La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle les questions sur le thème : « Quelle politique du logement ? Habiter et se loger dignement dans les territoires. »
La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Paul-André Colombani.
Notre débat du jour est vital : il l'est à la fois pour les Corses, les Basques, les Bretons, les Ultramarins et pour tous les territoires qui connaissent une crise du logement sans précédent. Certains de mes amis vont dire que je radote. Je suis élu de la commune de Zonza, qui est probablement l'exemple le plus frappant que je puisse décrire : elle compte environ 2 400 habitants mais 70 % de résidences secondaires, et 1 300 actes d'urbanisme y ont été délivrés entre 2019 et 2021 ; au total, on y trouve environ 2 800 résidences secondaires.
Inutile de vous dire qu'il est impossible pour de jeunes Corses de s'y installer, et il est tout aussi impossible pour un instituteur d'y trouver un logement décent à l'année. Face à l'ampleur de ce phénomène, il nous faut définir une nouvelle législation à la hauteur des enjeux. L'extension du dispositif de taxation des résidences secondaires, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, est un premier pas en avant qui permettra d'abonder le budget des communes touristiques. C'est d'ailleurs avec impatience que nous attendons la publication de son décret d'application. Il est cependant clair qu'il ne s'agit pas d'un outil antispéculatif : les sommes en jeu sont presque dérisoires, dans des communes où une simple villa se vend souvent à la hauteur du budget annuel de la mairie.
Pour lutter contre la spéculation, il faut, d'une part, permettre aux élus locaux de définir les zones tendues nécessitant l'emploi de mesures adaptées et, d'autre part frapper le portefeuille des spéculateurs. Dans cet esprit, j'avais proposé une majoration de taxation des plus-values immobilières dans les zones soumises à une surspéculation en Corse : elle avait été adoptée en séance puis intégrée dans le PLF pour 2023 par Mme la Première ministre, et enfin non censurée par le Conseil constitutionnel. Conformément à l'article 28 de ce PLF, l'initiative appartient désormais à la collectivité de Corse de proposer au Gouvernement un tel zonage, qu'il pourra décider d'adopter.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre délégué : êtes-vous prêt à accompagner la collectivité de Corse dans la mise en œuvre de ce dispositif ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour la fonctionnaire de la direction des comptes rendus qui a été victime d'un malaise hier soir, et de lui souhaiter tous mes vœux de prompt rétablissement.
Vous l'avez rappelé, monsieur le député, nous avons à réfléchir collectivement à plusieurs sujets, à commencer par celui de la décentralisation, qui nous permettra de travailler ensemble au déploiement d'une nouvelle politique de zonage. Vous le savez, le Président de la République et la Première ministre souhaitent que nous empruntions ce chemin de la décentralisation du logement : comme je l'ai dit, le zonage fait partie de ce chantier.
Vous m'interpellez ensuite au sujet de la spéculation immobilière et foncière : vous pointez les difficultés de plus en plus grandes rencontrées par les ménages qui habitent et travaillent à l'année en Corse – et dans un grand nombre de zones touristiques – pour se loger. Ces difficultés sont réelles et différents travaux menés par le Gouvernement s'emploient à les traiter. Je pense notamment à la disposition adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2023, qui a conduit à étendre la possibilité de majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. La liste des villes concernées sera très rapidement fixée par décret et la majorité des villes corses seront, je l'espère, éligibles à ce dispositif, afin qu'il puisse être appliqué. La mesure, qui sera donc à la disposition des maires, permettra par ailleurs d'appliquer une politique différenciée au meublé touristique.
Vous le savez aussi, nous avons lancé, avec mes collègues Olivia Grégoire et Dominique Faure ainsi que de nombreux élus et associations d'élus, un travail sur l'attrition des logements en zone touristique. Dans ce cadre, soixante-dix propositions sont à l'étude et nous voulons qu'elles entrent en vigueur avant l'été, afin de continuer à lutter contre ce phénomène.
Enfin, s'agissant de l'article 28…
Merci de conclure, monsieur le ministre délégué. Vos deux minutes sont écoulées.
J'y reviendrai.
Ma première question concerne le zonage. L'étude réalisée et présentée par l'Ushom – Union sociale pour l'habitat outre-mer – lors de son dernier colloque au Sénat, en septembre 2022, a mis en évidence le rôle important que revêtent les zonages utilisés dans les différents outils de politique de l'habitat. Elle révèle qu'à conditions égales, les zonages conduisent à des écarts de traitement entre nos concitoyens ultramarins et ceux de l'Hexagone, notamment en matière d'aide au logement.
Par exemple, un couple avec deux enfants dont le revenu annuel s'élève à 15 000 euros paiera 500 euros de loyer pour un T4 en logement locatif très social (LLTS) à Mayotte ou à La Réunion. Le même couple paiera 482 euros en Martinique ou en Guadeloupe, mais pas plus de 443 euros à Brest ou à Besançon, villes situées en zone B2 du zonage A,B,C.
En outre, cette famille percevra 660 euros de moins par an d'aide au logement par rapport à la même famille habitant en zone 2 du zonage 1,2,3 dans l'Hexagone. Au total, le budget de cette famille ultramarine sera amputé de 1 344 euros par an par rapport à celui de la même famille vivant dans l'Hexagone, alors que le coût de la vie est bien plus élevé outre-mer. Voilà le résultat du zonage 1,2,3, qui n'a pas été révisé pour les outre-mer depuis 1978.
Alors, monsieur le ministre délégué, quand mettrez-vous fin à ces inégalités, qui sont trop flagrantes et qui ne reposent sur aucun fondement ? Nous sommes prêts à travailler avec vous et vous demandons une réunion d'urgence réunissant l'ensemble des députés ultramarins afin de réfléchir à la révision de ces zonages.
Je commencerai par partager avec vous quelques éléments de constat : dans le cadre du zonage A,B,C, les départements d'outre-mer sont classés en zone B1, considérée comme tendue, au même titre que la grande couronne parisienne ou les villes centres de certaines grandes agglomérations comme Bordeaux, Nantes ou encore Strasbourg. Ce zonage B1 les rend éligibles au dispositif Pinel de soutien à l'investissement locatif intermédiaire, ainsi qu'au prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession. S'agissant du zonage 1,2,3, qui définit les barèmes des aides personnalisées au logement (APL) et les plafonds de loyer du logement social, les outre-mer figurent en zone 2, au même titre que la Corse ou le Genevois français, par exemple. Ces classements tiennent donc déjà compte de la tension sur le logement qui existe dans les territoires ultramarins.
Cela ne signifie cependant pas que la situation soit satisfaisante. À la suite du volet « logement » du Conseil national de la refondation – CNR « Logement » –, dont la restitution se fera très prochainement, je souhaite que puisse se poursuivre un dialogue sur la réalité de cette tension sur les territoires, autour d'un indicateur de référence qui nous permette d'objectiver au mieux la diversité des situations, en particulier en outre-mer. Ce travail pourra notamment servir de base à une révision du zonage A,B,C et au reclassement de plusieurs communes, y compris bien sûr en outre-mer.
Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le fait que la révision du zonage de la taxe sur les logements vacants (TLV), prévue par l'article 73 de la loi de finances pour 2021, sera également l'occasion d'y inclure certaines communes d'outre-mer – celles dont les situations sont les plus tendues –, leur ouvrant un arsenal réglementaire puissant.
Comme je l'évoquais précédemment, le mot-clé de ce débat doit être l'adaptation. Si nous réfléchissons à ce qu'il nous est possible de faire à droit constant, il est impératif de tenir compte des spécificités des territoires touchés par les phénomènes spéculatifs.
La Corse, et il en est de même pour l'outre-mer, se caractérise par des contraintes topographiques évidentes : l'étroitesse du parc immobilier, un désordre foncier historique, une attractivité en progression constante. En découle une pression immobilière et foncière qui s'exprime cependant de manière hétérogène sur l'île. C'est d'autant plus grave qu'un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et que, sans régulation du marché immobilier, l'accession à la propriété bâtie devient impossible pour la majeure partie de la population.
Cette dépossession est malheureusement renforcée par le détournement de plusieurs dispositifs qui sont aujourd'hui dévoyés. Je pense par exemple aux modifications que nous devrions apporter à la loi Pinel, afin de limiter l'évaporation des biens initialement créés pour répondre aux besoins locaux, qui basculent rapidement vers la résidence secondaire et la location saisonnière de courte durée. Je peux vous l'assurer : quand je vois passer un projet Pinel dans ma circonscription, cela aboutit très rarement à loger la classe moyenne corse.
Une inversion totale du paradigme doit être imaginée et il faut mettre à la disposition de l'administration fiscale des moyens lui permettant d'exercer un véritable contrôle. Les propriétaires louant à l'année doivent bénéficier d'une fiscalité nettement plus avantageuse que les locations temporaires de courte durée du type Airbnb. C'est une avancée technologique sur laquelle le législateur a beaucoup de retard : si elle permet un regain de pouvoir d'achat pour certains propriétaires, elle détruit le tissu économique de nombreuses régions, créant des lits froids et mettant à mal l'hôtellerie.
Cette tendance se superpose à la bulle spéculative, dans un cercle vicieux que nous devons briser. De même, le crédit d'impôt corse a pu être détourné de son objet par le passé : il pourrait être redéployé en faveur de la transition écologique et environnementale, par exemple pour la rénovation thermique des résidences principales. Quel est votre avis sur ces différentes propositions, monsieur le ministre délégué ?
Vous m'interrogez notamment sur l'adaptation du dispositif Pinel en Corse. Sur le fond, je partage bien évidemment pleinement votre objectif de soutien au logement du plus grand nombre des populations corses ainsi qu'à la réhabilitation et à la rénovation du patrimoine bâti ancien, afin de répondre aux besoins existant en matière de logement, en particulier en ce qui concerne les résidences principales.
Des dispositifs permettent précisément d'y répondre. Je pense notamment à Loc'Avantages, créé en 2022 : il conjugue les aides de l'Anah – Agence nationale de l'habitat – pour les travaux de rénovation, notamment énergétiques, et un dispositif de réduction d'impôt en fonction des décotes appliquées sur les loyers par rapport au prix du marché. Je pense également au dispositif Denormandie, trop peu utilisé à ce jour, qui prévoit lui aussi une réduction d'impôt pour les investissements locatifs dans l'ancien associés à des travaux de rénovation lourde : il est ouvert dans les villes du plan Action cœur de ville ainsi que dans celles ayant signé une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT). C'est le cas par exemple des villes de Bastia et d'Ajaccio.
Pour aller plus loin, je suis favorable à ce que nous ouvrions une réflexion plus large sur la simplification de la fiscalité sur les revenus locatifs, en poursuivant un meilleur ciblage de nos priorités. Le rapport d'évaluation du dispositif Denormandie, qui doit être rendu au Parlement, permettra d'ailleurs d'alimenter ces réflexions. À ce titre, des adaptations additionnelles s'appliquant aux ZRR – zones de revitalisation rurale – peuvent être envisagées, en cohérence avec les objectifs de transition écologique et de sobriété foncière et en y introduisant des contreparties en matière de modération des loyers.
Dans les outre-mer, l'efficacité des programmes pluriannuels des politiques de l'habitat n'est pas au rendez-vous, on le sait, et je ne parle même pas du parc privé, qui demeure l'angle mort des politiques de l'habitat et pour lequel il faudrait en outre-mer un véritable plan de rattrapage. Des dizaines de milliards d'euros sont dépensés par l'Anru – Agence nationale pour la rénovation urbaine –, l'ANCT – Agence nationale de la cohésion des territoires –, l'Anah et par les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain, entre autres. Mais, par exemple, l'Anah n'intervient qu'à hauteur de 0,18 % outre-mer, alors que 4 % de la population française vit dans ces territoires.
Cet état de fait est dû en grande partie à l'absence d'une représentation dédiée aux outre-mer dans les organes de gouvernance de ces programmes. Or l'expertise que requiert la diversité de nos territoires nécessite de donner une place dans la gouvernance de ces programmes aux organismes dédiés à ces territoires. C'est une question de cohérence et d'efficacité.
C'est pourquoi nous vous adressons deux demandes. Tout d'abord, nous vous demandons de faire figurer les organismes de représentation du logement social dans le code de la construction et de l'habitation, en particulier ceux qui maîtrisent le sujet de l'habitat outre-mer – je pense notamment à l'Ushom. Ensuite, nous vous demandons d'intégrer une représentation exclusivement ultramarine dans les organes de gouvernance des programmes nationaux, afin qu'ils puissent répondre aux réalités spécifiques de chaque territoire ultramarin.
Monsieur le député, je tiens à vous le dire et à vous le certifier dans cet hémicycle, les questions du logement et de la politique de la ville en outre-mer ne sont pas oubliées, bien au contraire, comme j'ai pu le constater lorsque je présidais l'Anru et des comités d'engagement concernant les territoires ultramarins où j'ai effectué de nombreux déplacements. Les nouvelles présidente et directrice générale de l'Anru ont elles-mêmes fait plusieurs déplacements depuis leur nomination.
Comme vous, je pense que les outre-mer doivent avoir une juste représentation dans nos agences, l'Anah et l'Anru en particulier. Il peut être difficile d'atteindre cet objectif, d'autant qu'il a été récemment décidé de réduire le nombre de membres au conseil d'administration de l'Anru pour avoir une gouvernance plus resserrée. Même si le nombre de représentants de l'État est passé de dix-huit à six et que ministère des outre-mer n'est plus représenté au conseil de l'Anru, cela ne signifie pas que les questions ultramarines n'y sont pas prises en considération. Quant au conseil d'administration de l'Anah, il comprend désormais un membre de la direction générale des outre-mer (DGOM) – j'y suis très attaché.
À titre personnel, au cours des dernières semaines, j'ai eu à renouveler la commission du Conseil national des villes (CNV) et à installer la commission Mechmache sur la participation citoyenne dans les quartiers. J'ai demandé à un élu de La Réunion de participer à la première et à Didier Laguerre de faire partie de la deuxième. La politique de la ville et la politique du logement sont au cœur de mes réflexions.
Le logement traverse une crise majeure depuis plusieurs années, qui pourrait prochainement s'amplifier du fait d'une offre de logements en forte décroissance, notamment dans les grandes villes.
D'après les relevés de la Fédération française du bâtiment (FFB), les ventes de logements ont baissé de plus de 31 % sur douze mois, entre mars 2021 et février 2023. Quant aux ventes de logements en promotion immobilière, elles ont baissé de 16 % de 2022 à 2023. Les constructeurs sonnent l'alarme sans être entendus. Les mises en chantier de logements ont baissé de 6,4 % entre mars 2021 et février 2023. Dans le même temps, les nouveaux permis de construire se sont raréfiés, diminuant de 5,1 % au niveau national et de plus de 80 % dans une ville comme Marseille.
Publié à l'automne 2021, le rapport de la commission pour la relance durable de la construction de logements, présidée par François Rebsamen, insistait lui aussi sur le recul de la construction : le nombre de mises en chantier est passé de 437 000 en 2017 à 350 000 en 2020. L'une des raisons de ce phénomène tient aux insuffisances des services municipaux. Dans ma ville de Marseille, la politique de délivrance des permis de construire a baissé de plus de 80 % en deux ans, résultat d'une non-perception de la réalité, voire d'une déconnexion des élus locaux. La conséquence est immédiate : une gentrification qui ne dit pas son nom car la raréfaction des permis entraîne inévitablement la hausse des prix du foncier dans l'ancien.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous éclairer sur ce que doit être la réponse de l'État dans les zones où les élus ne répondent pas ou plus aux objectifs de délivrance des permis de construire ? Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie qui permettra de créer les conditions d'un vrai choc de la construction de logements pour les territoires qui en ont le plus besoin et qui se désespèrent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous avez raison, madame la députée, il faut regarder la situation actuelle avec lucidité : nous traversons une crise – le logement ne doit pas être la bombe sociale de demain, disais-je dès le mois de novembre – et tout le Gouvernement se mobilise pour y faire face.
Les difficultés résultent de la hausse des taux d'intérêt qui pèse sur le volume des ventes, certains de nos concitoyens renonçant à leur projet. L'accès au crédit est plus difficile alors que le nombre de demandeurs de logement ne cesse de croître. La crise de l'immobilier privé annonce celle du logement social car les promoteurs construisent aussi du logement social.
Face à cette crise de l'offre et de la demande, le Gouvernement veut favoriser la construction de logements là où il y en a le plus besoin, en zones tendues, à Marseille et ailleurs, en agissant sur différents axes : le foncier, le coût de la construction et l'accès au crédit que nous devons faciliter tout en étant attentifs à ne pas envoyer nos concitoyens vers le surendettement.
Pour faire sortir de terre des projets actuellement bloqués, nous discutons avec la Caisse des dépôts d'un programme d'acquisitions de logements. Avec Bruno Le Maire et Christophe Béchu, nous discutons avec les banques sur une facilitation prudente de l'accès au crédit. En ce qui concerne le foncier, nous travaillons avec les collectivités locales : il faut convaincre les maires que construire est bon pour leur ville et ses habitants.
Le secteur du logement affronte une crise à la fois conjoncturelle et structurelle, comme l'a rappelé ma collègue Sabrina Agresti-Roubache. Cette crise frappe de plein fouet les classes moyennes. Dans les métropoles comme Paris, ainsi que dans les zones touristiques, frontalières et autres zones tendues de notre pays, nombre de nos concitoyens des classes moyennes ne parviennent plus à accéder ni au logement social ni au logement privé.
Cette crise met en péril la promesse d'ascension sociale et d'émancipation par le travail, dès lors que ce dernier ne garantit plus de pouvoir se loger avec sa famille à proximité de son lieu de travail, des services publics et des réseaux de transport.
Dans les zones tendues, la difficulté à se loger déstabilise particulièrement le fonctionnement de nos services publics. Faute d'avoir les moyens d'y habiter, des agents passent chaque jour parfois jusqu'à deux heures dans les transports pour venir accomplir des missions difficiles et essentielles – je pense en particulier aux soignants, enseignants et tant d'autres. Les transports occasionnent des dépenses importantes, notamment en carburant, et une souffrance considérable, ce qui explique aussi les pénuries de recrutements dans les services publics.
Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre délégué, pour faciliter l'installation des agents publics des première et deuxième lignes au plus près de leur lieu de travail et de la population dans les zones tendues ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous soulevez un problème important : le logement des classes moyennes, en particulier celui des agents de la fonction publique. Les soignants, enseignants, greffiers, policiers et personnels de sécurité perçoivent des salaires de l'ordre de 2 000 à 3 000 euros. Ils rencontrent des difficultés pour se loger, alors que nombre d'entre eux sont éligibles au logement social ou intermédiaire. Avec la Première ministre, Stanislas Guerini, François Braun et l'ensemble du Gouvernement, nous travaillons d'arrache-pied afin de remédier à cette situation et de faciliter l'accès au logement des agents publics et des soignants. Ils peuvent bénéficier de l'indemnité de résidence qui représente plus de 1 milliard d'euros chaque année, et quelque 180 000 fonctionnaires ont accès à des logements sociaux réservés. Cela n'est pas suffisant et il faut aller plus loin.
Parmi les pistes envisagées, la principale concerne le foncier : l'État et les hôpitaux doivent dégager du foncier. Il y a quelques jours, j'ai encore eu une réunion à ce sujet avec Nicolas Revel, directeur général de l'AP-HP – Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Il existe une importante réserve foncière qui doit être mobilisée comme un genre de 1 % logement destiné aux fonctionnaires, afin de constituer un parc de logements réservataires de mission ou de fonction. Il reste des points techniques à régler, notamment dans le cas où la mission s'arrête. Nous devons trouver des solutions pour que le parc ne soit pas sclérosé. En tout cas, nous y travaillons d'arrache-pied.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Connaissez-vous les maraudes parlementaires ? Ce sont des opérations organisées par l'Ordre de Malte et d'autres associations qui visent à faire découvrir à un parlementaire la réalité de la vie quotidienne des personnes sans domicile fixe (SDF). Pour y avoir participé en mars dernier, je tiens vivement à saluer et à remercier les associations et leurs bénévoles qui se mobilisent et donnent de leur temps pour apporter un soutien moral et matériel et redonner un peu de dignité et d'humanité à ces personnes.
Rappelons que le Gouvernement a investi 750 millions d'euros de 2018 à 2022, puis 550 millions en 2023 dans le plan Logement d'abord. Or j'ai l'impression qu'il y a de plus en plus de gens dans la rue. À Paris, en novembre dernier, le comptage assuré lors de la Nuit de la solidarité faisait état de 3 015 personnes sans solution d'hébergement contre 2 598 l'année précédente.
Dans le projet de loi de finances pour 2023, nous avions voté des crédits alloués à la veille sociale – maraudes, 115, accueils de jour – en hausse de 6 % par rapport à l'année précédente. Or les sans-abri rencontrés ainsi que les bénévoles témoignent du fait qu'ils n'obtiennent que très rarement une réponse lorsqu'ils appellent le 115.
Nous investissons « un pognon de dingue » – pour reprendre l'expression du Président de la République – pour le bien de tous, mais les résultats laissent encore à désirer. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre délégué, la façon dont ces politiques sont évaluées et nous donner la date de mise en œuvre du deuxième plan Logement d'abord ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Tout d'abord, je me joins à vous pour remercier et féliciter les associations qui vont au contact des sans-abri chaque jour et chaque nuit sur le territoire national et qui les accueillent. Je suis aussi allé avec eux à la rencontre de sans-abri, j'ai écouté des appels avec les personnels du 115 et constaté leurs difficultés à répondre.
La lutte contre le sans-abrisme est une priorité du Président de la République et du Gouvernement, et les sommes qui y ont été consacrées ont été multipliées par cinq entre 2012 et 2022. Même si nous ne faisons plus de la gestion au thermomètre, il y a eu des moments cet hiver où nous avons mis en œuvre le plan Grand froid : 205 000 places d'hébergement d'urgence étaient encore ouvertes il y a quelques jours sur le territoire national afin de permettre l'accueil des plus démunis.
Ce n'est pas suffisant, nous le savons et des images nous le montrent parfois. De nombreuses difficultés subsistent malgré tous nos efforts, malgré le premier plan Logement d'abord qui a été une vraie réussite – 440 000 personnes sont passées de la rue à un toit. Nous travaillons avec tous les préfets pour que certaines populations en difficulté aillent dans des régions où elles pourront avoir un meilleur accompagnement individuel plutôt que de rester dans des zones où l'hébergement d'urgence est dans la situation la plus tendue.
Avec le Président de la République et la Première ministre, nous allons annoncer le lancement du deuxième plan Logement d'abord dans les semaines à venir. Une enveloppe supplémentaire de 40 millions d'euros a été inscrite dans la loi de finances pour 2023 à cet effet et elle sera encore étoffée.
Près de 2,3 millions de personnes attendent un logement social. Faute d'un nombre suffisant de logements au loyer abordable, particulièrement en zone tendue, le délai d'attente pour obtenir un logement dans le parc HLM continue de croître. En Île-de-France, il approche ainsi trois ans en moyenne. Le travail étant la principale source de revenus de la moitié des demandeurs d'un logement social, on en déduit que plus de 1 million de salariés éprouvent des difficultés à se loger dans le secteur social, malgré l'enjeu de mixité dont cette thématique est porteuse.
Outre le manque criant d'offres de logement, le malaise du parc HLM provient de ce qu'il se concentre à l'excès dans des zones où les locataires ont de grandes difficultés à accéder à l'emploi. Cette réalité s'illustre notamment par un taux de chômage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) 2,7 fois supérieur à celui des autres quartiers urbains, alors que la part de logements sociaux y dépasse les 40 %.
Face à ces constats préoccupants, des mesures radicales doivent être prises rapidement, non pas pour limiter le logement social, mais, au contraire, pour lui conférer des moyens supplémentaires en favorisant le lien entre emploi et logement. Il est indéniable que les difficultés rencontrées au carrefour de l'emploi et du logement s'accentuent avec l'augmentation des sommes dépensées pour se loger et l'allongement du temps de trajet entre domicile et travail. Il nous faut donc répondre aux besoins de ces travailleurs qui en viennent parfois à renoncer à un emploi faute de solutions de logement appropriées. Cela suppose d'investir et de produire davantage de logements, en priorité là où se trouvent les employeurs et les perspectives d'emploi. Tel est le sens de la proposition de loi portant création d'un usufruit locatif social employeur, qu'une trentaine de collègues du groupe Renaissance et moi-même avons déposée le 25 avril dernier.
Quelles sont les pistes du Gouvernement pour répondre à l'obligation de production de logements sociaux prévue dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) et à la nécessité de la corréler avec notre politique du plein emploi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous avez raison : la politique conduite par le Président de la République et par la Première ministre en faveur de l'emploi permet à la France d'afficher un taux de chômage exceptionnellement bas. Nous ne pouvons évidemment pas accepter que cette période de progrès vers le plein emploi ne soit pas corrélée à une amélioration de la situation sur le front du logement. Chacun sait en effet que le logement constitue parfois un frein à l'emploi qu'il faut lever en prenant des dispositions, notamment pour réduire les distances entre le domicile et le travail.
Nous devons donc construire davantage de logements, particulièrement là où les besoins sont les plus forts. C'est le sens des travaux menés dans le cadre du CNR « Logement » et de l'activité historique d'Action logement, l'organisme chargé de faciliter le logement des salariés à travers la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec), qu'on appelait dans ma jeunesse le 1 % patronal.
C'est aussi le sens, comme vous l'avez justement rappelé, de la loi SRU, dont nous évaluons actuellement la période triennale écoulée et programmons l'action triennale à venir. La loi SRU est un outil formidable, qui a parfaitement joué son rôle, puisque plus de 60 % des logements sociaux construits ces dernières années l'ont été dans des territoires carencés. C'est pourquoi il importe de continuer de faire vivre cette loi, que l'Assemblée a modernisée au cours des dernières années en adoptant la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan) puis la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi « 3DS »), pour mieux l'adapter aux réalités de terrain – même si à l'impossible nul n'est tenu, malgré tous nos efforts.
Nous devrons enfin continuer à travailler à l'élaboration, à l'échelle des intercommunalités, des contrats de mixité sociale (CMS), auxquels je crois beaucoup, afin de construire une politique du logement tenant compte de la réalité de chaque territoire et des spécificités intercommunales. Voilà comment nous entendons agir tous ensemble.
Ma question sera très brève : pourquoi le diagnostic de performance énergétique (DPE) a-t-il été imposé comme référence en matière de rénovation énergétique des logements, plutôt que d'autres outils ?
Le DPE reflète la consommation énergétique d'un logement, ce qui signifie qu'une habitation fonctionnant exclusivement à l'électricité est susceptible de recevoir une étiquette G, même si elle n'émet pas de gaz à effet de serre (GES). Au vu de nos objectifs climatiques, il me semblerait plus logique d'imposer des critères relatifs aux émissions de gaz à effet de serre au moment de la location ou de la cession d'un logement, plutôt que se concentrer sur le seul DPE, d'autant que les travaux nécessaires pour améliorer la note obtenue peuvent entraîner des dépenses très lourdes ou difficilement réalisables, notamment dans certains immeubles anciens ou classés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le diagnostic de performance énergétique est un des socles de notre politique de rénovation du parc de logements. Vous le savez, le dérèglement climatique qui se déroule sous nos yeux et la crise énergétique nous imposent de définir les critères les plus objectifs possibles pour rénover notre parc. Or le DPE, qui a connu plusieurs évolutions, est construit en tenant compte non seulement de la consommation énergétique, mais aussi du niveau d'émissions de gaz à effet de serre du logement. La plus mauvaise note de ce barème permet de désigner les logements considérés comme des passoires thermiques.
Depuis la refonte du dispositif, les gaz à effet de serre sont donc bien pris en considération dans le DPE, au même titre que la performance énergétique. Cet outil, dans sa nouvelle version, me semble désormais plus robuste, plus fiable, plus performant et mieux adapté aux attentes des professionnels comme des consommateurs. Alors que la méthode précédente consistait à évaluer la consommation énergétique de certains logements en s'appuyant sur les factures plutôt que sur les caractéristiques du bâtiment, deux types de caractéristiques sont désormais pris en compte pour établir le DPE : celles du bâtiment et celles relatives au mode de chauffage.
Nous devrons néanmoins rester attentifs à la qualité des diagnostics, comme je l'ai rappelé voilà quelques semaines aux diagnostiqueurs dans le cadre d'un webinaire organisé par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Il est en effet inacceptable que plusieurs diagnostiqueurs attribuent des étiquettes différentes à un même logement. Nous veillerons à la qualité du travail des diagnostiqueurs, car le DPE constitue un outil essentiel non seulement pour le futur locataire ou acquéreur, mais aussi pour le vendeur souhaitant mettre son logement aux normes le plus rapidement possible.
Comme cela a été souligné, la production de logements neufs est en panne : depuis quelques mois, les indicateurs sont au rouge, laissant craindre des difficultés accrues d'accès au logement, mais aussi, à très court terme, une crise profonde de la filière bâtiment et travaux publics (BTP), qui aurait de lourdes conséquences économiques et sociales. La situation actuelle s'explique bien sûr par l'inflation, la hausse des taux et le tour de vis des banques sur les crédits, qui rendent plus difficile l'acte d'achat et donc la réalisation de nouveaux programmes.
Mais, à l'exception de quelques positionnements idéologiques précédemment rappelés, cette crise est principalement due au fait que tout semble concourir à dégoûter les maires de signer des permis de construire : multiplication et complexification des normes et des contraintes réglementaires, qui se traduisent par des délais et des coûts d'études en hausse et par de nombreux risques de recours ; suppression de la taxe d'habitation en vertu de laquelle chaque nouvel habitant représente désormais un coût supplémentaire pour les services publics sans rien rapporter aux budgets locaux ; et adoption de l'objectif de zéro artificialisation nette – le fameux ZAN –, lequel, bien que louable sur le papier, renchérit le coût du foncier et inquiète les maires, qui ne savent pas précisément à quelle sauce ils vont être mangés, ce qu'ils auront ou non le droit de faire demain, ni comment les documents d'urbanisme seront modifiés en cascade dans des délais visiblement trop courts.
Enfin, s'agissant du logement social, la très faible part des attributions réservées aux maires conduit nombre d'entre eux à préférer appuyer sur le frein plutôt que de se voir imposer la venue d'habitants extérieurs et de faire face à l'incompréhension, voire à la colère, des habitants de leur commune condamnés à rester sur liste d'attente. Cette situation, largement vécue sur le terrain, ne sera pas résolue par la gestion en flux.
Seules des mesures fortes sont susceptibles de redonner aux maires l'envie de construire – or, vous l'avez souligné, la construction de logements est une nécessité – et d'éviter une crise. Alors que comptez-vous faire, très concrètement, pour, en premier lieu, inciter financièrement les maires bâtisseurs, par exemple en reversant aux communes une part de la TVA sur les logements neufs ? Ensuite, quand la proposition de loi votée par le Sénat pour aménager et assouplir le ZAN sera-t-elle examinée dans cette enceinte ? Enfin, les maires bénéficieront-ils un jour d'une plus grande maîtrise sur les attributions de logements sociaux – qu'il s'agisse de la possibilité d'appliquer une préférence locale en faveur des habitants de la commune ou d'exercer un droit de veto –, afin de relancer le secteur en incitant les maires à construire davantage de logements sociaux, ce qui est aussi nécessaire ?
Pour avoir été élu local, je crois savoir qu'un maire qui souhaite vraiment construire peut le faire en respectant les règles en vigueur, qui sont équilibrées et justes.
Vous avez néanmoins raison : nous ne devons pas nous satisfaire de la situation actuelle, et il faut construire des logements de tous types pour concourir à la fluidité du parcours résidentiel. Les élus ne doivent pas faire de certaines règles un alibi justifiant l'inaction. Je songe notamment à l'objectif de zéro artificialisation nette, qui s'appliquera pleinement à l'horizon 2050 : le cadre actuel, me semble-t-il, permet toujours de construire.
En revanche, nous devons, j'en conviens, modifier certaines règles. C'est la volonté du Président de la République et de la Première ministre, qui entendent mettre en œuvre une politique de décentralisation du logement, non pas pour faire moins, mais pour faire mieux et ensemble. C'est aussi le sens des contrats de mixité sociale, que j'ai déjà évoqués et qui, dans le respect de la loi SRU, peuvent être élaborés à l'échelle des intercommunalités pour définir une politique du logement sur une échelle plus large. Je crois en effet, à titre personnel, à la possibilité de construire mieux et ensemble pour assurer une répartition équilibrée des logements. Il importera enfin de travailler au renouvellement urbain et au relogement là où de telles politiques sont nécessaires.
Les maires bâtisseurs existent – même si je n'apprécie guère cette expression, qui me semble plus adaptée aux pharaons qu'aux élus locaux .
Sourires sur quelques bancs
Mais prenons garde : à l'heure actuelle, construire du logement dans sa ville ne signifie pas forcément faire progresser sa population. Par exemple, un maire qui, dans ma ville, à Clichy-sous-Bois, construirait 100 logements par an pourrait prétendre être un maire bâtisseur alors même qu'il resterait en réalité au point mort. L'incitation, si elle devait exister, devrait donc porter sur les actions permettant réellement d'augmenter le nombre d'habitants, la population scolaire, etc. C'est dans ce cadre qu'il faudrait, peut-être, envisager un soutien accru des élus locaux.
Comme vous le savez, le secteur du logement couve une véritable bombe sociale : voilà maintenant plusieurs mois qu'on anticipe une importante crise chez les constructeurs, dans un contexte d'inflation exorbitante et de pouvoir d'achat en berne chez tous nos compatriotes. Tous les professionnels de la filière que j'ai rencontrés m'ont fait part de leurs craintes. À titre de signe avant-coureur, le taux des crédits immobiliers a connu une forte hausse, celui des emprunts sur vingt ans atteignant 3,2 %, ce qui nuit aux capacités d'emprunt des Français. Au-delà de la capacité d'investissement des ménages, une commande amoindrie crée également des difficultés pour les constructeurs, confrontés à la baisse de la demande. On constate ainsi un écroulement de 31 % des ventes de maisons individuelles en 2022. De plus, le nombre de permis de construire accordés pendant le premier trimestre de l'année 2023 a diminué de 27 % par rapport à l'année dernière, entraînant la chute du nombre de projets d'urbanisme et, avec elle, une moindre disponibilité des logements sociaux à destination de nos compatriotes les plus modestes.
La baisse du pouvoir d'achat des Français et le ralentissement subséquent des constructions pourraient détruire 100 000 emplois dans le secteur de la construction d'ici à 2025, selon les chiffres de la Fédération française du bâtiment. Quelles actions le Gouvernement compte-t-il entreprendre afin de sauver le secteur du bâtiment, dont le chavirement aurait un immense impact sur l'économie française ?
Vous avez raison : comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer cet après-midi, le secteur du logement traverse une crise. Celle-ci concerne à la fois l'offre – la production ayant baissé du fait des élections municipales et du covid – et la demande, nos concitoyens étant moins tentés ou capables d'acheter dans cette période de crise et d'augmentation des taux d'intérêt.
Le Gouvernement agit. J'échangeais encore aujourd'hui par téléphone avec les présidents de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et de la Fédération française du bâtiment (FFB), pour travailler avec eux à résoudre, ou au moins à limiter, cette crise. Notre action se déploie autour de plusieurs axes. Le premier consiste à agir avec la Caisse des dépôts et CDC Habitat pour acheter du logement et permettre à des projets immobiliers aujourd'hui entravés par l'absence de demande de sortir de terre – non pas n'importe où, mais bien là où les besoins se font ressentir – afin de créer du logement et de loger un maximum de Français.
Une autre piste, explorée par Bruno Le Maire, Christophe Béchu et moi-même avec la Fédération bancaire française, consiste à faire preuve de davantage de flexibilité dans l'examen des demandes d'emprunt des Français, en veillant à ne pas les exposer au risque de surendettement et en respectant le cadre défini par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui a signifié qu'une plus grande souplesse était possible en matière de taux d'effort et de durée d'endettement.
Enfin, toujours avec Bruno Le Maire, nous réfléchissons à la manière dont nous pourrions prolonger le prêt à taux zéro, celui-ci étant, dans une période marquée par des taux d'intérêt hauts, un bon outil à disposition des Français, notamment des jeunes couples primo-accédants. Il constitue une forme d'apport que les banques pourraient prendre en compte.
Ma question porte sur les conséquences de la loi « climat et résilience » sur les revenus des petits propriétaires, souvent retraités, ainsi que sur le marché immobilier.
Cette loi, voulue par les Écologistes, pénalise les petits propriétaires qui ne peuvent rénover leur logement à cause du montant des travaux. Ils ne pourront plus les louer ni les vendre. De leur côté, les locataires verront ainsi des milliers de logements soustraits du marché.
L'article 160 de cette loi dispose que les logements dont le DPE est classé G seront considérés comme indécents au 1er janvier 2025, ce qui représente 812 000 logements en location, aussi bien dans le parc privé que dans le parc social.
Alors que quelque 330 000 personnes sont à la rue et plus de 2 millions en attente d'un logement social – des chiffres en constante augmentation –, ne pensez-vous pas qu'il conviendrait de distinguer les niveaux de performance énergétique de l'état réel du logement, voire de revenir sur le classement pour éviter d'aggraver les difficultés d'accès au logement ?
Les logements qui seront considérés, selon vous, comme indécents ne sont pas forcément insalubres ni inhabitables. Adapterez-vous ces interdictions locatives ? Pourquoi ne pas prévoir un accès facilité aux dispositifs d'aide à la rénovation, avec par exemple des mesures incitatives ? Après tout, si l'État finance le logement des clandestins à l'hôtel, peut-être est-il en mesure de mieux financer les travaux de rénovation énergétique que doivent engager les propriétaires à faibles revenus. Il doit en effet les aider à conserver leur bien et veiller à ne pas spolier les générations futures.
L'éradication des passoires thermiques est une priorité du Gouvernement – et aussi, je l'espère, de l'ensemble de la représentation nationale. Il n'est pas acceptable de laisser des populations, des familles, notamment des enfants, vivre dans des passoires thermiques, des appartements dans lesquels il fait très froid l'hiver et très chaud l'été et qui sont recouverts de moisissure.
L'ensemble des propriétaires, qu'ils soient occupants ou bailleurs, sont évidemment éligibles aux aides de l'État telles que MaPrimeRénov'. Cependant, un propriétaire bailleur a des responsabilités. Dès lors qu'il encaisse chaque mois des loyers, il ne peut accepter de laisser des familles vivre dans des conditions indécentes. À mes yeux, une passoire thermique est une passoire thermique, ce qui en fait forcément un logement indécent.
Un propriétaire bailleur a accès à MaPrimeRénov', au C2E, le certificat d'économie d'énergie, ou encore à l'éco-PTZ, l'éco-prêt à taux zéro, bref, exactement aux mêmes droits qu'un propriétaire occupant. C'est un effort majeur que nous avons consenti puisque le propriétaire occupant, lui, ne perçoit pas de revenu, lié à son logement, lui permettant de faire des travaux, contrairement au bailleur qui encaisse des loyers – parfois depuis de nombreuses années. Celui-ci doit engager les travaux dans le temps qui lui est imparti parce que c'est une obligation.
Cela étant dit, il existe forcément des cas particuliers, sur lesquels nous travaillerons. À cet égard, il faut accompagner la rénovation thermique de l'habitat collectif car si un appartement faisant partie d'un habitat collectif est classé F ou G mais que la copropriété n'a pas lancé les travaux sur l'ensemble du bâti, cela posera peut-être quelques difficultés. Nous examinerons ces situations même si nous devons nous placer dans le cadre de la loi actuelle.
Enfin, il est pour moi hors de question qu'un logement destiné à la location et qui ne serait pas considéré comme décent sur une longue durée puisse devenir un meublé touristique.
La diminution de l'offre locative et des ventes immobilières contribue fortement à la crise du logement à laquelle sont confrontés les Français. Un article paru récemment dans un magazine souligne que les mises en vente se sont effondrées, leur nombre se limitant, en 2022, à 98 000 pour les logements collectifs et à 120 000 pour les maisons individuelles. D'après ce même article, il manquera en France au moins 4 millions de logements à l'horizon 2030, ce qui ne fera qu'alimenter la bulle spéculative de l'immobilier.
Les obligations de rénovation énergétique et la mise en place du nouveau diagnostic de performance énergétique ne sont pas étrangères à ce phénomène. Corapporteure de la mission d'information sur l'application de la loi « climat et résilience », j'ai recueilli à cette occasion un nombre important de témoignages faisant état des difficultés financières que posent ces mesures aux propriétaires et aux copropriétés.
Tout d'abord, le coût des diagnostics et des travaux n'est guère compensé par des aides qui demeurent partielles et dont l'attribution se révèle très inégale dans la pratique. D'autre part, il apparaît difficile de satisfaire des objectifs irréalistes et peu adaptés aux spécificités des différents types d'immeubles, notamment les plus anciens.
Dès lors, quelles solutions envisagez-vous pour alléger le poids des normes de performance énergétique et pour redonner confiance à tous les acteurs de ce secteur dans le cadre d'une politique réaliste du logement ?
Vous l'avez rappelé, la loi « climat et résilience » votée sous la précédente législature a notamment pour objectif d'accélérer la rénovation des logements considérés comme des passoires thermiques – un sujet évoqué dans la question précédente –, c'est-à-dire ceux dont le DPE est classé F ou G.
Depuis janvier 2023, les pires passoires thermiques sont interdites à la location. Il en ira de même pour les logements dont le DPE est classé G en 2025 puis pour la classe F en 2028 et enfin pour la classe E en 2034.
À l'heure des crises climatique et énergétique mais aussi parce que nous ne voulons pas laisser des locataires vivre dans des logements où le chauffage représente un coût excessif, il me semble impératif de respecter ce calendrier et d'éradiquer les passoires énergétiques. Je le répète : à mon sens, le calendrier d'interdiction de mise en location et surtout en relocation des passoires énergétiques doit être tenu.
Il faudra bien sûr être attentif aux difficultés qui se présenteront. Il convient par exemple de moderniser les règles de la copropriété afin d'éviter que certains propriétaires qui voudraient entreprendre des travaux dans leur appartement soient confrontés à des blocages parce que les travaux en question seraient insuffisants en raison des contraintes que présente l'ensemble du bâti.
Nous devons être attentifs à ces questions. Quoi qu'il en soit, je le redis, les propriétaires bailleurs sont aussi bien accompagnés que les propriétaires occupants. C'est un principe essentiel de la loi que vous avez votée ici même et qui permet à chaque propriétaire bailleur de jouir des loyers de son logement tout en bénéficiant, de la même manière qu'un propriétaire locataire, des aides – l'éco-PTZ, MaPrimeRénov' ou le déficit foncier – lui permettant de financer les travaux que ses locataires sont en droit d'attendre, de façon juste et équitable.
À La Réunion, 100 000 personnes sont mal logées selon la Fondation Abbé Pierre, on compte 39 000 demandes de logements sociaux en attente selon la Confédération nationale du logement et il faudrait construire 168 000 logements à horizon 2035, soit environ 14 000 logements par an – contre à peine 2 500 actuellement –d'après l'Insee et la Deal Réunion, la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion.
Comment comptez-vous accroître la construction de logements afin de répondre à l'urgence ? Face au vieillissement accéléré de la population sur mon territoire, quelles adaptations sont envisagées en matière de logement ? Face à l'inflation, vous le savez, les impayés s'accumulent. Dès lors, quelles solutions proposez-vous contre la hausse des loyers et des charges ? Comment lutter contre la flambée des prix des matériaux de construction – un vrai problème sur nos territoires ? Ne faudrait-il pas adapter l'application des normes françaises et européennes de construction, non pas uniquement à La Réunion mais à l'ensemble des outre-mer ?
Enfin, La Réunion vise une production d'électricité 100 % renouvelable dès 2024 et l'autonomie énergétique en 2030. Comment comptez-vous intégrer la performance énergétique dans la construction face à l'urgence climatique ? Dans mon département, quelque 20 000 logements – dont certains sont neufs – sont considérés comme insalubres, ce qui n'est pas sans conséquence sur la vie des locataires ni sur leur santé : humidité permanente entraînant des maladies comme l'asthme chez les enfants, fissures dans les murs, problèmes de raccordement au réseau d'eaux usées, mauvaise évacuation des eaux pluviales, et cetera.
Comment pallier la qualité médiocre des logements mais aussi le manque de réactivité des bailleurs sociaux ? J'espère que, face à ces enjeux majeurs, vous apporterez des réponses.
La semaine prochaine, je me rendrai avec la Première ministre à La Réunion. J'y étais déjà allé en tant que président de l'Anru pour constater sur place les effets des programmes de renouvellement urbain mais aussi pour me rendre compte de la situation de certains habitats insalubres et logements sociaux que vous avez évoquée. Les bailleurs sont mobilisés sur ces questions mais nous devons continuer à travailler avec eux.
Vous le savez, le plan Logement outre-mer Réunion a été élaboré dans le cadre d'un large partenariat avec les collectivités et les acteurs locaux et finalisé en 2020. Sa mise en œuvre se traduit par des avancées concrètes. Ce plan, qui mobilise l'ensemble des acteurs, fait l'objet d'un suivi, en toute transparence, de chacune de ses actions, ce qui permet de mesurer les progrès accomplis mais aussi les efforts qu'il faut encore fournir.
En 2022, l'enveloppe de la LBU, la ligne budgétaire unique, d'un montant de 61,7 millions d'euros, a été intégralement consommée. À cette somme se sont ajoutés 12 millions consommés par anticipation sur les crédits 2023. Cet argent a permis de financer 2 650 logements neufs dont 1 800 logements sociaux, 669 LLI, les logements locatifs intermédiaires – un outil qui me semble particulièrement adapté à la situation de La Réunion –, et 72 logements en accession. Par ailleurs, 660 logements du parc locatif social ont été réhabilités et, s'agissant du parc privé, 180 ont été améliorés avec une aide au propriétaire occupant.
La lutte contre l'habitant indigne concerne – vous l'avez rappelé – près de 18 000 logements à La Réunion, ce qui constitue une priorité en matière de RHI, la résorption de l'habitat insalubre. Dans ce domaine, des opérations spontanées continueront à être menées sur ce territoire.
Tous les enjeux que vous avez évoqués sont pris en considération. Peut-être aurons-nous l'occasion de nous croiser la semaine prochaine sur place. Quoi qu'il en soit, nous travaillerons ensemble.
Parmi les différents facteurs qui expliquent la grave crise du logement que traverse notre pays figure le nombre insuffisant de logements construits – en particulier de logements abordables. Pour répondre à cet enjeu, les organismes HLM constituent des partenaires incontournables. Autrement dit, toute politique qui viserait à résoudre la crise du logement sans s'appuyer sur eux irait dans le mur.
Malheureusement, le bilan de ces cinq dernières années en la matière n'est pas en votre faveur. En 2018, plus de 100 000 logements sociaux ont été construits chaque année. En 2022, ce chiffre est descendu en dessous de 80 000.
L'Union sociale pour l'habitat, l'USH, qui rassemble les bailleurs sociaux, estime que « la baisse des investissements en production neuve […] n'est pas le fruit du hasard […]. Elle est directement à corréler avec la dégradation des capacités du secteur depuis 2018 […]. » L'USH fait ici référence aux mesures prises par la précédente majorité en 2017, en particulier l'instauration de la RLS, la réduction de loyer de solidarité et la hausse de la TVA, deux mesures qui coûtent chaque année plus de 2 milliards aux bailleurs sociaux.
Pour être clair, on ne peut pas demander aux bailleurs de faire plus – rénover et construire du logement peu coûteux – avec moins, c'est-à-dire avec des capacités économiques réduites en raison des décisions gouvernementales.
Vous travaillez en ce moment à la signature d'un pacte de confiance avec les bailleurs sociaux. Or, force est de constater que la confiance n'est pas au rendez-vous pour l'instant. Je citerai une fois encore l'USH, par la voix de sa présidente Emmanuelle Cosse. Celle-ci a en effet déclaré qu'elle avait participé à des réunions « sans cadre, sans vision perspective » et vous invite à cesser de « tergiverser » et à « agir ».
Je me fais ici le porte-parole des bailleurs sociaux. Car oui, il faut agir et réunir les conditions permettant de rétablir une relation de confiance. Pour y parvenir, pourquoi ne pas revenir sur le péché originel du macronisme en matière de politique du logement en supprimant la RLS qui coûte plusieurs milliards par an aux bailleurs sociaux ?
Vous soulignez à juste titre que les Français ont besoin de trouver un logement dans leur parcours résidentiel, en particulier de trouver un logement social. Je travaille depuis mon arrivée au ministère, soit depuis plusieurs mois maintenant, en confiance avec le secteur HLM, avec l'USH et sa présidente Emmanuelle Cosse, à construire ce pacte de confiance avec une volonté partagée : celle de bâtir tous types de logements sociaux partout sur le territoire national avec l'ensemble des offices, qui font partie de l'Union sociale de l'habitat.
La priorité est d'utiliser tout ce qui est en notre pouvoir pour y parvenir et aussi de développer de nouveaux outils : je pense, par exemple, au BRS, le bail réel solidaire, qui doit permettre de produire plus de logements sociaux à des prix abordables. C'est le choix qui a été fait dans la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, en complément de l'augmentation de 3,5 % du montant de l'APL, ainsi que de la poursuite de l'abondement du Fnap – Fonds national des aides à la pierre – pour qu'il serve à la production de logements sociaux neufs mais aussi, c'est extrêmement important, à la réhabilitation du logement social. Il faut dans ce secteur tenir l'objectif annuel de 110 000 à 120 000 constructions neuves et d'autant de réhabilitations. Telles sont les priorités qui seront les nôtres lors la signature du pacte de confiance avec le monde HLM. Il y va aussi de l'intérêt de nos concitoyens, et cet intérêt partagé ne peut pas être décorrélé du travail que nous menons avec Action logement pour la signature de la nouvelle convention quinquennale parce que celle-ci est aussi extrêmement importante pour pouvoir continuer à financer notamment les programmes de renouvellement urbain de l'Anru.
En février dernier, le vingt-huitième rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement rendait compte de la situation catastrophique du parc de logements dans les territoires dits d'outre-mer. Il recensait en effet plus de 24 000 logements dégradés en Martinique, 30 000 en Guadeloupe, 33 000 à La Réunion, et 47 % des ménages guyanais étant confrontés au moins à un défaut grave en la matière. Dans les outre-mer, 13 % du parc de logement est insalubre contre seulement 1,2 %, dans l'Hexagone – c'est donc dix fois plus chez nous ! – ; 80 % des habitants des outre-mer sont éligibles au logement social, mais seulement 15 % en bénéficient ; le déficit de logements sociaux dépasse 90 000… Pourtant, les crédits alloués au logement social outre-mer ont diminué dans la loi de finances pour 2023 !
Face à l'urgence au regard des risques majeurs qui pèsent sur nos territoires, nous ne nous contenterons plus de discours : nous voulons des actes pour assurer qualitativement et quantitativement la construction de logements sociaux et pour lutter contre la prolifération de logements indécents.
L'État est-il réellement prêt à mettre en œuvre des moyens budgétaires, législatifs et réglementaires pour pallier l'augmentation des prix des matériaux de construction ainsi que le phénomène de spéculation foncière et immobilière ? En effet, pendant que la construction de logements sociaux stagne, le foncier subit un phénomène sans précédent de spéculation, alimenté par des promoteurs prédateurs privés extérieurs, qui exclut de fait nos compatriotes et nos bailleurs sociaux de l'accès au foncier constructible !
En outre, êtes-vous prêt à expérimenter comme nous le proposons, dans la logique d'une garantie universelle des loyers, un fonds national d'aide au paiement des loyers dans nos territoires ? Et à quand un véritable plan de rupture, doté d'ambitions et de moyens à la hauteur, tenant compte du coût humain généré par l'inefficacité de l'État depuis des décennies ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Le plan logement outre-mer, je l'ai rappelé, est mis en œuvre tout à la fois par le ministère des outre-mer, en la personne de Jean-François Carenco, et par le ministère du logement. Il est à la fois nécesaire de réhabiliter plus vite le logement en outre-mer et de tenir compte de certaines caractéristiques des plans de prévention des risques – lorsqu'ils existent –, car il y a des retards à rattraper en ce domaine. Et puis il faut prendre en compte les caractéristiques du zonage local – cette problématique rejoint ma réponse aux questions relatives à la Corse – pour le faire évoluer puisque, aujourd'hui, la totalité des territoires d'outre-mer sont en zone B1 et donc considérés comme des zones tendues. Certes, c'est un zonage efficace mais, dans le cadre des politiques de décentralisation, il faut l'adapter aux particularités ultramarines.
Le pacte de confiance devra prendre en compte la spécificité de la construction et de la réhabilitation des logements en outre-mer, particulièrement en Martinique et en Guadeloupe, avec un programme consacré à la construction de logements sociaux adaptés notamment au vieillissement de la population. Cette adaptation des logements s'inscrit dans les programmes que nous menons avec le ministre délégué chargé des outre-mer.
En zone tendue, la pression sur le logement pèse particulièrement sur nos concitoyens, notamment à Paris. Je voudrais rappeler quelques chiffres : 6 000 à 9 000 personnes sont sans abri sur le territoire de la métropole du Grand Paris ; plus de 100 000 personnes sont hébergées ; le taux de rotation du parc social est très faible – il a même atteint son plus bas historique pour s'établir à moins de 4 % aux lendemains de la pandémie –, ne permettant que l'attribution de moins de 8 000 logements sociaux en 2020, chiffre à comparer à celui des ménages inscrits comme demandeurs de logement social à Paris, soit 260 000 ; le loyer médian du parc locatif affiche désormais 27 euros du mètre carré, laissant ainsi de côté une part importante de tous ceux qui prennent soin de Paris ; enfin, les banques sont de plus en plus frileuses, au point que certains ménages ayant pourtant les moyens d'acquérir un bien sont contraints de rester dans le parc locatif.
C'est donc bien l'ensemble du parcours locatif qui est grippé à Paris, avec un impact majeur sur l'hébergement d'urgence et donc sur la situation des plus fragiles. Alors que de nombreuses personnes se retrouvaient démunies lors de la pandémie, le Gouvernement a mené une politique volontariste en pérennisant ou en ouvrant 40 000 places d'hébergement d'urgence. En Île-de-France, le secteur hôtelier a été fortement mobilisé pour héberger les plus fragiles, ce qui a permis l'ouverture de 52 000 places – à mettre en parallèle avec 41 000 places en 2017. Mais à l'approche des Jeux olympiques et paralympiques, les propriétaires de près de 5 000 chambres d'hôtels de région parisienne dédiées spécifiquement à l'hébergement d'urgence se sont retirés des conventions les liant à l'État en raison des perspectives liées à la fréquentation des JO.
Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, quels sont les dispositifs que vous comptez mettre en œuvre pour maintenir un haut niveau d'offre en matière d'hébergement d'urgence dans les mois à venir, une nécessité au regard des besoins de la région ? Et quelles sont les orientations du Gouvernement visant à assurer une meilleure accessibilité au marché du logement francilien ?
La mise en œuvre d'un programme de logements à l'échelle nationale, notamment d'accès au logement social, fait l'objet du travail que nous menons dans le cadre du pacte de confiance, en particulier dans la métropole du Grand Paris où il faut produire plus dans des zones déjà denses. C'est donc en l'occurrence difficile : il s'agit de construire la ville sur la ville et de réaliser plus de logements sociaux.
Vous m'interrogez sur les problématiques de l'hébergement d'urgence. Vous avez raison, et on en a déjà parlé : la situation dans la métropole parisienne est particulièrement tendue. Près de la moitié des 200 000 places d'hébergement d'urgence au niveau national sont occupées chaque soir dans la métropole parisienne, et c'est un travail de dentelle que de trouver à plus de 100 000 personnes une place dans un centre d'hébergement ou dans des nuitées hôtelières.
En effet, l'approche de grands événements sportifs – d'abord, dans une moindre mesure, la Coupe du monde de rugby en 2023, ensuite, les Jeux olympiques en 2024 –, nous oblige à nous interroger et à anticiper la situation grâce à une politique dite de desserrement – je reconnais que le mot n'est pas très beau –, menée avec le préfet de la région d'Île-de-France et l'ensemble des préfets concernés. Il s'agit d'ouvrir des lieux d'accueil en province pour les personnes en situation d'hébergement d'urgence, lieux qui doivent permettre de mieux étudier individuellement leur cas en travaillant avec elles sur leur situation administrative, pour que le fait d'aller en province soit vécu positivement. Dans le même temps, toujours pour anticiper cette situation, mon ministère travaille, en lançant un appel à projets, à l'ouverture de nouvelles places dans la métropole parisienne.
Dernière précision : on estime à 3 000 à 4 000 places la baisse de capacité hôtelière liée à ces événements, sachant que 2 000 places avaient déjà été perdues pour résoudre les problèmes d'hébergement d'urgence.
J'aborderai la question des zonages dans les outre-mer. Les zonages 1/2/3 et A/B/C ayant déjà été évoqués dans une question précédente, je vais me concentrer sur le zonage relatif aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dans nos territoires ultramarins. En effet, comme il a été démontré par une étude de l'Ushom de septembre dernier, la révision de ce zonage est nécessaire, neuf ans après la dernière réforme. Je rappelle que des critères différents de ceux de l'Hexagone avaient alors été introduits du fait notamment de l'indisponibilité de données relatives aux revenus fiscaux dans nos territoires.
Ces critères particuliers imposent que les quartiers concernés doivent faire partie de communes comptant plus de 15 000 habitants et que celles-ci aient une densité d'au moins 2 000 habitants au kilomètre carré. Cela a aujourd'hui des conséquences préjudiciables sur les politiques de l'habitat dans nos territoires, sur la réhabilitation notamment puisque seules les opérations de réhabilitation de logements sociaux situés en QPV sont éligibles au financement du crédit d'impôt. Le classement en QPV rend également possible certaines interventions de l'Anah, sachant qu'ailleurs, les opérations de résorption de l'habitat insalubre grâce à la reconstruction ne sont financées ni par l'Anah ni par la LBU. Enfin, le classement est également important puisque le supplément de loyer solidaire, qui n'est pas applicable dans les QPV, abonde le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) auquel les bailleurs sociaux ultramarins ne sont pas éligibles.
Dès lors, parce que l'habitat, vous le savez, est un enjeu social, écologique et économique, nous demandons qu'à l'occasion de la révision de la géographie de la politique prioritaire, le classement des QPV dans les outre-mer s'effectue sur la base d'autres critères.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous avez raison de souligner que le zonage de la politique de la ville en outre-mer a une spécificité qui est liée à l'absence de statistiques dans ces territoires, sauf en Martinique et à La Réunion. Néanmoins, les territoires ultramarins comptent aujourd'hui 218 QPV et 25 % de la population y réside contre seulement 8 % sur le territoire hexagonal. Il est vrai qu'il y a une grande variabilité selon les territoires puisque les chiffres atteignent, par exemple, près de 50 % en Guyane et plus de 70 % à Mayotte, mais seulement 7 % à la Martinique.
Vous le savez, j'ai lancé sur le territoire hexagonal et ultramarin une actualisation de la géographie prioritaire avec pour objectif, d'une part, la mise à jour de celle-ci grâce aux données démographiques et à celles relatives à la pauvreté, d'autre part, de faire bénéficier les élus locaux municipaux et intercommunaux d'une plus grande souplesse afin qu'il y ait plus de cohérence entre les QPV et la réalité locale.
Pour appliquer cet objectif en outre-mer, j'ai lancé avec le ministère des outre-mer et le ministère des solidarités, en l'absence de statistiques – sauf pour la Martinique et La Réunion –, une mission interinspections, comprenant l'inspection générale de l'administration (IGA), l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) pour faire des propositions afin d'actualiser ce zonage en prenant en compte les spécificités ultramarines, mais aussi pour savoir quelle est la gouvernance la plus adaptée puisque, en outre-mer, le pilotage de la politique de la ville est demeuré à l'échelon communal. Cette mission rendra ses conclusions avant l'été et, bien évidemment, je ne manquerai pas de tenir informée l'ensemble de la représentation nationale, en particulier les députés ultramarins, de ses conclusions pour aboutir à une cartographie de la géographie prioritaire la plus adaptée aux territoires ultramarins.
Le sujet du logement revêt une dimension singulière dans nos outre-mer où trop de nos compatriotes vivent encore dans des conditions indignes ou peinent à se loger. Il y manque ainsi 100 000 logements. En Guadeloupe par exemple, pas moins de 10 000 demandes de logement social restent encore en attente. Pourtant, depuis maintenant plusieurs années, les rapports s'empilent, les lois et les plans s'accumulent. Tous démontrent que les objectifs de construction ne sont jamais atteints, que les problèmes majeurs de l'habitat informel et insalubre persistent, que l'habitat social continue à se dégrader, que les centres-villes dépérissent et que l'ascenseur du parcours résidentiel est en panne.
Pour résumer, tout est dit, tout se sait, et pourtant, peu se fait. En tant qu'ancien élu local sensible à cette problématique, mais aussi en tant que parlementaire enrichi des propositions des acteurs de terrain, tels que l'Ushom, je pense qu'il est temps d'innover. Disons-le clairement, l'époque des démarches descendantes est peut-être révolue. Les politiques de l'habitat doivent être territorialisées ou coconstruites pour être véritablement transparentes et efficientes. Il faut donc sortir des interventions en silo et créer des synergies, il faut aussi en finir avec des dispositifs d'intervention d'abord calibrés dans l'Hexagone puis déployés ensuite en outre-mer.
Que pensez-vous, monsieur le ministre délégué, de l'idée souvent évoquée ici de regrouper les crédits et de recentrer les compétences, l'expertise et l'ingénierie propres à l'outre-mer au sein d'un même établissement ? Cela permettrait qu'un seul interlocuteur soit le partenaire des collectivités. Seriez-vous favorable à la création d'une agence à gouvernance partagée avec les territoires dotés des crédits LBU, Anah, Anru ou ANCT ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Votre question fait écho à l'ambition forte du Président de la République et de la Première ministre de décentraliser les politiques du logement. Décentraliser, c'est redonner les clés de la politique du logement au meilleur échelon, au plus près des besoins et des spécificités des territoires. Où mieux qu'en outre-mer, pourrions-nous mettre en œuvre une décentralisation éclairée par les compétences des élus locaux ?
Des discussions sont en cours avec les associations ; il est encore trop tôt pour répondre sur la manière dont cette décentralisation pourrait s'effectuer et sur son ampleur. Une chose est sûre, selon moi : cette décentralisation doit être différenciée en fonction de la réalité des territoires.
En effet, elle ne peut avoir de sens que si elle est efficace, si elle permet de produire plus de logements là où on en a le plus besoin. Et un politique efficace consiste à réussir à loger le plus grand nombre de nos concitoyens, à rénover et, j'insiste, à construire là où les besoins sont les plus importants.
Il n'y a aucun tabou pour le Gouvernement – qu'il s'agisse de Christophe Béchu, de Jean-François Carenco ou de moi-même – ni pour les associations d'élus pour conduire cette politique à l'échelon des outre-mer. Cependant, il ne faut pas non plus, si j'ose dire, jeter le bébé avec l'eau du bain. Autrement dit, nous devons garder les outils centralisés qui fonctionnent bien et travailler à une décentralisation là où on en a le plus besoin, notamment en outre-mer, avec une politique adaptée.
Oui, la production et la réhabilitation en outre-mer sont trop grippées et nous ne pouvons pas rester dans cette situation. C'est pourquoi il nous faut construire des logements neufs en accession sociale mais aussi des logements intermédiaires et beaucoup plus de logement social, tout en réhabilitant ce qui existe mais qui n'est plus à la hauteur des besoins de nos concitoyens d'outre-mer.
Les demandes de logements explosent et les durées de traitement des dossiers s'allongent. Les services de logement dans nos communes sont submergés par les demandes d'attribution de logements sociaux, notamment de logements très sociaux. La crise du logement, c'est celle qui devrait nous préoccuper toutes et tous. Pourtant, il ne se passe rien. La Fondation Abbé Pierre l'a rappelé : il n'y a jamais eu autant de sans-abri et de mal-logés !
On le sait, dans un pays qui se précarise tous les jours, avec une inflation record et des charges qui explosent, le besoin de logement social est crucial. Après trente ans d'augmentation des prix à l'achat et à la location, de nombreux ménages ont aujourd'hui à choisir entre se loger ou se nourrir. Pire, alors même que le parc d'hébergement social est saturé, les maires bâtisseurs, qui compensent le déficit national en logements sociaux sur leur commune, se voient sanctionnés par des baisses d'aides au financement sur le logement très social. C'est le cas à Nanterre, dans ma circonscription. Pourtant le fichier de demandeurs de logements sociaux est composé en grande partie de demandeurs de logements dans le cadre d'un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), jusqu'à 80 % dans certaines villes.
Face à cette crise, nous devons construire massivement, mais pas n'importe quelle catégorie de logements : il faut construire des logements très sociaux. Il en faudrait 60 000 nouveaux par an pour répondre aux besoins de la population. Cela devient donc une nécessité, un enjeu d'humanité, de dignité, de solidarité. Pourtant, en 2021, selon l'Insee, seule une demande de logement social sur cinq a été satisfaite. Les demandeurs disposant des plus faibles revenus doivent attendre entre sept et dix ans pour se voir attribuer un logement social dans certaines villes. Que devons-nous répondre aux familles qui formulent une demande alors qu'elles ont à charge un enfant de 8 ans et qui n'auront éventuellement satisfaction qu'après que ce dernier aura fêté ses 18 ans ? Monsieur le ministre délégué, pour qui construisons-nous des logements sociaux ?
Ma question est simple : imposerez-vous un nombre minimal de constructions de logements très sociaux dans les villes aujourd'hui carencées en logement social ?
Nous soutenons la production de tous les types de logements sociaux abordables dont, évidemment, les logements très sociaux en PLAI. Notez que les trois quarts des 440 000 personnes visées par le premier plan « logement d'abord » ont été relogées dans ces types d'habitat. Le PLAI est donc une brique essentielle du plan « logement d'abord » et, dans le cadre des programmes de l'Anru, du relogement des populations qui résident dans des copropriétés dégradées et recyclées en logement social ou de celles qui habitent un logement démoli puis reconstruit.
Le PLAI accueille 85 % de femmes et de familles monoparentales. C'est pourquoi vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un dispositif capital. Il est d'ailleurs soutenu par l'État : depuis 2017, le Gouvernement a fait le choix de cibler les aides fiscales et budgétaires sur les PLAI, avec un taux de TVA réduit à 5,5 % ; ces prêts sont aussi financés à hauteur de 500 millions d'euros grâce au Fnap pour que la production soit maintenue à un niveau suffisant. En vertu de la loi SRU, il est en quelque sorte interdit de ne pas produire du logement en PLAI pour réaliser les objectifs des plans triennaux. Comme je l'ai rappelé, la phase d'évaluation des plans écoulés s'achève, et j'ai demandé aux préfets d'être extrêmement attentifs à la présence du PLAI dans l'élaboration des futurs plans.
Ce soutien particulier au PLAI reste une priorité du Gouvernement. Malgré la période difficile et la crise sanitaire, un tiers des logements produits depuis 2022 l'ont été en PLAI. Vous pouvez le constater : leur construction se maintient donc à un haut niveau.
La politique du logement, en dehors d'une proposition de loi antisquats qui favorise les propriétaires et pénalise la pauvreté, est désespérément absente des priorités de la majorité relative. Monsieur le ministre délégué, quelles sont vos priorités, à vous, alors que plus d'un millier d'enfants ont eu à dormir dehors cet hiver et que 620 personnes sont mortes dans la rue en 2021 ?
Voilà des années que je suis fréquemment interpellé sur les problèmes liés au logement par les habitants de ma circonscription, à Cergy. Des familles cergyssoises m'apportent les preuves que certains bailleurs ne remplissent pas leur part du contrat : chauffage hors service, même en période de grand froid, fils électriques à nu, moisissures, fuites d'eau, portes qui ne ferment plus, prises électriques hors des murs, etc. Bref, autant de situations inacceptables qu'aucun Français ne devrait avoir à subir !
L'urgence s'impose à nous. Donner un habitat décent à tous les citoyens de ce pays devrait être la première des priorités. Même le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a déclaré récemment que le logement devait devenir une grande cause nationale, beaucoup de Français refusant des emplois faute de pouvoir se loger. Encore une fois, c'est un phénomène que je constate tous les jours à Cergy-Pontoise.
Une réunion du CNR « Logement » devrait avoir lieu mardi prochain, si toutefois vous nous le confirmez. Des propositions, issues des groupes de travail du CNR, ont déjà été formulées, et elles donnent de l'espoir. Je souscris notamment à la proposition de rachat massif de passoires thermiques classées F et G pour les rénover et les faire passer sous le régime du bail réel solidaire. Je soutiens également l'idée de créer un bouclier logement, soit une allocation modulable pour limiter le taux d'effort à 25 % pour la moitié de la population aux revenus les plus modestes.
Que pensez-vous de ces propositions ? Ont-elles une chance de voir le jour ? Et si jamais il y avait un problème de financement, je suggère de ponctionner les 3 milliards d'euros dédiés au service national universel (SNU) qui n'intéresse aucun jeune : ils seraient bien plus utiles dans les caisses de votre ministère !
Le logement du plus grand nombre est une priorité du Gouvernement, bien évidemment. Je l'ai dit dès le mois de novembre : le logement ne peut pas et ne doit pas être la bombe sociale de demain ; il ne saurait être un nouvel eldorado. Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité ont agi en faveur des plus faibles. Grâce au plan « logement d'abord », 440 000 personnes ont quitté la rue et bénéficient désormais d'un toit. Le CNR « Logement » a travaillé depuis le mois de novembre : la date de restitution de ses travaux devrait être repoussée de quelques jours pour des raisons techniques, mais, évidemment, cette restitution aura bien lieu.
Travailler sur le prix du foncier fait partie de nos priorités. En effet, pour construire du logement, il faut que le foncier soit abordable. C'est pourquoi nous continuerons à améliorer le bail réel solidaire, qui me semble être un outil très intéressant, et à développer les organismes de foncier solidaire (OFS). Ensuite, nous nous efforcerons de construire des logements là où il y a le plus de besoins. Cela signifie que nous devons convaincre tout le monde – les élus locaux et nos concitoyens – que construire du logement est non pas une punition, mais une obligation, dans l'intérêt de tous les Français. Lorsque j'étais maire, j'ai vu certains de mes concitoyens qui, après m'avoir consulté pour obtenir un logement, ont signé une pétition contre le petit immeuble qui devait se construire à côté de chez eux.
Nous devons bâtir ensemble une union sacrée autour du logement ; sachez que je m'y attelle avec les représentants du logement social et les bailleurs sociaux. Par ailleurs, dès le 16 mai prochain, je mettrai en place un observatoire sur l'hébergement d'urgence. Il sera destiné à prévenir, à mieux comprendre, mieux connaître et mieux compter les personnes en situation d'urgence, dont vous avez parlé, afin qu'il n'y ait plus de familles avec des enfants à la rue dans les années qui viennent – même si cela est à coup sûr très difficile et qu'une telle ambition est peut-être même illusoire.
Je viens d'une circonscription qui compte sur son territoire les agglomérations de Colombes-Gennevilliers et de Villeneuve-la-Garenne, où la question du logement est tout à fait cruciale pour les habitants, mais aussi pour les maires ; il arrive que le logement soit déjà une bombe sociale pour bon nombre des citoyens qui vivent sur ces territoires. En effet, depuis des mois, les locataires du parc HLM subissent, en plus de toutes les difficultés, des hausses de leurs charges locatives. L'explosion des charges est évidemment corrélée à la hausse des prix de l'énergie, mais aussi à l'impossibilité pour les bailleurs sociaux d'accéder aux tarifs réglementés de l'électricité.
Parmi les réponses aux défis de la hausse des factures énergétiques figure, au premier chef, la rénovation de l'habitat, qui permettrait aux locataires concernés de réaliser des économies d'énergie. Or le chantier de rénovation de l'habitat social représente un enjeu colossal. Certains bailleurs sociaux ont déjà annoncé qu'ils ne pourront pas faire face à ce mur d'investissements, d'autant qu'ils ont vu leurs moyens fondre ces dernières années. En outre, les revenus des bailleurs sociaux sont désormais ponctionnés par l'État, ce qui représente 15 milliards d'euros à l'échelle nationale en l'espace de cinq ans. Cela vient s'ajouter aux restrictions budgétaires auxquels les bailleurs sociaux ont été soumis depuis six ans par une série de mesures du Gouvernement, que nous n'avons cessé de dénoncer : baisse des APL, réduction du loyer de solidarité et hausse de la TVA sur la construction et la rénovation des logements. Les capacités financières des bailleurs sociaux diminuent alors même que leurs moyens sont nécessaires pour mener à bien les rénovations énergétiques et pour soutenir les locataires qui rencontrent ces difficultés.
J'observe, dans beaucoup de villes, des maires qui se battent pour proposer des logements abordables aux habitants et pour lutter contre la suroccupation.
Aujourd'hui, ils ont de plus en plus de difficultés à obtenir de l'État qu'il soit suffisamment présent pour répondre à ce défi, à la fois pour la construction de logements suffisamment abordables et pour la rénovation énergétique. Que pouvez-vous nous en dire, monsieur le ministre délégué ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC.
Je peux vous assurer que le Gouvernement et moi-même apportons un soutien très important et quotidien au logement social.
Prenons un exemple récent : avec la Caisse des dépôts et le gouverneur de la Banque de France, nous avons limité la hausse du taux du livret A. Cette décision vertueuse a été saluée par l'USH et par sa présidente, Emmanuelle Cosse. Si nous avions laissé le taux du livret A augmenter, les conséquences financières auraient été très douloureuses pour les bailleurs sociaux. Nous exercerons la même vigilance au mois d'août prochain, date à laquelle une nouvelle hausse pourrait intervenir. Les mesures de limitation ont un effet un peu schizophrénique : elles protègent les bailleurs sociaux mais pénalisent les petits épargnants. Néanmoins, nos concitoyens peuvent utilement se tourner vers le livret d'épargne populaire (LEP), produit plus adapté et qui offre un meilleur taux.
Par ailleurs, notre volonté a été de protéger les locataires. C'est le sens du bouclier tarifaire énergétique que nous avons instauré. Nous avons comblé les quelques trous dans la raquette qui existaient. Les locataires ont été protégés, qu'ils utilisent un chauffage électrique ou au gaz, individuel ou collectif.
Dans le cadre de la loi pour la protection du pouvoir d'achat, nous avons en outre augmenté les APL de 3,5 % et limité à 3,5 % la hausse des loyers. Certains avaient plaidé pour un gel des loyers, mais tel n'était pas le choix de l'ensemble des bailleurs sociaux, y compris de l'USH, car c'est précisément la hausse des loyers qui leur permet de répondre aux besoins, effectivement urgents, en matière de rénovation thermique de leur patrimoine.
Nous en venons à la dernière question. La parole est à M. Frédéric Maillot.
J'aimerais au préalable témoigner notre sympathie à la rédactrice des comptes rendus qui a fait un malaise hier soir dans l'hémicycle et lui dire qu'elle est dans nos pensées.
Monsieur le ministre délégué, j'appelle votre attention sur trois points.
Premièrement, à La Réunion, 87 % des demandes de logement social concernent le logement locatif très social, les fameux LLTS. D'après les experts, il faudrait que 1 900 logements de ce type sortent de terre chaque année pour répondre à ces demandes. Pour cela, il faut du foncier ; or, à La Réunion, les terres ne sont achetées ni par les bailleurs sociaux ni par les Réunionnais. Il faut certes construire des logements, mais il faut aussi, j'y insiste, que ces logements soient de qualité. Tel n'est pas le cas pour un trop grand nombre de logements qui sortent de terre. Nous sommes pauvres, mais nous avons le droit de vivre dans un logement décent. Il est particulièrement indigne que les gens payent pour vivre dans des logements indécents. Le loyer est, on le sait, le premier poste de dépense des ménages.
Deuxièmement, il y a un manque cruel de logements pour nos étudiants, sachant qu'une grande partie d'entre eux sont pauvres. Ils sont obligés de se tourner vers le logement privé, souvent hors de prix et inaccessible. Cela crée une rupture de l'égalité des chances : si les parents ont de l'argent, ils payent ; s'ils n'en ont pas, cela met en péril la poursuite des études. J'en veux pour preuve que 4 000 étudiants ne trouvent pas de logement. Il faut accélérer dès que possible la construction de logements dédiés pour que nos étudiants réussissent. Si l'avenir se joue à l'école, donnons leur la possibilité de poursuivre leurs études de façon sereine ; ne faisons pas d'économies sur le dos de la jeunesse !
Troisièmement, je vous demande très solennellement, monsieur le ministre délégué, de veiller à ce que la gentrification ne gagne pas de terrain à La Réunion et à ce que l'on prévoie une véritable mixité sociale dans les futurs projets immobiliers, notamment dans les quartiers populaires. Il y va du bon vivre-ensemble ; il ne faut pas qu'il y ait d'un côté les pauvres, de l'autre les riches.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je vous remercie tous pour la qualité des échanges que nous avons eus cet après-midi.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, monsieur Maillot, je me rendrai la semaine prochaine à La Réunion aux côtés de la Première ministre. La question du logement sera bien évidemment au cœur de notre réflexion. Les objectifs du plan logement outre-mer ont été atteints à La Réunion, mais il est exact que l'écart continue de s'y creuser entre l'offre et la demande, notamment en ce qui concerne le logement social.
Vous avez raison, à La Réunion comme sur le territoire hexagonal, il faut construire davantage de logements là où les besoins sont les plus importants, et construire davantage de logements de tous types, notamment du logement social et du logement locatif intermédiaire. Il faut être attentif à la spéculation immobilière. Il faut effectivement lutter contre la gentrification et porter un regard particulier sur le logement étudiant, sachant que les universités sont situées à des endroits précis du territoire réunionnais et que la nouvelle route du littoral ne réglera évidemment pas tous les problèmes de déplacement des étudiants. Il convient de travailler avec les collectivités locales. Le logement étudiant pourra faire partie des sujets que j'aborderai avec leurs représentants, lorsque je les rencontrerai la semaine prochaine.
Je souhaite réunir l'ensemble des bailleurs sociaux de La Réunion pour examiner avec eux s'ils sont vraiment à même de tenir leurs engagements, à savoir loger le plus grand nombre de Réunionnais tout en étant attentifs à la pluralité de l'offre de logement social.
Il y a, dans plusieurs villes de La Réunion, des plans de renouvellement urbain très ambitieux. La réalisation de ces programmes doit être l'occasion de créer de la mixité sociale. Loin d'exclure des populations, il faut donner envie aux habitants de rester dans leur ville ou leur quartier. Je pense notamment à Saint-Louis, à Saint-Pierre et au quartier du Chaudron à Saint-Denis. Les logements reconstruits doivent effectivement être de qualité. Tel n'a pas toujours été le cas ; j'ai pu en être témoin lorsque je présidais l'ANRU.
La séance de questions est terminée.
Au nom de l'ensemble des députés, de leurs collaborateurs et des fonctionnaires de l'Assemblée, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à la fonctionnaire qui a fait hier un malaise dans l'hémicycle. Les nouvelles semblent, à cette heure, plutôt rassurantes.
Prochaine séance, mardi 9 mai, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion de la proposition de résolution visant à appeler la France et l'Union européenne à inscrire le groupe militaire privé Wagner sur la liste des organisations terroristes ;
Discussion de la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies.
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra