thiériot. Si l'on voulait aller plus loin, il faudrait le faire à partir de cet amendement.
En outre, une telle disposition mettrait en difficulté les copropriétés. Il conviendrait de mieux définir les charges et de préciser les aspects assurantiels. On pourrait partir de la question de l'entretien, comme dans l'amendement que je viens de citer.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE53 de M. Nicolas Meizonnet.
Il importe de donner des outils aux propriétaires pour que ceux-ci puissent empêcher les squatteurs de se fournir en gaz ou en électricité. L'amendement vise à permettre aux fournisseurs d'électricité et de gaz d'exiger la présentation d'un titre, par exemple un contrat de bail, avant la prise d'effet d'un contrat de fourniture.
À ce que je viens de dire au sujet des charges, j'ajoute qu'une telle mesure risquerait de créer de la complexité : toute personne voulant modifier un contrat se verrait dans l'obligation de présenter des pièces justificatives supplémentaires. Je comprends le sens de l'amendement, mais il faut trouver une autre voie.
Avis défavorable.
Concrètement, des squatteurs peuvent demander à EDF de les raccorder au réseau, EDF ne se demande même pas s'ils possèdent un titre d'occupation et une fois que le raccordement est fait, c'est trop tard. C'est complètement dingue ! L'amendement ne crée aucune complexité ; au contraire, il clarifie les choses. Il faut l'adopter.
C'est le summum ! Les victimes d'un marchand de sommeil – des squatteurs, donc – ne pourraient même plus se chauffer ? En quoi cela faciliterait-il la procédure judiciaire ou aiderait-il le propriétaire ? Je ne vois pas l'intérêt d'une telle proposition – à part vous faire plaisir.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Informations relatives à la commission
La commission des affaires économiques a désigné Mme Marie-Noëlle Battistel (Socialistes) et M. Jean-Pierre Vigier (Les Républicains) pour siéger au Conseil national pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne (dit également « Conseil national de la montagne »), en application de l'article 6 de la loi n° 85 30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.
Elle a désigné Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains) et M. Stéphane Vojetta (Renaissance) pour siéger au sein de la commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle, sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Elle a, enfin, nommé M. Nicolas Meizonnet, pour le groupe RN, et M. Maxime Laisney, pour le groupe LFI-Nupes, comme rapporteurs d'application de la future loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, conformément aux dispositions de l'article 145-7, alinéa 2, du Règlement
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9 h 30
Présents. – M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, Mme Anne-Laure Babault, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Éric Bothorel, M. Bertrand Bouyx, Mme Maud Bregeon, Mme Françoise Buffet, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, M. Dino Cinieri, M. Jean-François Coulomme, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, Mme Annie Genevard, Mme Géraldine Grangier, M. Johnny Hajjar, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Jacqueline Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. William Martinet, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, M. Paul Midy, M. Paul Molac, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Nicolas Pacquot, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, M. Aurélien Taché, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. André Villiers, M. Stéphane Vojetta, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan
Excusés. – Mme Anne-Laure Blin, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, M. Sébastien Jumel, Mme Hélène Laporte
Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Justine Gruet, M. Christophe Naegelen, Mme Corinne Vignon, M. Jean-Luc Warsmann