La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s'adresse au ministre des armées. Hier, le Président de la République a déclaré : « Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer […] des troupes au sol [en Ukraine]. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu ». En cette période de tension extrême, chaque parole doit être soigneusement pesée, pour ne pas faire sombrer le continent entier dans la folie de la guerre. Les Ukrainiens, et l'Europe, méritent mieux qu'un président cherchant à faire parler de lui, et ne faisant qu'ajouter l'improvisation à l'inconséquence, en détournant au passage les regards des véritables demandes ukrainiennes.
Ce n'est malheureusement pas la première fois que le Président de la République agit sans, ou contre, l'avis des Ukrainiens et de nos alliés européens. En mai 2017, il invitait encore Poutine à Versailles, persuadé de pouvoir le raisonner à lui tout seul. En juin 2022, il appelait encore à « ne pas humilier la Russie ».
En réalité, la question de l'envoi de troupes ne se pose pas ; les Ukrainiens ne nous le demandent pas. Ce qu'ils nous demandent est simple : tenir les engagements. Ce qu'ils nous demandent, c'est où est le million d'obus promis par l'Union européenne.
Mmes Julie Laernoes et Christine Pires Beaune applaudissent.
Monsieur le ministre, quand la France mettra-t-elle tout en œuvre pour soutenir l'Ukraine – non pas seulement pour l'aider à résister, mais bien à obtenir victoire ? Quand arrêterons-nous d'importer du gaz naturel liquéfié russe ? Quand sortirons-nous de notre dépendance à l'uranium enrichi russe ? Quand fournirons-nous les munitions et les armes demandées par les Ukrainiens ?
Enfin, le Gouvernement soutiendra-t-il la proposition de résolution que je défends, avec d'autres parlementaires de toutes opinions, membres du groupe d'amitié France-Ukraine, pour confisquer les avoirs russes et les affecter au soutien à l'Ukraine ? Il s'agit de 200 milliards de dollars disponibles immédiatement ; c'est l'aide la plus concrète que nous pouvons apporter au front ukrainien. Quand l'Ukraine se bat pour sa liberté, elle se bat pour la nôtre. Soyons à la hauteur !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Je vous prie d'excuser le ministre des armées. Le Président de la République l'a dit hier, nous devons maintenir notre soutien à l'Ukraine dans la durée, et le faire de façon plus continue, et peut-être différemment.
Le constat est unanime : celui de l'intensification de l'agressivité russe en Ukraine, ainsi qu'à l'égard de nous autres, Européens.
La Russie veut détruire la sécurité européenne. Nous ne pouvons pas la laisser faire. C'est la raison pour laquelle l'Europe s'est mobilisée. Elle a décidé d'un soutien économique important ces derniers mois, et elle définira en mars les contours de son appui militaire pour 2024, en privilégiant la fourniture d'équipements européens – nous nous sommes battus pour cela.
La conférence internationale de soutien à l'Ukraine qui s'est tenue hier, à l'initiative du Président de la République, vise à consolider et à coordonner un soutien supplémentaire. Il faut faire plus pour l'Ukraine : plus de munitions, plus d'équipements, plus de défense. Il faut probablement faire différemment, en envisageant de nouvelles missions, le Président de la République l'a dit hier : « rien ne doit être exclu » dans ce domaine.
Enfin, il faut penser à la reconstruction et à son financement. Vous l'avez dit, monsieur le député, et je vous sais engagé sur ces questions. L'Union européenne travaille à un schéma permettant de taxer…
…les revenus issus des avoirs russes. C'est une piste que la France soutient fortement. Cela permettrait d'engager des ressources significatives dans la reconstruction de l'Ukraine, dans le cadre du droit international.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je vous demande un peu de silence, mes chers collègues, s'il vous plaît !
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, depuis deux ans, les Ukrainiens se battent pour leur liberté et pour notre sécurité à tous, face à l'agression. Depuis dix ans – et la « révolution de la dignité » du Maïdan –, ils meurent, le drapeau européen au poing, pour un avenir meilleur. En attaquant l'Ukraine, c'est cette aspiration européenne que la Russie veut assassiner.
Nous avons, collectivement, trop tardé à donner aux Ukrainiens les moyens de vaincre l'agresseur.
M. Fabrice Brun s'exclame.
Seule la défaite de la Russie peut assurer la sécurité et la stabilité de notre continent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – MM. Julien Bayou et Nicolas Turquois applaudissent également.
Hier, la France a appelé l'Europe au sursaut. C'est la responsabilité historique de notre pays que de porter la voix du réarmement européen, face à la menace que fait peser la Russie. Il y a ceux, y compris ici, sur les bancs du Rassemblement national ,
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RN
…ceux qui confondent, comme toujours, la paix avec la soumission à l'agresseur ; ceux qui voudraient voir notre pays abandonner ses alliés ;…
Ce sont les questions au Gouvernement, pas les questions à l'opposition !
…ceux qui veulent bloquer nos institutions, pour laisser notre continent à la merci des autocrates.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Aujourd'hui, comme au siècle précédent, ils sont guidés par la lâcheté et l'esprit de défaite.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Rappelons-le : abandonner l'Ukraine serait désastreux pour notre sécurité, et encouragerait les guerres de demain, à un moment où les États-Unis se détournent de notre continent. Vladimir Poutine espère que nous nous lasserons, que nous nous diviserons, et que le temps jouera en faveur de la Russie. Hier, les Européens, sous l'égide du Président de la République, ont répondu : nous tiendrons.
Monsieur le ministre, l'Ukraine a besoin d'armes, de missiles de longue portée, de munitions et d'aide économique. Quelles décisions collectives ont été prises, hier, pour accroître notre soutien à l'Ukraine ? Quel effet concret pouvons-nous en attendre dans les prochains jours ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Julien Bayou applaudit également.
Le Président de la République a pris cette initiative d'une réunion internationale, et a appelé à un sursaut collectif de la part des partenaires de l'Ukraine. La France est au rendez-vous, alors que la position russe contre l'Ukraine se durcit. Elle se durcit aussi dans le domaine intérieur, par l'assassinat d'opposants politiques, et à l'extérieur, la Russie conduisant des actions de déstabilisation contre les pays européens, parmi lesquelles des actions de manipulation de l'information et des cyberattaques massives.
Pouvons-nous avoir un peu de silence dans l'hémicycle ? Vous ne vous rendez pas compte que le brouhaha incessant qui y règne, empêche d'entendre les réponses comme les questions. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. Erwan Balanant applaudit.
De toute façon, pour parler pour ne rien dire pendant deux minutes, ce n'est pas bien grave !
Merci, madame la présidente. Ce temps sera probablement décompté ?
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Nous devons collectivement prendre la mesure du défi à la sécurité européenne et nationale posé par l'agressivité russe. Il nous faut être très clairs et très lucides : une victoire russe sur l'Ukraine mettrait gravement en cause notre sécurité, comme celle de l'Europe. Son coût serait incalculable pour nos finances publiques. Il faut être conscient que la Russie ne s'arrêtera pas là.
C'est la raison pour laquelle le Président de la République a organisé cette conférence internationale de soutien à l'Ukraine, tenue hier à l'Élysée. Elle a permis de coordonner les actions des alliés de l'Ukraine, en matière de financement, de livraison de munitions – qui doit être intensifiée –, ou quant à la nature de notre soutien. Toutes ces réflexions auront vocation à être discutées au Parlement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, dans le cadre d'un débat à l'initiative du Gouvernement, suivi d'un vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le Premier ministre, le président Macron a évoqué la possibilité d'envoyer des troupes françaises en Ukraine : « en dynamique, rien ne doit être exclu ». Nous serions alors de fait en guerre avec la Russie. Deux puissances nucléaires qui s'affrontent sur le territoire d'un tiers, ce n'est pas une option : c'est une escalade incontrôlée, irresponsable et insensée qui menace gravement la paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Sansu applaudit aussi.
Le Président prétend créer de l'« ambiguïté stratégique ». Mais il n'est pas ambigu ; il est léger, désinvolte, inconséquent, bref, irresponsable !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Déjà, en Suède, le Président a proposé de partager la dissuasion nucléaire avec des nations européennes. Cette absurdité contraire à la doctrine française en sape la crédibilité. Vous ne l'avez pas assumée. Or à présent, le gouvernement polonais est prêt à vous prendre au mot : qu'allez-vous faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La dissuasion doit servir à protéger les intérêts vitaux de la France ; la France n'a jamais cru en un parapluie nucléaire ! La semaine dernière, un accord de défense a été signé avec l'Ukraine, une nation en guerre : c'est inédit ! Quand le Parlement pourra-t-il ratifier cet accord ?
Mêmes mouvements.
Vous ne cessez de parler de réarmement à toutes les sauces. Cette rhétorique prépare la guerre, mais vos coups de menton isolent la France : l'Allemagne, la Suède, l'Autriche et la Pologne se sont désolidarisées de l'annonce du président Macron.
Mêmes mouvements.
Même l'Otan a démenti avoir de tels projets. Cessez donc d'humilier la France et d'instrumentaliser la juste cause ukrainienne !
Mêmes mouvements.
La France est une puissance dotée de l'arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ; elle a toujours eu une voix singulière dans le concert des nations. Elle doit agir pour le respect du droit international, au lieu de jeter de l'huile sur le feu et d'attiser la guerre !
Mêmes mouvements.
Nous devons au contraire œuvrer à la paix, en recherchant des garanties de sécurité mutuellement acceptables, en organisant une conférence européenne sous l'égide de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Monsieur le Premier ministre, avez-vous conscience qu'avec un tel engrenage, vous risquez d'entraîner la France, l'Europe, le monde dans une guerre nucléaire ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – MM. Nicolas Dupont-Aignan et Emmanuel Taché de la Pagerie applaudissent aussi.
Monsieur Lachaud, les mots ont un sens !
Malgré les pertes énormes sur les plans humain, matériel et financier, malgré l'enlisement sur le terrain, la Russie n'a aucunement renoncé à ses objectifs militaires. Nous pouvons peut-être partager cela ?
M. Manuel Bompard fait un geste manifestant son incompréhension.
La Russie pense avoir imposé l'idée de sa victoire, ce qui est faux. La réunion qui s'est tenue hier à l'Élysée devait d'abord permettre de le rappeler : nous avons soutenu et nous soutiendrons l'Ukraine dans la durée. Face aux attaques russes, et à la déstabilisation de l'Europe qu'elles provoquent, le soutien à l'Ukraine doit s'accroître. L'urgence est à la livraison des munitions dont l'Ukraine a besoin ; il s'agissait d'avancer sur ce point de manière coordonnée, afin de produire davantage et de livrer de nouvelles capacités militaires.
Au-delà, nous devons envisager de nouvelles actions de soutien à l'Ukraine, qui doivent répondre à des besoins très précis. Je pense notamment au déminage, au combat cyber, et à la production d'armes sur place, sur le territoire ukrainien.
Je réponds à la question, madame Chikirou. Certaines de ces actions pourraient nécessiter une présence sur le territoire ukrainien, sans pour autant franchir le seuil de belligérance.
Rien ne doit être exclu : c'était et c'est toujours la position du Président de la République.
Rappelons enfin quelques vérités. Premièrement, c'est la Russie qui agresse l'Ukraine et non l'inverse. Ensuite, ce n'est pas à la Russie de nous dire comment nous devons aider l'Ukraine.
Enfin, cette guerre peut s'arrêter à n'importe quel moment si la Russie décide de retirer ses troupes d'Ukraine.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire – qui est absent –, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mercredi dernier, sans aucune consultation ni vote des parlementaires, vous avez amputé de 10 milliards d'euros les moyens de l'État par une nouvelle décision unilatérale.
Pire encore, en privant le budget de l'État de cette somme, le Gouvernement choisit de s'en prendre aux biens communs, au patrimoine de ceux qui n'en ont pas. Vous faites le choix de la casse des services publics !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Santé, éducation, action sociale : les Françaises et les Français en ont un besoin urgent, mais ces domaines seront une nouvelle fois délaissés.
Le Président de la République avait affirmé que l'écologie était le « combat du siècle ». C'est pourtant la mission "Écologie, développement et mobilités durables " qui subit la plus forte annulation de crédits, et ce sont encore les classes moyennes et populaires qui sont touchées.
Mêmes mouvements.
Désinscrire 2 milliards d'euros revient, entre autres, à amoindrir MaPrimeRénov' et à limiter l'accès au leasing social d'un véhicule électrique.
De la même manière, en quittant la rue de Grenelle pour Matignon, le Premier ministre déclarait emmener « la cause de l'école » avec lui. Or quelques semaines plus tard, son gouvernement officialise près de 700 millions d'euros d'économies pour la seule mission Enseignement scolaire,…
…une somme qui atteint 1,6 milliard si nous ajoutons les annulations de crédits relatives à la mission "Enseignement supérieur et recherche" . Ce choix intervient au moment où la carte scolaire suscite inquiétude et colère chez les parents et les enseignants ,
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC
et où les jeunes lycéens remplissent leurs vœux sur Parcoursup et craignent de ne pas obtenir une place leur permettant de réaliser leur rêve d'avenir.
D'autres choix étaient pourtant possibles, à commencer par la taxation des superprofits, à laquelle vous continuez de vous opposer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Surtout, le Gouvernement pouvait renoncer à poursuivre les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, à ceux qui enregistrent des bénéfices records et aux plus grandes entreprises. Le prix de ces cadeaux s'élève à 4 milliards d'euros s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et à 10 milliards en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Les Françaises et les Français attendent des services publics de qualité sur l'ensemble du territoire, mais constatent leur retrait continu. Comment faire plus avec moins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La situation est la suivante. La conjoncture internationale s'est dégradée en raison des crises géopolitiques, de la guerre en Ukraine, ainsi que du ralentissement chinois et européen.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.
Moins de croissance, c'est moins de recettes.
Or la préservation à long terme de notre bien commun que sont nos services publics – je reprends vos mots –, est impossible si nous ne maîtrisons pas nos finances publiques. Si nous avons moins de recettes, il doit y avoir moins de dépenses.
Les économies s'élèvent à 10 milliards d'euros et proviennent, par souci d'exemplarité, uniquement du budget de l'État, en réduisant nos dépenses de fonctionnement. .
Exclamations sur quelques bancs des groupes RN, LR et SOC
Oui, nous pouvons le faire, en reportant ou en révisant certains projets.
« Ça rame ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Vous affirmez que, ce faisant, nous renonçons à toute ambition écologique.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Mes chers collègues, veuillez laisser M. le ministre délégué s'exprimer.
Permettez-moi de vous dire que le budget pour 2024 demeure le budget le plus vert de notre histoire.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Il comprend 40 milliards d'euros de dépenses vertes, soit une augmentation de 8 milliards par rapport à 2023.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.
Même les crédits alloués à MaPrimeRénov', que vous avez évoquée, sont en hausse. Ce sont 600 millions d'euros de plus que nous consacrons à la transition écologique. C'est très concret.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR. – M. Jérôme Guedj mime un rameur.
L'esprit de responsabilité devrait vous conduire à reconnaître que dépenser trop sans disposer des recettes suffisantes ne permet pas de garantir nos services publics. Voilà pourquoi nous avons pris cette décision.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Si vous n'avez pas assez de recettes, taxez les plus riches et le pétrole !
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire,…
…le soixantième Salon de l'agriculture est l'occasion de saluer le travail, le dévouement et le savoir-faire de nos agriculteurs, dans toute leur diversité, au service de notre souveraineté alimentaire. Malheureusement, il s'agit de l'unique moment de leur mise en avant, les agriculteurs étant, le reste du temps, les oubliés de notre pays.
Depuis tant d'années, ils attendent des mesures leur permettant de vivre décemment de leur travail et de nous nourrir, sans perdre de temps en paperasses ridicules, sans être dépendants des nombreuses subventions, et sans que l'on vienne dans leur ferme pour leur donner des leçons.
Les revendications légitimes de nos paysans ont été entendues, mais pas écoutées. Pour l'heure, votre projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles ne répond aucunement aux demandes, pourtant si simples, relatives à la modernisation des outils de travail, à la suppression des normes administratives et écologiques et au juste prix des efforts des agriculteurs. Loin d'être une question de budget, ces mesures sont plutôt une question de volonté et de reconnaissance de l'agriculture française.
M. Fabrice Brun s'exclame.
Justement, parlons de reconnaissance. N'est-il pas de notre devoir de valoriser la richesse de l'agriculture française sous toutes ses formes et de préserver notre souveraineté alimentaire, plus que menacée ? Il est impératif que vous répondiez aux inquiétudes et aux spécificités des territoires agricoles, telles que celles de la Haute-Savoie, et que vous adoptiez une approche pragmatique, loin des considérations bureaucratiques déconnectées des réalités du terrain.
À trop prétendre aider les agriculteurs, vous creusez la fracture entre vos actions et leurs besoins réels. Stop ! Il est grand temps de prendre vos responsabilités et d'agir en faveur de cette profession ; de ces hommes et des femmes qui nous offrent le meilleur des produits de qualité française.
Je vous le demande donc : que faut-il faire pour que le projet de loi tienne compte des besoins réels de nos agriculteurs et pour que nous sauvions notre souveraineté alimentaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Il n'aura échappé à personne que l'agriculture européenne traverse l'une de ses plus graves crises de ces dernières décennies.
« La faute à qui ? » sur quelques bancs du groupe LR.
Ses origines sont multiples : le covid, la guerre en Ukraine et la désorganisation des marchés par M. Poutine, l'impact croissant du dérèglement climatique.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
En conséquence, et il s'agit de la principale cause de leur colère légitime, une part significative des agriculteurs ne parviennent pas à vivre du fruit de leur travail.
Qui avez-vous soutenu en 2017 ? Nicolas Hulot et les fossoyeurs de l'agriculture !
Au-delà de ce problème fondamental de juste rémunération, ces hommes et ces femmes, dont la mission est de nourrir la France, nous parlent de complexité administrative, ou encore de concurrence déloyale.
Voilà pourquoi, sous l'égide du Président de la République et du Premier ministre, nous avons élaboré un plan ambitieux, qui se décline jour après jour, afin de répondre directement et concrètement aux besoins des agriculteurs.
Des fonds d'urgence ont d'ores et déjà été débloqués en faveur de la viticulture, pour répondre à la maladie hémorragique épizootique (MHE) et pour améliorer la trésorerie des exploitations.
Les premiers textes de simplification sont également déjà parus.
Je ne les énumérerai pas : vous le savez, nous devons simplifier l'écurage des fossés, faciliter l'installation d'exploitations classées pour la protection de l'environnement, ou encore raccourcir le contentieux.
La question du revenu sera évidemment aussi abordée, dans le cadre de la mission parlementaire confiée à Anne-Laure Babault et Alexis Izard, afin d'améliorer le partage de la valeur en faveur des agriculteurs.
Enfin, le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, que vous appelez de vos vœux, traitera la question essentielle de la transmission des installations et du renouvellement des générations. Une nouvelle fois, nous présenterons des mesures fortes pour accompagner nos agriculteurs et leur installation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, je me souviens d'un temps – encore récent – où les personnes en situation de handicap étaient épuisées par le poids de procédures et de démarches administratives longues et absurdes. Je parle d'un temps où une personne très lourdement handicapée devait, par exemple, refaire inlassablement les mêmes démarches tous les cinq ans pour justifier son handicap et obtenir les droits qui lui étaient pourtant dus.
Sur le fondement du rapport d'Adrien Taquet et de Jean-François Serres, intitulé « Plus simple la vie », deux décrets ont été publiés en décembre 2018 afin de mettre un terme à ces situations ubuesques. Désormais, nous pouvons et devons attribuer des droits à vie aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer. Pour l'heure, ce dispositif concerne exclusivement les personnes handicapées de manière irréversible à plus de 80 %, ce qui représente 2 millions de nos concitoyens. La durée de validité des autres décisions est quant à elle passée de cinq à dix ans.
Il s'agit, reconnaissons-le, d'un premier pas essentiel pour soulager le quotidien des personnes en situation de handicap, mais d'un premier pas seulement.
De façon plus générale, l'accompagnement des personnes en situation de handicap a été amélioré grâce à une réduction des délais de traitement et de notification par les maisons départementales de personnes handicapées (MDPH). Cependant, nous le savons, ces délais demeurent beaucoup trop longs. Il faut actuellement cinq mois pour obtenir une réponse à une demande d'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Lors du dernier comité interministériel du handicap, réuni le 6 octobre 2022, des objectifs prioritaires, comme la simplification des procédures d'évaluation et d'attribution des aides par les maisons départementales, ont été fixés. Je salue à cet égard le travail colossal réalisé par les équipes des MDPH qui traitent au mieux les 4,8 millions de demandes reçues chaque année. Et j'ai une pensée particulière pour la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du Nord, qui se réunit huit fois par mois pour répondre aux milliers de demandes qui lui sont adressées.
Pour autant, il nous reste du chemin à parcourir s'agissant de l'application des droits à vie. De quelle manière poursuivrez-vous la mission indispensable de simplification des démarches ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Vous l'avez dit, demander aux personnes en situation de handicap irréversible de justifier tous les cinq ans de leur situation est absolument insensé. En 2019, à la demande du Président de la République, nous avons mis fin à cette absurdité. Il nous faut néanmoins aller plus loin, car des situations ubuesques demeurent sur le territoire national.
La feuille de route présentée par le Premier ministre est claire et tient en un mot : « simplification ». Il faut simplifier la vie des Français, simplifier la vie des personnes en situation de handicap, simplifier la vie des aidants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, LR et SOC.
Cette simplification administrative concerne près de 70 % des notifications émises par les MDPH et permet de libérer du temps aux équipes. Au fond, il nous faut remettre de l'humain au cœur de l'action et des services publics : la dernière Conférence nationale du handicap (CNH) l'a confirmé.
M. Jean-François Coulomme s'exclame.
Le Gouvernement a une capacité incroyable à dire le contraire de ce qu'il fait !
D'ici à la fin de l'année, un rendez-vous en présentiel sera proposé à chaque nouveau demandeur, à qui il sera assigné un référent parcours joignable directement. Cette simplification permettra également de désengorger les procédures des MDPH, dans l'optique de répondre plus rapidement aux demandes d'identification. Avec Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, nous y veillerons avec la plus grande attention.
Notons enfin qu'il existe une disparité entre les différents départements, ce qui a le don d'exaspérer nos concitoyens. Il nous faut donc mieux communiquer sur les droits, mais aussi simplifier encore davantage les démarches et, autant que faire se peut, accorder de nouveaux droits.
M. Jean-Pierre Taite applaudit ironiquement.
C'est une très bonne ministre : elle lit toujours ses fiches avec le ton !
Monsieur le député, je connais votre engagement sur cette question : travaillons ensemble.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le Premier ministre, « le premier devoir d'un pays, c'est de ne disposer de la vie de ses soldats que pour défendre son indépendance ou pour préserver son intégrité, ou alors de les engager si dans le cadre d'une alliance des obligations ont été contractées.
« Mais là, sur un terrain extérieur, il faudrait intervenir alors que nos intérêts vitaux ne sont pas engagés ,
« Ah bon ? » sur quelques bancs du groupe RE
il faudrait intervenir militairement avec nos soldats. […]
« Alors on me dit que c'est dans l'intérêt de l'humanité. Mais quel est donc ce droit divin qui a fait de la France le soldat de toutes les justes causes dans le monde ? Alors que le seul empire mondial existant, les États-Unis, s'y refuse ? »
À l'heure où tant de personnes, y compris des responsables politiques, parlent de la guerre avec une telle désinvolture, la cheffe de l'opposition que je suis ne peut rester silencieuse devant les propos d'une extrême gravité qu'Emmanuel Macron a tenus hier soir. À cet égard, je trouve que les propos de l'ancien président Mitterrand, en réponse à ceux qui souhaitaient envoyer des troupes en Bosnie, et que je viens de citer, sont d'une parfaite actualité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
En affirmant que l'envoi de troupes au sol n'était pas exclu, Emmanuel Macron a franchi une étape supplémentaire vers la cobelligérance, faisant planer un risque existentiel sur soixante-dix millions de Français, et plus particulièrement sur nos forces armées, déjà déployées à l'est de l'Europe.
Les réactions internationales, qui se multiplient, soulignent que cette inquiétude se diffuse en Europe, et dans le monde entier. Certes, la Constitution confie au Président de la République la responsabilité de l'engagement des forces armées. Mais, monsieur le Premier ministre, comptez-vous porter auprès du Président de la République la voix de millions de Français, dont je me fais l'écho…
C'est fini ! Le temps est écoulé !
C'est fini ! Le temps est écoulé !
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont certains députés se lèvent. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
On a failli y croire : à vous entendre, vous donniez l'impression de dénoncer l'agression russe contre l'Ukraine ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR – M. Inaki Echaniz applaudit aussi
alors que vos députés européens ont systématiquement voté contre toutes les sanctions proposées contre la Russie ou contre les oligarques.
On a failli y croire quand, avec le plus grand des cynismes, vous avez rendu hommage à la mémoire d'Alexeï Navalny, alors que vos députés ont refusé de voter les textes proposés au Parlement européen visant à soutenir cet opposant russe mort dans les geôles de la Russie.
Mêmes mouvements.
En réalité, madame Le Pen, vous attendiez la première occasion de rappeler vos vraies fidélités.
Vous attendiez la première occasion de montrer votre vrai visage, celui d'une responsable politique qui refuse tout simplement de reconnaître que cette guerre est le fait d'un pays autoritaire, un pays où les opposants meurent dans des geôles.
Ce pays, c'est la Russie, qui a imposé une guerre à l'Europe et qui frappe une démocratie – l'Ukraine. Et, visiblement, vous refusez d'admettre que ce n'est pas seulement une guerre contre l'Ukraine qu'a engagée Vladimir Poutine, mais aussi une guerre contre des valeurs qu'il exècre – celles de la démocratie et de la liberté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Cette guerre, c'est celle de la Russie pour imposer la loi du plus fort, pour déchirer les règles internationales, pour remettre en cause la souveraineté des États. Si nous l'acceptons, si nous nous résignons, si nous détournons le regard, personne ne sait où la Russie s'arrêtera.
Ce n'est pas un hasard si des pays historiquement neutres, comme la Suède et la Finlande, font le choix de rejoindre l'Otan.
Ce n'est pas un hasard si, comme le rappelait le Président de la République hier, ce qui paraissait impossible pour l'Europe il y a encore deux ans – livrer des armes à l'Ukraine – est finalement devenu une réalité.
La Russie pensait écraser l'Ukraine en quelques jours ; elle s'est heurtée à la résistance exceptionnelle du peuple ukrainien.
Si nous vous avions écoutés, nous n'aurions pas accompagné les Ukrainiens face à cette agression. La Russie imaginait que les démocraties étaient faibles. Nous l'avons surprise par la force de notre réaction et de notre soutien aux Ukrainiens. Oui, le Kremlin mise sur la lassitude et sur l'usure, sur l'oubli, et sur la complaisance de ceux qui l'ont soutenue, défendue, voire idolâtrée.
Pourquoi ne répondez-vous pas à la question ?
Oui, la Russie durcit le conflit en Ukraine, mais aussi sur son territoire, avec une oppression de plus en plus forte.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
C'est aussi le cas vis-à-vis des autres nations : si cette guerre frappe durement l'Ukraine et les Ukrainiens, la Russie a également choisi de s'en prendre à la France et aux alliés de la démocratie par des manœuvres de déstabilisation informationnelle. Vous le savez très bien – sans jamais les dénoncer – des opérations d'ingérence et des interférences ont été révélées ces dernières semaines sans que cela ne vous pose aucun problème ! .
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN
Cette entreprise de déstabilisation massive ne s'arrêtera pas si nous ne réaffirmons pas notre soutien plein et entier aux Ukrainiens.
M. Nicolas Dupont-Aignan proteste.
C'est ce qu'a fait le Président de la République hier.
Madame Le Pen, vous défendiez une alliance militaire avec la Russie.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ce n'était pas il y a cinq ou dix ans, mais il y a seulement deux ans, dans votre programme pour l'élection présidentielle. Si vous aviez été élue en 2022, nous ne serions pas en train de fournir des armes aux Ukrainiens pour qu'ils se défendent, mais à la Russie pour écraser les Ukrainiens ! C'est la réalité ! Relisez votre programme !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Vous m'interrogez sur l'hypothèse d'un déploiement de soldats français ou européens sur le sol ukrainien.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quand on lit les enquêtes, notamment celle du Washington Post le 30 décembre dernier, il y a lieu de se demander si les troupes de Vladimir Poutine ne sont pas déjà dans notre pays, grâce à vous et à vos troupes, madame Le Pen !
Les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Huées sur les bancs du groupe RN, dont de nombreux députés désignent le sol de leur pouce. – M. Nicolas Dupont-Aignan hue également.
C'est nul ! C'est honteux ! C'est calamiteux !
Il les a liquéfiés !
Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, mais il n'est pas là… Le 30 novembre, vous avez tout fait pour que notre proposition de loi visant à lutter contre l'inflation par l'encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d'achat plancher des matières premières agricoles soit mise en échec, à six voix près. Ces mesures ont ensuite été reprises et soutenues par le monde agricole.
Leurs actions ont payé : samedi 24 février, ce dernier vous a mis en échec ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
obligeant votre grand chef à annoncer des prix planchers et à avouer, à demi-mot, que nous avions raison.
Mêmes mouvements.
Il n'y a pas de honte à s'être trompé ! Si vous voulez réduire le nombre de suicides et améliorer la qualité de vie dans le monde rural, il faut des prix rémunérateurs, garantis, calculés sur le temps de travail, et prenant en compte les contraintes et les coûts de production.
Mêmes mouvements.
Sourires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela passe impérativement par l'encadrement des marges des industriels et de la grande distribution
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
car l'un ne va pas sans l'autre ! L'agro-industrie a augmenté ses marges de 71 % ; l'inflation alimentaire a augmenté de 14 % en un an.
Pourtant, vous ne proposez que des cacahuètes ! Rien sur les marges, ni sur le libre-échange ! Vous préférez vous cacher derrière des clichés démagogiques sur l'économie soviétique. Un peu de sérieux et de cohérence, s'il vous plaît !
Mettrez-vous fin aux accords de libre-échange
Mêmes mouvements
pour que les prix planchers fonctionnent et protègent nos agriculteurs de la concurrence déloyale ?
Reprendrez-vous notre proposition de loi en instaurant des prix rémunérateurs garantis aux paysans et en encadrant les marges ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Le travail de nos agriculteurs, c'est le pain nourricier de notre nation. Ce travail structure notre souveraineté alimentaire. Il serait inacceptable qu'il ne soit pas récompensé à sa juste valeur. Mais nous n'avons pas attendu la crise agricole qui frappe les capitales européennes pour nous engager aux côtés de nos agriculteurs.
C'était l'objet des lois du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs et du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dites lois Egalim.
Combien d'exploitations ont été sauvées par cette majorité, qui a pris ses responsabilités pour mieux répartir la valeur entre les producteurs, les industriels et les distributeurs ?
Mme Sandra Regol s'exclame.
Mais vous avez raison, madame Couturier, …
…il y a encore un problème de revenus et c'est la raison pour laquelle nous continuerons à agir. Samedi, le Président de la République a annoncé vouloir renforcer les dispositifs issus des lois Egalim, afin de s'assurer que leur application soit conforme à l'esprit de ce que nous avons construit au cours des six dernières années et que les agriculteurs puissent vivre correctement de leur travail.
Mais ces prix planchers, ce ne sont pas ceux que vous voulez appliquer ;
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
ce ne sont pas ceux d'une économie soviétique ,
Mêmes mouvements
d'un système qui conduirait à la pénurie ou à l'explosion des importations depuis l'étranger.
Ce que vous proposez ne fonctionne malheureusement pas car votre dispositif est déconnecté des réalités du marché.
Mme Ségolène Amiot balaie devant elle avec sa main.
Nous plaidons pour des prix construits avec les producteurs et l'ensemble de la filière ,
Mme Sandra Regol proteste
pour des références de prix connectées à l'économie et à la réalité des marchés, pour des prix qui protègent nos exportations, fassent vivre notre agriculture et protègent les revenus des agriculteurs.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Les députés Alexis Izard et Anne-Laure Babault rendront leurs travaux d'ici quatre mois.
Nous pourrons ensuite en discuter dans cet hémicycle.
Mêmes mouvements.
Il faut revenir au niveau du plancher des vaches pour discuter avec les agriculteurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma question s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le 16 février dernier, le décès d'Alexeï Navalny a provoqué une onde de choc. Nous adressons nos pensées à ses proches.
Tous les députés se lèvent et applaudissent.
Après les assassinats politiques d'Anna Politkovskaïa et Boris Nemstov, la liberté d'opinion ne fait que reculer en Russie. À quelques jours de l'élection présidentielle, le régime du Kremlin intensifie la répression. C'est pourquoi j'ai adressé aux députés de la Douma une lettre, cosignée par une centaine de collègues, que je remercie. Nous demandons la libération de tous les prisonniers politiques, rappelons notre attachement au principe démocratique de pluralisme et notre soutien sans faille à la souveraineté de l'Ukraine.
À cet égard, l'ambiguïté du Rassemblement national ne peut plus être dissimulée. Alors que ses députés européens ont voté contre une résolution condamnant l'arrestation de Navalny, ils s'émeuvent maintenant de sa disparition tout en continuant à s'opposer à l'envoi d'armement à l'Ukraine.
Il n'est plus possible de rester aveugle face au durcissement de la posture russe, aux manœuvres de déstabilisation et aux tentatives d'assassinats commises en territoire européen. L'Europe subit également des attaques cyber, et une guerre informationnelle massive.
À l'occasion de la conférence de soutien à l'Ukraine, qui s'est tenue hier à l'Élysée, le Président de la République a déclaré : « La défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe » et a appelé à un sursaut européen, d'autant plus nécessaire que planent des incertitudes côté américain. Face à la menace russe, l'Europe doit se doter d'une stratégie commune.
Il convient de se préparer à toute éventualité et de ne rien exclure. Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les points de consensus issus de cette conférence ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
La responsabilité des autorités du Kremlin dans la mort d'Alexeï Navalny ne fait aucun doute. Sa mort dans une colonie pénitentiaire illustre la nature du régime russe, qui éradique la voix de ses opposants et agresse l'Ukraine. Cette peur des dissidents et des opposants est un aveu de faiblesse.
C'est aussi le signe d'une désinhibition croissante du Kremlin, dont nous devons tenir compte. Avec la mort d'Alexeï Navalny, nos principes sont en jeu. Il est essentiel de continuer à dénoncer les atteintes aux droits de l'homme et la répression des libertés en Russie.
Cette politique de répression n'apporte rien de bon à la Russie : elle a fait fuir les esprits libres et créatifs qui y demeuraient encore et que la France est désormais fière d'accueillir sur son territoire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il y a dix ans, une filière d'immigration existait déjà à Mayotte. Purement sanitaire, cette immigration provenait de la région des Grands Lacs africains ; il s'agissait de grands brûlés victimes du supplice du pneu.
Aujourd'hui, la filière a été structurée par des passeurs comoriens qui utilisent des boutres pour transporter les migrants depuis la Tanzanie avant de les transférer sur des kwassa au large des Comores – comme si les Anjouanaises venant accoucher à Mayotte et les jeunes Comoriens faisant régner la terreur sur l'île ne suffisaient pas !
Dimanche, lors du démantèlement de camp de migrants installé près du stade de Cavani, en périphérie de Mamoudzou, le gouvernement a décidé quelque peu précipitamment d'expulser 200 migrants. Hier, 308 migrants disposant d'un statut de réfugié politique ont pris place à bord d'un Boeing 777 de la compagnie Air Austral en direction de la métropole. Cent huit d'entre eux seront accueillis dans un lieu qui reste à déterminer, quand 200 sont déjà hébergés dans le château historique de Grignon, dans les Yvelines, sans que Mme la maire ait été consultée.
La rumeur insistante qui court à Mamoudzou rapporte que ces réfugiés auraient brièvement réintégré le camp alors qu'ils étaient régulièrement hébergés sur l'île.
Sur place, la situation est chaotique, la pluie empêchant la suite du dégazage. Il y a encore 700 personnes sur place dont, peut-être, les 90 migrants du centre de rétention.
Quand ferons-nous enfin pression sur le président des Comores pour qu'il mette un terme à cet encouragement insupportable à l'immigration vers notre 101
…pour gérer les arrivées de ces migrants venus de pays du sud de l'Afrique qui s'embrasent les uns après les autres, une politique qui revient à essayer de remplir le tonneau des Danaïdes ? Combien de châteaux prestigieux viderons-nous de leurs trésors pour accueillir dans la précipitation et sans aucune anticipation des populations totalement déracinées ? À quand la fin de cette politique du perdant-perdant ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.
En réponse à la situation sanitaire et humanitaire dans laquelle se trouvait le campement situé aux abords du stade de Cavani à Mamoudzou, l'État a en effet décidé de procéder à une mise à l'abri – c'est bien de cela qu'il s'agit. Trois cent huit personnes bénéficiant du statut de réfugié, donc d'une protection internationale, ont ainsi été acheminées vers l'Île-de-France cette nuit. Ces personnes – 208 majeurs et 100 mineurs, 40 familles – viennent de République démocratique du Congo, de Somalie, du Rwanda, du Burundi, du Soudan et de Tanzanie.
Il est de notre devoir d'offrir à ces personnes une solution d'hébergement digne – digne de notre pays et de notre tradition d'accueil.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Afin de procéder à une orientation adaptée, elles sont provisoirement accueillies en Île-de-France et accompagnées par les services de l'État et les associations.
Comme pour les mises à l'abri qui ont régulièrement lieu en métropole – il n'y a rien de nouveau –, l'État a pris en charge le transport des personnes concernées vers leur lieu d'hébergement.
À défaut, il n'aurait pas été possible de procéder à cette opération de solidarité nationale au bénéfice de Mayotte. Il faut le rappeler : c'est bien une question de solidarité réelle avec nos compatriotes à Mayotte.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Cette dépense relève intégralement du budget global dédié aux mises à l'abri.
Nous avons bien entendu ce que vous avez dit, madame la ministre : les Français, les Mahorais apprécieront !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Hier, le chef de l'État, lors d'une conférence de soutien à l'Ukraine organisée dans l'urgence, a annoncé au débotté que l'envoi de troupes en Ukraine n'était pas exclu et qu'il serait mis en place une « coalition de missiles à longue portée » visant à « frapper la Russie dans la profondeur ».
Cette déclaration improvisée, prononcée avec légèreté, comme si son auteur n'en mesurait pas toute la portée, sonne comme une fuite en avant militariste totalement irresponsable.
Depuis deux ans, les députés du groupe GDR dénoncent sans ambiguïté l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie et appellent à déployer des moyens diplomatiques pour trouver une solution pacifique.
Après plus de 700 jours de guerre, l'évolution de la situation montre qu'en dépit de l'aide militaire fournie à l'Ukraine, l'escalade de la guerre n'a apporté de réponse ni à l'aspiration des Ukrainiens à vivre libres et en sécurité, ni à la nécessité de rétablir la paix dans cette partie de l'Europe.
MM. Stéphane Peu et Nicolas Sansu applaudissent.
Pire, les risques d'engrenage et de généralisation du conflit sont plus importants que jamais.
Après certaines déclarations britanniques et allemandes qui nous demandent de nous préparer à une guerre européenne à brève échéance et la signature d'un accord militaire entre la France et l'Ukraine lourd de conséquences, cette déclaration belliciste du président, qui nous entraîne dans une escalade guerrière dangereuse pour tout le continent, ne peut que nous inquiéter.
À rebours des va-t-en-guerre, nous exigeons que la France prenne, en responsabilité, la tête en Europe d'une coalition pour la paix, sous l'égide des Nations unies. Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas proposer cette voie pour mettre fin à la guerre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan et Mme Frédérique Meunier applaudissent aussi.
La première action du Président de la République après l'agression de l'Ukraine par la Russie a consisté à mobiliser les réseaux diplomatiques pour tenter de convaincre Vladimir Poutine de renoncer à ses plans – chacun s'en souvient. Comme d'autres chefs d'État européens, il s'est rendu sur place et, à l'initiative entre autres de la France, l'Union européenne elle-même est intervenue. Malheureusement, la Russie a attaqué l'Ukraine.
Vous nous dites qu'après deux ans de conflit, après que les pays européens et d'autres alliés ont soutenu l'Ukraine militairement pour qu'elle résiste face à la Russie, les Ukrainiens ne connaissent toujours ni la sécurité, ni la paix : c'est un fait.
Mais ce qui est certain, c'est que si nous n'avions pas agi ainsi, ils ne vivraient pas non plus en sécurité, en paix ou librement, puisqu'ils n'auraient probablement pas pu tenir face à la Russie, qui aurait pris le contrôle de cet État souverain, de cette démocratie.
C'est aussi cela qui se joue, en fin de compte : un État autoritaire essaie de faire entrer dans nos esprits que démocratie et État de droit riment avec faiblesse et indécision. En nous battant pour soutenir les Ukrainiens face à l'agresseur russe, nous nous battons aussi pour défendre nos valeurs, notre modèle démocratique et l'État de droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Paul Christophe applaudit également.
Vous avez vous-même rappelé, monsieur Chassaigne, les déclarations de responsables allemands et britanniques évoquant leurs craintes. Je mentionnais tout à l'heure le choix de la Suède et de la Finlande de rejoindre l'Otan, alors que ces pays l'avaient jusqu'alors toujours refusé. C'est bien parce que chacun est convaincu que derrière l'Ukraine, c'est nous ! Si nous acceptons que la Russie prenne le contrôle de l'Ukraine, demain ce sont des pays membres de l'Union européenne qui pourraient être visés – et peut-être le nôtre.
J e n'ai pas envie que ma génération et celles qui suivront grandissent avec l'idée que la loi du plus fort peut à nouveau s'appliquer en géopolitique.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Philippe Gosselin applaudit aussi.
Je ne veux pas que nous nous disions qu'un État autoritaire peut prendre le contrôle d'un État démocratique par la force et par les armes.
Non seulement j'assume, mais je suis même fier que la France ait un Président de la République qui, depuis le début de cette guerre a cru aux capacités de résistance des Ukrainiens, ce qui n'était pas le cas de l'ensemble du spectre politique français à l'époque, il faut s'en souvenir : on entendait d'éminents responsables politiques nous expliquer que l'armée ukrainienne ne tiendrait pas plus que quelques semaines ou quelques mois. Nous avons cru en eux – le Président de la République a cru en eux – et nous les avons soutenus. Deux ans plus tard, la guerre est encore là, mais les Ukrainiens sont toujours debout.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La récente mobilisation des agriculteurs a une nouvelle fois mis au jour des pratiques douteuses en matière d'étiquetage des produits agricoles. Malgré plusieurs dispositifs visant à garantir les informations sur l'origine des produits, les agriculteurs ont fait remonter de nombreux exemples d'aberrations d'étiquetage qui révèlent un manque de rigueur et de traçabilité. Prenons l'exemple d'une caissette de viande bovine en provenance de l'Union européenne emballée le 25 janvier 2024 et portant le logo du label Viande bovine française : cette même étiquette peut aussi préciser que l'origine de la viande est l'Irlande, tout comme son lieu d'abattage et de découpe.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé : du miel, des produits laitiers, des fruits et légumes…
…se retrouvent sur les étals français en se réclamant d'une provenance française alors qu'à y regarder de plus près, les mentions affichées sur les étiquettes sont souvent douteuses.
Nous le savons, et l'affluence lors de l'ouverture du Salon de l'agriculture le prouve : les Français soutiennent nos agriculteurs, souhaitent être informés de ce qu'ils mangent et veulent promouvoir une consommation de produits français.
L'origine d'un produit est pour le consommateur français aussi importante que son prix et influe de manière déterminante sur la décision d'achat.
Madame la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, je vous sais sensible à ce sujet et aux enjeux de souveraineté alimentaire. Vous annonciez la semaine dernière vouloir renforcer la qualité de l'information donnée au consommateur et créer un origine-score.
Pourriez-vous revenir sur ce dispositif que vous comptez développer en lien avec le ministre de l'agriculture Marc Fesneau et qui doit répondre à des exigences économiques, déontologiques, écologiques et de sincérité à l'égard des consommateurs français ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
En réalité, la politique, c'est bien souvent comme la vie.
La politique de consommation est l'un des enjeux les plus importants de la crise agricole que nous traversons. En parallèle de la question de la rémunération des agriculteurs, il faut prendre en compte celle du comportement du consommateur. Vous l'avez dit, quand on consomme, on considère deux éléments, le prix et l'origine. Ces deux variables déterminent à plus de 80 % ce qu'on appelle l'acte d'achat.
Le sens de l'histoire est clair : depuis 2011, grâce à l'Europe, nous avons atteint la transparence en matière de provenance des fruits et légumes et, depuis 2020, grâce à la majorité, en matière de provenance des viandes, mais aussi des vins.
Comme j'ai pu l'observer et comme le prouvent les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) que vous avez mentionnés, on utilisait un peu abusivement l'argument – oserais-je dire le prétexte ? – de l'origine française pour vendre des aliments transformés, qui peuvent donc contenir des ingrédients dont l'origine n'est pas française ou est totalement opaque – nos agriculteurs sont en première ligne pour le constater.
En matière de transparence, informer à moitié – mettre en avant ce qui est français et cacher le reste –, ce n'est pas informer.
La dynamique est claire et le modèle est simple – c'est celui du nutri-score. Il s'agit d'une démarche volontaire et soutenue par l'ensemble des acteurs : 93 % des consommateurs le connaissent et 60 % des produits en ont un. Cette démarche qui repose sur une participation volontaire n'a pas eu besoin de loi et n'a pas posé de difficulté.
J'ai donc proposé un rendez-vous mi-mars à l'ensemble des acteurs de l'agroalimentaire et aux associations de consommateurs pour que nous travaillions ensemble à créer un dispositif assez simple pour permettre au consommateur de connaître l'origine des ingrédients, et pas seulement quand elle est française !
La révision l'année prochaine du règlement européen concernant l'information sur les denrées alimentaires, dit Inco, sera l'occasion de promouvoir cette idée au niveau de l'Europe tout entière.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
…vient d'annuler 10 milliards d'euros sur le budget de l'État d'un trait de plume : 10 milliards, c'est inédit, et à la limite de ce qui est autorisé par la loi organique.
Il y a quelques jours il s'est demandé sur un plateau de télévision qui aurait bien pu anticiper une croissance en baisse – ce n'est pas sérieux ! Nous avions alerté le Gouvernement en commission, puis en séance, lors du vote de la loi de finances :…
…votre budget reposait sur une prévision de 1,4 % de croissance du PIB, quand tous les économistes tablaient à l'époque sur 0,8 % à 1 %.
Il résulte de votre inconséquence un coup de rabot massif et aveugle – une coupe budgétaire d'un milliard pour MaPrimeRénov', d'un autre milliard pour l'aide au développement, de 691 millions pour l'école et de 904 millions pour la recherche.
Comprenons-nous bien : mon groupe n'est pas opposé à des économies ! La situation dans laquelle vous avez mis le pays l'exige. Mais elles doivent être ciblées, pesées et votées par le Parlement, pas décidées sur un coin de table à Bercy.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Vous péchez à nouveau par excès d'optimisme, avec une prévision à 1 %, alors que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de réviser la sienne à 0,6 %. S'y ajoutent des engagements de dépenses nouvelles – 3 milliards pour l'Ukraine, 500 millions pour les hôpitaux et 400 millions en réponse à la crise agricole –, dont on ignore le financement.
Ma première question est donc simple : quand allez-vous présenter un budget rectificatif pour corriger ces erreurs et cesser de contourner le Parlement ?
Ma seconde question est subsidiaire : lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, le groupe LIOT avait proposé des mesures d'économie et de recettes, qui ont toutes été écartées. Nous avons obtenu le maintien du chèque carburant élargi, pour les ménages modestes et les classes moyennes qui doivent utiliser leur voiture pour travailler. Compte tenu de l'augmentation des prix du carburant depuis le début de l'année, quand ce chèque sera-t-il versé et concernera-t-il le sixième décile ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – MM. Francis Dubois et Nicolas Ray applaudissent également.
Permettez-moi tout d'abord une précision : annuler 10 milliards de crédits par décret, ce n'est pas contourner le Parlement, c'est appliquer strictement la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ; ce n'est pas à un commissaire aux finances émérite comme vous que je vais l'apprendre. Nous pourrions même aller plus loin que 10 milliards, jusqu'à 12 milliards ! Monsieur le député, reconnaissez avec moi que nous respectons les textes, notamment la Lolf.
S'agissant de la prévision de croissance, sachez que nous l'avons révisée il y a quelques jours, au même moment que l'Allemagne, qui l'a ramenée de 1,3 % à 0,2 % – cela ne date pas de plusieurs mois. Il y a quelques jours également, la Commission européenne a révisé la prévision de croissance de la zone euro de 1,2 % à 0,8 % – cela ne date pas non plus de plusieurs mois.
Mme Frédérique Meunier s'exclame.
Nous sommes tous confrontés, au même moment, à un ralentissement de l'activité économique qui n'était pas prévisible au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2024, le 27 septembre.
Depuis cette date, on ne peut pas dire que la situation géopolitique se soit améliorée, ni que la situation en l'Ukraine soit dénuée d'impact sur nos économies ; l'Allemagne était déjà entrée en récession l'année dernière. Avec Bruno Le Maire, nous nous adaptons en temps réel à cette nouvelle donne.
J'ai du mal à vous suivre, monsieur de Courson : tantôt vous dites que nous faisons trop d'économies et vous regrettez le décret qui vient d'être pris, tantôt nous n'en faisons pas assez, ce qui vous conduit à refuser de voter nos textes.
M. Benjamin Saint-Huile s'exclame.
En septembre dernier, lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2024, aucun économiste ni aucun organisme de prévision ne croyaient en une prévision de croissance de 1,6 % !
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Francis Dubois applaudit également.
Madame la ministre du travail et de la santé, depuis plusieurs semaines, nous lisons dans la presse que des économies sur les dépenses de santé vont être faites par votre gouvernement. Faire des économies est nécessaire, notamment pour réduire la dette abyssale que votre gouvernement a largement contribué à alourdir, mais pourquoi sur la santé des Français ? Ces derniers paient toujours davantage pour leurs services publics, qui régressent pourtant dans nos territoires.
Nous apprenons qu'il faut trouver 12 milliards. Permettez-moi de vous donner une idée d'économies pour le premier milliard : la suppression de l'aide médicale de l'État (AME) pour les clandestins au bénéfice d'une aide médicale d'urgence.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Par ailleurs, il est question que vous réduisiez les aides relatives à certains dispositifs médicaux et la prise en charge des affections de longue durée (ALD), c'est-à-dire notamment les diabètes ou les cancers.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Soigner le corps et la vie, c'est soigner les plus jeunes et les plus vieux, les plus pauvres et les plus riches, les petites maladies et les affections longues, sans réduire les soins à leur coût. C'est l'essence même de la solidarité nationale pour notre protection sociale.
Madame la ministre, rassurez-nous et dites-nous qu'il ne sera jamais question de faire des économies sur le dos de ceux qui se battent pour vivre et pour guérir, parfois pendant des mois, voire des années, alors que tellement d'argent est gaspillé par ailleurs !
Pouvez-vous nous garantir que les économies que vous comptez faire ne seront pas au détriment de la prise en charge ou de la qualité des soins, c'est-à-dire au détriment de la santé des Français, mais plutôt en vous attaquant à la fraude sociale ou en réduisant drastiquement les dépenses inutiles des agences régionales de santé (ARS), ces machines technocratiques qui suradministrent la santé mais ne soignent personne !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Je vous remercie de votre question, mais, une fois de plus, elle reprend la longue litanie des propositions faciles, approximatives et totalement hors sujet.
Vous posez des questions légitimes, qui concernent comme chaque année des dispositifs dont la pertinence peut être examinée. Vous avez soulevé une question relative aux ALD, qui touchent 20 % de nos concitoyens, soit 13 millions de Français. Deux tiers des remboursements effectués par l'assurance maladie concernent ces affections : il n'est donc pas illégitime d'examiner la pertinence des dispositifs correspondants, comme cela a été fait régulièrement. Compte tenu du vieillissement de la population et de l'augmentation du nombre des pathologies chroniques, nous savons que le montant des enveloppes consacrées aux ALD ne fera qu'augmenter.
Vous avez évoqué des économies effectuées dans les hôpitaux, mais jamais ils n'ont été aussi bien accompagnés que ces dernières années, par les gouvernements successifs.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, LR, SOC et Écolo – NUPES.
Depuis la crise du covid, la garantie d'accompagnement des hôpitaux a permis de sanctifier les budgets hospitaliers.
Sur le fond, vos propositions sont illogiques, monsieur Bentz. En janvier 2023, lors de la journée de niche de votre groupe, vous étiez rapporteur d'une proposition de loi visant à exonérer de cotisations sociales patronales les augmentations de salaire jusqu'à 10 %.
Vous plaidiez donc pour la fragilisation des recettes de la sécurité sociale et de l'assurance maladie, alors qu'aujourd'hui vous faites de grandes tirades hors sujet sur d'éventuelles économies.
Mme Géraldine Grangier s'exclame.
Encore une fois, il est normal de s'interroger, sur la pertinence des dispositifs ; c'est ce que nous faisons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La semaine dernière, le Président de la République a annoncé l'instauration de prix planchers visant à garantir un juste revenu aux agriculteurs. Cette annonce n'a pas manqué de faire réagir les extrêmes, de droite comme de gauche, qui ont espéré nous mettre dans l'embarras en revendiquant l'origine de cette idée, comme ils l'ont fait il y a quelques minutes. Je suis au regret de vous le dire, c'est raté. Car si votre alliance RN – NUPES ne s'embarrasse pas des détails, pour notre part, nous y sommes attentifs.
De quoi parlons-nous exactement ? D'un texte LFI-RN qui vise à créer un énième comité annuel réunissant consommateurs, distributeurs, industriels et diverses associations, afin d'établir un prix plancher. Mais est-ce vraiment aux industriels de dire combien nos agriculteurs doivent être payés ? Est-ce aux associations environnementales de fixer le prix des productions agricoles ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Une fois que ces négociations auront échoué, tant les intérêts des participants divergent, appartient-il vraiment à l'État de fixer les prix de ce que nous mangeons ? Non !
L'histoire nous l'a montré, ça n'a jamais fonctionné. Mais à nouveau, pourquoi s'embarrasser des détails ? À l'opposé, la proposition du Président de la République se fonde sur le simple bon sens, en déterminant le prix plancher depuis une base solide, celle des indicateurs de coûts de production déjà existants ; ils sont définis depuis la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim 1, et sont déterminés avec l'interprofession.
C'est tangible, concret et efficace. Cessez de vous leurrer et de leurrer les Français : cette proposition n'est pas la vôtre.
Mêmes mouvements.
…comme les représentants de nombreuses filières qui nous l'ont dit à l'occasion du salon de l'agriculture, tant ils s'inquiètent de voir votre proposition appliquée.
Cependant, les indicateurs de coûts de production ne sont pas suffisamment pris en considération, ce qui constitue l'une des limites de la loi Egalim, au sujet de laquelle nous devrons travailler.
Comment comptez-vous rentre opérationnelle cette proposition du Président de la République, et selon quel calendrier ? Vous pourrez compter sur les parlementaires de la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le député fait claquer son pupitre.
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je vais essayer de frayer un chemin à ma voix au milieu du brouhaha.
Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES et LR.
Monsieur Izard, nous ne répondrons pas à cette crise agricole par des caricatures ; vous l'avez très bien expliqué et vous le savez mieux que personne. Depuis 2017, nous avons mis la question du partage de la valeur entre les producteurs, les industriels et les distributeurs au cœur du sujet du revenu agricole, avec les lois Egalim.
Celles-ci ont créé le cadre protecteur le plus important d'Europe, qui a permis de protéger des milliers d'exploitations, notamment laitières.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
Permettez-moi de rappeler que 90 % des volumes laitiers sont aujourd'hui sous contractualisation, ce qui est un progrès.
Est-ce suffisant ? Non, comme vous l'avez expliqué. Si nous avons remis deux fois sur le métier cette loi Egalim, afin d'aller plus loin dans la construction d'indicateurs de référence et de mobiliser les interprofessions pour qu'elles nous aident à coconstruire cette approche, nous voyons bien que des agriculteurs n'y trouvent pas leur compte, parce que l'esprit de ces lois n'est pas respecté.
M. Francis Dubois s'exclame.
C'est pourquoi, monsieur Alexis Izard et madame Anne-Laure Babault, le Premier ministre a choisi de vous confier une mission pour nous aider à aller un cran plus loin et protéger ces agriculteurs, qui nous nourrissent et sont chargés de notre souveraineté agricole et alimentaire.
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Vous disposez de quatre mois pour interroger les interprofessions, travailler à partir des précédentes missions parlementaires et nous faire des propositions, afin que nous proposions l'été prochain un texte qui pourrait être voté d'ici à la fin de l'année, visant à protéger les agriculteurs et à leur permettre enfin de vivre de leur travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Huit millions de morts et sept millions de déplacés internes : dans l'indifférence générale, le sang coule au Congo. La République démocratique du Congo (RDC) est victime de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Je vous parle de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre, de viols, d'exactions contre les enfants et les femmes, d'enrôlements forcés d'enfants soldats. Le sang coule au Congo.
Depuis vingt-cinq ans, la ville de Goma ainsi que le nord et le sud du Kivu sont confrontés à une crise humanitaire et sécuritaire déchirante. Des institutions internationales reconnues sonnent l'alarme depuis trop longtemps. Ainsi, l'Unicef et le Programme alimentaire mondial (PAM) préviennent que la surpopulation dans les camps de déplacés entraîne des risques accrus de maladies mortelles. Personne ne peut dire qu'il l'ignorait.
Pourtant, cette guerre est oubliée, alors que les matières premières – le cobalt, le lithium ou le coltan –, dont le trafic est à la racine de ces conflits, circulent librement et atterrissent jusque dans nos portables. Cette guerre est passée sous silence et pourtant nos téléphones sonnent.
En mars 2023, le Président de la République est venu à Kinshasa tenir une conférence économique sur les minerais stratégiques. Il a parlé d'argent, mais pas du sang des Congolais. Le monde est-il indifférent à la souffrance africaine ? Face à l'aveuglement volontaire des responsables politiques et économiques, je veux affirmer que pour nous, la vie des congolais compte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Jean-Louis Bourlanges et Benjamin Saint-Huile applaudissent également.
Il y a urgence : le M23, groupe armé directement soutenu par le Rwanda selon les rapports des Nations unies, s'est rapproché de Goma, ville de 2 millions d'habitants. Nous avons le devoir d'agir. Il a fallu attendre le 20 février pour qu'un communiqué du Quai d'Orsay déclare que la France est très préoccupée par la situation et appelle le Rwanda à cesser tout soutien au M23, ainsi qu'à se retirer du territoire congolais. Les mots sont importants, les actes le sont plus encore. Allez-vous geler la coopération militaire avec le Rwanda et prendre des sanctions économiques et diplomatiques ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Benjamin Saint-Huile applaudit également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux.
Permettez-moi de vous répondre nom du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Nous sommes très préoccupés par l'intensification des combats à l'est de la RDC, en particulier autour de Goma. C'est avec la plus grande fermeté que nous avons condamné la poursuite des offensives du groupe M23, tout comme nous condamnons la présence des soldats rwandais sur le territoire congolais et leur soutien au M23. Par ailleurs, la RDC doit travailler au désarmement des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Vous le savez, nous soutenons les initiatives de paix dans la région des Grands Lacs, comme celle de l'Angola que je salue.
Jeudi dernier, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, s'est entretenu avec ses homologues congolais et rwandais. Il était le porteur d'un message clair, que je peux moi-même relayer.
Nous appelons ces deux pays à la désescalade et à la reprise d'un processus de paix. Il y a une semaine, une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies était convoquée à l'initiative de la France pour évoquer la situation. Nous avons alors soutenu la prise de sanctions contre les responsables du mouvement M23 et ceux des FDLR.
Enfin, je voudrais souligner que la France se tient fermement aux côtés des populations congolaises, qui font face à ce drame humanitaire. En 2023, 38 millions d'euros ont été mobilisés pour les soutenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Des événements dramatiques, très éprouvants pour les familles et les soignants, se sont déroulés à quelques jours d'intervalle dans le service des urgences psychiatriques du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse-Purpan : deux patientes y ont été victimes d'agressions sexuelles et un patient s'y est suicidé. Ce dernier était hébergé dans les locaux de consultation et attendait depuis dix jours une hospitalisation, dans un établissement privé ou dans un établissement public.
Monsieur le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, dès que vous en avez été informé, vous vous êtes rendu sur place et avez participé à une réunion avec l'ensemble des acteurs hospitaliers publics et privés, ces derniers étant, en nombre de lits, majoritaires dans la métropole de Toulouse et le département de la Haute-Garonne. Vous avez alors annoncé différentes mesures devant permettre d'améliorer sans délai les conditions de prise en charge des urgences psychiatriques dans l'agglomération toulousaine et d'engager le nécessaire rapprochement entre acteurs publics et acteurs privés.
Outre ces mesures d'urgence, pouvez-vous nous indiquer la manière dont vous adapterez à plus long terme la filière psychiatrique à la dynamique démographique de la métropole et dont vous répondrez aux attentes légitimes de la communauté hospitalière et des citoyens de notre département ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Vous avez rappelé les événements dramatiques survenus à l'hôpital de Toulouse et je voudrais saluer, madame Iborra, votre mobilisation : elle nous a permis de recevoir tôt vos alertes et d'y réagir au plus vite. Je me suis rendu sur place – vous étiez d'ailleurs présente –, pour réunir l'ensemble des acteurs concernés par cette situation préoccupante. Inacceptable à proprement parler, celle-ci se traduit par de nombreux dysfonctionnements : le service des urgences psychiatriques est saturé, la prise en charge des patients est inadaptée et le manque de coopération entre secteur public et secteur privé est flagrant, alors que dans la métropole toulousaine, qui compte plus de 1 million d'habitants, 73 % des places de la filière psychiatrique sont opérées par des acteurs privés.
Le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) et moi-même avons pris des mesures immédiates, notamment l'ouverture de quinze lits supplémentaires au CHU de Toulouse et d'autres lits au centre hospitalier public Gérard Marchant, spécialisé en psychiatrie et en santé mentale. De plus, nous avons engagé un travail auprès des acteurs privés pour obtenir l'ouverture de nouveaux lits et nous avons décidé l'arrêt immédiat des hospitalisations dans les locaux actuels du service des urgences psychiatriques, dont je disais qu'ils étaient inadaptés. J'ai également souhaité qu'une cellule territoriale de régulation des prises en charge les répartisse plus équitablement entre le secteur public et le secteur privé. J'ai surtout commandé une mission à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), en lien avec Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités : nous pourrons ainsi établir un diagnostic précis de la situation et identifier les pistes de réorganisation de l'ensemble de la filière psychiatrique dans ce secteur.
Depuis quelques jours, des points d'étape réunissent l'ensemble des acteurs concernés, sous la supervision du directeur de l'ARS, afin d'améliorer la prise en charge. Croyez que je veillerai à ce que cette coopération donne des résultats au bénéfice des patients.
Gérer les centaines de milliers de pièces d'une centrale nucléaire est un véritable casse-tête, c'est un vrai puzzle ! C'est pourquoi, au printemps dernier, le PDG d'EDF, a demandé la numérisation de dizaines de millions de données permettant de référencer ces pièces.
Tout y passe dans nos cinquante-six réacteurs, et c'est très bien ! Grâce à des outils utilisant l'intelligence artificielle (IA),…
…une maintenance prédictive pourra être assurée : les références de toutes les pièces pourront être examinées à la loupe, pour en contrôler l'origine, l'état du stock, l'historique ou encore les entrées et les sorties. Évidemment, ces données sont sensibles et ne doivent pas tomber entre toutes les mains.
Rappelons en effet qu'elles se rapportent à des installations nucléaires, dont les éléments commerciaux et industriels sont protégés par le secret. L'intérêt de la numérisation engagée est d'améliorer la gestion des stocks, si utile pour organiser une maintenance des installations dont la qualité a pu, encore récemment, être mise en doute.
Le hic – parce qu'il y en a bien un –, c'est que tous ces secrets industriels seront confiés à Amazon…
…et à sa filiale Amazon Web Services (AWS), spécialisée dans les services de cloud, pour 860 millions d'euros. Telle est la mission sensible qui reviendra à Amazon.
Monsieur le ministre, je m'interroge : n'êtes-vous pas gêné d'agir contrairement à la stratégie nationale pour le cloud, qui vise notre souveraineté – vous l'avez d'ailleurs répété à l'envi – ou au moins la création d'un nuage sécurisé en France ou en Europe ? N'êtes-vous pas gêné de savoir que l'hébergement de données nucléaires sensibles relèvera pour une part du droit américain ? Vous n'êtes pourtant pas sans savoir qu'Edward Snowden a révélé dès 2013 que les services de renseignement américains se servaient de ces données. Nous, nous sommes gênés : que nous répondez-vous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.
Monsieur Gosselin, si vos propos étaient exacts, je serais tout aussi inquiet que vous. Je vais donc vous rassurer.
Lundi dernier, j'ai visité la centrale nucléaire du Bugey, en présence du PDG d'EDF Luc Rémont, de salariés d'EDF et de représentants des organisations syndicales. À la demande de ces dernières, nous avons justement évoqué cette question et le président-directeur général d'EDF s'est montré très clair à ce sujet : il s'agit seulement d'une expérimentation, qui ne concernera que les données classifiées C1. Vous connaissez la classification en vigueur et je puis donc vous assurer que toutes les données que vous avez mentionnées et dont le caractère est extrêmement sensible ne seront pas transmises à des tiers autres que des entreprises françaises souveraines.
Soyez donc rassuré : si vous avez exprimé une telle crainte, c'est sans doute que vous avez été mal renseigné, comme le journal qui l'a relayée. Il n'est en aucun cas envisagé que des données sensibles soient transmises à qui que ce soit.
Il n'empêche : même si toutes les données que j'évoquais ne sont pas concernées, il a bien été question de transmettre un certain nombre d'entre elles vers un cloud non souverain. L'expérimentation est une chose et je n'ai rien contre les Américains, qui sont et resteront nos alliés, mais suis convaincu que notre intérêt, dans le domaine nucléaire comme dans d'autres, est de garantir la souveraineté de notre cloud : nous avons encore beaucoup à accomplir pour ce faire.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Rabault.
L'ordre du jour appelle les questions sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Stéphanie Kochert.
D'abord, je remercie le groupe MODEM, qui, avec le groupe Horizons et apparentés, a souhaité inscrire à l'ordre du jour des questions sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux.
Comme l'ont expliqué Mme Desjonquères et M. Morel-À-L'Huissier dans leur rapport sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d'information du 10 octobre 2019 sur l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, des obstacles subsistent dans l'accès au service public de la santé. Les départements ruraux sont particulièrement défavorisés et moins bien desservis que les départements urbains. L'accès aux soins pour tous est malheureusement un idéal inatteignable.
Quelques exemples tirés du rapport sont alarmants : 33 % de la population vit en milieu rural, alors que seulement 25 % des médecins généralistes y sont installés ; 6 millions de Français résident à plus de trente minutes d'un service d'urgence – 75 % d'entre eux vivent en milieu rural.
La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, proposée par le député Frédéric Valletoux, est une première étape pour remédier aux inégalités territoriales de santé. Ce texte fait du territoire de santé l'échelon de référence de l'organisation locale de la politique de santé. Il réforme les conseils territoriaux de santé (CTS) – qui sont, en liaison avec les agences régionales de santé, les ARS, les organes de gouvernance des territoires de santé –, afin de leur permettre de garantir, en matière d'accès aux soins, un équilibre et une solidarité entre les territoires.
Néanmoins, il faut poursuivre nos efforts pour désenclaver les zones rurales qui sont de réels déserts médicaux, notamment en réformant les ARS. Celles-ci ont en effet montré leurs limites et souffrent de dysfonctionnements. Le guichet unique, instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, n'a jamais été mis en place dans la plupart des territoires, notamment en Alsace, faute d'actions concrètes en faveur des structures. Les médecins, notamment les internes qui s'installent en milieu rural, restent très mal accompagnés. Pour répondre à ces enjeux, il faut donc changer notre mode de gouvernance en s'appuyant davantage sur les départements et les préfets.
Merci, chère collègue.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Vous avez tout à fait raison, nos concitoyens attendent avec impatience des politiques publiques de qualité en matière de santé ou d'éducation. Ils ont bien raison.
Vous avez évoqué la question des déserts médicaux en milieu rural. Il en existe également en milieu urbain ; cette question est très prégnante. Aucun acteur seul ne peut assurer la proximité des services publics de santé – ni de celle d'aucun autre service public. Cette proximité est le fruit d'un partenariat avec les collectivités locales, notamment les communes, les intercommunalités et les départements.
Je m'étonne de commencer mon propos relatif à la santé en vous disant à quel point nous avons besoin des collectivités territoriales. Nous avons fixé l'objectif de doubler le nombre de maisons de santé ; nous souhaitons en créer 4 000 d'ici à 2027. Ce travail est en cours. Parmi les 125 maisons de santé que j'ai visitées, celles qui se trouvent en ruralité et qui fonctionnent sont celles gérées par un quatuor composé de la collectivité à l'initiative du projet – intercommunalité, commune –, de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), qui comprend des professionnels de santé libéraux exerçant sur le territoire, de l'ARS et du préfet. Grâce à ce quatuor, auquel le département et la région peuvent être associés, on arrive à bâtir un projet de maison de santé, qui peut consister en la rénovation et la réorganisation des murs, nécessaires à l'accueil des professionnels de santé. Si la maison est bien organisée et permet de loger des médecins, grâce à l'argent injecté par l'État pour accompagner le porteur du projet, quelques internes seront intéressés.
Je suis prête à vous faire part de quelques belles expériences qui montrent qu'ensemble, il est possible de créer un service public de santé, parce que le lieu a attiré de jeunes médecins. Pour peu que la région ou l'intercommunalité décide de salarier les médecins, ce qu'ils réclament instamment, le projet se réalisera.
J'aurai sans doute l'occasion plus tard d'aborder les nombreux autres points que je souhaite évoquer.
Depuis des dizaines d'années, nous, habitants des territoires ruraux, nous sentons trop souvent délaissés par la République. Si des efforts ont été fournis depuis 2017, ils restent insuffisants, parfois brouillons et mal coordonnés.
Comment peut-on encore accepter que des pans entiers de l'action de l'État échappent aux préfets dans les départements ? Combien de temps supporterons-nous encore que les décisions prises par les ministères chargés de l'éducation nationale ou de la santé ne prennent nullement en considération les questions d'aménagement du territoire et soient totalement incohérentes avec les politiques en faveur de la ruralité menées par d'autres ministères – notamment par le vôtre ? Nous avons besoin que les services de l'État fassent de nouveau preuve de cohérence, y compris l'éducation nationale, la santé, les finances publiques, sous l'autorité du préfet, seul représentant de l'État, garant de l'aménagement du territoire et de l'égalité républicaine.
Nous devons aussi mettre fin à la concentration dans les villes. Il faut cesser de penser uniquement en termes de service rendu. Pour compenser la fermeture d'une trésorerie dans un territoire rural, on ne peut envoyer des agents travailler une journée dans une maison France Services pour fournir un service à des habitants marginalisés. Ces territoires font partie de la France, des administrations doivent donc y être implantées. Elles ne doivent pas l'être uniquement dans des préfectures où les fonctionnaires travaillent et vivent au quotidien.
Enfin, les services publics ne se limitent pas aux services fournis par la fonction publique. Nous ne pouvons plus supporter que les entreprises assumant des missions de service public – je pense, par exemple, à La Poste ou à Orange – abandonnent des territoires ruraux, laissant pendant des mois les poteaux téléphoniques à terre ou livrant le journal du matin à dix-sept heures. Nous devons exiger que les opérateurs soient davantage présents et fournissent plus de services. En contrepartie, un financement pourrait leur être alloué.
Madame la ministre, êtes-vous prête à promouvoir une politique cohérente et ambitieuse pour nos territoires ruraux afin de mettre fin à toutes ces ruptures d'égalité républicaine ?
Vous le savez, je suis moi aussi une habitante et une députée de la ruralité, avec 115 communes dans ma circonscription. Vous avez raison : les territoires ruraux continuent à être animés par un sentiment de relégation – bien qu'en moindre proportion, me semble-t-il. Depuis juillet 2022, d'abord en tant que secrétaire d'État à la ruralité, j'ai énormément travaillé sur ce sentiment d'être laissé pour compte.
Ce travail a abouti au lancement du plan France ruralités par la Première ministre le 15 juin 2023. Nous avons désormais besoin de temps pour recruter, mettre en œuvre ces politiques et apporter ces services dans les territoires. Avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la direction générale des collectivités locales (DGCL) et les préfets de départements, nous mettons les bouchées doubles.
Vous évoquez deux sujets, la santé et l'éducation, et demandez pourquoi les autorités locales ne rendent pas compte aux préfets. Les instances de dialogue créées pour que cela fonctionne mieux n'existent pas encore partout, mais les conseils départementaux, les députés et sénateurs doivent, aux côtés du Dasen – le directeur académique des services de l'éducation nationale – et d'autres parties prenantes, travailler sur le sujet des fermetures de classes en milieu rural. Les fermetures d'écoles sont déjà impossibles sans l'accord du maire. Comment procéder pour les fermetures de classes ? Cela se travaille territoire par territoire, en faisant du cousu main.
Peut-on faire un RPI, un regroupement pédagogique intercommunal, afin que quelques communes aient la même école ? J'ai visité un établissement, à Saint-Étienne-sur-Usson, dans le Puy-de-Dôme, vendredi dernier, au fin fond de la ruralité. Il comportait dix-huit élèves et deux classes, parce que les autres écoles étaient trop éloignées pour faire un RPI : faut-il aller jusque-là ?
Il en va de même concernant la santé : les préfets ont la main en cas de crise, en liaison avec les ARS – on l'a vu pendant le covid. La concertation vous semble peut-être insuffisante, mais elle fonctionne.
J'appelle votre attention sur un enjeu d'une importance cruciale : nos zones rurales sont confrontées à une crise profonde de l'accessibilité aux soins de santé. Un tel constat n'est pas négligeable quand on sait que les territoires ruraux représentent 91,5 % du territoire français et 88 % de nos communes. Les habitants de ces territoires subissent gravement la tendance à la désertification médicale. Dans ces régions, les données récentes montrent une diminution alarmante du nombre de médecins généralistes et de spécialistes.
La collectivité européenne d'Alsace note que sur les 880 communes de la région – où se situe ma circonscription –, 130 sont considérées comme des déserts médicaux. Au total, 103 000 habitants sont concernés. Les dispositifs, tels que les contrats d'engagement de service public (CESP), s'avèrent souvent insuffisants pour inciter les médecins à s'installer dans ces zones sous-dotées.
En France, 63 % des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes. Ce chiffre, qui ne cesse de progresser, entraîne des effets en cascade, parmi lesquels l'allongement des délais de prise en charge, le renoncement aux soins ou encore la diminution de l'espérance de vie des populations rurales par rapport à la population générale.
Madame la ministre, des politiques publiques adaptées aux territoires ruraux sont possibles. Un rapport d'information de l'Assemblée nationale présentait certaines mesures, parmi lesquelles on peut citer la pérennisation des dispositifs fiscaux et sociaux en faveur des zones rurales ou encore l'accueil, dans chaque préfecture et sous-préfecture, d'une maison France Services.
D'autres mesures sont possibles. Pour ma part, dans ma circonscription, je bataille depuis des mois pour qu'un médecin béninois, habilité à travailler en France, puisse enfin obtenir son droit d'exercer au Pôle Sud Alsace. À la lumière de tels faits, permettez-moi de vous demander quelle stratégie le Gouvernement entend-il privilégier pour assurer un maillage territorial adéquat des services médicaux ?
La santé est le premier souci de nos concitoyens, c'est bien normal. Nous savons que leur exigence est totale. Néanmoins, nous nous sommes saisis dès 2017 de cette problématique, en prenant des mesures structurelles qui doivent permettre de régler notre problème de démographie médicale à long terme. C'est pourquoi nous avons supprimé le numerus clausus. En la matière, il n'y a pas de solution facile. La seule certitude, c'est qu'il nous faut continuer à bâtir en partant des territoires et des projets qu'ils défendent.
Nous continuerons à créer, à imaginer des solutions, mais celles-ci doivent provenir des collectivités locales. Je ne vous demande pas de nous admirer, mais je citerai quelques actions concrètes, comme le doublement des maisons de santé en trois ans – jusqu'à 4 000 en 2027 –, qui bénéficie d'un accompagnement financier de l'État à hauteur de 45 millions d'euros.
L'un des quatre axes du plan France ruralités comporte en outre trente solutions de proximité, dont l'une consiste à déployer dès à présent 100 médicobus partout en France.
Mme Catherine Couturier s'esclaffe.
Invitez vos départements ou vos intercommunalités à s'en saisir – l'ANCT pilote le projet.
Quant à la création d'une quatrième année d'internat de médecine générale pour inciter les médecins généralistes à s'installer en zones sous-dotées, elle constitue une mesure de moyen terme.
Je citerai également le recrutement de 10 000 assistants médicaux et infirmiers en pratique avancée – les IPA. J'ai visité des maisons de santé qui sollicitent des IPA et ça se passe très bien : les médecins comme les jeunes diplômés sont très heureux des possibilités de pratiques avancées qui leur sont offertes.
Mme Catherine Couturier mime un joueur de pipeau.
Je citerai encore le renforcement de l'action des ARS dans les territoires – au moyen d'un décret leur permettant de déroger aux normes réglementaires – afin de répondre à un besoin particulier local. Peu d'élus locaux et de concitoyens ont connaissance de ce dispositif : saisissez-vous en.
Enfin, le zonage France ruralité revitalisation (FRR) propose des exonérations fiscales et des déductions de charges sociales à tout médecin qui voudrait s'installer dans 17 500 – sur 28 000 au total – communes rurales, lesquelles deviennent donc plus attractives.
Nous débattons d'un rapport tout en nuances sur les services publics dans la ruralité, qui montre à la fois une évolution dans la prise en compte de la ruralité dans les politiques publiques et, surtout, la persistance, voire l'accroissement du sentiment d'abandon.
Ce ressenti a encore été vivifié, parfois réveillé, à la suite de l'annonce de fermetures de classes dans des petites communes. L'école du coin, c'est la République dans les campagnes : un service dont on se dit que celui-là, au moins, on n'y touchera pas. Dans certaines communes, il ne reste pourtant parfois que deux services au public : l'école et la mairie. Vous connaissez bien la réaction suscitée par l'annonce des fermetures de classes. Dans ma circonscription, elle a pris corps dans la vive mobilisation des familles, dont je voulais me faire l'écho dans cette chambre.
En milieu rural ne règne pas qu'un sentiment d'abandon. Il y a aussi de la colère – une colère qu'on oublie un peu trop facilement derrière le mot, plutôt vague, de « sentiment ». Je la ressens trop souvent, notamment pour ce qui concerne les difficultés d'accès aux soins. Une question revient : où est passé le service public de santé ? La colère porte aussi sur l'impossibilité de se faire soigner par le médecin dans la commune, voire dans les environs ; sur l'obligation de faire des kilomètres pour se rendre à l'hôpital le plus proche ; de rouler pendant quarante-cinq minutes pour aller accoucher ; de sortir du département afin de trouver un pédiatre pour son enfant.
Le Gouvernement n'a de cesse de répéter que la santé est le chantier prioritaire. Il n'a pourtant rien entrepris pour que tous les habitants et toutes les habitantes disposent enfin d'un service d'urgences et de santé à moins de vingt minutes de leur domicile. Pire, il laisse fermer, à l'instar des classes d'école, des services essentiels de proximité – d'urgences, de maternité ou de psychiatrie.
À Redon, à Ancenis ou à Blain, l'État doit soutenir les hôpitaux publics à la hauteur des besoins, pour que ni des services ni l'existence même de ces établissements ne se trouvent un jour menacés.
Emmanuel Macron disait en conférence de presse, le mois dernier, qu'il fallait responsabiliser les patients. Peut-être, mais je lui réponds que l'État doit, avant tout, prendre ses responsabilités pour sauver le service public de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous dites qu'il ne s'agit pas d'un sentiment mais d'une colère et c'est bien dommage, monsieur le député, parce que, vous l'avez compris, ce gouvernement essaie de ne pas nourrir des angoisses que certains, dans cet hémicycle, font monter. Il cherche plutôt à apporter des preuves et des solutions de proximité. Ces dernières ne sont pas parfaites, bien sûr, mais regardons le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.
Le plan France ruralités ne peut d'ores et déjà produire des services publics pleinement fonctionnels, puisqu'il a été annoncé le 15 juin dernier. Le programme Villages d'avenir, par exemple, implique de l'ingénierie pour les collectivités. Elles en sont à la fin de la phase de recrutement et de formation : il portera ses fruits demain.
Quant aux trente solutions que j'évoquais précédemment et qui touchent aux sujets que vous évoquez – l'éducation nationale, la santé –, elles visent à améliorer la qualité de vie des habitants.
Aussi, quand vous dites « Prenez conscience et agissez », je réponds : nous avons conscience de la situation, nous partageons votre diagnostic et nous agissons. Le plan France ruralités prévoit 90 millions d'euros pour les mobilités, pas moins. Il faut toutefois que les départements, les collectivités, les intercommunalités s'en saisissent. Nous sommes à la fin du mois de février ; ce plan a été annoncé le 15 juin 2023 et se déploie depuis le 1er janvier. Je suis à votre disposition pour échanger avec vous et le faire connaître en Loire-Atlantique, de sorte que les trente solutions du plan se déploient au plus vite, main dans la main avec les maires, les intercommunalités et les départements.
Nous agissons, en effet : nous avons par exemple rouvert six sous-préfectures. Et quand l'existence d'une maison France Services fait sens, nous la déployons – elles seront 1 750 à la fin de l'année. Vous ne parlez que des écoles et des mairies mais ce ne sont pas les seuls services publics concernés. Il y a des maisons France Services à moins de trente minutes partout en France. En se rendant dans la commune voisine ou dans le centre-bourg de l'intercommunalité, on y trouve neuf services publics, parfois un dixième et un onzième. Regardons le verre à moitié plein et travaillons ensemble au service des habitants de la ruralité.
Nous ne pouvons aborder la question du soutien aux services publics dans la ruralité sans reconnaître la difficulté de l'État à garantir un accès digne à la santé à chacun et à chacune, qu'importe son lieu de vie, ses moyens ou son âge. Le constat est sans appel : nous sommes confrontés à des besoins de santé croissants, avec un Gouvernement incapable d'imaginer une réponse planifiée à ces besoins, en particulier dans les milieux ruraux, où la démographie médicale et sociale plonge.
Ma circonscription, en Dordogne, n'est pas épargnée : il n'y a que 67 médecins pour 100 000 habitants et nous sommes passés de 700 à 1 500 enfants placés ces dix dernières années, par exemple. La médecine de ville craque, la protection de l'enfance craque, les centres médico-sociaux psychologiques craquent, les maternités sont menacées de fermeture, les Ehpad se retrouvent sans médecin référent. Nous savons d'ores et déjà que les besoins vont exploser dans les prochaines années, mais la détresse des secteurs de la santé et du social est à l'image des politiques d'austérité budgétaire successives qui condamnent les services publics à la détérioration.
Comment débattre sereinement de l'accès aux services publics dans la ruralité alors que le Gouvernement a annoncé, la semaine dernière, 10 milliards d'euros de saignée budgétaire ? Nous ne pouvons faire mieux avec moins de moyens : ce constat simple devrait faire l'unanimité. Notre système de soins est totalement inopérant pour faire face au vieillissement croissant de la population et à l'augmentation drastique des maladies chroniques.
Nous devons nous poser les bonnes questions : comment former et donner envie aux nouvelles générations de rejoindre les métiers du soin et de la santé ? Comment donner envie aux générations actuelles de rester et de travailler dignement, avec un salaire à la hauteur de leur contribution à la société ? Comment prendre soin de celles et ceux qui prennent soin de nous ?
Madame la ministre, face à la désertion des professions de santé et à l'augmentation des besoins de la population, quand et comment allez-vous, enfin, faire de l'accès aux soins une priorité gouvernementale à long terme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je commencerai par un point qui m'interpelle dans votre propos : comment peut-on faire mieux avec moins ? Je viens d'un monde dans lequel j'ai appris à faire mieux avec moins. Il faut tout simplement être capable de remettre en cause les pratiques et les fonctionnements. Cela demande beaucoup de courage, c'est difficile, mais on doit pouvoir y arriver.
Gouverner la France, ce n'est pas seulement déverser de l'argent dans les territoires pour améliorer l'éducation ou la santé. Certes, elles en ont besoin et, vous avez raison, il faut prendre soin de nos concitoyens, mais il faut être conscient de la situation de nos finances publiques : notre dette s'élève à 3 000 milliards d'euros et le montant des frais financiers, qui est de 40 milliards à ce jour, atteindra 70 milliards en 2027 !
Nous devons donc suivre la trajectoire européenne si nous voulons que la note de la France ne soit pas dégradée. Néanmoins, il nous faut parvenir à assurer un service public médical et à améliorer la qualité du « prendre soin », comme vous le dites.
Vous nous interpellez, d'autre part, sur la nécessité d'anticiper. C'est précisément ce que nous avons fait, en supprimant le numerus clausus et en créant une quatrième année d'internat en médecine générale, qui donnera davantage de résultats que vous ne le pensez – nous pourrons en discuter si vous le souhaitez. Grâce au dispositif d'incitation à l'installation en zone sous-dense, grâce au dispositif FRR, inscrit dans la loi de finances pour 2024 et qui permet à des médecins de ne payer ni impôts ni charges sociales pendant huit ans, grâce aux secrétariats médicaux mis à leur disposition par de nombreuses collectivités et financés par l'ARS et l'État, on voit revenir les médecins libéraux dans les zones rurales. Certaines collectivités emploient également des médecins en tant que salariés, avec l'aide de l'ARS, qui abonde assez régulièrement leur budget en cas de déficit.
En outre, je le répète, 100 médicobus sont prévus d'ici à la fin 2024. Il me tarde que le premier arrive dans les territoires, car chacun d'entre eux permettra d'organiser une permanence pour une dizaine de villages, à l'instar des bus France Services. Cela fonctionnera : nous nous sommes inspirés du succès du gynécobus, qui se déplace dans le Var.
Je l'espère !
Déverser de l'argent dans les territoires, on en est loin, surtout depuis que le ministre de l'économie a annoncé 10 milliards d'économies !
Mme Catherine Couturier et M. Jean-Claude Raux applaudissent.
Ce sont, du reste, souvent les collectivités qui paient le prix fort lorsque des décisions de ce type sont prises – mais ce n'est pas l'objet de ma question.
Sous la précédente législature, mon prédécesseur, Jean-Paul Dufrègne, avait réalisé, avec Jean-Paul Mattei, une évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. À l'issue de nombreuses auditions et de rencontres sur le terrain, ils avaient formulé vingt-trois propositions dans des domaines tels que la couverture numérique, les mobilités, la santé, l'accompagnement, etc. Ces propositions restent, pour la plupart, d'actualité.
S'agissant de la couverture numérique, la promesse d'Emmanuel Macron d'apporter la fibre à tous en 2025 ne sera pas tenue. Dans les zones rurales, le déploiement de la fibre plafonne – le taux de raccordement est de 74 % – parce que le raccordement de certains territoires est jugé trop coûteux et trop compliqué et que les aides de l'État demeurent insuffisantes pour remédier aux difficultés des réseaux d'initiative publique.
D'autre part, près de 48 % de nos concitoyens sont confrontés à au moins un facteur qui les empêche d'utiliser pleinement les outils numériques et internet. La crise sanitaire a ainsi révélé que près d'un quart des personnes âgées de 18 à 24 ans rencontrent des difficultés pour réaliser seules des démarches en ligne.
À l'heure de la dématérialisation croissante des démarches administratives et de l'éloignement accru des services publics, le cumul des difficultés en matière d'accès de tous au numérique ne peut qu'accentuer le sentiment d'abandon que vivent les habitants des territoires ruraux. L'État entend-il soutenir les nombreuses initiatives des collectivités territoriales et des associations en y consacrant des moyens budgétaires enfin adaptés aux attentes des habitants de nos territoires ?
Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement n'a pas agi en matière de couverture mobile et fixe : il a agi, et ce, comme je l'indiquais tout à l'heure à l'un de vos collègues, main dans la main avec les collectivités locales, notamment les départements, qui se sont saisis du dossier. C'est ensemble que nous déployons la fibre optique.
La question figurait dans l'agenda rural, et les mesures prises sont efficaces. Nous nous sommes engagés à hauteur de 3,5 milliards pour garantir une couverture numérique par la fibre optique de l'ensemble du territoire national d'ici à 2025. Vous affirmez que nous n'y parviendrons pas ; peut-être avez-vous raison. Nous reviendrons vers vous, le cas échéant, pour vous exposer ce que nous envisageons de faire afin d'achever le déploiement. Cependant, vous n'êtes pas sans savoir qu'Orange va fermer son réseau cuivre. Il va donc bien falloir que la fibre optique s'y substitue. Nous verrons alors comment couvrir, en milieu rural, les derniers kilomètres – ce qui revient le plus cher et est le plus compliqué à faire.
Grâce au plan France très haut débit, 84 % des foyers bénéficient d'une connexion à haut débit grâce à la technologie « fibre jusqu'à la maison » (FTTH). Les réseaux d'initiative publique, portés par les collectivités avec le soutien de l'État, permettent d'assurer une couverture qui, d'après ce que j'ai vu lors de mes déplacements dans les départements, paraît très intéressante. Reste celui de la Creuse, où je me suis rendue en décembre et avec lequel je vais travailler, car il est confronté à des difficultés juridiques qui l'empêchent d'achever le déploiement.
Grâce au New Deal mobile, 99,8 % des Français vivent dans une zone où au moins trois opérateurs offrent une couverture 4G et 98 % du territoire sont couverts par une offre de ce type. Bien entendu, nous allons faire mieux, et vous avez raison de nous interroger sur cet enjeu majeur de la lutte contre l'isolement. Toutefois, je conclurai en rappelant que 3 800 conseillers numériques formés sont en poste depuis 2021. Ils ont souvent été recrutés par des intercommunalités ou des mairies et ont permis de réaliser 3,2 millions d'accompagnements auprès de 2 millions de citoyens.
Les ressorts d'une installation ou de la décision de demeurer en milieu rural sont bien documentés ; la qualité des services publics en fait partie.
Or la suppression de 650 postes dans l'enseignement primaire a suscité, partout en France, la mobilisation de parents d'élèves, d'enseignants et d'élus locaux. L'annulation annoncée de 691 millions d'euros de crédits, dont 592 millions pour l'enseignement public, va accroître les difficultés rencontrées par les enfants, en zone rurale comme en zone urbaine ou périurbaine.
La solution consiste, non pas à opposer les enfants entre eux en fonction de leur lieu de résidence, mais à consacrer les moyens nécessaires pour que la baisse du nombre des élèves s'accompagne d'une amélioration des conditions d'encadrement. C'est la seule solution pour sortir par le haut de la situation tendue qu'on observe dans tous les territoires, en particulier dans la ruralité.
S'agissant de l'accès aux soins, en vingt ans, le nombre des professionnels de santé, et d'abord des médecins généralistes, installés dans les territoires ruraux, ainsi que dans les quartiers populaires, s'est effondré. Cette spirale négative ne peut être enrayée sans recourir à une régulation des installations, comme c'est le cas pour les pharmaciens ou les infirmiers. Des propositions, défendues par des députés de différentes sensibilités, sont sur la table. Allez-vous enfin en discuter ?
Quant aux moyens des communes, ils sont décisifs pour faire face aux besoins de service public dans les territoires. Les communes méritent donc également d'être soutenues, notamment par l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation. Par ailleurs, le programme 112, qui finance l'ANCT, l'outil des politiques territoriales en milieu rural, a été réduit de 26 millions d'euros. Ma question est simple : qui fera les frais de ces annulations de crédits ?
MM. Sébastien Peytavie et Sébastien Delogu applaudissent.
M'étant déjà suffisamment exprimée sur le sujet de la santé – je pourrai néanmoins y revenir si vous le souhaitez –, je dirai quelques mots sur l'école. Les fermetures de classes inquiètent, dites-vous, les parents et les collectivités, notamment les maires ; mais il ne faut pas négliger les avancées.
D'abord, il convient de prendre conscience de la baisse de la démographie française. C'est la raison pour laquelle le Président de la République appelle de ses vœux un « réarmement démographique ». Peut-être avez-vous les chiffres en tête : Paris, par exemple, compte de moins en moins d'enfants et on y ferme beaucoup de classes. Il en est de même dans la ruralité. Pourtant, à Saint-Étienne-sur-Usson, dans le Puy-de-Dôme, on a pu maintenir deux classes de neuf élèves, dont trois relèveraient d'une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis). Il s'agit, on le voit bien, de cousu main.
Pourquoi ? Parce que le dialogue est désormais – peut-être pas suffisamment – instauré entre l'éducation nationale, représentée par le Dasen dans les départements, les préfets, qui connaissent bien les collectivités, et les élus locaux.
Les maires nous ont demandé d'anticiper les ouvertures ou les fermetures de classes. Nous leur avons donc annoncé, avec Pap Ndiaye et la Première ministre Élisabeth Borne, qu'ils auraient de la visibilité en la matière dès la rentrée 2024 et qu'ils pourraient ainsi adapter leurs travaux de réhabilitation aux garanties qu'ils recevront. Des instances de dialogue visant à informer, à écouter et à comprendre les spécificités ont été installées – certes, pas encore partout – et un bonus a été créé pour encourager les regroupements pédagogiques intercommunaux.
Il me semble qu'en anticipant et en favorisant le dialogue, nous prenons en considération les difficultés que rencontrent les familles de la ruralité. Je constate, du reste, qu'elles acceptent désormais les classes comprenant un tout petit nombre d'élèves, même lorsqu'elles regroupent quatre niveaux différents, de la petite section au CM2.
Puisque mon collègue Dharréville a abordé la question de la présence de l'éducation nationale dans les territoires ruraux, que je souhaitais moi-même évoquer, je vais plutôt réagir aux explications que vous lui avez données.
En réalité, le dialogue est très difficile. En effet, le Dasen se voit imposer par son recteur, qui agit lui-même sur instruction de son ministre de tutelle, l'obligation de supprimer des postes. Dès lors, il n'est pas possible de faire du cousu main, comme vous le dites. Faut-il rappeler que, sur les 10 milliards d'euros d'économies annoncées par Bruno Le Maire, 694 millions concernent le budget de l'éducation nationale – ce qui correspond, me semble-t-il, à 4 000 postes ?
On constate une inégalité entre, d'une part, certaines zones urbaines, notamment celles qui relèvent des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+), où les classes sont dédoublées et ne comptent que douze élèves – ce qui est très bien, au demeurant –, et, d'autre part, les territoires ruraux, où ce dispositif est interdit et où l'on ferme des classes de dix-huit ou dix-neuf élèves, de sorte que celles qui demeurent ouvertes en comptent en moyenne vingt ou vingt et un.
Les habitants des territoires ruraux ne sont pas des sous-citoyens ; ils ont, au même titre que les autres, le droit d'avoir des classes de quinze ou de seize élèves et de bénéficier d'une éducation de choix. Soyez-y attentive, madame la ministre.
Je ne vais pas redire ce que j'ai déjà dit à propos des instances de dialogue, qu'il vous faut solliciter si elles ne viennent pas jusqu'à vous : vous êtes fondés à participer et à réfléchir à cette question. Il n'y a pas de fatalité, d'automaticité. Vous l'avez compris, nous faisons un peu du cousu main, mais nous tenons compte des efforts consentis par les élus ainsi que des perspectives d'évolution – notamment de la baisse démographique, qui entraîne une diminution du nombre d'enseignants – et nous étudions les possibilités de mutualisation entre communes, le tout avec, chevillé au corps, le souci d'éviter une baisse de la qualité de l'enseignement.
Venez dans ma circonscription !
S'agissant de la réussite scolaire des plus jeunes, peut-être connaissez-vous les territoires éducatifs ruraux. Ce dispositif expérimental, qui vise à assurer une continuité dans l'accompagnement de l'élève dès l'école primaire, a d'abord été déployé dans certaines académies, où il a donné de très bons résultats. Nous avons donc décidé de l'étendre et de le financer sur l'ensemble du territoire.
Dans le cadre du volet éducation du Conseil national de la refondation (CNR), nous avons doté un fonds d'innovation pédagogique à hauteur de 500 millions d'euros sur cinq ans. Plus de 19 000 écoles et établissements ont manifesté une intention de concertation. Plus de 8 500 projets ont été élaborés par les équipes pédagogiques ; 3 000 d'entre eux bénéficient d'ores et déjà d'un accompagnement humain et financier.
J'entends ce que vous dites au sujet des baisses de dotation. Mais si nous travaillons davantage ensemble, si nous nous mettons autour de la table pour trouver des solutions, nous avons largement assez d'argent, au sein de l'éducation nationale – même en tenant compte des baisses annoncées par Bruno Le Maire –, pour faire mieux avec moins.
« En progrès, mais pourrait faire mieux » : voilà qui résume bien l'état de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Nombre de ces derniers ont le sentiment d'être à la croisée des chemins : si des efforts ont été accomplis ces dernières années – je pense notamment aux maisons France Services et aux bus mis à disposition par les départements ou les communautés de communes –, des difficultés persistent, causées en grande partie par une déshumanisation et une dématérialisation galopantes. Dans la ruralité, où la population est vieillissante, l'illectronisme est assez répandu – sans oublier, pour ceux qui manient l'ordinateur de façon plus aisée, que ces territoires sont loin d'être tous parfaitement raccordés.
Les maisons France Services et les bus ne sont pas la panacée. Les agents de ces structures, quoique très bien formés, ne peuvent être omniscients. Il n'est donc pas rare qu'ils doivent faire appel à l'administration pour répondre aux questions des administrés, et l'on peut regretter qu'ils n'aient pas plus facilement accès, par téléphone, aux différentes administrations.
L'une des grandes failles de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux tient à la déshumanisation – une déshumanisation dont les agents souffrent probablement eux-mêmes, tant le contact est au cœur de leurs missions. L'étude annuelle du Conseil d'État publiée en septembre dernier, intitulée « L'usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d'efficacité de l'action publique et une exigence démocratique », le résume parfaitement. Elle insiste sur « l'impératif de proximité », expliquant : « […] il faut des personnes pour parler aux personnes. Il y a notamment urgence à sortir du 100 % numérique en renouant avec l'accueil téléphonique et physique, à repérer et à accompagner de façon précoce ceux qui "ne rentrent pas dans les cases", à communiquer différemment auprès des usagers et à développer "l'aller vers", via les maisons France Services par exemple ou par une "livraison à domicile" de l'action publique. »
Madame la ministre, comment envisagez-vous la nécessaire réhumanisation des services publics ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Je me propose de revenir dans le Nord, monsieur le député, pour voir ce qui se passe dans les maisons France Services.
Je n'ai certes pas abordé ce sujet dans votre circonscription, mais sachez que le mot « déshumanisation » choquerait les agents de très nombreuses maisons France Services. Celles que j'ai visitées en tout cas – je ne prétends pas que ce soit le cas partout en France – sont bien loin d'une quelconque déshumanisation. Les agents qui les animent, qui déploient les neuf services publics que vous connaissez bien, sont très souvent accompagnés par des conseillers numériques – ils sont 3 800, formés et en poste partout sur le territoire –, ainsi que par des aidants numériques qui assistent dans leurs démarches les administrés qui ne souhaitent pas se former au numérique. Le dispositif Aidants Connect est ainsi un service public numérique qui permet de sécuriser l'accompagnement des démarches administratives dans un cadre légal quand la procédure est dématérialisée.
Comme je l'ai constaté à de très nombreuses reprises, les personnes qui souhaitent être formées au numérique assistent à des ateliers dans les maisons France Services. C'est l'occasion pour les conseillers numériques et les agents d'échanger avec elles : ces maisons sont ainsi des lieux de lien social. Nous sommes loin de la déshumanisation que vous mentionnez – si elle existe à certains endroits, n'hésitez pas à me le signaler. J'ai la ferme intention de faire avancer la situation, tant je suis convaincue qu'il n'y a rien de tel que l'humain – même le téléphone est souvent insuffisant. Il faut pouvoir rencontrer son interlocuteur ; maintenant que nos concitoyens vivent à moins de trente minutes d'une maison France Services, c'est chose possible.
Je partage néanmoins votre constat : des difficultés persistent pour les agents des maisons France Services. Lorsqu'ils sollicitent les administrations centrales – la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou autres –, ils ont besoin d'un accès prioritaire, afin de fournir une réponse plus rapidement aux administrés. Or ils ne disposent pas encore d'une ligne directe avec les neuf administrations qui les concernent. Je prends note de ce sujet, et j'y travaillerai.
« Une justice plus lisible, plus efficace, plus proche des citoyens » : ce ne sont pas là mes mots, mais ceux qu'a employés le Président de la République lors du lancement des états généraux de la justice en 2021. Or, ces dernières décennies, un trop grand nombre de Lot-et-Garonnais m'ont fait part des obstacles considérables qui les empêchaient d'accéder à des services juridiques de qualité : démarches trop complexes pour faire valoir leurs droits, temps d'attente trop longs des jugements… La justice est pourtant l'un des fondements de la République : sans justice, il n'y a ni sécurité, ni égalité. Il est de notre devoir de garantir son accès à chaque citoyen dans les meilleurs délais.
La majorité agit depuis 2017 pour réarmer le service public de la justice – politique publique trop souvent oubliée –, en particulier dans les territoires ruraux. Concrètement, nous avons augmenté de près de 50 % le budget de la justice depuis sept ans ; nous avons également fait adopter deux lois majeures en 2023, visant à moderniser le système, à rendre les métiers attractifs et à renforcer les effectifs. Lors de l'ouverture de la présente année judiciaire, la cour d'appel d'Agen, dans ma circonscription, a dressé un premier bilan positif : le nombre de dossiers en stock a diminué de moitié depuis 2019, et l'âge moyen global du stock est passé de dix-neuf à sept mois. Ce sont des avancées considérables que nous devons pérenniser.
Quels moyens concrets sont déployés dans les territoires ruraux, plus spécifiquement en Lot-et-Garonne, en matière de justice ? Quels résultats et quelles améliorations sont attendus dans les années à venir ?
Je veillerai à vous communiquer une réponse spécifique concernant la justice dans le Lot-et-Garonne, monsieur le député.
De façon plus générale, je tiens à rappeler que les états généraux de la justice, qui se sont conclus en février 2022, ont permis d'identifier des objectifs partagés. Il s'agit de rendre la justice plus rapide, plus efficace et plus proche en se concentrant sur trois axes : garantir partout l'accès au service public de la justice ; assurer la bonne information des élus officiers de police judiciaire (OPJ) ; mieux protéger les élus locaux victimes d'atteintes et de violences. D'ores et déjà, vous voyez certainement se déployer la formation, assurée par les délégués du procureur, de tous les élus de la République qui sont OPJ, particulièrement des maires et de leurs adjoints.
Le premier axe conduira à rapprocher les forces de l'ordre et la justice dans la ruralité. Nous sommes en très bonne voie, puisque 238 nouvelles brigades de gendarmerie seront créées. De nouveaux moyens sont également accordés à la justice pour que toutes les plaintes soient traitées rapidement et que toutes les victimes soient prises en charge – le tout, avec un meilleur maillage du territoire. Le ministère de la justice recrute encore, en ce moment même, 10 000 agents supplémentaires. Quant aux délégués du procureur, qui participent localement à la politique pénale, ils appliquent des mesures alternatives aux poursuites afin de rendre les démarches plus efficaces, plus justes et plus rapides.
L'aide aux victimes est pour sa part dispensée par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), qui sont parfois présents dans les maisons France Services. Pour rappel, nous comptons 101 CDAD et 2 685 points-justice.
Enfin, vous avez probablement connaissance du plan de prévention et de lutte contre les violences aux élus que j'ai lancé. Dans ce cadre, les procureurs ont pris l'engagement d'expliquer aux maires les raisons des éventuels classements sans suite. Nous progresserons encore dans ce domaine.
Depuis plusieurs semaines, de nombreux parents d'élèves, accompagnés d'élus et d'enseignants, se mobilisent contre les fermetures de classes qui ont été annoncées après la présentation de la nouvelle carte scolaire. Sachant le Gouvernement et la majorité engagés dans la refondation de l'école républicaine, je souhaite relayer la perception des habitants des communes rurales de ma circonscription : ils me font part d'un sentiment d'incompréhension, parfois de décalage, entre nos ambitions pour l'école et l'affaiblissement du réseau éducatif dans les villages.
Dans les territoires ruraux, l'école de la République représente souvent la dernière marque de service public. Elle est un lieu de vie où parents, enseignants, retraités et bénévoles se retrouvent pour assurer l'éducation des jeunes ; elle tisse un lien entre tous les acteurs du territoire, faisant vivre l'esprit de la nation ; elle permet aux enfants de gravir les paliers de l'échelle sociale.
Je sais l'action du Gouvernement en faveur de l'école : elle a permis de réintroduire, au cœur du projet éducatif, la confiance entre tous les acteurs, l'apprentissage des fondamentaux, le retour de l'autorité et de la responsabilité, ainsi que la lutte contre le harcèlement scolaire – cela n'avait jamais été fait auparavant. Pour déployer au mieux cette politique ambitieuse, il me semble essentiel de protéger l'école rurale. Les communes rurales touchées par les fermetures de classes sont souvent dynamiques, et font tout leur possible pour attirer de nouvelles familles. La fermeture d'une classe porte un coup d'arrêt à leur développement et peut mettre en péril la vitalité de ces territoires nombreux et essentiels à notre pays.
Afin de conjuguer la double ambition de redéployer l'État dans les territoires et de renforcer l'école de la République, l'État ne pourrait-il pas prendre en considération, au-delà du simple nombre d'élèves, le dynamisme des communes, des équipes pédagogiques et des associations de parents d'élèves, avant de décider de fermer une classe – ceci, au cas par cas et quand le nombre d'élèves ne s'éloigne pas trop de la moyenne nationale ?
Nous entendons renforcer le dialogue avec les acteurs de l'éducation ; et peut-être, comme vous le proposez, intégrerons-nous d'autres indicateurs dans les décisions, comme le dynamisme des communes – c'est de cela qu'il s'agit quand je parle de coûts humains. Pour avoir échangé avec elle, je sais combien la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Nicole Belloubet, est consciente de la situation de la ruralité et de la nécessité d'aller plus loin.
Qu'avons-nous déjà réalisé ? Comme l'avait annoncé Élisabeth Borne, nous garantissons aux maires des communes rurales que les fermetures de classes seront programmées trois ans à l'avance. Nous avons également créé des instances de dialogue qui réunissent toutes les parties prenantes ; il reste à les animer, sachant qu'elles ne fonctionnent pas encore partout. Enfin, nous devons peut-être travailler sur d'autres critères, comme vous le suggérez. Je ferai part de cette demande – que je soutiens – à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Le critère du nombre d'enfants par classe ne saurait suffire ; comme je l'ai déjà souligné, certaines classes accueillent par exemple des enfants relevant normalement d'une Ulis.
Nous disposerons d'une visibilité sur les évolutions démographiques du territoire à la rentrée 2024, et les communes seront informées des prévisions d'effectifs à trois ans. Le taux d'encadrement moyen sera appréhendé de façon spécifique dans les territoires ruraux, comme vous l'appelez de vos vœux à juste titre. L'élaboration de la carte scolaire est un travail fin fondé sur la concertation, qui répond tout à la fois à un objectif d'équité – celle-ci m'est chère, plus que l'égalité qui est difficilement atteignable – et de prise en compte des besoins spécifiques et locaux de chaque territoire – la spécificité des territoires m'étant chère, elle aussi. Travaillons ensemble pour mieux préparer encore la rentrée de 2024.
Comme l'a souligné la mission de suivi de l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, dont les conclusions ont été rendues en 2023, la prise en compte des territoires ruraux s'est nettement améliorée depuis 2017. Je l'ai moi-même observé dans ma circonscription de Charente-Maritime, où le maillage des maisons France Services s'est densifié : de telles maisons ont été ouvertes à Royan, Cozes, Saint-Genis-de-Saintonge, Pons, Jonzac, Mirambeau, Montendre, Montguyon et Saint-Aigulin, couvrant une large partie du sud du département.
La présence de services publics de proximité, dont les guichets regroupent plusieurs administrations afin de simplifier la vie au quotidien, constitue une avancée majeure. Néanmoins, dans des territoires enclavés comme celui du sud de la Haute-Saintonge, l'accès aux services publics reste difficile en raison de contraintes de mobilité. C'est pourquoi je soutiens l'ambition du Gouvernement, dans le cadre du plan France ruralités, de soutenir le développement de l'aller vers, afin d'assurer l'itinérance des services et de couvrir le dernier kilomètre – qui, il est bon de le rappeler, vise les citoyens plutôt qu'il ne commence dans les ministères parisiens. C'est une nécessité pour nos concitoyens les plus vulnérables dans les territoires ruraux.
Il existe certes des initiatives locales, comme la création par le département de permanences délocalisées de travailleurs sociaux et de conseillers numériques, notamment dans la commune de Cercoux. Une question se pose néanmoins : comment massifier ces initiatives en assurant une couverture suffisante du territoire ? L'un des écueils rencontrés par les élus sur le terrain réside dans la rigidité de la grille de lecture des services de l'État et dans des financements qui ne sont pas suffisamment flexibles pour toucher tous les citoyens. Il est par exemple prévu de faire circuler un bus médico-social dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de La Rochelle, alors que les zones rurales souffrent plus que tout de la désertification médicale. De même, le Bus du cœur des femmes n'intervient qu'entre La Rochelle et Saintes ; il ne couvre ainsi que la moitié du département et laisse la moitié sud totalement dépourvue, alors qu'elle est la plus touchée par les violences faites aux femmes. Comment envisagez-vous le développement de ces initiatives ?
Vous avez évoqué l'aller vers : c'est évidemment ce que les gens attendent de nous, et nous agissons en ce sens au quotidien.
La première étape consiste à rapprocher les services publics de nos concitoyens : davantage d'agents sur le terrain, une maison France Services à moins de trente minutes de n'importe quelle habitation. Nous renforçons l'échelon départemental des services de l'État – nous avons rouvert six sous-préfectures, dont celle de Clamecy, où je me suis rendue pour l'événement. Nous réimplantons des services dans les territoires, à raison d'une maison France Services, en moyenne, par canton, soit 2 750 d'ici à la fin de l'année. Nous apprenons également à concevoir différemment l'aller vers, en nous appuyant sur des programmes tels qu'Action cœur de ville, Petites Villes de demain et désormais Villages d'avenir, en finançant et en accompagnant en matière d'ingénierie les projets conçus par les élus locaux ; il s'agit là de se rapprocher des préoccupations du maire, de l'habitant.
La deuxième étape consiste en un aller vers physique : après avoir rapproché les services du citoyen, nous progressons encore à partir de ce point, grâce à 155 bus labellisés France Services, à 153 multisites. Concernant la santé, j'ai de la peine pour vous, car il semble que dans votre département le dispositif ait été déployé dans les QPV, pas encore dans la ruralité ; peut-être la présidente du conseil départemental ne s'est-elle pas encore emparée du sujet, car ces médicobus sont bien destinés à la ruralité, afin de faire pendant à ce qui existe au sein des QPV. J'ajoute que La Poste et ses camions jaunes vont créer des têtes de pont du réseau France Services dans les territoires les plus ruraux, ceux que les maisons ne desservent pas complètement ; nous déployons également ensemble des facteurs-guichetiers. Nous finançons une présence commerciale itinérante dans le cadre du programme de revitalisation du commerce rural. En matière de santé, de commerce, de services, nous nous inscrivons donc pleinement dans la logique de l'aller vers.
Madame la ministre, il a beaucoup été question ici des télécommunications, de la mobilité, de la santé, de l'éducation, car l'égalité d'accès aux services publics nécessite que soient compensées les difficultés locales ; pour ma part, je souhaiterais vous interroger sur le droit qu'a chaque usager du service public d'être informé, de pouvoir exercer ses droits, ce qui suppose un interlocuteur.
Je considère que la numérisation d'un certain nombre de services, touchant par exemple les cartes d'identité ou les procurations, constitue parfois un frein : tous les Français ne disposent pas d'une imprimante ni même d'une connexion à internet. C'est d'ailleurs pour cela que l'une des réponses proposées depuis 2017 par le Gouvernement réside dans la création d'une maison France Services par canton, mesure tout à fait adaptée – vous avez également cité les conseillers numériques. Dans ma circonscription, les maisons France Services sont ainsi plébiscitées…
…par les habitants qui les connaissent, la difficulté étant que beaucoup ignorent l'existence de ces guichets et la possibilité d'avoir un interlocuteur pour effectuer les démarches concernant leur pension de retraite, la sécurité sociale ou encore Pôle emploi. Comment pourrions-nous donc améliorer d'une part la connaissance par nos concitoyens des maisons France Services, d'autre part l'équipement de celles-ci en matière de visioconférences, ce qui permet de faire le lien avec d'autres services comme les maisons de justice et du droit (MJD) ?
Comme je l'ai évoqué, la proximité que les citoyens attendent de nous doit avoir la mairie pour point d'ancrage. Nous ne proposons pas directement tous ces services de l'État, car nous risquerions de nous disperser ; nous les finançons et souvent les cofinançons au travers des collectivités locales. J'ai été maire d'une commune proche de Toulouse, en zone périurbaine, non en zone rurale, et pourtant j'ai constaté qu'à longueur de journée, des habitants venaient demander à la mairie des renseignements qui ne relevaient pas du tout de celle-ci. Dès mon arrivée, j'avais formé les agents d'accueil à se lever, à écouter debout, à sourire, pour que leur attitude redonne espoir à ces concitoyens souvent perdus – vous avez raison sur ce point.
Vous appelez de vos vœux la possibilité de visioconférences : elle existe déjà dans les caisses d'allocations familiales (CAF). Au sein des maisons France Services, certains des neuf services publics nationaux sont également accessibles par ce moyen, beaucoup plus pédagogique en effet.
Je ne reviendrai pas sur ces maisons, ni sur les bus labellisés ; en revanche, je n'ai encore guère parlé de Villages d'avenir, composante du plan France ruralités, et surtout de la manière dont les collectivités se sont saisies de ce dispositif – 2 458 communes lauréates, comptant chacune en moyenne un millier d'habitants. Nous avons obtenu un financement permettant de recruter 120 chefs de projet, dont 98 l'ont déjà été – soit environ vingt et une communes par chef de projet, avec des budgets d'ingénierie de l'ordre de 40 millions d'euros. Il y a là, pour les maires, une véritable occasion d'offrir un nouveau service à leurs administrés.
En 2019, le Gouvernement lançait les maisons France Services, afin d'offrir à nos concitoyens un accès à diverses démarches administratives à trente minutes maximum de chez eux. Fixes – au sein notamment des collectivités territoriales, mais aussi d'une quarantaine de sous-préfectures – ou itinérants, par exemple dans mon département, la Manche, ces guichets constituent une vraie réussite. Quatre ans après leur création, le taux de satisfaction des usagers dépasse 94 % ; les agents, formés à 200 procédures administratives, répondent pleinement aux attentes, bien souvent dès le premier rendez-vous. Dans la Manche, trente-cinq maisons ont été labellisées et sont fort appréciées des habitants : vous avez pu le constater, madame la ministre, à l'occasion de votre déplacement.
Cette initiative nécessaire a renforcé les services de proximité, auxquels nos concitoyens sont très attachés ; dans les territoires reculés, en effet, peut s'installer un sentiment d'abandon suscité par de réelles difficultés d'accès aux services publics, aux démarches administratives, notamment en raison d'un défaut d'appropriation de leur version dématérialisée. En décembre 2022, 2 538 structures France Services étaient labellisées ; en 2023, il s'en est ouvert 96, dont 54 en zone rurale, portant ainsi leur nombre à 2 700. En outre, depuis 2024, elles donnent accès à de nouvelles démarches, comme celles concernant le chèque énergie, MaPrimeRénov' ou MaPrimeAdapt'.
Cette promesse tenue par le Gouvernement est primordiale en vue de maintenir l'administration au plus près de nos concitoyens. Certains rencontrent toutefois des difficultés à accéder à ces maisons en raison du manque de moyens de transport. Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir, d'une part, en quoi consistent les ambitions du Gouvernement en matière de facilitation de cet accès, d'autre part, si vous entendez de nouveau élargir l'offre de ces structures.
À ces deux questions, monsieur le député, la réponse est oui.
S'agissant de l'offre, dans presque toutes les maisons France Services arriveront avant la fin de l'année deux nouveaux partenaires. Le premier est l'Agence nationale de l'habitat (Anah) : nos concitoyens se sont bien trop peu saisis de MaPrimeRénov', de MaPrimeAdapt'. Ni auprès des maires ni auprès de leurs administrés nous ne sommes parvenus à faire suffisamment connaître ces dispositifs. Le second est la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : beaucoup pourraient bénéficier du chèque énergie, mais, dans les communes ne possédant pas de centre communal d'action sociale (CCAS), les habitants, encore une fois, ne le sollicitent pas.
Merci d'avoir rappelé la réussite du réseau France Services ; Stanislas Guerini, qui, comme vous le savez, en est chargé et moi sommes très ouverts à l'idée d'intégrer ainsi de nouvelles démarches. Je vous confirme notre constante volonté d'aller plus loin, d'améliorer le service rendu.
Au sujet de l'aller vers, j'ai parlé des agents : il faut que ces derniers, dont la profession figure désormais dans le référentiel des métiers de la fonction publique, soient formés à cette fin.
Les maisons France Services, je l'ai dit à Guy Bricout, font également office d'accélérateurs afin de transformer les espaces en lieux innovants, accueillants, propices au lien social. Un millier d'entre elles, soit près du tiers, vont bénéficier d'un accompagnement renforcé, financé par la Banque des territoires, en vue de faire de leur enceinte un endroit chaleureux, attractif, écologique, ce qui permettra d'assurer une meilleure qualité d'accueil, une hausse de la fréquentation et, surtout, de développer le faire ensemble : après s'être renseigné au guichet, on se rendra dans un atelier pour échanger, se former au numérique avec un conseiller, par exemple.
Quant aux maisons France Services mobiles, il en a déjà été question ; s'y ajoute le plan France ruralités, doté d'une enveloppe de 90 millions d'euros destinée à favoriser les mobilités solidaires en zone rurale.
Le 6 avril 2023 a été enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale un rapport d'information sur la mise en œuvre des conclusions d'un précédent rapport d'information – celui du 10 octobre 2019 – consacré à l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Nous voici, le 27 février 2024, cherchant à savoir si les recommandations remises au Gouvernement en 2019 par la représentation nationale ont bien été suivies.
Pour ma part, j'insisterai sur la dématérialisation des services publics. Le rapport de 2019 faisait état de la nécessité d'actions visant tous les publics, afin de répondre aux attentes des catégories de population éloignées du numérique ; ces préconisations n'ont visiblement pas été suivies. Les personnes âgées, isolées, sans famille, dépendantes, très jeunes ou qui, pour toute autre raison, n'ont pas accès à la technologie nécessaire se retrouvent écartées de la multitude de procédures, souvent inaccessibles, qui a remplacé le service public de proximité. Permis de conduire sur le téléphone portable, obligation de déclaration numérique d'occupation des biens immobiliers, prédéclaration en vue de la délivrance d'une carte d'identité, voire prise de rendez-vous auprès de l'un des services publics qui subsistent encore sous une forme matérielle : autant de démarches qui, pour certains usagers, deviennent de plus en plus complexes, isolant toujours davantage les personnes vulnérables.
Madame la ministre, prenez conscience de cette fracture numérique : si les formulaires sont dématérialisés, les administrés restent des femmes et des hommes de chair et d'os. Quelles mesures envisagez-vous afin de maintenir un service public physique, ou du moins téléphonique, accessible à tous, en particulier dans la ruralité ? Les maisons France Services peuvent rendre service, mais elles ne sauraient remplacer l'instituteur, le gendarme, voire le curé !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous avez évoqué, monsieur le député, l'absolue nécessité d'une dématérialisation des procédures, et par conséquent le possible isolement des personnes qui n'ont pas encore pris le train du numérique. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons déployé dans les collectivités, dans les maisons France Services, pas moins de 3 800 conseillers numérique, en grande partie financés par l'État ; à travers tout le territoire, 13 662 professionnels ont été formés à Aidants Connect, service public permettant de sécuriser les démarches d'une personne en difficulté qui ne veut pas s'initier au numérique. Grâce à Aidants Connect, plus de 40 000 personnes ont été accompagnées dans plus de 155 000 démarches administratives !
Mon but n'est pas de dire que ces chiffres sont formidables et que tout va bien ; il nous faut bien sûr poursuivre dans cette voie. Néanmoins, grâce à la présence en nombre de conseillers numériques et d'agents Aidants Connect, grâce également à l'installation, dans toutes les préfectures, de points d'accueil numérique pourvus d'un agent de l'État à même d'accompagner les usagers, nous avons obtenu des avancées intéressantes. Rappelons-nous d'où nous partions. Je le répète : nous avons réussi à transformer ces lieux en espaces de lien social, ce à quoi nous sommes attachés.
Même si une question sur trois concerne les déserts médicaux, permettez-moi d'évoquer également ce sujet qui me tient à cœur et qui est particulièrement important dans ma circonscription.
Quelques chiffres, pour commencer : 11 % des Français n'ont pas de médecin traitant et près de 60 % auraient déjà renoncé à se soigner, soit en raison de délais d'attente trop longs, soit pour des raisons financières. Le nombre de médecins retraités encore en activité explose, tout comme augmente celui des médecins ayant une activité intermittente ou préférant le salariat.
Vous proposiez au collègue Guy Bricout de vous rendre dans sa circonscription du Cambrésis ; profitez-en pour venir dans la mienne – c'est juste à côté – et vous découvrirez qu'à Bapaume un spécialiste vient de partir à la retraite, ce qui contraindra les administrés à effectuer 25 kilomètres pour se faire soigner – sans compter que, parfois, certains ne possèdent pas de véhicule, ce qui rend la situation encore plus complexe. Des exemples de ce genre, j'en ai à la pelle !
Il est donc incompréhensible d'apprendre l'arrêt des soins non programmés de la maison de santé de Gauchin-Verloingt. J'ai écrit à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui ne m'a pas répondu. La proximité, voyez-vous, c'est aussi respecter la représentation nationale et lui apporter des réponses, afin qu'elle soit en mesure, sinon de pouvoir tout expliquer, du moins de travailler avec les élus dans les territoires.
Compte tenu de la pénurie de médecins, qui menace l'accès aux soins partout et pour tous, dans un pays où le PIB par habitant est parmi les plus élevés des membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les Français demandent au Gouvernement de réduire rapidement les inégalités en matière d'accès aux services publics de la santé. Faut-il, en effet, se résoudre à accepter que l'espérance de vie ait augmenté deux fois moins vite en milieu rural qu'en milieu urbain au cours des trente dernières années ?
Je laisse le mot de la fin au docteur Donadieu : « La santé, c'est comme la richesse, il ne suffit pas de l'avoir, il faut savoir la conserver ». Voilà le défi auquel nous sommes confrontés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sans revenir sur ce que j'ai développé précédemment, je rappelle que nous agissons pour répondre à cette préoccupation majeure des Français, que nous avons prise à bras-le-corps. Les effets sont-ils d'ores et déjà visibles ? Non. Il existe effectivement des territoires ruraux dans lesquels les médecins partent et où les maires sont inquiets parce qu'il n'y a pas de jeunes médecins pour les remplacer.
Vous me donnez toutefois l'occasion de redire que les projets et l'attractivité des territoires ruraux sont entre les mains des maires – avec le soutien de l'État, pour ce qui est du fonctionnement comme de l'investissement. Il faut que les élus locaux soient porteurs de projets. Nous atteindrons, en 2027, le nombre de 4 000 maisons de santé, sous réserve que ce soit le cas. Attractifs, ces territoires le seront puisque 17 700 communes bénéficieront du zonage France ruralité revitalisation, ce qui renforcera leur attractivité fiscale et financière.
L'État apporte ainsi ce qui est en son pouvoir : de l'attractivité fiscale et économique, le financement de projets – concernant, par exemple, les murs d'une maison de santé. L'ARS, la CPTS et les médecins libéraux du territoire seront ainsi en mesure de proposer de belles offres de santé.
Il existe un site, piloté par l'ANCT, qui s'appelle Solutions d'élus : y figurent sept ou huit très beaux exemples que j'ai sélectionnés et que je propose aux maires de consulter, car ils permettent d'illustrer le fait que l'État est à leurs côtés pour soutenir leurs projets.
Je souhaite mettre en lumière un sujet souvent négligé, mais crucial : l'accès aux transports scolaires dans les zones rurales. Dans ces territoires, les familles font souvent face à de réelles difficultés sur ce plan, ce qui met en péril l'égalité d'accès à l'éducation, socle de notre société.
L'école doit donner à chaque enfant la possibilité d'apprendre et de s'épanouir, quel que soit l'endroit où il vit. Malheureusement, les distances importantes, les itinéraires tortueux et le manque de moyens de transport créent une iniquité dans l'accès à l'éducation. Il est inacceptable que des familles soient désavantagées en raison de leur lieu de résidence.
Dans certaines communes de ma circonscription, telles que Roquefort-de-Sault, Le Bousquet ou Sainte-Colombe-sur-Guette, dans le massif du Madrès, des dessertes de bus ont été supprimées par la région Occitanie, qui exige la présence d'au moins trois élèves pour maintenir le service. À l'inverse, dans le secteur des Corbières, certains bus sont complets, comme à Maisons, laissant des enfants sur le carreau, faute de place.
Bien que la compétence en matière de transport scolaire relève de la région, il revient à l'État de veiller à ce que les enfants ne soient pas pénalisés en cas de défaillance des régions. C'est pourquoi je vous appelle, madame la ministre, à transmettre des directives claires à tous les préfets de France, afin de garantir qu'aucun enfant ne sera laissé sur le bord du chemin et qu'aucune famille ne sera abandonnée. Il est impératif que les services de l'État contraignent les régions à éviter tout oubli ou négligence préjudiciable aux familles de la France rurale. Le transport scolaire doit être non pas un privilège réservé à certains, mais un service public garantissant à chaque enfant, où qu'il réside, le droit de poursuivre son éducation en toute sécurité et avec efficacité. Vous devez prendre des mesures afin de corriger cette situation et de préserver l'égalité d'accès à l'éducation de tous les enfants de la nation, qu'ils résident à Paris, dans les grandes métropoles ou dans les coins les plus reculés de notre beau pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce sujet me tient évidemment à cœur. Toutefois, il s'agit d'une compétence qui relève de la région – parfois de l'intercommunalité –, laquelle est l'autorité organisatrice des mobilités. Et si elle peut déléguer cette compétence au département – c'est par exemple le cas dans la Haute-Garonne –, je ne saurais dire ce qu'il en est dans l'Aude. J'entends néanmoins ce que vous dites s'agissant de la suppression du ramassage scolaire lorsqu'il y a moins de trois enfants, et je rappellerai aux préfets à quel point il est important que les régions fournissent ce service, soit directement, soit par délégation.
Permettez-moi quand même de rappeler qu'elles sont confrontées à une pénurie de chauffeurs. Peut-être vous en souvenez-vous : nous avions travaillé, avec Clément Beaune, sur ce problème, et avions lancé un plan de recrutement et de formation des chauffeurs de bus scolaires, afin que les régions ne souffrent pas d'un déficit de conducteurs. Précisons toutefois qu'elles sont également compétentes en matière d'apprentissage et qu'elles peuvent s'emparer de ce sujet avec nous.
L'accès aux services publics dans les territoires ruraux est un thème aussi large que problématique. En effet, les écarts d'accès aux services publics entre urbains et ruraux ne cessent de se creuser et n'épargnent aucun secteur : la santé avec les déserts médicaux, l'éducation avec la multiplication d'annonces de fermetures de classes, ou encore les mobilités.
Pour ce qui concerne la santé, l'accès aux soins est particulièrement difficile pour les personnes en situation de handicap vivant dans un territoire rural : 77 % d'entre elles ont dû renoncer à un soin en 2019, par manque d'accessibilité ou de disponibilité. Pour les habitants qui vivent dans la ruralité et qui sont en situation de handicap, c'est la double peine !
Je souhaite vous alerter sur l'exemple concret des plateformes de coordination et d'orientation (PCO), créées afin de repérer et de prendre en charge précocement les enfants qui présentent des troubles du neurodéveloppement (TND). Lancées en 2019, les PCO sont une très bonne chose, mais elles sont inapplicables dans les territoires ruraux en raison de la désertification médicale.
Permettez-moi de vous raconter le parcours de Timéo, un enfant de ma circonscription, atteint de TND. En raison d'un retard du développement cognitif, sa famille est adressée par son médecin à la PCO du Loiret. Face à la pénurie de médecins libéraux, celle-ci décide de l'orienter vers le centre d'action médico-sociale précoce (Camsp), pourtant saturé et ne pouvant pas le prendre en charge avant un délai de deux ans. Le Camsp a alors redirigé la famille vers le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPE) puisque, âgé de 4 ans, Timéo aurait atteint l'âge limite de 6 ans au moment de sa prise en charge. Cependant, le CMPE étant lui aussi saturé, l'enfant a attendu deux ans avant d'être enfin pris en charge, soit autant de temps que s'il n'était pas passé par la PCO.
Deux ans pour obtenir la prise en charge d'un enfant qui présente des troubles du neurodéveloppement, c'est une perte de chance considérable ! Et Timéo n'est pas un cas isolé. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour garantir une réelle équité dans l'accès effectif à une prise en charge précoce des enfants souffrant de TND dans les territoires ruraux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne partage pas votre point de vue quant au déséquilibre entre les zones urbaines et rurales. Pour ma collègue qui traite des quartiers prioritaires de la politique de la ville, les déserts médicaux constituent un sujet très prégnant ; elle en souffre beaucoup et elle travaille énormément pour accélérer les choses. Il y a des pénuries de médecins partout.
Le cas de Timéo me touche, bien évidemment. Vous me demandez s'il est normal qu'il faille deux ans pour que cet enfant soit pris en charge, quand on sait à quel point un accompagnement précoce est salvateur, aidant et efficace dans ce type de troubles. Bien sûr, nous ne pouvons nous satisfaire d'une telle situation, mais nous travaillons à y répondre. Nous menons ce travail main dans la main avec les départements, avec lesquels nous construisons des solutions dans les territoires. Nous sommes donc alertés. Oui, nous devons faire des efforts ensemble, avec les collectivités locales, en la matière et, oui, il faut impérativement instaurer un dépistage précoce dans le cas d'enfants atteints de troubles du neurodéveloppement.
Un tiers de la population française vit en ruralité. Ces territoires, qui regroupent 88 % des communes, présentent une très grande diversité mais ont un point commun, d'ailleurs partagé avec les territoires urbains : la dématérialisation tous azimuts y a engendré des obstacles dans l'accès aux droits et aux services publics.
À la suite de la révolte des gilets jaunes, dont un des ressorts était précisément la question de l'accès aux services publics, le président Macron a souhaité relancer des structures qui existaient déjà à travers les maisons de services au public, autour de la marque France Services. Plusieurs collègues ont relevé l'intérêt de ce dispositif, qui confirme d'ailleurs la nécessité, comme l'avait souligné la Défenseure des droits dans deux rapports, de remettre de l'humain, de réinstaurer des services publics physiques et de permettre un accueil et un accompagnement des usagers et des usagères.
Tel est l'objet de la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics déposée par le groupe LFI – NUPES et qui a été adoptée en novembre dernier par l'Assemblée nationale. Ce texte souligne que les maisons France Services concrétisent et justifient la réouverture des accueils physiques, tout en pointant le fait qu'elles ne sont pas suffisantes, à la fois parce que leur maillage ne couvre pas l'ensemble des besoins en la matière – d'autant que des services continuent de fermer – et parce que le dispositif est sous-dimensionné. Il y a, en moyenne, deux agents par point d'accueil de service public, formés durant une dizaine de jours et censés maîtriser quelque 200 procédures administratives – et il est question d'augmenter encore le bouquet d'offres –, ce qui pose des problèmes de qualité du service rendu. Tout le monde apprécie le retour d'un accueil physique, mais il ne doit pas se limiter à expliquer aux gens comment utiliser internet. Cet accueil de premier niveau peut être utile aux personnes qui rencontrent quelques difficultés, mais il est insuffisant.
Ma question est donc la suivante : soutiendrez-vous, madame la ministre, l'inscription de notre proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat et lui donnerez-vous un avis favorable ?
Vous évoquez la réouverture des accueils physiques, thème sur lequel vous avez déposé une proposition de loi,…
…et vous considérez qu'elle permettrait de lever les obstacles auxquels sont confrontés nos concitoyens. Mon opinion est différente de la vôtre : nous n'avons jamais abandonné les accueils physiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je sais que ce n'est pas votre point de vue.
Cependant, les préfectures et les sous-préfectures sont toujours là ; jamais neuf services publics d'État n'avaient fait l'objet d'une aussi grande capillarité, grâce aux 2 750 maisons France Services.
S'agissant de la qualité, nous avons à cœur d'améliorer la formation des agents. En effet, il est difficile de faire travailler ensemble neuf services publics dans les maisons France Services. Nous sommes d'accord avec vous quant à la nécessité de poursuivre les progrès ; nous voulons aussi élargir, comme l'un de vos collègues me l'a demandé, le panel des services proposés dans ces maisons. Les préfectures ont en outre instauré le label Qual-e-pref pour évaluer, quantifier et mesurer l'efficacité des services publics délivrés dans les préfectures. Ces accueils physiques de proximité sont donc, à nos yeux, de qualité.
Ensuite – et il est possible que, sur ce sujet, nos points de vue divergent –, nous ne devons pas écarter le numérique. En effet, nous percevons celui-ci comme une opportunité pour nos concitoyens éloignés. L'aller vers, assuré par les conseillers numériques, par le dispositif Aidants Connect ainsi que par tous les agents formés à cette fin, et cofinancé par l'État et les collectivités territoriales, vise à embarquer un maximum de citoyens dans le train de la numérisation. Il se matérialise par les médicobus, par les camions jaunes de La Poste, par les maisons France Services mobiles.
Nous n'avons donc pas abandonné les accueils physiques mais nous considérons, je le répète, que le numérique constitue une opportunité pour nos concitoyens. C'est pourquoi nous investissons beaucoup d'argent pour les former.
Après France Services et France Travail, voici France ruralités – ou plutôt France inutilité. Ce plan vide de sens et de moyens atteste votre profonde méconnaissance des ruralités. Il vise à mettre en concurrence les collectivités en promouvant la logique des appels à projets de l'ANCT et propose des solutions telles que les médicobus pour lutter contre les déserts médicaux ou les points information jeunesse pour faire face aux fermetures de classes.
Soyons honnêtes : France ruralités ne suffira pas. Les habitants des zones rurales ne sont pas des citoyens de seconde zone. Ils ont le droit à des services publics de proximité. M. Macron, qui en appelle au « réarmement démographique », fait tout pour rendre nos campagnes les moins attractives possible, en fermant des maternités, des lits d'hôpitaux, des petites lignes, des bureaux de postes ou des classes.
Sans écoles, pas de familles et sans familles, pas d'activité : c'est simple et basique.
Une école qui ferme, ce n'est pas un « village d'avenir » ! Après vos fermetures en cascade, qui assure le service public ?
Je pourrais vous parler de la longue bataille des maires, qui avaient déposé leur écharpe pour défendre les services publics, notamment les perceptions, en 2005, en Creuse. La mairie reste la dernière porte du service public, le dernier lien entre les citoyens et l'État,…
…le dernier rempart de la République sociale dans nos campagnes, et cela sans la moindre dotation supplémentaire de l'État, qui, toujours et encore, se déleste de ses responsabilités. Avec l'inflation des prix de l'énergie et le renchérissement du coût de la vie, nos communes ne peuvent même plus assurer des services pourtant essentiels. Allez-vous renforcer les dotations de fonctionnement pour les collectivités territoriales, afin de financer leurs missions de services publics de proximité, comme une garderie, un centre de loisirs, une crèche ou une cantine servant des produits locaux et bio ? Ces missions sont assurées par du personnel humain formé et qualifié, non par une borne informatique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Alain David applaudit aussi.
Je ne sais pas dans quel registre classer vos propos. En effet, nous nous sommes déjà rencontrées en commission et je vous avais dit à cette occasion qu'il fallait travailler.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LR.
Sur quel fondement affirmez-vous que le plan France ruralités ne suffira pas ? Si vous aviez travaillé le contenu de ce plan, vous pourriez dire : « Je crains que, dans un an, il ne suffise pas et qu'il faille faire autre chose » – mais vous ne pouvez pas affirmer dès aujourd'hui qu'il ne suffira pas !
Ce n'est pas vous qui allez écrire les questions. Vous vous adressez à l'opposition, non à la majorité !
J'ai du mal à croire que vous l'ayez lu, travaillé et étudié avec des élus locaux !
D'abord, ce plan apporte trente solutions du quotidien. Le département de la Creuse est en train de s'en saisir tellement il les trouve intéressantes. Je ne vous les énumère pas – je ne dispose que de deux minutes. Ce sont trente solutions de proximité pour résoudre les problèmes au quotidien des citoyens de la Creuse et des ruralités. Tout le monde s'est saisi de Villages d'avenir : il n'y a pas un seul maire ou président de groupement de communes qui ne m'ait dit à quel point il était séduit par cette ingénierie gratuite que nous mettons à sa disposition.
C'est de la mise en concurrence ! Nous sommes là pour parler d'égalité entre les territoires !
Ensuite, il y a la dotation biodiversité. Vous demandez de l'argent, de l'argent, de l'argent. Eh bien, en voilà !
Je vous remercierai de me laisser parler, madame la députée – pour ma part, je vous ai écoutée.
La dotation biodiversité a été portée de 30 millions à 100 millions d'euros. Vous n'avez cessé en commission de demander de l'argent. Je vous en donne, mais vous ne le savez pas ; vous montrez que vous n'avez pas regardé ce que contient le plan France ruralités.
Sourires.
Enfin, j'en viens au dernier axe : France ruralité revitalisation. Toutes les communes en Creuse sont couvertes par ce zonage. Savez-vous de quoi vont pouvoir bénéficier tous les petits boulangers,…
…commerçants, artisans et médecins qui s'installeront en Creuse ? Ils bénéficieront de déductions fiscales et d'allègements de charges sociales. Voilà encore de l'argent, qui permettra à votre territoire d'être encore plus attractif.
Madame la ministre, le 30 mai 2023 au Sénat, vous déclariez que le Gouvernement veille à ce que « les services publics restent à proximité de tous nos compatriotes », mais dans le plan France ruralités, publié quinze jours plus tard, les mots « services publics » n'apparaissent que cinq fois : deux fois à la page 3, où Élisabeth Borne explique qu'il faut « lutter contre […] les difficultés d'accès aux services publics » et qu'elle proposera des « solutions » ; une fois à la page 4, où Christophe Béchu affirme que les ruraux « doivent avoir accès à des services publics » ; une fois à la page 5, où Stanislas Guerini assure que « la prise en compte des besoins spécifiques des usagers les plus éloignés des services publics est une priorité de [sa] feuille de route » ; une dernière fois, à la page 10, dans une infographie qui souligne que « 60 % des ruraux font état d'une dégradation des services publics ».
Et puis, c'est tout ! Ils n'apparaissent pas dans les vingt-deux pages qui restent, hormis la mention à la page 23 d'un « soutien à l'installation de France Services en milieu rural » – vous m'accorderez que c'est un peu léger.
Dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence, la ruralité est pleine de talents et de promesses d'avenir, mais elle a besoin de services publics. Or la réalité, ce sont des villages qui ont perdu leur classe unique, donc leur école ; ce sont des transports scolaires gérés depuis Nice, bien loin des usagers, et des transports publics quasi inexistants, qui renvoient les habitants à leur onéreuse dépendance à la voiture ; ce sont les urgences de Sisteron, fermées la nuit pendant cinquante-sept semaines, et maintenant celles de Manosque, qui ont connu plus de 200 nuits de fermeture en 2023 et qui sont actuellement fermées la nuit, parfois même en journée, et ce au moins jusqu'à fin février.
Les services publics sont les piliers de la République, et c'est encore plus vrai dans la ruralité. Comment attirer et garder des jeunes, des familles, des médecins, quand tout est loin ? Ne me répondez pas « maisons France Services ». Jusqu'à preuve du contraire, on n'y enseigne pas, on n'y soigne pas et on ne peut pas toujours y refaire ses papiers.
Pour sortir du cercle vicieux de la désertification, il y a urgence à faire revenir partout dans nos campagnes des services publics disposant d'accueils physiques. Ma collègue Danièle Obono l'a dit : une proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics a été adoptée dans cet hémicycle le 30 novembre. Elle est à votre disposition. Je vous pose donc de nouveau la question : comptez-vous vous en saisir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette proposition de loi sera travaillée comme toutes les autres et nous vous communiquerons notre opinion en temps voulu.
Je m'inscris en faux contre l'idée que les services publics ne seraient pas au cœur de France ruralités. Vous vous attachez à une distinction sémantique qui n'a pas lieu d'être : pour vous, quand on parle de 100 médicobus ou de mobilités solidaires, on ne parle pas de services publics ? Comment pouvez-vous affirmer cela alors que les services au public sont au cœur du plan France ruralités, à toutes les lignes et pour tous les projets ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces services au public, ce sont ceux que nos concitoyens attendent.
Non, ce sont des services marchands ! Vous ne savez pas la différence ?
Votre département des Alpes-de-Haute-Provence est gâté par France ruralités dans le cadre de la dotation biodiversité – mais peut-être ne savez-vous pas quels villages peuvent en bénéficier ? Le département est entièrement couvert par le zonage France ruralités revitalisation – le vecteur d'attractivité des villages le plus demandé par les maires.
Cessez donc d'appeler de vos vœux que le mot « service public » soit écrit dix fois et non cinq, et lisez plutôt le plan France ruralités.
Saisissez-vous en, travaillez avec les élus locaux et vous verrez à quel point France ruralités va redonner de l'espoir à tous nos concitoyens. Cessez d'agiter les peurs, s'il vous plaît, monsieur le député !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La ruralité représente 88 % des communes et 33 % de la population française. La France compte 21,9 millions de ruraux, ce qui fait d'elle le deuxième pays d'Europe le plus rural après la Pologne.
Le monde rural subit des difficultés liées à l'éloignement des services publics, à l'accès à la santé ou encore à la couverture numérique. Une grande majorité des populations rurales ressent un fort sentiment d'isolement. Pourtant, les politiques publiques ont conduit ces dernières années plusieurs grands chantiers pour tenter de créer un maillage territorial efficace, tels que le plan France très haut débit ou le développement des maisons France Services. Cependant, leurs résultats sont insuffisants : le processus de numérisation met en difficulté environ 13 millions de personnes, en particulier des personnes âgées.
De plus, si les structures France Services labellisées et leur guichet unique pour les usagers de l'administration sont situés à moins de trente minutes de la plupart des citoyens, ces derniers ne disposent pas toujours d'un moyen de transport pour s'y rendre. La solution la plus simple pour les personnes âgées reste l'appel téléphonique, mais il devient très compliqué d'avoir accès à un interlocuteur. On nous dit qu'elles seront aidées, mais les courriels de l'administration sont récurrents. J'ai fait l'expérience avec la boîte électronique de ma maman : c'est assez ubuesque.
Sur le plan de la santé, les habitants des territoires ruraux sont toujours les plus gravement pénalisés par la désertification médicale, qui ne cesse de progresser : 63 % des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes. Cette situation entraîne l'allongement des délais de prise en charge, le renoncement aux soins et la diminution de l'espérance de vie.
Proximité et revitalisation : quelle est votre feuille de route, madame la ministre ?
Je partage le constat que la France est un pays très rural. C'est la raison pour laquelle la Première ministre m'a confié en juillet 2022 le soin de poursuivre le travail engagé par mon prédécesseur Joël Giraud autour de l'agenda rural. Telle est l'origine du plan France ruralités.
Peu de personnes connaissent et s'approprient le volet mobilité de ce plan. Qu'est-ce que la mobilité solidaire dans les territoires ruraux ? C'est lorsqu'un département, une intercommunalité, voire une région, qui a la compétence autorité organisatrice de la mobilité, se saisit du service de transport à la demande : j'appelle et un véhicule vient me chercher pour aller deux fois par semaine chez le médecin ou faire mes courses.
Un département ou une intercommunalité peut assurer ce service directement – il faut vite que les collectivités dans le Jura vous disent, madame la députée, si elles s'en saisissent. Si tel n'est pas le cas, le plan France ruralités s'adresse aussi aux associations : l'association Familles rurales est très présente dans un département voisin du vôtre.
Comment ce dispositif est-il financé ? Les véhicules sont financés grâce au fonds de soutien de 90 millions du plan France ruralités. L'association finance l'assurance et l'indemnisation des conducteurs, qui, la plupart du temps, sont bénévoles. Dans tous les départements où l'association Familles rurales est implantée, cela fonctionne très bien.
Les deux mots que vous avez employés, proximité et revitalisation, me parlent beaucoup – vous vous en doutez. J'ai indiqué à quel point la proximité repose sur les maires et les mairies. Tout seul, l'État ne peut rien et, sans le soutien financier de l'État en fonctionnement et en investissement, la mairie ne peut pas autant. Le zonage France ruralités revitalisation du plan France ruralités contribue à l'attractivité de nos petits villages.
Dans l'Oise, dans le Jura et ailleurs, nous avons lu le rapport de Mathilde Desjonquères et Pierre Morel-À-L'Huissier publié en avril dernier. Si la situation s'est globalement améliorée, de nombreux chantiers sont à mener…
… en matière d'accès aux services publics, en particulier dans les secteurs de la santé et du numérique. À cet égard, l'Oise, mon département, n'est pas épargné.
Chaque jour, je rencontre des citoyens qui souffrent de ce phénomène.
Parlons du numérique. Le processus de numérisation, censé accompagner la dématérialisation des services publics, reste imparfait : le nombre de personnes en difficulté avec le numérique est estimé à 13 millions.
En outre, si les 2 700 guichets uniques France Services sont situés à moins de trente minutes de trajet du domicile de la quasi-totalité de nos concitoyens, ces derniers ne disposent pas toujours d'un moyen de transport pour s'y rendre.
Le Conseil national du numérique (CNNUM) écrivait déjà dans un rapport de 2013 : « Nous soutenons que la quasi-totalité des services, que ceux-ci soient fournis par des acteurs publics ou par le secteur privé, va dans l'avenir avoir de plus en plus besoin de médiations humaines avec les usagers ».
Ce constat oblige les pouvoirs publics à envisager une action dans deux directions : accompagner les usagers qui ne suivent pas et, en même temps, former ceux qui y aspirent.
Ce qui est en cause, ce n'est pas la qualité de la connexion – l'Oise est le premier département rural en matière de couverture par la fibre –…
…mais bien l'éloignement de l'outil numérique. Dès lors, quelle action le Gouvernement envisage-t-il pour combler ce fossé ?
J'en viens au domaine de la santé. Les habitants des territoires ruraux sont les plus gravement pénalisés par la désertification médicale. Selon le rapport Desjonquères-Morel-À-L'Huissier, 63 % des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes. Ce taux, qui ne cesse d'augmenter, a pour effet d'allonger les délais de prise en charge, d'accroître le renoncement aux soins et de diminuer l'espérance de vie des populations rurales par rapport à la population générale.
Or, les solutions développées depuis 2019, notamment la suppression du numerus clausus, ne sont pas de nature à transformer immédiatement l'offre de soins. Comment le Gouvernement compte-t-il intensifier la lutte contre les déserts médicaux ruraux alors que les communes et les intercommunalités, dans l'Oise par exemple, prennent déjà une large part dans ce combat ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous appelez de vos vœux une médiation plus poussée de la part de nos conseillers dans les maisons France Services. Sachez qu'elle figure au cœur de la formation de ces agents qui sont, comme je l'ai dit, référencés dans la fonction publique territoriale. Dans les territoires dans lesquels je me suis rendue, j'ai pu constater que la médiation humaine fonctionnait. Les maisons France Services sont des lieux d'accueil où se développe le lien social entre l'usager et le conseiller numérique ou l'Aidant Connect qui l'accompagne.
Quant aux enjeux en matière de santé, j'ai eu l'occasion de les évoquer plus tôt. Je rappellerai brièvement que nous avons supprimé le numerus clausus et que nous avons mis en place une quatrième année d'internat en médecine générale pour inciter les médecins généralistes à s'installer dans des zones sous-dotées. Même si ces deux mesures n'auront pas d'effets dans l'immédiat, nous comptons sur leurs résultats à terme – vous reconnaîtrez que nous avons fait preuve d'esprit d'anticipation.
En matière de santé, nous constatons que les projets réussissent d'autant mieux quand ils sont soutenus par nos maires, nos élus locaux, nos intercommunalités. Nous devrions atteindre le chiffre de 4 000 maisons de santé en 2027, ce qui recouvre autant d'initiatives portées par les CPTS. En tant que députés, vous êtes fondés à réunir autour d'une même table des maires demandeurs, susceptibles de disposer de locaux, des professionnels des CPTS, des représentants de l'ARS et le préfet en vue de créer une maison de santé. L'État sera à vos côtés pour financer investissement et fonctionnement. L'ARS a tous les outils en main pour accompagner ces projets lorsqu'ils sont lancés par les médecins libéraux des communautés professionnelles territoriales de santé. C'est le nerf de la guerre pour relever le défi de la santé dans les zones rurales en attendant que les décisions que nous avons prises portent leurs fruits.
Le ministre de l'économie vient d'annoncer un plan de rigueur comportant l'annulation de 10 milliards de crédits pour 2024.
Cette annonce suscite de vives inquiétudes parmi les citoyens et les élus, qui redoutent un nouveau désengagement de l'État, surtout dans les territoires fragiles comme ceux des Ardennes,…
…en particulier de la Vallée de la Meuse, où la situation ne s'améliore pas. Le taux de chômage, qui atteint 17 %, est très supérieur au taux national et le taux de pauvreté s'élève à 20,5 %, ce qui signifie qu'un Ardennais sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
Depuis une quinzaine d'années, des fermetures de trésoreries pénalisent les forces vives locales, auxquelles s'ajoutent des fermetures de bureaux de poste et de guichets SNCF en zone rurale.
Les médecins généralistes et spécialistes manquent, alors que la population est plus âgée que la moyenne nationale. La suppression des crédits liés à la politique de la ville désavantage des communes socialement fragiles comme Nouzonville, Bogny-sur-Meuse, Fumay et Revin – et je ne parle pas des vingt-huit nouvelles suppressions de postes d'enseignants dans les écoles primaires ardennaises annoncées pour la rentrée 2024, malgré les promesses présidentielles.
On ne peut pas raisonner seulement en termes de chiffres, madame la ministre : il faut aussi tenir compte de la réalité du terrain et du facteur humain.
Votre gouvernement ne cesse de dématérialiser des services publics alors que dans un département rural comme celui des Ardennes, certains de nos concitoyens peuvent se montrer réticents à utiliser internet et que les plus âgés n'ont pas toujours un ordinateur ou un smartphone.
Les maisons France Services, payées en partie par les intercommunalités, les bus médicaux ou les buralistes ne peuvent pas remplacer l'État !
Vous qui parlez toujours d'expérimentation territoriale, vous devriez comprendre qu'il est essentiel de s'adapter à la réalité du terrain.
La solidarité nationale doit se faire encore plus présente dans les territoires qui souffrent ou qui sont enclavés dans un autre pays, comme c'est le cas pour la pointe des Ardennes.
Quel impact auront ces restrictions budgétaires de 10 milliards d'euros sur le maintien des services publics dans les territoires ruraux, sachant que 735 millions d'euros seront retirés de la mission "Cohésion des territoires" ?
Applaudissements sur les bancs des groupe LR et SOC.
J'irai directement au but. Vous me demandez quel effet aura la baisse de 10 milliards d'euros : eh bien, le plan France ruralités ne se verra pas retirer un seul euro. Annoncé le 15 juin, il continuera à accompagner nos concitoyens habitant des zones rurales et à améliorer leur qualité de vie au quotidien grâce au déploiement de divers services. La mission Relations avec les collectivités territoriales, bien connue des familiers des débats budgétaires, ne sera pas non plus affectée.
Vous connaissez la dette de notre pays, vous savez l'état de nos finances publiques.
Cette dette, il ne faut pas l'imputer à Emmanuel Macron ou à tel ou tel président de la République en particulier. Elle est de nature transpartisane. Elle a commencé avec François Mitterrand …
Exclamations sur les bancs du groupe SOC
Monsieur Cordier, je vous ai écouté et je m'étonne que vous ne me laissiez pas parler. Je vous dis simplement que j'apprécierais qu'en tant que députés responsables, vous vous rendiez bien compte qu'avec nos 3 000 milliards de dette et nos 40 milliards de frais financiers qui, dès 2027, vont se traduire par…
Ce débat dans l'hémicycle n'est pas un dialogue, cher monsieur. Nous avons deux minutes chacun, vous pour poser une question, moi pour répondre.
Je reprends donc. Le montant de la dette et des frais financiers étant ce qu'il est, le Gouvernement a décidé de réduire de 10 milliards la dépense publique en 2024 pour tenir compte de la révision du taux de croissance, désormais de 1 % et non plus de 1,4 %,
Le 6 avril dernier, dans le cadre des travaux du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, j'ai rendu un rapport d'information rédigé avec Pierre Morel-À-L'Huissier qui porte sur l'évaluation de l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Il nous a permis de mettre en exergue plusieurs enjeux qui renvoient, en ligne de fond, à l'accès aux services publics, préoccupation des habitants des zones rurales, qui se sentent abandonnés par l'État.
Le processus de numérisation qui accompagne la dématérialisation des services publics nourrit ce phénomène. Le nombre de nos concitoyens confrontés à des difficultés avec le numérique est en effet estimé à 13 millions. Pour remédier à ce problème, des maisons France Services ont été implantées et la pertinence de ce dispositif a été largement saluée. Si elles se situent à moins de trente minutes de presque chacun de nos concitoyens, ces derniers ne disposent pas toujours d'un moyen de transport pour s'y rendre. Pour aller au plus près de celles et ceux qui ne sont pas en mesure de se déplacer, notamment dans les zones rurales, des structures itinérantes, communément appelées bus France Services ou multisites, se sont développées. Soulignons toutefois que sur les 140 bus France Services existants, seuls 55 circulent uniquement dans les territoires ruraux.
Cette répartition entre zones urbaines et zones rurales conduit à s'interroger. La mobilité étant une problématique centrale dans nos campagnes, les dispositifs mobiles semblent particulièrement appropriés car ils permettent de se rendre au plus près des habitants, en particulier les plus fragiles. Les permanences France Services en mairie constituent aussi des solutions efficaces, puisque c'est d'abord auprès d'elles que les habitants en difficulté vont demander de l'aide pour être accompagnés, constat partagé par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et Intercommunalités de France lors des auditions que nous avons menées à la fin de l'année 2022 et au début de l'année 2023.
En 2020 et 2021, la Banque des territoires a consacré 3 millions d'euros au dispositif des bus France Services à travers trois appels à manifestation d'intérêt (AMI). Elle envisageait dans le courant de l'année 2023 un nouvel AMI tourné vers des solutions privilégiant l'aller vers.
Madame la ministre, quel est aujourd'hui le bilan de ces bus France Services ? Leur déploiement en zone rurale s'est-il renforcé ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour favoriser l'accessibilité des services publics dans les territoires ruraux ?
Mme Élodie Jacquier-Laforge applaudit.
Le plan France ruralités, vous l'aurez compris, s'est largement inspiré de votre rapport. L'itinérance comme politique territoriale du premier et du dernier kilomètre est fondamentale dans les territoires ruraux. L'amélioration de l'accessibilité des espaces France Services doit aussi passer par le développement de solutions itinérantes. Vous avez salué le déploiement des 155 bus labellisés France Services. Ce service fonctionne et nous allons poursuivre son déploiement d'ici à la fin de l'année 2024.
Il faut également savoir que France ruralités propose en son sein un volet dédié à la mobilité, doté de 90 millions d'euros. Il offre aux départements, aux intercommunalités et aux associations la possibilité de développer des solutions financées avec l'appui de l'ANCT.
Par ailleurs, La Poste a lancé le 22 janvier dernier à Saint-Étienne-de-Chigny, dans l'Indre-et-Loire, une expérimentation autour d'un Poste Truck, camion ambulant dans lequel sont proposés aux usagers tous les services habituels, à l'exception des opérations bancaires.
France ruralités prévoit également la mise en circulation de 100 médicobus. À cela s'ajoute la présence commerciale en itinérance, dont on parle moins. Ce dispositif qui repose sur des commerces ambulants allant de village en village a fait ses preuves jusqu'au fin fond de l'Ariège. Je ne m'appesantirai pas sur l'AMI lancé par la Banque des territoires et l'ANCT, car vous en avez parlé.
Nous voulons encourager une itinérance innovante qui réponde aux enjeux d'une mobilité plus verte, plus inclusive, afin de toucher les Français les plus fragiles et de garantir l'accès au droit de l'ensemble des citoyens. Cette mobilité que vous appelez de vos vœux, madame la députée, est au cœur de France ruralités. Sachez que je me tiens à votre disposition pour aller plus loin dans les solutions, en particulier si celles qui existent ne s'appliquent pas dans votre territoire.
Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé à renforcer l'égal accès de tous les citoyens aux services publics, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, grâce à la création de maisons France Services. Ces espaces de services de proximité, salués par la Défenseure des droits, répondent aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes car ils assurent un accès physique à tous les services publics, enjeu d'importance à l'heure où de nombreuses démarches administratives sont dématérialisées. En effet, il faut désormais se connecter à internet pour effectuer des demandes d'aides sociales, consulter ses fiches d'imposition, obtenir ses papiers d'identité, sa carte grise ou encore des aides de la politique agricole commune (PAC), sujet d'importance en ce moment.
Il existe une double difficulté. D'une part, comme l'a souligné notre collègue Guy Bricout, certains de nos concitoyens sont touchés par l'illectronisme, qui se traduit par une difficulté voire une incapacité à utiliser des appareils numériques et les outils informatiques en raison d'un manque de connaissance de leur fonctionnement. D'autre part, l'accès à internet demeure peu aisé dans certains territoires, même si l'État et les opérateurs ont tenu leurs engagements. Si la couverture numérique est passée de 72,7 % à plus de 85 % en 2021, des coupures et des zones blanches subsistent dans certains territoires et les réseaux filaires restent de mauvaise qualité, problème dont certains de nos concitoyens me saisissent. Dans les territoires ruraux les plus éloignés des services physiques, ce double phénomène crée des obstacles supplémentaires pour effectuer les démarches administratives en ligne.
Même si les efforts fournis par l'État sont considérables et mènent à des résultats concrets comme l'implantation de nouveaux pylônes dans des zones blanches, il importe de renforcer cette dynamique d'inclusion numérique des territoires. Ma question est donc double : comment lutter d'une part contre l'illectronisme, d'autre part contre les difficultés d'accès aux services publics, notamment contre les zones blanches ?
Vous posez deux questions structurantes pour les Français : celle des infrastructures et celle des difficultés d'accès au numérique, que vous appelez l'illectronisme.
En ce qui concerne les infrastructures, elles sont de deux natures : le haut débit fixe et le haut débit mobile. Depuis 2013, 13,3 milliards d'euros d'investissements publics ont permis d'atteindre les objectifs de connectivité très haut débit dans les territoires ruraux, grâce à un panel de technologies allant de la fibre au satellite. Le plan France très haut débit, qui faisait partie de l'agenda rural défendu par votre collègue Joël Giraud lorsqu'il était au gouvernement, porte ses fruits : la fibre couvre désormais 84 % du territoire. Les réseaux d'initiative publique (RIP) pilotés par les collectivités – souvent les départements – avec le soutien de l'État permettent d'assurer la couverture des zones rurales du territoire. Ce bilan est très positif, mais il reste nécessaire de faire preuve de vigilance à l'égard des opérateurs : ils ne tiennent pas toujours leurs engagements, ce que je n'ai jamais hésité à leur faire observer, que ce soit aujourd'hui ou du temps où Jean-Noël Barrot était ministre délégué chargé du numérique.
Quant au haut débit mobile, le New Deal mobile produit également des résultats : 99,8 % des Français vivent dans une zone où au moins trois opérateurs offrent une couverture 4G et 98 % du territoire est couvert par une offre 4G. Là encore, il convient de poursuivre dans cette voie, car comme vous le rappelez avec raison, des zones blanches subsistent dans les territoires ruraux. Gardons par ailleurs à l'esprit qu'Orange va démonter son réseau cuivre, qu'il faudra donc remplacer soit par la fibre, soit par la 4G.
Pour finir, vous appelez de vos vœux l'amélioration de l'accessibilité du numérique pour nos concitoyens. À cet effet, le programme Société numérique de l'ANCT déploie des dispositifs pour favoriser l'autonomie numérique des citoyens et pour mettre les possibilités du numérique à la portée de chacun. Depuis 2023, il suit une nouvelle feuille de route validée par les associations d'élus et par les acteurs associatifs du secteur, baptisée France numérique ensemble. Aux 3 800 conseillers numériques et au dispositif Aidants Connect, que j'ai déjà largement commentés, il faut donc ajouter la gouvernance locale France numérique ensemble, dont il conviendra de mesurer l'efficacité pour la faire évoluer le cas échéant.
Parce qu'elle englobe huit communes sur dix, la ruralité compte pour la France. Parce qu'un Français sur trois y vit, la ruralité compte pour la France. Parce qu'elle nourrit chaque jour le pays, matin, midi et soir, la ruralité compte pour la France. Parce qu'elle est liée à notre géographie et à notre histoire, la ruralité compte pour la France. Parce qu'elle a façonné notre culture et nos traditions, la ruralité compte pour la France.
Malgré ces évidences, la France rurale a le sentiment d'être mise à l'écart et éloignée des services publics. Qu'il s'agisse de la santé, de la poste, des transports en commun ou encore de l'enseignement, trop de services du quotidien sont absents des territoires ruraux. En réponse à cet éloignement, plusieurs politiques publiques ont été lancées ; la plus emblématique est sans aucun doute la création des maisons France Services.
Si l'État a impulsé une dynamique utile et reconnue, le succès rencontré par ces maisons résulte aussi de l'engagement des maires qui les accueillent. Ce sont eux qui permettent le fonctionnement des maisons France Services en finançant les dépenses nécessaires, en affrontant les complexités administratives, en réorganisant leurs services et en se chargeant de faire monter leurs agents en compétence. Cet engagement fort des maires à réinstaller les services publics dans leur territoire doit être souligné et reconnu.
Les territoires ruraux font partie de la République. L'accès de chaque citoyen aux services publics construit la confiance dans notre modèle républicain et renforce le consentement à l'impôt. Les citoyens ruraux ne sont pas des citoyens de seconde zone. Défendre l'accès aux services publics dans la ruralité, c'est aussi lutter contre l'idée simpliste que seuls les élus situés à l'extrême droite de notre hémicycle seraient les défenseurs d'une ruralité laissée à l'abandon par les pouvoirs publics. Aussi, à l'heure où les recherches d'économies contractent certains budgets, pouvez-vous rassurer les maires ruraux qui se démènent pour garantir l'accès aux services publics ? Peuvent-ils compter sur le soutien durable de l'État, dans une logique de différenciation ? En effet, ils connaissent mieux que quiconque les attentes de leur territoire et la meilleure façon d'y répondre. Pouvez-vous également leur assurer que les transferts de compétences ne se feront plus sans les moyens financiers censés les accompagner ?
« La ruralité compte pour la France » : que c'est beau ! J'aimerais vous convaincre que la ruralité compte pour le Gouvernement.
Je compte sur vous pour le faire savoir ensuite dans votre circonscription.
Nous disposons de deux pépites. La première, ce sont les maisons France Services, qui évoluent grâce à nos échanges et en fonction des difficultés que vous observez dans vos circonscriptions. Piloter France Services représente un véritable défi, car l'offre de services proposés est très large et les opérateurs concernés sont au nombre de neuf, auxquels deux autres viendront bientôt s'ajouter. Le panel des démarches administratives qui peuvent être effectuées s'élargira pour inclure le chèque énergie ainsi que les dispositifs MaPrimeRénov' et MaPrimeAdapt', dont les citoyens ne se sont pas encore suffisamment saisis. Nous ajoutons ainsi deux nouveaux services aux neuf que vous connaissez – le point-justice, La Poste, France Travail, etc. – et les agents France Services devront être formés en conséquence. C'est le signe que les maisons France Services évoluent en permanence pour mieux servir nos concitoyens.
La seconde pépite, c'est le plan France ruralités, qui complète l'offre des maisons France Services en offrant trente solutions de proximité. Quoi de mieux que la jonction des deux dispositifs ? Ainsi, les maisons France Services installées dans les anciennes zones de revitalisation rurale (ZRR), désormais nommées zones France ruralité revitalisation, qui permettent aux commerçants, aux artisans ou encore aux médecins de bénéficier de dispositifs fiscaux attractifs, bénéficient d'une bonification. Les deux dispositifs cofinancés par l'État et par la mairie se rejoignent ainsi.
Les territoires ruraux sont désormais appréhendés comme des territoires à part entière dotés de caractéristiques identifiables nécessitant la mise en place de politiques publiques adaptées. Chacun d'entre nous reconnaît les avancées impulsées par le plan France ruralités. Toutefois, des problèmes persistent en ce qui concerne la mobilité, le numérique ou encore l'accès à la santé, touchant toutes les tranches d'âge parmi les habitants ruraux.
Je souhaite m'attarder sur le cas des jeunes ruraux, pour qui la promesse républicaine de l'égalité des chances doit devenir une réalité. Si la corrélation entre inégalité des chances et origine sociale est bien connue, l'influence des disparités territoriales sur ces déterminismes est trop souvent reléguée au second plan. L'égalité des chances pour les jeunes ruraux en matière éducative passe par une meilleure information au sujet des formations supérieures, mais aussi par un meilleur accès à la culture, levier d'émancipation.
Autre facette de la ruralité, la question des jeunes ruraux en difficulté – ni en formation, ni en emploi – doit également être posée. En effet, on observe chez ces jeunes un phénomène de rejet des aides sociales plus prononcé que chez les urbains, qui s'explique par leur manque de connaissance de ces aides, lié à l'éloignement des services publics, mais aussi par leur affirmation de la valeur travail. Les jeunes ruraux ne souhaitent pas passer pour des assistés, dans des territoires où tout le monde se connaît. Des moyens spécifiques pourraient être déployés au sein des maisons ou des bus France Services pour atteindre cette population.
Pourriez-vous nous apporter des éléments de réponse quant à l'accompagnement par les services publics de ces jeunes ruraux aux problématiques spécifiques ?
Vous avez rapidement évoqué les problématiques de la mobilité ou du numérique, déjà largement traitées, mais vous m'avez surtout demandé où nous en sommes concernant la jeunesse rurale. Le Gouvernement doit relever le défi majeur consistant à construire un parcours sans rupture en milieu rural, de la petite enfance à l'entrée dans la vie professionnelle, pour ouvrir le champ des possibles aux habitants de la ruralité. Trop de jeunes, persuadés qu'ils se heurteront à un plafond de verre, n'envisagent pas de poursuivre leurs études alors qu'ils ont le talent et la capacité de travail nécessaires.
L'accès à l'éducation, au sport et à la culture est plus difficile pour les jeunes ruraux. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour illustrer la situation de cette jeunesse qui peine à se réaliser pleinement, notamment à cause de l'autocensure que je viens d'évoquer. Parmi les 17,7 millions d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes âgés de 3 à 24 ans en France, 30 %, c'est-à-dire 5,3 millions, vivent en zone rurale, selon une enquête publiée par l'Insee. Le taux de mobilité de ces jeunes vers le milieu urbain s'élève à 20 %. Parmi les jeunes de milieu rural, 28 % arrêtent leurs études après l'obtention du brevet des collèges et 23 % après l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP). Pas moins de 42 % des jeunes ruraux ont le sentiment de ne pas avoir suffisamment d'informations pour s'orienter. Enfin, 32 % des jeunes en zone rurale n'ont jamais pratiqué d'activité extrascolaire pendant leur scolarité.
Alors oui, nous agissons. Nous généralisons les territoires éducatifs ruraux (TER) – j'ai évoqué le sujet récemment avec vous dans votre circonscription du Puy-de-Dôme –, visant à accompagner le parcours du jeune de l'école au lycée, avec l'objectif d'atteindre 185 TER. Nous avons également pris des mesures pour favoriser l'accueil de 5 000 jeunes en service civique. Plus de 150 000 jeunes effectuent en ce moment un service civique, dont 25 % se trouvent en zone rurale. En outre, nous avons créé le fonds d'innovation pédagogique, doté de 500 millions d'euros sur cinq ans, dédié à l'éducation en zone rurale. Enfin, vous vous souvenez sans doute que nous nous étions fixé l'objectif d'aménager 87 campus connectés ; ils sont là. Nous avons aussi ouvert les cordées de la réussite à 30 000 jeunes ruraux. En somme, nous avons déjà obtenu des résultats ; il faut aller plus loin, ensemble.
Alors que les services publics devraient faire notre force face aux grands enjeux sociaux et environnementaux, ils se trouvent encore affaiblis par des politiques néolibérales et d'austérité. Moins 2 milliards pour l'écologie et les mobilités durables, moins 700 millions pour l'école, moins 1,5 milliard pour le logement… Ces décisions vont complètement à rebours des besoins et des urgences. Elles s'inscrivent dans une logique de sape des services publics au profit du privé.
Les territoires ruraux ont été les premiers pénalisés. Ils sont désormais asséchés des services essentiels ainsi que de leur population, qui a migré dans des métropoles où s'est installée la ségrégation sociale, corollaire des grands malaises sociétaux.
Notre pays a besoin d'une politique d'aménagement du territoire ambitieuse et juste, qui doit favoriser la mixité et la cohésion sociales. Cela implique la relocalisation des activités et le développement d'un maillage de services publics efficients.
Dans mon département de l'Orne comme dans de nombreux territoires ruraux, l'installation de nouveaux venus lors de la crise sanitaire a redonné espoir. Malheureusement, cette dynamique s'essouffle, car les nouveaux habitants n'y trouvent pas les services dont ils ont besoin, notamment en matière de santé et de mobilité.
J'insiste sur le problème de la mobilité. Les distances journalières se sont multipliées par cinq lors des dernières décennies. Ces déplacements, essentiellement accomplis en voiture individuelle, ont un impact environnemental considérable et un coût important pour les familles. Malheureusement, les services de mobilité durable ne sont pas à la hauteur des besoins, alors qu'ils devraient constituer l'armature du développement des territoires ruraux. Les lignes ferroviaires sont insuffisantes, la fréquence des trains est trop faible, la rareté des guichets physiques empêche trop de citoyens d'accéder à ces services et les liaisons intermodales sont parfois inexistantes. Les collectivités tentent bien de les financer, mais leur budget contraint ne permet pas les investissements nécessaires.
Quand le Gouvernement reconnaîtra-t-il l'absolue nécessité de consolider nos services publics et d'en permettre l'accès à tous ? Entendrez-vous les propositions adoptées par la majorité des députés lors des discussions budgétaires, notamment en matière de besoins ferroviaires et de mobilités durables ? Quand accepterez-vous de rétablir une justice fiscale permettant le financement de nos services publics ?
Vous me demandez quand ; je vous réponds que c'est déjà le cas, même si l'effet ne s'en fait pas encore sentir sur le terrain. Nous sommes encore en train de déployer le plan France ruralités, qui a été annoncé le 15 juin 2023. Vous évoquez la mobilité en milieu rural, qui représente un réel défi. L'itinérance de nos services et l'aller vers sont absolument indispensables. Or les 2 750 maisons France Services, dont 150 sont itinérantes, relèvent de l'aller vers. Le plan France ruralités et les services de mobilité durable, innovante et solidaire, financés en grande partie par l'État, qu'il propose s'inscrivent également dans cette démarche.
Je vous invite à demander rendez-vous à M. le préfet de l'Orne et aux élus locaux avec lesquels vous travaillez pour les inciter à se saisir de ce dispositif ; vous pourrez ainsi m'indiquer dans trois mois quelles mesures fonctionnent et quelles mesures sont à revoir. Nous y parviendrons, car le plan est assorti d'un financement considérable ; ce n'est pas d'argent supplémentaire dont nous avons besoin pour faire mieux.
Nous agissons au plus vite pour que nos concitoyens voient les effets du plan France ruralités. Il faut qu'ils sachent qu'ils trouveront une maison France Services à moins de trente minutes de chez eux et que de plus en plus de renseignements y sont à leur disposition : désormais, ils peuvent accéder à onze services différents, soit deux de plus qu'auparavant.
La semaine dernière, le Gouvernement a rayé d'un trait de plume 10 milliards d'euros pour les services publics. Ce sont autant de moyens en moins pour l'énergie, pour les transports, pour l'école, pour l'université, mais aussi pour la justice et pour la police. La cure d'austérité imposée par le Gouvernement n'épargne donc aucun service public.
Accéder aux services publics reste pourtant une difficulté dans la vie quotidienne des Français. Les obstacles sont nombreux : exposition accrue aux risques sanitaires et sociaux, illectronisme et bien sûr éloignement géographique. Il faudrait des moyens en plus, or le Gouvernement décide de moyens en moins.
Dans ma circonscription du Pas-de-Calais, comme dans beaucoup de territoires ruraux, la population n'est pas épargnée. Les habitants y subissent, impuissants, la disparition des services publics. Bureaux de poste, hôpitaux, écoles, mais aussi de nombreuses trésoreries : la liste des fermetures de services publics est longue, madame la ministre. À chaque fois, on dépossède encore un peu plus ceux qui possèdent le moins, accroissant d'autant les inégalités territoriales.
En réponse, l'État a créé les maisons France Services. Le dispositif a le mérite d'exister, même s'il ne remplacera jamais les services publics qui étaient présents auparavant.
Un espace France Services coûte 110 000 euros. Jusqu'en 2023, l'État en assumait 30 000 ; le reste, plus de 70 %, était pris en charge par les collectivités locales. Dans le budget pour 2024, l'État devait augmenter sa participation de 19 millions. Entre-temps, le Gouvernement a annulé 730 millions d'euros dévolus à la cohésion des territoires, dont 26 millions d'euros sur le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, qui concerne justement France Services.
Madame la ministre, ma question est simple et je l'ai déjà posée à plusieurs reprises : les collectivités locales ne devront-elles pas, une fois de plus, prendre intégralement en charge le financement de ces maisons si elles veulent les maintenir sur leur territoire ?
Monsieur le député, je ne partage pas votre diagnostic. Je parcours constamment ces territoires, et si j'observe bien les difficultés que leurs habitants rencontrent, je constate également les progrès, dès lors que les élus locaux se saisissent des dispositifs nationaux que nous mettons à leur disposition pour injecter de l'argent et offrir de nouveaux services aux habitants.
L'État n'agit pas directement, mais au travers des collectivités locales, car c'est ensemble que nous pouvons amener des services à nos concitoyens. Vous avez évoqué les 30 000 euros que l'État verse pour une maison France services, mais en 2024, cette somme s'élève à 40 000 euros ; en 2026, elle s'élèvera à 50 000 euros. En outre, dans les zones France ruralité revitalisation, la dotation que l'État verse aux collectivités qui créent une maison France services est bonifiée.
Je ne répéterai pas ce que j'ai exposé précédemment. Vous faites peur en affirmant que l'État réduit le budget de 10 milliards d'euros et diminue les crédits du programme 112, que les services publics sont moins dotés. Je soutiens pour ma part que les crédits dédiés aux maisons France services augmentent et que le plan France ruralités n'est pas touché par la baisse de 10 milliards.
Travaillons donc ensemble pour faire connaître à nos concitoyens ce qui est à leur disposition. Certains dispositifs ne sont pas encore devenus une réalité dans les territoires, car il faut du temps pour les faire connaître et les déployer, mais vous constaterez bientôt les améliorations. Nous continuerons à travailler toujours plus pour les ruralités, car nous les aimons beaucoup.
Je salue le travail présenté aujourd'hui. Il est en effet indispensable que notre assemblée suive de près l'action de l'État dans les territoires ruraux.
Près de 90 % des communes de France sont des communes rurales où vivent 33 % de nos compatriotes. La ruralité mérite donc toute notre attention. Elle ne doit plus jamais apparaître comme le parent pauvre de notre pays, mais comme un atout à développer et à promouvoir.
Le triptyque des enjeux essentiels pour nos territoires ruraux me semble être l'accès aux soins, l'école, notamment l'épineuse question des fermetures de classes et des regroupements scolaires, et les commerces.
Une grande partie du rapport de nos collègues est consacrée à France Services, dont je salue la création, le développement et la nécessité ; mais il faut aller plus vite et plus loin.
Je voudrais ainsi revenir sur la recommandation 13 du rapport de 2019 sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, qui prévoyait « un principe d'accès multicanal au service public, consistant à compléter l'accès normal en ligne par une possibilité de recourir […] à d'autres modes d'accès, téléphonique ou physique ».
Le rapport soutient qu'un effort doit être accompli, mais je dirais plutôt qu'un grand effort est nécessaire. Face à la numérisation grandissante des démarches et à la fermeture des guichets physiques, le téléphone est la solution alternative indispensable. Cependant, l'accès à un interlocuteur par ce moyen reste trop souvent aléatoire, les temps d'attente sont trop longs et les réponses obtenues ne sont pas toujours satisfaisantes : ainsi certaines personnes sont-elles invitées à se rendre elles-mêmes sur le site internet du service public en question ou à envoyer un e-mail.
L'objectif devrait être simple : pallier le manque de formation au numérique par un accompagnement réel au bout du fil. Pour cela, il faut que les agents soient en nombre suffisant, formés, et surtout disponibles à des horaires plus pratiques qu'actuellement.
Je prends l'exemple des caisses d'assurance retraite et de santé au travail, les Carsat, car 37 % des difficultés rencontrées auprès des services publics au titre de la dématérialisation des démarches les concernent. Du fait du vieillissement de la population, le nombre d'utilisateurs de ce service augmentera ; son accès reste cependant compliqué, voire très difficile.
Dans mon département, la Vendée, la ligne téléphonique de la Carsat n'est ouverte que deux matinées par semaine. Je vous laisse imaginer le temps d'attente – j'en ai moi-même fait l'expérience.
Nous recevons très souvent à nos permanences des personnes qui, faute d'avoir pu accéder correctement à un service, ont mal rempli un formulaire.
Quels moyens entendez-vous déployer pour que cette recommandation 13 du rapport de 2019 soit rapidement appliquée ?
Vous appelez de vos vœux un accès multicanal au service public, autrement dit un accès physique. Vous étiez présente, je pense, quand j'ai exposé à quel point nous tenons à cet accueil physique : les 2 750 maisons France Services permettent à tous nos concitoyens d'accéder aux services publics à moins de trente minutes de chez eux.
Nous sommes très attachés au numérique, car c'est un vecteur de lutte contre l'isolement. En effet, les personnes qui ont accès à internet peuvent échanger avec leurs familles et leurs amis depuis leur lieu de résidence.
Vous demandez qu'un accès téléphonique soit l'un des éléments de cet accès multicanal. Pourquoi pas ? Le ministre de la transformation et de la fonction publique Stanislas Guerini travaille sur ces questions et il a pris en considération la recommandation 13 sur laquelle vous vous appuyez.
Néanmoins, ce n'est pas en augmentant le nombre des services accessibles par téléphone ou celui des agents répondant à distance qu'on luttera contre l'isolement dans les zones rurales. Nous voulons développer le plus possible des services publics de proximité, auxquels les personnes accéderont avec les Aidants Connect auprès desquels elles se rendront grâce à France ruralités et en particulier aux services de mobilité. Elles pourront échanger avec eux dans des lieux de convivialité, ce qui nourrit le lien social. Travaillons donc, comme le fait Stanislas Guerini, sur ces trois axes.
Nous ne souhaitons donc pas particulièrement développer l'accès par téléphone en déployant des batteries d'agents à la Carsat. Nous voulons plutôt développer la proximité et l'accès au numérique. L'accès par téléphone n'intervient qu'en second lieu dans l'accès multicanal que vous avez proposé de manière pertinente.
Nous avons terminé les questions sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
L'ordre du jour appelle les questions sur le thème : Neuf mois après, premier bilan du plan gouvernemental « Agir contre la fraude ».
La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Franck Allisio.
Quatre-vingts milliards d'euros : voici peu ou prou l'estimation la plus prudente du coût annuel total de la fraude. Ce n'est rien de moins que la moitié de notre déficit public, une fois et demie le budget de l'éducation nationale, deux fois celui de nos armées et cinq fois celui alloué à la sécurité. C'est surtout le coût de l'inaction des gouvernements qui se sont succédé sans jamais s'attaquer de front au problème.
Comme pour tant d'autres sujets, nous avons été les premiers, avec Marine Le Pen, à alerter sur ce scandale. En avril 2023, j'ai ainsi déposé, avec l'ensemble des députés du Rassemblement national, une proposition de loi ambitieuse dont les vingt et un articles visent à jeter les bases d'un vrai projet de lutte contre la fraude sous toutes ses formes.
Quelques semaines plus tard, et après six années d'inaction sur le sujet, le Gouvernement, par la voix de M. Attal, alors ministre délégué chargé des comptes publics, présentait en réponse – et en grande pompe – un plan d'action.
Neuf mois plus tard, le plan de lutte contre la fraude fiscale, dit plan Attal, semble n'avoir débouché sur rien de consistant : quelques mesurettes administratives, une poignée d'articles bien insuffisants dans le projet de loi de finances pour 2024 et une stagnation du budget des douanes. En éternels grands diseurs mais petits faiseurs, les macronistes et leur montagne de com' ont accouché d'une souris.
Rien n'a été fait concernant les rapatriements de bénéfices au sein de l'Union européenne ou dans les paradis fiscaux ; rien concernant les arbitrages de dividendes ; rien concernant la mise en place d'une évaluation annuelle de la fraude ; aucune nouvelle non plus du groupe d'étude sur la fusion de la carte Vitale et de la carte d'identité.
Aussi, ma question sera simple : avez-vous véritablement la détermination, le courage, et – disons-le – la compétence nécessaire pour vous attaquer efficacement à la fraude ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En mai 2023, nous avons annoncé un plan de lutte contre toutes les fraudes – fiscale, douanière ou sociale. Ce plan comporte trente-six mesures ; 72 % d'entre elles ont déjà été mises en œuvre. Elles figurent dans un certain nombre de textes, notamment dans la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
De plus, seize mesures réglementaires ont été prises et quatorze mesures qui ne requéraient pas d'évolutions législatives ont été mises en œuvre. Les avancées sont très importantes : délit de mise à disposition de schémas frauduleux, renforcement de l'encadrement des prix de transfert, décret de mise en œuvre de la solidarité à la source, et renforcement des moyens au sein de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et des caisses de sécurité sociale.
Ce plan, très ambitieux, reprend parfois des propositions que vous aviez présentées dans votre proposition de loi. Toutefois, je note qu'au moment de l'examen du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), vous avez déposé très peu d'amendements sur les textes relatifs à la lutte contre la fraude – trois amendements, pour être précis.
Afin d'éviter les chiffres fantaisistes, j'ai installé le Conseil d'évaluation des fraudes, qui nous permettra d'avoir progressivement une idée plus précise du montant de la fraude. Grâce à l'Insee, on connaît le montant de la fraude à la TVA, estimé entre 20 et 30 milliards d'euros. J'ai souhaité que nous ayons des chiffres robustes et solides sur l'ensemble des grandes impositions, mais aussi sur la question de la fraude sociale. Ainsi le débat sera-t-il équilibré et éclairé.
Enfin, s'agissant de la carte Vitale et de la carte d'identité, le travail se poursuit. Une mission de l'Inspection générale des finances (IGF) a été lancée ; elle rendra ses conclusions dans quelques semaines.
Plus d'un million de retraités vivent aujourd'hui à l'étranger tout en bénéficiant d'une pension servie par le système social français. Quelque 485 000 d'entre eux résident hors de l'Union européenne, dont la majorité – 340 000 retraités – vivent en Algérie.
Ces retraités ne sont soumis qu'à l'envoi annuel d'un certificat de vie, mis en place par la loi de finances pour 2013. Celui-ci est établi par les autorités locales, malheureusement trop souvent corrompues, comme nous le savons.
En mars dernier, mon collègue Bryan Masson vous avait déjà alerté sur le coût de cette fraude, estimée entre 200 millions et 1 milliard d'euros, pour les finances publiques. Mon collègue Franck Allisio l'a rappelé : courant déjà à l'époque derrière le Rassemblement national, votre prédécesseur Gabriel Attal – aujourd'hui Premier ministre – avait repris ce thème dans son plan de lutte contre la fraude, au point 18, afin de « lutter contre la non-déclaration des décès à l'étranger pour suspendre le versement de pensions de retraite indues ».
Cette mesure engage la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) à vérifier les dossiers des assurés âgés de plus de 85 ans dans les pays où il n'existe pas d'échanges d'état civil. Cela représente environ 25 000 cas. La mesure avait déjà été expérimentée en 2022, et sur les 1 000 retraités convoqués pour l'Algérie, un tiers des dossiers contrôlés s'étaient révélés non conformes.
Ma première question est donc simple : neuf mois après, quel bilan chiffré pouvez-vous nous fournir ? Je pense à la fois au coût de déploiement des procédures de contrôle, mais aussi aux bénéfices de ces opérations pour les comptes publics. Nous demandons des chiffres, car nous refusons que les Français soient une fois de plus victimes d'une opération de communication coûteuse orchestrée par le Gouvernement sans aucun résultat concret.
Marine Le Pen et le Rassemblement national proposent une solution simple : que tous les retraités vivant à l'étranger se présentent physiquement, une fois par an, devant une autorité consulaire française. C'est simple, efficace et économe.
Au-delà de la question du dispositif que vous avez mis en place et de l'intérêt qu'il représente aujourd'hui pour nos comptes, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous refusez la proposition du Rassemblement national, qui est une mesure de bon sens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Chaque année, la Cnav verse plus de 150 milliards d'euros de prestations, notamment de pensions de retraite et de réversion. Compte tenu des montants en jeu, la lutte contre la fraude fait bien partie des priorités fixées à la Cnav.
Les actions de lutte contre la fraude concernent en particulier la détection des fausses déclarations de ressources. Des actions sont également prévues concernant les retraites versées à l'étranger, qui semblent vous préoccuper. Je rappelle qu'elles ne concernent qu'une petite proportion – moins de 3 % – des retraités et ne représentent que 3,9 milliards d'euros.
Le dispositif prévu dans ce cas dépend du pays dans lequel vivent les retraités. Près de la moitié des retraites versées à l'étranger le sont dans les pays de l'Union européenne ; nous avons avec eux des accords d'échange d'état civil qui garantissent la bonne information en cas de décès à l'étranger. Dans les pays hors Union européenne, les retraités doivent produire chaque année une attestation d'existence dûment complétée par un officier d'état civil du pays de résidence.
En complément, il existe des contrôles ciblés sur place, conduits chaque année dans les situations considérées comme à risque, c'est-à-dire auprès des assurés les plus âgés. Ces contrôles sur place peuvent être effectués avec l'appui de tiers de confiance locaux. Par exemple, au Maroc, les assurés sont convoqués au guichet de la Caisse marocaine des retraites ; et en Algérie, la Cnav expérimente des convocations auprès d'un tiers de confiance bancaire, la Bred. Avant d'être étendus à d'autres publics comme les retraités moins âgés, ces dispositifs doivent faire l'objet d'une évaluation. Enfin, des contrôles peuvent également être effectués par des agents consulaires – c'est notamment le cas en Algérie.
La France est au deuxième rang des pays où la pression fiscale est la plus forte. Les contribuables français vous donnent tout – ou plutôt, vous leur prenez tout.
Quand Marine Le Pen dit que « la voie la plus efficace pour augmenter les budgets publics, c'est de lutter contre la fraude », vous répétez que vous voulez « miser sur le plan de lutte contre la fraude pour aller chercher les 10 milliards de recettes supplémentaires que le Gouvernement vient d'annoncer ».
Monsieur le ministre, je vous offre la solution : luttez contre le blanchiment d'argent issu du trafic de stupéfiants ! Cette économie parallèle transforme peu à peu notre pays en un « narco-État ». Chaque année, cela représente 3,1 milliards d'euros de consommation de drogue et 8,8 milliards d'euros de coût social. Sur le terrain, sans l'aide de l'État, nos maires sont impuissants et réduits à faire du harcèlement administratif.
Pendant ce temps-là, vos services de la direction départementale de la protection des populations (DDPP), dont l'activité principale est la répression des fraudes, ne sont pas au rendez-vous. Dans l'Aisne, leur action se résume à entraver l'activité des agriculteurs et des éleveurs, qui doivent patienter plus d'un an pour obtenir des autorisations, et à harceler les PME jusqu'à la liquidation – je pense à Madame Marchand à Bézu-Saint-Germain.
Monsieur le ministre, quand je parle de harcèlement, ce ne sont pas mes mots, mais ceux du cabinet de votre collègue, Mme Grégoire, qui reconnaît son impuissance face aux dérives de ce service préfectoral.
Passé les effets d'annonce, on ne peut que constater votre inaction. Les économies que vous voulez réaliser, elles sont là : 11,3 milliards d'euros vous échappent chaque année parce que votre gouvernement n'a pas le courage d'aller les chercher là où ils sont ! Mais n'ayez crainte : en 2027, avec Marine Le Pen, nous ferons ce que vous n'osez pas faire et nous redresserons la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Votre intervention mélange de nombreux sujets, à commencer par le redressement de nos finances publiques. Vous le savez, je suis très attaché à ce que celles-ci soient gérées avec sérieux. Je ne peux donc souscrire aux mesures fiscales que vous proposez régulièrement dans l'hémicycle, comme l'exonération d'impôt sur le revenu de tous les jeunes de moins de 30 ans, qui grèverait considérablement nos recettes fiscales – même si j'imagine que Kylian Mbappé vous en remercierait chaudement.
En matière de gestion des finances publiques, je vous renvoie donc aux très nombreuses incohérences de vos propres propositions.
Nous ne vous avons évidemment pas attendu pour lutter contre les stupéfiants. En mars, je présenterai d'ailleurs au nom du Gouvernement un nouveau plan de lutte contre les stupéfiants, qui prévoit notamment la mobilisation de douaniers, car nous savons qu'il existe un risque particulier au niveau des ports, points d'entrée de la cocaïne sur le continent européen – un constat qui vaut pour les ports du nord de l'Europe, mais aussi pour un certain nombre de ports français. J'ai donc décidé de renforcer progressivement les effectifs de douaniers, mais aussi le nombre d'équipements, comme les scanners – en particulier les scanners mobiles –, dans tous les ports exposés au risque de « tsunami blanc », comme certains l'appellent. La solution pour éviter que les stupéfiants arrivent sur notre territoire, c'est d'arrêter le trafic à la source.
Pour renforcer notre efficacité, nous devons par ailleurs renforcer le renseignement et étendre l'activité de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) au domaine fiscal. Cela passe par la création d'une unité de renseignement fiscal qui sera hébergée avec les équipes de la douane.
L'objectif du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques est bien de lutter contre tous les trafics : c'est une exigence de gestion des finances publiques autant que de protection de la cohésion sociale face à ceux qui l'abîment.
Dans la feuille de route du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques de mai 2023, M. Gabriel Attal, alors ministre délégué chargé des comptes publics, prenait l'engagement d'harmoniser à neuf mois par an la durée de résidence en France conditionnant l'accès aux prestations sociales – à l'exception des pensions. Cette mesure devait être intégrée au PLFSS pour 2024, qui n'en a pas fait mention. Dans le cadre du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, vous vous êtes même clairement refusés à conditionner le versement de certaines prestations sociales non contributives à une durée de résidence en France.
Aux dernières nouvelles, M. Attal, qui a défini cette feuille de route, est désormais chargé de la politique du Gouvernement. Pourquoi donc cette mesure – et toutes les autres – ne sont-elles pas encore appliquées ? Qu'attendez-vous pour régler ce problème ? Que l'argent du contribuable français ait été dilapidé par négligence ? Vous en connaissez pourtant les conséquences : en 2022, par exemple, la fraude était estimée à 71 millions d'euros pour la seule branche famille. À l'heure où le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique annonce des coupes dans les aides aux Français pour maintenir les comptes à l'équilibre, qu'attendez-vous pour couper les aides aux étrangers ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Rassurez-vous, monsieur le député : les engagements pris par Gabriel Attal lorsqu'il était ministre délégué chargé des comptes publics seront bel et bien tenus. Nous allons effectivement harmoniser à neuf mois par an la durée de résidence en France conditionnant l'accès aux prestations sociales. C'est déjà le cas pour le RSA et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), et nous allons étendre la règle aux prestations familiales. Cette mesure, qui complétera le dispositif, sera prise par décret dans les prochaines semaines, ce qui explique qu'elle ne figure pas dans les textes législatifs récemment débattus.
Il faut reconnaître un mérite à votre plan de lutte contre la fraude : à force de répétition, il envoie aux tricheurs un message clair : avec un peu de patience et le bon ministre, ce qui était intolérable hier sera légal demain. Pour Macron,…
…lutter contre la fraude revient à la légaliser.
On n'a aucune peine à s'imaginer la joie des marchands de sommeil marseillais cet été, lorsque leurs logements, jusqu'alors considérés comme indignes, sont devenus dignes d'un coup de baguette magique – un discret changement de la hauteur légale sous plafond, abaissée à 1,80 mètre. Les propriétaires véreux et sans scrupule vous remercient d'autant plus qu'à peine arrivé, votre gouvernement leur a fait un nouveau cadeau : en changeant tout aussi discrètement la méthode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE), il leur a permis de remettre sur le marché leurs passoires thermiques, où les locataires se gèlent l'hiver et étouffent l'été.
Comme l'a dit Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »
Avec le nouveau ministre délégué chargé du logement, qui a voté main dans la main avec le Rassemblement national la loi qui porte son nom, la priorité est claire : la rentabilité financière avant les plus précaires. Car l'objectif premier des lois que vous supprimez est bien de protéger les plus démunis contre les violences de votre infernal modèle de société. Vous n'agissez pas contre la fraude, vous la légalisez ! Cette méthode est la marque de fabrique de votre famille politique, qui a déjà déroulé le tapis rouge à Uber, cette entreprise qui a érigé le mépris de nos lois en stratégie commerciale sans jamais être inquiétée et a désormais ses entrées à l'Élysée.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quand cesserez-vous de faire semblant d'agir contre la fraude et de gracier des fraudeurs, pour protéger celles et ceux qui en sont les principales victimes – les plus faibles, les plus précaires et les plus démunis, comme toujours ?
Comme je l'ai déjà rappelé, plus de 70 % des mesures du plan présenté en mai 2023 ont déjà été prises – c'est dire s'il n'est pas resté lettre morte. Textes financiers, décrets, nous faisons feu de tout bois pour lutter contre la fraude aux aides publiques. Par exemple, nous avons renforcé le contrôle des bénéficiaires des aides à la rénovation énergétique et créé un régime de sanctions administratives pour punir les abus.
Une des difficultés de la lutte contre la fraude aux aides publiques tient à son caractère interministériel : elle nécessite la coopération de différents ministères et administrations, raison pour laquelle nous avons créé une cellule de veille interministérielle antifraude aux aides publiques. En mai, l'Office national antifraude (Onaf) sera opérationnel et permettra de lutter contre toutes les fraudes aux aides publiques. Vous le voyez, avec les trente-cinq mesures du plan, nous resserrons donc les mailles du filet comme jamais auparavant.
Conformément à l'engagement pris par Gabriel Attal lorsqu'il était ministre délégué chargé des comptes publics, nous allons également augmenter de 25 % le contrôle fiscal des plus fortunés, et les autres mesures du plan entreront progressivement en application. Entre autres choses, nous nous assurerons que les personnes qui travaillent pour les plateformes bénéficient bien du régime de protection sociale auquel elles ont droit, notamment en retenant à la source leurs cotisations sociales – une mesure qui figure dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et dont l'inexistence privait jusqu'à présent les microentrepreneurs ayant recours à des plateformes numériques d'une partie des droits auxquels ils devraient pouvoir prétendre.
J'espère que la liste des mesures que nous prenons pour lutter contre tous les types de fraude vous aura rassuré.
En mai 2023, le Gouvernement présentait un plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière. Parmi les mesures annoncées figurait la création, d'ici à 2027, de 1 500 équivalents temps plein (ETP) pour soutenir le contrôle fiscal et la lutte contre la fraude fiscale. Alors que plus de 2 000 emplois dans le contrôle fiscal ont été supprimés ces dix dernières années, ces moyens sont très insuffisants pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale, d'autant qu'une partie des 1 500 postes annoncés correspond en réalité à un redéploiement des ressources et non à une création nette d'emplois.
Dans son rapport annuel consacré à la lutte contre l'évasion fiscale, la rapporteure spéciale Charlotte Leduc recommande l'embauche de 4 000 agents d'ici à 2027. Alors qu'il faudrait réellement et résolument déployer les moyens humains nécessaires pour lutter contre la fraude – notamment l'évasion fiscale, puisque ce sont entre 80 et 100 milliards d'euros qui échappent ainsi chaque année aux finances publiques –, le Gouvernement vient de publier un décret prévoyant une baisse de 10 milliards d'euros des dépenses, qui s'ajoute aux 18 milliards d'euros de coupes budgétaires déjà prévus dans la dernière loi de finances, adoptée grâce au 49.3. Cette nouvelle saignée de 10 milliards achèvera la destruction de nos services publics et mettra encore un peu plus à mal le droit au logement et notre capacité à atteindre des objectifs pourtant urgentissimes en matière d'écologie.
En 2022, les montants recouvrés par Bercy dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale s'élevaient à 14,6 milliards d'euros. En 2023, malgré ce grand plan pour agir contre la fraude, 11 milliards seulement sont revenus dans les caisses de l'État, soit 20 % de moins que l'année précédente. Le Gouvernement pourrait faire le choix de la justice fiscale et sociale en consacrant réellement des moyens à la lutte contre l'évasion fiscale – car ces moyens existent ; mais Emmanuel Macron choisit l'austérité, la poursuite de la destruction des services publics et l'inaction climatique. Jusqu'à quel point continuerez-vous de martyriser le pays en refusant un juste partage des richesses ?
Je vais rebondir sur la fin de votre intervention : il est difficile d'entendre parler d'austérité…
…quand on sait que les dépenses de l'État, qui ont augmenté de plus de 25 % entre 2019 et 2023, représentent entre 56 % et 58 % du PIB ! Renforcement des effectifs des policiers et du nombre de magistrats, poursuite du dédoublement des classes, création de groupes de niveaux dans les établissements scolaires, renforcement des moyens de l'éducation nationale : je n'ai pas vraiment l'impression que l'on impose une cure d'austérité, c'est-à-dire une fermeture des services publics associée à une augmentation des impôts – ou alors nous n'avons pas la même définition de l'austérité, mais c'est un autre débat.
S'agissant de notre action climatique, jamais on n'a autant investi pour la transition écologique, dont le budget a été augmenté de 8 milliards d'euros. Même s'il est vrai que l'augmentation aurait été de plus de 10 milliards sans les annulations de crédits annoncés cette semaine, ce montant reste tout à fait historique.
S'agissant enfin des moyens humains, 1 500 ETP supplémentaires seront créés au sein de la DGFIP et affectés à la lutte contre la fraude fiscale – dont 350 dès cette année –, et 1 000 ETP supplémentaires renforceront les équipes des caisses de sécurité sociale d'ici à la fin du quinquennat. Mais les moyens humains ne suffisent pas : les agents ont besoin d'outils pour agir. Nous avons donc créé des outils de contrôle des prix de transfert pour lutter contre la fraude des entreprises, ou encore l'injonction numérique, qui renforce les moyens de contrôle des plateformes de commerce en ligne. Nous avons également créé de nouvelles sanctions. Comme vous le constatez, nous avons donc à la fois renforcé les moyens humains et les outils à leur disposition.
Au printemps 2023, M. Attal, alors ministre délégué chargé des comptes publics, présentait un plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques. La commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, que j'ai eu l'honneur de présider en 2020, a permis de révéler que 73,7 millions de personnes étaient bénéficiaires de prestations sociales françaises, alors que notre pays ne compte que 67 millions d'habitants. Une révélation confirmée par la Cour des comptes en septembre de la même année, dans un rapport qui nous apprenait que la sécurité sociale prenait en charge 75,3 millions d'assurés sociaux.
Il y a moins d'un an, l'IGF et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) rendaient un nouveau rapport, dont la lecture est édifiante et la conclusion particulièrement inquiétante : avec 73,1 millions de bénéficiaires de la seule assurance maladie et déduction faite des cas considérés comme légitimes, « il demeurerait un stock d'assurés sociaux non-résidents de plus de 4 millions de personnes ». Et l'IGF d'ajouter : « Dans le cadre de la lutte contre la fraude, la question de l'affiliation et de la radiation des assurés sociaux […] est prioritaire. »
Ma question est donc très simple : pourquoi la remise à plat du fichier des assurés sociaux, pour en sortir au moins 4 millions d'individus pris en charge à tort, ne figure-t-elle pas dans les priorités du Gouvernement, alors que l'alerte a été lancée par des magistrats, une commission d'enquête et l'IGF ? Que comptez-vous faire pour effectuer en urgence ce travail de lutte contre la fraude qui devrait être la priorité du Gouvernement ? Vous n'avez pas écouté le juge Charles Prats, vous n'avez pas écouté la commission d'enquête que je présidais ; allez-vous enfin écouter votre inspection, l'IGF ?
Nous écoutons les parlementaires et nous tenons également compte des rapports d'inspection qui nous sont remis pour améliorer sans cesse les dispositifs de lutte contre toutes les fraudes, sociale – je connais votre intérêt pour cette question – mais aussi fiscale et douanière. La fraude liée à l'utilisation de la carte Vitale revient régulièrement dans le débat public : il existerait un grand nombre de cartes surnuméraires, qui se baladeraient dans la nature. C'était vrai il y a quelques années : on a compté jusqu'à un peu plus de 2 millions de cartes Vitale dites excédentaires. Progressivement, cet excédent a été réduit, pour atteindre le chiffre de trente-six au 31 décembre 2023, grâce au travail de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). Ce problème a donc été pris en charge et résolu.
En revanche, il reste à étudier les conditions dans lesquelles on pourrait rapprocher la carte Vitale de la carte nationale d'identité, dans le sens que vous avez indiqué. Cette piste avait été évoquée par mon prédécesseur Gabriel Attal. Là encore, l'IGF a été saisie d'une mission sur ce sujet et nous remettra dans les toutes prochaines semaines ses recommandations pour voir dans quelles conditions et avec quels avantages il serait possible de mener à bien cette fusion. Enfin, la solidarité à la source, avec le montant net social qui figurera sur les fiches de paie et le préremplissage des formulaires de demandes d'allocations avec les ressources des allocataires, permettra à la fois de simplifier les demandes et de mieux lutter contre la fraude aux allocations sociales.
« Rendre aux Français l'argent de la fraude, tel est l'objectif du plan de lutte contre toutes les fraudes », nous disait Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics. Et il nous promettait un saut qualitatif et quantitatif dans ce domaine. On ne peut se satisfaire d'une sémantique grandiloquente : le dire doit s'accompagner du faire ! Ce principe doit s'appliquer aux fraudes aux prestations sociales, cet impôt dissimulé pour les Français qui travaillent, dont le montant global a été estimé à 43 milliards par le rapport de la commission d'enquête.
Nous devons aller au-delà de la lutte contre la fraude aux prestations sociales soumises à condition de résidence sur le territoire français. Nous devons également agir particulièrement contre la fraude aux prestations de retraite françaises versées, elles, à l'étranger.
En 2017 déjà, grâce à la mobilisation de Contribuables Associés, le rapport de la Cour des comptes nous alertait sur de probables dérives, en estimant la fraude annuelle à environ 200 millions d'euros versés à 53 604 bénéficiaires – notamment en Algérie, au Portugal, en Espagne, au Maroc et en Italie – dont l'identité n'est pas toujours formellement établie. Les enjeux financiers liés au versement de ces pensions demeurent encore largement sous-estimés. Le risque de fraude reste bien plus élevé à l'étranger qu'en France, faute d'échanges automatiques d'état civil avec nombre de pays extra-européens.
Une telle situation de nos pensions de retraite doit appeler à une plus grande vigilance, qui passe concrètement par un renforcement du contrôle de la régularité du certificat d'existence des allocataires et par une vérification physique constatée par un officier d'état civil français présent dans nos ambassades et consulats à l'étranger. Un simple décret le permettrait. Ces mesures de bon sens sont à même de lever les éventuels doutes quant à l'identité et à l'âge des bénéficiaires. Monsieur le ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale quant à l'ampleur de cette fraude aux prestations de retraite françaises perçues à l'étranger ? Allez-vous faire vôtre ma proposition de renforcer, par des outils de lutte plus efficaces, les contrôles de l'identité des bénéficiaires ?
Monsieur le ministre…
Pas encore !
Sourires
La Cnav verse chaque année plus de 150 milliards d'euros de prestations, dont 3 % correspondent au versement de retraites à des personnes résidant à l'étranger. La situation est très différente selon qu'il s'agit de pays européens ou non européens. S'agissant des premiers, des mécanismes d'échange de données et de coopération entre états civils nous permettent d'être automatiquement informés du décès du bénéficiaire de la pension de retraite et de cesser aussitôt son versement.
S'agissant des pays hors Union européenne, les retraités doivent produire chaque année une attestation d'existence dûment complétée par un officier d'état civil du pays de résidence. Là encore, le dispositif de contrôle se renforce, par des enquêtes et des contrôles effectués sur place, visant les assurés à risque – pardonnez-moi cette expression –, c'est-à-dire les plus âgés. Au Maroc, des assurés sont convoqués au guichet de la Caisse marocaine des retraites. En Algérie, on s'appuie sur un tiers bancaire de confiance, la Bred. Depuis 2022, des agents consulaires ont ainsi convoqué 1 083 personnes qui ont reçu un courrier les invitant à se déplacer. 35 % ne sont pas venues et le paiement de leur pension a alors été immédiatement arrêté. Nous avons pour objectif de contrôler effectivement la totalité des dossiers des assurés de plus de 85 ans d'ici à 2027.
Nous voilà au terme de neuf mois d'application du plan gouvernemental de lutte contre la fraude. Sans surprise, je vais vous parler de la fraude à l'assurance maladie, estimée à plus de 4 milliards d'euros, qui marque une rupture du pacte social et du principe de solidarité dans notre pays. Au sein de celle-ci, on distingue une pratique qui met en péril la confiance de nos concitoyens dans l'équité de notre système de santé : la fraude aux cartes Vitale. Pour rappel, un rapport commandé par le Premier ministre en 2020 avait révélé un surnombre de plus de 5 millions de cartes Vitale.
La mesure 17 du plan gouvernemental évoque l'étude de « la mise en œuvre d'un rapprochement entre la carte nationale d'identité et la carte Vitale » pour mieux identifier et limiter les fraudes. Au terme de ces neuf mois d'étude, pouvez-vous nous dire où en sont vos réflexions ? L'effet d'annonce va-t-il enfin se concrétiser, comme nous le demandons depuis des années ? Avec Les Républicains, nous ne cessons de dire qu'il est devenu insupportable dans ce pays que les Français de bonne foi paient pour ceux qui fraudent.
Nous estimons aussi que la réalisation de vos objectifs d'économies devrait d'abord passer par un courage politique beaucoup plus fort contre la fraude sociale, plutôt que par une augmentation du prix des médicaments pour tous les Français, comme vous avez prévu de le faire à partir de la fin du mois de mars. Sans mauvais jeu de mots au regard des chiffres de la fraude, vous auriez dû faire preuve de plus de franchise…
Par ailleurs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui soutient cette mesure 17, reste toutefois prudente et préconise une disposition qui permette à l'assuré de s'opposer à l'inscription de son numéro d'assuré sur son titre d'identité. Cela rendrait cette mesure complètement inefficace dans la lutte contre les fraudes. Quelle est donc la position du Gouvernement face à cette préconisation ? Autrement dit, si la mesure entrait en vigueur, la rendriez-vous obligatoire pour tous les assurés ?
Vous soulevez une question importante, celle des risques de fraude à l'assurance maladie par l'utilisation de la carte Vitale. Le problème massif des cartes Vitale dites surnuméraires a été traité. On estimait leur nombre à 2 millions en 2018. Grâce à l'action de la Cnam, le stock des cartes surnuméraires a été totalement réduit, puisqu'on n'en dénombrait plus que trente-six au 31 décembre 2023. On devrait se féliciter que ce problème ait été réglé. Pour aller plus loin, une mission a été confiée à l'IGF, visant au rapprochement de la carte Vitale et de la carte nationale d'identité. Ce serait d'abord une mesure de simplification, et probablement un moyen de mieux lutter contre un des principaux risques pour l'assurance maladie, celui d'usurpation d'identité. Le rapport de l'IGF permettra d'éclairer les conditions dans lesquelles ce rapprochement est possible.
M. Christophe Blanchet applaudit.
Je veux vous parler d'une fraude qui n'a pas encore été évoquée et qui pourrait rapporter 10 milliards de recettes – le chiffre est à la mode – si on y mettait fin. La contrefaçon répond exactement à la définition de la fraude : « acte malhonnête commis dans l'intention de tromper ». Le rapport que j'ai rédigé avec mon collègue Kevin Mauvieux indique que la contrefaçon coûte effectivement 10 milliards d'euros, représente 26 000 emplois détruits en France et entraîne surtout des conséquences indirectes. Un enfant qui achète une contrefaçon de carte Pokémon peut finir à l'hôpital car son encre contient du mercure ; une batterie de voiture ou la guirlande d'un sapin de Noël peut prendre feu. Aujourd'hui, les médicaments représentent le deuxième produit le plus contrefait en France : leur utilisation entraîne une hausse des hospitalisations.
Il faut donc des actes forts. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre ? La France est vice-championne du monde pour la consommation de contrefaçon alors qu'elle était sixième il y a dix ans. À quand une grande campagne de communication pour informer, responsabiliser et sensibiliser les consommateurs sur les risques qu'ils prennent en achetant de la contrefaçon ? À quand une évolution des lois ? Lors de la précédente législature, j'avais présenté et fait adopter par notre assemblée une proposition de loi visant à moderniser la lutte contre la contrefaçon ; elle est aujourd'hui au Sénat. À quand un renforcement de la lutte contre le tabac contrefait, qui représente aujourd'hui 3 milliards d'euros – autant que le marché de la drogue ? Mettons le paquet pour lutter contre la contrefaçon, notamment du tabac, comme nous l'avons fait pour lutter contre la drogue ! J'ai rédigé une proposition de loi visant à instaurer une traçabilité du tabac transformé importé en France, car un tabac tracé empêchera de fabriquer des cigarettes contrefaites. Quelle est votre position à cet égard, monsieur le ministre ?
Monsieur le député, permettez-moi de saluer votre implication dans la lutte contre la contrefaçon depuis de nombreuses années, dans vos fonctions de député mais aussi de président du comité national anti-contrefaçon. Je vous sais à la pointe sur ce sujet, car vous m'avez régulièrement alerté. C'est un combat qui vous tient à cœur et que je partage avec vous. La contrefaçon, c'est la triple peine. Pour les entreprises, dont les droits sont bafoués. Pour les finances publiques, puisque ce sont des recettes fiscales en moins. Pour les consommateurs, qui achètent des produits de moindre qualité et peuvent ainsi se mettre en danger – vous avez cité l'exemple des enfants.
La lutte contre la contrefaçon est donc une des priorités dans la mobilisation des services qui sont sous mon autorité, en particulier la direction générale des douanes. Je lui ai demandé d'élaborer un nouveau plan de lutte contre la contrefaçon, car il faut accélérer et aller plus loin, renforcer les moyens que l'on y consacre, concevoir de nouveaux outils et de nouvelles approches. J'aurai l'occasion de présenter prochainement ce plan et j'espère compter sur votre présence à mes côtés. L'objectif est d'aller au-delà de la seule saisie de la contrefaçon. Il faut remonter les filières, les réseaux criminels qui, à la manière des réseaux de stupéfiants, alimentent une criminalité bien organisée, se jouent de nous en installant sur le territoire national des ateliers d'assemblage, et que nous devons mieux traquer.
Enfin, je rappellerai que dans le plan de lutte contre toutes les fraudes, ainsi que dans les textes financiers adoptés dernièrement, figurent de nouveaux outils qui seront très utiles : l'injonction numérique, la lutte contre le drop shipping, le web scraping. Ce sont autant d'instruments qui aideront nos douaniers à mieux lutter contre la contrefaçon. Je vous remercie encore, monsieur le député, pour votre implication sur ce sujet.
Je rencontre, comme beaucoup de mes collègues, des présidents de tribunal de commerce. À Lisieux, ces derniers m'ont alerté sur le nombre de liquidations judiciaires et sur le fait que certaines personnes en sont coutumières. Le monde est imparfait, il y a de bons et de mauvais patrons, comme il y a de bons et de mauvais salariés. Ces mauvais patrons, qui procèdent de façon récurrente à des liquidations judiciaires après avoir monté une entreprise et sollicité des fonds, laissent une dette au terme de la liquidation, outre celle aux fournisseurs et aux clients : la dette sociale, contractée à l'égard de l'Urssaf. Or selon le tribunal de commerce de Lisieux, le montant de cette dernière est importante. Qu'en est-il au niveau national ? Il serait intéressant de connaître le montant de cette somme qui ne sera jamais recouvrée.
J'ai posé une question écrite à ce sujet au mois d'octobre, renouvelée le 30 janvier ; je n'ai toujours pas de réponse. Ma question concerne la valeur de la dette Urssaf non recouvrée à la suite de liquidations judiciaires d'entreprises. Cela constitue une fraude de la part de ces chefs d'entreprise voyous, qui pénalise l'honnêteté d'autres chefs d'entreprise, mais aussi nos comptes publics, puisque cette dette Urssaf ne sera jamais recouvrée. Quelles solutions entrevoyez-vous à cet égard ? Peut-on connaître le montant que cela représente en 2022 et 2023 ?
Je partage votre agacement face à ces pratiques dignes de ceux qu'on pourrait qualifier de margoulins, qui organisent leur insolvabilité par des liquidations en série – chacun connaît quelques cas dans sa circonscription. Le plan contre les fraudes prévoit déjà une mesure importante, qui permet je crois d'y répondre : la production d'une attestation fiscale et sociale lors de la procédure de liquidation amiable. En cas de procédure liée à du travail dissimulé ou à un contrôle fiscal, l'Urssaf ou la DGFIP pourra bloquer la délivrance de l'attestation, et donc une procédure devant le tribunal de commerce, empêchant ainsi la liquidation. Un projet de décret a été élaboré ; il est en cours de concertation interministérielle et sera finalisé dans les prochains mois.
Avant d'envisager d'autres mesures, il convient de bien tester l'effet de cette dernière, qui est une disposition puissante et très utile pour répondre au problème que vous soulevez. D'autres mesures sont par ailleurs prévues dans les textes financiers, comme la solidarité du donneur d'ordre dans le cas où il ne remplirait pas son obligation de vigilance à l'égard de son sous-traitant, par exemple en matière de travail dissimulé – disposition qui figure dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Nous sommes résolus à cibler les personnes qui ont effectivement fraudé et à appliquer une juste sanction en cas de détournement des procédures de liquidation. Nous avons récemment avancé en matière de décharge de responsabilité solidaire, afin que des femmes qui se retrouvent comptables des dettes fiscales de leur époux – ce dernier ayant organisé sa propre insolvabilité – puissent en être déchargées. La proposition de loi d'Hubert Ott visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 janvier, notamment grâce au travail de la rapporteure Perrine Goulet. Je salue cette avancée extrêmement utile.
Je souhaite aborder la question du renseignement fiscal. À l'occasion de mon rapport d'information sur les aviseurs fiscaux, déposé en juin 2019, j'avais auditionné l'ancien chef du service des investigations élargies (SIE) de la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF), M. Jean-Patrick Martini. L'audition avait mis en évidence le retard français en matière de renseignement fiscal.
À la suite de l'expérimentation du dispositif des aviseurs fiscaux, Gérald Darmanin, alors ministre de l'action et des comptes publics, soulignait le 22 août 2019, dans un entretien aux Échos, le besoin de structurer une mission de renseignement fiscal allant au-delà des techniques administratives habituelles. Cette volonté s'est traduite par la création d'une task force réalisée à moyens constants et qui, sans devenir un service à part entière, relève d'une coopération entre la DNEF, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin.
Dans mon rapport d'information sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d'information relative aux aviseurs fiscaux, déposé en septembre 2021, j'ai émis de sérieuses réserves quant à cette coopération. En effet, la constitution de cette task force n'était pas pertinente, en raison des cultures administratives et des objectifs différents des services qui la composent. Les risques d'incompatibilité étaient trop importants. Face à l'échec anticipable – et anticipé – du dispositif, le Gouvernement a finalement annoncé, en mai 2023, la création d'une unité de renseignement fiscal. Conçue par un militaire de carrière, nouvellement inspecteur des finances, et qui – sauf erreur de ma part – n'a pas d'expérience en matière de contrôle fiscal, cette unité doit prendre place au sein de la DNRED, et être commanditée par la DNEF.
Or la DNRED est incompétente en matière de contrôle fiscal, et ne peut pas mener à bien les missions envisagées. Pour le dire simplement, les douaniers travaillent sur des flux physiques, alors que les montages fiscaux sont de nature intellectuelle, juridique, financière et comptable, donc immatériels. Autrement dit, les douaniers et la DGFIP ne font pas le même métier. Comment croire un instant à l'efficacité d'un dispositif atteint d'une insuffisance juridique atavique ? L'activité de ce service a-t-elle été réellement pensée par la DGFIP et le Gouvernement ? Est-il envisageable de placer ce nouveau service indispensable au sein de la DNEF ?
Madame la députée, j'espère pouvoir vous rassurer. Je connais votre investissement sur ces sujets, et vous rappeliez nos échanges sur la généralisation des aviseurs fiscaux. S'agissant de la fraude fiscale, nous nous trouvons effectivement devant une difficulté, à la différence de la lutte contre les autres trafics, qui est de la responsabilité de la douane : nous ne disposons pas d'activité de renseignement. Or le renseignement est indispensable…
…pour rendre la lutte contre la fraude fiscale plus efficace ; il peut par exemple être utilisé dans la lutte contre le trafic de stupéfiants ou de tabac. Lors de la présentation du plan de lutte contre toutes les fraudes par Gabriel Attal, nous avons annoncé la création de cette unité de renseignement fiscal. Nous avons pris une option pragmatique. Nous nous appuyons sur les compétences opérationnelles de la DNRED – qui est la direction spécialisée, au sein de la douane, dans toutes les techniques de renseignement. Nous créons cette unité au sein de la DNRED, mais avec des équipes provenant de la DGFIP, qui se mettront au service de la lutte contre la fraude fiscale.
J'aurai, je l'espère, l'occasion d'échanger avec les parlementaires, notamment les commissions compétentes et la délégation parlementaire au renseignement, afin de bien expliquer ce dispositif. Il me semble très pragmatique, et il est nécessaire d'avancer rapidement. Nous verrons à l'usage s'il faut le faire évoluer du point de vue juridique, mais le plus important est de mobiliser rapidement les moyens de renseignement, aujourd'hui bien maîtrisés par la DNRED.
Le temps passe vite. En mai dernier, l'actuel Premier ministre était ministre délégué chargé des comptes publics et lançait, à grand renfort médiatique, un plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière. Depuis, il a poursuivi sa politique, tout aussi inefficace, des coups de com' au ministère de l'éducation nationale. Mais la réalité est têtue et, neuf mois après le lancement de ce plan, les déceptions sont nombreuses. Outre le décret décevant de création de l'Onaf, de nombreuses autres mesures annoncées se révèlent éloignées des objectifs affichés en mai 2023.
Ceux-ci demeuraient très modestes, sachant que la fraude – qu'elle soit fiscale ou sociale – se double surtout de l'évasion fiscale, qui induit un manque à gagner, pour l'État et les collectivités locales, évalué entre 80 et 100 milliards d'euros. Il existe une véritable industrie du conseil en matière d'évasion, qui justifierait le délit d'incitation à la fraude fiscale, dont on attend encore – hélas – la création. De même, la lutte contre les paradis fiscaux reste bien molle, alors qu'ils demeurent le rouage essentiel de la mondialisation libérale d'une part, et de toutes les mafias d'autre part.
Ma question concerne donc les perspectives de création d'un véritable conseil d'évaluation, sur le modèle de ce qui existe aux États-Unis ou au Royaume-Uni, qui mesurerait plus précisément le montant de la fraude et de l'évasion. Quel réarmement envisagez-vous en matière de ressources humaines, de moyens d'investigation et d'arsenal de sanctions ?
Monsieur le député, je voudrais commencer par vous rassurer. Vous appelez de vos vœux la création d'un délit d'incitation à la fraude fiscale, or ce vœu a été exaucé dans la loi de finances pour 2024 ! Nous y avons créé ce délit.
Vous en avez eu connaissance, monsieur le député. Nous sommes même allés plus loin. Outre le délit d'incitation à la fraude fiscale, nous avons créé le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, visant précisément celles et ceux que vous dénoncez, qui vivent de ces montages fiscaux. Ce délit est désormais inscrit dans la loi.
Ce délit a même été étendu au champ social par le délit d'incitation à la fraude sociale. Ces youtubeurs que vous avez pu voir, qui expliquent, de Miami à Dubaï, comment vivre sans travailler en touchant le RSA et qui vantent aux jeunes générations ce mode de vie comme un modèle magnifique, nous devons pouvoir les traquer. C'est chose faite grâce à ce délit d'incitation à la fraude sociale.
Par ailleurs, j'ai installé en octobre dernier le Conseil d'évaluation des fraudes (CEF). Je partage votre analyse selon laquelle nous avons besoin de mieux apprécier le montant global de la fraude fiscale, sociale et douanière. Nous disposons de certaines données, mais d'autres nous manquent. Nous avons réuni les administrations et les meilleurs experts, français – comme Gabriel Zucman ou Pascal Saint-Amans, qui a travaillé à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – et étrangers, afin de mieux évaluer la fraude, de l'inscrire dans le débat public et de se fixer des objectifs. Le but étant, à l'arrivée, d'être plus efficace. Ces éléments, monsieur le député, devraient permettre de vous rassurer.
Ma question porte sur le dispositif MaPrimeRénov', qui permet de soutenir les nécessaires travaux de rénovation thermique des logements de nos concitoyens et qui a déjà accompagné plus d'un million et demi de Français. Il s'agit d'un dispositif utile, qui a fait ses preuves, même s'il fait régulièrement l'objet de modifications et d'adaptations. Le montant alloué à MaPrimeRénov' continuera d'augmenter en 2024, avec 600 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023 – malgré le plan d'économies que nous soutenons –, pour atteindre un budget de 3 milliards d'euros. Je tenais à le saluer.
Comme tout dispositif qui rencontre un franc succès, MaPrimeRénov' fait cependant l'objet de nombreuses fraudes, des entreprises étant créées à cette seule fin. Les arnaques se multiplient en matière de rénovation thermique : cela va des fraudeurs qui se font faire de fausses factures pour toucher la prime de ménages qui n'en ont jamais fait la demande aux soi-disant artisans qui touchent la même prime sans réaliser de réels travaux, voire en réalisant des travaux qui dégradent le logement. Nos concitoyens se retrouvent alors dans des situations dramatiques. Selon la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le montant des fraudes repérées pour l'année 2021 est estimé à environ 92 millions d'euros, avec un dommage global sans doute beaucoup plus important. En 2022, 170 000 contrôles ont été effectués et ont donné lieu à des sanctions administratives ou pénales. Le niveau des contrôles a été maintenu en 2023, en raison de nouveaux schémas mis en place par les fraudeurs.
Monsieur le ministre, avez-vous des données précises sur les fraudes ayant eu lieu en 2023, quant au nombre de foyers concernés, aux montants détournés et à ceux d'ores et déjà récupérés ? Par ailleurs, pouvez-vous confirmer que le niveau des contrôles sera maintenu voire renforcé en 2024, et indiquer sous quelle forme ?
Vous abordez, madame la députée, un sujet qui me tient particulièrement à cœur dans la mise en œuvre du plan de lutte contre toutes les fraudes : celui de la fraude aux aides publiques. Elle concerne notamment les aides à la rénovation – vous avez rappelé les montants considérables que nous allouons à cette politique publique.
Avec Agnès Pannier-Runacher, nous avons présenté en novembre un plan visant à renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique, qui a bien été constatée. Ce fut l'occasion de partager plusieurs chiffres, que je me permets de vous communiquer en réponse à votre question.
En 2023, nous avons identifié près de 300 mandataires potentiellement frauduleux – soit 5 % du total – et impliqués dans l'exécution de MaPrimeRénov', pour un montant de primes de 100 millions d'euros. La même année, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a procédé à plus d'une vingtaine de dépôts de plainte.
La lutte contre la fraude aux aides énergétiques constitue l'une des priorités de la cellule interministérielle que nous avons installée il y a quelques mois. En effet, ces aides mobilisent divers services de l'État et il arrive que les fraudeurs jouent de l'éclatement des responsabilités entre les uns et les autres.
J'ajoute que nous avons interdit le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, toujours afin d'assainir le secteur. Enfin, nous avons renforcé l'encadrement de l'activité de mandataire financier.
Je vous confirme que la pression sera maintenue et même accentuée, dans la mesure où nous allons continuer à augmenter les moyens de la DGCCRF sur cette mission. Vingt-quatre emplois supplémentaires seront dédiés à la lutte contre les fraudes aux aides énergétiques.
Enfin, je considère qu'en cas de signalement, qu'il vienne de Tracfin ou d'une autre entité, il faudrait pouvoir stopper immédiatement le versement des aides. Pour l'heure, la loi ne le permet pas et nous aurions besoin d'un véhicule législatif pour y remédier. C'est une difficulté à laquelle nous sommes confrontés et je crois que nous pourrions travailler ensemble pour améliorer les choses.
Je vous interroge cette fois au nom de mon collègue François Jolivet, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, monsieur le ministre. Il fait partie des parlementaires qui ont travaillé avec votre prédécesseur, Gabriel Attal, sur les contours du plan contre toutes les fraudes fiscales, sociales et douanières. Je vous donne lecture de sa question.
Il est évidemment insupportable pour nos concitoyens de voir se développer des comportements frauduleux alors que les pouvoirs publics leur demandent des efforts – un Premier ministre ne parlait-il pas, il y a quinze ans, d'un État en faillite ? Nous continuons de danser sur un volcan et ce ne sont pas les idées économiques des uns ou des autres qui nous permettront de remonter la pente.
La crise du covid est passée par là et laisse un héritage budgétaire très lourd. À cet égard, je m'amuse toujours de celles et ceux qui considèrent que nous vivons dans un enfer ultralibéral, alors que la France a socialisé les salaires de millions de salariés et qu'elle a soutenu des centaines de milliers d'entreprises, préservant ainsi l'équilibre économique de nos territoires.
Ma question porte sur l'évaluation, par vos services, du montant et de la nature des fraudes au plan de relance. Collectivement, nous avons dépensé des milliards d'euros pour traverser ce choc historique. J'aimerais donc avoir une estimation du montant des crédits de France relance ayant été détournés et un état des lieux des procédures en cours pour les récupérer. Au moment où 10 milliards d'euros sont annulés dans le cadre du budget pour 2024, je souhaite m'assurer que des sommes importantes ne sont pas dans la nature. Je vous fais totalement confiance, monsieur le ministre, mais selon l'expression bien connue, la confiance n'exclut pas le contrôle.
Je vous remercie, madame Magnier, d'avoir posé cette question au nom de François Jolivet, dont je connais l'investissement sur ce sujet.
La fraude aux aides publiques constitue l'une de nos priorités. En ce qui concerne le plan de relance, précisons que nous luttons non seulement contre les fraudes aux aides publiques nationales, mais aussi européennes. En effet, on oublie parfois que 40 milliards d'euros proviennent de financements européens.
Il n'existe pas de dispositif de contrôle spécifique au plan de relance, car celui-ci est venu abonder des programmes existants : vous avez notamment cité les aides à la rénovation énergétique dans votre question, madame Magnier. En l'absence d'un mécanisme dédié, c'est donc dispositif par dispositif que nous procédons aux contrôles – contrôles que nous avons renforcés dans le cadre de la loi de finances pour 2024 avec la création d'un régime de sanctions administratives générales.
Par ailleurs, nous créons l'Office national antifraude, l'Onaf, ce qui nous permettra d'étendre les compétences du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qu'il remplace et qui ne traitait que des questions fiscales et douanières. Lutter contre toutes les fraudes aux aides publiques constitue à mes yeux une avancée très importante, d'autant plus que nous disposerons désormais d'un bras armé nous permettant d'aller beaucoup plus loin dans notre politique d'aides.
Enfin, je l'évoquais il y a quelques instants, j'estime qu'en cas de suspicion de fraude, nous devons être en mesure de couper immédiatement le versement des aides, qu'elles soient issues du plan de relance ou d'un autre dispositif. Pour cela, je répète que nous avons besoin d'une disposition législative, mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite des questions sur le thème : « Neuf mois après : premier bilan du plan gouvernemental Agir contre la fraude » ;
Débat sur le thème : « Prix payés aux producteurs par les entreprises de transformation et de distribution agroalimentaires ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra