En dépit des arguments avancés, lorsque je l'ai auditionnée, par une IGPN (Inspection générale de la police nationale) en service commandé par le ministre Darmanin, l'article L. 435-1 a considérablement assoupli le recours aux armes à feu. Selon les propres chiffres de l'IGPN, le nombre de tirs sur les véhicules en mouvement a augmenté de 35 % depuis la loi Cazeneuve.
On autorise à tirer dès lors que les individus en fuite sont susceptibles de causer des dommages. L'utilisation des armes à feu repose donc sur une interprétation prédictive, basée sur une analyse subjective d'une menace non confirmée. Nous sommes dans le domaine de l'anticipation, ce qui est contradictoire avec l'idée de légitime défense. Les policiers se voient ainsi demander d'accomplir l'impossible : agir en fonction d'un avenir qui n'existe pas, d'un danger qui devrait être présent. Une sorte de légitime défense anticipative, où l'exigence d'une menace objective, réelle et immédiate n'est plus nécessaire. Nahel, comme beaucoup d'autres, l'a payé de sa vie. La loi de 2017 donne un permis de tuer aux policiers !
Les conséquences de cette évolution législative doivent aussi être examinées à la lumière du système policier où elle s'applique, un système enraciné dans un racisme systémique et des violences policières. Dès 2017, le Défenseur des droits tirait la sonnette d'alarme, mettant en évidence que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes faisaient face à une probabilité de contrôle vingt fois plus élevée que les citoyens de couleur blanche.