La séance est ouverte à 9 heures.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (n° 366) (MM. Bruno Millienne et Nicolas Sansu, rapporteurs).
Chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Cette proposition de loi a été déposée le 21 juin 2022 au Sénat par Mme Éliane Assassi, M. Arnaud Bazin et plusieurs de leurs collègues. Elle a ensuite été adoptée par le Sénat le 18 octobre 2022.
La Conférence des présidentsa choisi de l'inscrire à l'ordre du jour au cours de la semaine de l'Assemblée nationale, dans une séance réservée aux initiatives transpartisanes. C'est pourquoi nous avons désigné deux rapporteurs : MM. Bruno Millienne, du groupe Démocrate, et Nicolas Sansu, du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES.
Enfin, cette proposition de loi a trouvé son chemin pour parvenir à forcer la porte de l'ordre du jour de notre Assemblée ! Ainsi, nous allons faire œuvre utile dans ce qui doit toujours guider nos travaux : mieux répondre à l'exigence de transparence de notre vie publique, donc être garants de l'intérêt général.
En effet, les vicissitudes – c'est un euphémisme – de quelques-uns risquent toujours de jeter l'opprobre sur tout le monde. La pente dangereuse empruntée depuis des années, celle consistant, non pas à faire appel aux cabinets de conseil, mais à multiplier les recours et à mélanger les genres, doit être stoppée et inversée, pour deux raisons essentielles. D'une part, pour que la démocratie fonctionne, il faut s'abstenir de livrer du carburant à ses ennemis en circonscrivant et en interdisant les conflits d'intérêts. D'autre part, notre État a des compétences remarquables, qui ne demandent qu'à être valorisées dans une vision de service public qui ne singe pas systématiquement les méthodes du privé, avec l'intervention des cabinets de conseil comme cheval de Troie.
Disant cela, je tiens juste à souligner que les objectifs ne sont pas les mêmes, entre le privé et le public. Les indicateurs ne sauraient être identiques. En clair, pour reprendre un concept qui parlera à nos collègues de la majorité présidentielle, l'État a participé à son propre désarmement. Il était donc plus que temps que nous prenions en main cette proposition de loi adoptée par le Sénat, à une très large majorité – et aucun vote contre –, en octobre 2022, et qui était sur le Bureau de notre Assemblée depuis près de quatorze mois. Elle résulte non pas d'une lubie de nos collègues sénateurs, mais de l'aboutissement des travaux d'une commission d'enquête sénatoriale remarquable, conduite par la rapporteure Éliane Assassi et le président Arnaud Bazin, sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques – une question qui avait fait grand bruit au printemps 2022.
Ce sujet a d'ailleurs donné lieu à une profusion de travaux – Bruno Millienne en dressera la liste –, démontrant, si besoin était, qu'il n'est plus possible que l'État s'affranchisse de règles de transparence, de déontologie et de maîtrise publique, dans le cadre de son recours aux prestations intellectuelles.
Au-delà même du montant d'1 milliard d'euros de dépenses de conseil couvertes par l'article 1er, le Sénat a surtout documenté la dynamique inquiétante de ce recours et a réalisé un constat très tranché, en identifiant quatre difficultés principales : l'opacité, le foisonnement incontrôlé, la dépossession de l'État et les risques déontologiques non maîtrisés. Ce sont ces difficultés que la proposition de loi transpartisane du Sénat – encore une fois, adoptée sans aucun vote contre – permet de dépasser.
Bien sûr, le vent du boulet n'étant pas passé trop loin, des mesures correctrices et régulatrices ont été instaurées par les précédents Gouvernements : mise en place d'un jaune budgétaire, règles plus restrictives pour les accords-cadres de marchés publics de conseil de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), extension des codes de conduite dans les administrations centrales.
Si tout cela a eu des effets, la question majeure de l'influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques n'en demeure pas moins posée. Au regard des dérives qui ont existé et de celles qui se font jour dans d'autres grands pays occidentaux – mis en lumière par des ouvrages comme McKinsey pour le meilleur et pour le pire ou The Big Con, sorti fin 2023 –, le travail que nous allons conduire me semble essentiel.
Notre objectif est de nous assurer que les cabinets de conseil aident à la décision publique, sans s'y substituer. C'est pourquoi la proposition de loi n'interdit pas le recours aux cabinets de conseil, mais l'assortit de trois grands principes. Tout d'abord, en vertu du principe de transparence, la liste exhaustive des prestations de conseil listées à l'article 1er et les montants budgétaires afférents seraient publiés chaque année. Le respect de règles déontologiques serait également renforcé, avec l'interdiction du pro bono et le suivi des données collectées. Enfin, les conflits d'intérêts seraient mieux prévenus et sanctionnés.
Toutes les auditions que nous avons conduites ont été assorties de la volonté de rechercher le meilleur équilibre entre ces principes et la portée opérationnelle des dispositions. Je veux au passage remercier sincèrement Bruno Millienne pour sa bonne humeur et l'esprit d'ouverture qui l'a animé.
Avant de conclure, j'évoquerai deux points portant sur le champ d'application de la proposition de loi. À l'article 1er, le Sénat a déterminé les prestations concernées et précisé leur champ d'application – professions réglementées ou non, type de prestations informatiques. Le débat reste ouvert. Veillons toutefois à ne pas vider le texte de sa portée.
Bruno Millienne indiquera les raisons pour lesquelles nous avons mieux ciblé les établissements publics nationaux concernés en prévoyant un seuil.
S'agissant enfin des collectivités locales, le sujet avait déjà fait l'objet d'une mission flash, au printemps dernier. Nous avons longuement cherché comment intégrer le champ des administrations publiques locales dans la présente proposition de loi : aucune solution ne nous a semblé satisfaisante. Il faut prendre en compte les spécificités du marché local du conseil, très atomisé, et des collectivités locales, dans le respect du principe de libre administration. Les intégrer sans effectuer un travail préalable d'évaluation aurait pour conséquence de ruiner l'ensemble des dispositions de la proposition de loi. Il nous faudra revenir très vite sur ce point, en lien avec les associations d'élus. Tel a été le choix qui s'est imposé à nous et dont nous voulions vous faire part.
Ce texte constitue l'aboutissement des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, qui avait remis son rapport en mars 2022. Une proposition de loi transpartisane a ensuite été adoptée à l'unanimité des votants, en octobre 2022. Je me réjouis de son inscription à l'ordre du jour de notre assemblée.
J'espère qu'à l'issue de nos discussions, nous aurons un texte équilibré et utile. Il répond en tout cas à une demande de nos concitoyens. La Cour des comptes, en 2014, les rapports de nos collègues Véronique Louwagie, en 2021, et Cendra Motin, en 2022, l'ouvrage des journalistes Mathieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, Les infiltrés, la même année, et, plus récemment, le premier contrôle d'initiative citoyenne de la Cour des comptes ont tous, en effet et sous des angles différents et avec des approches et des sensibilités variées, identifié des insuffisances dans la manière dont l'État recourt aux prestations intellectuelles de conseil.
Selon les chiffres de la commission d'enquête, les dépenses de conseil se sont élevées à près d'1 milliard d'euros en 2021. Cela peut paraître beaucoup – peut-être même trop aux yeux de certains –, mais je ne suis pas là pour jeter la pierre à telle ou telle administration ; tel n'est pas mon rôle. Mon objectif est, conformément à l'esprit de cette proposition de loi, de permettre à l'État et à ses administrations d'avoir recours à des cabinets de conseil de manière raisonnée et transparente.
Je ne reviendrai que brièvement sur les différents articles du texte. Il prévoit des mesures nouvelles, que l'on peut classer en trois catégories : un principe de transparence, des règles déontologiques et des obligations déclaratives. Il dote également la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de nouveaux pouvoirs, pour assurer le respect de ces règles.
Mais soyons francs et réalistes : ces obligations seraient, dans de trop nombreux cas, lourdes et inapplicables. Rappelons que l'idée n'est pas d'interdire le recours aux cabinets de conseil. Or, appliquer les règles telles que prévues dans la version du Sénat reviendrait de facto à leur quasi-disparition.
Je connais, monsieur le président, vos interrogations et je ferai au mieux pour y répondre. Tout d'abord, nous n'inclurons pas les collectivités territoriales dans le périmètre de la proposition de loi, pour une raison simple : aucune dérive n'a été identifiée en matière de recours aux prestations de conseil. En outre, les associations d'élus ont toutes insisté sur les difficultés que représenterait pour elles une transposition trop mécanique du texte, qui semble inadapté à leurs enjeux. Nous avons envisagé plusieurs solutions, mais aucune ne nous a paru satisfaisante. Nous demanderons ainsi un rapport au Gouvernement pour étudier l'instauration d'une plus grande transparence. Je demanderai à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de faire de même.
S'agissant du champ de la proposition de loi, l'intention des auteurs était d'embrasser un ensemble très vaste de prestations, dans une approche exhaustive. Du fait du vaste champ de prestations de conseil retenues et de la nature des obligations créées, il nous est apparu qu'il ne serait pas pertinent de conserver un périmètre trop large. Nous proposerons donc un amendement pour restreindre le champ des établissements publics concernés aux plus gros d'entre eux. Il nous semble par ailleurs que la Caisse des dépôts et consignations (CDC), que la loi qualifie d'« établissement spécial », doit faire l'objet de dispositions spécifiques.
Lors de nos travaux préparatoires, de nombreuses personnes auditionnées nous ont fait part de leurs craintes à propos de la déclaration d'intérêts prévue à l'article 10, et de l'obligation de déclarer les actions de démarchage figurant à l'article 11. Par leur caractère très général et exhaustif, ces exigences pourraient porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la vie privée des consultants, constitutionnellement garanties. Ces articles posent également des enjeux opérationnels, pour l'administration et pour les cabinets.
Nous y avons été sensibles : nous proposerons des amendements pour mieux cibler les informations exigées et rechercher un meilleur équilibre entre la volonté de prévenir les conflits d'intérêts et le nécessaire respect de nos libertés. Nous pourrons également prévoir d'adapter l'intensité de ces obligations au niveau de responsabilité du consultant.
Je proposerai également la suppression de l'article 16. Si je comprends l'objectif recherché par nos collègues sénateurs, cet article concernerait près de 5,5 millions de personnes et ferait peser sur la HATVP des obligations de contrôle bien trop importantes, sans être réellement pertinentes. Le code général de la fonction publique prévoit des contrôles de la HATVP pour les demandes de reconversion dans le privé lucratif des agents publics occupant ou ayant occupé, au cours des trois dernières années, un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient. Ces dispositions permettent déjà de couvrir les faits relevés par la commission d'enquête.
Enfin, je soutiendrai l'amendement de réécriture de l'article 18 de ma collègue Laure Miller, visant à le rendre conforme au droit européen et plus adapté à la réalité des besoins de sécurité. Sa rédaction actuelle empêche en effet les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) d'effectuer des missions de conseil, faute de pouvoir effectuer cet audit : in fine, il soutiendrait les gros au détriment des petits.
Le présent texte est important et attendu. Je sais pouvoir compter sur votre sérieux et votre travail pour que nous puissions trouver les meilleurs compromis possibles et l'adopter, comme je l'espère, à l'unanimité.
Je souhaite vous poser quelques questions. S'agissant du champ d'application tout d'abord, l'article 1er désigne comme consultant toute personne exerçant une activité professionnelle au sein de ces entreprises. Cette définition ne vous apparaît-elle pas excessive, puisqu'elle pourrait comprendre des stagiaires ou de jeunes collaborateurs n'ayant aucun pouvoir de décision dans l'entreprise ?
De même, la proposition de loi intègre des prestations informatiques ou de communication, comme celles qui ont pu être déployées lors des crises récentes – la gestion de l'épidémie de Covid ou la réponse urgente à l'attaque informatique d'un établissement hospitalier. Ces situations sont-elles compatibles avec les exigences que la commission s'apprête à examiner ?
Concernant le champ d'application, je reste convaincu que les collectivités territoriales – en tout cas les plus importantes – sont concernées par les mêmes enjeux de transparence, de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts.
Le deuxième type d'interrogations que soulève l'examen de ce texte est celui de la nature des obligations nouvelles faites aux consultants. Notre commission a travaillé à renforcer les obligations pesant sur les représentants d'intérêts, dans le cadre de la mission flash de nos collègues Gilles Le Gendre et Cécile Untermaier. Ces préconisations avaient fait l'objet d'une proposition de loi transpartisane, que le Bureau de la commissions, il était alors autorisé à le faire, avait proposé d'inscrire à l'ordre du jour. Faut-il considérer que les obligations des consultants doivent être supérieures à celles des représentants d'intérêts ? Cela est susceptible de constituer une difficulté.
Troisième préoccupation, la proposition confère un rôle tout à fait nouveau à la HATVP. Cela peut être souhaitable – c'est en tout cas une demande du Président de la HATVP. '''Cette question du rôle joué par les autorités administratives indépendantes (AAI) est d'ailleurs récurrente. Selon vous, faut-il lui confier un pouvoir de sanction administrative, de telle sorte qu'il lui soit permis de prononcer des amendes financières ou d'interdire l'accès à des marchés publics ? Quelles conséquences budgétaires, fonctionnelles et temporelles avez-vous identifié sur l'organisation de la HATVP, qui devra organiquement se scinder en deux collèges, un pour le conseil et un autre pour les sanctions ?
Quatrième question relative au marché des cabinets de conseil, ne craignez-vous pas que les nouvelles obligations législatives et réglementaires envisagées aient pour effet d'exclure les plus petites entités ?
Enfin, la création – bienvenue – d'un jaune budgétaire tendant à rendre plus transparente et donc plus lisible l'action de l'État n'est sans doute pas suffisante. Comment articuler les dispositions de la proposition de loi avec les travaux de contrôle menés par notre commission, qui s'est récemment intéressée aux dispositifs de contrôle interne menés par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) ?
Nous en venons aux orateurs des groupes.
Nous examinons ce matin une proposition de loi provenant du Sénat, et qui reprend des recommandations faites par la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Je veux ici souligner le caractère transpartisan de ce travail. Oui, nous sommes fort heureusement capables de travailler ensemble pour améliorer nos politiques publiques, en l'occurrence, pour assainir leur élaboration. En ce sens, cette proposition est, sur le principe, bienvenue.
Elle intervient donc après un rapport de la commission d'enquête créée en novembre 2021 et dont les travaux se sont achevée en mars 2022. Elle a été adoptée par le Sénat, le 19 octobre 2022. Précisons que, dans ce laps de temps, le Gouvernement a pris ses responsabilités : le régime juridique qui encadre les prestations de conseil a évolué dans le bon sens. Le Gouvernement Castex a introduit de nouvelles règles d'ordre réglementaire, par la voie d'une circulaire du 19 janvier 2022. Un nouvel accord-cadre a ensuite été conclu sur la réalisation des prestations de conseil en stratégie, en juillet 2022. Puis, la loi de finances pour 2023 a prévu la remise d'un rapport sous forme d'annexe au projet de loi de finances, portant sur le recours par l'État aux prestations de conseil. Enfin, une circulaire de la Première ministre en date du 8 février 2023, relative au pilotage et à l'encadrement du recours aux prestations intellectuelles informatiques, est venue renforcer le cadre de régulation.
Toutes ces évolutions ont permis de construire notre arsenal législatif pour lutter contre certaines dérives du recours aux cabinets de conseil, en contraignant l'administration à démontrer au préalable qu'elle ne disposait pas des moyens ou compétences nécessaires pour avoir recours aux cabinets de conseil, en fixant un objectif de réduction des dépenses et une maîtrise de leur montant, en instaurant un dispositif de pilotage par ministère et une évaluation après chaque prestation, en renforçant les règles de déontologie, de la transparence et de la protection des données. En somme, nombre de mesures de la proposition ont, d'une manière ou d'une autre, été traitées par l'exécutif, depuis 2021. S'il est sans doute nécessaire de transcrire dans la loi cette régulation, il me semblait important de préciser l'état du droit.
Je relèverai en revanche trois points d'alerte. En premier lieu, si nos administrations doivent gagner en compétence, elles ne peuvent, de toute évidence, pas disposer de toutes les expertises – parfois techniques –, a fortiori lorsque surviennent des sujets urgents et spécifiques, comme celui de la crise du Covid. Ne caricaturons donc pas la situation en empêchant tout recours à des expertises extérieures, sauf à vouloir créer un État omnipotent, impliquant des agents supplémentaires, qui ne seraient sollicités que ponctuellement : cela ne serait pas raisonnable.
Deuxièmement, notre droit est trop complexe. Nous construisons, chaque semaine, dans cette enceinte, la démobilisation générale, qu'elle soit économique ou sociale, en empilant des normes les unes sur les autres. En voulant protéger, nous finissons par empêcher toutes les initiatives. Certes, il s'agit de l'argent des Français et il est légitime de briser la relation de dépendance qui s'est parfois installée entre les cabinets de conseil et le secteur public. Il est donc extrêmement sain de vouloir encadrer le recours aux cabinets de conseil. Veillons cependant à ne pas prévoir des règles disproportionnées, à ne pas construire des usines à gaz et à ne pas aboutir, en privilégiant les grosses structures, au but inverse à celui recherché.
Dernier élément, cette PPL étant de nature politique, la tentation peut être forte, pour les uns et les autres, de politiser ce sujet. Je reprendrai à cet égard les mots de François Sureau, prononcés récemment devant l'Académie des sciences morales et politiques : « La France est un étrange pays, visiblement gouverné par le principe de l'échange des rôles ; chacun y fait le travail d'un autre. Les ministres tweetent comme des journalistes et parlent comme des fonctionnaires. Les parlementaires se rêvent juges d'instruction et convoquent, l'une après l'autre, des commissions d'enquête. » Je forme donc un vœu, sans doute pieux : restons ce matin dans notre rôle de législateur. Notre groupe formulera un certain nombre d'aménagements rédactionnels, afin que la proposition de loi soit davantage proportionnée au but recherché.
La commission d'enquête sénatoriale ne s'est pas trompée en évoquant un phénomène tentaculaire pour qualifier l'influence des cabinets de conseil sur les politiques de l'État. Pourtant le recours massif à ces cabinets n'avait jamais donné lieu à un débat public ou à des votes. Si les députés sont chargés de contrôler l'action du Gouvernement, qui contrôle leur activité ?
Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée, le montant des dépenses des différents ministères en prestations de conseil a plus que doublé, atteignant 1 milliard d'euros en 2021. L'omniprésence des ces cabinets – en particulier McKinsey – avait commencé dès la campagne du futur Président : une vingtaine de consultants du cabinet y ont participé, sans que cela ne donne lieu à facturation, ni à déclaration au titre des comptes de campagne. Dans la cellule « idées et perspectives » de la campagne Macron, des consultants analysaient des enquêtes d'opinion et des contributions de citoyens pour construire les propositions du candidat – tout un programme !
Nous ne sommes pas sûrs que les Français aient choisi le meilleur candidat, mais il est un bon choix pour les cabinets de conseil et McKinsey. Ce sont d'ailleurs les abus et l'affaire McKinsey qui ont alerté l'opinion publique sur le recours massif de l'État aux cabinets de conseil et conduit à la commission d'enquête sénatoriale dont le texte que nous examinons vise à appliquer les propositions. Le Gouvernement avait déjà confié à McKinsey la gestion de la crise du Covid, pour 12 millions d'euros, sans qu'aucun document produit ne soit estampillé du nom de ce cabinet. McKinsey, encore, qui a été payé 4 millions d'euros pour suggérer à l'État de baisser les aides personnalisées au logement (APL) de cinq euros. McKinsey, toujours, qui a facturé près d'un demi-million d'euros pour l'organisation d'un colloque sur l'avenir du métier d'enseignant qui n'a jamais eu lieu. McKinsey, enfin, qui n'a pas payé un seul euro d'impôt en France en 2010 et dont les dirigeants se seraient payé le luxe de mentir sous serment lors de leur audition par la commission d'enquête.
Pour autant, nous aurions tort de n'incriminer que McKinsey, car ce cabinet devenu symbolique n'est que l'arbre qui cache la forêt de la privatisation de la décision publique vers laquelle nous nous dirigeons, si nous ne prenons pas de mesures. Nous constatons déjà les effets de cette privatisation lorsque l'État va jusqu'à s'en remettre à des cabinets de conseil pour sa stratégie militaire, pour les choix budgétaires du ministère des Armées ou le plan d'économies de Bercy, la lutte contre la radicalisation, la gestion de la crise sanitaire, la stratégie nationale de santé, la réforme de l'aide au logement, les états généraux de la justice, l'avenir du métier d'enseignant ou encore la réforme des retraites.
Cette privatisation de la décision publique a un coût, puisque cela revient en moyenne quatre fois plus cher d'avoir recours à un consultant qu'à un fonctionnaire. Alors que le niveau de nos dépenses publiques est l'un des plus élevés au monde, celles dédiées aux cabinets de conseil représentent 2 à 3 milliards d'euros par an, soit davantage que le budget de certaines régions et un niveau proche de celui du ministère de la santé lorsqu'il existait. À terme, il sera indispensable de se pencher sur le recours des collectivités aux cabinets de conseil. Si l'inclusion des communes nécessite des aménagements et pourrait nuire à l'adoption d'un texte commun aux deux chambres dans un délai rapide, il n'en demeure pas moins que les régions et les départements devraient être soumis au dispositif de ce texte : une commission d'enquête sur le recours des collectivités locales aux cabinets de conseil est indispensable, afin d'identifier les besoins en matière de législation.
Enfin, le recours massif aux cabinets de conseil se traduit par une perte de savoir-faire pour les fonctionnaires, les ministères et l'État, donc par une perte de souveraineté. Si le recours à ces cabinets peut être justifié pour gérer une situation exceptionnelle ou apporter un regard extérieur sur un dossier, il doit être strictement justifié, encadré et transparent – les trois piliers de notre politique en la matière.
Nous voterons ce texte, car il permet d'empêcher les dérives en matière de recours aux cabinets de conseil, en termes de conflits d'intérêts, de réalité des prestations ou d'opacité des contrats. Nous estimons cependant qu'il n'encadre pas suffisamment le recours de la puissance publique aux prestations de ces cabinets : nous risquons de continuer à aller vers la privatisation de la décision publique. Le groupe Rassemblement national a donc déposé une vingtaine d'amendements visant à renforcer cette proposition de loi.
Le groupe La France insoumise-NUPES salue le sérieux du travail mené au Sénat autour de cette proposition de loi, qui nous paraît hautement nécessaire. En effet, sur ce sujet, le nom de McKinsey nous vient spontanément à l'esprit, car il symbolise la compromission de la Macronie avec des intérêts privés – des partages de personnel à titre gratuit durant des campagnes électorales, suivis de renvois d'ascenseur en termes de marchés publics, au point que deux enquêtes sont actuellement diligentées par le parquet national financier.
McKinsey symbolise un hold-up organisé quotidiennement, non seulement sur les finances publiques, mais surtout sur le service public, ses missions, ses prérogatives et sur la responsabilité des décideurs publics. Peut-être cela explique-t-il qu'il nous ait fallu attendre quinze mois pour que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de notre honorable assemblée. S'il était sincère dans sa démarche, le Gouvernement aurait sans doute fait le choix de l'inscrire durant la semaine qui lui est réservée. Or, il a fallu attendre celle de l'Assemblée pour trouver un accord.
Cette proposition de loi ne nous semble néanmoins pas suffisante. Si l'architecture générale du dispositif recueille notre avis favorable, les scandales liés aux recours aux cabinets de conseil sont allés tellement loin que nous sommes dans l'obligation, en tant que législateur, d'aller au bout de la démarche et de ne laisser de côté aucun angle mort.
Si le nom de McKinsey revient souvent, c'est qu'il symbolise l'influence d'intérêts privés sur la décision publique, l'opacité malsaine des relations entre décideurs publics et intérêts privés, la confiscation du bien commun en vue de sa mise à sac. Même durant le covid, il a fallu que le chouchou des cabinets de conseil du Président de la République, vorace, vienne se tailler sa part, alors que l'économie était à l'arrêt, que les finances publiques étaient durement mises à l'épreuve, et que l'ensemble des Français étaient confinés à leur domicile, craignant pour eux-mêmes et pour leurs proches. Le cabinet McKinsey est venu taper dans les finances publiques, dispensant des conseils stratégiques et en organisation, autant de compétences dont le ministère de la santé n'était pourtant pas dépourvu au moment de la crise. Tel est le véritable scandale : les citoyens ne l'oublient pas.
Je le redis, si nous sommes globalement favorables à ce texte, nous devons épuiser la totalité du sujet, à la hauteur du scandale suscité. Il nous faut débattre de la question des collectivités territoriales, de même que de l'élargissement du champ des prestations : conseils juridiques et comptables, stratégies dans les systèmes d'information – en 2021, le conseil en stratégie des systèmes d'information a représenté plus de 50 % de l'ensemble du chiffre d'affaire des cabinets de conseil –, déontologie des cabinets de conseil dans leurs relations avec les administrations, reconquête des compétences perdues dans les services de l'État, translation pénale.
Je partage l'avis de Nicolas Sansu : enfin, nous y voilà ! Le texte a en effet été adopté par le Sénat il y a quinze mois, à l'unanimité. Or, nous avons l'impression que tout a été fait depuis pour en différer l'examen : sans doute était-il un peu gênant, au vu des irrégularités mises en avant lors de la campagne présidentielle de 2022 de l'actuel Président de la République ; il appartiendra à la justice de se prononcer. Des enquêtes sont toujours en cours et le parquet national financier a été saisi en novembre 2022. Le sentiment très désagréable d'une forme d'endogamie, qu'il faut à tout prix éviter, est à l'origine du texte. Comme toute proposition de loi, il n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact. Un certain nombre de points peuvent donc prêter à discussion, comme celui portant sur l'extension du champ d'application aux collectivités locales.
Avec la polémique de l'élection présidentielle de 2022, on a semblé découvrir les cabinets de conseil, McKinsey en particulier. En réalité, les alertes ne sont pas nouvelles et figuraient déjà dans les publications de la Cour des comptes et les rapports de nos collègues Véronique Louwagie, en 2021, et Cendra Motin, en 2022. Vous avez vous-même, monsieur le rapporteur, commis un rapport sur les collectivités locales et les cabinets de conseil, avec l'une des actuelles membres du Gouvernement – peut-être bénéficie-t-il désormais du soutien gouvernemental. En tout état de cause, le manque de transparence, le foisonnement des conseils, donc la dépossession de l'État, y compris sur des secteurs régaliens – une différence notable avec les collectivités –, posent problème.
Cette proposition de loi ne vise pas à interdire strictement les cabinets de conseil. Les collectivités, tout comme l'État, peuvent, sous certaines conditions, avoir des besoins particuliers : s'ils disposent de toutes les compétences, des sujets très pointus peuvent parfois nécessiter un éclairage extérieur. Il est toutefois nécessaire de renforcer la transparence et les règles de déontologie, et de prévoir des sanctions pour prévenir les conflits d'intérêt, tout en veillant à ne pas rompre l'équilibre existant. Aussi est-il préférable d'exclure les collectivités locales du champ d'application : nous ne disposons d'aucun chiffre en la matière ; les apports stratégiques concernent des domaines différents de ceux de l'État, ne portant pas sur le régalien, l'ordre ou la sécurité. Il serait à cet égard utile d'établir un rapport spécifique, visant à pallier l'absence d'étude d'impact. En conclusion, le groupe Les Républicains soutiendra ce texte, en modifiant le moins possible la version du Sénat.
L'intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques est un sujet politique et polémique ; il occupe le débat public depuis maintenant plusieurs années. L'État recourt très souvent à ces prestataires pour concevoir et mettre en place des politiques publiques qui nous concernent tous. La commission d'enquête sénatoriale, initiée par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), a montré que ces prestations sont très peu encadrées, souvent opaques et susceptibles de poser des problèmes déontologiques.
En l'absence de législation claire et précise, nous convenons tous de la nécessité d'une loi pour mieux encadrer les relations entre l'État et les cabinets de conseil. Je me réjouis donc que mon groupe ait trouvé un accord avec le groupe GDR-NUPES pour inscrire ce texte à l'ordre du jour. Je salue ici mes collègues Bruno Millienne et Nicolas Sansu pour leur travail de rapporteurs.
L'objectif n'est pas de pointer du doigt les cabinets de conseil, dont le travail permet de contribuer aux politiques publiques et qui sont d'une grande aide pour l'État – je pense en particulier aux prestations de conseil en informatique, un domaine exigeant des qualifications dont l'État ne dispose pas en proportion à ses besoins. En l'absence de véritable cadre légal, les interventions des cabinets de conseil dans les politiques publiques manquent toutefois de transparence : les citoyens se voient imposer des politiques publiques qu'ils imaginent conçues par des fonctionnaires, alors qu'elles ont été élaborées par des cabinets de conseil ; l'État lui-même ne dispose pas de document recensant l'ensemble des prestations de conseil passées et en cours.
De ces manques d'encadrement et de transparence découlent des risques déontologiques, aucune règle ni procédure ne permettant à l'État de contrôler et de se prémunir des conflits d'intérêts. Alors que les passages du secteur public au secteur privé sont fréquents et que le recrutement d'anciens fonctionnaires est devenu un atout pour les cabinets de conseil, l'État doit être en mesure d'éviter tout risque déontologique. Les cabinets ont également tendance à proposer des prestations à titre gratuit et à multiplier les actions de démarchage et de prospection commerciale, renforçant leur réseau et se rendant indispensable aux yeux de l'administration et du politique. Une telle relation de dépendance pose un risque déontologique important, que nous devons éviter.
La France s'est dotée, en 2014, d'une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, chargée de s'assurer de l'intégrité et de la probité des responsables publics. Le législateur a en particulier décidé de charger la HATVP de contrôler le pantouflage, en lui permettant de rendre des avis d'incompatibilité lorsqu'elle estime que les nouvelles fonctions envisagées sont incompatibles avec les précédentes. Dans la lignée de ces politiques publiques visant à la transparence, nous devons exiger une probité exemplaire des consultants amenés à exercer temporairement des missions publiques. Tel est l'objet de la proposition de loi que nous examinons : définir les prestations de conseil, encadrer le recours aux consultants, en finir avec l'opacité des prestations et renforcer les exigences déontologiques. L'enjeu est également de protéger les données de l'État, car il les communique aux cabinets de conseil, sans préciser quel usage peut et pourra ultérieurement en être fait. Ainsi, je suis convaincu de la nécessité de ce texte. Sous réserve des améliorations et des simplifications qui seront proposées par notre rapporteur du groupe Démocrate, nous voterons en sa faveur.
Je salue la qualité du travail parlementaire à l'origine de la présente proposition de loi. La commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, créée à la suite de la révélation d'abus, a livré des conclusions alarmantes et choquantes. En se saisissant du sujet, le Parlement prouve à nouveau sa capacité à se saisir de sujets importants. Je suis, pour ma part, soulagée et heureuse d'entendre prononcer les mots « transparence » et « déontologie » dans les débats du Parlement sans que nul ne s'en offusque.
La nécessité de réguler l'intervention des cabinets de conseil dans l'action publique s'impose à nous. Depuis plusieurs années, l'intervention des cabinets privés auprès de l'État dans la définition de sa stratégie, l'élaboration des politiques publiques, son organisation et la gestion des ressources humaines ne cesse de s'accroître.
Dans l'opacité, l'État a eu recours à des prestations pour des montants atteignant parfois plusieurs millions d'euros. En 2021, les dépenses de conseil ont dépassé le milliard d'euros, dont 893 millions pour les ministères. Ces montants excessivement élevés ont été facturés pour des prestations parfois évitables, sans réel contrôle ni évaluation. La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 est la première pierre d'un arsenal juridique à consolider. Je salue, à cet égard, la capacité à réagir rapidement du ministère de la fonction publique face au danger.
Au demeurant, il faut préciser que les cabinets de conseil ne sont pas nos ennemis, ni ceux de l'action publique. L'État recommande d'ailleurs aux collectivités territoriales, et parfois les y oblige, de recourir à leurs services. Dans l'immense majorité des cas, ils répondent à des besoins de l'administration qui fait appel à eux. L'enjeu de la présente proposition de loi n'est pas d'interdire leur intervention. Notre responsabilité est de les réguler et d'impulser une politique de réinternalisation des compétences, lesquelles font l'excellence de notre fonction publique, qui nous est enviée partout dans le monde.
Sur le fond, le texte vise plusieurs objectifs. Il renforce les obligations de transparence en prévoyant la publication par les ministères d'un rapport. L'exigence de transparence doit également s'imposer avant l'exécution de la prestation. Les agents publics concernés doivent notamment en être informés – cela nous semble essentiel. Nous formulerons cette proposition par voie d'amendement.
Le texte encadre davantage le recours aux prestations de conseil, en renforçant leur évaluation a posteriori. Par ailleurs, il nous semble que, en tant que législateurs, nous sommes tenus d'interdire la rédaction par des cabinets privés d'un projet de loi ou de son étude d'impact – la commission d'enquête a révélé de telles pratiques.
Le texte renforce les principes déontologiques applicables aux consultants au sein de la HATVP. Toutefois, la prévention des conflits d'intérêts et le respect des principes déontologiques ne peuvent reposer sur la seule HATVP. Le référent déontologue désigné au sein de chaque administration doit prendre toute sa part dans cette mission.
Le champ d'application de ce texte nous interroge tous. Je fais mienne la préoccupation exprimée par le président de notre commission s'agissant des stagiaires-collaborateurs et du rôle de la HATVP. S'agissant des collectivités territoriales, je ne comprendrais pas que nous n'envisagions pas des mesures permettant d'encadrer, pour leur propre sécurité, le recours à des cabinets de conseil.
Notre groupe sera ce matin le moins enthousiaste. Dans le pays de Caux, nous avons coutume de dire : « Méfie-toi, méfie-toi toujours, méfie-toi encore ». Telle est notre attitude au sujet de la présente proposition de loi.
La transparence permet-elle la confiance ? Telle est l'une des questions que soulève l'examen de la présente proposition de loi. Cette question est plus philosophique que juridique, peut-être ; elle est surtout d'ordre pratique.
Au cours des trente dernières années, le législateur a donné la priorité, pour de saines et justes raisons, à la moralisation et à l'encadrement des relations financières entre le privé et le public. Il a porté une attention particulière au financement des partis et des campagnes électorales par les entreprises, au plafonnement des dons des particuliers et des dépenses de campagne, et à la publication des comptes des candidats. Ces mesures étaient nécessaires pour recréer de la confiance entre les citoyens et leurs représentants ainsi que l'administration.
Or, depuis quelques années, la nécessaire quête d'indépendance financière a induit une défiance a priori à l'égard du secteur public. Cette défiance entrave gravement la volonté de s'engager et va à l'encontre des objectifs recherchés par le législateur, lequel s'intéresse de près, depuis plusieurs mois, à l'État en tant que personne morale, à ses administrations et à ses partenaires. Depuis l'affaire McKinsey, nous avons tout entendu dire de l'administration, que j'ai entendu présenter ce matin encore comme une nébuleuse tentaculaire, et qui dépenserait sans compter et indûment des milliards pour des prestations de conseil souvent jugées a posteriori médiocres, voire dangereuses compte tenu de l'ingérence dans l'activité des élus qu'elle constitue.
Loin de ces caricatures, nous souscrivons à l'esprit de la proposition de loi, qui vise à assurer la traçabilité des rôles des cabinets dans les prises de décision et à améliorer l'information des citoyens. Toutefois, méfions-nous des faux prophètes ! Je n'accepte pas le raccourci consistant à considérer que les pratiques honteuses de certains résument les pratiques d'une profession. Sur ce point, il me semble utile de rappeler quelques évidences.
La conduite de l'action publique peut, dans certains cas précisément identifiés, exiger le recours à des prestations intellectuelles extérieures. Nous partons de loin. Cette majorité a beaucoup fait pour encadrer le recours aux cabinets de conseil. La circulaire du Premier ministre du 12 janvier 2022 donne la pleine responsabilité à chaque ministère de piloter ces investissements et offre la possibilité inédite de tracer avec plus de précision les dépenses réalisées grâce aux jaunes budgétaires.
En matière de limitation de la contrainte administrative, la proportionnalité de la norme est un principe qui doit nous guider, notamment pour éviter de faire peser une charge déraisonnable sur des structures de taille réduite. À ce titre, je défendrai au nom de mon groupe un amendement à l'article 1er visant à fixer à 60 millions de dépenses de fonctionnement le seuil d'application de la loi aux établissements publics nationaux.
Par ailleurs, notre groupe a une ligne rouge, dont j'ai conscience qu'elle n'est pas partagée : l'extension du dispositif aux collectivités territoriales ne nous semble pas souhaitable. Accroître la complexité et les contraintes dans lesquelles gouvernent les élus locaux est une impasse si l'on songe aux difficultés qu'ils affrontent quotidiennement. Aidons-les en matière de responsabilité pénale et cessons de les charger encore et encore !
L'enjeu du texte est double : clarifier et simplifier nos relations.
Je salue le travail du Sénat et celui de nos deux rapporteurs, dont l'un est mon voisin de circonscription et l'autre mon camarade de travée.
On nous incitait tout à l'heure à ne pas faire de politique. Je m'en étonne. Il n'y a rien de plus politique que la question de la transparence, condition de la confiance. Il n'y a rien de plus politique que la question de la démocratie, de l'autorité de l'État, de sa compétence et de la façon dont sont construites les politiques – que l'on m'excuse du mot – publiques.
Il n'y a rien de plus politique que de s'interroger sur le pognon de dingue donné à des cabinets de conseil. À titre d'exemple : 957 000 euros pour préparer une réforme des retraites finalement abandonnée ; 500 000 euros pour réfléchir à l'avenir du métier d'enseignant, ce qui certes est sans doute moins cher que Mme Oudéa-Castéra ; 235 600 euros pour un guide du télétravail ; 3,88 millions pour la réforme des aides personnalisées au logement (APL) ; 41 millions pour la stratégie à adopter face à la crise du covid-19. Voilà un échantillon de ce qu'a versé l'État à des cabinets de conseil pour des prestations inégales, à l'intérêt souvent limité !
Le coût des prestations facturées à l'État par des cabinets de conseil privés a été multiplié par trois depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. On nous a pourtant vendu, en 2017, l'arrivée des professionnels et des super-technocrates qui allaient tout remplacer – la droite, la gauche, la politique – par la technocratie conquérante et talentueuse. Manifestement, ils ont besoin de beaucoup de soutien et de beaucoup de conseils dans cette entreprise ! Les Françaises et les Français ont pu constater l'amateurisme dont ils font preuve, encore dernièrement avec les déclarations de l'éphémère – nous l'espérons – ministre de l'éducation nationale.
Les chiffres sont vertigineux, et probablement sous-évalués. Le 27 novembre 2022, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, avouait « des abus » et « une dérive » dans le recours du Gouvernement aux cabinets de conseil privés. Nous ne le citons pas souvent ; ses paroles ont valeur de recommandation pour l'examen de la présente proposition de loi.
Quant au président de la HATVP, Didier Migaud, il a déclaré au Sénat : « Le recours par l'État à des prestations de conseil peut légitimement susciter des inquiétudes en matière de déontologie et de conflits d'intérêts ». La question, décidément, est éminemment politique ! L'existence de dérives et d'abus est confirmée par le rapport sur le recours par l'État aux prestations intellectuelles des cabinets de conseil, publié par la Cour des comptes en juillet 2023. Il relève notamment une doctrine d'emploi incomplète, un pilotage mal assuré et des insuffisances au regard du droit des marchés publics.
Le recours massif et sans cesse croissant aux cabinets de conseil, outre la gabegie d'argent public et les potentiels conflits d'intérêts, avec lesquels nous avons malheureusement pris l'habitude de fonctionner concernant le pouvoir actuel, pose un grave problème : l'intervention toujours croissante des intérêts privés dans les affaires publiques. Cette question est éminemment politique. Dans la gestion des politiques nationales et locales, la décision publique est de plus en plus suspendue aux avis de prétendus experts, payés une fortune – 1 milliard par an tout de même – pour des résultats médiocres.
Ce que l'État demande aux cabinets privés, il peut le demander à son administration. Je rends hommage à ces 2,5 millions de fonctionnaires dépossédés des travaux de recherche au profit de cabinets qui n'ont pas une once de légitimité démocratique. Telle est bien la question que soulève ce débat : comment l'État détermine-t-il l'intérêt général dans la construction des politiques publiques ? La recherche de l'intérêt général et de l'efficacité doit-elle être confiée à des entreprises privées dont le but est de faire du profit ou aux serviteurs de l'État ? Notre réponse ne fait aucun doute.
La proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, adoptée par le Sénat à l'unanimité, met en œuvre les recommandations du rapport de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, publié le 16 mars 2022. Elle est le fruit d'un travail transpartisan mené dans le cadre de la mission de contrôle du Parlement.
Ces quatre mois d'enquête ont révélé un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur des pans entiers des politiques publiques, tels que la gestion de la crise sanitaire, la stratégie nationale de santé, l'avenir du métier d'enseignant et la mise en œuvre de la réforme des APL. Elle a mis en lumière des missions pléthoriques, externalisées, souvent de qualité médiocre, voire inachevées, validées et payés par l'État à des coûts exorbitants, en l'absence de système d'évaluation des prestations.
Ces abus et ces dérives inacceptables n'ont pas freiné l'essor de l'externalisation des prestations de conseil. La liste des missions déléguées à des cabinets de conseil privés au cours des dernières années témoigne d'un recours massif et croissant à leurs services. Certes, l'externalisation de mission n'est pas nouvelle, mais elle a doublé depuis 2018 et a augmenté de 45 % en 2021, portant les dépenses de l'État en la matière à plus de 1 milliard. Cette accélération du recours à l'externalisation soulève des interrogations au sujet de la capacité de la puissance publique à agir, à prendre ses décisions de manière souveraine et à bien utiliser les deniers publics.
Pour préserver la décision publique de toute influence des cabinets de conseil privés, prévenir les conflits d'intérêts et rendre transparent le recours à leurs services, la présente proposition de loi semble indispensable. Elle vise non pas à interdire le recours aux cabinets de conseil privés, mais à l'encadrer et à évaluer l'exécution des prestations fournies, tout en imposant une réelle transparence et en prévoyant un mécanisme de contrôle ainsi que des sanctions spécifiques.
Si le travail mené au Sénat a incité le Gouvernement à prendre timidement des mesures telles que la circulaire du 19 janvier 2022 ou l'inscription dans les jaunes budgétaires des dépenses liées au recours à des conseils extérieurs, les efforts engagés sont largement insuffisants. Le jaune budgétaire est lacunaire. Il ne présente ni la liste des missions de conseil commandées par l'État, ni les prestations informatiques, qui représentent près des trois quarts des prestations externalisées de l'État. Le renforcement du contrôle interne du recours à des prestataires semble très en deçà des enjeux. Nous soutenons pleinement la proposition de loi, dans un souci de transparence et d'exemplarité
Indépendamment de l'avancée qu'elle constitue, nous considérons que l'accélération du recours à l'externalisation est la conséquence du choix de l'affaiblissement des services publics, qui s'accompagne de la dégradation des compétences de la puissance publique, de la réduction de ses capacités d'action et de son étroite dépendance à l'égard d'opérateurs extérieurs.
Dans de nombreux domaines, l'État, ayant externalisé certaines de ces missions, ne possède plus l'expertise où les capacités matérielles nécessaires pour assurer en toute autonomie la conduite des politiques publiques. Pour rompre ce cercle vicieux, il faut réarmer les services publics, et procéder à la réinternalisation progressive des fonctions les plus stratégiques parmi celles qui sont sous-traitées, afin de rendre à la puissance publique les moyens de remplir ses missions en toute indépendance.
Les cabinets de conseil suscitent bien des suspicions, légitime à mes yeux : opacité totale, coûts disproportionnés, résultats inégaux voire médiocres, et surtout influence jugée illégitime sur la décision publique. Face à l'ampleur du scandale McKinsey et au recours incontrôlé aux consultants pendant la pandémie, la réponse du Gouvernement, sous la forme d'une simple circulaire, est un signe de frilosité, voire de culpabilité. Il est nécessaire que le Parlement s'empare du sujet.
En 2021, l'État a dépensé 1 milliard en prestations de cabinets de conseil. Notre groupe s'étonne, à cet égard, de voir le ministère de l'économie et des finances représenter 20 % du total des dépenses, ce qui est considérable pour un ministère censé faire des économies. À l'aune de l'appauvrissement de la fonction publique, il y a en outre de quoi s'interroger sur certaines rémunérations de consultants, atteignant par exemple 1 528 euros pour une journée de travail, soit presque le salaire mensuel d'un professeur stagiaire ou d'une infirmière en début de carrière. C'est un peu choquant.
Comment accepter de réduire les dépenses des administrations tout en doublant entre 2018 et 2021 les dépenses de conseil des ministères ? En externalisant l'étude, on risque d'être orienté dans une direction particulière. Est-ce l'objectif ? Il y a des compétences dans nos ministères. Pourquoi ne pas faire appel à elles ?
Le présent texte procède d'un effort de transparence indéniable, consistant à rendre public et surtout accessible aux citoyens les données liées au recours aux cabinets de conseil, notamment le bilan et l'évaluation de chaque prestation. C'est une avancée. Le pantouflage et le lobbying font l'objet d'un encadrement ; il était nécessaire d'en créer un pour les activités de conseil. La proposition de loi crée un cadre déontologique complet et ambitieux.
Notre groupe estime cependant que la saisine de la HATVP gagnerait à être élargie. Le texte n'offre cette possibilité qu'au Premier ministre et aux présidents des assemblées. Pourquoi ne pas l'ouvrir par exemple à soixante députés ou sénateurs afin d'accorder un rôle aux oppositions parlementaires ?
Nous saluons le choix de prévoir un volet répressif dissuasif. Que vaudrait une telle loi sans sanctions ? Nous serons surtout attentifs au maintien de l'amende de 2 % du chiffre d'affaires mondial du cabinet en cas de manquement.
Notre groupe votera résolument pour ce texte, qui est une belle avancée.
Le 18 octobre 2022, le Sénat a adopté la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. En juillet dernier, la Cour des comptes épinglait une forte augmentation des dépenses de recours aux cabinets de conseil par l'État entre 2017 à 2021. Ces dépenses ont augmenté de 11 millions en 2014 à 100 millions en 2018 et à 230 millions en 2021, avant de se tasser à 200 millions en 2022. Si ces dépenses ne représentent qu'une part minime des dépenses de l'État – 0,04 % d'après la Cour des comptes –, elles n'en ont pas moins triplé de 2017 à 2021.
Ces dépenses sont loin d'être anodines. Elles doivent être contrôlées avec sérieux, pour au moins deux raisons : il s'agit de l'argent des contribuables, dont les Français se préoccupent à juste titre ; ce recours soulève la question des compétences et de l'indépendance de nos institutions. Cependant, dans certains domaines très techniques, les collectivités locales, qui certes n'entrent pas dans le périmètre de la proposition de loi, ont besoin de recourir à des cabinets de conseil. Tout n'est pas à jeter.
La proposition de loi vise à renforcer l'encadrement des prestations, à les rendre plus transparentes et à prévenir les conflits d'intérêts. Elle vise également à en finir avec l'opacité des prestations de conseil et à interdire les prestations à titre gracieux, sauf dans des cas spécifiques tels que celui des fondations reconnues d'utilité publique. Elle vise aussi à renforcer les pouvoirs de la HATVP et prévoit d'encadrer les allers-retours de personnel entre administration et cabinets privés. Tout cela me semble plutôt positif.
Le recours à des prestations externes ne doit pas – ne doit plus – constituer une modalité inévitable et coûteuse de mise en œuvre, et parfois de conception, de nos politiques publiques. Il doit au contraire retrouver sa juste place parmi les instruments à la disposition de nos administrations pour mener à bien leur mission de service public. Tel sera le sens de mes amendements.
Monsieur le Président, vous avez soulevé avec pertinence la question du champ d'application du texte, s'agissant notamment des prestations informatiques. Nos débats en commission, en séance publique et dans le cadre de la navette parlementaire devraient nous permettre d'y répondre.
J'aimerais préciser notre approche s'agissant des collectivités territoriales, évoquées par la plupart des orateurs. Elles ne peuvent pas être placées sur le même plan que les administrations centrales, où ont été constatés les manquements à l'origine de la proposition de loi, et où le commanditaire de la prestation n'a aucun compte à rendre.
Tel n'est pas le cas dans les collectivités territoriales, qui commandent des prestations par le biais de leurs assemblées délibérantes, dans le cadre d'une procédure de passation de marché public et d'appel d'offres formalisée, faisant l'objet d'un contrôle de légalité. Le compte administratif, visé par la chambre régionale des comptes, garantit l'existence d'une documentation. Il n'en faut pas moins trouver une solution pour que les collectivités territoriales soient soumises à une transparence accrue et à des règles déontologiques, afin de prévenir les conflits d'intérêts, notamment pour protéger les élus locaux.
Je le dis très tranquillement : intégrer les collectivités dans le texte en leur appliquant les mêmes dispositions que celles prévues pour les administrations centrales, en leur imposant par exemple d'enregistrer les prestations fournies, n'a pas de sens. Aucun jaune budgétaire, pas même ceux qui traitent des relations de l'État avec les collectivités territoriales, ne présente les budgets des collectivités territoriales.
Cette solution que nous devons trouver à tout prix, nous ne la trouverons pas sans les élus, et encore moins contre eux. Nous devons donc reprendre notre bâton de pèlerin pour produire une évaluation précise du marché du conseil aux collectivités locales. Il faut éviter de rigidifier le marché du conseil aux petites structures. Il faut faire en sorte que la démarche des collectivités locales ne soit pas trop lourde tout en étant transparente.
J'ai plaidé, à l'issue de la mission flash sur l'encadrement de l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, en faveur d'une évaluation menée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Elle n'a pas été menée. 'Il est nécessaire de procéder à 'une mission d'information ou de demander au Gouvernement la remise d'un rapport sur le sujet. À défaut, nous ne pouvons pas régler le problème.
Nous devons notamment tenir compte de l'article 72 de la Constitution, qui garantit la libre administration des collectivités territoriales. Ceux qui pensent que recourir à un seuil de population est une solution font erreur, en raison du risque de rupture d'égalité induit.
Bruno Millienne et moi-même avons exploré cette piste, en prévoyant de limiter les exigences s'agissant des passations de marchés publics de gré à gré, et de les renforcer s'agissant des procédures formalisées. Pour l'heure, elle est impraticable. J'invite chacune et chacun à faire confiance aux collectivités territoriales et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour prendre le sujet à bras-le-corps.
Par ailleurs, le texte adopté par le Sénat est transpartisan. Nous devons rester à peu près dans son épure. Je répondrai à Frédéric Mathieu ce que disait Lénine : un petit pas vaut mieux que 1 000 programmes. Sur la question de la transparence, de la déontologie et du contrôle, nous devons adopter un dispositif opératoire.
Nicolas Sansu et moi-même avons travaillé en bonne intelligence, de manière réaliste et objective. S'agissant des collectivités territoriales, les amendements reposant sur un seuil de population ne tiennent pas. Nous avons tourné le problème dans tous les sens. Nous n'avons trouvé qu'une demi-solution. Il faut poursuivre la réflexion. La proposition de loi, je le rappelle, découle d'une commission d'enquête parlementaire et son examen a été précédé d'une mission flash. À l'origine, j'étais le plus fervent partisan de l'inclusion des collectivités territoriales dans le texte. Il ne s'agit pas d'une reculade de ma part.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation doit impérativement s'emparer du sujet. Nous demanderons également 'au Gouvernementde produire un rapport. Chacun sait qu'il faut améliorer la transparence, mais le présent texte, tel qu'il est issu des travaux du Sénat, n'est en aucun cas applicable aux collectivités territoriales, qui doivent faire l'objet d'un texte dédié.
Sans reprendre toutes les interventions en détail, je vous informe, monsieur Houssin, que McKinsey ne fait plus partie des cabinets de conseil travaillant avec l'État. J'aimerais être certain que « McPoutine » ne fait plus partie des conseillers du Rassemblement national… Par ailleurs, l'État, depuis la publication du rapport de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, n'est pas resté sans rien faire. Deux circulaires ont été publiées, par les Premiers ministres Jean Castex et Elisabeth Borne.
Encore une fois, il s'agit non pas d'interdire le recours aux cabinets de conseil privés, mais d'encadrer leur activité au bénéfice de la transparence et de la déontologie, en veillant à ne pas faire peser sur nos fonctionnaires une charge de travail excessive. Tel est l'état d'esprit dans lequel nous avons travaillé. J'espère que les nombreux amendements que nous allons examiner ne dénatureront pas l'esprit du texte adopté par le Sénat, d'autant que des évolutions ont eu lieu depuis son adoption.
Avant l'article 1er
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL109 des rapporteurs.
Article 1er : Champ d'application de la proposition de loi
Amendement CL1 de M. Philippe Pradal
Il s'agit de préciser le champ d'application de la proposition de loi en visant uniquement les conseils destinés à éclairer, illustrer ou accompagner l'élaboration des politiques publiques.
En précisant la notion de prestation de conseil, l'amendement, dont je ne suis pas surpris qu'il ait été élaboré avec le syndicat des cabinets de conseil, limite considérablement le champ du texte en le restreignant aux prestations de conseil les plus stratégiques visant à épauler l'administration dans l'élaboration d'une politique publique. Nous pensons que les obligations de transparence et les règles déontologiques doivent s'appliquer dans un champ plus large. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CL110 des rapporteurs et CL72 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Nous souhaitons restreindre le champ d'application de la proposition de loi aux établissements publics dont le budget est supérieur à 60 millions. Actuellement, le texte s'appliquerait à l'ensemble des établissements qui sont au nombre de 800 environ. L'amendement permettrait d'exclure les petits établissements, dont j'ai dit que leur appliquer la proposition de loi n'a pas de sens. Le cœur de cible, ce sont les administrations centrales, notamment les accords-cadres qu'elles concluent.
L'amendement ne modifie en rien l'esprit de la loi, mais il permet d'exclure de son champ d'application des petites structures telles que les Ehpad de petite taille adossés à un hôpital'. Il nous a semblé excessif de leur appliquer les mêmes règles qu'à une administration centrale chargée par exemple de réfléchir à l'avenir du métier d'enseignant.
La cohérence propre du seuil de 60 millions, emprunté au code de la commande publique, m'échappe. Pourquoi pas 50 ou 100 ? Sur le fond, nous ne disposons pas de la liste exhaustive des établissements ainsi exclus du champ d'application de la proposition de loi. Ces amendements me semblent procéder à l'aveugle. Je n'en fais pas une question de principe, mais ce chiffre me semble sortir du chapeau.
Il ne sort pas du chapeau, mais des débats du Sénat, qui a finalement renoncé à fixer un seuil. Il nous semble difficile d'intégrer les petits établissements publics dans le champ du texte. Le seuil de 60 millions a le mérite de figurer dans le code de la commande publique.
Un petit musée refondant sa politique de communication qui passe un marché à 10 000 euros peut-il être soumis aux mêmes règles que le ministère de l'économie et des finances qui fait appel au Boston consulting group ? Cela ne me semble pas opératoire.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL148 des rapporteurs
Il vise à supprimer l'alinéa 4. Il s'agit d'exclure la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du champ des administrations bénéficiaires, en raison de son statut très particulier au sein des établissements publics, et de prévoir pour elle des mesures spécifiques, qui seront présentées dans un amendement examiné ultérieurement.
Je ne vois pas pourquoi la CDC serait exclue du champ des administrations bénéficiaires. Si elle bénéficie de sur-mesure, il faut que les normes soient plus contraignantes qu'ailleurs, s'agissant 'd'activités plus difficiles à encadrer.
La CDC a des activités financières et économiques dans le champ concurrentiel qui accroissent sa porosité avec la sphère privée. Elle est conseillée par des gens relevant de la sphère privée et ayant des intérêts économiques aux opérations certes réalisées pour le compte de l'État. La spécificité de la CDC incite à l'inclure dans le champ du texte, en raison de la sensibilité de son activité, qui présente un potentiel corruptif plus élevé.
La CDC est dotée d'une commission de surveillance où siègent des sénateurs et des députés. Cet établissement public est donc soumis au contrôle des assemblées. Par ailleurs, certains de ses personnels travaillent sous contrat de droit privé, d'autres relèvent du droit public.
La CDC est un établissement public sui generis. Certes, elle n'échappe pas à l'obligation de transparence et de contrôle de déontologie, mais il faut trouver une solution adaptée. Elle n'est ni un établissement public administratif (EPA) ni un établissement public industriel et commercial (Epic). Elle n'est pas sous le contrôle de l'exécutif.
Nous défendrons un amendement portant article additionnel après l'article 3, visant à compléter le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la CDC, et à y inclure les informations mentionnées à l'article 3 de la proposition de loi. Par ailleurs, la CDC est dotée d'un déontologue.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CL11 de Mme Untermaier, CL70 de Mme Marie-France Lorho et CL75 de M. Timothée Houssin (discussion commune)
Fixer un seuil d'application à 100 000 habitants n'est sans doute pas une solution, mais il me semble difficile, voire impossible, d'examiner un tel texte sans y intégrer les collectivités territoriales. Les administrations centrales ont fait l'objet d'une commission d'enquête et de deux circulaires. Leur régulation est en cours. S'agissant des collectivités territoriales, il faut sinon prendre des mesures coercitives, du moins envoyer un message.
Indépendamment du sort de ces trois amendements, nous devons travailler sur ce point d'ici à l'examen du texte en séance publique. Nous ne pouvons pas laisser de côté le pan de l'action publique relevant des collectivités territoriales, en considérant que la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui est elle-même pourvoyeuse de cabinets de conseil auprès des collectivités locales, nous donnera la solution. Nous devons faire notre travail de législateur, si difficile soit-il. Nous ne pouvons pas aller de mission flash en rapport d'information si nous voulons régler le problème.
Sans doute le seuil de 100 000 habitants est-il trop bas ; nous défendrons en séance publique un amendement prévoyant un seuil plus élevé. Quoi qu'il en soit, l'essentiel est de maintenir l'exigence de transparence pour les collectivités locales.
L'amendement CL70 vise à étendre le champ de la proposition de loi aux collectivités territoriales de plus de 350 000 habitants. Dans le cadre de leur mission flash, nos collègues Lebec et Sansu ont pris la mesure de la diversité des prestations de conseil dispensées aux collectivités territoriales, qui découle de la variété des compétences recherchées.
Pour dissiper ce flou, la loi doit encadrer cette pratique, au moins pour les collectivités de grande taille. Cela permettrait de limiter les situations de conflit d'intérêts et de faire la lumière sur l'absence de transparence des coûts des missions commandées.
Nous avons débattu à plusieurs reprises de l'opportunité d'intégrer les collectivités territoriales dans le champ du texte. Nous avons pris acte de la difficulté d'intégrer des milliers de communes dans un système complexe. Ces dernières ont le plus souvent recours à de petits cabinets locaux prenant des décisions rarement politiques. Elles ont surtout recours à des cabinets de conseil pour la passation de marchés. Les inclure dans le texte lui fait courir un risque d'enlisement.
S'agissant des régions et des départements, le constat n'est pas le même. L'amendement CL75 vise donc à les inclure dans le champ du texte. En effet, ils prennent des décisions de nature politique. En outre, leurs services internes sont étoffés et leurs budgets sont de plusieurs centaines de millions, voire de quelques milliards d'euros ; ils sont parfois comparables à ceux des ministères. Ainsi, le budget du département du Nord ou de la région Grand-Est, qui est d'environ 4 milliards, est du même ordre que celui du ministère de la santé et de la prévention, et supérieur à celui de la culture.
S'agissant de l'amendement CL11, nous sommes favorables à l'esprit dont il procède, mais son adoption risque, nous semble-t-il, de retarder l'adoption du texte par les deux chambres. Nous nous y opposerons donc. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut travailler à l'encadrement du recours aux cabinets de conseil par les collectivités locales, par exemple dans le cadre d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête.
Pour avoir étudié la question avec Nicolas Sansu, je peux vous dire que les seuils exprimés en nombre d'habitants ne fonctionnent pas. Des collectivités qui seraient en dessous des seuils que vous proposez pourraient avoir à faire appel à de l'AMO, par exemple, pour des sommes bien plus importantes que des communes de 100 000 ou 350 000 habitants en ce qui concerne de petites choses. C'est pourquoi nous privilégions plutôt les seuils de la commande publique, même si, pour être très franc, cette solution n'est pas plébiscitée par les associations d'élus. Cela paraît, néanmoins, la mesure la plus adaptée – c'est peut-être une piste à creuser.
Il ne s'agit pas d'abandonner la question des collectivités territoriales, madame Untermaier. La proposition de loi demande un rapport à ce sujet et nous réitérons le souhait d'un travail approfondi dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales.
Les dispositions qui régissent ces dernières, notamment en matière de contrôle, n'ont rien à voir celles prévues pour l'État. Agissons en fonction des réalités sur le terrain au lieu de se calquer sur des textes qui ne sont absolument pas adaptés.
Par conséquent, je vous demande de retirer ces amendements. Sinon, avis défavorable.
Nous partageons tous, me semble-t-il, la volonté de faire preuve de transparence et donc de ne pas exclure les collectivités du champ du texte. On pourrait imaginer qu'un rapport annuel soit remis, comme dans d'autres domaines, pour permettre de savoir quand les maires ou les présidents de conseils départementaux ou régionaux ont fait appel à des cabinets de conseil, dans quel but – nous considérons, compte tenu de la technicité nécessaire, qu'il peut être légitime de recourir à des cabinets de conseil –, pour quels montants et de quels cabinets il s'agissait.
Ces informations existent déjà – je pense en particulier aux comptes administratifs – et il suffit de les mettre en avant. J'ai ainsi demandé lors des auditions s'il était possible d'insérer dans le cadre du rapport sur les orientations budgétaires un paragraphe expliquant quand et pour quoi on a recours aux cabinets de conseil et de consacrer un développement spécifique à cette question dans le compte administratif : on peut le faire.
On peut prévoir les mêmes obligations pour les collectivités, mais un vrai problème se posera. S'il y a des dizaines et des dizaines de déclarations sur l'honneur d'absence de conflits d'intérêts de la part des personnes intervenant dans les collectivités, comment feront les centres de gestion qui seront chargés de la déontologie ? Un logo pour un centre social de la mairie de Paris peut coûter 1 500 euros, contre 400 000 pour un travail relatif à un PLUI (plan local d'urbanisme intercommunal) d'une intercommunalité de 30 000 habitants : on ne peut donc pas prévoir un seuil de population.
Forcer le passage pour appliquer tout de suite le dispositif aux collectivités serait une erreur, qui risquerait en outre de faire tomber tout le texte. Nous n'allons pas lâcher la proie pour l'ombre, mais au contraire continuer le travail sur cette question, qui a été identifiée par les sénateurs, afin de produire quelque chose de propre avec la délégation aux collectivités territoriales.
Pour les collectivités non pas les plus importantes, mais les plus peuplées ou les régions et les départements, comment se passe l'attribution d'un marché public ? L'assemblée délibérante commence par autoriser la passation d'un marché. Se tient ensuite une commission d'appel d'offres dans laquelle l'opposition est représentée. Une fois que la commission a statué, le marché est soumis au contrôle de légalité, qui est exercé par les services de l'État. Une fois par an, un document publié dans la presse locale et nationale et fourni au conseil municipal ou, pour les régions et les départements, à l'assemblée délibérante, dresse la liste de tous les marchés en indiquant l'objet de la prestation. La chambre régionale des comptes exerce ensuite un contrôle. Que voulons-nous de plus ?
L'unique effet sera que seuls les prestataires les plus importants fourniront clefs en main les informations supplémentaires qui devront être produites par les collectivités, ce qui conduira à l'éviction des acteurs qui assurent le service au plus près du terrain, pour accompagner une politique culturelle ou une politique sportive, par exemple, et qui travaillent le plus sérieusement et depuis le plus longtemps au service des collectivités.
Nous sommes donc farouchement contre ce qui nous est proposé. Je suis d'accord avec vous, messieurs les rapporteurs : si une disposition de ce type était adoptée, cela remettrait en cause l'équilibre du texte et le vote de notre groupe.
Le souhait de transparence est louable : nous le partageons tous, et il n'y a pas de difficulté en la matière. Les collectivités locales ne peuvent se soustraire à un certain nombre d'obligations qui existent déjà, comme l'a rappelé Philippe Pradal. Les chambres régionales des comptes exercent des contrôles, de même que les comptables publics. Le compte de gestion et le compte administratif, qui sont adoptés chaque année à l'issue de l'exécution budgétaire, doivent être concordants. Il y a aussi les rapports annuels qui ont été évoqués, et les élus d'opposition jouent parfois un rôle de poil à gratter, dans la proximité et d'une façon plus simple qu'au Parlement.
Aller plus loin sans réaliser une expertise me paraît très dangereux. Il n'y a pas eu de rapport de la délégation aux collectivités territoriales ou de la commission des lois à ce sujet. S'il faut une autre étape, on doit la préparer en évaluant les montants concernés, les conditions, les manquements actuels, etc. Or nous n'avons rien de tel pour le montant.
Par ailleurs, on en revient toujours à la question des effets de seuil. Je ne dis pas que c'est le mal absolu. Le code général des collectivités territoriales prévoit déjà des seuils, de 3 500 habitants, 10 000 ou 100 000 selon les cas. Mais ce n'est pas parce qu'on est une collectivité de 100 000 habitants qu'on passe nécessairement des marchés importants ; une collectivité de moindre taille peut, en revanche, en conclure.
La proposition de Roger Vicot émane d'un collègue qui a été maire pendant dix ans et qui sait donc comment fonctionne une collectivité locale. Ce que nous demandons relève plutôt de la communication, car les chiffres existent déjà – sinon, on n'aurait pas découvert ce qui s'est passé avec McKinsey – mais personne ne les lit. Il s'agit de restaurer la confiance du citoyen à l'égard des collectivités en assurant la transparence. On ne demande pas de produire un jaune budgétaire, qui n'existe pas dans les collectivités locales, mais de publier un rapport de synthèse annuel, dans toutes les collectivités locales, pour informer la population du recours aux cabinets de conseil. Il faut que la loi en fasse l'obligation, non parce que faire appel à ces cabinets serait malsain en soi, mais parce qu'il faut appliquer aux collectivités la même exigence de transparence qu'à l'État.
Je ne suis vraiment pas persuadé que ce soit le moment opportun d'ajouter des pressions sur les collectivités territoriales. Je rejoins au contraire Philippe Pradal et Philippe Gosselin.
La différence entre un ministère et une collectivité, c'est qu'il y a une opposition dans une collectivité. Et plus la collectivité est grande, plus l'opposition est structurée et dynamique. En réalité, des dispositions de contrôle, comme les rapporteurs l'ont très bien rappelé, existent déjà, qu'il s'agisse de la publication des marchés publics ou de l'analyse des comptes annuels. Nous savons bien comment les choses se passent. Je n'ai pas besoin de rappeler dans le détail ce qui est fait par les chambres régionales des comptes et au niveau du contrôle de légalité – j'ai été membre du corps préfectoral, et je sais donc comment ça marche.
N'ajoutons pas, alors qu'aussi peu de travail préparatoire a été réalisé sur une question aussi lourde pour les collectivités territoriales, des dispositions qui n'apporteraient strictement rien en matière d'autocontrôle.
Nous en reparlerons sans doute dans l'hémicycle, mais je tiens à vous assurer, madame Untermaier, que le but des rapporteurs n'est pas d'écarter les collectivités territoriales, comme vous le semblez le dire, mais de réaliser un travail précis qui tienne compte de ce qu'on sait déjà, c'est-à-dire de ce que les collectivités sont obligées de déclarer et donc des informations qu'on peut obtenir si on cherche un peu. Vous ne pouvez pas dire que ces informations n'existent pas et que les collectivités territoriales ne sont pas contrôlées – il y a le contrôle de légalité, les chambres régionales des comptes et les oppositions.
Je tiens à ce qu'on avance – vous savez de quel territoire je viens, c'est peut-être la raison – mais on ne peut pas le faire en adoptant un ou deux petits amendements qui se contentent d'enfoncer un coin. Il faut faire le travail très sérieusement dans le cadre d'une mission de la délégation aux collectivités territoriales. Quand j'ai commencé ce travail de rapporteur, j'étais pour inclure les collectivités dans le dispositif, mais nous n'y serions pas parvenus même si nous avions travaillé sur le sujet un mois de plus. Il faut réaliser, d'une façon qui peut être transpartisane, une étude complémentaire pour élaborer des dispositions qui s'appliquent spécifiquement aux collectivités territoriales au lieu d'être tirées des mesures prévues pour les administrations de l'État.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CL97 de Mme Laure Miller et CL111 des rapporteurs
Depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui a notamment modifié les articles L. 6141-1 et suivants du code de la santé publique, tous les établissements publics de santé sont des établissements publics de l'État. L'alinéa 5 est donc superflu. C'est la raison pour laquelle nous proposons de le supprimer.
Nous nous sommes effectivement aperçus que cet alinéa ne servirait à rien et nous proposons aussi de le supprimer.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL2 de M. Philippe Pradal
L'objet de cet amendement est de renvoyer à un décret la définition des prestations entrant dans le champ d'application de la future loi. Il faut, de l'aveu même des rapporteurs, être aussi exhaustif que possible, et il me semble que la loi n'est pas le véhicule le plus adapté pour cela, ni pour faire preuve de réactivité. Si un nouveau type de prestation voit le jour, faudra-t-il un nouveau débat au Parlement pour l'inclure dans le périmètre existant ?
Sans voir de malice derrière cet amendement, je pense que si on confiait au Gouvernement le soin de définir les prestations de conseil qui seront contrôlées, il pourrait avoir légèrement tendance à réduire le champ des prestations, voire à en faire une coquille vide. Le législateur est mieux placé pour définir la liste, et les prestations visées, qui ont fait l'objet d'une discussion au Sénat, me semblent convenir : préservons cette disposition. Par conséquent, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL49 de Mme Mathilde Panot et CL98 de Mme Laure Miller (discussion commune)
Nous proposons de revenir sur l'exclusion des prestations informatiques et de maintenance dans ce domaine. Les montants sont énormes – en 2021, ils s'élevaient à 448 millions d'euros, ce qui représente la moitié des prestations de conseil – et ils explosent. Entre 2018 et 2021, les dépenses de conseil en stratégie des systèmes d'information ont été multipliées par 5,8.
Le rapport du Sénat a pointé, s'agissant de la relation de dépendance qui s'est instaurée, les particularités du domaine informatique. Le livre de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, Les Infiltrés, révèle que près de 90 % des grands projets numériques sont entre les mains de cabinets qui sont la plupart du temps étrangers, ce qui pose évidemment un problème, et que les contrats sont des pièges : on fabrique des applications de mauvaise qualité et on prévoit un tarif de maintenance exorbitant qui augmente une fois que l'État est prisonnier du prestataire.
Il est d'autant plus urgent de revenir sur cette exclusion du champ d'application du dispositif que c'est à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) de soutenir les directions en manque d'effectifs à la suite de recrutements insuffisants. Il faut aussi augmenter le nombre de fonctionnaires.
Les prestations d'expertise technique et informatique sont assez particulières : elles nécessitent un régime juridique distinct ou présentant au moins quelques spécificités. Nous suggérons ainsi de laisser s'appliquer la circulaire de la Première ministre relative au pilotage et à l'encadrement du recours aux prestations intellectuelles informatiques, datant de février 2023, et éventuellement de légiférer a posteriori, si cette circulaire n'était pas efficiente.
Avis défavorable à l'amendement de Mme Panot. L'exclusion des prestations de programmation et de maintenance a été proposée par la rapporteure du Sénat et était souhaitée par les auteurs du texte. Il s'agit de prestations courantes qui ne sont pas de nature à influencer la décision publique. En revanche, le Sénat a maintenu le conseil stratégique en informatique dans le champ de la proposition de loi, ce qui était cohérent avec les constats de la commission d'enquête sénatoriale.
Madame Miller, je vous suggère de retirer votre amendement ; sinon, j'émettrai un avis défavorable. Ce que vous proposez aurait pour effet d'exclure du champ du dispositif les prestations d'appui et d'expertise technique', alors qu'il s'agit aussi de prestations stratégiques qui peuvent présenter un risque d'influence sur la décision publique et qu'il faut donc contrôler plus fortement.
Le groupe Rassemblement national est plutôt favorable au premier amendement. Au vu des chiffres, une vraie question se pose : ces prestations représentent 450 millions d'euros par an, ce qui est considérable. On sait que le ministère de la justice n'assure en interne que 9 % de ses prestations informatiques, le ministère des affaires étrangères 10 % et le ministère de la culture 14 %. La direction interministérielle du numérique a affirmé lors des auditions menées par la commission d'enquête du Sénat que 90 à 95 % de la maîtrise des grands projets informatiques et des technologies sont externalisés, ce qui pose notamment un problème de coûts. Surtout, on a beaucoup recours à des cabinets étrangers, et il y a la question des contrats de TMA, c'est-à-dire de tierce maintenance applicative : on fait appel à des consultants qui créent une application et deviennent les seuls à maîtriser sa maintenance, ce qui conduit à des coûts faramineux. Par conséquent, inclure les prestations de programmation et de maintenance nous semble plutôt une bonne idée.
Je soutiens l'amendement présenté par ma camarade Panot. Il ne faut pas se méprendre sur la qualité des prestations informatiques : on est passé d'une fonction support à une fonction stratégique. Je remets la casquette que je portais la semaine dernière à la même heure, en tant que corapporteur d'une mission sur la cybersécurité, pour souligner que la stratégie et la structure informatique influencent l'organisation des pouvoirs publics et donc les politiques publiques qui sont menées : ce n'est pas un sujet annexe. Quand on ajoute à cela l'environnement que constituent les Gafam, on voit qu'il s'agit directement de questions de souveraineté pour les ministères. Il faut prendre en compte cette réalité : la fonction informatique est stratégique et devrait donc entrer dans le champ d'application du texte.
Si le numérique occupe pratiquement la moitié des cabinets de conseil, je crois qu'il faut conserver une distinction entre ce qui est vraiment stratégique et ce qui relève plus du fonctionnement quotidien, de l'accompagnement ou de la vente de produits, bien que la ligne de partage des eaux ne paraisse pas toujours très claire. Une stratégie peut induire des équipements, des logiciels particuliers et donc une maintenance particulière ou encore certains pare-feu et moyens de lutte contre les cyberattaques. L'amendement CL49 met l'accent sur un point qui n'est pas anodin, c'est vrai, mais sa rédaction est très binaire et conduirait à être trop englobant. Je voterai contre, un peu par précaution : nous pourrons peut-être retravailler sur la question d'ici à la séance.
Je partage une inquiétude, qui concerne le droit de suite. Quand un conseil en informatique construit l'architecture d'un réseau, cela entre évidemment dans le champ d'application de la proposition de loi. Par ailleurs, si le conseil vend un logiciel et assure la maintenance, cela reste de la stratégie. Je suis d'accord avec Philippe Gosselin : tout ne peut pas entrer dans le champ du texte, mais on rate quand même des choses. J'invite donc à trouver des solutions d'ici à la séance. L'amendement CL49 me semble utile, mais regardons ensemble comment nous pourrions faire en sorte que tout ne soit pas inclus. En cas de cyberattaque, par exemple, il faut que quelqu'un intervienne tout de suite – c'est la réalité.
La commission rejette l'amendement CL49 et adopte l'amendement CL98.
Amendement CL54 de M. Frédéric Mathieu, amendements identiques CL63 de Mme Sandra Regol et CL76 de M. Timothée Houssin, et amendement CL12 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)
Il y a peut-être une erreur de rédaction dans le texte actuel de la proposition de loi. La question des avocats, experts-comptables et commissaires aux comptes a été traitée suivant le prisme des professions et non des fonctions. Or, historiquement, les cabinets de conseil sont issus de ces professions. Il existe donc une très forte connexité en la matière. Certains députés qui sont d'anciens avocats ayant fait tout ou partie de leur carrière dans des cabinets de conseil pourront le confirmer. Si on se concentre sur les professions, on crée un angle mort, et c'est pourquoi nous préférons nous intéresser aux fonctions.
Un avocat, dans ses fonctions juridictionnelles, entendues au sens large, c'est-à-dire au-delà de la plaidoirie, lorsqu'on prend une affaire et qu'on va jusqu'au bout du suivi de l'exécution d'un jugement devenu définitif, doit être exclu du champ ; en revanche, à partir du moment où on met simplement une casquette de conseil, comme le font beaucoup d'avocats dans des cabinets de conseil, on doit être réintégré dans le champ d'application du texte.
Pour les avocats, commissaires aux comptes et experts-comptables, nous proposons de faire une distinction entre les différentes fonctions qui peuvent être exercées, pour faire entrer le conseil pur dans le champ du texte. Tel est l'objet de notre amendement, que nous considérons comme étant de précision.
L'amendement de notre collègue Regol vise à revenir à la version initiale de la proposition de loi en ce qui concerne l'alinéa 12 de l'article 1er. La rédaction qui nous est actuellement proposée exclut un ensemble de professions, notamment les avocats, alors que ces derniers peuvent être amenés à exercer des missions de conseil hors de toute activité liée à un contentieux, ce que la proposition de loi cherche précisément à encadrer. À titre d'exemple, le cabinet d'avocats Dentons a rédigé en 2019 l'étude d'impact et l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation des mobilités, comme l'ont relevé nos collègues sénateurs dans un rapport, étant entendu que bien d'autres cabinets d'avocats effectuent aussi ce type de missions pour l'État. Notre amendement permettra de soumettre aux obligations du présent texte les activités de conseil des cabinets d'avocats et d'autres professions juridiques, au même titre que les activités de conseil réalisées par des cabinets traditionnels, sans compromettre le secret professionnel, qui restera garanti, ce qui est normal dans un État de droit, pour les activités de représentation ou d'assistance devant les juridictions.
Notre amendement vise également à revenir à la réaction initiale de l'alinéa 12 : il s'agit d'exclure du dispositif les avocats lorsqu'ils exercent une mission de représentation des parties, ainsi que les experts-comptables et les commissaires aux comptes pour les missions d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes, mais d'inclure ces corps de métier s'agissant des missions de conseil. Nous n'avons pas réellement eu d'explication, lors des auditions, sur la modification opérée en la matière.
Ces amendements proposent de réintroduire dans le champ d'application du texte les professions juridiques réglementées, notamment les avocats réalisant des activités de conseil. L'amendement CL54 comporte une précision supplémentaire, mais celle-ci ne change pas la portée de la rédaction. L'amendement CL12 propose, outre le retour au texte initial, l'inclusion de l'expertise comptable dans le champ des obligations prévues par la proposition de loi.
Je suis défavorable à ces amendements parce qu'il s'agit de professions réglementées, disposant de leurs propres règles déontologiques, lesquelles sont sanctionnées par des ordres professionnels ou, dans le cas des commissaires aux comptes, par une autorité administrative indépendante, le Haut conseil du commissariat aux comptes. Il ne me paraît pas pertinent d'appliquer à ces professions des obligations déontologiques supplémentaires. J'entends néanmoins vos remarques. Peut-être faut-il retravailler sur la question d'ici à la séance ou lors de la navette.
Il s'agit, comme le rapporteur vient de le dire, de professions réglementées, qui ont leurs propres règles déontologiques. Pour ce qui est des avocats, par exemple, c'est le bâtonnier qui intervient. La crainte qu'on pourrait avoir, assez naturellement, est celle d'une éventuelle opposition de normes entre la HATVP (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique) et le bâtonnier, par exemple. Nous n'y voyons pas suffisamment clair pour avancer : c'est la rapporteure du Sénat qui a elle-même déposé un amendement pour retirer les professions réglementées du texte – elles y figuraient initialement.
En ce qui concerne les avocats, ce n'est pas la première fois que nous parlons du secret professionnel. Quand j'entends les distinctions qui sont faites entre la phase contentieuse, qui serait couverte par ce secret, et le reste, qui ne le serait pas, les bras m'en tombent. Le secret professionnel doit être absolument garanti. Je ne qualifierai pas ce qui nous est proposé, mais je tiens à dire que j'y suis fondamentalement opposé, et je pense que l'ensemble des avocats et des professions réglementées en général seraient très choqués qu'on aille dans ce sens.
Il est toujours tentant de balayer très largement en se disant qu'on couvre ainsi tous les cas de figure. Néanmoins, comme l'a souligné Didier Paris, il s'agit de professions réglementées qui ont leur propre déontologie. Pour les avocats en particulier – je rappelle que je n'en fais pas partie –, on risque de porter atteinte au secret professionnel. En outre, il y a déjà des éléments en place du côté des bâtonniers, du règlement intérieur national et de la loi du 31 décembre 1971, dont l'article 66-5 traite du secret professionnel : il existe un environnement juridique permettant d'assurer un contrôle ou un autocontrôle et, le cas échéant, de prononcer des sanctions. Aller plus loin sans évaluation, sans étude d'impact, me paraît hasardeux et de nature à rompre l'équilibre du texte. Je ne m'engouffrerai donc pas dans cette direction.
La circonstance qu'il y ait des professions réglementées ne fait pas obstacle à l'adoption de notre amendement. La déontologie est avant tout un droit disciplinaire vis-à-vis des membres d'une profession réglementée, et rien ne s'oppose à une cohabitation entre des blocs de normes différents. La profession de médecin, par exemple, est extrêmement réglementée, mais cela n'empêche pas un médecin d'être un justiciable au titre du code pénal pour les crimes et délits qu'il aurait pu commettre dans le cadre de l'exercice de ses fonctions. L'existence de différents blocs de normes est très habituelle en droit français ; elle est même, me semble-t-il, encore plus vieille que celle de l'État lui-même, ou concomitante à sa création. Ne confondons pas la déontologie avec le droit originel que nous promouvons par cet amendement.
L'amendement CL12 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements CL54, CL63 et CL76.
Amendements identiques CL99 de Mme Laure Miller et CL112 de M. Bruno Millienne
Il s'agit de remplacer, à l'alinéa 16, « à titre individuel » par « en qualité d'indépendant ». Cette précision paraît importante au vu de l'objectif de la proposition de loi : nous voulons réguler les prestations venant du privé et non celles effectuées entre administrations. Il serait particulièrement absurde qu'un vacataire ou un agent sous contrat de droit privé se voit appliquer certaines des obligations figurant dans la proposition de loi.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques CL113 des rapporteurs et CL100 de Mme Laure Miller
Il s'agit de supprimer l'alinéa 18. En pratique, comme l'ont montré les auditions, un grand nombre de prestations n'appellent pas à élaborer plusieurs scénarios. Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi fait peser une contrainte disproportionnée sur les cabinets de conseil.
Quand je lis l'exposé des motifs de l'amendement des rapporteurs, je suis d'accord. Il est question de supprimer l'obligation de proposer plusieurs scénarios aux administrations bénéficiaires pour la raison suivante : « si cette obligation peut sembler pertinente concernant les cabinets de conseil en stratégie et en organisation, elle s'applique mal à d'autres types de prestation, et notamment aux prestations de conseil informatique. » C'est vrai, mais pourquoi supprimer l'ensemble au lieu d'apporter une précision concernant seulement les cabinets de conseil en stratégie et en organisation ?
Il me semble logique qu'un conseil en stratégie se traduise par plusieurs scénarios ou qu'on arrive, par itérations, au scénario final. Pour le reste, je ne suis pas sûr que la mesure soit très opérante.
C'est la prestation de conseil informatique qui a motivé l'amendement, or le raisonnement est faux : dans ce domaine, comme dans d'autres, il peut exister plusieurs scénarios, plusieurs technologies, plusieurs supports ou plusieurs langages informatiques. Les bases de données, par exemple, peuvent être distribuées ou rassemblées, et les coûts ne sont pas les mêmes selon les scénarios, pas plus que l'avenir des systèmes informatiques fournis ou les possibilités de déploiement. Il n'y a aucune raison valable d'exclure du dispositif les prestations de conseil informatique.
Si on s'en tient à un seul scénario, c'est la privatisation de la décision publique dont nous avons parlé tout à l'heure : il ne s'agit plus d'un conseil, mais d'une consigne.
Penser que l'existence de plusieurs scénarios change quelque chose me semble complètement incroyable. C'est le cahier des charges de la prestation demandée qui prévoit les choses : lors d'une consultation pour l'administration centrale, on peut demander de présenter trois scénarios différents ou au contraire d'aller dans telle direction. N'inscrivons pas l'exigence de plusieurs scénarios dans la loi.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CL52 de M. Frédéric Mathieu et CL13 de Mme Cécile Untermaier tombent.
Amendements CL14 et CL15 de Mme Cécile Untermaier
Mon premier amendement vise à permettre l'intégration et la participation d'un agent public dans l'intervention d'un prestataire de conseil ou d'un consultant auprès d'une administration. Vous me direz que cela peut être prévu par le cahier des charges, mais je pense qu'il est préférable de le préciser dans la loi.
Le second amendement tend à formaliser une distinction qui existe déjà en pratique : les cabinets de conseil qui contractualisent avec l'État auront interdiction d'effectuer toute action de représentation d'intérêts auprès des pouvoirs publics au nom des tiers que sont leurs clients privés, ce qui ne les empêchera pas d'effectuer des actions de représentation d'intérêts en leur nom propre ou par leurs associations professionnelles. C'est un amendement suggéré par Transparency International France.
Avis favorable au premier amendement, et plutôt défavorable au second – je vous invite à le retirer. Dans la situation que vous décrivez, le cabinet de conseil sera de fait en situation de conflit d'intérêts : il sera donc passible de sanctions de la part de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il n'en sera pas de même, en revanche, s'il effectue une mission de conseil pour l'administration sur un sujet et une action de lobbying pour le compte d'un tiers sur un tout autre sujet.
L'amendement CL15 est retiré.
La commission adopte l'amendement CL14.
Elle adopte l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
Amendement CL16 de Mme Cécile Untermaier
Demande de retrait. En l'état, rien n'empêche le Bureau de chaque assemblée parlementaire de définir ses propres règles.
L'amendement est retiré.
Amendements CL149 des rapporteurs et CL36 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
Notre amendement prévoit la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2024 et après consultation des associations nationales d'élus locaux, d'un rapport étudiant l'effet d'une éventuelle extension aux collectivités territoriales et à leurs groupements des dispositions de la proposition sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements, ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local.
J'y insiste : il est indispensable de réaliser une telle évaluation préalable, qui pourrait être faite au sein de notre assemblée. Cela permettra de mettre en place un dispositif adapté.
Notre amendement vise à encourager la Cour des comptes à rédiger un rapport annuel pour estimer le coût global des prestations de conseil réalisées au profit des collectivités locales.
Au cours de la mission flash que j'ai déjà mentionnée, les rapporteurs ont souligné que l'on ne disposait pas de données suffisamment précises pour estimer le montant global des prestations de conseil réalisés pour ces collectivités. L'absence complète de données suscite des interrogations. Quelle part de leur budget les collectivités allouent-elles à de telles prestations ? Emploient-elles de manière suffisamment complète la main-d'œuvre dont elles disposent en propre ?
Compte tenu de l'importance potentielle de ces dépenses, un tel rapport de la Cour des comptes nous semble nécessaire. Il pourrait être intégré à son rapport annuel sur les finances locales.
Il n'est pas pertinent d'imposer à la Cour des comptes de rédiger un tel rapport.
Tout d'abord, nous proposons un amendement qui prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'extension éventuelle du dispositif aux collectivités. Le sujet fera donc bien l'objet d'une étude.
Ensuite, nous allons également demander à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de créer une mission d'information.
Enfin, rien n'empêche la Cour des comptes de réaliser un tel rapport si elle le juge opportun.
Avis défavorable à l'amendement CL36.
On comprend bien la volonté de transparence accrue exprimée par nos collègues. Mais disposer d'un bilan annuel qui ne comprendrait pas de conclusions ne serait pas forcément d'une grande utilité. Je préfère qu'une mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ou de notre commission nous éclaire sur le sujet. Cela permettra ensuite d'intégrer au dispositif, le cas échéant, tout ou partie des collectivités territoriales. L'amendement CL36 met en quelque sorte la charrue avant les bœufs.
En outre, un tel rapport relève selon moi davantage de la compétence des chambres régionales des comptes que de celle de la Cour des comptes – même si certains des travaux de cette dernière portent évidemment sur les collectivités territoriales.
La commission adopte l'amendement CL149 et rejette l'amendement CL36.
Avant l'article 2
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL114 de M. Bruno Millienne.
Article 2 : Règles permettant de mieux identifier l'action des prestataires et des consultants dans leurs rapports avec l'administration bénéficiaire et avec les tiers
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL115 de M. Bruno Millienne.
Amendement CL150 des rapporteurs et sous-amendement CL165 de M. Timothée Houssin
Le texte adopté par le Sénat interdit aux consultants de se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration bénéficiaire.
Nous proposons que l'administration concernée puisse déroger à cette règle lors de la réalisation de prestations en matière informatique, pour des raisons de sécurité informatique.
Le sous-amendement vise à conserver l'esprit initial de l'article. Nous comprenons l'objectif de votre amendement, mais il ne faudrait pas qu'il permette de retomber dans des travers qui ont été dénoncés.
Il convient donc qu'un consultant n'ait pas d'adresse mail nominative de type prenom.nom@gouv.fr, mais seulement une adresse fonctionnelle qui permette de bien l'identifier comme un consultant.
La rédaction de votre sous-amendement n'est pas adaptée. Cela donnerait « l'attribution d'une telle adresse électronique non nominative », alors que l'interdiction mentionnée auparavant porte sur tous les types d'adresses, qu'elles soient nominatives ou non.
Je souligne par ailleurs que notre amendement permet également l'utilisation d'une adresse d'une administration lorsque celle-ci prête du matériel au prestataire ou consultant.
Demande de retrait.
La commission rejette le sous-amendement et adopte l'amendement.
Amendement CL17 de Mme Cécile Untermaier.
Cet amendement prévoit que l'administration bénéficiaire d'une prestation de conseil en informe l'ensemble de ses agents, en précisant de manière résumée l'objet de la prestation et sa période d'exécution.
Cela permettra d'éclairer le rôle qui va être joué par le cabinet de conseil au sein de l'administration et cela constitue une marque de respect vis-à-vis des agents de cette dernière.
Je comprends votre objectif, mais imaginez que le ministère de l'éducation nationale ait recours à une prestation de conseil. Il faudrait qu'il en informe l'ensemble de ses agents – dont certains ne sont quand même pas directement concernés. '''Ce que vous proposez est démesuré. Avis défavorable.
Nous aurons l'occasion de débattre d'amendements à l'article 4 qui concernent notamment les informations devant figurer dans le rapport social unique de l'administration bénéficiaire d'une prestation de conseil.
Je souhaite pour ma part que les organisations syndicales représentatives continuent à bénéficier d'informations, car c'est une manière d'assurer la transparence vis-à-vis des personnels des administrations concernées.
Je suis d'accord avec l'argument du rapporteur Millienne. Être obligé de contacter par exemple tous les agents du ministère de l'intérieur semble disproportionné.
Il s'agit simplement d'une obligation d'information. L'administration bénéficiaire n'est pas forcément l'ensemble du ministère. Il peut s'agir par exemple d'une direction. Vous retenez une définition maximaliste de l'obligation d'information parce que cela vous permet de dire que la mesure est disproportionnée. Dans les faits, le champ de cette mesure peut être précisé par une circulaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL151 des rapporteurs
L'article 2 prévoit l'interdiction d'utiliser tout signe distinctif de l'administration sur le document que produisent les prestataires de conseil et l'obligation de mentionner la participation de consultants sur tout document rédigé avec leur participation, directe ou indirecte.
Notre amendement propose d'exclure de ces obligations et interdictions les documents destinés à l'information du public réalisés dans le cadre de prestations de conseil en communication. Dans le cas contraire, l'article empêcherait en pratique la réalisation par une agence de prestations de communication ou de publicité pour une administration publique.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Rapport annuel relatif aux prestations de conseil réalisées au cours des cinq dernières années
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL116 des rapporteurs.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL117 de M. Bruno Millienne.
Amendement CL96 de M. Timothée Houssin
L'article 5 interdit les prestations de conseil à titre gratuit et l'article 19 prévoit que celles en cours cessent de plein droit à compter de la promulgation du texte. Il est donc normal que le rapport annuel relatif aux recours aux prestations de conseil, prévu par l'article 3, ne concerne pas de telles prestations pour ce qui est des années postérieures à la promulgation de la loi.
Toutefois, dans la mesure où cette interdiction n'existait pas avant cette date, et dès lors que le rapport porte sur les cinq dernières années, il convient d'intégrer l'ensemble des prestations de conseil à titre gratuit qui ont pu être réalisées au bénéfice de l'administration, afin de disposer d'une vision rétrospective complète du recours aux prestations de conseil dans les politiques publiques.
Avis défavorable, car il faudrait déclarer les prestations réalisées avant la promulgation de la loi et mais pas celles qui auront lieu ensuite.
Oui, puisque les prestations à titre gratuit seront interdites après l'entrée en vigueur de la loi !
L'interdiction ne concerne que le pro bono, or votre amendement porte à la fois sur les actions pro bono et sur le mécénat.
Ce n'est pas du tout l'objet de mon amendement.
Il prévoit que le rapport porte aussi sur les prestations à titre gratuit qui vont être interdites mais qui ont été dispensées précédemment, entre 2020 et 2025. Si nous n'adoptons pas cet amendement, ce rapport sera incomplet.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL79 de M. Timothée Houssin
Il est incroyable que l'argumentation du rapporteur ne porte pas sur l'amendement examiné et qu'en outre, il n'apporte pas de réponse aux explications qui sont ensuite fournies.
L'amendement CL79 propose la même chose que l'amendement CL37 de M. Di Filippo – qu'il n'a pas défendu.
Il prévoit que le premier rapport rendu à compter de la promulgation de la loi couvre la période écoulée depuis 2017. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat a révélé que l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques date du début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, au cours duquel le montant des contrats passés avec ces cabinets a été multiplié par 3,5.
L'amendement permettra également d'étudier les années marquées par le covid et le glissement qui est alors intervenu.
Le Sénat a adopté cette proposition en octobre 2022 mais nous ne l'examinons que maintenant. Il convient donc en conséquence d'adapter la période couverte par le rapport.
L'année 2017 que vous avez retenue n'a pas été choisie au hasard.
Sur le fond, la période couverte par le rapport est largement suffisante.
Le travail a déjà été fait dans les rapports de l'Assemblée nationale, du Sénat et de la Cour des comptes publiés en 2022 et 2023. Ils présentent les données disponibles pour 2014 et depuis 2018.
Ils ont surtout insisté sur la nécessaire fiabilisation des données dont dispose l'administration en matière de prestations de conseil. L'enjeu n'est pas tant de disposer de données brutes – elles sont déjà connues – que de données fiables. L'administration travaille afin d'améliorer la qualité de l'information financière qui sera disponible à l'avenir.
Il ne s'est pas rien passé depuis 2022, Monsieur Houssin. Loin s'en faut ! L'administration a travaillé pour une meilleure fiabilité des données et la transparence est assurée.
Avis défavorable.
Le choix de l'année 2017 n'est en effet pas innocent, mais il a surtout pour but de rester fidèle à l'esprit de la commission d'enquête du Sénat.
L'une de ses propositions formulées en 2022 demandait un rapport couvrant les cinq dernières années, c'est-à-dire depuis 2017. Nous ne sommes pas responsables du fait qu'il ait fallu attendre 2024 pour que l'Assemblée examine cette proposition.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL38 de Mme Cécile Untermaier et CL118 de M. Bruno Millienne (discussion commune)
Il s'agit de faire en sorte que la loi ne soit pas rendue inefficace par l'application des règles relatives au secret – et notamment celui de la défense nationale.
Il nous paraît important que les administrations qui bénéficient de cette protection légale ne soient pas complètement écartées de l'obligation d'information et qu'elles soient tenues d'avoir une communication adaptée.
Mon amendement propose d'étendre le champ des secrets prévus à l'article 3, qui correspond dans la rédaction actuelle à certains des secrets mentionnés par l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration.
Il convient d'ajouter le secret des affaires, mentionné à l'article L. 311-6 du même code. En effet, l'absence de mention du secret des affaires dans une liste qui se veut limitative prête à confusion et pourrait conduire à la publication d'informations couvertes par ce secret.
Je suis par conséquent défavorable à l'amendement CL38.
Il ne vous a pas échappé que je n'ai pas cosigné l'amendement CL118. Je préfère celui de Mme Untermaier, car il faut veiller à ne pas rogner le champ d'application de la proposition de loi sénatoriale. Je peux comprendre les limitations déjà apportées, mais il ne faut pas ajouter le secret des affaires à la liste car on risque de ne plus avoir aucune transparence sur les prestations de conseil réalisées.
Notre groupe votera contre l'amendement de M. Millienne.
Le droit actuel permet déjà à des entreprises d'opposer le secret des affaires et il n'est donc pas utile de le faire figurer aussi dans ce texte.
Nous sommes favorables à l'amendement de Mme Untermaier, qui permet de respecter la protection du secret tout en fournissant des informations nécessaires sur l'utilisation de l'argent public.
Il faudrait d'ailleurs s'interroger sur le fait que des activités protégées par le secret sont malgré tout confiées à des cabinets de conseil privés. Peut-être devraient-elles être traitées en interne plutôt que de faire l'objet de marchés publics…
Il est évidemment légitime d'exclure certaines informations, notamment celles qui sont couvertes par le secret de la défense nationale.
Le secret des affaires – qui est parfois utilisé comme une sorte de joker – est toujours un sujet délicat. En tout cas, il ne doit pas être utilisé pour contourner cette proposition de loi. Il faut trouver un juste équilibre et ne pas dévoyer l'esprit de ce texte essentiel adopté à l'unanimité par le Sénat.
Il ne s'agit pas de lever le secret, mais d'imposer à l'administration de donner au moins le nom des cabinets de conseil auxquels elle a eu recours et les objectifs qui leurs ont été assignés. Mon amendement est sérieux : il garantit l'efficacité du texte sans porter atteinte aux prérogatives de l'administration en matière de secret.
La commission rejette l'amendement CL38 et adopte l'amendement CL118.
Elle adopte l'amendement de précision CL157 des rapporteurs.
Amendement CL80 de M. Timothée Houssin
Cet amendement propose d'ajouter au rapport prévu par l'article 3 la liste des amendes administratives prononcées au titre de l'article 13, afin de mesurer l'étendue des cas d'abus en matière de recours aux prestations de conseil dans le cadre des politiques publiques.
L'article 13 prévoit des amendes administratives pour sanctionner le non-respect des principales exigences de ce texte. Ces amendes peuvent notamment être prononcées en cas de violation de l'interdiction du pro bono, de conflit d'intérêts persistant, de refus d'adresser sa déclaration d'intérêts ou de fraude manifeste.
Nous souhaitons que le rapport remis au Parlement comprenne une liste des amendes définitivement prononcées. Cela permettra d'en évaluer l'ampleur mais aussi, le cas échéant, d'identifier des réfractaires réguliers. Ces informations seront rendues publiques.
Les députés contrôlent l'action du Gouvernement, mais qui contrôle celle des cabinets de conseil ?
Demande de retrait.
Les informations que vous mentionnez sont déjà prévues par l'article 6 de la proposition.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL89 et CL78 de M. Timothée Houssin
L'amendement CL89 prévoit que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement indique les raisons pour lesquelles une administration a fait appel à un prestataire de conseil ou à un consultant externe dans le cadre d'une prestation de conseil. Cette précision peut être utile dans la mesure où il est préférable d'avoir recours aux ressources internes d'une administration pour effectuer une mission d'expertise.
L'amendement CL78 propose quant à lui que chaque ministère décrive dans le rapport la stratégie poursuivie en matière de recours au conseil extérieur, d'une part, et les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l'administration ainsi que les mesures mises en œuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne, d'autre part.
L'ajout de ces divers éléments avait été proposé par le Gouvernement lors de l'examen de la proposition en séance au Sénat. Ils permettaient d'enrichir le rapport par des informations utiles pour mieux appréhender l'intérêt du recours aux prestations de conseil en matière de politique publique. Mais l'amendement n'a pas été adopté par le Sénat.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
Amendement CL158 des rapporteurs
Cet amendement prévoit de compléter le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la Caisse des dépôts et consignations. Il devra faire état des informations mentionnées à l'article 3 de la proposition.
La Caisse des dépôts ne saurait être considérée comme un établissement public administratif ou comme un établissement public industriel et commercial. Son contrôle doit continuer à être assuré par le Parlement, et non par l'exécutif.
La commission adopte l'amendement.
Article 4 : Publication des informations relatives aux prestations de conseil en données ouvertes et dans le rapport social unique des administrations concernées
Amendement CL119 de M. Bruno Millienne
Cet amendement supprime l'alinéa qui prévoit la publication des informations prévues à l'article 3 dans le rapport social unique de l'administration bénéficiaire.
Premièrement, ces informations seront déjà rendues publiques dans le rapport au Parlement. Elles seraient également publiées en données ouvertes. Le fait de reproduire ces mêmes informations dans un troisième rapport n'apporterait strictement rien.
Deuxièmement, le rapport social unique n'a pas vocation à retracer les informations relatives aux cabinets de conseil. L'objet de ce document – qui comprend dix rubriques que je ne détaillerai pas – est défini par la loi et précisé par décret.
Il rassemble ainsi les éléments et données à partir desquels sont établies les lignes directrices de gestion qui déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration.
La suppression pure et simple de l'alinéa 4 par l'amendement pose un problème. Comment informe-t-on les salariés et les organisations syndicales représentatives au sein de l'administration sur le choix de recourir aux cabinets de conseil et sur ses conséquences ?
Le rapport social unique traite aussi des questions relatives à la formation, qui sont essentielles pour internaliser de nouveau un certain nombre de compétences.
Si le dispositif peut sembler compliqué, il avait été retenu par le Sénat pour de bonnes raisons. Il serait opportun de le conserver – quitte à l'adapter lors de la discussion en séance.
Je ne suis donc pas toujours d'accord avec M. Millienne.
Je partage l'analyse de M. Sansu : si l'on supprime cet alinéa, les agents ne sauront rien de ce qui se passe dans leur administration.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL120 de M. Bruno Millienne
Cet amendement propose d'appliquer aux données publiées en données ouvertes les mesures de protection de l'information prévues aux articles L. 311-4 et L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA).
Il s'agit, ni plus, ni moins, de mettre en cohérence le dispositif de publication prévu à l'article 4 avec le droit commun de la communication des documents administratifs.
S'agissant de données publiques, il est naturel que les informations concernées fassent l'objet du même encadrement que celles dont la communication est possible en application du CRPA. Or le texte est ambigu sur ce point. Il ne précise pas si la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) est compétente et quels secrets s'appliquent.
Faute de précisions, on peut penser que la Cada n'est pas compétente et qu'il faudra saisir le juge administratif en cas de refus de communication. Mais on peut aussi estimer que le droit commun de la communication des documents administratifs s'appliquera.
L'amendement propose de clarifier la situation. Il prévoit l'application des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, comme pour tous les documents administratifs.
Ce dispositif est complété par l'amendement CL125, que nous examinerons après l'article 6 et qui étend la compétence de la Cada aux éventuels refus de communication.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 4 modifié.
Avant l'article 5
Amendement CL94 de M. Timothée Houssin
Nous considérons que le recours par l'administration à des prestataires de conseil ne se justifie qu'à titre subsidiaire, c'est-à-dire lorsqu'elle ne dispose pas en interne des personnels nécessaires à la réalisation de la prestation de conseil dans les délais utiles. Dans la mesure où des agents publics sont aptes à conduire la mission de conseil envisagée, il importe de la leur confier.
Si ce texte a vocation à mettre fin aux abus constatés dans le passé, il reste insuffisant pour lutter contre le recours abusif de la puissance publique aux cabinets de conseil et pour contrer la dérive qui consiste au fond à privatiser la décision publique.
Cet amendement propose d'inscrire une forme de principe de subsidiarité et d'encadrer le recours aux cabinets privés pour définir les politiques publiques.
Je comprends que l'on souhaite évaluer au préalable l'opportunité du recours aux prestations de conseil. On peut en effet estimer qu'il faut que l'administration s'appuie systématiquement sur sa ressource interne, lorsqu'elle en dispose. Mais l'État peut avoir besoin de recourir à des prestations extérieures lorsqu'il n'a pas lui-même l'expertise nécessaire, voire pour obtenir un regard extérieur – ce dont on peut discuter. On ne peut donc pas interdire le recours aux cabinets de conseil privés.
La question est donc bien davantage d'évaluer a posteriori si le recours à un prestataire extérieur était pertinent. Il vaut mieux organiser la transparence et prévenir et sanctionner les conflits d'intérêts que faire peser une suspicion sur toutes les demandes de conseils susceptibles d'être formulées par les administrations centrales.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
L'amendement CL95 de M. Timothée Houssin est retiré.
Article 5 : Interdiction des prestations de conseil à titre gracieux
Amendements identiques CL121 de M. Bruno Millienne et CL101 de Mme Laure Miller
Cet amendement de précision autorise les administrations à continuer à effectuer entre elles des prestations pro bono. Si la proposition a pour objet d'encadrer le recours à des cabinets de conseil privé, il convient de ne pas brider les synergies entre services publics.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL53 de Mme Mathilde Panot
Cet amendement propose d'ajouter le mécénat des cabinets de conseil à la liste des prestations à titre gracieux qui seront interdites. Comme l'a relevé le rapport de la commission d'enquête du Sénat, quand c'est gratuit c'est que vous êtes le produit.
Ces cabinets multiplient les partenariats avec les écoles de commerces, mais aussi avec les écoles qui préparent aux carrières publiques – qu'il s'agisse d'écoles d'ingénieurs ou de Sciences Po Paris. L'effet pervers est évident, puisque ces écoles initialement destinées à fournir un vivier de recrutement pour l'administration publique sont désormais assaillies par des cabinets de conseil dont l'objectif est ouvertement de recruter des étudiants. L'État perd ainsi beaucoup de ceux qui auraient pu se consacrer à son service.
C'est d'autant plus malsain que ce mécénat permet aux cabinets de conseil de bénéficier d'une réduction d'impôt. L'État se prive ainsi de recettes et d'une ressource humaine précieuse, ce qui renforce encore sa dépendance aux cabinets de conseil.
Il est donc temps de cesser de considérer le mécénat comme un don désintéressé. Il s'inscrit en fait dans une stratégie globale d'affaiblissement de la fonction publique.
Nicolas Sansu et moi-même n'aurons pas le même avis sur cet amendement – ce qui est normal.
Le problème avec les prestations pro bono est qu'elles peuvent être réalisées de manière « sauvage », sans encadrement particulier, sans convention de partenariat avec le cabinet, et donc sans obligations déontologiques pour le prestataire et les consultants.
Ce n'est pas le cas des missions de mécénat, car celui-ci est mieux encadré. Je souhaite que nous suivions l'approche du Sénat afin de maintenir l'autorisation de réaliser des missions sous le régime du mécénat, ce qui bénéficiera à des organismes d'intérêt général.
Ce sera donc une demande de retrait.
J'ajoute que l'amendement CL39 de Mme Untermaier, qui suit, propose d'interdire aux cabinets de conseil de réaliser des missions auprès des entités publiques qui ont bénéficié de leurs actions de mécénat. C'est une bonne idée, qui mérite d'être précisée d'ici à la séance publique.
Il ne faudrait pas que le pro bono soit remplacé par le mécénat pour obtenir un certain nombre de largesses d'administrations ou d'écoles.
La question du mécénat concerne toutes les entreprises, car les cabinets de conseil ne sont pas les seuls à le pratiquer.
L'amendement CL39 est en effet plus efficace, car il propose d'interdire l'attribution de missions à un cabinet de conseil qui a fait bénéficier l'organisme concerné d'actions de mécénat. Cela empêchera que ces dernières soient utilisées comme un instrument pour obtenir des marchés.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL39 de Mme Cécile Untermaier
Cet amendement s'inscrit dans le prolongement de celui de Mme Panot.
Comme la proposition n'interdit pas le mécénat aux cabinets de conseil, il faudrait au moins interdire aux prestataires et consultants de fournir des prestations de conseil à un client ayant bénéficié de mécénat de leur part dans les cinq années qui précèdent. Cela permettra d'empêcher que ce dernier soit instrumentalisé à des fins commerciales.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
Amendements CL18 de Mme Cécile Untermaier, CL55 de Mme Mathilde Panot et CL81 de M. Timothée Houssin (discussion commune)
L'amendement CL55 propose d'interdire le recours aux prestataires et consultants privés pour rédiger des études d'impact ou des projets de loi.
Cela paraît évident mais il faut insister. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat a relevé que des consultants sont intervenus à l'occasion de la plupart des grandes réformes du quinquennat précédent. Ils ont ainsi renforcé leur position dans le processus de décision publique, en choisissant parfois de privilégier un scénario plutôt que d'autres. Le recours accru à ces cabinets est concomitant avec le démantèlement de l'État.
Les études d'impact contribuent à orienter nos votes et il n'est pas acceptable qu'elles soient rédigées par d'autres acteurs que les services de l'État. Elles doivent demeurer une prérogative exclusive de ce dernier et ne pas être confiées à des consultants privés. Sinon, la France devient une république de consultants.
L'amendement CL81 vise également à empêcher le recours aux cabinets de conseil pour la rédaction de projets de loi et des études d'impact. L'État dispose en effet de compétences propres pour remplir cette mission régalienne. L'intervention fréquente de consultants dans la rédaction des textes peut soulever des difficultés et pose la question de l'usage qui est fait de l'argent public. Édouard Philippe avait ainsi sous-traité l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation des mobilités à un cabinet de conseil, pour un montant de 30 000 euros, alors qu'un ministère était en charge des transports !
J'entends votre préoccupation. Nombre d'entre nous ont été surpris 'd'apprendre que l'étude d'impact d'un projet de loi avait été rédigée avec l'aide de prestataires extérieurs. J'attire néanmoins votre attention sur le fait que l'article 2 de la présente proposition de loi assure la transparence en la matière : lorsqu'un document est rédigé avec la participation de consultants, l'administration bénéficiaire doit le préciser. Demande de retrait ou avis défavorable.
Je pense quant à moi qu'il serait préférable de préciser cette interdiction, même si l'article 2 impose la transparence au sujet du recours à des cabinets de conseil. Quoi qu'il en soit, je rappelle que les professions juridiques ne sont pas intégrées dans le champ d'application de la proposition de loi : l'adoption de ces amendements n'empêchera pas les cabinets d'avocats de rédiger les études d'impact et les exposés des motifs.
Il y a là un vrai sujet de fond. La rédaction de projets de loi, d'exposés des motifs ou d'études d'impact ne relève-t-elle pas du régalien par excellence ? L'État, au travers de ses administrations et de ses ministères, ne dispose-t-il pas des compétences nécessaires ? Je rappelle que le Conseil d'État compte des juristes patentés, aux parcours exceptionnels, tout comme la Cour des comptes et tant d'autres organismes. Peut-être faut-il revoir la formulation des amendements, mais je suis quant à moi favorable à ce que l'État reste au cœur du dispositif et assure lui-même ces missions.
Il y a quelques mois, un reportage sur le fonctionnement du Parlement européen démontrait la mainmise des lobbys, lesquels fournissent parfois intégralement les projets de loi. Cela nourrit la défiance des citoyens. Pourquoi ne pas utiliser les compétences des politiques et de la haute administration pour rédiger les projets de loi ? Il serait incongru de ne pas se prémunir contre le risque qu'ils soient rédigés par des groupes d'intérêts.
La commission adopte l'amendement CL18.
En conséquence, les amendements CL55 et CL81 tombent, de même que les amendements CL69 de M. Frédéric Mathieu et CL82 de M. Timothée Houssin.
Article 6 : Évaluation des prestations de conseil par l'administration bénéficiaire
Suivant l'avis des rapporteurs, la commission rejette l'amendement CL40 de Mme Cécile Untermaier et adopte l'amendement CL122 des rapporteurs, en discussion commune.
Amendement CL68 de Mme Mathilde Panot
À eux seuls, les cabinets de conseil coûtent aussi cher à l'État que la présidence de la République, le Parlement, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel réunis – soit environ un milliard d'euros par an. C'est scandaleux. Il n'est pas justifié, selon nous, de recourir à une prestation de conseil plutôt qu'à des ressources internes.
Peut-être allez-vous en être étonné, cher collègue, mais je suis favorable à cet amendement : il nous aidera à mieux comprendre la raison de l'externalisation de certaines prestations et, ainsi, à mieux appliquer la doctrine édictée dans la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL83 de de M. Timothée Houssin
Cet amendement a pour objet de renseigner le volume horaire des prestations fournies par les cabinets de conseil, afin d'éviter les éventuels abus. Cette donnée permettra en outre de calculer le coût horaire des prestations et de comparer celui-ci au coût d'un fonctionnaire.
Cette information n'a selon moi aucun intérêt, d'autant plus que les taux horaires sont en général connus. L'évaluation a surtout vocation à indiquer si la prestation a été bien ou mal réalisée. Il existe enfin un risque d'atteinte au secret des affaires. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL123 de M. Bruno Millienne
Le présent amendement, auquel je ne suis pas certain que mon corapporteur soit favorable, propose de mettre en cohérence le régime de publication en données ouvertes prévu à l'article 6 avec le droit commun de la communication des documents administratifs, et ainsi d'appliquer à ces données les secrets mentionnés aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Il prévoit également de suspendre temporairement la publication des évaluations lorsque celles-ci portent sur une prestation de conseil concourant à l'élaboration d'une décision administrative. Une fois la décision prise – ou, si l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable – l'évaluation sera publiée. Cette précision tend à aligner le régime de publication de ces informations avec celui prévu dans le droit commun.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
Amendement CL125 des rapporteurs
Cet amendement a pour objet d'étendre le champ de compétences de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) aux informations dont la publication en données ouvertes est prévue par la présente proposition de loi.
La commission adopte l'amendement.
Article 7 (article 5-1 [nouveau] de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française) : Obligation de l'emploi du français par les consultants
La commission adopte l'article 7 non modifié.
Article 8 : Remise d'un rapport au Parlement sur la cartographie des ressources humaines de l'administration et des mesures de valorisation du conseil interne
Amendement CL152 des rapporteurs
Un délai d'un an nous paraît plus réaliste pour la remise du rapport qu'un délai de six mois.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CL19 de Mme Cécile Untermaier et CL85 de M. Timothée Houssin, et amendement CL20 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)
Dans le rapport qu'il remet au Parlement, le Gouvernement doit présenter, pour chaque ministère, la cartographie des ressources humaines disponibles en matière de conseil en interne ou dans le cadre interministériel, et présenter les mesures prises pour valoriser ces ressources et développer les compétences en interne. Nous proposons que le rapport soit remis chaque année, afin que chaque Gouvernement soit comptable de sa propre action et non de celle de son prédécesseur, et qu'il puisse infléchir une politique plutôt que simplement constater ses effets.
L'amendement CL20 est un amendement de repli, proposant que le rapport soit remis tous les deux ans.
Un délai de cinq ans est trop long, mais une publication annuelle serait difficile à mettre en œuvre. Nous émettons donc un avis défavorable aux amendements identiques et un avis favorable à l'amendement CL20, que nous vous proposons d'adopter collectivement.
Je préférerais pour ma part que le rapport soit publié tous les trois ans et voterais un éventuel amendement en ce sens qui serait présenté en séance.
Les amendements identiques CL19 et CL85 sont retirés.
La commission adopte l''amendement CL20.
Suivant l'avis du rapporteur Bruno Millienne, la commission rejette l'amendement CL90 de M. Timothée Houssin
Amendement CL21 de Mme Cécile Untermaier
Je propose quant à moi que nous adoptions cet amendement car c'est une bonne idée d'intégrer des éléments prospectifs au rapport.
La commission rejette l''amendement.
Amendements CL41 de Mme Cécile Untermaier et CL47 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune)
Cet amendement vise à ce que le rapport précise les raisons objectives qui conduisent nos administrations à recourir à des prestataires privés plutôt qu'aux fonctionnaires de l'État.
L'amendement CL68 de Mme Panot, que nous avons adopté, satisfait cette légitime exigence. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL84 de M. Timothée Houssin
Le principe de fongibilité asymétrique, établi par la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf), permet d'utiliser, au sein d'un programme, des crédits économisés à un titre au profit d'un autre titre – hors dépenses de personnel, dont les crédits peuvent être réaffectés à d'autres titres mais qui, elles-mêmes, ne peuvent être abondées par des crédits prévus pour des dépenses d'une autre nature. Alors qu'il ne peut utiliser ses « économies » pour accroître ses dépenses de personnel, le gestionnaire peut à l'inverse rogner sur celles-ci au profit d'autres postes. Ce principe, qui s'applique depuis 2006 dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques, a aujourd'hui un effet néfaste : dans une administration publique, il est beaucoup plus facile d'externaliser que de recruter. Le présent amendement d'appel vise à étudier l'impact de ce principe sur le recours aux cabinets de conseil.
Votre amendement rendrait le rapport peu lisible et peu opérationnel, monsieur Houssin. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 8 modifié.
Après l'article 8
Amendement CL22 de Mme Cécile Untermaier
Cet amendement soulève plusieurs difficultés. Il paraît difficile, par exemple, de déterminer ce qu'est une évaluation préalable correctement établie. Certaines infractions posent par ailleurs un problème de cohérence, l'amendement associant le pantouflage et le rétro-pantouflage au recours à l'externalisation, alors que ce n'est pas la même chose. Enfin, il paraît disproportionné de prévoir des sanctions pénales à l'encontre d'un fonctionnaire qui aurait renoncé à exercer son pouvoir de sanction à l'égard d'un cocontractant. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL67 de M. Frédéric Mathieu
Tirant les conclusions des politiques du démantèlement de l'État entamées avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) sous le président Sarkozy, le présent amendement propose d'introduire un article prévoyant la reconstitution des viviers de fonctionnaires.
L'idée défendue par votre amendement est intéressante mais dépourvue de portée normative. En outre, la cartographie des compétences dont la création est prévue par l'article 8 permettra d'établir les besoins de chaque administration et les objectifs de réinternalisation. Avis défavorable.
C'est à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances que nous devons discuter des moyens à dédier aux politiques publiques.
En réponse à la petite pique antisarkozyste, je voudrais souligner que, comme le démontre le rapport du Sénat, le recours aux cabinets de conseil s'est particulièrement accru à partir de 2017…
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL66 de Mme Mathilde Panot
Nous demandons la remise au Parlement par le Gouvernement d'un rapport sur le nombre de recrutements de fonctionnaires à effectuer pour éviter le recours aux cabinets privés. Une réflexion doit sans doute être menée également sur l'attractivité de la fonction publique d'une façon générale. Le nombre de candidats aux concours baisse en effet de manière très sensible dans tous les domaines.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. La cartographie des compétences répondra à votre demande.
La commission rejette l'amendement.
Article 9 (article 20 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Encadrement déontologique des prestations de conseil sous le contrôle de la HATVP
Amendement CL23 de Mme Cécile Untermaier
Les consultants et prestataires ne doivent pas s'affranchir des exigences minimales de déontologie de la fonction publique. Nous proposons donc d'ajouter les obligations de dignité et d'impartialité à celles de probité et d'intégrité.
Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi prévoit que les prestataires et les consultants assurent leurs fonctions avec intégrité et probité, ce qui nous paraît suffisant. Comment juger de la dignité d'un prestataire ? Par ailleurs, les consultants ne peuvent pas être assimilés à des agents publics : ils fournissent une prestation intellectuelle achetée par l'administration. Demande de retrait ou avis défavorable.
Ce que l'on exige de la fonction publique, on peut l'exiger d'un cabinet de conseil ! Quant à la dignité et à l'impartialité, elles sont importantes pour les consultants qui travaillent au sein d'une administration régalienne et qui la représentent. En excluant ces deux principes, on questionne les règles déontologiques.
La proposition de loi a pour objet de bien distinguer les consultants des agents publics, en édictant des règles et en fixant des frontières. Si l'on assimile les cabinets et l'administration, cette PPL n'a plus de sens ! Je rappelle qu'au-delà du respect de l'intégrité et de la probité, les règles de transparence et de déontologie s'appliquent. Je suis moi aussi défavorable à cet amendement.
Il est fait un mauvais procès à l'amendement de Mme Untermaier. Il ne s'agit pas d'assimiler les consultants à des agents publics mais de leur imposer les responsabilités et les contraintes qui vont avec les postes de catégorie A qu'ils prennent. Dans la mesure où ils sont étroitement associés à l'action de l'État, des règles déontologiques supplémentaires ne semblent pas inopportunes.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL153 des rapporteurs
Nous proposons de réécrire le texte du Sénat, s'agissant du code de conduite, afin de mieux prévenir les situations de conflit d'intérêts.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL3 de M. Philippe Pradal
Cet amendement vise à prévoir, le cas échéant, la signature de l'ensemble des documents par les consultants au moment de l'engagement de l'accord-cadre et non pas à l'occasion de chaque prestation.
Malgré l'avis défavorable du rapporteur Bruno Millienne, la commission adopte l'amendement.
Amendement CL24 de Mme Cécile Untermaier
La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) propose d'établir deux échelons dans l'examen de la demande d'avis : dans un premier temps, le référent déontologue est saisi et répond aux demandes d'avis puis, si le cas le justifie ou s'il le juge nécessaire, il peut saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Cette précision a été suggérée par plusieurs des personnes que nous avons auditionnées. Elle permettra de responsabiliser les administrations et de ne pas surcharger la HATVP. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CL62 de M. Frédéric Mathieu et CL64 de Mme Mathilde Panot (discussion commune)
Pour nous assurer que la HATVP dispose des moyens nécessaires pour mener à bien sa nouvelle mission de contrôle, nous demandons la remise d'un rapport par le Gouvernement, à l'amendement CL62, et par la HATVP elle-même, à l'amendement CL64.
Les moyens de la HATVP relèvent non pas de cette proposition de loi mais du projet de loi de finances. Avis défavorable.
Je comprends qu'il soit nécessaire de s'assurer que la HATVP a les moyens d'assurer sa nouvelle mission. Le recrutement de quatre équivalents temps plein (ETP) vient d'y être accepté, me semble-t-il ; ce n'est pas beaucoup. Pour éviter l'embolie, il faut que le principe de subsidiarité s'applique et que les déontologues des ministères, des administrations centrales ou des établissements publics soient saisis avant de saisir, éventuellement, la HATVP.
Je rappelle que ces amendements sont des demandes de rapports. Je reconnais avec vous, monsieur Millienne, que le rapport du Gouvernement devrait plutôt s'inscrire dans le cadre du projet de loi de finances. Il ne me semble pas incohérent, en revanche, qu'une autorité administrative indépendante informe le Parlement de ses besoins.
Il y a certes un intérêt à mettre la HATVP au centre du dispositif, mais l'objet de cette PPL n'est pas de l'engorger ; évitons la suradministration dans ce domaine. Quitte à confier de nouvelles missions à la HATVP, je souhaiterais pour ma part qu'elle soit particulièrement vigilante aux situations de pantouflage qui voient les membres de cabinets ministériels rejoindre des cabinets de conseil.
Nous pourrions demander à la HATVP d'intégrer dans son rapport annuel des éléments relatifs au traitement de ses nouvelles missions.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur Bruno Millienne, elle rejette ensuite l'amendement CL65 de M. Frédéric Mathieu.
La commission adopte l'article 9 modifié.
Article 10 : Obligation de déclaration d'intérêts des prestataires et consultants
Amendement CL159 de M. Bruno Millienne, sous-amendements CL166 et CL167 de M. Timothée Houssin et amendement CL7 de M. Philippe Pradal (discussion commune)
De nombreuses personnes que nous avons auditionnées nous ont fait part de leurs craintes au sujet de la déclaration d'intérêts prévue à l'article 10 : par son caractère exhaustif, cette obligation déclarative pourrait porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la vie privée des consultants, constitutionnellement garanties. Il faut, en outre, que l'administration puisse analyser les déclarations et en tirer des conséquences concrètes. Je vous propose donc un amendement de réécriture visant à mieux cibler les informations exigées et à rechercher un meilleur équilibre entre la volonté de prévenir les conflits d'intérêts et le nécessaire respect de nos libertés.
Le sous-amendement CL166 a pour objet d'ajouter à la liste des personnes devant effectuer une déclaration d'intérêts les dirigeants des cabinets de conseil, qui ne sont pas mentionnés à l'article 1er. Le Gouvernement a d'ailleurs identifié cette lacune puisque lors de l'examen du texte en séance, au Sénat, il a proposé de remplacer le terme de consultants par celui de « dirigeants ».
Quant au sous-amendement CL167, il vise à inclure dans la déclaration les participations financières des conjoints susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts.
Gardons de la hauteur en citant Voltaire : « Des lois que nous suivons la première est l'honneur. » Je propose de substituer une déclaration sur l'honneur à la déclaration qu'il est prévu de demander aux consultants.
J'émets un avis défavorable aux sous-amendements CL166 et CL167 ainsi qu'à l'amendement CL7. L'amendement CL159 de mon corapporteur vise à substituer à la déclaration d'intérêts une attestation d'absence de conflits d'intérêts devant être documentée, en cas de risque de conflit. Le déontologue de l'administration pourra être sollicité. Je ne voudrais pas qu'il amoindrisse les obligations pesant les consultants, mais j'en comprends l'esprit : il n'est pas utile de recueillir les données personnelles des consultants qui ne se trouvent pas en situation de conflit d'intérêts potentiel.
Cet amendement précise aussi les modalités garantissant la confidentialité de ces déclarations, et apporte un certain nombre de clarifications ; il substitue ainsi à la notion de missions « réalisées dans le même secteur que la prestation de conseil » celle de « prestations réalisées auprès d'un client dont les intérêts entrent en interférence avec ceux de l'administration. »
Avec cette nouvelle rédaction, les consultants ne seraient contraints de transmettre la liste des potentiels conflits d'intérêts les concernant que s'ils estiment qu'il existe un risque. Sinon, ils n'auraient qu'à transmettre une déclaration d'absence de conflits d'intérêts. Cette rédaction est plus souple que celle du Sénat.
La commission rejette successivement les sous-amendements CL166 et CL167.
Elle adopte l'amendement CL159 et l'article 10 est ainsi rédigé.
En conséquence, l'amendement CL7 tombe, de même que les autres amendements à l'article 10.
Article 11 : Obligation pour les cabinets de conseil de déclarer les actions de démarchage ou de prospection et les actions de mécénat
Amendement CL171 des rapporteurs
Cet amendement vise à ne rendre obligatoire la déclaration des actions de démarchage ou de prospection que lorsqu'elles précèdent la réalisation d'une prestation.
La commission adopte l'amendement.
Amendement rédactionnel CL130 de M. Bruno Millienne et amendement CL102 de Mme Laure Miller (discussion commune)
Cet amendement propose d'apporter une correction légistique afin de rendre opérant l'article 11. En effet, les personnes morales énumérées à l'article 238 bis du code général des impôts ne relèvent pas, pour la plupart, du champ d'application de la proposition de loi.
L'amendement CL130 est retiré et, suivant l'avis du rapporteur Bruno Millienne, la commission adopte l'amendement CL102.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL131 de M. Bruno Millienne.
Amendements CL132 de M. Bruno Millienne et amendement CL103 de Mme Laure Miller (discussion commune)
L'amendement CL132 a pour objet de renvoyer à un décret en Conseil d'État, pris après avis public de la HATVP, la définition des modalités de publication des informations relatives aux actions de démarchage, de prospection et de mécénat.
L'amendement CL103 entend permettre au pouvoir réglementaire d'exercer sa compétence pour fixer les modalités de publication et de présentation des actions des prestataires en matière de démarchage et de prospection. Par essence, la HATVP a vocation à être consultée plutôt qu'à édicter des règles.
Je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien, madame Miller, pour des raisons rédactionnelles.
L'amendement CL103 est retiré et la commission adopte l'amendement CL132.
Puis la commission adopte l'article 11 modifié.
Article 12 : Modalités de saisine et pouvoirs de la HATVP en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants
La commission adopte l'amendement de précision CL154 des rapporteurs.
À la demande du rapporteur Bruno Millienne, l'amendement CL43 de Mme Cécile Untermaier est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur Bruno Millienne, la commission rejette l'amendement CL26 de Mme Cécile Untermaier.
Amendements CL133 de M. Bruno Millienne et CL134 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)
L'amendement CL133 vise à supprimer l'alinéa 4, afin que les organisations syndicales de fonctionnaires ne puissent saisir la HATVP. Pour moi, ces organisations ont en effet pour mission de représenter les intérêts des agents publics et de défendre leurs droits, et non de participer au contrôle du respect de leurs obligations par les cocontractants de l'administration.
L'amendement CL134 vise à restreindre le champ des organisations syndicales pouvant saisir la HATVP à celles qui sont représentatives.
La commission adopte l'amendement CL133.
En conséquence, l'amendement CL134 tombe.
Amendement CL61 de Mme Mathide Panot
L'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Dans cet esprit, il est normal que les citoyens puissent interpeller leurs agents publics et leurs responsables politiques sur leur gestion des deniers publics notamment. Nous souhaitons donc ajouter, après l'alinéa 6, que « tout citoyen majeur » peut saisir la HATVP.
Un tel ajout étendrait de façon beaucoup trop large la possibilité de saisine. Avis défavorable.
Il ne faut pas confondre la nécessaire transparence sur le contenu des prestations de conseil, qu'il faut effectivement améliorer, avec la mise en cause des personnes, qui pourrait être utilisée comme un moyen de pression par certaines organisations militantes et n'apporterait aucune information intéressante sur le fond.
Vos réactions ne m'étonnent guère. Une majorité des membres de notre commission s'était déjà opposée à l'examen de la pétition déposée sur le site de l'Assemblée en faveur du référendum d'initiative citoyenne. Ce refus traduit une suspicion à l'égard du peuple, à qui il ne s'agit pourtant pas de donner le pouvoir d'accuser mais celui d'interpeller. Je ne comprends pas que cela vous fasse si peur.
Je comprends votre préoccupation mais conservons la cohérence de cette proposition de loi sénatoriale : elle permettra une plus grande transparence s'agissant du recours aux cabinets de conseil et constitue déjà un progrès. N'essayons pas d'y faire entrer d'autres sujets qui n'y ont pas leur place.
Le rapporteur a raison. Qui trop embrasse mal étreint. Je n'ai pas de problème avec le contrôle citoyen en démocratie, mais la proposition qui nous est faite risque plutôt d'entretenir les polémiques et de jeter des noms en pâture. Sachons raisons garder.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL104 de Mme Laure Miller
Aujourd'hui, la HATVP peut procéder à des vérifications sur place, dans les locaux professionnels des représentants d'intérêts mais pas dans les locaux affectés au domicile privé. Le nouveau dispositif applicable aux prestataires de conseil et aux consultants serait bien encadré : pour réaliser un contrôle sur place, dans un local professionnel ou affecté au domicile privé, il faudrait d'abord que la HATVP obtienne l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Demande de retrait, ou avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement de précision CL135 de M. Bruno Millienne.
Amendements CL105 de Mme Laure Miller et CL129 de M. Bruno Millienne (discussion commune)
Un amendement adopté en séance publique au Sénat rend la commission des sanctions de la HATVP, nouvellement créée, compétente pour se prononcer sur « le bien-fondé du motif invoqué » lorsque le prestataire ou le consultant oppose l'un des secrets mentionnés à l'article 12 pour refuser la communication d'une information. Une telle disposition serait inédite parmi les autorités administratives indépendantes.
En outre, la procédure prévue manque de précision : elle n'indique pas dans quelles conditions la commission des sanctions peut prendre connaissance des informations, ne prévoit pas les garanties applicables et ne précise pas les suites qui lui sont données. En particulier, elle ne précise pas si les informations concernées peuvent finalement être connues de la HATVP ou si leur non-transmission constitue un refus de communication passible de sanctions.
Je propose donc, au travers de l'amendement CL129, la suppression de cette procédure, et j'invite Mme Miller à retirer le sien.
L'amendement CL105 est retiré et la commission adopte l'amendement CL129.
Amendement CL133 de M. Philippe Pradal, sous-amendement CL169 de M. Bruno Millienne et amendement CL35 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
L'amendement CL133 précise que les mises en demeure sont adressées à la structure, et non au consultant à titre individuel, et qu'elles ne sont pas rendues publiques. En effet, elles ne constituent pas à proprement parler des sanctions.
Je suis favorable à cet amendement à la condition que soit adopté le sous-amendement CL169, qui vise à maintenir la possibilité de mettre en demeure un consultant.
Il nous semble à l'inverse que le fait de rendre public le non-respect des règles déontologiques par un prestataire ou un consultant possède un pouvoir de dissuasion intéressant. L'amendement CL35 entend rendre systématique cet affichage public, dans l'espoir de dissuader les prestataires de se rendre à nouveau coupable des mêmes manquements. Un tel affichage renseignerait aussi les administrations bénéficiaires sur les comportements des prestataires auxquels elles souhaitent faire appel et leur permettrait de choisir le candidat le plus vertueux.
Notre commission a bien un problème avec la démocratie. Ne pas vouloir de publicité, c'est vouloir désinformer les citoyens. Nous considérons quant à nous qu'il faut rendre publics les manquements éventuels, voire les suspicions de manquements – il reviendra ensuite au juge de se prononcer.
La commission adopte successivement le sous-amendement CL169 et l'amendement CL33 sous-amendé. En conséquence, l'amendement CL35 tombe.
Suivant l'avis des rapporteurs, la commission adopte l'amendement CL27 de Mme Cécile Untermaier
Amendements CL59 de Mme Mathilde Panot et CL60 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)
Il s'agit d'introduire la possibilité de saisir la HATVP par une pétition citoyenne réunissant 50 000 ou 100 000 signatures, sur le modèle de dispositions en vigueur pour d'autres institutions – ce n'est pas le Grand soir.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'article 12 modifié.
Article 13 : Sanctions administratives en cas de manquement à certaines des obligations prévues par la proposition de loi
Amendement CL5 de M. Philippe Pradal
Il s'agit d'expliciter l'obligation de mise en demeure préalable au prononcé de la sanction.
Suivant l'avis des rapporteurs, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL136 et CL137 de M. Bruno Millienne.
Amendements CL91 et CL92 de M. Timothée Houssin
L'amendement CL91 est un amendement de cohérence visant à préciser que, si la déclaration d'intérêts n'est pas actualisée en cas de modification substantielle des intérêts détenus au cours de la prestation de conseil, l'amende administrative est la même que celle sanctionnant la non-communication de cette déclaration.
L'amendement CL92 vise à rendre obligatoire la publication des amendes administratives infligées et l'exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans, en cas de faute professionnelle grave.
Suivant l'avis des rapporteurs, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL28 de Mme Cécile Untermaier, sous-amendement CL170 de M. Bruno Millienne
Il s'agit de remplacer la publication des sanctions par la publication de la décision, laquelle comprend, outre la sanction pécuniaire, la motivation de la décision. Il s'agit d'une demande du président de la HATVP.
La commission adopte le sous-amendement CL170.
Elle adopte l'amendement CL28 sous-amendé.
Amendements CL8 de M. Philippe Pradal et CL44 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)
Il s'agit de supprimer l'alinéa 11, qui est satisfait par les dispositions de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique.
Demande de retrait ou avis défavorable. L'alinéa 11 n'est pas superfétatoire. Quant à la mention d'une faute professionnelle grave, elle est exigée par le droit européen.
L'amendement CL44 est retiré.
La commission adopte l'amendement CL8.
Elle adopte l'article 13 modifié.
Article 14 (article 19-1 [nouveau] de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Création d'une commission des sanctions au sein de la HATVP
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL138 des rapporteurs.
Suivant l'avis des rapporteurs, elle rejette successivement les amendements CL45 et CL30 de Mme Cécile Untermaier.
Suivant l'avis des rapporteurs, elle rejette l'amendement CL93 de M. Timothée Houssin.
Elle adopte l'article 14 modifié.
Article 15 (articles L. 2141-1, L. 2141-5, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2651‑1, L. 2661‑1, L. 2671‑1 et L. 2681‑1, L. 3123-1 [nouveau], articles L. 3351‑1, L. 3361‑1, L. 3371‑1 et L. 3381‑1) : Exclusion des consultants sanctionnés par la HATVP des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concession
Amendement CL9 de M. Philippe Pradal
Avis défavorable. Les conflits d'intérêts justifiant l'exclusion d'un candidat d'une passation de marché public visés par le code de la commande publique portent sur l'attribution du marché. L'article 15 inclut les conflits d'intérêts relatifs à la déontologie des prestataires.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article est supprimé et tous les autres amendements sur l'article 15 tombent.
Article 16 (articles L. 124‑5, L. 124‑7, L. 124‑8, L. 124‑18, L. 124‑26 du code général de la fonction publique) : Encadrement des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil
A mendement CL142 de M. Bruno Millienne
Cet amendement vise à supprimer l'article.
Le code général de la fonction publique prévoit la saisine systématique de la HATVP en cas de mobilité vers le secteur privé d'un agent public exerçant ses fonctions à un certain niveau de responsabilité. Cette obligation concerne jusqu'à 14 000 personnes. En pratique, les situations particulières identifiées par la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques sont couvertes.
Si je comprends bien l'objectif visé par le Sénat, le présent article cherche à étendre la saisine de la HATVP à tout agent public réalisant une mobilité vers ou depuis un cabinet de conseil, quelles que soient les responsabilités qu'il exerce. Les obligations de contrôle qui en résulteraient pour la HATVP seraient trop lourdes.
En outre, cette disposition pose un problème de principe : pourquoi contrôler spécifiquement les mobilités vers et depuis les cabinets de conseil et pas vers et depuis d'autres secteurs sensibles ? Enfin, la rédaction de l'article soulève un problème légistique. Elle est imparfaite et dépourvue de portée.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 16 est supprimé et l'amendement CL31 de Mme Cécile Untermaier tombe.
Après l'article 16
Amendement CL34 de Mme Marie-France Lorho
Cet amendement peut sembler dur, mais il faut parfois faire preuve d'autorité dans ce pays.
Il s'agit de déchoir du statut de fonctionnaire toute personne ayant livré des informations sensibles sur l'administration dans laquelle elle a eu l'occasion d'œuvrer. De trop nombreux exemples récents de personnalités au service de l'État passées dans le secteur privé doivent nous alerter sur les dangers relatifs à de tels transferts.
Dans certaines administrations, le caractère sensible des informations diffusées doit aller de pair avec un devoir de discrétion des fonctionnaires. Le présent amendement vise à empêcher la livraison d'informations confidentielles par d'anciens fonctionnaires à des sociétés privées.
Je suis évidemment contre le pantouflage excessif et les conflits d'intérêts, mais le statut de la fonction publique prévoit déjà des droits et devoirs et un certain nombre de sanctions : l'amendement est en réalité très largement satisfait.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL73 de Mme Caroline Colombier
Il s'agit simplement d'imposer une obligation déclarative aux militaires qui, après avoir exercé des fonctions ayant une sensibilité particulière ou requérant des compétences techniques spécialisées, souhaitent réaliser des prestations pour des cabinets privés de conseil en matière de politiques publiques qui ont leur siège en dehors du territoire national ou se trouvent sous contrôle étranger.
La commission rejette l'amendement.
Article 17 : Obligation de suppression des données confiées par l'administration pour les besoins de la prestation de conseil et possibilité de faire diligenter un contrôle par la CNIL
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL143 des rapporteurs.
Amendements CL74 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CL88 de M. Timothée Houssin (discussion commune)
Au cours des prestations réalisées auprès des administrations des collectivités et de l'État, les cabinets de conseil peuvent recueillir des données potentiellement sensibles, stratégiques, personnelles ou identifiantes, comme des données de santé. Le Gouvernement a ainsi eu recours d'une manière extensive à des cabinets de conseil tels que McKinsey ou Accenture pendant la crise du covid. Le texte ne comporte malheureusement aucune mesure de protection contre une quelconque extraterritorialité de dispositions non européennes. Des pays comme les États-Unis ont des législations de type Cloud Act qui constituent une véritable menace, puisqu'elles permettent à leurs autorités publiques d'accéder aux données hébergées en Europe : c'est écrit noir sur blanc dans le rapport du Sénat sur les cabinets de conseil. Il faut prendre le problème à bras-le-corps et c'est pourquoi nous demandons un cloud français ou européen pour stocker les données de l'administration française dans le respect des critères du référentiel SecNumCloud de l'Anssi, qui vise à nous immuniser contre ce type d'ingérences étrangères. Notre amendement CL74 est de bon sens : il est favorable à notre souveraineté et soutiendra notre industrie du numérique.
L'amendement suivant vise également à nous apporter des garanties en matière de sécurité et de protection des données, en conformité avec le droit européen.
Nous devons nous protéger vis-à-vis du droit extraeuropéen : les États-Unis ont notamment mis en place des législations permettant à leurs autorités d'accéder, dans certains cas, aux données stockées par des entreprises soumises à leur droit.
Avis défavorable. Ces deux amendements poseraient de vraies difficultés aux TPE et PME. Nous proposons au contraire, à l'article 18, d'alléger les obligations en matière de sécurisation des données lorsque la nature de ces dernières n'exige pas d'aller aussi loin.
Une vraie question se pose quand même, et nous ne l'abordons pas pour la première fois, en matière de souveraineté numérique et de clouds souverains. J'ai mené à ce sujet une mission d'information avec Philippe Latombe. On botte chaque fois en touche en disant que tout va bien, mais ce n'est pas si vrai en réalité, car nous rencontrons régulièrement des difficultés. Je rappellerai seulement ce qui s'est passé pendant l'état d'urgence sanitaire : la plateforme des données de santé, qui n'avait pas été créée que pour le covid, certes, confiait largement nos données, et pas n'importe lesquelles, à Microsoft. Du droit américain est ainsi applicable, ce qui conduit parfois à des injonctions. Nous devons absolument nous inscrire dans le cadre du RGPD pour assurer notre souveraineté. Ces amendements ne permettraient pas nécessairement de le garantir, mais je tiens à rappeler l'ardente obligation à laquelle nous ne satisfaisons pas complètement ni tout le temps.
Ce n'est pas la première fois que nous déposons des amendements relatifs au référentiel SecNumCloud : on nous répond toujours qu'il y aura un problème du côté des TPE et des PME. Or des entreprises françaises sont au niveau de Microsoft et de Google en matière de construction de cloud, comme OVH et Scaleway. On aurait tout intérêt à se tourner vers elles. En refusant ce type d'amendements, nous mettons à disposition des Américains et d'entreprises étrangères des données de l'État. Ce n'est peut-être pas de l'incompétence, mais on est à la limite de la trahison.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL163 des rapporteurs
Le présent amendement prévoit que le cabinet de conseil remet à l'administration bénéficiaire les données collectées auprès de celle-ci, ainsi que les traitements réalisés sur les données, avant leur suppression.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL155 des rapporteurs
Cet amendement complète le précédent en demandant une déclaration qui atteste que les données ont bien été détruites. L'Anssi nous a dit que c'était possible et nous a expliqué comment faire.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL32 de Mme Cécile Untermaier
Nous proposons un contrôle aléatoire, confié à la Cnil, en ce qui concerne la gestion des données par le consultant ou le prestataire.
Avis défavorable. Dans l'esprit du texte, la Cnil intervient en appui de l'administration lorsque celle-ci a un doute sur le respect de l'obligation de suppression ou de non-réutilisation des données.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL144 de M. Bruno Millienne.
Amendement CL164 des rapporteurs et sous-amendement CL168 de M. Timothée Houssin
Notre amendement concerne l'interdiction de réutiliser les données et l'obligation de les supprimer, qui ne sont pas sanctionnées à l'heure actuelle. Si ces obligations ne sont pas respectées, la Cnil en informera l'administration concernée qui pourra alors saisir la HATVP aux fins d'infliger une sanction administrative.
La commission rejette le sous-amendement et adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 17 modifié.
Article 18 : Obligation de réaliser un audit de la sécurité des systèmes d'information des cabinets de conseil selon un référentiel établi par l'ANSSI
Amendement CL107 de Mme Laure Miller
Cet amendement vise à remplacer l'alinéa 2 en précisant comment la sécurité informatique est assurée. Cela nous semble un peu plus opérant que de demander à tous les prestataires de réaliser un audit de sécurité, ce qui coûtera fort cher et risque d'exclure les petits cabinets. Par conséquent, avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 18 modifié.
Avant l'article 19
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL146 de M. Bruno Millienne.
Article 19 : Application de la loi aux contrats en cours
Amendement de suppression CL108 de Mme Laure Miller
M. Millienne est favorable à cet amendement. Pour ma part, je m'en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 19 est supprimé et les amendements CL6 et CL10 de M. Philippe Pradal et CL147 de M. Bruno Millienne tombent.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Puis, la Commission examine, en application de l'article 88 du règlement, des amendements au projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (n° 1983) (M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur).
Tous les amendements qui n'ont pas été examinés lors de la réunion qui s'est tenue en application de l'article 86 du Règlement ont été repoussés.
La séance est levée à 12 h 50.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Françoise Buffet, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, M. Didier Lemaire, M. Benjamin Lucas, Mme Élisa Martin, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Bruno Millienne, M. Paul Molac, Mme Danièle Obono, Mme Mathilde Panot, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Aurélien Pradié, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Nicolas Sansu, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Caroline Yadan
Excusés. - Mme Raquel Garrido, Mme Marie Guévenoux, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Marie-France Lorho, M. Thomas Ménagé, Mme Naïma Moutchou, M. Thomas Portes
Assistaient également à la réunion. - M. Ugo Bernalicis, M. Fabien Di Filippo, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Frédéric Mathieu