Séance en hémicycle du jeudi 6 octobre 2022 à 21h30

La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Suite de la discussion d'une proposition de loi

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Bruno Fuchs, Sylvain Maillard, Thomas Mesnier et plusieurs de leurs collègues visant à lutter contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires (212, 278).

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Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. David Guiraud.

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Je serai direct : le groupe La France insoumise – NUPES votera cette proposition de loi qui vise à lutter contre les fraudes au compte personnel de formation (CPF). Même si nous ne sommes pas d'accord avec tous vos arguments et toutes vos propositions – j'y reviendrai –, je considère, comme vous, qu'il faut avancer. Nous avons suffisamment traîné, et il y a urgence. Cela a été dit : la fraude et le vol que subissent les Français sont en explosion. Selon le denier rapport de Tracfin, les soupçons de fraude étaient estimés à 43 millions d'euros l'année dernière, contre moins de 8 millions l'année précédente. Ils ont donc été multipliés par huit.

Cette fraude se produit à ciel ouvert, notamment sur les réseaux sociaux. Pire, les prédateurs ont pour victimes privilégiées la jeunesse et les publics les plus fragiles. Certains vont jusqu'à vendre des formations à la conduite à des grands-mères de 90 ans ! Quelques influenceurs sont peut-être coupables d'avoir été peu regardants, voire se sont fait eux-mêmes berner par des prestataires douteux. Cependant, il existe aussi des gens sans scrupule qui proposent, depuis leur villa à Dubaï,…

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…des formations qui n'existent pas, au minage de cryptomonnaies par exemple – certains d'entre nous ignorent ce que c'est, et ils ont raison. Ces pratiques doivent être lourdement sanctionnées. C'est ce que vous proposez.

Des prestataires abusent aussi de la confiance des plus jeunes ; ils les trompent et les cajolent, à grand renfort de « mes bébés », et leur promettent des ordinateurs à 100 euros en échange de la liquidation de leur CPF, qui vaut souvent le triple ou le quadruple. Que ces prestataires aillent dire « mes bébés » à la juge, on verra comment elle le prendra !

Je ne parle même pas du harcèlement téléphonique, dont nous avons tous été victimes, qui conduit certains de nos compatriotes, notamment les plus âgés, à couper leur ligne quitte à ne plus être joignables. Il est grand temps de briser les reins des auteurs de ce vol organisé de l'argent des salariés, et de répondre à une demande simple des Français : laissez-nous tranquilles. Voilà en quoi nous sommes d'accord avec vous, et pourquoi nous voterons cette proposition de loi.

Permettez-moi toutefois de vous avertir. Ce ne sont ni les arnaqueurs ni les escrocs qui ont fait de la formation professionnelle un produit commercial comme les autres : c'est la loi Pénicaud de 2018.

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Cette loi a libéralisé la formation professionnelle. Dès lors qu'un trésor de 30 milliards d'euros s'ouvrait au privé, il était évident que quelques vautours tenteraient de le picorer. Plus ennuyeux encore, cette loi a plongé la formation continue dans une logique de court terme qui nuit gravement à la qualité de la formation professionnelle.

J'en viens à une demande. Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargés de ces dossiers, sont en petit nombre ; il y en a même de moins en moins. Le budget de la DGCCRF a baissé de 9 millions d'euros entre 2019 et 2022, et cette direction a perdu 400 emplois en dix ans. Pour bien faire leur travail et pour assumer la charge supplémentaire qui leur sera demandée, les inspecteurs de la DGCCRF ont besoin de moyens humains et financiers accrus. Sinon, je crains que la bonne volonté dont témoigne cette proposition de loi – qui est louable, malgré les désaccords de fond que nous avons, notamment concernant le CPF –, ne reste un vœu pieux et ne se traduise pas en actes. J'espère que vous serez sensibles à notre demande : peut-être en parlerons-nous pendant l'examen du projet de loi de finances (PLF). En attendant, l'intérêt général nous dicte de voter cette proposition de loi.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Dem.

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L'accès à la formation est une mesure essentielle non seulement pour la modernisation du marché du travail français, mais aussi pour répondre aux besoins croissants de reconversion professionnelle dans un marché du travail en perpétuelle évolution. Si, par exemple, les taux d'activité et d'emploi des seniors sont en hausse régulière, des inégalités demeurent en matière d'emploi et de formation, ce qui nuit à la sécurisation des parcours professionnels. Dans un tel contexte, le compte personnel de formation constitue un outil précieux : il permet, entre autres, de financer des formations aux nouvelles technologies.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a transformé l'accès au CPF et ses modalités d'utilisation. Elle a mis fin à la gestion interne du compte par l'entreprise, au profit d'une incitation à la responsabilisation et à l'autonomie des actifs, lesquels peuvent désormais utiliser leur CPF sans l'autorisation de leur employeur. C'est l'un des rares droits importants qui soient à la main du salarié : il prend seul la décision de contacter un organisme de formation. Cette loi a également permis de monétiser le CPF. Alors que le compte était autrefois crédité en nombre d'heures de formation, il l'est désormais en euros. Son utilisation est donc plus simple – peut-être même trop – pour les usagers.

Vous l'avez souligné : le succès du CPF n'est plus à démontrer. Alors qu'on recensait un peu plus de 600 000 titulaires d'un compte en novembre 2019, ils seront près de 3 millions fin 2022. En 2021, plus de 2 millions de Français se sont inscrits à une formation, et l'application MonCompteFormation fait l'objet de 3,8 millions de téléchargements, 16 millions de visiteurs s'étant par ailleurs rendus sur le portail numérique.

Lors de la précédente législature, nous avons examiné une proposition de loi de ma collègue Valérie Bazin-Malgras qui visait à autoriser le don de droits acquis entre titulaires de CPF. Il s'agissait d'aider ceux qui ont un crédit insuffisant à couvrir leurs souhaits de formation, afin de mieux répondre aux besoins de chacun. Nous considérions qu'un tel mécanisme serait particulièrement bénéfique pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail ou qui y ont accédé depuis peu. Par définition, les jeunes actifs ont moins de droits que leurs aînés au début de leur carrière, alors qu'ils sont à un stade de leur vie professionnelle où ils doivent être davantage formés. Un système de transfert entre bénéficiaires viendrait utilement compléter le dispositif d'abondement, afin que les jeunes disposent plus facilement d'un financement supplémentaire. Nous trouvions judicieux que ceux qui ne souhaitent pas profiter de leur crédit, ou qui sont à la veille de la liquidation de leurs droits, en fassent bénéficier ceux qui n'en ont pas suffisamment et qui voudraient se former davantage. Pragmatique, notre proposition de loi relevait du bon sens, de l'égalité, de la solidarité intergénérationnelle et de la justice sociale. Elle mériterait de plus larges débats et une attention plus soutenue.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est tout aussi pertinent concernant la régulation du dispositif et la prévention des fraudes et des abus. En effet, l'utilisation simplifiée du CPF transforme l'utilisateur en cible pour les entreprises qui souhaitent vendre leurs services. Le succès du CPF a entraîné avec lui un lot de pratiques commerciales abusives et douteuses. Cela a été rappelé : la hausse des fraudes au compte personnel de formation occupe une part croissante de l'activité du service du renseignement financier Tracfin. Le nombre de notes transmises par Tracfin à l'autorité judiciaire a triplé par rapport à 2020, tandis que le montant total des enjeux financiers a plus que quintuplé, passant de 7,8 à 43,2 millions d'euros. Si, en 2020, la fraude consistait majoritairement en des usurpations d'identité, elle se manifeste désormais par des mécanismes plus divers : appels téléphoniques, SMS et courriels à l'occasion desquels les fraudeurs essaient, de manière insistante, de récupérer des données personnelles.

Pour lutter contre ce phénomène, la proposition de loi prévoit d'interdire tout démarchage de titulaires d'un CPF par téléphone, par SMS ou par courriel en vue de capter des données personnelles. Cette interdiction figurera dans le code du travail. La commission a voté deux amendements en ce sens : l'un vise l'interdiction des démarches abusives sur les réseaux sociaux ; l'autre prévoit une amende de 75 000 euros pour les personnes physiques et de 375 000 euros pour les personnes morales en cas de vente abusive.

Le groupe Les Républicains votera donc cette proposition de loi qui, nous semble-t-il, va dans le bon sens.

Mme Maud Petit applaudit.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. Bruno Fuchs, rapporteur de la commission des affaires sociales.

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Je tiens à remercier l'ensemble des groupes pour leur travail : nous prouvons que, lorsqu'on quitte les postures purement politiciennes, et même si des désaccords persistent sur certains aspects du texte, on arrive à avancer au bénéfice de l'intérêt général. Je remercie tout particulièrement Sylvain Maillard et Thomas Mesnier, cosignataires de la proposition de loi à mes côtés, d'avoir contribué à l'équilibre et à l'efficacité du texte, notamment lors du travail en commission. Mes remerciements vont également à Maud Petit, avec qui je partage l'idée de favoriser les opérateurs vertueux, qui contribuent réellement à la formation et à l'éducation professionnelle de nos concitoyens.

Arthur Delaporte a évoqué le rôle des influenceurs sur Instragram. La commission a justement élargi le champ de l'interdiction au démarchage sur les réseaux sociaux, ce qui permettra de lutter contre une certaine forme d'arnaque, dans laquelle un bénéfice est promis au titulaire du CPF : en échange de la liquidation de son compte, il reçoit un cadeau, des bons d'achat, voire de l'argent – ce faisant, il devient complice de la fraude.

Delphine Batho a par ailleurs soulevé une question essentielle, l'élargissement de l'objet de la proposition de loi à l'ensemble des pratiques frauduleuses. Ce problème est réel. Partout, dans nos circonscriptions, nous recevons des témoignages de concitoyens harcelés à tel point que leur santé mentale en pâtit parfois.

J'adresserai une réponse commune à Pierre Dharréville et David Guiraud, que je remercie pour leur engagement en faveur de l'intérêt général. Pour ce qui est de la marchandisation des 30 milliards d'euros dédiés à la formation professionnelle, je rappelle que ces dotations existaient avant 2018 et ont contribué de tout temps à alimenter des entreprises privées. La spécificité de la situation actuelle tient moins au CPF lui-même qu'à la nature humaine qui pousse certains individus à tenter de détourner ce dispositif d'accompagnement. En effet, c'est à la suite de la monétisation du CPF que le nombre annuel de formations est passé de moins de 500 000 en 2018 à plus de 3 millions en 2022.

J'évoquerai enfin la possibilité de transfert des fonds du CPF qu'a mentionnée Mme Corneloup. Elle est certes vertueuse, mais il importe de l'encadrer sous peine de la voir susciter un marché noir, comme cela se produit avec la vente de points sur le permis de conduire. Si on n'y prend garde, une telle initiative générerait davantage de fraude que de bénéfices solidaires.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.

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Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés au nom de leur groupe.

Grâce à la loi du 5 septembre 2018, nous avons permis la démocratisation de la formation et donné aux individus la possibilité de se l'approprier en choisissant celle qui convient à leur parcours. Il s'agit d'une belle avancée sociale, qui s'est traduite par l'élargissement des populations mobilisant leurs droits à formation. Ainsi, certaines catégories socioprofessionnelles ont vu croître très nettement leur nombre d'entrants en formation dans le cadre du CPF de 2019 à 2020. Ce mouvement représente une hausse déterminante de 87 % pour les professions intermédiaires, de 73 % pour les ouvriers et de 53 % pour les employés. Rappelons également que cette loi a permis aux femmes de s'investir plus largement dans la démarche de formation : grâce à la création des droits égaux pour les salariés à mi-temps et à temps plein, elles représentaient 50 % des utilisateurs du CPF en 2020.

Le CPF représente donc un instrument intéressant qu'il faudra peut-être réguler à l'avenir dans le cadre d'autres dispositifs. Néanmoins, le succès massif du CPF a ouvert la porte à des pratiques commerciales agressives, voire abusives, comme nombre d'entre vous l'ont rappelé. Le démarchage téléphonique, par SMS, par courriel, par des centres d'appel ou des organismes de formation offrant souvent des informations erronées, biaisées ou mensongères sur les droits dont disposent les individus, voire sur l'objectif réel visé par l'organisme, suscite le doute quant au dispositif lui-même. L'image du CPF s'en trouve détériorée, comme l'a rappelé Mme Petit. L'enjeu consiste donc à protéger le dispositif et à permettre aux Français d'y avoir recours en toute confiance.

Nos opérateurs ont d'ores et déjà pris des mesures pour lutter contre les fraudes au CPF, comme le montre la condamnation récente d'un organisme de formation par le tribunal correctionnel de Saint-Omer. Le nettoyage du répertoire spécifique a permis l'éviction des trois quarts des certifications ; certaines des certifications déréférencées n'étaient d'ailleurs pas frauduleuses, mais n'étaient pas conformes aux normes de référencement.

Nombre d'entre vous avez rappelé l'augmentation des enjeux financiers de la fraude au CPF signalée par Tracfin, passés de 7,8 millions d'euros en 2021 à 43,2 millions d'euros en 2022. Il ne s'agit, bien sûr, que d'une estimation de la fraude. Nous avons la responsabilité collective de lutter contre ce phénomène, afin de redonner aux Français confiance en un dispositif qui leur permet de construire un parcours de formation faisant évoluer leurs compétences tout au long de leur carrière. C'est là un enjeu immense, étant donné les évolutions constantes du marché du travail et de l'économie.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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Nous sommes tous concernés par cette proposition de loi. J'insiste sur l'engagement de la majorité aux côtés de M. le rapporteur pour soutenir la lutte contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation. Il s'agissait du grand combat de notre ancienne collègue Catherine Fabre, que je tiens à saluer.

Le CPF est désormais un outil incontournable pour ceux qui souhaitent acquérir de nouvelles compétences tout au long de leur vie. Rendu à la fois plus accessible et plus performant par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, il constitue un gage d'émancipation à la portée de chacun. Pourtant, il suffit de prononcer les trois lettres CPF pour constater les réactions railleuses ou exaspérées qu'elles suscitent chez nos concitoyens. Au-delà des désagréments dont nous avons tous personnellement fait l'expérience, la première victime des pratiques frauduleuses n'est autre que le dispositif lui-même. Nous ne saurions tolérer plus longtemps que des individus malveillants entachent l'image du compte personnel de formation, qu'il s'agisse de commerciaux aux méthodes agressives, d'arnaqueurs ou de pirates informatiques. Nous choisissons la fermeté face à ces méthodes.

C'est pourquoi, si l'interdiction prévue dans la proposition de loi telle que l'avait déposée M. le rapporteur était indispensable, je me réjouis du travail effectué lors de nos débats en commission. Ils ont permis de compléter cet article 1er par l'ajout d'une amende administrative propre à dissuader ceux qui font subir aux Français un véritable harcèlement sous forme d'appels, de SMS et de messages sur les réseaux sociaux.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

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L'article 1er vise à interdire aux organismes de formation le démarchage par téléphone et par courriel. Cette interdiction sera inscrite non seulement dans le code de la consommation au même titre que celle qui frappe les démarches similaires touchant le dispositif MaPrimeRénov', mais également dans le code du travail, dès lors que le démarchage ne s'inscrit pas dans le cadre d'une prestation existante liant un individu à un organisme de formation.

Cet article habilite également les agents de la DGCCRF à rechercher et constater tout manquement, veillant ainsi au respect de cette interdiction. Mme la ministre déléguée, quid des moyens accordés à la DGCCRF ? Comptez-vous les étoffer afin de soutenir cette lutte contre le démarchage téléphonique ? Cette question a été abordée lors de la discussion générale ; elle l'avait déjà été lors de l'étude de la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. En interrogeant les agents de la DGCCRF, on prend conscience des moyens limités dont ils disposent pour venir à bout de ce fléau. Votre ministère négocie-t-il avec Bercy pour renforcer leurs équipes ? Dans quel cadre, et surtout à quelle échéance cela sera-t-il fait ?

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La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 5 .

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Il ne modifie rien à ce qui, dans l'article 1er , concerne le code du travail. Il vise à rétablir dans l'article l'alinéa 2 qui, dans la proposition de loi initiale, inscrivait dans le code de la consommation l'interdiction du démarchage touchant au CPF. En outre, il modifie les dispositions de cet alinéa pour y introduire le principe de l'interdiction absolue du démarchage téléphonique, quel que soit le domaine ou le secteur, sauf consentement explicite – principe de l'opt-in – ou contrat en cours, mesure qu'appellent depuis longtemps de leurs vœux les associations de consommateurs. J'ai développé cette idée lors de la discussion générale : plutôt que de multiplier les interdictions sectorielles et empiriques destinées à éteindre un à un les incendies allumés par le harcèlement commercial dans plusieurs domaines successifs, le législateur devrait prononcer le principe du droit à la tranquillité pour tous, c'est-à-dire l'interdiction de la prospection commerciale par téléphone dans tous les domaines sans consentement exprès du consommateur.

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Vous soulevez une question importante qui concerne l'ensemble des Français, bien au-delà du cas spécifique du CPF. J'émettrai deux objections à votre amendement. La première concerne sa portée trop large, qui dépasse de loin l'objet du texte que nous examinons. La seconde consiste à rappeler que nous avons déjà modifié la loi le 24 juillet 2020. Comme le mentionnait M. Naegelen, certains des décrets d'application de cette nouvelle loi ne sont pas encore signés. En l'absence des éléments d'évaluation et de mesure nécessaires pour juger de son fonctionnement actuel, il ne me paraît pas pertinent de modifier à nouveau la loi pour lui donner une nouvelle orientation. Pour ces deux raisons, je suis défavorable à votre amendement, bien que je partage votre diagnostic.

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Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Cet amendement vise à interdire le démarchage sauf consentement exprès du consommateur. Son champ d'application dépasse largement le domaine du CPF sur lequel le Gouvernement a l'intention d'agir. Je précise que l'article 1er n'interdit pas aux organismes de formation de pratiquer la prospection commerciale ou le démarchage, par quelque moyen que ce soit – téléphone, courriel, SMS, messagerie privée sur les réseaux sociaux –, visant à vendre à un individu précis une prestation de formation : il interdit seulement le fait d'encourager ou de suggérer le recours au CPF pour financer cette formation. Son champ d'action est donc orienté : il cherche à s'assurer que le démarchage s'effectue conformément au code de la consommation. C'est dans cet esprit que le Gouvernement soutient cette proposition de loi.

L'article 1er n'interdit pas non plus aux organismes de formation de se livrer à une communication publicitaire destinée au grand public, c'est-à-dire qui ne cible pas un individu précis. Dans le cadre de cette communication élargie, il reste licite d'afficher l'éligibilité d'une formation au financement par le CPF.

En revanche, l'article interdit la prospection commerciale ou le démarchage par téléphone, SMS, ou courriel, dès lors que celui-ci mentionne explicitement que l'action de formation proposée peut être financée au moyen du CPF. Il faudra garder toutes ces précisions à l'esprit lorsque nous aurons à répondre aux nombreuses questions des acteurs concernés. Il importe en effet que les consommateurs aient accès à une information et à une formation pertinentes, et que les organismes dédiés puissent les leur fournir par une communication appropriée, visible sans être orientée ni mensongère, qui s'abstiendra de cibler individuellement le financement par le compte personnel de formation. Je rends donc un avis défavorable sur cet amendement.

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Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Christophe Naegelen.

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J'ai l'impression d'avoir entendu Mme Batho défendre le même amendement il y a deux ans.

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Et c'est tout à votre honneur, chère collègue.

Dans un an, le mécanisme d'authentification interopérateurs devrait voir le jour. C'est un point important car, je le rappelle, les opérateurs investissent plusieurs centaines de millions d'euros pour tenter de réguler les appels intempestifs. Par ailleurs, il faudra, madame la ministre déléguée, que vous discutiez avec votre collègue Barrot pour savoir où en sont les décrets d'application de la loi de 2020. L'un d'entre eux a été pris dans la foulée, après la promulgation de la loi, mais deux autres doivent encore être publiés. Le ministre de l'époque attendait la validation du Conseil national de la consommation (CNC), mais l'on sait désormais que cette validation n'interviendra pas en raison d'un désaccord entre les différents acteurs.

À un moment, il va donc falloir faire preuve de courage politique et trancher, c'est-à-dire prendre ces décrets d'application et déterminer les jours – dont le nombre doit être limité pour que nos concitoyens soient ennuyés le moins possible – et les horaires auxquels la prospection téléphonique est possible.

Par ailleurs, n'oublions pas que l'opt-in ne fonctionne pas. On le voit bien avec le démarchage par SMS et courriels, auquel il s'applique : des personnes qui n'ont pas donné leur consentement reçoivent pourtant des messages intempestifs. Dès lors, il faut continuer à développer les moyens numériques ou humains qui permettent à la DGCCRF de contrôler les entreprises qui recourent au démarchage intempestif ou illégal. En tout état de cause, nous pourrons, dans un peu plus d'un an, revenir sur la question.

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Je remercie le rapporteur d'avoir reconnu le bien-fondé de mes préoccupations. Toutefois, l'amendement a bien un lien avec l'objet du texte, et sur le fond – il s'agit bien de harcèlement téléphonique commercial – et sur la forme : si ce lien n'existait pas, l'amendement aurait été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. Par ailleurs, la loi de 2020 n'a pas réglé le problème. Du reste, elle demeure en grande partie inappliquée, comme vient de l'indiquer M. Naegelen, qui en était le rapporteur.

Madame la ministre déléguée, vous avez appelé notre attention sur le fait que la proposition de loi ne vise pas à interdire le démarchage téléphonique relatif au compte personnel de formation. C'est précisément ce que je lui reproche ! Et je regrette qu'aient été supprimées par la commission les dispositions visant à inscrire le principe de l'interdiction de ce démarchage dans le code de la consommation. La proposition de loi est, certes, utile – tout le monde votera pour –, mais son objet est limité, de sorte que, dans peu de temps, le Parlement risque de devoir à nouveau délibérer à propos d'un nouveau problème de harcèlement commercial ou de démarchage téléphonique.

Enfin, l'opt-in apporterait un changement fondamental : tout le monde, en France, saurait que le démarchage téléphonique commercial est interdit. De fait, on mettrait fin à un certain nombre d'arnaques qui ont de graves conséquences sur les personnes, comme nous pouvons le constater dans nos circonscriptions respectives – en ce qui me concerne, dans les Deux-Sèvres. Serait ainsi garanti un droit à la tranquillité qu'il convient de rétablir.

L'amendement n° 5 n'est pas adopté.

L'amendement n° 7 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 1 .

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Il s'agit d'un amendement d'appel, car je me doute qu'il ne sera pas adopté…

Sourires.

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Comme des millions de Français, nous recevons, chaque jour, des appels téléphoniques, des courriels, des SMS, nous promettant d'utiliser à bon escient les crédits de notre CPF. Ce démarchage massif et intempestif prouve que les multiples interdictions édictées par étapes par le législateur sont bien insuffisantes. Peut-être faut-il, pour dissuader ces nombreux fraudeurs au compte personnel de formation, frapper un grand coup et les condamner à une amende forfaitaire : tel est l'objet de mon amendement. Nous pourrions ainsi mettre fin avec plus d'efficacité à cette véritable nuisance qui peut même mettre en danger certaines personnes âgées qui, pour ne plus être importunées, préfèrent débrancher leur ligne téléphonique, ce qui peut leur être gravement préjudiciable.

Il est temps d'adresser un message fort aux harceleurs de tout poil, en l'espèce les harceleurs téléphoniques, pour rendre enfin leur tranquillité aux Français.

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Avis défavorable, pour deux raisons. Tout d'abord, la formulation retenue dans la proposition de loi est la même que celle utilisée dans la loi de 2020, qui a trait à l'ensemble des prospections commerciales ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux dans les logements – il s'agissait de MaPrimeRénov'. Il convient de respecter cette cohérence.

Ensuite, en prévoyant une amende forfaitaire – le montant de l'amende prévue dans le texte est, je le rappelle, de 375 000 euros, ce qui est très dissuasif –, vous privez l'autorité administrative de la possibilité d'exercer son discernement et d'user de son pouvoir d'appréciation. Or, de fait, les abus ou les fraudes ne sont pas de même nature : envoyer dix SMS, ce n'est pas la même chose que de vider le compte personnel de formation de cinquante personnes. La sanction doit être adaptée au type de fraude. Avis défavorable.

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Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Madame Ménard, cet amendement, par lequel vous proposez d'infliger une amende forfaitaire en cas de prospection commerciale des titulaires d'un compte personnel de formation dans les conditions prévues à l'article 1er , ne nous paraît pas adapté dans la mesure où l'instauration d'un montant maximal permet précisément d'ajuster le quantum de l'amende en fonction de la gravité et du caractère répété ou non des manquements constatés.

Il s'agit de garantir ainsi les principes de proportionnalité et de personnalisation des sanctions administratives. En outre, les modalités de sanction retenues dans la présente proposition de loi sont alignées sur celles prévues dans le code de la consommation en cas de manquement des professionnels à leurs obligations en matière de démarchage téléphonique et de prospection commerciale.

Dès lors, il serait incohérent de retenir, dans le cadre de la présente proposition de loi, un régime de sanction distinct de la règle générale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

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Mon intervention porte sur l'amendement n° 7 de Mme Batho. Celui-ci soulève une véritable question, que nous nous sommes nous-mêmes posée – et j'en profite pour saluer à nouveau notre ancienne collègue Catherine Fabre –, celle de l'efficacité du dispositif.

Nous estimons, quant à nous, après avoir auditionné de nombreuses personnes, que le système le plus efficace est celui d'une amende suffisamment élevée pour dissuader les sociétés qui se livrent à des fraudes au compte personnel de formation – et, auparavant, à d'autres dispositifs, MaPrimRénov' ou les panneaux solaires – de continuer. En l'espèce, je l'ai rappelé, le montant maximal prévu dans la proposition de loi est de 375 000 euros pour les personnes morales – des organismes faciles à tracer en France.

Ce dispositif devrait donc, je le répète, dissuader une grande partie des fraudeurs de continuer à agir du fait de la disparition de tout intérêt économique. Laissons passer un peu de temps. Nous sommes confiants : l'amende est suffisamment dissuasive pour que le système soit efficace, au point que nous pourrions décider de l'étendre à d'autres domaines dans un ou deux ans.

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Quelques remarques concernant les amendes. Dans la loi de 2020, nous avons porté le montant de l'amende à plus de 400 000 euros, contre 75 000 euros auparavant. Ainsi, les deux dernières amendes prononcées dans ce domaine ont été infligées, pour la première, à une entreprise de Vendée, pour un montant de 400 000 euros, et pour la seconde à une entreprise de Marseille, pour un montant de 375 000 euros. Or, dans le premier cas, l'autorité administrative a considéré que chaque appel constituait une infraction. Elle a ainsi fixé le montant de l'amende à 1 euro par appel, soit un total de 400 000 euros. Cependant, si l'on applique ce principe, le montant de l'amende pourrait être bien supérieur.

Vous proposez, madame Ménard, que l'amende soit forfaitaire. Mais si tel était le cas, le chiffre d'affaires de l'entreprise ne pourrait pas être pris en compte par l'autorité qui fixe le montant de l'amende, de sorte que celle-ci pourrait compromettre l'avenir d'une entreprise qui ne consacrerait pourtant qu'une partie de son activité au démarchage illégal.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 74

Nombre de suffrages exprimés 74

Majorité absolue 38

Pour l'adoption 73

Contre 1

L'article 1er , amendé, est adopté.

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L'article 2 tend à permettre à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), à France compétences, aux services de l'État chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et à ceux chargés des contrôles de la formation professionnelle d'échanger toute information utile à la prévention et à la détection des fraudes, à la réalisation des contrôles et aux sanctions à prendre en cas de manquement des titulaires de compte et des prestataires d'action concourant au développement des compétences aux conditions générales d'utilisation de Mon Compte Formation. Il doit également permettre à la cellule de renseignement financier Tracfin de transmettre des informations à la Caisse des dépôts et consignations et à l'Agence de services et de paiement (ASP).

L'article va dans le bon sens ; du reste, la procédure prévue devrait sans doute être étendue à d'autres domaines que celui du compte personnel de formation. Je défendrai, au nom du groupe LIOT, deux amendements que j'ai travaillés avec le Gouvernement afin que tout type de renseignement et de document puisse être contrôlé. Faisons confiance aux organismes de l'État.

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Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 3 et 17 , qui font l'objet du sous-amendement n° 19 .

La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 3 .

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L'amendement, qui est très simple, vise à permettre aux agents de la Caisse des dépôts et consignations d'obtenir de l'administration fiscale, en matière de compte personnel de formation, toutes les informations contenues dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). En effet, ces informations sont utiles pour opérer des contrôles pour la gestion des fonds publics confiés à la Caisse des dépôts et consignations par l'État dans le cadre de la plateforme Mon Compte Formation, ainsi que dans le cadre de la gestion pour le compte de l'État du reversement du solde de la taxe d'apprentissage.

Il permet aussi en matière de compte personnel de formation l'échange, spontané ou sur demande, de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées. Il s'agit de permettre aux agents de la CDC d'obtenir rapidement les éléments utiles à leurs missions de vérification du versement à bon droit et de détection de la fraude, et de prendre plus efficacement les mesures conservatoires utiles à un meilleur recouvrement des sommes indûment perçues.

Je profite de cette intervention pour féliciter Alexandre Holroyd qui a été élu président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et des consignations.

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Sur article 2, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l'amendement n° 17 .

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Dans la ligne de l'article 2, l'amendement vise à élargir la liste des acteurs institutionnels amenés à échanger des informations pour lutter efficacement contre la fraude au CPF, en permettant à la CDC d'établir des contacts avec les organismes financeurs et avec les organismes délivrant la certification Qualiopi. La CDC tissera ainsi un réseau d'informations.

Le but est de débusquer les fraudeurs qui ont déjà – je le rappelle – détourné plus de 43 millions d'euros des comptes CPF en 2021.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 19 et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques.

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Il me semble que M. Naegelen a défendu l'amendement n° 4 au lieu de l'amendement n° 3 , lesquels procèdent, il est vrai, de la même démarche, en visant à favoriser le travail en commun des acteurs.

J'émets un avis favorable sur les amendements identiques n° 3 et 17 , sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement rédactionnel n° 19. En effet, la rédaction actuelle de ces amendements revient sur des modifications rédactionnelles faites en commission, qu'il convient de conserver.

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Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques n° 3 et 17 , ainsi que sur le sous-amendement n° 19  ?

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Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Cet amendement vise à étendre la liste aux organismes délivrant la certification Qualiopi, aux ministères et organismes certificateurs au sens de la certification professionnelle, ainsi qu'aux services de l'inspection du travail chargés du contrôle illégal.

Il s'agit d'une disposition très importante car ces acteurs participent à la lutte contre les différents dispositifs de fraude. Nous avons pu constater au cours de la précédente législature, grâce à des rapports et à des enquêtes parlementaires réalisés sur les fraudes, à quel point le partage des données est un moyen de lutte essentiel, utile à la prévention comme à la détection des fraudes. Toute information qui sert ces objectifs est bienvenue. Il est donc opportun d'élargir la liste des organismes qui pourront échanger des données.

Face à l'augmentation des cas de fraude, la stratégie développée par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et par la Caisse des dépôts et des consignations consiste à se doter d'outils et de moyens pour anticiper ce risque et le réduire, mais surtout à sécuriser et améliorer le dispositif Mon Compte Formation, comme je l'ai souligné lors de la discussion générale. Il faut également sélectionner et contrôler davantage les organismes de formation et leurs catalogues en amont de leur publication sur la plateforme Mon Compte Formation. C'est cette stratégie d'ensemble qui nous permettra de resserrer les mailles et de mieux lutter contre les fraudes. Cette organisation et cet élargissement du partage des données sont souhaitables.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable au sous-amendement n° 19 et aux amendements n° 3 et 17 ainsi sous-amendés.

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Je souscris entièrement à ce qu'a déclaré M. le rapporteur. J'ai effectivement défendu l'amendement n° 4 au lieu de l'amendement n° 3 . Nous voterons évidemment le sous-amendement n° 19 .

Le sous-amendement n° 19 est adopté.

Les amendements identiques n° 3 et 17 , sous-amendés, sont adoptés.

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Les amendements identiques n° 4 de M. Christophe Naegelen et 16 de Mme Maud Petit, sont défendus.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Les amendements identiques n° 4 et 16 permettront aux agents de la Caisse des dépôts et des consignations d'obtenir de l'administration fiscale des informations contenues dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés. C'est une véritable avancée issue de travaux effectués par de nombreux parlementaires au cours de la précédente législature. Cette organisation de la communication entre organismes et services de l'État sert l'objectif de mieux détecter les fraudes et de lutter plus efficacement contre celles-ci, objectif que nous avions largement mis en avant sous la précédente législature, en déposant plusieurs amendements.

L'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques n° 4 et 16 est donc favorable.

Les amendements identiques n° 4 et 16 sont adoptés.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 65

Nombre de suffrages exprimés 65

Majorité absolue 33

Pour l'adoption 65

Contre 0

L'article 2, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 12 , portant article additionnel après l'article 2.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

L'amendement vise à préciser les pouvoirs de la Caisse des dépôts et consignations en matière de recouvrement forcé des sommes versées indûment à des organismes de formation ou à des titulaires de CPF.

Lors de la précédente législature, les parlementaires avaient élaboré des préconisations pour améliorer ce recouvrement. En effet, jusqu'à présent, la Caisse des dépôts et des consignations ne pouvait engager que des procédures de recouvrement amiable auprès des organismes de formation ou de titulaires de CPF. En cas d'échec de cette procédure, la Caisse des dépôts n'avait donc d'autre choix que de saisir la juridiction administrative afin d'obtenir un titre exécutoire, ce qui prend du temps. En effet, le délai pour obtenir une décision du juge administratif va de sept mois à deux ans selon le dossier, ce qui augmente le risque de non-recouvrement, car l'organisme de formation peut entre-temps organiser son insolvabilité.

De plus, cela engendre des dépenses importantes pour la procédure contentieuse auxquelles s'ajoutent des frais nécessaires relatifs à la mise en œuvre des mesures d'exécution.

L'amendement définit donc les modalités de recouvrement forcé autorisé par la Caisse des dépôts qui pourrait délivrer une contrainte contre les organismes de formation fraudeurs lorsqu'ils sont identifiés. Je tiens à préciser que d'autres opérateurs ont déjà la possibilité de le faire, comme Pôle emploi.

Pour les titulaires de CPF, le recouvrement de sommes indûment mobilisées, par exemple pour le versement de droits excessif serait appliqué par retenue sur les droits inscrits ou en faisant l'objet d'une inscription ultérieure sur le compte personnel de formation.

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Cet amendement est tout à fait fondé et il est attendu par de nombreux acteurs. Du reste, il corrigera une inégalité, car ceux qui sont dépossédés frauduleusement de leur compte personnel de formation ne peuvent plus l'utiliser. Comme l'a dit Mme la ministre déléguée, des mois ou des années sont nécessaires pour recouvrer les sommes. Enfin, cette disposition participe efficacement à la lutte contre la fraude, puisque le fraudeur sait qu'il ne peut plus jouer sur les délais administratifs ou sur les difficultés que les différents acteurs ont à travailler ensemble.

L'avis de la commission est donc favorable à cet amendement utile à la simplification et à l'efficacité.

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Je souhaite remercier le rapporteur et le Gouvernement pour le travail considérable qu'ils ont accompli. Comme l'a dit Mme Batho, la question est de savoir comment être efficace. Or l'ensemble du dispositif que nous instaurons répond à cette exigence. J'espère que dans un an ou dans dix-huit mois nous constaterons la disparition de la fraude, en tout cas de la fraude massive que nous connaissons actuellement.

Pour ce faire, nous devons trouver tous les interstices où nous glisser pour être efficaces. Ainsi, vous donnez les moyens à la CDC d'être immédiatement opérationnelle et de rétablir l'ordre.

Trouver le dispositif adéquat a été difficile, je le sais, mais cette proposition de loi, au-delà du CPF qui est l'objet actuel de nos débats, élabore un dispositif efficace que nous pourrons utiliser dans d'autres domaines pour la CDC et pour les organismes de l'État.

L'amendement n° 12 est adopté.

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Cet article, qui résulte de l'adoption d'un amendement déposé par les groupes Renaissance et Horizons et apparentés, renforce les modalités de contrôle du référencement de la plateforme Mon Compte Formation.

N'oublions pas que cette plateforme constitue l'interface entre le titulaire d'un compte et les organismes de formation auxquels il est susceptible de s'adresser afin de recourir à leurs services. Il s'agit en quelque sorte d'une vitrine qui doit refléter la qualité des formations proposées et celle du dispositif, mais également d'un espace où l'usager doit se sentir pleinement en confiance afin d'investir utilement les droits qu'il a acquis pendant son parcours professionnel.

Pour instaurer ce climat de confiance, il convient de ne pas laisser la moindre offre suspecte profiter d'une visibilité qu'elle ne devrait pas avoir. C'est la raison pour laquelle la mise en place d'un premier filtre par la Caisse des dépôts et consignations est essentielle. Ce contrôle des demandes et du référencement permettra d'emblée de faire le tri pour le plus grand bien des usagers et de prévenir tout risque de contentieux en aval. Des procédures longues et coûteuses seront ainsi évitées.

Face aux risques qu'un usage détourné du CPF fait peser sur les Français, nous soutenons cet article et toute mesure qui permettra de lutter efficacement contre les fraudeurs.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.

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La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement de précision rédactionnelle n° 11.

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Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Il tend à opérer un changement de référence. En l'état, la proposition de loi réfère à un article qui ne vise que les relations de la Caisse des dépôts avec les titulaires de compte sur des sujets précis : montant des droits inscrits, abondement, gratuité, information sur les formations éligibles, inscription aux formations.

Le changement de référence proposé dans l'amendement permet de viser plus largement les missions de gestionnaire du CPF assurées par la Caisse des dépôts, à la fois à l'égard des titulaires de compte et des organismes de formation. Les dispositions de l'article 3 concernant le référencement des organismes de formation, la nouvelle référence est plus cohérente.

L'amendement n° 11 , accepté par la commission, est adopté.

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Sur l'article 3, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement de précision rédactionnelle n° 10.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Il a pour objet de mentionner expressément les références des certifications nécessaires aux organismes et ministères certificateurs pour confirmer l'éligibilité des formations au CPF et au droit individuel à la formation des élus, comme c'était le cas dans la rédaction initiale du texte à laquelle propose de revenir cet amendement. La précision qu'il apporte garantit la bonne compréhension et la sécurisation de la disposition, et donc une meilleure lutte contre le phénomène de fraude.

L'amendement n° 10 , accepté par la commission, est adopté.

L'amendement n° 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement de précision rédactionnelle n° 14.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Il tend à préciser la nature des échanges d'information qui pourront être développés entre les services fiscaux, les services sociaux et la Caisse des dépôts pour vérifier l'éligibilité des organismes de formation au référencement sur la plateforme Mon Compte Formation. Cette disposition s'inscrit donc dans une démarche de simplification des relations administratives entre l'État et ses opérateurs.

Les modalités pratiques d'application de ces traitements seront définies par voie réglementaire, puisque le texte prévoit qu'un décret sera pris en Conseil d'État.

L'amendement n° 14 , accepté par la commission, est adopté.

L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Démocrate (MODEM et indépendants) d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je mets aux voix l'article 3.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 66

Nombre de suffrages exprimés 66

Majorité absolue 34

Pour l'adoption 66

Contre 0

L'article 3, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 13 rectifié , portant article additionnel après l'article 3.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Il est très important car il vise à encadrer le recours à la sous-traitance – et, je tiens à le souligner, non pas à l'interdire – pour protéger les usagers du CPF d'organismes frauduleux ou malveillants.

Aujourd'hui, les organismes de formation opérant en sous-traitance ne sont pas obligés d'être référencés sur la plateforme Mon Compte Formation, et donc d'en respecter les conditions générales d'utilisation. Or, si le recours à la sous-traitance est légal, celui-ci n'est pas régulé, et certains organismes de formation y font systématiquement appel, avec parfois des sous-traitances en cascade.

La Caisse des dépôts et consignations n'exerce aucun contrôle, aucune vérification, et ne dispose d'aucun moyen d'intervention. Le système actuel est opaque, et donc propice aux détournements et à la fraude.

La disposition que nous vous proposons d'adopter prévoit que les sous-traitants devront respecter les mêmes conditions d'honorabilité que celles exigées des donneurs d'ordres pour être référencés sur la plateforme Mon Compte Formation. En cas de manquement du sous-traitant, le donneur d'ordre pourra, après avoir été mis en demeure, être déréférencé.

Cette mesure a pour objectif d'assainir toute la chaîne, en rendant les organismes de formation transparents et responsables vis-à-vis de leurs sous-traitants, d'une part, en les déclarant à la CDC, d'autre part, en interdisant le portage Qualiopi que j'ai évoqué dans mon intervention liminaire.

Un décret pris en concertation avec les représentants du secteur de la formation professionnelle précisera les modalités d'application de la disposition.

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Favorable. Comme l'a souligné Mme la ministre déléguée, il s'agit d'un amendement très important. Sylvain Maillard l'a très bien exprimé : cette proposition de loi est un ensemble de dispositifs visant à limiter les possibilités de fraude à chaque étape du processus. Elle interdit tout d'abord tout démarchage et la collecte de données liés au CPF. Ensuite, elle permet aux différents acteurs publics de renforcer leur efficacité, leur homogénéité, leur dynamique et de raccourcir les procédures. Enfin, nous prévoyons des dispositions relatives à la sous-traitance, puisqu'il s'agit bien là d'une source de fraude possible.

Comme Mme la ministre déléguée l'a dit au début de l'examen du texte, une partie des acteurs certifiés sur la plateforme font appel à des sous-traitants qui ne disposent pas des mêmes certifications. Parfois même, certains louent ou vendent leur certification au profit d'opérateurs moins scrupuleux. En renforçant les sanctions en amont et en limitant la possibilité de proposer des formations dégradées – et donc d'augmenter ses marges – en aval, on limite l'intérêt des fraudeurs à dépenser de l'argent dans des campagnes de promotion. La question de la sous-traitance est donc essentielle.

Je rappelle simplement au Gouvernement qu'il sera nécessaire de bien se concerter avec la profession et d'être précis dans la rédaction du dispositif, car il ne s'agit pas d'empêcher toute sous-traitance, élément important du monde de la formation.

Le texte prévoit donc un ensemble de dispositifs qui devraient rapidement dissuader les fraudeurs de s'attaquer au CPF : les sanctions seront plus dures et les marges moins importantes, puisque les formations seront de meilleure qualité.

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La disposition proposée par le Gouvernement, qui vise à mieux encadrer et réguler le recours à la sous-traitance, va dans la bonne direction.

Plus généralement, on sait que les organismes de formation ont tendance à se regrouper pour répondre du mieux possible aux appels d'offres des régions en fonction de la qualification de leurs formateurs respectifs. La coopération entre les acteurs est connue. Néanmoins, ces dernières années, le statut de formateur s'est dégradé, et ce métier pourtant décisif s'est précarisé.

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Or la sous-traitance est l'un des vecteurs de cette précarisation. Votre proposition ne résoudra pas ce problème – ce n'est sans doute pas son objectif : il faudra donc que nous nous penchions sur le sujet.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

L'amendement n° 13 rectifié est adopté.

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Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

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Nous l'avons dit, 95 % de la population française possède aujourd'hui un téléphone mobile, et est donc exposée aux nuisances des démarcheurs, des harceleurs, des appels et SMS intempestifs. Les abus liés au CPF ne doivent plus faire partie du quotidien des Français ! Grâce à cette proposition de loi, les millions d'utilisateurs du CPF seront protégés contre des pratiques malveillantes. Les députés du groupe Horizons et apparentés se réjouissent du travail transpartisan approfondi mené sur ce sujet qui exaspère les Français et de l'unité de vue entre les différents groupes.

Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi qui permet de lutter efficacement contre des pratiques commerciales agressives et abusives.

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Je tiens à remercier vivement le rapporteur pour le travail qu'il a mené et pour avoir inscrit à l'ordre du jour ce texte qui fera date.

Je souhaite également rappeler notre fierté d'avoir soutenu, en 2018, la réforme du compte personnel de formation, qui a véritablement changé la donne. On parle toujours de ce qui ne fonctionne pas, mais le compte personnel de formation permet de donner à tous les salariés, à travers toute la France, la possibilité de choisir leur formation professionnelle – non seulement au regard du poste qu'ils occupent, mais également de ce qu'ils voudraient faire – alors que, jusqu'à présent, la formation professionnelle était réservée aux cadres des grandes entreprises. C'est bien cela que nous défendons depuis six ans.

Il était donc important que l'image noble que l'on veut donner du CPF ne soit pas polluée – pardon pour ce terme – par ceux qui cherchent à le détourner.

Nous espérons que les dispositifs que nous nous apprêtons à adopter feront date, comme le CPF et la réforme de l'apprentissage avant eux, et permettront de mettre hors d'état de nuire ceux qui veulent frauder massivement.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.

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Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi, parce qu'il est de notre devoir de lutter contre les dérives et le détournement du droit fondamental des actifs. Notre rôle est de les accompagner au mieux dans ce qu'ils souhaitent, tout au long de leur vie.

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Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, notre groupe votera également en faveur de ce texte.

Je voudrais rebondir sur le constat dressé par Pierre Dharréville : il existe encore beaucoup d'enjeux en matière de formation professionnelle des adultes. La précarité croissante des formateurs est liée aux effets induits de la monétisation et du développement du secteur privé à but lucratif, qui a connu une croissance exponentielle. Les difficultés que rencontrent les acteurs publics de la formation devront faire l'objet d'une attention constante du Gouvernement et de l'ensemble des bancs de l'Assemblée : nous y veillerons.

Si nous saluons l'adoption du texte, il reste de nombreux enjeux à relever en matière de formation.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.

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Je l'ai dit, nous voterons cette proposition de loi. Nous regrettons néanmoins l'occasion manquée – et nous espérons trouver un jour au sein de l'Assemblée une majorité d'idées, la plus large possible, en ce sens – d'interdire entièrement le démarchage téléphonique à vocation commerciale, lequel enquiquine les Français, à juste titre exaspérés. Au-delà de l'exemple du CPF, c'est leur droit à la tranquillité qu'il nous faut garantir.

M. Arthur Delaporte applaudit.

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Bien entendu, nous voterons la proposition de loi ; reste que je souhaite revenir sur les propos pas très sympathiques qu'a tenus le rapporteur à mon encontre, alors même que j'ai renoncé à soutenir mon second amendement et à m'exprimer en tant qu'inscrit sur l'article 3. Je trouve son attitude moyenne, d'autant qu'il aurait pu lui-même se montrer beaucoup plus concis au sujet du dernier amendement gouvernemental. Avant de faire des remarques aux autres, mieux vaut s'examiner soi-même ! Cela dit, je le répète, nous soutiendrons le texte, qui constitue une réelle avancée, quoique je partage l'opinion exprimée par certains collègues concernant la nécessité d'investir bien davantage dans la lutte contre le démarchage téléphonique. Cette chienlit touche tous nos concitoyens : encore une fois, il est nécessaire d'y affecter bien plus de moyens que jusqu'à présent.

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Je serai bref : nous voterons cette proposition de loi. J'insiste toutefois pour que vous songiez aux agents chargés des contrôles, à la charge de travail supplémentaire que ces mesures vont représenter pour eux, alors qu'ils sont déjà en sous-effectifs. Pensez aux agents ! Nous pourrions, lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, accroître les moyens qui leur sont alloués. Ces dispositions ne doivent pas rester un vœu pieux : les citoyens nous attendent au tournant et seraient cruellement déçus de ne pas constater les effets concrets du texte.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.

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Je confirme ce que je disais au début de l'examen du texte : nous voterons en faveur de ces mesures de bon aloi, même si vous essayez de traiter un simple symptôme d'un mal beaucoup plus profond, à savoir la marchandisation de la formation professionnelle, sur laquelle il conviendrait que l'Assemblée se penche rapidement à l'avenir. Comme je l'ai fait au cours de la discussion générale, j'insisterai en outre, après notre collègue Guiraud, sur la réalité des moyens qui seront déployés en vue de lutter contre la fraude et le démarchage téléphonique abusif. L'article 2 en particulier mériterait que son contenu ne demeure pas lettre morte, que l'on ne se contente pas de signifier aux agents de faire cela en plus du reste alors que, pour eux, les choses sont déjà compliquées.

Mme Caroline Fiat applaudit.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 73

Nombre de suffrages exprimés 73

Majorité absolue 37

Pour l'adoption 73

Contre 0

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Cette belle unanimité est à la hauteur de l'enjeu ; je vous remercie pour la qualité des débats, ainsi que pour votre approfondissement des amendements déposés. Encore merci à tous !

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Aude Luquet et de plusieurs de ses collègues relative à la charge fiscale de la pension alimentaire (209, 277).

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La parole est à Mme Aude Luquet, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

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Le temps nous étant désormais compté, je m'effacerai au profit d'une cause bien plus grande qu'un long discours, celle de l'intérêt de l'enfant. Je vous invite à faire de même et à soutenir unanimement cette proposition de loi.

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et SOC.

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Excellent ! Tant de choses en si peu de mots !

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.

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La voilà mise au défi : fera-t-elle plus court ?

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Cette première niche parlementaire de la législature se conclut par l'examen de la proposition de loi du groupe démocrate relative à la charge fiscale de la pension alimentaire. Avant toute chose, je tiens à saluer, madame la rapporteure, votre engagement en la matière, engagement que le Gouvernement partage. Comment pourrait-il en être autrement, étant donné la force des constats sur lesquels repose ce texte ? Depuis trente ans, le nombre de familles monoparentales n'a cessé d'augmenter ; ce cas de figure concerne aujourd'hui un quart des familles. Or, sans vouloir entrer dans le détail des raisons qui poussent les couples à se séparer, il faut savoir que ces foyers sont exposés à un risque accru de précarité : 41 % des enfants qui vivent avec un seul parent sont pauvres, contre 21 % de l'ensemble des enfants. Chose tout aussi préoccupante, cette évolution du modèle familial s'opère au détriment de l'égalité entre les femmes et les hommes : le parent isolé est une femme dans 80 % des cas.

L'accompagnement des familles monoparentales a donc constitué, sous l'impulsion du Président de la République, une priorité du précédent quinquennat. Il en est résulté des avancées majeures : augmentation de 30 % des aides à la garde individuelle d'enfant, développement des crèches à vocation d'insertion professionnelle et surtout sécurisation du revenu des mères isolées grâce au service public des pensions alimentaires – un progrès social considérable. Entre 30 % et 40 % de ces pensions demeurent en effet impayées, plongeant le parent isolé dans un stress et une angoisse quotidiens. En remédiant le plus vite possible à ce phénomène, et surtout en le prévenant grâce au rôle d'intermédiaire entre les parents que joue désormais la caisse d'allocations familiales (CAF), nous luttons contre cette injustice. Les premiers fruits de cette mesure sont déjà observables : au 31 août 2022, plus de 85 000 pensions étaient intermédiées, soit une progression de plus de 200 % en un an. À compter du 1er janvier 2023, cette systématisation sera étendue à tous les autres types de décisions de justice comportant la fixation d'une pension alimentaire, ainsi qu'aux divorces par consentement mutuel. Le service public des pensions alimentaires constitue une victoire pour les mères isolées, une victoire aussi pour les parlementaires qui, comme vous, madame la rapporteure, ont plébiscité cette réforme.

Cependant, notre ambition en matière de soutien aux familles monoparentales ne peut ni ne doit s'arrêter là. Au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, bientôt soumis à votre examen, figurent, conformément aux engagements du Président de la République, trois mesures essentielles à ce sujet. Tout d'abord, nous revalorisons de 50 % l'allocation de soutien familial (ASF) : les 800 000 familles monoparentales modestes qui en bénéficient gagneront ainsi près de 740 euros par an, lesquels s'ajoutent à l'augmentation anticipée de 4 % appliquée à l'ASF dès le mois de juillet – car vous l'avez adoptée cet été, avec le reste du paquet législatif consacré au pouvoir d'achat. Au total, cette mesure représentera un effort de 850 millions d'euros pour la branche famille de la sécurité sociale.

Ensuite, nous portons de 6 à 12 ans l'âge maximal des enfants permettant aux familles monoparentales de recevoir une aide financière pour les faire garder. Nous savons à quel point l'accès aux divers modes de garde détermine pour les parents – et surdétermine pour les parents isolés – l'accès à l'emploi, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, plus largement l'insertion économique et sociale. C'est là une mesure destinée aux classes moyennes.

Enfin, par le complément de mode de garde, nous réformons les aides dans le but de diminuer le reste à charge de toutes les familles qui confient leur enfant à un assistant maternel. Cette dernière mesure, elle aussi conçue pour les classes moyennes, entraînera un gain majeur : concrètement, une mère seule dont les revenus s'élèvent à 2 500 euros et qui recourt à la garde 200 heures par mois économisera ainsi 1 900 euros par an ! Au total, plus de 1,6 milliard d'euros par an s'ajouteront aux moyens des dispositifs existants en vue de réduire les situations de pauvreté, de répondre aux préoccupations plus que légitimes de ces familles, de leur adresser un message clair : quel que soit votre parcours familial, quels que soient les accidents de la vie, nous ne cesserons d'être à vos côtés.

Grâce à l'engagement des parlementaires, nous avons ces solutions et je dirai même plus : nous avons ces résultats. Pourtant, rien ne palliera jamais tout à fait le départ parfois brutal d'un parent, la tristesse de celui qui reste, démuni face à la baisse des revenus du foyer, angoissé par les difficultés financières. Nous avons tous en tête des cas survenus dans notre entourage, notre famille, voire notre propre histoire. Ce que nous faisons ne sera probablement ni suffisant ni parfait : aucune mesure budgétaire ou fiscale ne peut rétablir le lien familial ni remédier à la douleur de tels moments.

J'en viens, madame la rapporteure, à votre proposition de loi, laquelle vise spécifiquement à donner davantage de solutions aux classes moyennes. Il faut reconnaître qu'intuitivement, elle paraît frappée au coin du bon sens. Vous proposez en effet d'inverser la logique actuelle, en vertu de laquelle le parent qui n'a pas la garde des enfants peut déduire de son revenu imposable la pension alimentaire qu'il verse à l'autre, lequel doit au contraire déclarer cette pension, en tant que revenu, à l'administration fiscale. Toutefois, vous êtes convenue en commission qu'il existait un premier écueil : imposer les parents qui versent une pension pourrait faire que des contribuables modestes deviennent imposables ou soient assujettis à un taux plus élevé. Je salue votre esprit constructif, madame la rapporteure, car vous êtes revenue sur cette disposition : dans la conjoncture actuelle, il est en effet difficile d'envisager de telles hausses d'impôts.

Reste la question des parents ayant la charge des enfants et donc bénéficiaires de la pension. Vous proposiez initialement que celle-ci soit défiscalisée, solution dont n'auraient pas particulièrement bénéficié les classes moyennes, mais plutôt les plus aisés, c'est-à-dire à ceux qui paient le plus d'impôts et touchent les pensions les plus importantes. Là encore, madame la rapporteure, vous vous êtes montrée constructive en proposant à la commission une solution de repli : maintenir l'imposition des pensions pour le parent créancier, mais en lui donnant la possibilité de déduire ce montant de son revenu fiscal de référence (RFR).

Malheureusement, si votre objectif – augmenter le pouvoir d'achat des familles monoparentales appartenant à la classe moyenne – est juste et bon, l'instrument que vous avez choisi ne peut fonctionner, en dépit du bien-fondé de votre approche. Cette mesure ouvrirait une sérieuse brèche dans le calcul du RFR, dont aucun revenu imposable n'est actuellement soustrait. Or, comme son nom l'indique, il sert de référence pour apprécier l'éligibilité à un nombre considérable d'aides et de dispositifs. En matière fiscale, sont assis sur le RFR la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, les exonérations de taxe foncière, l'exonération d'impôts des intérêts des livrets d'épargne populaire, les taux réduits de prélèvements sociaux ou encore le prêt à taux zéro. En matière non fiscale, dépendent du RFR le chèque énergie, les subventions de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'attribution des logements sociaux et des bourses, les aides financières pour la compensation du handicap, les chèques vacances, les tarifs des cantines et crèches. Il entre même dans le calcul du potentiel fiscal des communes, dont dépend la dotation globale de fonctionnement ! Les effets indésirables seraient donc incalculables. Il ne s'agit pas de s'attacher à la stabilité du RFR pour le plaisir juridique d'avoir un code des impôts en ordre : la modification de sa structure aurait des conséquences telles que les plus fins limiers de Bercy auraient les pires difficultés à la calculer étant donné le nombre et la variété des dispositifs concernés.

Pour établir un parallèle, la sortie des pensions alimentaires de la base ressources de l'ensemble des prestations sociales, qui présenterait les mêmes difficultés de principe, se traduirait par un coût de 1,3 milliard d'euros pour les finances publiques, dont 500 millions d'euros pour les départements. Ce qui est certain, c'est que cela reviendrait à créer des situations inéquitables : ainsi, à charges de foyer égales, des parents isolés percevraient un chèque énergie d'un montant plus élevé s'ils touchent une pension alimentaire que s'ils n'en touchent pas.

Madame la rapporteure, je sais que cette question vous touche et je sais combien vous souhaitez obtenir des avancées pour les centaines de milliers de mères qui assument seules la charge de leurs enfants. Au nom du Gouvernement et de mes collègues Gabriel Attal et Jean-Christophe Combe, je tiens à vous assurer de notre volonté de continuer à travailler pour améliorer les propositions qui sont faites. Si l'avis du Gouvernement est défavorable sur ce texte, son soutien aux familles monoparentales est et restera – permettez-moi de le rappeler – une priorité absolue.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Pascal Lecamp.

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Je vais suivre l'exemple de notre collègue rapporteure : alors que j'avais préparé sept pages, je vais essayer de ne pas dépasser trente secondes. Cette proposition de loi porte sur un sujet unique et essentiel, l'intérêt de l'enfant en cas de séparation des parents. Notre collègue n'a rien inventé : plutôt que d'imposer le parent ou l'ex-conjoint qui perçoit l'argent, les démocraties les plus avancées autour de nous en Europe – comme les pays scandinaves, que je connais bien, et l'Allemagne – versent les sommes aux enfants, si bien qu'elles ne sont pas imposables. Il y a sans doute, dans ces exemples, des pistes à explorer. En excluant la pension alimentaire du revenu fiscal de référence, comme le dit Mme la ministre déléguée, le texte permettra l'accès de toutes les familles concernées, en particulier des 97 % qui sont composées de femmes seules avec enfants, à des prestations sociales dont, sinon, elles auraient été exclues. Je vous remercie donc, chers collègues, et je salue surtout le travail de notre collègue Aude Luquet. Au nom du groupe Modem, j'appelle à voter ce texte et j'espère que les autres groupes en feront autant.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

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Je serai moi-même très bref. Le temps nous est compté en effet et nous devons impérativement, chers collègues, adopter cette proposition de loi qui donne une visibilité à des invisibles : les femmes seules qui représentent 83 % des familles monoparentales et 25 % des parents en France, mais dont on ne parle jamais dans les médias télévisés et auxquelles nous consacrons finalement très peu de nos débats. Nous avons vu ces parents, le plus souvent des femmes, clamer leur détresse et leurs difficultés sur les ronds-points occupés par les gilets jaunes. Aujourd'hui, 97 % des pensions sont versées du père à la mère et leur fiscalisation est une injustice incomprise du corps social qui demande, de façon écrasante, sa suppression. Le groupe Socialistes et apparentés soutient cette défiscalisation. Néanmoins, celle-ci n'ayant pu être maintenue dans le texte en raison de l'opposition du Gouvernement – sans doute plus particulièrement du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique –, il se range à la position de compromis proposée par Mme la rapporteure, qui vise à exclure du revenu fiscal de référence la pension alimentaire pour le bénéfice des prestations sociales. Notre groupe votera donc avec enthousiasme cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

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Nous examinons la proposition de loi relative à la charge fiscale de la pension alimentaire, présentée par notre collègue du groupe Modem. Permettez-moi tout d'abord de remercier la rapporteure de cette initiative, puisqu'un sujet primordial est ainsi mis à l'ordre du jour : la situation financière du parent ayant à sa charge l'entretien et l'éducation de l'enfant, en cas de divorce ou de séparation, et percevant donc une pension alimentaire. Peu importe qu'il s'agisse d'un papa ou d'une maman, certains parents se retrouvent dans des situations financières précaires.

Le groupe Horizons et apparentés a souligné en commission les limites du texte, en particulier le recours à l'outil fiscal qui ne nous semble pas le plus adapté pour réduire les inégalités et soutenir un parent en situation financière fragile après une séparation. En effet, en fiscalisant les sommes versées et en cumulant défiscalisation des sommes perçues et bénéfice de parts fiscales, comme le texte le prévoyait initialement, le mécanisme proposé soulèverait une difficulté d'ordre juridique. D'autre part la grande majorité des contribuables percevant une pension alimentaire ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu. La défiscalisation de la pension alimentaire reçue concernerait donc les contribuables qui en ont le moins besoin et le dispositif juridique raterait sa cible principale, les parents isolés les plus précaires.

Le texte a été substantiellement modifié en commission par l'adoption d'un amendement de la rapporteure. L'article 2, concernant la défiscalisation de la pension versée, a été supprimé, et l'article 1er a été profondément remodelé : il prévoit que le parent percevant la pension alimentaire continue à être fiscalisé sur celle-ci, mais qu'il ait la possibilité de la retrancher de son revenu fiscal de référence. Or le RFR a précisément pour but de prendre en compte l'ensemble des revenus d'un foyer fiscal. Le fait d'en extraire la pension alimentaire pourrait créer un précédent dangereux. En effet, pourquoi en exclure cette pension et pas une autre ? En faisant cela, nous remettrions en question le principe même du revenu fiscal de référence, ce qui pourrait aboutir à des situations de forte inégalité dans l'accès aux prestations sociales et aux avantages fiscaux liés au RFR.

Malgré tout, au-delà de ces dispositifs fiscaux, nous comprenons bien évidemment la volonté politique de la rapporteure : mieux soutenir les parents isolés les plus précaires ayant les enfants à charge. Nous partageons pleinement cet objectif politique mais, j'y insiste, le dispositif ici présenté, concentré sur l'outil fiscal, ne nous semble pas être le plus adapté pour répondre à cet enjeu. La proposition de loi ne comprend finalement, comparativement au droit en vigueur, que la déduction des pensions reçues du revenu fiscal de référence. Elle ne modifierait donc le droit qu'à la marge. Face aux doutes sur son efficacité, et compte tenu des risques qu'elle comporte pour le fonctionnement du modèle fiscal, le groupe Horizons et apparentés s'abstiendra.

Avant de conclure, je tiens néanmoins, au nom de mon groupe, à saluer la réflexion et le travail de la rapporteure. Son initiative a permis de remettre au cœur de nos discussions la question du partage des charges et de la participation effective à l'entretien et à l'éducation des enfants en cas de divorce ou de séparation. Nous connaissons tous des parents isolés dont la situation financière est précaire. Nous nous devons de les accompagner au mieux. Il y a indéniablement une réflexion à nourrir pour améliorer efficacement la condition des parents isolés.

Mme Lise Magnier applaudit.

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L'intervention que j'avais prévue tient en trois pages mais compte tenu du temps qu'il nous reste je m'efforcerai, comme nos collègues, d'être plus brève. La présente proposition de loi vise à réviser le mécanisme de fiscalisation de la pension alimentaire, en revenant sur un système qui favorise le parent n'ayant pas la garde de l'enfant et désavantage celui qui en assure l'entretien chaque jour. Tel qu'il se présente aujourd'hui, le système de fiscalisation renforce les inégalités entre les hommes et les femmes. Aussi, je tiens à saluer, au nom de du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, la proposition de loi de notre collègue Aude Luquet, qui suscite une réflexion nécessaire sur la politique fiscale de la famille. Je regrette cependant que les débats en commission aient détricoté le texte au profit d'une avancée minimale, la déduction du montant de la pension alimentaire pour solliciter les prestations sociales.

C'est parce que notre groupe soutient le dispositif plus ambitieux proposé par nos collègues, en faveur d'une fiscalisation plus juste des pensions alimentaires, que j'ai déposé plusieurs amendements visant à rétablir en séance la version initiale du texte tout en supprimant les plafonds qui désavantageraient le parent ayant la garde de l'enfant. Nous sommes conscients que cette proposition de loi ne résoudra pas toutes les difficultés auxquelles les mères sont confrontées. Néanmoins, l'inversion du processus de fiscalisation permet de revenir sur un système inégalitaire.

Ce débat met une nouvelle fois en lumière les conséquences concrètes de l'emprise sur la société de schémas patriarcaux dépassés mais bien vivaces. C'est pourquoi nous défendons l'égalité salariale, un congé de paternité égal à celui des femmes et la fin du temps partiel subi qui contraint les femmes à se renfermer sur leur foyer. Le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES est favorable au texte proposé et espère que la discussion que nous allons avoir permettra de le renforcer, tout en restant centrés sur l'intérêt de l'enfant.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, Dem et LFI – NUPES.

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Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires tient à rappeler son engagement en faveur du pouvoir d'achat des familles, en particulier des plus modestes. En cas de séparation, les familles monoparentales, le plus souvent des femmes avec enfant, sont placées dans une situation complexe, notamment sur le plan financier. Cependant, nous tenons à rappeler que le législateur doit intervenir avec prudence et après concertation avant de bouleverser les avantages fiscaux prévus par la loi. Or cette proposition de loi semble avoir été rédigée dans l'urgence. Le texte initial avait conduit plusieurs membres de notre groupe à s'interroger sur le risque de rupture brutale de l'équilibre fiscal fragile qui caractérise la pension versée pour l'entretien d'un enfant. Par la suite, en commission, la portée du texte a été grandement limitée. Le compromis trouvé est modeste, même s'il va dans le bon sens. Ce faisant, il ne permettra pas d'apporter une réponse à la hauteur des enjeux.

Notre groupe tient à insister en conséquence sur trois points. Premièrement, il est essentiel de rappeler que le dispositif actuel, même s'il comporte des faiblesses, repose sur la volonté d'assurer un juste équilibre entre les parents dans les cas de garde exclusive. Aujourd'hui, lorsqu'une pension est versée pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, chaque parent bénéficie d'un avantage fiscal. En ce sens, la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, comportait de larges failles. Le dispositif prévoyait notamment de mettre fin à la déductibilité pour le parent débiteur – le plus souvent le père – du montant de la pension versée, dans le seul but d'éviter de faire peser le coût de la réforme sur les recettes de l'État. Priver l'un des parents d'un avantage fiscal légitime pour renforcer l'avantage fiscal de l'autre parent nous paraissait très malavisé. En outre, la rédaction de l'article conduisait à des effets de seuils particulièrement élevés, avec le risque de favoriser les pères les plus aisés. Notre groupe salue donc le recul de la rapporteure sur ce point.

Deuxièmement, le dispositif tel que modifié par la commission va dans le bon sens. Il répond à une logique que nous soutenons, en accordant un régime de faveur tout en ciblant ses effets. Dans un contexte budgétaire contraint, chaque aide doit être élaborée de manière calibrée. La solution est un compromis et, si celui-ci est modeste, il a le mérite d'éviter les effets de seuil ou les effets d'aubaine. Concrètement, la déduction de la pension du revenu fiscal de référence permettra aux parents, notamment aux mères, de bénéficier de certains avantages fiscaux et sociaux dont ils auraient pu être privés en raison de la prise en compte de cette pension. En effet, le revenu fiscal de référence est utilisé comme socle pour de nombreux avantages sociaux, notamment les bourses, le chèque énergie ou encore la tarification de certains services publics. Notre groupe est favorable à cette avancée mais il aurait aimé obtenir des éclaircissements du Gouvernement ou de la rapporteure concernant le nombre de ses bénéficiaires potentiels.

Enfin, au-delà de ce que propose le texte, notre groupe reconnaît la nécessité de faire évoluer le dispositif actuel afin de prendre en compte les difficultés auxquelles peuvent être exposés les parents, qu'ils soient débiteurs ou bénéficiaires d'une pension. Plusieurs députés de mon groupe avaient soutenu la proposition de loi visant à harmoniser le régime fiscal des pensions alimentaires versées en cas de garde d'enfants, déposée par Christophe Naegelen lors de la précédente législature. Cette proposition de loi, qui visait les cas de garde alternée, contribuait à renforcer équitablement l'avantage fiscal pour les deux parents. Reformulée sous forme d'amendement par notre collègue, j'espère qu'elle viendra renforcer le texte.

En effet, toute réforme devrait s'inscrire dans cette logique afin de maintenir un juste équilibre.

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) en août, certains députés de notre groupe ont proposé de renforcer l'avantage fiscal procuré par le quotient familial afin d'aider les familles face à l'inflation ; ils déposeront à nouveau ces amendements.

En somme, le dispositif rénové en commission nous paraît aller dans le bon sens, même s'il doit encore être évalué et précisé avec des données chiffrées. En conséquence, certains membres du groupe LIOT voteront le texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Dem et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.

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La proposition de loi que nous examinons dresse un constat sans appel : le niveau de vie des femmes baisse davantage que celui des hommes en cas de séparation, et c'est à elles que revient le plus souvent la garde de l'enfant.

Ces familles monoparentales, la majorité présidentielle les soutient. Je souhaite donc remercier la rapporteure Aude Luquet pour son investissement sur un sujet ô combien préoccupant et quotidien pour des millions de Français – et surtout de Françaises –, que la présidente du groupe Renaissance a soulevé dès l'examen du PLFR en juillet. Oui, l'accompagnement des familles est une priorité du Gouvernement et de la majorité présidentielle. Rappelons par exemple qu'ont récemment été annoncés la revalorisation de 50 % de l'allocation de soutien familial, qui passe de 123 à 185 euros, et l'allongement du complément de libre choix du mode de garde, l'âge limite passant de 6 à 12 ans.

Revenons-en à la proposition de loi : le groupe Renaissance est favorable à son principal objectif, qui consiste à mieux accompagner les foyers percevant les pensions alimentaires, principalement des femmes dont le niveau de vie diminue fortement à la suite d'une séparation.

Je note que deux amendements du groupe GDR visent à rétablir le texte présenté en commission, dont l'application aurait pourtant présenté plusieurs limites puisqu'il aurait eu pour effets parallèles de fragiliser des personnes en situation déjà précaire, à savoir les premiers déciles des parents verseurs de pensions alimentaires, et de faire des foyers aux revenus les plus élevés les principaux gagnants parmi les receveurs – ce qui est absurde eu égard à l'objectif recherché. Dans la version initiale du texte, les verseurs les plus précaires perdaient 311 euros en moyenne ; le grand gagnant n'était pas le receveur mais bien l'État, qui aurait récolté 440 millions d'euros.

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Ce qui me gêne, c'est que l'objectif du texte est d'accompagner les femmes en difficulté tandis que le vôtre, au Rassemblement national, semble être de remplir les caisses.

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Vous vous égarez… On a bien compris que le problème, pour vous, c'est la part fiscale !

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Le texte amendé par la commission des finances propose un système qui, en apparence, pourrait sembler plus juste mais dont nous ignorons tout de l'impact, en l'absence d'une étude spécifique réalisée par un organisme de référence. Qui serait touché ? Dans quelle mesure ? Autant de questions sans réponse.

Plus généralement, déduire la pension alimentaire du revenu fiscal de référence créerait une rupture d'égalité inédite. Ainsi, il serait incompréhensible que des parents isolés perçoivent un chèque énergie d'un montant supérieur s'ils perçoivent une pension alimentaire et inférieur s'ils n'en perçoivent pas.

Au vu de ces éléments, le groupe Renaissance ne prendra pas part en vote. Je partage certes l'objectif de cette proposition de loi mais je m'interroge sur sa portée. Elle vise un problème, celui de la différence de niveau de vie induite par la garde d'un enfant à la suite d'une séparation, sans répondre à sa cause.

L'égalité économique doit être une conséquence de l'égalité sociale. L'égalité que nous recherchons doit se trouver en amont ; elle doit offrir un système de possibilités équivalentes pour les femmes et pour les hommes. L'égalité que nous recherchons doit se trouver dans le quotidien, notamment celui du couple. L'égalité dans le couple, c'est, bien entendu, une répartition plus juste des différents temps quotidiens : travail professionnel, tâches ménagères, temps passé avec les enfants… Mais l'égalité dans le couple doit perdurer après une séparation : c'est assurer le partage le plus équitable possible de la garde des enfants.

Oui, cette proposition de loi met en relief les limites de notre système de pension alimentaire, qui n'est pas conçu pour assurer une égalité économique efficiente ; nous devons aller plus loin. Le groupe Dem, dont je salue le travail et la constance sur ce sujet, avait déposé une proposition en 2017, défendue par notre collègue Philippe Latombe,…

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…qui visait à repenser le principe de la garde alternée des enfants. Nous devons nous en saisir, madame la rapporteure, et la réinscrire à l'ordre du jour. Je m'y engage !

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.

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Bravo d'avance pour son bel esprit de synthèse !

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Je tâcherai de faire au plus vite mais ce texte mérite tout de même qu'on prenne quelques minutes pour l'examiner.

Murmures.

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Le Gouvernement et le groupe Renaissance nous font croire qu'ils défendent l'intérêt de l'enfant mais, depuis le début du débat, vous cherchez à gagner du temps afin que ce texte soit retoqué ;…

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…cela ne me semble pas être du niveau d'un gouvernement.

Quant au groupe Rassemblement national, il votera naturellement pour la proposition de loi car elle va dans le bon sens. Nous sommes favorables à toute augmentation du pouvoir d'achat des Français, en l'occurrence des personnes qui ont seules la charge de la garde d'enfants. Nous regrettons cependant le caractère sexiste de ce texte, qui vise à faire croire que ce sont toujours les hommes… pardon, que ce sont toujours les femmes…

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Alors, les hommes ou les femmes ? La Russie ou l'Ukraine ?

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…et que les hommes ne seraient bons qu'à abandonner leurs enfants, à l'éducation desquels ils ne prendraient pas part.

Nous souhaitons également vous mettre en garde : n'ayant plus le bénéfice de la défiscalisation, certains parents pourraient être tentés de ne plus verser la pension – ce qui irait complètement à l'encontre de l'objectif même du texte. Là est en effet le problème qu'il faut combattre : la législation permet certes d'ajuster les mesures fiscales mais la principale difficulté tient au versement de la pension alimentaire en tant que tel. Le cadre législatif en vigueur permet déjà d'effectuer une saisie sur le versement d'aides sociales par la caisse d'allocations familiales ou sur le salaire par l'employeur, mais le temps administratif est très long. Du fait du manque de personnel dans ces services, en particulier dans les zones rurales, l'exécution des mesures peut prendre plusieurs mois. Or cette période coïncide souvent avec celle, après la séparation, où le parent ayant la garde de l'enfant rencontre les difficultés les plus importantes.

De même, les procédures judiciaires sont longues et compliquées, en raison de la multiplication des procédures de divorce mais aussi de l'engorgement des tribunaux, qui sont eux aussi dans un état de délabrement avancé par manque de juges et de personnel judiciaire – là encore, surtout dans les zones rurales. Sur ce sujet, nous attendons les mesures de M. Dupond-Moretti, mais nous n'avons aucune nouvelle.

En conclusion, le groupe Rassemblement national est favorable à l'article 1er visant à défiscaliser la pension alimentaire perçue, mais nous sommes opposés à l'interdiction de la déductibilité de son versement, prévue dans la version initiale de la proposition, car cela n'aboutirait qu'à accentuer les difficultés et risquerait d'augmenter le nombre de pensions alimentaires non versées.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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J'irai à mon tour très vite afin de rattraper le temps perdu en traînant, sans doute volontairement dans le but de ne pas parvenir au terme du débat. Les députés du groupe LFI – NUPES soutiendront le texte et proposeront des amendements pour remédier à certaines difficultés. En commission, on a entendu dire que la mesure « coûte trop cher ». Certes, ça coûte cher, mais finalement pas tant que ça par rapport à tous les cadeaux que vous offrez régulièrement dans cet hémicycle aux grandes entreprises, en supprimant par exemple les impôts de production. Nous proposons quant à nous des solutions alternatives de financement ; l'un de nos amendements vise par exemple à fiscaliser les pensions supérieures à 330 euros selon le barème du ministère de la justice.

Je n'irai pas plus loin, quoique ce soit bien frustrant tant nous avions de choses à dire. Place au débat !

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Dem, SOC, GDR – NUPES et LIOT.

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Je vous avoue mon malaise face à cette situation. Je ferai vite mais j'ai tout de même plusieurs remarques à formuler. On a un peu l'impression d'être pris en otage, avec des conséquences que nous ne maîtrisons guère.

La situation est loin d'être amusante : en France, 46 % des mariages se terminent par un divorce, et ces drames de la vie ont souvent des répercussions très concrètes sur la situation financière du parent qui a la garde de l'enfant – et entraînent, in fine, un préjudice pour l'enfant lui-même.

Par cette proposition de loi, madame la rapporteure, vous avez souhaité modifier – selon vos propres mots – le régime fiscal en vigueur dans l'intérêt de l'enfant, pour que la perte de niveau de vie de l'un de ses parents n'affecte pas le sien. L'intention est louable, naturellement, mais malgré les bonnes intentions qui l'inspirent, cette proposition de loi a été accueillie en commission avec quelque retenue – pour dire le moins. Or certains arguments m'ont alertée.

De l'avis de certains collègues, le levier fiscal est une fausse bonne idée en faveur des familles destinataires de la pension alimentaire, tout d'abord parce qu'il risque d'aggraver le phénomène de non-versement des pensions, déjà trop répandu, mais aussi parce que si le revenu majoré par la pension alimentaire n'est pas fiscalisé, le juge aux affaires familiales, lorsqu'il prononce le montant de la pension, pourrait décider de tenir compte de cet avantage fiscal et, in fine, minorer la pension, ce qui n'est évidemment pas le but recherché.

À l'évidence, cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes, notamment celui du non-versement des pensions : à l'heure actuelle, 30 % des pensions sont impayées ou versées irrégulièrement.

Je ne reviendrai pas sur la longue liste à la Prévert, dressée par la ministre déléguée, des lacunes possibles du texte. Je vous avoue néanmoins n'avoir aucune connaissance des effets secondaires que Bercy semble avoir identifiés. C'est très problématique car on nous demande de nous prononcer sur un texte dont nous ignorons les conséquences financières chiffrées pour les familles qui les subiront du fait de notre vote. Cela me met très mal à l'aise. Je suis donc impatiente d'aborder les débats car je souhaite obtenir des informations et des explications sur ces conséquences financières. N'oublions pas que ce sont les enfants qui en pâtiront.

M. Paul Molac applaudit.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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Avocate spécialiste du droit de la famille depuis plus de trente ans, je connais très bien la question des pensions alimentaires et en tant que députés, nous avons tous dans nos circonscriptions de nombreux exemples de personnes qui, bien qu'elles perçoivent une pension alimentaire, ne s'en sortent pas. Pour une grande majorité, les bénéficiaires des pensions alimentaires sont des femmes mais il y a aussi des hommes. En réalité, peu importe, la question n'est pas là.

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Que voulons-nous ? Aider ces personnes fragiles, leur permettre de s'en sortir alors qu'elles vivent dans un climat familial pour le moins complexe, je peux en témoigner. Environ 30 % des familles percevant une pension alimentaire sont victimes d'impayés. Or la pension alimentaire, qui est un droit, constitue un enjeu économique majeur pour les familles les plus fragiles, en particulier les familles monoparentales pour lesquelles elle représente en moyenne 18 % des ressources. Son paiement, décisif pour prévenir la précarité, est le plus souvent source de tensions entre les parents, tensions qui ne manquent pas de rejaillir sur les enfants et d'accentuer chez eux les conflits de loyauté.

Sous la précédente législature, la majorité a voté, je vous le rappelle, la mise en place d'un service public de pensions alimentaires dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Désormais, les pensions alimentaires fixées par un jugement sont versées et recouvrées par l'intermédiaire de l'Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (Aripa). Toutefois, les deux parents peuvent s'opposer à l'intermédiation de cet organisme dépendant de la caisse d'allocations familiales (CAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Cette action en faveur du versement des pensions alimentaires, nous devons la faire perdurer et la valoriser.

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Exclure les pensions alimentaires du revenu fiscal de référence n'apparaît pas être la solution.

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L'amendement n° 1 de Mme Soumya Bourouaha est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Le cumul de la majoration du quotient familial et de l'exonération de la pension alimentaire serait un avantage indu par rapport au parent devant payer la pension alimentaire. Une telle mesure, soyons clairs, créerait une rupture d'égalité devant l'impôt. Elle se prêterait à des fraudes puisque la pension alimentaire serait à la fois déduite par le verseur et exonérée par le bénéficiaire. De très importants montants seraient donc susceptibles, dans ce cadre, d'être abusivement soustraits à l'impôt. En outre, l'avantage serait d'autant plus grand que le niveau de revenu est élevé, ce qui ne me semble pas souhaitable. Pour ces raisons précises, j'émets un avis défavorable.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

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Nous en venons à des amendements visant à rétablir l'article 2, supprimé par la commission. Les amendements n° 2 de Mme Soumya Bourouaha et 4 de Mme Marianne Maximi, pouvant faire l'objet d'une discussion commune, sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

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Avis défavorable. Nous pourrons revenir sur cette question à l'occasion d'amendements déposés dans le cadre du projet de loi de finances.

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Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

Supprimer pour le débiteur la possibilité de déduire la pension alimentaire qu'il verse, c'est s'exposer assurément à une censure du Conseil constitutionnel. Malgré les plafonds fixés, le texte initial de la proposition de loi créait huit fois plus de perdants que de gagnants, les perdants disposant de revenus moins élevés que les gagnants. Dans cette version, la hausse d'impôts représentait, au bas mot, 516 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle elle a été retravaillée.

Quant à la mesure suggérée dans les présents amendements, elle aboutirait à des hausses d'impôts encore plus importantes. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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Pour deux foyers touchant 18 000 euros par an, la mesure proposée n'apporterait pas un euro de plus au créancier et coûterait 437 euros par mois au débiteur. Ces amendements n'aident pas les familles en difficulté, en particulier les familles monoparentales ; ils permettent simplement à l'État de rembourser un peu de sa dette.

Les amendements n° 2 et 4 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 3 de M. Christophe Naegelen est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

En cas de garde alternée, l'enfant est à la charge commune des deux parents. Ceux-ci partagent alors le quotient familial : leur situation fiscale reflète pleinement la répartition des charges de la famille. Ce qui est proposé dans l'amendement n° 3 serait plus favorable à celui qui verse la pension : il pourrait déduire celle-ci tout en bénéficiant du quotient familial alors qu'elle resterait imposable pour son conjoint. C'est l'exact opposé de ce que vise la proposition de loi.

M. Naegelen a déposé une proposition de loi portant spécifiquement sur ce sujet, distinct de celui qui est au cœur du texte que nous examinons. Elle nous permettra d'avoir un débat plus en profondeur. En attendant, je demande le retrait de l'amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

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La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l'amendement n° 6 .

Les amendements n° 6 et 5 sont retirés.

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Comme les députés du groupe Les Républicains ne se sont pas exprimés, j'aimerais donner leur position.

En premier lieu, madame la rapporteure, je tiens à saluer votre travail. Nous partageons votre préoccupation car nous constatons tous autour de nous des inégalités économiques entre hommes et femmes, qui produisent les situations que vous avez été amenée à décrire.

La paupérisation des personnes divorcées avec des enfants à charge, qui touche principalement les femmes, est un problème qui se pose encore et que les diverses politiques publiques n'ont jamais réussi à résoudre. Vous avez renoncé à votre volonté initiale d'exonérer de l'impôt sur le revenu la pension alimentaire perçue par le bénéficiaire et de mettre fin pour le débiteur à la déductibilité de la pension dans le calcul de son impôt sur le revenu.

Vous utilisez aujourd'hui un outil, le revenu fiscal de référence, qui prend en compte l'ensemble des revenus perçus au sein d'un foyer fiscal et des éléments particuliers de déduction. L'impact du RFR est important car il sert au calcul de diverses aides et prestations. J'estime donc qu'il faut le manier avec prudence car sa prise en compte peut conduire à de grandes injustices ou inégalités.

Nous pensons qu'il faut apporter une réponse à la paupérisation des personnes élevant seules des enfants et de manière générale des personnes en difficultés. Toutefois, nous considérons qu'utiliser cet outil fiscal n'est pas une bonne solution. Nous craignons même que cela ne conduise les juges aux affaires familiales et les magistrats en général à modifier leur appréciation du montant de la pension alimentaire.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.

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Bien évidemment, nous soutenons ce texte et le combat que vous menez, madame la rapporteure.

Je voulais simplement citer le code civil, qui est souvent l'épine dorsale de nos réflexions : « Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. » Cette proposition en traduit l'esprit en considérant qu'une pension alimentaire n'est pas un revenu et en retenant la solution raisonnable du revenu fiscal de référence, qui prend en compte les contraintes existantes.

Il ne faut pas raisonner en permanence avec une calculette dans la tête. Cette proposition de loi nous donne une belle leçon ce soir et je tiens à remercier Mme la rapporteure.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.– M. Jocelyn Dessigny applaudit également.

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Je commencerai par féliciter Mme la rapporteure pour le noble combat qu'elle mène en vue d'aider les familles monoparentales, principalement les femmes, confrontées aux difficultés financières et psychologiques entraînées par une séparation. Dans ce combat, la majorité présidentielle se tiendra à ses côtés.

Toutefois, au sein du groupe Renaissance, nous nous interrogeons sur l'outil retenu, le revenu fiscal de référence, tant il est difficile d'évaluer son efficacité et de maîtriser les risques et les gains qui s'y attachent. N'ayant pas à notre disposition toutes les informations nous permettant de prendre une décision éclairée, nous ne prendrons pas part au vote final.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 51

Nombre de suffrages exprimés 46

Majorité absolue 24

Pour l'adoption 45

Contre 1

La proposition de loi est adoptée.

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Mes chers collègues, je salue la solidarité dont a fait preuve chaque groupe politique. Ce que nous défendons ce soir, c'est l'intérêt de l'enfant et le pouvoir d'achat des foyers modestes et des familles monoparentales des classes moyennes.

Nous pouvons être fiers de nous. En tout cas, je suis fière de moi. Je sais d'où je viens. Et les femmes mais aussi les hommes qui se heurtent aux difficultés que nous connaissons peuvent aussi être fiers du vote de notre assemblée.

Mêmes mouvements.

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Prochaine séance, lundi 10 octobre, à seize heures :

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ;

Première partie du projet de loi de finances pour 2023 ;

Débat sur la dette.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra