L'accès à la formation est une mesure essentielle non seulement pour la modernisation du marché du travail français, mais aussi pour répondre aux besoins croissants de reconversion professionnelle dans un marché du travail en perpétuelle évolution. Si, par exemple, les taux d'activité et d'emploi des seniors sont en hausse régulière, des inégalités demeurent en matière d'emploi et de formation, ce qui nuit à la sécurisation des parcours professionnels. Dans un tel contexte, le compte personnel de formation constitue un outil précieux : il permet, entre autres, de financer des formations aux nouvelles technologies.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a transformé l'accès au CPF et ses modalités d'utilisation. Elle a mis fin à la gestion interne du compte par l'entreprise, au profit d'une incitation à la responsabilisation et à l'autonomie des actifs, lesquels peuvent désormais utiliser leur CPF sans l'autorisation de leur employeur. C'est l'un des rares droits importants qui soient à la main du salarié : il prend seul la décision de contacter un organisme de formation. Cette loi a également permis de monétiser le CPF. Alors que le compte était autrefois crédité en nombre d'heures de formation, il l'est désormais en euros. Son utilisation est donc plus simple – peut-être même trop – pour les usagers.
Vous l'avez souligné : le succès du CPF n'est plus à démontrer. Alors qu'on recensait un peu plus de 600 000 titulaires d'un compte en novembre 2019, ils seront près de 3 millions fin 2022. En 2021, plus de 2 millions de Français se sont inscrits à une formation, et l'application MonCompteFormation fait l'objet de 3,8 millions de téléchargements, 16 millions de visiteurs s'étant par ailleurs rendus sur le portail numérique.
Lors de la précédente législature, nous avons examiné une proposition de loi de ma collègue Valérie Bazin-Malgras qui visait à autoriser le don de droits acquis entre titulaires de CPF. Il s'agissait d'aider ceux qui ont un crédit insuffisant à couvrir leurs souhaits de formation, afin de mieux répondre aux besoins de chacun. Nous considérions qu'un tel mécanisme serait particulièrement bénéfique pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail ou qui y ont accédé depuis peu. Par définition, les jeunes actifs ont moins de droits que leurs aînés au début de leur carrière, alors qu'ils sont à un stade de leur vie professionnelle où ils doivent être davantage formés. Un système de transfert entre bénéficiaires viendrait utilement compléter le dispositif d'abondement, afin que les jeunes disposent plus facilement d'un financement supplémentaire. Nous trouvions judicieux que ceux qui ne souhaitent pas profiter de leur crédit, ou qui sont à la veille de la liquidation de leurs droits, en fassent bénéficier ceux qui n'en ont pas suffisamment et qui voudraient se former davantage. Pragmatique, notre proposition de loi relevait du bon sens, de l'égalité, de la solidarité intergénérationnelle et de la justice sociale. Elle mériterait de plus larges débats et une attention plus soutenue.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est tout aussi pertinent concernant la régulation du dispositif et la prévention des fraudes et des abus. En effet, l'utilisation simplifiée du CPF transforme l'utilisateur en cible pour les entreprises qui souhaitent vendre leurs services. Le succès du CPF a entraîné avec lui un lot de pratiques commerciales abusives et douteuses. Cela a été rappelé : la hausse des fraudes au compte personnel de formation occupe une part croissante de l'activité du service du renseignement financier Tracfin. Le nombre de notes transmises par Tracfin à l'autorité judiciaire a triplé par rapport à 2020, tandis que le montant total des enjeux financiers a plus que quintuplé, passant de 7,8 à 43,2 millions d'euros. Si, en 2020, la fraude consistait majoritairement en des usurpations d'identité, elle se manifeste désormais par des mécanismes plus divers : appels téléphoniques, SMS et courriels à l'occasion desquels les fraudeurs essaient, de manière insistante, de récupérer des données personnelles.
Pour lutter contre ce phénomène, la proposition de loi prévoit d'interdire tout démarchage de titulaires d'un CPF par téléphone, par SMS ou par courriel en vue de capter des données personnelles. Cette interdiction figurera dans le code du travail. La commission a voté deux amendements en ce sens : l'un vise l'interdiction des démarches abusives sur les réseaux sociaux ; l'autre prévoit une amende de 75 000 euros pour les personnes physiques et de 375 000 euros pour les personnes morales en cas de vente abusive.
Le groupe Les Républicains votera donc cette proposition de loi qui, nous semble-t-il, va dans le bon sens.