Notre groupe sera ce matin le moins enthousiaste. Dans le pays de Caux, nous avons coutume de dire : « Méfie-toi, méfie-toi toujours, méfie-toi encore ». Telle est notre attitude au sujet de la présente proposition de loi.
La transparence permet-elle la confiance ? Telle est l'une des questions que soulève l'examen de la présente proposition de loi. Cette question est plus philosophique que juridique, peut-être ; elle est surtout d'ordre pratique.
Au cours des trente dernières années, le législateur a donné la priorité, pour de saines et justes raisons, à la moralisation et à l'encadrement des relations financières entre le privé et le public. Il a porté une attention particulière au financement des partis et des campagnes électorales par les entreprises, au plafonnement des dons des particuliers et des dépenses de campagne, et à la publication des comptes des candidats. Ces mesures étaient nécessaires pour recréer de la confiance entre les citoyens et leurs représentants ainsi que l'administration.
Or, depuis quelques années, la nécessaire quête d'indépendance financière a induit une défiance a priori à l'égard du secteur public. Cette défiance entrave gravement la volonté de s'engager et va à l'encontre des objectifs recherchés par le législateur, lequel s'intéresse de près, depuis plusieurs mois, à l'État en tant que personne morale, à ses administrations et à ses partenaires. Depuis l'affaire McKinsey, nous avons tout entendu dire de l'administration, que j'ai entendu présenter ce matin encore comme une nébuleuse tentaculaire, et qui dépenserait sans compter et indûment des milliards pour des prestations de conseil souvent jugées a posteriori médiocres, voire dangereuses compte tenu de l'ingérence dans l'activité des élus qu'elle constitue.
Loin de ces caricatures, nous souscrivons à l'esprit de la proposition de loi, qui vise à assurer la traçabilité des rôles des cabinets dans les prises de décision et à améliorer l'information des citoyens. Toutefois, méfions-nous des faux prophètes ! Je n'accepte pas le raccourci consistant à considérer que les pratiques honteuses de certains résument les pratiques d'une profession. Sur ce point, il me semble utile de rappeler quelques évidences.
La conduite de l'action publique peut, dans certains cas précisément identifiés, exiger le recours à des prestations intellectuelles extérieures. Nous partons de loin. Cette majorité a beaucoup fait pour encadrer le recours aux cabinets de conseil. La circulaire du Premier ministre du 12 janvier 2022 donne la pleine responsabilité à chaque ministère de piloter ces investissements et offre la possibilité inédite de tracer avec plus de précision les dépenses réalisées grâce aux jaunes budgétaires.
En matière de limitation de la contrainte administrative, la proportionnalité de la norme est un principe qui doit nous guider, notamment pour éviter de faire peser une charge déraisonnable sur des structures de taille réduite. À ce titre, je défendrai au nom de mon groupe un amendement à l'article 1er visant à fixer à 60 millions de dépenses de fonctionnement le seuil d'application de la loi aux établissements publics nationaux.
Par ailleurs, notre groupe a une ligne rouge, dont j'ai conscience qu'elle n'est pas partagée : l'extension du dispositif aux collectivités territoriales ne nous semble pas souhaitable. Accroître la complexité et les contraintes dans lesquelles gouvernent les élus locaux est une impasse si l'on songe aux difficultés qu'ils affrontent quotidiennement. Aidons-les en matière de responsabilité pénale et cessons de les charger encore et encore !
L'enjeu du texte est double : clarifier et simplifier nos relations.