La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
La proposition de loi met l'accent sur l'accès de nos concitoyens aux services publics. L'État se doit de leur garantir un accès simple, de qualité et adapté, quel que soit leur milieu social, quel que soit leur âge, qu'ils vivent dans une zone urbaine ou rurale, car tous les Français doivent pouvoir accéder aux services publics.
Depuis près de vingt ans, nous constatons un profond changement des rapports des usagers à l'administration. Comme le souligne le Conseil d'État, « […] nous sommes passés de cette approche essentiellement uniforme des administrés […] à des bénéficiaires de politiques publiques, dont la diversité et l'hétérogénéité n'ont cessé de croître. » Afin de répondre au mieux à cette individualisation des situations, l'État s'est engagé dans une large transformation destinée à simplifier et faciliter ses rapports avec les administrés.
À l'heure du numérique, la dématérialisation a permis d'accélérer et de simplifier les démarches administratives. Il est indispensable de reconnaître qu'elle a conduit à une disponibilité élargie des services et à la réduction des délais d'instruction de certains dossiers administratifs.
Pour ne prendre qu'un seul exemple, je citerai le prélèvement à la source dont personne ne peut nier qu'il a constitué une immense avancée.
Cette numérisation, cette dématérialisation n'ont-elles eu que des effets positifs ? La réponse est évidemment non. Toutefois, l'exposé des motifs de cette proposition de loi dresse un constat quelque peu trompeur. Certes, il faut reconnaître que, sous l'effet de la numérisation, l'administration s'est éloignée de certains usagers. De tous ? Non, puisque 80 % de nos concitoyens n'éprouvent pas de difficultés pour accéder à l'administration, notamment grâce à cette numérisation.
Par ailleurs, pour rapprocher les services publics des citoyens les plus éloignés du numérique, plusieurs mesures ont été prises. C'est ainsi que le plan France relance prévoit 908 millions d'euros pour accélérer la transformation numérique, dont 250 millions dédiés à l'inclusion numérique. L'État a mis en place la direction interministérielle du numérique (Dinum) en lui donnant pour mission d'élaborer des dispositifs dématérialisés, de promouvoir un design plus inclusif et d'améliorer la qualité de l'ensemble des services publics numériques. Citons encore l'ouverture, partout sur le territoire français, des espaces France Services, dont le nombre est passé de 460 à 2 561 entre 2020 et 2023, structures mobiles comprises.
En voulant imposer une présence physique pour chaque service public, la proposition de loi ne prend pas en considération l'évolution des besoins des usagers. Compte tenu de la diversité des publics et des situations, le groupe Horizons et apparentés est convaincu que ces derniers doivent se voir proposer plusieurs options : une solution numérique et une assistance physique ou téléphonique, comme le recommande le Conseil d'État. Nous soutiendrons toutes les solutions visant à élargir cette offre. Nous regrettons donc que le groupe La France insoumise – NUPES propose un traitement indifférencié de toutes les situations.
Le groupe Horizons et apparentés ne votera donc pas en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Vendredi dernier, alors que j'avais rendez-vous à la communauté de communes de Dieulefit-Bourdeaux dans la Drôme, je suis passée, au premier étage de l'immeuble où elle se trouve, devant un bureau fermé, celui du centre des impôts. Depuis quelques mois, les habitants du centre-bourg de Dieulefit doivent faire quarante minutes de voiture, voire une heure, pour se rendre au centre des impôts à Valence – et je ne parle pas de ceux des vingt villages alentour.
Les services publics sont ce qui nous est commun ; ils sont notre protection collective et inconditionnelle. En matière de mobilité, de logement, d'alimentation, d'éducation, de soins, d'émancipation, ils garantissent l'égalité et l'accès aux droits et aux libertés pour toutes et tous ; ils constituent l'expression la plus concrète de la solidarité, de la fraternité nationale. Ils sont l'espérance d'une vie meilleure. Oui, chers collègues, les services publics sont le fondement même de la promesse républicaine : « Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle n'est qu'un mot » disait Jaurès.
La logique d'accumulation et de prédation des ressources nous mène droit dans le mur. Elle laisse grandir tant d'inégalités, tant de pauvreté, sans que jamais les mécanismes du marché, si appréciés par certains ici, ne viennent réparer les dégâts. Or, ce que font les services publics, c'est précisément réparer et protéger. Ils créent les conditions du vivre ensemble quand ils sont accessibles pour tous et partout. C'est grâce à leur présence qu'à Montbrun-les-Bains comme dans le 7
Le problème, c'est que cela ne marche pas tout à fait comme ça. Loin des utopies de la république sociale chère à Jaurès, l'austérité est criante. Dans les territoires ruraux, ce sont les bureaux de poste et les centres des impôts qui, doucement, sont remplacés par des agences France Services tenues souvent à bout de bras par des acteurs associatifs et des élus locaux. Ce sont les classes qui ferment, les médecins qui manquent – pénurie qui fait que, dans nos villages, on vit en moyenne deux ans de moins que dans les grandes villes. Ce sont des déplacements que l'on ne fait plus, du fait d'un carburant hors de prix et d'offres de transports alternatifs inadéquates.
Le nombre d'agents s'effondre. Peu à peu, le numérique vient tout remplacer, révolution censée permettre à chacun d'accéder, depuis chez soi, à internet et à des services administratifs simplifiés. Le Gouvernement projette d'atteindre, d'ici à 2025, la dématérialisation de 100 % des démarches d'accès aux services publics. Or le bilan de cette très clinquante start-up nation n'est pas bien glorieux : la simplification numérique devrait permettre un accès universel, mais les pouvoirs publics peinent à le garantir. Jugeons-en : un Français sur deux de plus de 60 ans est en situation d'illectronisme, 8 % des Français n'ont pas d'adresse électronique, 15 % n'ont pas de connexion internet et 70 % des ménages habitant en zone rurale ou en montagne ne disposent pas de la fibre.
La dématérialisation construit une France à deux vitesses ; elle sépare les connectés, qui ont accès à leurs droits, et les autres, oubliés, invisibles. Ces oubliés, ces invisibles, nous en recevons tant dans nos permanences, madame la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, que vous nous accorderez peut-être un label France Services dans quelque temps : ils sont perdus avec vos applications, vos connexions à quinze facteurs et ces appels téléphoniques qui ne leur permettent pas d'atteindre un interlocuteur.
Ce ne sont pas les seules défaillances de la transformation numérique du service public. Je m'inquiète, par exemple, du transfert vers l'usager de la responsabilité de la réussite ou de l'échec d'une démarche administrative. S'il n'est assez bien équipé, s'il ne comprend pas tout ce qui lui est demandé ou tout simplement s'il se trompe, il pourrait se voir imputer l'erreur et être sanctionné. Double peine : pour n'avoir pas compris, il serait privé d'accéder aux droits auxquels il peut prétendre, voire être considéré comme un fraudeur. Je m'inquiète aussi de la charge de travail et de la perte de sens que subissent les agents dont les métiers sont pourtant essentiels au bien commun.
L'enquête que le collectif Nos services publics a réalisée auprès de 3 000 agents montre que 80 % d'entre eux ressentent un sentiment d'absurdité dans leur travail. Dans leurs témoignages, certains rapportent que la transformation numérique se fait à moyens constants et sans formation. D'autres déplorent que les outils numériques ne soient pas adaptés aux usages qu'appelle le terrain.
Chers collègues, face à l'explosion des inégalités, face au demi-million de Françaises et de Français qui ont basculé dans la pauvreté en 2021, face à la fracture territoriale qui abîme la croyance en un idéal républicain s'appliquant à toutes et tous de la même manière, notre responsabilité est de construire plutôt que de détruire, d'assurer la présence humaine plutôt que son absence, avec plus de services publics physiques, une promesse républicaine davantage tenue où que l'on vive, quel que soit notre âge, quels que soient les outils numériques que l'on possède. C'est l'exigence affirmée par la Défenseure des droits, selon laquelle l'usager doit avoir le choix du mode d'administration qui lui correspond le mieux. C'est l'exigence affirmée par le Conseil d'État lui-même, qui demande la mise en place de solutions alternatives aux services en ligne pour l'ensemble des démarches administratives d'accès aux services publics. Ce doit être notre exigence. Aussi le groupe Écologiste – NUPES votera-t-il pour cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Il est très facile de partir du principe que la dématérialisation des démarches administratives permet de simplifier l'accès aux services publics et qu'elle constitue un gain de temps pour les usagers ; mais c'est oublier qu'elle doit avant tout être un moyen et non une fin, et qu'elle aurait donc dû être précédée par un accompagnement des usagers. C'est faire preuve d'une certaine fainéantise intellectuelle, voire d'un certain élitisme ou tout simplement de naïveté, que de croire que nous sommes tous égaux face aux écrans.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Marcelin Nadeau applaudit également.
Les rapports sur l'illectronisme, sur le non-recours, sur le manque d'informations, sur le manque de culture digitale – et j'en passe – sont légion, mais nous continuons d'année en année à pratiquer la politique bien commode de l'autruche, à remplacer des gens par des bornes, à creuser les inégalités, à isoler une partie de la population, non seulement les personnes précaires mais aussi les allophones, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les étrangers et d'autres.
Les exclus du numérique sont nombreux, et leur liste s'allonge au même rythme que nos démarches administratives se dématérialisent et que le numérique conquiert de nouveaux domaines. Il suffit de consulter le rapport que l'ancien Défenseur des droits, Jacques Toubon, a consacré à ce sujet en 2019 pour prendre la mesure du fossé qui se creuse au sein même de la population.
Nul besoin de rappeler qu'en matière de rupture d'égalité, de société à deux voire à trois vitesses, les territoires ultramarins constituent bien souvent un cas d'école. En outre-mer, l'illectronisme est prégnant : un rapport sénatorial de 2020 rappelle qu'il concerne près de 30 % de la population, hors Mayotte, contre moins de 20 % dans l'Hexagone. À cela, il faut ajouter un accès à internet totalement instable, des équipements matériels extrêmement chers car rares et surtout, élément sur lequel je souhaite insister, la barrière de la langue qui décourage une partie de la population de se rendre dans les rares lieux d'accueil du public qui subsistent, si tant est qu'elle ait les moyens de se déplacer.
Rappelons que la Guyane est la plus vaste collectivité de France ; son territoire est recouvert à 96 % par la forêt équatoriale et inaccessible par voie terrestre pour ses deux tiers, ce qui oblige ses habitants à faire de longs trajets pour accéder aux services publics.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) l'a très bien résumé dans un rapport de 2020 : « L'offre de services publics doit être adaptée aux difficultés socio-économiques rencontrées par la population, aux évolutions démographiques, ainsi qu'à ses caractéristiques linguistiques et culturelles. » Déjà, en 2018, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) notait que la barrière de la langue constituait un frein important à la connaissance du droit et à l'orientation dans les services publics.
Nous ne sommes pas réfractaires à la dématérialisation, mais nous affirmons notre attachement à des modalités plurielles de prise de contact avec les administrations.
Nous voterons bien sûr pour cette proposition de loi et réaffirmons notre souhait de voir les langues majoritaires dans les territoires ultramarins davantage prises en considération dans l'accès aux services publics. Face au numérique, la république est multiple.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nos concitoyens nous alertent de plus en plus sur la disparition des services publics et le recul de l'État, en particulier, dans les territoires ruraux, insulaires et ultramarins. Le risque d'une rupture du lien entre usagers et administration territoriale reste présent, en dépit des annonces du Gouvernement et des moyens déployés. En réaction, cette proposition de loi pose le principe d'un retour à la logique du guichet physique et à l'accompagnement en présentiel du public, objectif auquel souscrit pleinement le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Certes, pour une majorité d'usagers des services publics, la dématérialisation représente une avancée. Néanmoins, cette transformation numérique ne doit pas s'opérer à marche forcée, sans tenir compte des difficultés bien réelles que rencontre une partie de la population. En effet, depuis le début des années 2000, une nouvelle fracture numérique s'ajoute aux fractures sociales et territoriales. Environ 15 % des Français, qui sont en situation d'illectronisme, n'ont pas la capacité d'utiliser les dispositifs numériques ni d'effectuer des démarches en ligne.
En prévoyant un accompagnement, en plus d'un accueil physique, à chaque étape administrative, la proposition de loi vise à apporter une solution concrète aux usagers. Dans son étude annuelle de 2023, intitulée « L'usager, du premier au dernier kilomètre de l'action publique : un enjeu d'efficacité et une exigence démocratique », le Conseil d'État part du constat qu'un fossé s'est creusé entre usagers et action publique ; il rappelle que certaines transformations, si elles sont bénéfiques pour la majorité des usagers, ont des conséquences négatives pour certains publics. La situation lèse à la fois les publics fragiles, en particulier les usagers âgés ou en situation de précarité, et les publics des territoires ruraux, insulaires et ultramarins, qui sont déjà éloignés des administrations.
Je prendrai l'exemple de la Corse, île-montagne, qui cumule de nombreuses difficultés liées notamment – mais pas seulement – à la géographie. Dans ce territoire comme dans d'autres, contrairement aux idées reçues, la fracture numérique ne concerne pas uniquement les personnes âgées, mais aussi de nombreux actifs, ainsi qu'une part non négligeable des jeunes. En effet, il faut composer avec les difficultés inhérentes au relief. Par exemple, dans le cap Corse, situé dans mon département et constitué d'une succession de vallées profondes, la radio, le téléphone ou encore internet ne sont pas diffusés convenablement, malgré les efforts fournis. En conséquence, la numérisation des services signe carrément l'abandon de tels territoires.
Comment ne pas évoquer, en outre, l'éparpillement communal ? La Corse est parsemée de villes côtières et de villages en hauteur, reliés par des routes sinueuses imposant des trajets longs et éprouvants. Toute suppression ou tout regroupement de services publics a donc pour effet d'inciter un peu plus à la désertification. J'appelle une fois de plus au maintien des guichets postaux et des services publics, en Corse comme ailleurs.
Notre groupe reconnaît les efforts et les moyens déployés ces dernières années pour mettre fin à l'éloignement de l'État dans les territoires. Ainsi, la réouverture de certaines sous-préfectures représente un signal positif, et les 2 600 espaces France Services constituent un réseau essentiel bâti selon la logique du guichet unique. Cependant, ces moyens restent souvent insuffisants dans les zones rurales ou ultramarines. En outre, au-delà du périmètre des préfectures, l'ensemble des services publics nationaux de l'État ou de la sécurité sociale ont reculé ou disparu.
Sans nier l'utilité des téléprocédures et des téléservices, notre groupe estime que la numérisation, faute de moyens, se déroule dans des conditions contraires à la tradition du service public, dont je rappelle qu'il se fonde sur trois piliers : la continuité, l'égalité et la mutabilité. Force est de constater qu'une simple téléprocédure, sans dispositif de substitution pour s'adapter aux besoins des usagers et des territoires, ne saurait se montrer à la hauteur de ces principes.
Notre groupe s'inquiète également de la déresponsabilisation de l'administration. L'État territorial a tendance à se décharger sur d'autres acteurs, en particulier sur les collectivités et sur le secteur associatif.
Nous sommes donc pleinement favorables à l'article 1er de la proposition de loi. Sans revenir sur la montée en puissance du téléservice, il obligera l'administration à maintenir un site d'accueil physique afin de recevoir les usagers qui en feront la demande. Cela permettra par la même occasion de maintenir le lien avec l'usager et de garantir qu'il sera accompagné à chaque étape de toute démarche administrative.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous examinons la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics, déposée par La France insoumise dans le cadre de cette journée d'initiative parlementaire. L'intensité des débats que nous avons tenus en commission des lois témoigne de l'importance du sujet. En effet, la numérisation des services publics touche directement nos concitoyens, et l'accès aux droits, pilier de la république sociale, est une thématique majeure de notre société.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner en commission, nous souscrivons au constat de la rapporteure quant à l'importance de maintenir plusieurs modalités d'accès aux services publics. Toutefois, nous avons rejeté le texte en commission et restons dubitatifs en séance, car tel est précisément le cap que nous avons fixé depuis 2017 : nous n'opposons pas numérique et physique, mais envisageons le premier comme un moyen de simplification complémentaire du second.
Les propos tenus en commission pour fustiger la dématérialisation des services publics, au motif qu'elle dégraderait la relation à l'usager, tiennent quelque peu du « c'était mieux avant ». Je tiens à saluer l'intervention exemplaire, en commission, Marie-Agnès Poussier-Winsback, députée du groupe Horizons et apparentés ; comme elle, je regrette que le mythe d'un âge d'or fantasmé guide la position de certains de nos collègues. « C'était mieux avant », disent-ils, mais de quoi parle-t-on ?
Non, ce n'était pas mieux avant. Le passage au numérique permet la modernisation de l'État et des services publics. Une grande majorité de nos concitoyens, qui ont une pratique volontaire du numérique, voient leurs démarches administratives simplifiées et leur autonomie renforcée grâce à la dématérialisation. La numérisation facilite l'accès à certains services publics, comme en témoigne l'utilisation massive de FranceConnect. Le dispositif Dites-le nous une fois, quant à lui, facilite la circulation des données entre les administrations pour éviter aux usagers de fournir une énième fois des informations qu'ils ont déjà transmises.
Toutefois, vous semblez vous opposer à cette simplification des usages, puisque votre groupe a voté l'an dernier contre la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, qui visait justement à développer de tels dispositifs. Votre texte représente un retour en arrière pour la grande majorité de nos concitoyens qui privilégient le canal numérique et s'affranchissent ainsi des contraintes horaires inhérentes aux guichets physiques.
Le numérique permet de garantir l'effectivité des droits et limite le non-recours. Dans les termes de l'étude annuelle du Conseil d'État, relative au dernier kilomètre de l'action publique : « Le recours au numérique présente également un immense potentiel de développement pour limiter le non-recours. » C'est tout le sens de la solidarité à la source, qui prévoit le versement automatique des prestations sociales.
Loin de la remplacer, le numérique appuie l'administration pour ne laisser aucun citoyen de côté. Ainsi, 60 millions d'euros ont été investis pour rendre les 250 sites de démarches administratives les plus utilisés accessibles aux personnes en situation de handicap ; des sanctions sont prévues pour le manquement à ces exigences d'accessibilité.
Non, ce n'était pas mieux avant, parce qu'avant, il n'y avait qu'un seul moyen pour joindre l'administration. Aujourd'hui, sur plus de 200 millions de sollicitations traitées par les agents, 43 % le sont par téléphone, 32 % en ligne, 15 % face à face et 10 % par courrier, preuve s'il en est que votre proposition de loi est largement satisfaite.
Mme Marie Pochon s'exclame.
Dans quel passé plus ou moins idéalisé les usagers bénéficiaient-ils d'un accès multimodal à l'administration pour garantir l'effectivité de leurs droits ?
Les 2 543 espaces France Services constituent un succès ; nous continuerons à les développer en élargissant l'éventail de services proposés. Ainsi, 99 % des Français habitent à moins de trente minutes de trajet d'une maison France Services, et 93 % des usagers de ces maisons sont satisfaits de la qualité de leurs prestations. Les conseillers numériques France Services ont notamment pour mission d'accompagner les usagers vers l'autonomie en leur donnant les clés nécessaires à la réalisation de leurs démarches en ligne. Ces agents peuvent ainsi se concentrer sur les situations administratives les plus complexes et répondre aux demandes des usagers qui en ont le plus besoin. Je tiens à remercier ici les milliers d'agents France Services qui accompagnent chaque jour nos concitoyennes et nos concitoyens dans leurs démarches, et qui sont pour eux le visage des services publics.
Enfin, nous continuerons à déployer la fibre optique dans l'ensemble du territoire grâce au plan France très haut débit, que nous avons longuement évoqué en commission des lois.
Non, la dématérialisation n'est pas le cache-misère de la destruction du service public. Les principes du service public – continuité, égalité, adaptabilité – sont garantis. Il ne s'agit pas d'opposer le numérique et l'accueil physique, mais de moderniser toujours davantage les services publics pour améliorer leur fonctionnement.
Pour ces raisons, le groupe Renaissance ne pourra pas soutenir la proposition de loi. Toutefois, madame la rapporteure, je vous propose, si vous le voulez bien, de nous entretenir lors d'une suspension de séance, à l'issue de la discussion générale, et d'évoquer ensemble quelques points du texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi du groupe La France insoumise tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics. Il se trouve que le Rassemblement national partage cette priorité. Oui, il faut rouvrir les accueils physiques dans les services publics. Oui, dans tous les départements, les Français pleurent leurs services publics ; ils en ont assez de la dématérialisation et des services vocaux des plateformes téléphoniques. Oui, ils veulent légitimement retrouver un accueil physique où ils seront traités en citoyens. La majorité d'entre eux est favorable à la réouverture d'accueils physiques dans les services publics.
Nous partageons votre constat, madame le rapporteur. Les gouvernements précédents ont fermé successivement tous les guichets de service public – La Poste, la gendarmerie, les impôts, les points d'accueil de la caisse d'allocations familiales (CAF), de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA), etc. –, éloignant toujours davantage nos compatriotes des administrations de la République. Pour optimiser les ressources et obéir à des logiques comptables, ils ont remplacé l'accueil physique du public au guichet, accessible, proche et aidant, par des voies alternatives largement insuffisantes allant de la plateforme téléphonique au site internet.
Parmi les grands principes du vrai service public que sont la continuité, l'égalité et l'adaptabilité, les gouvernants ont surtout oublié l'égalité.
Ce principe a pourtant valeur constitutionnelle et doit garantir l'égal accès de tous aux services publics, sans discrimination ni avantage. Malheureusement, ce n'est plus le cas. Ce principe cardinal est largement entamé, fragilisé, abîmé. Nous en voyons les résultats désastreux. Le Défenseur des droits en témoigne : l'accès aux droits des usagers s'effondre.
On découvre régulièrement, dans les journaux ou à la radio, les situations ubuesques de retraités ne parvenant pas à bénéficier de leur retraite ou, plus généralement, d'usagers qui ne rentrent pas dans les cases. Bref, l'objectif de cette république en déclin n'est plus d'offrir à tous l'idéal d'un égal accès aux services publics, mais bien de proposer à nos compatriotes les plus fragiles, les plus âgés, à ceux de la ruralité et des cités, un service public low cost, à bas coût. Ce service public amoindri, altéré, se compose d'administrations régulièrement fermées au public, contraintes de délivrer un service de seconde zone, un service pour sous-citoyens. Certains citoyens apparaissent donc comme moins importants que d'autres ; on considère qu'ils peuvent attendre et on les méprise par l'oubli. Vous l'avez compris, c'est cela qui me révolte et qui doit tous nous révolter.
C'est pourquoi il faut rouvrir les accueils physiques dans les services publics et renouer avec ce qui fait la grandeur et la qualité du service public. Peut-on continuer à banaliser, pire, à théoriser comme un progrès, l'existence d'administrations qui ne reçoivent plus de public, qui n'ont plus d'accueil physique personnalisé, mais simplement un robot au bout du fil ou, au mieux, un centre d'appels qui nécessite de passer des heures à articuler des mots-clés ou à taper 1, 2, 3 sur le clavier numérique ?
L'an dernier, le Défenseur des droits signalait que la dématérialisation était responsable de flagrantes ruptures de droits et dénonçait la gravité de la situation. Les dégâts sont considérables. Combien de millions de nos compatriotes se trouvent ainsi privés d'un accès normal aux administrations ?
Enfin, les maisons France Services, présentées comme la solution miracle à tous les problèmes d'éloignement et de fermeture des services publics, demeurent insuffisantes. Cet outil, vanté aux élus désespérés par la disparition des administrations, se révèle inadapté car il est sous-financé par l'État et repose sur des agents précarisés, insuffisamment formés. Comme toutes les mesures alternatives à l'accueil physique, il ne peut être considéré comme un progrès, mais seulement comme une régression ; en ce sens, nous vous rejoignons, madame le rapporteur.
Rappelons que le président Emmanuel Macron avait déclaré : « […] nos services publics devront porter [l']espérance » en « une vie meilleure ». C'est tout le contraire qui se produit.
Julie Gervais, maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le dénonce : avec la fermeture des services publics, explique-t-elle, « on crée une sous-France de zones désertées, où les habitants se sentent hors jeu, humiliés ». Je le crois fermement ; je pense avec elle que la nouvelle gestion publique, le fameux new public management, a principalement produit des mécanismes de dégradation des services publics.
L'accès aux services publics, c'est l'accès aux droits, l'accès de chacun à ses droits de citoyen, notamment celui d'être aidé et défendu. Mes chers collègues, parce que, pour le groupe Rassemblement national, il n'y a pas de sous-citoyens en France, ni dans les campagnes, ni dans les cités, la seule solution est bien la réouverture des accueils physiques dans tous les services publics !
Comme 91 % des Français, nous sommes donc favorables à la réouverture des accueils physiques dans les services publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures dix.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Sur les amendements n° 3 et 2 ainsi que sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'ai un regret, mais peut-être disparaîtra-t-il bientôt : M. Bernalicis, qui tenait tant, il y a deux heures, à cette discussion générale, est absent. Je ne le vois pas, pourtant je serais heureux qu'il soit là…
M. Ugo Bernalicis entre dans l'hémicycle. – Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
M. Rémy Rebeyrotte lève les bras.
Il tenait tant, en commission des lois, à ce moment : j'eus craint qu'il passât à côté ! Un seul être vous manque et tout est apaisé…
Sourires.
Madame la rapporteure, je voudrais vous remercier très chaleureusement car votre proposition de loi est un superbe hommage au grand débat, à la demande des maires et à l'écoute du président Macron lorsqu'il a créé le réseau France Services.
Avant France Services, vous auriez eu raison : de nombreux lieux d'accueil physique ont été fermés, et la numérisation de nombreux services publics a connu un échec.
Depuis, nombre de nos concitoyens qui rencontrent des difficultés ont pris l'habitude et le chemin de France Services : le lien se fait, l'accompagnement et, mieux, la formation à la e-administration se développent : en effet, on peut être à l'aise avec le numérique quand il s'agit de s'adonner aux jeux et de consulter des vidéos, mais ne pas être à l'aise avec la e-administration. Comme je l'ai constaté, cela concerne tous les âges. Cependant France Services répond à ces difficultés.
Sans doute y a-t-il encore des améliorations à apporter, mais nous sommes là pour en débattre. Cependant la situation a changé depuis qu'existe France Services.
Je veux rendre hommage aux personnels du réseau France Services, à tous nos concitoyens qui l'apprécient, qui se déplacent et qui le plébiscitent.
Merci, donc, madame la rapporteure, pour le bel hommage que vous rendez à France Services.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Je profiterai de cet amendement pour répondre à certaines questions posées lors de la discussion générale. Je note qu'une très large majorité des groupes ont convenu de l'intérêt de tenir ce débat en séance, et que de nombreux constats sont partagés : au sujet de l'intérêt du numérique – j'y reviendrai – et de la facilité qu'il représente pour un certain nombre de nos concitoyens et concitoyennes, mais aussi au sujet des difficultés qui perdurent et de la nécessité d'y apporter des réponses.
Je tiens à lever un malentendu : nous n'opposons pas le numérique à l'accueil physique, bien au contraire – notre groupe utilise d'ailleurs volontiers le numérique et les réseaux sociaux, ce dont vous nous faites parfois le reproche. Dans cette orientation et cette stratégie, nous considérons le numérique comme un bien commun, un champ de l'humanité dont il faut s'emparer pour servir l'intérêt général. Il ne s'agit donc nullement d'une volonté de retour en arrière de notre part – rassurez-vous, nous ne croyons pas que c'était mieux avant, mais nous pensons que cela peut être bien mieux encore, en s'appuyant sur les fondements de la république sociale.
Tel est le sens de notre proposition de loi. Elle garantit une évolution dont vous avez vous-mêmes reconnu la nécessité, chers collègues de la Macronie, en ouvrant des accueils physiques dans les maisons France Services. Vous avez aussi rappelé, madame la secrétaire d'État, que des sous-préfectures seraient rouvertes. Nous entendons simplement donner force, par la loi, à cette démarche que vous avez engagée et que nous voulons consolider au niveau national. Cela évitera que les accueils physiques dépendent des moyens des collectivités, et permettra surtout leur uniformisation. En effet – et c'est une des limites du modèle de France Services –, il existe une très grande diversité, parfois synonyme d'inégalité, dans les moyens accordés aux conseillers et conseillères, et aux usagers et usagères.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Notre amendement, qui s'inspire des échanges que nous avons eus au cours des auditions, vise à renforcer les garanties accordées par la proposition de loi. Nous voulons que les usagers et les usagères bénéficient d'une prise en charge physique dans un délai raisonnable. C'est une dimension cruciale, parce que trop souvent, la situation des personnes les plus précaires peut devenir dramatique quand elles n'ont plus accès à leurs droits – qu'il s'agisse de bénéficiaires du chômage, d'allocataires du RSA, de retraités ou de personnes étrangères pour qui l'obtention d'un titre est parfois une question de vie ou de mort. Intégrer la notion de délai raisonnable permettrait de garantir une meilleure efficacité du service public. Voilà le sens de l'amendement que je vous soumets ; la commission l'a rejeté, mais j'espère que vous l'adopterez.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur l'amendement n° 1 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, pour donner l'avis du Gouvernement.
Les délais de prise en charge tendent à se raccourcir, même si des progrès restent à accomplir. La politique de diversification des canaux a pour objectif de désengorger les guichets, afin de permettre aux agents de se concentrer sur les usagers qui en ont le plus besoin. L'augmentation du nombre de rendez-vous physiques ou téléphoniques est une priorité du Gouvernement– le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, l'a rappelé à plusieurs reprises. Notre objectif est bien évidemment de faciliter la vie des usagers. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Je dois dire que cette proposition de loi donne beaucoup de satisfaction à la majorité ; je suis ravie que nous ayons réussi à vous convaincre, chers collègues de la gauche de l'hémicycle, puisqu'il y a quelques années, vous prétendiez que France Services ne faisait que dissimuler le manque de services publics.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Finalement, France Services devient à vos yeux un vrai service de proximité, et témoigne du retour en force des services publics dans les territoires. J'en profite pour rendre un hommage appuyé à Jacqueline Gourault, ancienne ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui a porté à bout de bras ce programme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Quand j'étais à ses côtés, nombre de nos collègues ne réclamaient qu'une seule chose : l'ouverture d'une maison France Services dans leur circonscription. L'amendement de Mme la rapporteure me semble bienvenu, car il précise la proposition de loi et renforce notre volonté de répondre vite et bien à la demande de nos concitoyens. Nous devrions donc l'adopter.
J'ai toutefois un léger désaccord avec vous, madame la rapporteure : les maisons France Services ne doivent pas être uniformisées, parce qu'elles doivent s'adapter à leur territoire.
Les besoins ne sont pas les mêmes dans le monde rural, dans les zones périurbaines et dans les grandes zones urbaines. Laissons les collectivités, les associations et les services publics s'organiser au mieux pour répondre aux besoins des territoires. Une fois encore, merci pour l'hommage que vous avez rendu à la majorité, et surtout à Jacqueline Gourault.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je salue la très belle initiative de Mme la rapporteure, notamment en ce qui concerne les territoires ultramarins : ceux-ci sont truffés de zones blanches, ce qui empêche leurs habitants d'accéder aux services publics en ligne. Ajoutons qu'à la Guadeloupe et à la Martinique, la population, vieillissante, est parfois touchée par l'illectronisme. Cette proposition de loi, qui permet de lever les blocages liés au manque de numérique et au vieillissement de la population, est donc la bienvenue.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 121
Contre 9
L'amendement n° 3 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Il aborde le sujet majeur de la formation des agentes et agents chargés de l'accueil physique dans les services publics, notamment dans les agences France Services. Si nous convenons tous de la nécessité d'un accueil physique – en cela, nos positions convergent dans l'intérêt de la population, et tant mieux –, nous devons reconnaître certaines limites ; elles ont d'ailleurs été soulignées par les responsables de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et par les agents chargés de la transition numérique que nous avons auditionnés : la formation des conseillers et conseillères de France Services est trop courte, et parfois insuffisante. Leur temps de formation doit donc être allongé.
Dans les maisons France Services comme dans les autres services qui doivent rouvrir au public – dans les organismes sociaux notamment –, il est fondamental que les agents soient formés à un accueil global, ainsi qu'à la gestion des outils numériques. Chaque renouvellement de logiciel entraîne en effet des difficultés et une charge de travail supplémentaire, car ces outils ne sont pas toujours pensés par et pour les agentes et les agents. Je propose donc de préciser que les personnes chargées de l'accueil physique bénéficieront de parcours de formation convenablement dimensionnés, financés et adaptés aux impératifs et aux périmètres de leur exercice.
Les agents publics ont un droit à la formation tout au long de leur carrière. Plus spécifiquement, les agents de France Services suivent une formation de onze jours et demi, et ceux qui exercent dans les administrations relevant du programme Services publics + sont formés en ce sens. L'objectif est d'améliorer la qualité de service pour les usagers, en permettant aux agents de tenir leur rôle grâce à la formation. C'est le principe de la symétrie des attentions : je prends soin de l'usager et de l'agent. Pour ce faire, l'agent dispose, dans un espace qui lui est propre, d'un programme de ressources de formation. Votre amendement est donc satisfait, et je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Nous parlons beaucoup des maisons France Services, hommage rendu à l'action du Président de la République et de Jacqueline Gourault sous l'ancienne législature. Permettez-moi d'insister sur deux points. D'abord, je voudrais souligner l'extrême diversité des lieux d'implantation des maisons France Services, qui permet d'aller au plus près de nos concitoyens. Ma circonscription compte par exemple une maison France Services dans un centre socioculturel, dans les locaux de la communauté de communes Bléré-Val de Cher dont j'ai été vice-président.
On trouve aussi des maisons France Services dans des sous-préfectures, et même dans des véhicules mobiles – je pense à la communauté de communes Touraine-Est Vallées, à Vouvray et à Montlouis-sur-Loire. Rappelons par ailleurs qu'il existe une diversité d'accueils physiques, notamment avec les conseillers numériques.
Toutefois, nous n'avons pas signalé un point : quand nous avons travaillé sur l'agenda rural et sur les maisons France Services, nous avons rappelé que les mairies étaient en première ligne pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de services publics. Je m'étonne qu'il n'en soit pas ici question.
Quant à la formation des secrétaires de mairie ou des agents des maisons France Services, il est vrai qu'il faut faire un effort, mais je crois que les centres de gestion départementaux y répondent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame la rapporteure, votre amendement est l'illustration d'une loi bavarde : cet ajout n'est pas nécessaire.
Dans nos campagnes, dans nos services publics, nous avons évidemment besoin d'un accueil physique. En effet, il est de plus en plus compliqué pour nos concitoyens d'accéder aux services publics. Au-delà, une simplification est nécessaire : si l'administration reste toujours aussi complexe et incompréhensible, la démarche ne servira à rien. Il faut donc que le Gouvernement s'engage, au-delà du nécessaire accueil physique, à simplifier les démarches administratives.
Bruno Le Maire a certes annoncé une vague de simplification pour les entreprises, mais dans les faits, chaque fois qu'on parle de simplification, on complexifie. Quels engagements pouvez-vous prendre en ce sens pour les particuliers, madame la secrétaire d'État ? Puisque vous représentez le Gouvernement au banc, j'imagine que vous êtes compétente pour nous communiquer des éléments sur les simplifications administratives prévues pour nos concitoyens et pour les usagers des services publics.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 120
Contre 21
L'amendement n° 2 est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard pour soutenir l'amendement n° 1 , qui fera, je vous le rappelle, l'objet d'un scrutin public.
Comme je l'ai dit en commission, je ne suis pas du tout opposée au numérique, qui facilite la vie des Français et contribue à diminuer les déplacements, ce qui est bénéfique pour l'empreinte carbone de notre planète – un argument auquel vous devriez être très sensibles. Mais j'ai pu constater qu'il compliquait parfois l'accès aux services publics, notamment pour les personnes âgées. Dans un souci d'efficacité, mon amendement prévoit que les maisons France Services peuvent avoir recours à des jeunes en service civique pour assurer l'accueil physique des usagers.
En commission, on m'avait rétorqué que ce n'était pas possible : je ne vois pas très bien pourquoi les volontaires en service civique, qui sont autorisés à travailler en préfecture, ne seraient pas autorisés à le faire dans les maisons France Services. Et de fait, en allant vérifier, je suis tombée sur cette définition : « Le service civique est un engagement volontaire pour assurer des missions d'intérêt général répondant aux besoins de la population et des territoires. Les employeurs dans la fonction publique vont s'appuyer sur des volontaires en service civique pour tester des actions socialement innovantes. » Ces volontaires peuvent travailler dans dix domaines différents, dont celui de la solidarité ou encore celui de la citoyenneté. Leur confier l'accueil physique dans nos centres de services publics me semble donc une mission parfaitement adaptée et de nature à améliorer l'accueil des usagers. J'espère donc que, contrairement à ce que vous avez fait en commission, vous voterez cette fois en faveur de mon amendement.
Le service civique, dont la vocation initiale était de sensibiliser les jeunes à différentes problématiques et de leur permettre de s'engager pour les autres, a malheureusement été massivement détourné et ses volontaires trop souvent utilisés pour remplacer des fonctionnaires dans les services publics. Ce n'était pas l'objectif.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Accueillir et aider les usagers est un métier, et nous venons d'ailleurs d'adopter un amendement visant à renforcer la formation de ces personnels afin d'éviter qu'ils se retrouvent en difficulté. Votre proposition, qui va à l'encontre de notre objectif d'amélioration de l'accueil dans les services publics, me semble une mauvaise idée. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement est satisfait, car les organismes publics peuvent déjà avoir recours aux jeunes en service civique. En outre, votre proposition me semble relever davantage de la pratique que de la loi. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je voudrais à mon tour rendre hommage aux médiateurs, aux conseillers et à tous les personnels qui aident les usagers dans l'ensemble des points France Services, qu'ils soient situés dans les locaux d'un bureau de poste, d'une collectivité territoriale ou d'une association. Vous avez raison : si l'automatisation permise par le numérique simplifie bien des démarches, on ne peut se passer d'une médiation humaine.
J'en profite pour dénoncer la tendance au « jeunisme » qui prévaut dès qu'on parle de numérique. Les jeunes ne sont pourtant pas les seuls à pouvoir devenir médiateurs numériques : à l'heure où nous cherchons à revaloriser le travail des seniors, j'encourage tous les points France Services et toutes les structures où œuvrent des médiateurs numériques à faire appel à ces personnes qui, si elles sont un peu plus proches de la retraite, ont également davantage d'expérience et font preuve de plus de maturité, de pédagogie et d'empathie. Parmi les seniors, les femmes, en particulier, sont encore trop absentes des métiers du numérique, notamment celui de médiateur : il faut susciter des vocations. Je suis donc contre cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cette proposition m'inquiète beaucoup. En tant qu'assistante sociale, j'ai accompagné et soutenu pendant vingt ans des personnes qui rencontraient des difficultés pour accéder à leurs droits. Ces dernières années, la situation s'est aggravée parce que nous n'avions plus d'interlocuteurs. Pour garantir un service public de qualité, l'accueil doit être assuré par des professionnels formés, en mesure de répondre à des situations de plus en plus complexes – ce n'est pas le cas des volontaires en service civique. Sur cet amendement, nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 196
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue 88
Pour l'adoption 9
Contre 165
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 7 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir les amendements n° 5 , 6 et 7 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Revenir sur la stratégie de modernisation et de transformation numérique des services publics pour garantir un accueil physique en toutes circonstances et en faire un droit opposable pour les usagers, comme le préconise la proposition de loi, implique un bouleversement de l'organisation des administrations et de l'État, à qui un délai sera nécessaire. Je propose donc, dans l'amendement n° 5 , de repousser l'entrée en vigueur de l'article 1er au 1er janvier 2032. Les amendements n° 6 et 7 , de repli, fixent respectivement cette date au 1er janvier 2030 et au 1er janvier 2028.
Ces trois amendements visent à repousser la date d'entrée en vigueur des dispositions du texte. Nous sommes tous convenus de la nécessité et de l'importance de garantir un accès physique aux services publics : pour nos concitoyens qui rencontrent chaque jour des difficultés quotidiennement, il y a urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Même si je comprends votre intention, nous ne voulons pas repousser plus que nécessaire l'entrée en vigueur de la loi. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, cette proposition de loi, déconnectée de la réalité, vient à rebours de la stratégie et de l'action menées par le Gouvernement depuis plusieurs années. Repousser l'entrée en vigueur des dispositions me semble donc plutôt pertinent ; néanmoins, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
…mais j'ai changé d'avis en écoutant Mme Grangier s'élever contre le recours à des volontaires en service civique dans les maisons France Services. Je m'interroge, madame Grangier : y avez-vous déjà mis les pieds ? Avez-vous déjà rencontré des jeunes en service civique ?
« Mais oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'objectif premier du service civique est d'assurer une mission d'intérêt général. Quelle plus belle mission d'intérêt général que celle de rendre service à nos concitoyens en assurant un accueil dans les services publics de proximité ?
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ce n'est pas la peine de faire des sauts de puce, chers collègues ! Laissez-moi vous expliquer comment les choses se passent concrètement.
Les volontaires en service civique qui officient dans les maisons France Services ne se substituent pas aux fonctionnaires : ils sont là pour appuyer, aider, orienter et informer les citoyens.
Vous cherchez à critiquer un service qui fonctionne bien et est plébiscité par toutes les collectivités territoriales – y compris celles de vos circonscriptions ; admettez que nous avons fait de la dentelle et que nous répondons avec précision et efficacité aux attentes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le renforcement des services public – qu'il s'agisse de la police, de la justice, de la gendarmerie, de l'école ou de la santé – est au cœur des priorités de notre majorité ; je vais vous faire une confidence : c'est d'ailleurs exactement pour cette raison que je me suis engagé en politique.
Avec cette proposition de loi, vous validez, en quelque sorte, notre décision de créer 2 500 maisons France Services dans l'objectif d'assurer le dernier kilomètre en matière d'accès aux services publics. Je me réjouis d'ailleurs de l'ouverture prochaine d'une maison France Services à Luz-Saint-Sauveur, annoncée cette semaine.
Néanmoins, il est important de ne pas opposer accueil physique et numérique – et je vous remercie de nous avoir rassurés en nous confirmant que vous n'étiez pas nostalgiques d'un passé sans numérique. Ce dernier est un formidable accélérateur d'accès au service public,…
…mais nous sommes aussi régulièrement interpellés, en circonscription, par nos concitoyens qui rencontrent des difficultés dans leurs démarches. L'enjeu est donc de déployer des conseillers et médiateurs numériques pour les aider y compris à réaliser leurs démarches en ligne : c'est l'objectif des structures France Services. Les propositions contenues dans votre texte sont intéressantes, mais je serai favorable à l'amendement n° 7 , qui prévoit de reporter leur entrée en vigueur au 1er janvier 2028.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous pensons nous aussi qu'il est urgent de soutenir nos services publics, et voterons donc contre ces trois amendements.
Les maisons France Services dont on fait tant l'éloge se substituent, en réalité, à des services publics qui, petit à petit, ont disparu de nos cités et de nos campagnes parce que nous ne finançons plus le remplacement de fonctionnaires des CAF, de la sécurité sociale, ou encore de la MSA, partis à la retraite.
Nous n'opposons pas l'accueil physique dans les services publics et le numérique, mais la dématérialisation des démarches, qui présente effectivement certains avantages, provoque aussi un profond malaise dans notre société. Aujourd'hui, on n'offre plus aux Français qu'un service public low cost.
N'oublions pas non plus que les maisons France Services, qui coûtent 110 000 euros par an, sont une charge financière pour les communes, car l'État ne finance leur fonctionnement qu'à hauteur de 30 000 euros.
Payons donc des salariés, des fonctionnaires au rabais : seulement, est-ce là le service public que nous souhaitons aux Français ?
Pour notre part, nous préférons un service public digne de ce nom, où chacun puisse être écouté et entendu, y compris s'il ne rentre dans aucune case. Tel est bien le problème : même si les jeunes du service civique sont capables d'un accompagnement dans la dématérialisation,…
…les gens qui ne correspondent à aucun des cas de figure prévus n'auront pas d'interlocuteur et ne recevront donc pas de réponse.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 208
Majorité absolue 105
Pour l'adoption 120
Contre 88
L'article 1er , amendé, est adopté.
Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il se fonde sur l'article 100 de notre règlement. Madame la présidente, personne, bien entendu, ne songe à vous mettre en cause, mais entre le vote de l'amendement n° 5 et celui de l'article 1er , moins d'une minute plus tard, trop peu de temps s'est écoulé pour que le rapport de force évolue !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Je ne comprends pas ces résultats contradictoires. Il faut qu'il y ait eu un problème lors du décompte des voix en ce qui concerne l'amendement n° 5 !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains membres se lèvent, et du groupe Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Vous avez entièrement raison, madame la présidente Panot : en lisant les résultats, j'ai inversé par inadvertance le nombre des votes pour et celui des votes contre.
« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce sont des choses qui arrivent ; l'erreur est humaine et la journée a été longue.
L'amendement n° 5 a en fait été rejeté, et je demande aux services de procéder aux rectifications nécessaires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 215
Nombre de suffrages exprimés 215
Majorité absolue 108
Pour l'adoption 86
Contre 129
L'amendement n° 7 n'est pas adopté.
Afin d'éviter toute contestation, je remets aux voix l'article 1er , tel qu'il a été amendé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 131
Contre 86
L'article 1er , amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Tout en vous remerciant de votre vigilance, je vous demanderai, chers collègues, de bien vouloir me ménager : nous poursuivrons cette séance dans la sérénité, et je vous promets de ne plus commettre d'erreur.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l'amendement n° 8 , portant article additionnel après l'article 1er .
Vous ayant longuement écoutés aujourd'hui en commission, chers collègues, j'inaugure une série d'amendements qui constituent autant de demandes de rapport, comme vous en déposez sur chacun de nos textes. Cette proposition de loi repose sur le postulat que la dématérialisation des démarches administratives a eu un effet négatif sur la qualité des services publics et sur l'accès des usagers à ces services. Pourtant, ce constat est loin d'être unanime. La dématérialisation a permis de simplifier les démarches, de développer la transversalité entre les administrations : par exemple, FranceConnect permet de réaliser avec un unique identifiant les démarches les plus importantes, le principe Dites-le nous une fois (DLNUF) de limiter les demandes de pièces justificatives en faisant en sorte que les administrations se communiquent les informations qu'elles détiennent déjà. Ainsi, le baromètre 2022 de l'institut Paul-Delouvrier, réalisé avec Kantar, révèle chez les usagers des services publics un taux de satisfaction de 73 %, alors que la dématérialisation était largement engagée. Compte tenu de cette contradiction apparente entre le point de départ du texte et la réalité de la perception des usagers, il est nécessaire d'évaluer sérieusement les conséquences de la dématérialisation sur l'efficacité des administrations, d'où cet amendement, qui vise, je le répète, à ce que soit remis au Parlement un rapport du Gouvernement à ce sujet.
Peut-être notre collègue n'a-t-il pas remarqué que la proposition de loi s'appuie sur des sources très fournies : le travail de la Défenseure des droits, du Conseil d'État et d'un certain nombre d'autres entités. De ce fait, une bonne partie des demandes de rapport formulées par les amendements n° 8 à 13 sont satisfaites ; en revanche, il y aurait effectivement lieu d'approfondir l'étude des conséquences de la dématérialisation dans les bureaux de poste, qui ont servi à la tester, et le Trésor public, où cette évaluation est réclamée par les syndicalistes que nous avons auditionnés – il s'agit d'ailleurs d'un secteur clé. J'émets donc un avis favorable aux amendements n° 11 et 12 , qui ont chacun pour objet l'un de ces deux services, et défavorable aux autres.
Sur les amendements n° 9 à 13 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'autant de demandes de scrutin public.
Sur l'article 2, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 ?
Lors du dernier comité interministériel de la transformation publique (CITP), au mois de mai, il a été décidé d'instaurer un tableau de bord de suivi de la qualité des services rendus aux usagers par les administrations publiques, lequel comprend cinq indicateurs de ressenti : satisfaction globale, délai de traitement, accessibilité, simplicité des démarches, qualité de la relation, le tout mesuré par sondage à la maille nationale et régionale, et incluant les démarches en ligne. Ce dispositif permettra de mesurer l'impact de toute dématérialisation sur la qualité de l'ensemble des services publics. Il n'est donc pas utile, monsieur le député, de financer sur ce point un rapport supplémentaire. Votre amendement étant satisfait, je demande son retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je soutiens l'amendement de Guillaume Gouffier Valente, car il faut, si j'ose dire, descendre dans le moteur de nos services publics. Les administrations telles que les caisses d'allocations familiales, bureaux de poste ou Trésor public – où nos concitoyens les moins à l'aise avec le numérique, ceux qui doivent se faire aider dans leurs démarches peuvent connaître des difficultés – doivent faire l'objet d'un rapport illustré, territorialisé, bien ciblé. Ce retour d'expérience n'aurait pas besoin d'être très long et pourrait se révéler utile en vue d'évaluer la politique publique, donc de l'améliorer. Nous aimons beaucoup légiférer, mais, encore une fois, trop peu évaluer : ces amendements visent à le permettre.
Au cours du précédent quinquennat, Jean-Paul Dufrègne et moi-même avons corédigé le rapport d'information « Services publics dans les territoires ruraux : pour une relance de l'aménagement du territoire ». Nous l'avions commencé en 2018, puis sont survenus les événements que l'on sait, et les maisons France Services ont été créées. J'ai été maire pendant seize ans : je peux vous affirmer que ces maisons constituent une véritable révolution…
…en matière d'accès aux services publics dans les zones rurales. Grâce à des fonctionnaires engagés au service des autres, elles fonctionnent, c'est pourquoi je voudrais dire à la rapporteure que son texte ne serait d'aucune utilité en l'état actuel des choses : il faut laisser vivre ces structures quelque temps. Je me souviens d'en avoir visité une, dans le Nord, où certaines personnes étaient, si je puis dire, le vivant coffre-fort numérique des usagers. Certes, il existe un problème de formation du personnel, et il convient d'instaurer un secret professionnel.
Il faut laisser se développer ces maisons France Services qui fonctionnent très bien…
…et beaucoup mieux que les maisons de services au public (MSAP) qu'on a connues auparavant, hébergées soit par La Poste soit par les collectivités. Franchement, vous allez trop vite. Laissez se développer cette révolution sur l'accès aux services publics en milieu rural. De grâce, ne légiférons pas trop rapidement, évaluons d'abord les résultats du dispositif. Je suis persuadé que c'est une véritable révolution pour les territoires ruraux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
L'amendement n° 8 n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l'impact de la dématérialisation des démarches sur l'efficacité et le délai de traitement des demandes des CAF.
La CAF fait partie des administrations qui font l'objet d'un suivi. Votre demande est déjà satisfaite. C'est donc une demande de retrait ou un avis défavorable.
Je trouve intéressante la demande de mon collègue. Je voulais aussi remercier Mme Obono : elle nous permet de mettre en valeur un des plus beaux dispositifs créés depuis le début du premier mandat d'Emmanuel Macron pour répondre à l'accès aux services publics de proximité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le Sénat a produit un premier rapport en 2022, selon lequel France Services constitue un très bon levier de cohésion sociale : 93,4 % des usagers se déclaraient satisfaits de leurs démarches ; 520 élus interrogés, soit 93,5 % d'entre eux, considéraient que le dispositif était pertinent.
Les espaces France Services, ce ne sont pas seulement les maisons, mais aussi les bus. Dans nos territoires aujourd'hui, tous les élus sont conscients du fait qu'il faut s'orienter vers ces accueils physiques car le numérique ne suffit pas, même s'il est complémentaire. Ils demandent tous la création de maisons France Services supplémentaires, c'est le cas dans mon département. En outre, un guichet unique est beaucoup plus écologique qu'une multitude de guichets. Il faut laisser les territoires innover, favoriser les initiatives, développer le « aller vers ». Nous disposons d'un comité d'accès aux droits, dont je suis membre et qui suit l'évolution de France Services. Nous en ferons bientôt le bilan et valoriserons toutes les initiatives prises dans nos territoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 207
Majorité absolue 104
Pour l'adoption 85
Contre 122
L'amendement n° 9 n'est pas adopté.
Cet amendement est dans la même veine que les précédents. Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport relatif à l'impact de la dématérialisation des démarches sur l'efficacité et le délai de traitement des demandes de Pôle emploi.
L'intérêt de ce débat est qu'il nous permet de nous interroger sur la meilleure option, selon les cas, entre, d'une part, la dématérialisation qui offre des avantages en permettant d'éviter de se déplacer et de faire la queue au guichet, donc de gagner du temps, et, d'autre part, la présence humaine, pour les démarches dont le traitement la justifie.
Le dernier comité interministériel de la transformation publique (CITP) de mai 2023, dans le cadre de Services Publics +, a décidé de mettre en place le tableau de bord de suivi de la qualité des services rendus aux usagers par les administrations publiques. Ce tableau de bord comporte cinquante indicateurs de ressenti – satisfaction globale, délai de traitement, accessibilité, simplicité des démarches, qualité de la relation… – mesurés par sondage à la maille nationale et régionale. Il inclut aussi le taux de qualité des démarches en ligne et permet de suivre l'impact de la dématérialisation sur la qualité de l'ensemble des services publics. Pôle emploi fait partie des administrations suivies, il n'est donc pas utile de financer un rapport supplémentaire pour traiter cette demande déjà satisfaite. C'est donc une demande de retrait ou un avis défavorable.
Il y a trois mois, je ne siégeais pas parmi vous car j'étais encore maire. Ma commune a vu disparaître l'agence de La Poste, après une longue agonie marquée par la réduction progressive des horaires d'ouverture du bureau qui engendrait sa désaffection. Nous avons ouvert une agence communale qui a pris le relais, a allongé les horaires d'ouverture, ouvre désormais le samedi. Cette nouvelle agence fonctionne bien. Depuis lors, dans cette commune rurale de 6 000 habitants, nous avons monté un dossier France Services et venons d'en obtenir l'homologation. La maison France Services va ouvrir au début de l'année 2024. C'est un dispositif que nos habitants plébiscitent car ils disposent désormais, non seulement d'un bureau de poste qui tient ses engagements, mais aussi de l'accès à l'ensemble des services publics. Bravo pour ce dispositif !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Cette proposition de loi nous dit l'impatience quant au progrès souhaité dans le service rendu à nos concitoyens, mais nous permet aussi de faire un bilan d'étape. Les points France Services sont nés de la colère des gilets jaunes et issus du grand débat que le Président de la République avait alors organisé.
Dans ce contexte, nous avions pris conscience que les services publics devaient revenir dans les territoires. Le Président de la République avait promis ces points de services publics, distants de moins de trente minutes pour chaque Français. Au début, 1 000 points France Services ont été créés. Compte tenu de leur succès et de l'engouement qu'ils ont suscité auprès des élus locaux, nous en comptons aujourd'hui plus de 2 600. Il en existe un dans ma circonscription, dans le joli village d'Heyrieux, et le département de l'Isère dispose également d'un bus, qui dessert le marché de Chasse-sur-Rhône le jeudi matin.
Enfin, plus de 4 000 conseillers numériques aident les Français à remplir leur déclaration ou à effectuer leurs démarches en ligne, pour les former progressivement et réduire ainsi la fracture numérique. Nous soutenons donc toujours les services publics : c'est l'ADN de notre groupe politique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 206
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l'adoption 82
Contre 96
L'amendement n° 10 n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Cet amendement vise à ce que dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'impact de la dématérialisation des démarches sur l'efficacité et le délai de traitement des demandes du Trésor public.
L'avis de la commission est défavorable, mais j'y suis favorable à titre personnel.
Lors du dernier CITP de mai 2023, dans le cadre de Services Publics +, il a été décidé de mettre en place le tableau de bord de suivi de la qualité des services rendus aux usagers par les administrations publiques.
Je vous épargne la suite…Cet amendement est satisfait. Sagesse.
Je veux appuyer la demande de rapport sur le sujet, mais aussi apporter un éclairage complémentaire afin de saluer le travail formidable qu'accomplit la MSA en lien avec les maisons France Services, notamment à destination de la population rurale éloignée que constituent nos agriculteurs. Ce point est important et nous aurions pu le souligner davantage à la faveur de la demande de rapport visée par l'amendement. Je le constate avec la maison France Services de Chaillé-les-Marais qui se situe dans le marais poitevin
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et dont les rapports avec la MSA permettent de pérenniser un service public de proximité pour une population qui en est très éloignée. Tous les agriculteurs compteront à l'avenir sur le Gouvernement pour poursuivre cette synergie, afin de diffuser l'ensemble des services publics dans nos territoires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 197
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l'adoption 164
Contre 6
L'amendement n° 11 est adopté.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Il s'agit d'une nouvelle demande de rapport, relative cette fois à l'impact de la dématérialisation des démarches sur l'efficacité et le délai de traitement des bureaux de poste.
L'avis de la commission est défavorable, mais j'y suis favorable à titre personnel.
Pour rappel, La Poste n'est plus une administration depuis 1991.
Adressez-vous à nous ! Un peu de respect, madame la secrétaire d'État !
Qui parle de respect ?
Je suis là pour vous répondre !
Le dernier contrat d'entreprise a été signé le 26 juin 2023 ; il lie l'État à La Poste pour l'exécution de quatre missions de service public : le service universel postal, la contribution à l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse et, dans ce cadre, l'accessibilité bancaire. Les objectifs de qualité et d'efficacité et les modalités de suivi ont été définies et sont régulièrement documentées. Il n'est donc pas utile de compléter ce dispositif.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
« C'est un pour, un contre ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai autorisé trois prises de parole, chers collègues. La présidente Panot a précisé que son groupe voterait en faveur de l'amendement, sans avoir défendu sa position. Je donne donc la parole à Mme Rilhac.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je m'inscris en faux contre ce qui a été dit tout à l'heure sur les bancs du Rassemblement national. La Poste, justement, est un parfait contre-exemple.
Sur mon territoire périurbain, on a connu des fermetures régulières des bureaux de poste, notamment des postes annexes.
« Quel est le rapport ? » sur les bancs du groupe RN.
La mise en place des maisons France Services a permis le recrutement de postiers,…
…qui, grâce à la formation dont a parlé la rapporteure lors de l'examen de l'article 1er , ont pu se mettre de nouveau au service de leurs concitoyens. Ces derniers bénéficient ainsi d'un accompagnement au numérique…
…et d'un service de proximité – deux éléments essentiels –, ce qui a évité la fermeture des bureaux de poste.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 194
Nombre de suffrages exprimés 167
Majorité absolue 84
Pour l'adoption 161
Contre 6
L'amendement n° 12 est adopté.
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Il s'agit d'une dernière demande de rapport sur l'impact de la dématérialisation des démarches, l'efficacité et le délai de traitement des demandes des préfectures, que le Gouvernement devrait remettre au Parlement dans un délai d'un an à compter de la promulgation du présent texte. C'est un sujet qui nous a grandement occupés lors de l'examen en commission du projet de loi relatif à l'immigration.
Lors du dernier CITP en 2023, il a été décidé de mettre en place, dans le cadre de Services Publics +, un tableau de bord de suivi de la qualité des services rendus aux usagers par les administrations publiques. Ce tableau de bord comporte cinq indicateurs de ressenti – satisfaction globale, délai de traitement, accessibilité, simplicité des démarches et qualité de la relation –, mesurés par sondage à la maille nationale et régionale, et inclut le taux de qualité des démarches en ligne.
Il permet de suivre l'impact de toute action prise au titre de la dématérialisation sur la qualité de l'ensemble des services publics. Les préfectures font partie des administrations de suivi, il n'est donc pas utile de financer un rapport supplémentaire pour traiter cette demande qui a déjà été prise en compte.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Notre groupe votera contre l'amendement car, comme l'a dit la secrétaire d'État, nous disposons déjà des chiffres. En conséquence, ce rapport ne sert à rien !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis favorable à l'amendement de notre collègue Gouffier Valente, qui est l'occasion de mettre en lumière le travail de proximité difficile qu'accomplissent les agents de nos préfectures, auxquels on pense peu. Ce rapport pourrait utilement éclairer les débats que nous aurons lors de l'examen en séance du projet de loi sur l'immigration.
Les préfectures adoptent la charte Marianne. Ainsi, les délais de traitement des dossiers dans les services qui s'occupent des droits des étrangers se sont considérablement améliorés. C'est un secteur où il est bien difficile de concilier l'accueil physique et numérique. Ce rapport pourrait donc être vraiment utile.
Sur l'amendement n° 14 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public. De même, sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'amendement n° 13 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 197
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l'adoption 69
Contre 101
L'amendement n° 13 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nadia Hai, première oratrice inscrite sur l'article.
Le groupe Renaissance votera pour la levée du gage, parce qu'il faut bien rappeler que tout cela n'est pas gratuit. En effet, depuis la création des maisons France Services, qui offrent à nos citoyens un service de proximité, près de 80 millions d'euros y ont été consacrés. Il faut donc lever le gage, c'est évident.
J'en profite pour rendre un hommage appuyé au réseau associatif Pimms – points d'information médiation multi services – ,
Mmes Caroline Abadie et Christine Le Nabour applaudissent
qui œuvre depuis des décennies pour apporter plus de services publics dans nos territoires, qui étaient alors en recul – comme quoi, ce phénomène ne date pas de 2007, il est bien antérieur. Les agents des Pimms ont pris le sujet à bras-le-corps, si bien que ces derniers sont reconnus aujourd'hui comme étant des acteurs incontournables du déploiement du réseau France Services.
Aux collègues qui ne sont pas encore convaincus de l'utilité de ce service de proximité, je poserai cette question : qui n'a pas reçu dans sa permanence des usagers ou des habitants ne parvenant pas à remplir leurs documents qui, de fait, sont dématérialisés depuis des décennies ?
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et RN.
S'ils viennent s'en plaindre dans les permanences, c'est bien qu'il y a un problème !
Grâce à France Services, ils pourront être orientés vers un réseau qui prendra en charge leur demande, les accompagner et, surtout, leur donner accès à des conseillers numériques. Madame la rapporteure, chers collègues de la gauche, merci de reconnaître que cette mesure prise par le président Macron est attendue et plébiscitée !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous ne savez même pas comment fonctionnent les maisons France Services !
Vous savez, monsieur Dessigny, que les femmes ont le droit de sortir de leur maison de nos jours ?
M. Jocelyn Dessigny et Mme Nadia Hai continuent de s'interpeller.
S'il vous plaît, chers collègues, nous arrivons à la fin du texte !
Je mets aux voix l'article 2.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 198
Nombre de suffrages exprimés 172
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 149
Contre 23
L'article 2 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Jocelyn Dessigny et Mme Nadia Hai continuent de s'interpeller.
Madame Hai, monsieur Dessigny, s'il vous plaît – je vous le dis pour la deuxième fois !
L'amendement n° 14 de M. Guillaume Gouffier Valente est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je vais émettre un avis commun sur les deux amendements tendant à modifier le titre du texte, qui paraît suffisamment clair et répond aux demandes formulées depuis de très nombreuses années par les associations, la Défenseure des droits et le Conseil d'État. J'émets un avis défavorable, comme la commission.
Mme Élisa Martin applaudit.
Je comprends l'objet de cet amendement. La proposition de loi crée un droit opposable à l'accueil physique, qui ne nous paraît ni efficient ni opérant à l'heure où nous centralisons les démarches. Néanmoins, ne souhaitant pas m'immiscer dans la rédaction du titre d'un texte d'initiative parlementaire, je m'en remettrai à la sagesse de cette assemblée.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – « À quoi bon ? » sur les bancs du groupe RN.
« Non ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Puisque nous arrivons au terme de ce débat, je voudrais remercier tous les agents des maisons France Services ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
qui représentent tout à la fois la caisse d'allocations familiales, les ministères de l'intérieur, celui de la justice et celui des finances, la Caisse nationale de l'assurance maladie, la Mutualité sociale agricole, la Caisse nationale d'assurance vieillesse, Pôle emploi et La Poste.
Les agents du réseau France Services vont apprendre demain qu'ils remplissent les dossiers… Encore une fois, vous ne les connaissez pas !
Ces agents ont une réalité bien physique : ils sont présents dans les maisons France Services et je crois que nous devons leur rendre hommage !
Mêmes mouvements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 203
Nombre de suffrages exprimés 172
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 69
Contre 103
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
L'amendement n° 15 de M. Guillaume Gouffier Valente est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Encore une fois, je comprends l'objet de votre amendement et rejoins le message que vous souhaitez faire passer, en expliquant que la stratégie pour les services publics développée par ce texte est à l'opposé des ambitions du Gouvernement pour accélérer les démarches auprès des usagers et recentrer le travail des agents auprès de ceux qui nécessitent le plus d'accompagnement. Néanmoins, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, pour les mêmes raisons que sur l'amendement précédent.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je suis saisie de plusieurs demandes d'explications de vote.
La parole est à M. Olivier Serva.
Je serai très court, madame la présidente. Oui, cette proposition de loi est une excellente initiative, parce que nous, dans les outre-mer, il y a des déserts médicaux ; dans certains territoires, nous subissons en plus le vieillissement de la population. Nous avons donc besoin d'une complémentarité entre le numérique et le physique – il y va de la préservation du contact humain dans nos services publics. Nous disons trois fois « oui » à cette proposition de loi !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je tenais à m'exprimer car la position du groupe Renaissance a évolué grâce, non pas au débat en séance publique, ce qui ne vous étonnera guère, mais aux échanges que nous avons eus en commission et jusqu'à l'examen en séance. Nous nous abstiendrons, ce qui ne signifie pas que nous reniions la politique que nous menons pour maintenir une présence dans les territoires, un accueil physique, sans négliger de développer le numérique ou d'autres outils qui facilitent l'accès aux services publics et garantissent les droits – je pense en particulier à la solidarité à la source.
Nous avons su entendre les différents groupes d'opposition qui nous ont assuré que les mesures de cette proposition de loi n'entraient pas en contradiction avec la politique que nous avons engagée.
J'appellerai donc mes collègues du groupe Renaissance à s'abstenir…
…tout en ayant une pensée pour l'ensemble des agents de la fonction publique d'État, de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique européenne, qui accomplissent un travail exemplaire pour permettre à nos concitoyens d'accéder aux services publics, dans le respect des principes de notre République.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE – M. Benoit Mournet se lève pour applaudir.
Puisque c'est une soirée d'hommage, je réserverai le mien aux assistantes sociales et aux travailleurs sociaux…
…qui, bien souvent, se retrouvent dans des situations difficiles du fait de l'absence d'interlocuteurs avec qui discuter d'un dossier délicat. Je rendrai également hommage à tous les agents des maisons France Services, véritables couteaux suisses à qui l'on demande tout et toujours plus, alors qu'ils ont toujours aussi peu de moyens.
C'est confirmé : vous n'avez jamais mis les pieds dans une maison de retraite !
C'est pourquoi le groupe Rassemblement national votera cette proposition de loi qui vise à réouvrir de véritables accueils physiques dans les services publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes attachés à nos services publics et je pensais que la Macronie l'était tout autant. Je salue cette initiative de La France insoumise, que le groupe Les Républicains soutiendra, mais j'avoue avoir entendu avec stupéfaction M. Gouffier Valente inviter son groupe à s'abstenir ! Comment peut-on être déconnecté à ce point de la réalité que l'on en nie l'éloignement des services publics dans les villages ? Encore hier, des facteurs en grève m'expliquaient que leur charge de travail est telle qu'ils ne peuvent plus accomplir leur mission de service public pour leurs concitoyens.
Que de contradictions dans une même phrase ! C'est compliqué de vous comprendre.
Les maisons France Services, c'est vrai, permettent de résoudre certains problèmes mais la complexité administrative a atteint un tel niveau que nombre de fonctionnaires se retrouvent confrontés à des difficultés inextricables.
Je rends hommage à ceux qui s'engagent dans nos services publics et qui font leur possible pour aider leurs concitoyens mais ne fermons pas les yeux sur les difficultés qui subsistent. Les maisons France Services ne sont pas la panacée et il faudra consentir des efforts supplémentaires pour rapprocher les citoyens des services publics.
Les maisons France Services sont une réussite et l'évolution de la situation dans les villages depuis leur installation en témoigne. Des fonctionnaires sont présents pour répondre aux demandes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'ai eu l'honneur d'être maire pendant seize ans et je pense que ce texte n'est pas utile. Les maisons France Services, en revanche, le sont.
Laissons ces maisons se développer, les élus locaux s'approprier ce remarquable outil et donnons-nous rendez-vous dans quelques années pour en tirer le bilan. C'est trop tôt, aujourd'hui. En attendant, nous assumerons de voter contre ce texte.
Exclamation de Mme Perrine Goulet.
Allez donc voir vos copains du GUD ! Ils vont vous montrer ce que c'est que le service public !
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Ça suffit ! Je vais annoncer les résultats du scrutin ! Je vous donnerai la parole pour le rappel au règlement ensuite ! Je vous ai bien entendu ! Cela suffit !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 188
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 122
Contre 29
La proposition de loi est adoptée.
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Rappel au règlement
Rappel au règlement sur le fondement de l'article 70 alinéa 3. M. Croizier vient, encore une fois, de nous traiter de nazis ! C'est le terme qu'il a utilisé ! Je demande un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal.
Signes de dénégation de M. Laurent Croizier.
Je prends note du rappel au règlement. Je n'ai rien entendu mais vous pouvez aisément comprendre pourquoi je n'entends rien depuis deux heures !
Je fais vérifier par les services si quelque chose a été noté dans le compte rendu de la séance et nous en tirerons toutes les conséquences.
Je remercie l'ensemble de la représentation nationale pour l'adoption de ce texte, Mme l'administratrice qui m'a accompagnée ainsi que toute mon équipe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens à rassurer mes collègues de la majorité et à dissiper tout malentendu. Ce n'est pas un texte sur France Services, même si j'ai pointé les avantages et les limites de ce dispositif. Ce sont d'ailleurs ces limites qui ont motivé les recommandations de la Défenseure des droits. C'est pour tous les services publics que nous avons adopté la réouverture des accueils physiques, ce soir, à l'Assemblée nationale !
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Thomas Portes, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La peine de mort est abolie en France depuis 1981. Son interdiction figure dans notre Constitution depuis 2007. Et pourtant, elle existe encore aujourd'hui.
Jean-Paul, Fadjigui, Boubacar, Rayana, Omar, Adam, Rihanne, Amine, Zyed, Inès, Alhoussein, Nahel. Ce ne sont plus des personnes condamnées par la justice qui perdent la vie mais des conducteurs ou des passagers de véhicules qui n'auront jamais l'opportunité de défendre leurs droits devant un juge : ils ont été abattus par la police, après un refus d'obtempérer.
Certains ont miraculeusement survécu. Mes pensées vont à Nordine, visé par seize tirs dont sept l'ont touché et à Merryl qui, installée sur la banquette arrière, a elle aussi été touchée, perdant l'enfant qu'elle portait, à cause des tirs de policiers. Aucune de ces morts tragiques ne se justifie au nom de la légitime défense invoquée par les policiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces morts sont la conséquence directe de la loi du 28 février 2017 dite loi Cazeneuve, présentée comme une simple harmonisation – je reprends les termes de l'époque – des règles applicables à l'usage des armes par les gendarmes et les policiers. Cette réforme a donné naissance à l'article L.435-1 du code de la sécurité intérieure.
Cet article mortel est l'aboutissement de mois de surenchère politique, alimentée par la pression constante des syndicats policiers d'extrême droite. Les mêmes qui, depuis des mois, font régner leur loi place Beauvau. Pendant les émeutes, ils ont appelé à se faire justice eux-mêmes, qualifiant les habitants des quartiers populaires de nuisibles. Aucune réaction du ministre Gérald Darmanin.
Après les multiples éborgnements à Marseille, ils ont multiplié les appels à la sédition et ont soutenu les faux arrêts médicaux. Là encore, aucune réaction du ministre Darmanin.
Mais qu'attendre d'un ministre de l'intérieur qui a participé au congrès d'un syndicat policier d'extrême droite, lequel n'hésite pas à insulter des parlementaires ? Ce fut le cas de mon camarade Ugo Bernalicis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Kery James le dit dans sa chanson Racailles : « Les mêmes commis au service des mêmes pontes ».
Au moment où nous proposons d'abroger cette loi mortifère, l'extrême droite se fait le porte-voix des pires demandes réactionnaires en proposant une légitime défense préventive.
Le ministre Darmanin et sa majorité choisiront-ils de promouvoir l'intérêt général en soutenant l'abrogation de cette loi ou continueront-ils à jouer les commis des syndicats factieux d'extrême-droite ? L'heure de vérité approche. Les familles des victimes de violences policières vous regardent, ce soir.
Je le redis ici avec force : il faut abroger la loi de 2017 qui donne aux policiers un droit de tuer, dans ce pays, ce qui est inacceptable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En dépit des arguments avancés, lorsque je l'ai auditionnée, par une IGPN (Inspection générale de la police nationale) en service commandé par le ministre Darmanin, l'article L. 435-1 a considérablement assoupli le recours aux armes à feu. Selon les propres chiffres de l'IGPN, le nombre de tirs sur les véhicules en mouvement a augmenté de 35 % depuis la loi Cazeneuve.
On autorise à tirer dès lors que les individus en fuite sont susceptibles de causer des dommages. L'utilisation des armes à feu repose donc sur une interprétation prédictive, basée sur une analyse subjective d'une menace non confirmée. Nous sommes dans le domaine de l'anticipation, ce qui est contradictoire avec l'idée de légitime défense. Les policiers se voient ainsi demander d'accomplir l'impossible : agir en fonction d'un avenir qui n'existe pas, d'un danger qui devrait être présent. Une sorte de légitime défense anticipative, où l'exigence d'une menace objective, réelle et immédiate n'est plus nécessaire. Nahel, comme beaucoup d'autres, l'a payé de sa vie. La loi de 2017 donne un permis de tuer aux policiers !
Les conséquences de cette évolution législative doivent aussi être examinées à la lumière du système policier où elle s'applique, un système enraciné dans un racisme systémique et des violences policières. Dès 2017, le Défenseur des droits tirait la sonnette d'alarme, mettant en évidence que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes faisaient face à une probabilité de contrôle vingt fois plus élevée que les citoyens de couleur blanche.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans un contexte où même l'ONU presse la France de s'attaquer aux problèmes profonds que cause le racisme au sein de sa police, cette disposition devient de plus en plus préoccupante.
Alors que la gendarmerie peut aujourd'hui se féliciter de ne dénombrer aucune victime à la suite de tirs réalisés sur des véhicules en mouvement, les chiffres explosent en zone police. Lors des révoltes urbaines de juillet dernier, le ministre Darmanin affirmait pourtant que les policiers utilisent de moins en moins leur arme. Encore un mensonge du ministre de l'intérieur et des violences policières ! Il est incontestable, en effet, que depuis 2017, le nombre de tirs mortels augmente.
Non seulement le nombre de tirs a sensiblement augmenté entre la période 2012-2017 et la période 2017-2022, mais le nombre de tirs mortels a été multiplié par cinq depuis la promulgation de la loi Cazeneuve !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En France, quinze destins ont été brisés depuis le début de l'année 2022 : quinze personnes ont perdu la vie après un refus d'obtempérer. En comparaison, en Allemagne, un pays que la minorité présidentielle cite à souhait pour justifier ses réformes ultralibérales et austéritaires, il y a eu un mort au cours des dix dernières années. Voilà la réalité de la loi de 2017 de Bernard Cazeneuve !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette stratégie sécuritaire est aussi inefficace que meurtrière.
Inefficace, parce que le nombre de refus d'obtempérer continue d'augmenter – quand bien même quatre refus d'obtempérer sur cinq ne présentent aucun caractère dangereux, selon les chiffres de la sécurité routière. À tous ceux qui cherchent à justifier les morts en disant que c'est bien fait pour eux, nous répondons en citant les faits : sur 30 000 refus d'obtempérer, seulement 5 000 ont été jugés potentiellement dangereux, dont 2 500 en zone de police. Il importe de souligner que derrière ce terme générique, se dissimulent des situations variées, englobant des actes aussi simples que le refus de présenter le permis.
Collègues, personne ne mérite de mourir pour un refus d'obtempérer !
Mêmes mouvements.
Cette loi est meurtrière, car elle laisse la possibilité à des agents de police, souvent jeunes, insuffisamment formés et entraînés au tir, comme l'ont prouvé les auditions, d'ouvrir le feu dans des conditions qui ne sont pas celles de la légitime défense prévue par l'article 122-5 du code pénal et qui sont interprétées très strictement par la jurisprudence.
Le code de la sécurité intérieure est devenu un fourre-tout, un code d'exception. Nous appelons au rétablissement du régime antérieur, bien plus clair, fondé sur des principes simples : atteinte injustifiée ; concomitance de la riposte ; proportionnalité de la riposte. Où était la proportionnalité de celle-ci lors de la mort de Nahel à Nanterre ? Il n'y en avait pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Sacrifier le droit à la vie, protégé par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne permettra jamais de renforcer la sécurité. C'est un mirage dont nous devons sortir avant qu'il ne soit trop tard, alors que ne cesse de s'accroître la fracture entre la police et une partie de la population, notamment les jeunes issus des quartiers, victimes de violences policières, de contrôles abusifs et de contrôles au faciès.
La présente proposition de loi, déposée par le groupe La France insoumise, vise un objectif simple : abroger l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure pour que plus personne ne décède après un refus d'obtempérer, que plus personne ne soit blessé, ni le conducteur ou la conductrice, ni un passager, ni un policier – plus personne !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Contrairement à ce que j'ai entendu dire, ce texte n'empêchera aucunement les forces de l'ordre de se défendre si elles sont agressées.
Elles agiront dans le respect de la légitime défense, comme elles l'ont toujours fait jusqu'à la loi du 28 février 2017, comme chaque citoyen et chaque citoyenne, sous le contrôle de la justice. Pour nous, il n'y a pas deux catégories de justiciables : c'est l'essence même de notre République.
Députés de la nation, il nous revient de mettre un terme à cette spirale mortelle qui a déjà coûté la vie à Nahel, à Gaye, à Souheil, à Jean-Paul et à tant d'autres. En tant que rapporteur de la proposition de loi, j'ai auditionné les familles de victimes des tirs mortels commis par la police. J'ai été frappé par leur dignité et par leur détermination à porter une parole trop souvent ignorée. J'ai ce soir une pensée émue pour elles, et je sais qu'elles nous regardent – qu'elles vous regardent. Au sein de ces familles, le combat pour la vérité est un vrai sacrifice. Elles font face à une série de défis insurmontables : une machine politico-médiatique qui salit la réputation des victimes – on l'a vu avec Nahel ; une IGPN qui cherche à les orienter vers la thèse de l'homicide involontaire ; des obstacles dans l'accès aux reconstitutions ; une autorité de poursuite étroitement liée aux acteurs incriminés – nous demandons le dépaysement de toutes les affaires de violences policières ;
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
enfin, des non-lieux perçus comme une double peine.
Collègues, entendez la détresse qui consume ces familles. Ce texte est l'occasion de leur rendre justice et de continuer un combat auquel se rallient de nombreux collectifs citoyens et associations de défense des droits de l'homme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Il vise aussi à restaurer la fonction première de la police républicaine, conformément à l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) : la force publique est « instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Plus de deux siècles plus tard, nous devons rester fidèles aux idéaux de la Révolution française, à l'heure où les forces réactionnaires sont prêtes à écarter nos libertés publiques pour assouvir leurs fantasmes sécuritaires et racistes.
Collègues, en votant cette proposition de loi, vous sauverez des vies ; vous ferez honneur à notre République.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Collègues, en refusant d'obtempérer à l'injustice, vous enverrez un signal clair en faveur d'une conception du maintien de l'ordre ancré dans l'éthique et le respect des droits humains, pour une police digne d'un État démocratique, qui défend le faible contre le fort, qui protège l'opprimé contre l'oppresseur.
Votez cette proposition de loi, vous sauverez des vies, vous ferez un geste pour la République !
Les membres du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer m'a demandé de le représenter pour l'examen de cette proposition de loi visant à la suppression de l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure.
Cela me permet tout d'abord de souligner le courage dont font preuve quotidiennement les policiers et les gendarmes dans leurs missions de prévention et de lutte contre la délinquance ainsi que dans leurs activités d'assistance aux victimes et de maintien de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je rappelle que, chaque année, près de 10 000 policiers et gendarmes sont blessés dans l'exercice de leur mission, soit près de trente chaque jour. Depuis trois ans, six policiers et gendarmes sont décédés à la suite d'un refus d'obtempérer.
Je souhaite rendre hommage à ces trois policiers, Vincent Martinez, Éric Monroy, Franck Labois, et à ces trois gendarmes, Mélanie Lemée, Patrick Hervé et Yannick Pierre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur certains bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. le rapporteur applaudit aussi.
Tous ont tragiquement perdu la vie en exerçant leur métier, victimes d'individus qui cherchaient à se soustraire à un contrôle.
Oui, les policiers et gendarmes exercent un métier dangereux. Chaque jour, ils prennent des risques pour assurer la sécurité de nos concitoyens, pour préserver nos libertés, pour faire en sorte que chacun puisse vivre en paix sans être victime d'un acte de délinquance ou d'un attentat terroriste. Chaque jour, ils secourent et protègent ; ils accueillent des victimes et prennent leurs plaintes ; ils identifient des auteurs d'infractions et les interpellent ; ils vont au contact de la population et des élus pour mieux servir nos concitoyens. Pourtant, ils sont confrontés à une hausse de la violence, à une recrudescence des agressions et des menaces, et à une augmentation des comportements dangereux – notamment sur la route.
Je vous rappelle qu'en moyenne, un refus d'obtempérer se produit toutes les vingt minutes en France. Comparativement à nos voisins européens, les forces de sécurité intérieure sont confrontées à au moins deux fois plus de refus d'obtempérer.
Le danger est donc réel pour nos policiers et nos gendarmes, et cela d'autant plus que les refus d'obtempérer les obligent souvent à opérer des manœuvres périlleuses, au détriment de leur sécurité. J'ai ainsi une pensée pour ce commandant de police de Vienne victime de fractures au bassin, au sacrum, aux deux jambes et à plusieurs vertèbres après avoir été percuté par un véhicule dont le conducteur fut plus tard contrôlé positif aux stupéfiants ; pour ce policier niortais, percuté à vive allure par un véhicule et victime d'un arrachement ligamentaire à l'épaule qui lui valut quarante-cinq jours d'incapacité totale de travail (ITT) ; pour ce gendarme de Saint-André-de-Cubzac, victime d'une double fracture, du tibia et du péroné, à la suite d'un choc avec un véhicule en fuite. Je pense à ces policiers d'Englos, de Marseille, de Nîmes, de Strasbourg, de Rennes et à tous les policiers et gendarmes qui courent, jour après jour, des risques immenses face à des individus dangereux et inconscients.
Je rappelle que refuser d'obtempérer à une sommation claire de s'arrêter constitue un délit pénalement qualifié, prévu à l'article L. 233-1 du code de la route.
Les dispositions de cet article prévoient quatre types d'infractions liées au refus d'obtempérer : le refus d'obtempérer simple, puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ; le refus d'obtempérer exposant directement autrui à des risques de mort ou d'infirmité permanente, puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ; le refus d'obtempérer exposant directement un agent de la force publique à des risques de mort ou d'infirmité permanente, puni de jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende ; enfin, la récidive de refus d'obtempérer, punie d'une peine complémentaire de confiscation du véhicule, qui vient s'ajouter aux sanctions déjà mentionnées.
Il s'agit non seulement d'un fait particulièrement grave, mais d'un phénomène en forte augmentation, qui expose chaque jour davantage nos concitoyens à des risques majeurs pour leur vie.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer ce phénomène. Le nombre de refus d'obtempérer a augmenté de plus de 34 % depuis 2012 ; celui des refus d'obtempérer dangereux de plus de 87 % depuis la même année.
Sur les dix premiers mois de l'année 2023, le nombre de refus d'obtempérer exposant directement les forces de l'ordre à des risques pour leur intégrité physique a augmenté de plus de 74 %. Il en est de même du nombre de récidives de refus d'obtempérer, qui a crû de plus de 69 % depuis le début de l'année.
Ces chiffres ne sont pas anodins. Ils illustrent le développement et la banalisation d'une culture qui consiste à se soustraire systématiquement à l'autorité des forces de l'ordre. Pire encore, un grand nombre de ces cas de refus d'obtempérer montre une intention de porter directement atteinte à l'intégrité physique des policiers et des gendarmes.
Dans ce contexte, nous ne pouvons pas désarmer ceux-ci. Nous devons leur garantir des moyens pour protéger nos concitoyens ainsi que pour préserver leur intégrité physique. C'est pourquoi, dès 2016, après les attentats meurtriers de 2015, puis en 2017, notamment après l'assassinat du policier Xavier Jugelé, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a décidé de préciser le cadre légal d'usage de l'arme par les forces de sécurité intérieure.
Ainsi, avant 2017, en dehors du cadre spécifique prévu pour les gendarmes du fait de leur statut militaire, les policiers n'avaient le droit d'utiliser leur arme que dans les cas prévus par la légitime défense – article 122-5 du code pénal – et l'état de nécessité – article 122-7 du même code. Ces deux articles ne faisaient aucune référence explicite à l'usage des armes, et cela alors même que, depuis les années 1990, l'ONU, puis la Cour européenne des droits de l'homme demandaient aux États de se doter d'une législation spécifique relative à l'usage des armes par les forces de sécurité intérieure.
Il aura fallu attendre 2017 et la création de l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure pour voir enfin les forces de l'ordre bénéficier d'un cadre juridique précis et sécurisant.
Il s'agit d'une avancée majeure.
Il est erroné de dire que, depuis cette loi, les tirs et les cas mortels sont en hausse. Et si les policiers et les gendarmes sont malheureusement contraints d'ouvrir le feu, c'est parce qu'ils sont confrontés à des individus et à des comportements dangereux !
Il n'est pas toujours nécessaire d'ouvrir le feu. Les gendarmes ne tuent pas des gens !
Un policier ou un gendarme qui tire et blesse ou tue une personne reste marqué inexorablement par ce geste – qui demeure exceptionnel tant par sa rareté que par les conséquences qu'il entraîne.
Pour 1 000 refus d'obtempérer dangereux, les policiers et gendarmes ont tiré en moyenne 69 fois en 2012, 74 fois en 2017 et 33 fois en 2022. Contrairement à ce qui est avancé, les policiers et gendarmes ont donc tiré deux fois moins en cas de refus d'obtempérer dangereux en 2022 qu'en 2012.
En 2022, ce sont seulement 0,1 % des policiers et gendarmes qui ont fait usage de leurs armes dans le cadre de leurs missions – 317 au total. Seules 0,005 % des 5,8 millions d'opérations de police menées cette année ont nécessité le recours à l'arme par les forces de l'ordre.
Il n'est pas vrai que l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure complexifie le cadre d'usage de l'arme. Au contraire, il en précise et clarifie les conditions et le cadre juridique. S'agissant du cas spécifique du refus d'obtempérer, il est même plus restrictif que ne l'était l'article L. 2338-3 du code de la défense pour les gendarmes, puisqu'il introduit des conditions précises.
Le 4
Ces dispositions sont directement inspirées du dramatique attentat de Nice. Souvenons-nous que, le 14 juillet 2016, à Nice, à l'issue du feu d'artifice donné pour notre fête nationale, un terroriste a conduit un poids lourd sur la promenade sur près de deux kilomètres, prenant pour cible une foule de civils. L'attaque a entraîné la mort de 86 personnes et fait 458 blessés. Elle a pris fin quand le terroriste a été justement abattu par la police.
Non, on ne peut pas affirmer que l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure confère aux forces de l'ordre une autorité nouvelle pour apprécier un risque d'atteinte future à leur vie ou à celle d'autrui. Cette autorité n'est pas nouvelle. Il en est de même pour l'article 122-5 du code pénal.
Les policiers et les gendarmes sont formés pour identifier de tels risques et agir en conséquence.
« C'est l'heure ! », « Il faut arrêter ! » et autres exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsqu'un conducteur refuse d'obtempérer à un contrôle et fonce délibérément sur un policier ou un gendarme, ceux-ci doivent agir pour leur propre sécurité et celle d'autrui. C'est dans ce cadre qu'ils sont autorisés à faire usage de leurs armes, dans le respect…
Madame la secrétaire d'État, je vous prie de bien vouloir conclure. Comme il s'agit d'une journée dédiée à l'ordre du jour d'un groupe politique, je dois lever la séance à minuit.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je termine, madame la présidente.
Il est indigne de parler de « permis de tuer » à propos de cette législation.
Brouhaha.
Au contraire, ce texte satisfait aux exigences posées par la CEDH ; il offre enfin un cadre juridique précis et restrictif s'appliquant à l'usage de l'arme ; il permet à nos policiers et gendarmes d'être protégés et de protéger autrui face à des risques et menaces croissantes. Les conditions de son application demeurent contrôlées par l'autorité judiciaire. Chaque usage fait l'objet d'une enquête judiciaire visant à s'assurer du respect strict du cadre de la loi. Si tel n'est pas le cas, le policier ou le gendarme est poursuivi. La confiance des forces et des usagers dépend de cette exigence et d'un cadre juridique non équivoque.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra