France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Avant de commencer la séance de questions au Gouvernement, je voudrais prononcer quelques mots. Notre pays a la chance de pouvoir compter sur des citoyens qui s'engagent pour servir, protéger et soigner les autres ;
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
aucun ne devrait avoir à le faire au péril de sa vie. Dimanche dernier, dans le Nord, trois jeunes policiers sont morts dans un terrible accident. Lundi, un agent de la direction interdépartementale des routes (DIR) Atlantique a perdu la vie dans un autre accident, en Charente-Maritime. Ce matin, une infirmière du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims est décédée à la suite d'une horrible agression.
Au nom de la représentation nationale, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence en hommage aux victimes et en soutien à ceux qui les aimaient. Exprimons également, ensemble, notre reconnaissance à tous les agents du service public qui œuvrent au quotidien, avec un dévouement exemplaire, au service des citoyens et de l'intérêt général.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Je veux vous remercier, madame la présidente, d'avoir rendu cet hommage. Nous avons appris ce matin, avec une grande tristesse, le décès de l'infirmière violemment agressée hier au CHU de Reims. Ce drame s'ajoute à ceux qui ont brutalement frappé les agents du service public ces derniers jours. Je pense tout d'abord à la mort de trois jeunes policiers, dimanche, percutés par un chauffard alors qu'ils accompagnaient une victime à l'hôpital. Ce lundi, c'est un agent de la direction interdépartementale des routes Atlantique qui a été mortellement blessé, alors qu'il intervenait pour la mise en sécurité d'un véhicule. Je veux également avoir une pensée pour leurs collègues, blessés et encore hospitalisés. Aux familles, aux proches et aux collègues des victimes, je veux dire ma solidarité et celle de mon gouvernement, comme l'ont fait les ministres qui se sont rendus sur les lieux de ces drames.
Mesdames et messieurs les députés, s'engager pour nos services publics, servir les autres, protéger, soigner et éduquer sont autant de missions qui honorent celles et ceux qui les accomplissent au quotidien. Leur engagement fait la force de notre pays ; il assure notre cohésion et nous rassemble. À tous les agents du service public, je veux redire mon émotion et mon soutien. Je veux assurer chacune et chacun de la reconnaissance de la nation et des Français, qui sont témoins de leur sens du service et de leur dévouement.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
Après la disparition tragique, dimanche matin, de trois policiers dans le cadre de leur mission de service public, hier après-midi, au CHU de Reims, un déséquilibré a agressé une infirmière et une secrétaire médicale. Nous avons appris ce matin le décès de l'infirmière, Carène, âgée de 38 ans. À cet instant, j'ai une pensée sincère pour cette femme qui exerçait un merveilleux métier, tourné vers l'autre, et je présente, au nom du groupe Horizons et apparentés, ma compassion et mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches, à ses collègues et à toute la communauté des soignants du pays.
Applaudissements sur tous les bancs.
Nous avons aussi naturellement une pensée pour la seconde victime, dont les jours ne sont heureusement plus en danger.
Hier, donc, au CHU de Reims, un homme muni d'un couteau, venant de l'extérieur de l'établissement, a erré dans les services, a pénétré dans un vestiaire et a commis un acte irréparable. Ce terrible drame met une nouvelle fois en lumière la situation difficile de nos soignants dans les hôpitaux et les cabinets médicaux. Nos soignants sont trop souvent agressés, tant verbalement que physiquement. Cette violence inacceptable a d'ailleurs augmenté de 23 % entre 2021 et 2022. Être soignant, c'est aider l'autre, prendre soin de l'autre. Aujourd'hui, cette communauté est à bout : trop souvent, elle est la cible de frustrations individuelles non maîtrisées de la part de certains patients et, plus largement, du non-respect de l'autre.
Cette terrible agression met aussi en lumière la difficile gestion de malades atteints de troubles psychiatriques. L'homme, actuellement en garde à vue, était placé sous curatelle renforcée ; en 2022, il a été déclaré pénalement irresponsable pour des violences aggravées. Près d'un an après, les mesures de sûreté le concernant n'étaient toujours pas prises et nous savons que l'agresseur était en rupture de traitements médicamenteux.
Ma question s'adresse donc à M. le ministre de la santé et de la prévention. Hier, une infirmière est morte à Reims ; une telle tragédie souligne forcément les difficultés du travail de nos soignants. Aussi, quelles mesures comptez-vous appliquer dès à présent, en lien avec les travaux lancés en janvier dernier par votre collègue Agnès Firmin Le Bodo, afin de rétablir chez ces professionnels la sérénité qui leur est due et leur permettre de se consacrer uniquement à leur vocation première, à savoir soigner et prendre soin des autres ?
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE. – Mme Élodie Jacquier-Laforge applaudit également.
Cette agression mortelle qui a eu lieu hier à Reims nous anéantit tous. Deux agents hospitaliers, une infirmière et une secrétaire médicale, ont été violemment agressées dans l'exercice de leurs fonctions. L'infirmière, prénommée Carène, est décédée à l'âge de 38 ans des suites de ses blessures. Comme tous les membres de cette assemblée, j'ai bien sûr une pensée pour Carène, mais aussi pour la secrétaire médicale, qui se bat encore, et pour leurs familles, ainsi que pour les équipes médicales – Samu, chirurgiens, anesthésistes et aides-opératoires – qui sont intervenues immédiatement sur place pour tenter de sauver leurs vies.
Le temps est d'abord au recueillement. Cette agression nous fait réfléchir au risque que comportent les métiers qui s'exercent au contact de la population. On ne peut pas imaginer un hôpital entièrement fermé, car c'est le lieu où l'on accède lorsqu'on est malade ou en difficulté.
Cela complique fortement le travail que j'ai confié à Agnès Firmin Le Bodo sur la sécurité des soignants face aux violences qui leur sont faites. Nous en attendons les résultats dans les semaines à venir. Avant même qu'ils me soient communiqués, j'ai décidé de réunir, jeudi matin, les organisations syndicales et les représentants des professionnels afin d'étudier les solutions pour accélérer et améliorer la sécurité des soignants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Trois jeunes policiers du commissariat de Roubaix sont décédés ce dimanche dans l'exercice de leurs fonctions. Aux familles, aux proches et aux collègues, je veux redire la peine des représentants de la nation et présenter nos condoléances attristées. Nous témoignons toute notre reconnaissance à ces agents.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent. – Les membres du Gouvernement se lèvent également.
Ces moments d'unité sont rares, mais ils sont précieux ; nous sommes souvent en désaccord, et c'est normal, mais, quelquefois, votre silence est aussi incompréhensible qu'injuste : les salariés de Vertbaudet en sont l'exemple.
« Quel est le rapport ? » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il s'agit pour la plupart de femmes mal payées, au Smic. Certaines ont accompli trente ans de bons et loyaux services. Pourtant, elles ne connaissent aucune augmentation de salaire.
Exclamations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
Alors que les prix augmentent, elles n'arrivent plus à payer leurs factures et à nourrir leur famille. Elles sont donc entrées en grève pour se faire entendre.
La semaine dernière, le délégué syndical de ces femmes a été enlevé, devant ses enfants, par des individus se présentant comme des policiers. Ils l'ont humilié, battu, volé et menacé de mort. Mais qui a réagi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
Lui qui communique souvent, il n'a même pas publié un tweet pour annoncer la protection de cet homme !
Où est le ministre de l'économie pour dire que ces femmes sont trop précaires pour nourrir leurs familles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Puisque le patron de Vertbaudet gagne 60 000 euros par mois et que son entreprise se porte bien, il peut au moins répondre à la demande d'augmentation de 150 euros net formulée par ces salariées !
Où est la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes ? Pourquoi ne s'indigne-t-elle pas contre la direction de cette entreprise, qui a multiplié publiquement les déclarations sexistes les plus scandaleuses ?
Mêmes mouvements.
Et que dire du porte-parole du Gouvernement ? Plutôt que de mentir éhontément ce matin sur les propos de Jean-Luc Mélenchon, qui est passé soutenir les salariées ,
Exclamations sur les bancs du groupe RN
il devrait s'excuser puis dépenser son énergie, quelques secondes, pour porter la parole de ces femmes et convoquer à son bureau le patron de Vertbaudet !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Citoyens, n'acceptez pas d'acheter à une marque qui brutalise les femmes ! Boycottez Vertbaudet !
Chers collègues, parfois, nous partageons nos peines et nos joies communes. Cette fois – juste cette fois –, partagez notre colère ! Gloire aux grévistes de Vertbaudet !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mme Sandrine Rousseau applaudit aussi. – M. Maxime Minot s'exclame.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous nous interrogez sur la situation au sein de l'entreprise Vertbaudet. Sans doute est-il utile, avant d'en venir à votre question, de rappeler ce qu'il s'est passé ces dernières semaines. Au début du mois de mars, un conflit social s'est noué à l'occasion des négociations annuelles au sein de cet établissement, situé dans le nord de la France. Une grève a été déclenchée le 20 mars et, à la fin du mois, un accord a été signé par deux organisations syndicales, FO et la CFE-CGC, qui représentent toutes deux 63 % des salariés, selon le résultat des dernières consultations internes.
Cet accord est majoritaire. Or la CGT ne l'a pas accepté – je le constate sans porter de jugement – et a ouvert un mouvement de grève qui, aujourd'hui, concerne 70 à 80 salariés sur les 330 à 340 du site. Ce conflit a entraîné une médiation avec la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Résultat : le 1er mai, l'entreprise s'est formellement engagée à embaucher, sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, trente employés qui travaillaient précédemment en qualité d'intérimaires – c'est bien d'une déprécarisation de certains personnels qu'il s'agit.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, le conflit perdure. À la demande du député Fabien Roussel, qui m'a alerté il y a maintenant une dizaine de jours sur cette situation, mon cabinet a facilité la mise en contact de la direction générale de l'entreprise avec la direction nationale de la CGT. Des contacts informels ont eu lieu la semaine dernière et une réunion s'est tenue hier matin, en la mairie de Marquette-lez-Lille, avec la direction générale de l'entreprise et les représentants syndicaux signataires et non signataires de l'accord intervenu à la fin du mois de mars. De nouvelles propositions ont été faites, notamment avancer la date des négociations annuelles obligatoires et alléger, voire renoncer à une partie des sanctions envisagées contre certains salariés qui étaient sur les piquets de grève. De nouveau, ces propositions ont été rejetées par la CGT.
Nous continuerons, comme nous le faisons depuis le début, à faciliter toutes les médiations, dans le respect du droit social et du dialogue social.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, nous étions ensemble hier soir dans ma circonscription, aux côtés du président du conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Reims et maire de Reims, M. Arnaud Robinet, et de Mme la directrice du CHU, en présence des autorités judiciaires et de toute la communauté médicale. Nous étions sous le choc à la suite de la dramatique agression d'une infirmière et d'une secrétaire médicale, qui ont été sauvagement poignardées par un déséquilibré.
Dans ce contexte tragique, vous avez témoigné votre soutien aux victimes et, plus largement, à l'ensemble des personnels hospitaliers qui doivent faire face à ces menaces quotidiennes. Vous avez rappelé la vitesse avec laquelle les forces de l'ordre sont intervenues pour appréhender le suspect et, surtout, la vitesse avec laquelle les victimes de cette attaque ont été prises en charge par leurs collègues.
Malheureusement, malgré d'importants efforts, nous avons appris ce matin le décès de cette infirmière, âgée de 38 ans, tandis que sa collègue reste dans un état grave. À cet instant, nous adressons notre compassion, notre soutien et nos condoléances à la famille, aux proches, à l'ensemble des personnels du CHU et à la grande famille du soin.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent. – Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent également.
Cet événement dramatique corrobore les chiffres de l'Observatoire national des violences en milieu de santé, qui dénombrait, en 2021, 19 328 cas de violence, à savoir des atteintes aux personnes et aux biens. Chaque jour, près de trente infirmières et infirmiers font l'objet d'une agression. La France ne peut accepter ces agressions et cette haine. Je souhaite rappeler ici, devant la représentation nationale, le soutien inconditionnel de la République à nos soignants, qui œuvrent pour assurer les soins des Français et qui sauvent des vies chaque jour.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dans ce contexte terrible, comment pouvons-nous renforcer notre arsenal de prévention au quotidien de sorte que plus jamais de tels drames ne se produisent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Ségolène Amiot applaudit aussi.
Je vous remercie d'avoir souligné la célérité avec laquelle la police est intervenue pour maîtriser l'agresseur et avec laquelle la justice et le procureur se sont saisis de cette affaire et ont placé le suspect, sinon l'auteur, en garde à vue. Je les souligne à mon tour.
Par un hasard malheureux, je devais inaugurer ce matin le salon SantExpo. Je dis malheureux car le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), organisatrice du salon, est également le maire de Reims. Nous nous sommes retrouvés ce matin dans une situation dramatique : l'agression était, bien sûr, dans la tête de tous les soignants présents. Avec l'accord du président de la FHF, plutôt que d'inaugurer le salon comme il est de tradition, j'ai demandé à l'assistance d'observer une minute de silence. J'ai aussi annoncé qu'une minute de silence serait observée demain dans tous les hôpitaux de France en mémoire de Carène.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. André Villiers applaudit aussi.
Je suis d'accord avec vous, les soignants sont trop souvent victimes de violences, injustement qualifiées d'« incivilités ». Il n'y a pas de petites violences, qu'il s'agisse de gestes, de propos ou de photographies relayées par tweet. Nous ne devons jamais banaliser la violence. J'en discutais ce matin avec des personnels présents au salon, les soignants ont beaucoup trop tendance à banaliser la violence verbale ou les gestes qui leur sont adressés. Or tout cela est inacceptable et doit le rester. Je suis certain que, dans cet hémicycle, vous condamnez tous cette banalisation de la violence, quelle qu'elle soit et d'où qu'elle vienne.
Beaucoup de choses sont faites. Néanmoins, nous allons prendre le plus rapidement possible des mesures complémentaires. Pour conclure, je tiens à rappeler la diligence de l'ensemble des services publics – police, justice, service de santé. Malheureusement, ils n'ont pas pu éviter le pire, mais ils ont sauvé une des deux victimes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont remis hier à la Première ministre un rapport, établi à sa demande, qui confirme à bien des égards les analyses des Écologistes.
Oui, il faut accélérer l'action pour le climat ; le rythme actuel de baisse des émissions est très insuffisant.
Oui, les plus riches ont une responsabilité plus grande dans le dérèglement climatique ; leur empreinte carbone est trois fois supérieure à celle des 10 % les plus modestes. En regard, le changement climatique affecte plus durement les plus pauvres.
Oui, il faut augmenter massivement le financement public de la transition écologique, de 25 à 34 milliards par an à l'horizon 2030, dont 10 à 14 milliards doivent être consacrés à la seule rénovation thermique des logements.
Oui, enfin, il faut financer ces dépenses exceptionnelles par un prélèvement exceptionnel. Jean Pisani-Ferry propose un impôt sur le patrimoine financier des 10 % les plus aisés.
S'il est absolument nécessaire de s'attaquer aux niches fiscales néfastes au climat, cela ne suffira pas.
Depuis quelques jours, vous avez visiblement lancé une énième opération de communication autour de la question climatique. Vous semblez donc ouvrir enfin les yeux sur les conséquences du dérèglement climatique. Toutefois, vous comprendrez qu'après six ans de communication sur l'écologie, qui n'a jamais été suivie de politiques à la hauteur des enjeux ,
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit aussi
et tandis que vous parcourez les plateaux simplement pour annoncer que vous allez faire des annonces, nous attendions des engagements concrets, d'autant que Bruno Le Maire a déjà dit, ce matin, qu'il ne suivrait pas les recommandations du rapport Pisani-Ferry.
Ma question est simple : quand allez-vous enfin arrêter la communication et vous décider à écouter les économistes qui vous conseillent ? Il faut investir massivement dans la transition écologique,…
…supprimer les niches fiscales néfastes au climat et réguler les comportements les plus émetteurs, à commencer par ceux des plus riches.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Le rapport Pisani-Ferry a effectivement été remis hier. Si je comprends bien, vous en faites une lecture qui consiste à le résumer à une seule proposition, au lieu d'insister sur toutes ses dimensions.
Ce rapport a été réalisé à la demande du Gouvernement pour chiffrer le coût de la transition écologique. Il s'inscrit dans le chantier plus large de la planification confiée à la Première ministre et pilotée par elle. S'agissant du calendrier, il a été rendu public le jour où, afin de respecter notre engagement climatique, la perspective de construire une planification écologique en vue de descendre en 2030 à 270 millions de tonnes de gaz à effet de serre émises a été présentée devant le Conseil national de la transition écologique – ce qui est une première.
Dans ce contexte, le rapport montre qu'il y a un besoin de financement et identifie trois pistes. Il s'agit d'abord de réorienter des dépenses budgétaires, de telle sorte que « le brun finance le vert ». Le rapport explique ensuite que l'on ne peut pas traiter de manière classique les dépenses publiques réalisées pour tenir nos engagements climatiques, en particulier en matière de rénovation thermique, ni envisager de la même manière la dette qui en découle. Enfin, il indique que la question de la fiscalité peut s'inviter dans le débat.
Avant tout chose, je souhaite vous demander d'arrêter le petit jeu qui consiste à répéter de manière systématique des éléments de langage faux et qui tournent à vide !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit aussi. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Depuis que les écologistes n'exercent plus de responsabilités – je sais que vous en souffrez –, le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre a doublé dans notre pays. C'est une réalité !
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Si l'on avait écouté certains d'entre vous, c'est la filière nucléaire, autrement dit la capacité à produire de l'électricité décarbonée, que nous aurions arrêtée !
Exclamations sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Heureusement que nous n'avons pas suivi les plus radicaux ! Heureusement que nous construisons la planification écologique en tenant compte à la fois de l'économie et du social !
M. Mathieu Lefèvre applaudit.
Sortez de l'idéologie et regardez ce que nous proposons ! Les solutions sont de notre côté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Une fois de plus, vous faites de la communication et je n'ai entendu aucun engagement concret : à quand les actes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Madame la Première ministre, Euripide écrivait : « Le temps révèle tout et n'attend pas d'être interrogé. » En effet, les années passent, et le scandale de la privatisation des concessions d'autoroutes révèle les entrailles toujours plus nauséabondes du système oligarchique qui pille les Français.
Les mois passent, et plus rien ne justifie votre refus obstiné de reprendre le contrôle des prix des péages et des équipements qui devraient appartenir aux Français. Les jours passent, et s'enchaînent les révélations consternantes sur la compromission du personnel politique avec ceux qui se gavent sur le dos des Français.
Le magazine Marianne a révélé que le secrétariat général du Gouvernement aurait dissimulé par un faux l'indigence des documents de travail qui vous ont permis de négocier, en 2015, un accord avec les concessionnaires d'autoroutes. Vous étiez alors, madame Borne, directrice de cabinet de Ségolène Royal, et vous avez établi, dans l'ombre d'Emmanuel Macron et d'Alexis Kohler, un accord scandaleux, qui a offert 9 milliards d'euros aux concessionnaires privés d'autoroutes, dont la société Eiffage.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit aussi.
Or, madame Borne, vous avez dirigé la branche des concessions d'autoroutes pour Eiffage entre 2007 et 2008.
Exclamations et murmures sur plusieurs bancs du groupe RE.
Cela vous fait rire ? Moi, non !
Comment avez-vous pu mener de telles négociations, alors que vous étiez dans une situation évidente de conflit d'intérêts ? À la tête de ces concessions, madame Borne, comment pouviez-vous ignorer les bénéfices intolérables qu'Eiffage réalisait sur les péages ? Pourquoi n'avez-vous rien fait pour rétablir la justice, ni comme directrice de cabinet, ni comme ministre, ni comme Première ministre ?
Pis encore, alors que vous étiez ministre des transports, vous avez attribué la concession de l'A79, un contrat de 500 millions d'euros prévoyant une concession de quarante-huit ans et garantissant un rendement juteux de 5 à 10 %. Qui a obtenu cette concession ? Eiffage ! Qui peut encore croire à votre impartialité ?
Ma question est simple : êtes-vous au service des Français ou d'Eiffage ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Véronique Besse et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent aussi.
« Quel courage ! », « Lâcheté ! » et autres exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il y a des règles : la Première ministre répond aux présidents de groupe !
Dans le sillage de ce qu'elle a dit elle-même, je vous réponds que la Première ministre est au service de l'intérêt général.
« Non, au service d'Eiffage ! » sur les bancs du groupe RN.
Si vous le permettez, je voudrais avoir un mot pour l'agent des routes décédé hier, dont j'ai rencontré les collègues l'après-midi même.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – « Quel rapport ? » sur les bancs du groupe RN.
Permettez-moi, en tant que ministre délégué chargé des transports, d'avoir une pensée pour les agents des routes, qui rendent service aux Français. Je vois que cela ne vous intéresse pas, monsieur Tanguy, mais je vais répondre à votre question.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Je vois que vous vous portez bien, vous et votre démagogie. J'en ai assez, monsieur Tanguy, j'en ai ras le bol de votre démagogie, qui sert votre électoralisme insupportable, et de ce complotisme de bas étage, qui salit nos agents publics.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe RN.
Le secrétariat général du Gouvernement, placé sous l'autorité de la Première ministre, est composé de fonctionnaires dévoués. Je ne supporterai pas que vous jetiez le soupçon sur cette institution, ni sur l'administration du ministère des transports, comme vous l'avez fait sur celle du ministère de l'économie.
Chaque fois que nous avons été sollicités, nous avons répondu à vos demandes. Je l'ai encore fait la semaine dernière.
Nous avons transmis le rapport de l'Inspection générale des finances. La semaine dernière, à la demande de parlementaires et de journalistes, j'ai moi-même transmis une note de 2013 portant sur ce sujet.
Il n'y a pas lieu de se livrer au moindre complotisme.
Nous pouvons avoir un débat politique. J'ai passé des heures dans cet hémicycle – vous étiez d'ailleurs présent, monsieur Tanguy – pour répondre à chacune de vos questions sur les concessions et sur les péages. Cessons de prononcer des mots insupportables, qui alimentent la violence politique. Nous ne pouvons pas vivre dans ce climat. Je vous demande d'arrêter de verser dans ce complotisme odieux.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Euripide écrivait aussi : « Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence. » Il ajoutait : « Le silence est un aveu. »
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Tout est dit, monsieur Tanguy : vous n'écoutez même pas les réponses ; vous lisez des fiches préparées.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – « Il n'y avait pas de réponse ! » et exclamations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, depuis de nombreux mois, tous les acteurs du logement – professionnels du bâtiment, promoteurs, monde HLM, associations, élus locaux – tirent la sonnette d'alarme. Tous le disent, notre pays est désormais plongé dans l'une des plus graves crises du logement de son histoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Certains évoquent même « une bombe sociale à retardement ». Cette crise est la source d'une immense souffrance sociale ; elle pèse sur le pouvoir d'achat et affaiblit notre économie.
Depuis 2017, sur de nombreux bancs de l'hémicycle, nous vous avons alertés sur vos mauvais choix. Une fois de plus, vous n'avez pas écouté. Cette crise est non pas le résultat d'une calamité sans cause, mais le produit de vos orientations politiques : du rabotage des aides personnelles au logement (APL) à l'augmentation de la TVA sur la construction, en passant par les ponctions sur les HLM et la suppression des aides aux maires bâtisseurs,…
…vous avez déséquilibré notre système si singulier, fondé sur une économie mixte, constituée d'un secteur privé et d'un secteur socialisé.
Jamais la France n'a consacré au logement une part aussi faible de son PIB. Or, si le logement coûte 38 milliards d'euros par an au budget de la nation, il en rapporte 88 !
Mêmes mouvements.
Au moment où le secteur privé souffre de difficultés liées à l'inflation, il y a urgence à agir pour redonner au secteur social les moyens de remplir son rôle contracyclique.
Ma proposition sera raisonnable et simple : alors que la hausse bien légitime du taux du Livret A pèse sur les comptes des organismes HLM, allez-vous, pour relancer la production, supprimer la ponction de 1,5 milliard d'euros par an dite « RLS » – réduction de loyer de solidarité – et revenir au taux de TVA à 5,5 % sur les produits de première nécessité pour la construction de logements conventionnés ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Le logement est un bien précieux, le logement social l'est encore plus. Le logement est au cœur des préoccupations de ce Gouvernement.
Le Conseil national de la refondation sur le logement rendra ses premières conclusions le 5 juin prochain. Avec plus de 200 acteurs du logement, nous avons travaillé durant plusieurs mois pour formuler des propositions et nous agissons déjà pour le logement social.
Malgré les difficultés que vous avez citées et que nous connaissons depuis un certain nombre de mois, le logement social n'est pas en crise systémique, ni en crise financière.
Plus de 100 000 agréments ont été donnés en 2018 et en 2019. Si une baisse a été constatée ces deux dernières années, c'est parce que certains élus locaux ont pris des décisions contraires à l'intérêt de leurs concitoyens et refusé de signer des permis de construire.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR – NUPES.
Vous le savez comme moi ; j'ai été élu local suffisamment longtemps pour savoir qu'un maire peut décider de construire ou de ne pas construire. Par ailleurs, nous savons que la crise de la promotion est aussi une crise du logement social.
Comme l'a annoncé la Première ministre, pour faire face à cette crise, nous allons engager, avec la Caisse des dépôts et la Caisse des dépôts Habitat, un soutien à l'acquisition de plus de 20 000 logements. Ce programme a déjà été annoncé par le directeur général, M. Lombard.
Par ailleurs, nous allons poursuivre le travail que nous menons, avec Bruno Le Maire et avec les banques, sur l'accès au prêt, afin de leur accorder des possibilités de souplesse sur les taux d'intérêt et sur la durée des prêts. Tous ces chantiers sont en cours.
Enfin, le pacte de confiance qui a été souhaité par la Première ministre est en cours d'élaboration avec l'ensemble des bailleurs sociaux. Nous y travaillons d'arrache-pied dans l'objectif d'une signature au congrès HLM prévu à la fin du mois de septembre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Vous venez de lancer l'opération « Tous aux Jeux », la billetterie populaire de l'État pour les Jeux de Paris 2024.
Nous savons tous que l'acceptabilité sociale des Jeux dépendra notamment de leur accessibilité financière ; le sujet a été abordé au sein du groupe de travail sur les Jeux olympiques et paralympiques que je copréside avec Maxime Minot.
« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe LR.
Grâce à l'achat de 400 000 billets donnant accès aux épreuves des Jeux olympiques et paralympiques, le Gouvernement confirme son engagement de contribuer à l'engouement populaire autour de Paris 2024 en associant à l'événement la jeunesse, les bénévoles du mouvement sportif, les personnes en situation de handicap et leurs aidants.
Je rappelle que le prix de la moitié des billets est fixé à moins de 50 euros et que 10 % d'entre eux seulement coûtent plus de 200 euros. Je n'ignore pas les débats engagés sur le prix des billets, ni les critiques adressées au système des packs qui permet, à des tarifs souvent élevés, une participation aux disciplines les plus populaires. Je rappelle que nous avons exigé que les Jeux soient financièrement équilibrés pour éviter de faire appel au contribuable.
Le budget a déjà dérapé ! Vous n'aurez pas le beurre et l'argent du beurre.
L'opération « Tous aux Jeux » prendra aussi corps dans nos villes, au moment du passage de la flamme et pendant les Jeux eux-mêmes à travers l'animation de nos quartiers, les fanzones et les associations sportives.
Au-delà de la seule question des billets, il s'agit de donner aux Jeux olympiques, et plus particulièrement aux Jeux paralympiques, une vocation éducative et d'en faire un vecteur de promotion de l'insertion sociale par le sport. Le sport est porteur des valeurs de diversité et d'inclusion ; il est essentiel pour faire évoluer le regard de la société.
L'insertion sociale par le sport, c'est par les associations qu'elle se fait !
Les Jeux valent mieux qu'une polémique sur le prix des billets. Pouvez-vous, madame la ministre,
« Allo ! » sur plusieurs bancs du groupe LR
nous en dire plus sur l'opération « Tous aux Jeux », nous préciser la répartition et les bénéficiaires des billets pour les épreuves et la cérémonie d'ouverture et nous détailler l'implication des collectivités aux côtés de l'État ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Nous voulons de beaux Jeux, nous voulons de grands Jeux ; en même temps, nous voulons éviter un « impôt JO ». Il faut donc accepter qu'il y ait des recettes de billetterie, sachant que les prix les plus élevés permettront de financer les billets d'entrée de gamme, y compris le million de places à 24 euros seulement.
Comme nous l'ont demandé le Président de la République et la Première ministre, nous serons au rendez-vous de l'impératif d'accessibilité tarifaire et sociale des Jeux. C'est pourquoi nous avons lancé, le 19 mai dernier, ce programme de billetterie populaire de l'État doté de 400 000 billets. « Tous aux Jeux », c'est 400 000 billets, dont 260 000 billets pour la jeunesse, pour des élèves de CM1 à la terminale, en métropole et en outre-mer, pour des jeunes défavorisés qui relèvent de l'aide sociale à l'enfance, pour des enfants engagés dans des programmes d'accompagnement pour les vacances – quartiers d'été, colos apprenantes –, pour des jeunes qui s'illustrent de manière exemplaire par leur engagement citoyen ou associatif, pour des étudiants boursiers ;…
J'ai bien peur qu'on laisse toujours la même partie de la jeunesse de côté.
…100 000 billets pour les bénévoles du mouvement sportif ; 17 500 billets pour les personnes en situation de handicap et leurs aidants ; 25 000 billets pour les agents des catégories B et C particulièrement engagés dans la préparation de ces jeux. C'est à cette population que nous offrons cette billetterie gratuite. C'est un effort sans précédent, un effort inédit.
Les collectivités hôtes ajouteront à ces 400 000 billets une dotation supplémentaire de 500 000 billets et le comité d'organisation lui-même mettra 100 000 billets à la disposition du public prioritaire. Au total, c'est donc un million de billets que nous offrirons, en complément des places gratuites sur les quais hauts pour la cérémonie d'ouverture, par le biais de cette billetterie, soit 10 % des billets et des épreuves, pour rendre le plus grand nombre de Français fiers et heureux de cet événement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
Les travailleuses de Vertbaudet, dans le Nord, qui, depuis deux mois, se battent pour une augmentation de salaire, conservent une détermination forte face à la répression patronale, judiciaire et policière. Si je fais référence à ce mouvement qui est d'actualité, c'est pour appeler votre attention sur un événement majeur de l'histoire de notre pays, les émeutes de mai 1967 en Guadeloupe.
Elles ont été un tournant dans la lutte pour la reconnaissance des droits et la dignité des Guadeloupéens. Les manifestations et les affrontements avec les forces de l'ordre ont secoué l'île, révélant les profondes inégalités économiques, sociales et raciales qui y persistaient. C'est pourquoi je souhaite aborder la question de la déclassification totale des archives.
MM. Olivier Faure et Boris Vallaud applaudissent.
Comprenez que la transparence est essentielle pour guérir les plaies du passé et progresser vers une société plus juste et plus équitable. J'exhorte donc le Gouvernement à prendre des mesures concrètes pour la déclassification totale de ces archives. Les Guadeloupéens et tous les citoyens de notre pays méritent de connaître la vérité et d'apprendre de notre passé pour construire un avenir meilleur.
Ma question est donc la suivante : référence faite à la décision du Président de la République tendant à la déclassification totale des archives relatives à la guerre d'Algérie, pouvez-vous nous indiquer les mesures spécifiques que le Gouvernement envisage de prendre afin d'étendre la déclassification totale des archives de même nature à l'ensemble des territoires d'outre-mer, y compris la Guadeloupe ? Le cas échéant, quelles garanties pouvez-vous offrir quant à la transparence du processus de déclassification totale des archives et à l'accès à ces documents pour les chercheurs et les citoyens intéressés ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – Mme Clémence Guetté applaudit également.
Vous évoquez un épisode douloureux de l'histoire de la Guadeloupe et de la France, les émeutes de mai 1967. En octobre 2016, le Gouvernement a pris ses responsabilités et le ministre de l'outre-mer d'alors a réuni une commission chargée de faire la lumière sur ces événements. Ses conclusions sont rendues et nous les partageons. La secrétaire générale de la commission, l'historienne Michelle Zancarini-Fournel, a depuis lors publié une Histoire populaire de la France chez Zones dans laquelle elle replace l'événement dans l'histoire longue.
À cinquante ans de distance, il s'agit d'être transparent. Je n'ai pas de mandat pour donner une version officielle, aussi ne puis-je vous dire que ce que j'en connais. Le 26 mai 1967, des ouvriers du bâtiment se mettent en grève à Pointe-à-Pitre pour demander une augmentation de salaire de 2,5 %. La grève devient une émeute ; un militant indépendantiste populaire, Jacques Nestor, est tué ; des armureries sont pillées ; les émeutes débouchent sur huit autres morts, à tout le moins.
Concernant les émeutes de 1967, comme les autres drames qui ont marqué l'histoire des Antilles, je dirai, encore et toujours, qu'ils ne sont pas assez étudiés, non seulement en outre-mer mais aussi dans l'Hexagone. Je citerai le rapport de la commission Stora : « L'histoire des Antilles, de la Guyane comme de la Réunion, reste encore méconnue dans l'Hexagone. Après la fin des accords d'Évian, celle-ci semble complètement disparaître de l'histoire nationale. »
Nous devons travailler à la faire connaître et le Gouvernement est prêt à y prendre toute sa part. La mémoire, fût-elle terrible, doit nous aider à construire l'avenir.
C'est d'ailleurs ce que nous faisons en ce 23 mai, jour où nous célébrons la fin de l'esclavage et où nous nous remémorons toutes les victimes.
Pour ce qui concerne la demande de déclassification, je regrette de ne pas avoir eu votre question à l'avance ; je ne peux donc y répondre tout de suite.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.
Ce matin, un terrible drame a frappé le monde médical de notre pays : une infirmière du CHU de Reims a succombé à ses blessures après avoir été agressée au couteau. Cet homme qui cible nos blouses blanches s'en est également pris à une secrétaire médicale, la laissant dans un état très critique. Je tiens, comme médecin mais aussi comme député, à adresser mes pensées aux proches de cette infirmière et mon soutien à l'ensemble de la communauté médicale à laquelle j'appartiens.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
La facilité avec laquelle cet individu a pu commettre cet acte, le fait que son suivi psychiatrique ait été suspendu, qu'il ait bénéficié en juin 2022 d'une ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité pénale restée sans suite et, surtout, le fait que ce drame ne soit pas le premier dans notre pays, tout cela doit nous alerter sur une forme de tolérance de la part de l'État, qui s'est installée au détriment de la sécurité de nos soignants. On déplore une hausse de 23 % des incidents violents contre les soignants, soit 1 200 incidents en 2022 : un record ! Près de 40 % des professionnels de santé hospitaliers ont subi des agressions physiques. Ils vont au travail avec la boule au ventre.
Cet événement tragique pose aussi, malheureusement, la question de la prise en charge psychiatrique.
Madame la Première ministre, je vous le demande : quand fournirez-vous une réponse à la hauteur de l'urgence ? Quand financerez-vous un plan d'ampleur pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie, grands oubliés de nos politiques de santé ? À quand des moyens massifs pour les structures de soins, de recherche et d'enseignement ? Quand punirons-nous véritablement ceux qui s'en prennent aux agents du service public ?
J'ai une proposition : mettez à l'ordre du jour la proposition de loi que j'ai déposée, avec mes collègues Les Républicains, en vue de rétablir les peines planchers pour les individus qui s'en prennent à ceux qui nous soignent et nous protègent. Aucun soignant ne devrait risquer sa vie à protéger celle des autres.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je m'associe au soutien que vous témoignez, non seulement à l'ensemble de la communauté médicale, mais à l'ensemble des soignants, qu'ils exercent à l'hôpital ou en libéral.
Comme je l'ai dit, le nombre d'agressions ne cesse d'augmenter. Celles-ci sont souvent qualifiées de petites agressions ou simplement d'incivilités, ce qui est totalement insupportable. Une action forte sera de faire reconnaître aux soignants ces incivilités et ces agressions, de les dénoncer, de ne plus les accepter. Trop souvent, on accepte dans son exercice professionnel de se faire injurier pour une raison, pour une autre ; cela doit rester totalement inacceptable.
L'individu responsable de cette agression a été interpellé très rapidement. Il tenait des propos curieux, semble-t-il ; c'est une personne aux lourds antécédents psychiatriques. Comme je le disais tout à l'heure, nous sommes au temps du recueillement. L'enquête diligentée par le procureur de la République pour déterminer les circonstances globales et la volonté de la personne derrière cet acte est en cours ; laissons-la se poursuivre.
Quant à notre psychiatrie, cela fait des mois et des années qu'elle est en difficulté, comme les urgences, les maternités et notre système de santé dans son ensemble ; nous le savons. À la suite des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues en 2021, nous avons mis en œuvre plusieurs solutions, notamment les maisons des adolescents et le dispositif MonParcoursPsy, qui a permis de proposer plus de 300 000 consultations à des personnes qui se trouvaient dans des situations très difficiles.
Nous aurons à continuer dans cette voie, bien entendu, en poursuivant le déploiement de ce plan pour la psychiatrie, en recrutant des professionnels mais aussi en travaillant sur le partage de compétences ; en effet, je le répète, ce n'est pas en claquant des doigts que nous aurons plus de médecins demain. Il faudra attendre dix ans et le partage des compétences, avec des infirmières spécialisées en psychiatrie, est une des solutions que nous appliquons.
Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse médicale, mais la question est surtout pénale ! J'aurais donc souhaité que le garde des sceaux puisse s'exprimer…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Pendant les vacances de printemps, des centaines de directrices et de directeurs d'école, à Toulouse et dans l'Hérault, ont reçu un courriel émanant de vos services les enjoignant à transmettre le taux d'absentéisme observé dans leurs établissements le 21 avril dernier, soit le jour de l'Aïd. Votre demande a choqué nombre de nos concitoyens, y compris, j'en suis certain, le ministre de l'éducation nationale lui-même.
Et pour cause, elle contrevient au principe de laïcité, alors que les autorisations d'absence pour fête religieuse sont régies par le code de l'éducation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Elle dresse un lien entre la sécurité intérieure et nos compatriotes de confession musulmane, qui contribue à les stigmatiser encore davantage. Pour mémoire, le fichage religieux et ethnique est interdit par la loi, et cet événement nous rappelle des heures sombres de notre histoire.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe RN.
Monsieur Darmanin, pouvez-vous donc nous dire quel est l'objectif de cette demande ? S'est-elle appliquée à tout le territoire national ? Allez-vous demander les taux d'absentéisme à l'occasion de toutes les fêtes religieuses et faire de la participation à ces événements des signes de radicalisation ? Peut-être avez-vous vous-même un problème avec la laïcité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Enfin, êtes-vous prêt à formuler des excuses auprès du personnel enseignant et de nos concitoyens, qui se sont sentis blessés par cette nouvelle affaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Soumya Bourouaha applaudit également.
Non, monsieur le député, il n'y a pas de fichage des élèves en fonction de leur appartenance religieuse dans l'école de la République.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En revanche, oui, un suivi est réalisé sur l'ensemble du territoire national concernant le déroulement général des fêtes religieuses dans la sphère publique. Ce suivi existe pour toutes les fêtes religieuses : il s'intéresse aux heures et à la fréquentation des grandes messes, s'agissant de la religion catholique ; mais aussi au déroulement des processions et des célébrations qu'effectue la communauté juive, dans le cadre de la fête des lumières.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ne pas observer l'impact de ces fêtes religieuses serait une faute de la part des services de renseignement.
D'ailleurs, ce suivi existait également lors des précédents quinquennats, quelle que soit la majorité, et c'est bien normal.
Par conséquent, oui, la demande a peut-être été formulée de manière maladroite, mais non, demander des informations générales sur l'impact des fêtes religieuses ne signifie pas de quelconques intentions agressives à l'égard d'une quelconque religion.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et vous demandez des excuses, monsieur le député, mais c'est vous qui devriez en présenter ,
M. Laurent Croizier applaudit
parce que c'est vous qui affaiblissez la République en faisant preuve d'une telle mauvaise foi !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur quelques bancs du groupe HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vois que vos réponses restent ambiguës, un peu comme le rapport à la laïcité de M. Darmanin, qui se défausse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je regrette que vous n'ayez pas un mot d'excuse pour ceux qui ont été blessés par cet événement. Et ne vous en déplaise, à vous et à l'extrême droite, au même titre que Yom Kippour, la fête de la Nativité, le Vesak ou la Théophanie, l'Aïd est une fête française, car la République est ce bien commun qui rend harmonieuses nos différences.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mmes Soumya Bourouaha et Sandrine Rousseau applaudissent également.
Madame la Première ministre, vous avez présenté hier les premiers axes du plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre, afin de nous conformer à la feuille de route européenne qui prévoit une baisse de 50 % des émissions d'ici 2030 et la neutralité carbone à l'horizon 2050. Le respect de ce cadre européen, dans le droit fil des accords de Paris, est un prérequis pour faire face à l'urgence écologique. Suivant les préconisations du Giec – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat –, la France s'est engagée à réduire ses émissions à 270 millions de tonnes équivalent CO
…soit un doublement de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. Le chemin qu'il reste à parcourir nécessite une accélération collective et la mobilisation de tous.
Parallèlement à l'atténuation des émissions, les efforts doivent également porter sur l'adaptation au changement climatique, car s'adapter, ce n'est en rien renoncer : s'adapter, c'est anticiper les conséquences du changement climatique, dont on sait qu'il touche davantage les plus vulnérables.
Paris à 50 degrés ne relève malheureusement pas de la science-fiction, et les conséquences de telles températures seront majeures sur ses habitants.
Plus 3,8 degrés en moyenne à la fin du siècle ! On n'est pas prêts, à cause de vous !
Je pense notamment à la question du logement : la rénovation thermique doit désormais être pensée pour se protéger des pics de chaleur, qui rendront certains appartements inhabitables. Alors que le marché connaît une importante tension, les politiques d'adaptation doivent veiller à ce que l'habitabilité soit renforcée.
Face aux phénomènes météorologiques extrêmes, à l'insécurité alimentaire, à l'impact de ce changement sur la biodiversité et à ses conséquences sur la santé, l'adaptation n'est pas une option et elle doit être socialement juste pour que chacun y adhère.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,…
…vous avez annoncé le lancement d'une large concertation pour préparer le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3). Pouvez-vous nous indiquer les axes de travail que vous proposez pour prévenir l'escalade des risques et nous préciser comment le plan s'articulera avec le fonds vert pour l'accélération de la transition écologique dans les territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Depuis la fin de la matinée, la trajectoire d'adaptation au changement climatique des territoires (TACCT) est en effet en ligne ; il s'agit d'un document d'une trentaine de pages, réalisé par l'ensemble des agences qui dépendent du pôle ministériel…
…– l'Agence de la transition écologique (Ademe), Météo-France et l'Office français de la biodiversité (OFB) – et qui tourne le dos à des années pendant lesquelles on n'a parlé d'adaptation.
La preuve, c'est que même aujourd'hui, certains qui se prétendent écologistes et qui essaient de couvrir ma voix en braillant, même si tout le monde ne l'entend pas, n'ont rien dit sur ces sujets ; ils se plaisent désormais à dire qu'une trajectoire d'adaptation à 4 degrés témoignerait d'un renoncement à nos ambitions. Je les invite à se référer au rapport du Giec et à écouter ce qu'ont dit les climatologues et d'autres spécialistes, y compris ces derniers jours.
On peut tromper tout le monde un certain temps ; on peut tromper certains tout le temps ; mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'attitude de certains illustre le respect qu'ils portent au travail des agents du ministère de l'environnement ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem
aux agences qui ont travaillé, aux experts qui se sont exprimés ,…
Mme Clémence Guetté proteste
…en n'écoutant même pas les réponses et en tweetant plus vite que ce que les experts sont capables de lire et de dire.
Je vais faire en sorte de vous répondre. Malheureusement, quelle que soit la vitesse à laquelle nous réduirons nos émissions de gaz à effet de serre – notre pays a doublé son rythme de réduction au cours de ces dernières années, la baisse ayant atteint 25 % par rapport à 1990 –, les experts du Giec nous le disent : à l'échelle de la planète, à la minute où je vous parle, nous ne sommes pas sur une trajectoire mondiale de respect des accords de Paris. Et à cette vitesse-là, la hausse de la température moyenne sera bien supérieure à 1,5 degré : elle devrait se situer entre 2,8 et 3,2 degrés, c'est-à-dire 4 degrés supplémentaires pour la France, puisqu'une partie de la température est absorbée par les océans. Quatre degrés, cela signifie qu'il nous faut repenser la résilience de nos infrastructures de transport et de télécommunication, qu'il nous faut mieux préserver la biodiversité ;
Mme Élodie Jacquier-Laforge applaudit
c'est le sens de la concertation qui a été lancée ce matin.
Au moment où devraient reprendre les discussions entre le Gouvernement et les élus, je voudrais évoquer une fois de plus la question corse. Notre île souffre depuis des lustres d'une accumulation de problèmes sociaux, économiques et culturels, mais aucune solution adaptée n'a jamais été diligentée. Il est nécessaire de répondre à une situation qui fait coexister précarité, dépossession, acculturation et spéculation débridée.
Une majorité de Corses et d'élus se rejoignent sur la nécessité d'un règlement global, qui passe par un statut spécifique de la Corse et délègue des compétences afin d'améliorer les choses. Nous souhaitons pour notre part une société fraternelle et ouverte, mais aussi inscrite dans une continuité historique préservant notre culture, notre sentiment d'appartenance commun et notre personnalité.
Au-delà de cet aspect institutionnel, des problèmes majeurs restent posés. J'ai ainsi demandé à plusieurs reprises que nous soient communiqués les comptes financiers de l'île : il est impossible de dessiner les contours d'un statut fiscal, que nous appelons de nos vœux, sans savoir ce que les Corses paient d'impôts ou ce que l'État verse en Corse. Je n'obtiens aucune réponse.
De même, je ne réussis pas à obtenir la publication du rapport du Conseil national de l'investissement en santé (Cnis) sur la nécessité de la construction d'un nouvel hôpital à Bastia, pas plus que nous n'obtenons la contractualisation des trois écoles immersives en langue corse, malgré l'extrême modestie de son coût.
Madame la Première ministre, ces silences répétés sont inquiétants ! La lourdeur des tâches qui pèsent sur le Gouvernement ne doit pas conduire à sous-estimer et à écarter les besoins que la Corse exprime depuis des siècles. Nous en sortirions tous grandis si nous avancions enfin vers la prise en compte d'une situation pénible, que nous souhaitons ardemment voir réglée de façon positive.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE.
C'est une belle chose que de pouvoir parler de la Corse dans l'hémicycle, à la veille – vous le savez bien – de la nouvelle réunion que nous tiendrons avec l'ensemble des élus de Corse, y compris vous-même et le président Simeoni. Ce dernier s'entretiendra jeudi avec les ministres Béchu et Klein à propos de logement et d'urbanisme, questions essentielles que vous avez déjà évoquées.
Pardon, monsieur le député, mais je veux d'abord rappeler toutes les avancées qui ont eu lieu en Corse sous le gouvernement d'Emmanuel Macron, d'abord en ce qui concerne la continuité territoriale : je pense notamment au travail que nous avons accompli pour convaincre la Commission européenne à ce sujet, et nous pouvons remercier Clément Beaune de son implication – je crois que le président Simeoni s'en est félicité publiquement.
En outre, vous avez pu constater qu'en matière de transition énergétique, notamment dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), Mme la Première ministre a rendu des arbitrages très favorables à la rénovation des logements à Ajaccio et à Bastia – le président Simeoni, là encore, s'en est réjoui. Vous savez aussi que pendant le covid, nous avons soutenu le territoire corse – l'île de Beauté – encore plus que d'autres, notamment parce qu'il avait besoin d'une aide particulière sur la question du tourisme.
D'autres questions subsistent, vous avez raison, notamment en matière médicale : la Corse souffre de problèmes de démographie médicale, plus encore que d'autres territoires. Vous parlez de l'hôpital de Bastia ou de la maternité de Porto-Vecchio ; le ministre de la santé et moi-même travaillons sur ces sujets et mon cabinet, vous le savez, s'est rendu sur place. Nous allons continuer en ce sens et j'irai moi-même rassurer le maire de Bastia, dans votre circonscription.
Il en est de même pour les données de la DGFIP – direction générale des finances publiques –, sur lesquelles les services de Gabriel Attal travaillent ; elles seront rendues pour la mi-juin. À la fin du mois de juin, lors de la tenue du comité stratégique sur la fiscalité, toutes les données pourront ainsi être fournies à l'ensemble des élus de Corse afin qu'ils travaillent au statut fiscal du territoire. Nous verrons si nous tombons d'accord sur cette question, bien évidemment.
Croyez bien que la Corse est au cœur des préoccupations du Gouvernement et singulièrement des miennes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.
Merci, monsieur le ministre. Je n'ignore rien de la difficulté de votre tâche : d'autres se sont cassé les dents sur la Corse. Je voudrais vous dire qu'on ne réglera rien par la contrainte ou par la répression : nous comptons sur vous, vraiment, pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux. C'est ce qu'attendent de vous les Corses – et pas seulement eux, d'ailleurs.
M. Sébastien Jumel applaudit.
« [Aider] les Françaises et les Français qui travaillent dur [et] qui veulent bien élever leurs enfants » : voilà l'objectif affiché par le Président de la République dans son interview du 15 mai dernier. Voilà une noble ambition !
Mais qu'avez-vous fait jusqu'alors pour aider les familles de classe moyenne ? Tout l'inverse. Vous avez confirmé les mesures néfastes prises sous le quinquennat de François Hollande. Vous avez ainsi remis en cause l'universalité de la politique familiale,…
…en mettant les allocations familiales sous conditions de ressources.
Vous avez confirmé la diminution du quotient familial de 834 euros.
Et depuis 2017, vous avez pénalisé encore davantage les familles. En 2018, vous avez raboté la prestation d'accueil du jeune enfant – Paje. Imaginez que des couples dont chaque parent travaille pour un revenu équivalent au Smic ont pu perdre jusqu'à 546 euros au total.
En 2020, vous avez supprimé la majoration de l'indemnité journalière en cas de maladie pour les parents de trois enfants et plus, ce qui représente une perte de 33 %.
Depuis 2018, vous avez divisé par deux sur 95 % de notre territoire la quotité finançable du prêt à taux zéro – PTZ – pour toutes les familles de classe moyenne qui aspirent à devenir propriétaires et offrir un foyer adapté pour accueillir leurs enfants.
Le nombre de PTZ a ainsi été divisé par deux en cinq ans. Sa prolongation en l'état pour 2024 ne sera pas suffisante pour enrayer cette chute alors que les taux d'intérêt s'envolent : 3,15 % en moyenne, sans compter les assurances.
Vos décisions ont pénalisé le pouvoir d'achat des familles. Résultat : en 2022, seulement 723 000 bébés sont nés en France, le plus faible nombre de naissances depuis l'après-guerre.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il est donc urgent d'agir pour aider vraiment les « Français qui travaillent dur et qui veulent bien élever leurs enfants ». Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour mieux soutenir ces familles de classe moyenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Vous posez une question importante ,
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR
celle de la natalité – et plutôt de la dénatalité qui sévit dans notre pays comme dans toute l'Union européenne et, plus largement, dans les pays occidentaux qui vivent une transition relativement longue.
En France, la population est passée de 42 millions à 68 millions d'habitants entre 1950 et aujourd'hui, mais la natalité stagne depuis 1970 et recule depuis 2015.
D'un autre côté, la population vieillit…
…puisque l'espérance de vie s'allonge, ce dont il faut bien sûr se réjouir.
Il faut entendre l'inquiétude exprimée par certains de nos concitoyens – et par vous-même, d'ailleurs – qui redoutent le déclin dans notre pays, incarné par un déclassement démographique. Le taux de natalité est au carrefour de tous les enjeux productifs, sociaux, culturels et environnementaux.
Tout d'abord, je voudrais que l'on reconnaisse que dans notre pays, le taux de fécondité est encore à 1,80 enfant en 2022, soit le plus élevé d'Europe.
Nous étudions ensemble le recul de notre natalité dû à la baisse du nombre de femmes en âge de procréer, au recul de l'âge de la maternité ainsi qu'à des effets économiques et environnementaux.
Alors oui, les politiques familiales sont importantes pour le Gouvernement,…
…comme en témoignent les chantiers structurants menés par Jean-Christophe Combe – je pense à la réforme du complément du mode de garde adopté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et à la mise en place du service public de la petite enfance…
…sur lequel nous pouvons nous entendre.
Madame la ministre déléguée, ce n'est pas suffisant pour enrayer le déclin. Si l'on veut assurer le renouvellement des générations, il faut aller beaucoup plus loin et rétablir une politique familiale ambitieuse. Un taux de fécondité de 1,8 est bien insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme beaucoup de communes françaises, Béziers est jumelée avec plusieurs villes : une cité allemande, Heilbronn, mais aussi la petite ville martyre de Maaloula en Syrie, Tchortkiv en Ukraine, pour témoigner de notre solidarité face à l'invasion russe, et, depuis hier soir, Tainan, dans le sud de l'île de Taïwan.
Pour notre conseil municipal, il s'agit de se ranger aux côtés d'une démocratie menacée d'être envahie par la dictature communiste qui règne à Pékin. Il s'agit de rappeler que ce pays incarne les valeurs dont nous nous réclamons à longueur de discours, ici même, à la tribune de notre assemblée. Ce jumelage a été approuvé à la quasi-unanimité de notre conseil municipal. Une seule voix a manqué, celle de l'élu communiste, ce qui n'étonnera personne.
C'est dans ce cadre que je vous demande, madame la ministre des affaires étrangères, de peser de tout votre poids pour que Taïwan soit invitée à participer en qualité d'observateur à la soixante-seizième assemblée mondiale de la santé.
Faut-il rappeler que c'est Taïwan qui, la première, a alerté l'Organisation mondiale de la santé – OMS – de cas suspects d'une « pneumonie atypique » en Chine ? C'était en décembre 2019 et l'on ne parlait pas encore de la covid. Dans la foulée, Taïwan a offert des masques chirurgicaux à plus de quatre-vingts pays dans le monde.
Or, sous la pression des autocrates chinois, l'OMS refuse la participation de Taïwan à cette assemblée, au détriment de la santé de tous. Comme quoi la politique – la pire des politiques – prend une fois encore le pas sur l'intérêt des habitants de notre monde.
Que compte faire la France pour que Taïwan soit admise en qualité d'observateur auprès de l'OMS ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Véronique Besse et M. Olivier Serva applaudissent également.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
S'agissant de Taïwan, la politique de la France est constante : nous n'avons pas de relations diplomatiques avec ce territoire parce que nous ne le reconnaissons pas comme un État, mais nous avons avec lui des relations d'une autre nature.
Dans ce cadre, la France s'attache comme votre ville à développer ses coopérations avec Taïwan. Elle le fait dans le domaine économique, mais aussi dans les domaines scientifique, universitaire ou culturel.
Oui, nous pensons qu'il est utile que Taïwan puisse participer aux travaux d'organisations internationales, dès lors que cette participation n'emporte pas le statut d'État. Nous souhaitons ainsi que Taïwan puisse à nouveau – parce que c'était le cas dans le passé – participer aux travaux de l'OMS. Nous faisons même avec constance des démarches en ce sens avec de nombreux partenaires – je l'ai dit souvent et le ministre de la santé et de la prévention l'a dit hier à l'OMS.
S'agissant du détroit de Taïwan, notre politique est aussi constante : nous sommes opposés à toute modification unilatérale du statu quo et attachés à faire respecter la liberté de navigation dans les eaux internationales. Cette position n'est pas que déclaratoire et se traduit en actes : notre marine nationale fait régulièrement passer des navires dans le détroit de Taïwan, comme ce fut le cas il y a encore quelques semaines.
Vous le voyez, la politique de la France se caractérise par sa cohérence et sa constance.
Cohérence et constance, dites-vous, mais peut-être aurait-il fallu manifester aussi un peu plus de fermeté, à l'instar d'autres pays comme le Japon, le Canada, l'Australie, la République tchèque et la Lituanie, pour ne citer que ceux-là. Ces pays insistent avec beaucoup de fermeté pour que Taïwan fasse partie de l'OMS.
Permettez-moi de commencer par exprimer à mon tour mon émotion à la suite du décès de Manon, Steven et Paul, policiers au commissariat de Roubaix.
Tous les députés se lèvent et applaudissent.
Depuis toujours, les membres du Rassemblement national soutiennent les forces de l'ordre. S'il y a bien un groupe où siègent des députés qui ont été policiers, gendarmes ou sapeurs-pompiers, et qui ont assuré la sécurité des Français pendant des années, souvent au péril de leur vie, c'est celui du Rassemblement national.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre de l'intérieur, malgré vos annonces et votre communication, votre politique de sécurité est un échec : vous êtes présent partout mais efficace nulle part. En revanche, vous vous gardez bien de dire que les démissions s'enchaînent dans la police et la gendarmerie depuis 2020. C'est du jamais vu et cela vous rend mal à l'aise car c'est la responsabilité de votre gouvernement et ce sont les Français qui en paient le prix.
Selon la Cour des comptes, il y a eu 10 840 départs dans la police nationale et 15 000 dans la gendarmerie en 2021, et la situation a empiré en 2022. Les membres des forces de l'ordre doutent de vous, n'ont plus confiance en votre politique et partent malgré l'amour qu'ils portent à leur profession au service du pays.
Les motifs sont tellement prévisibles : la présomption de culpabilité ; des conditions de travail déplorables ; le laxisme judiciaire ; le rouleau compresseur médiatique à chaque intervention sensible ; une gestion humaine catastrophique ; deux ans de plus à se prendre des boules de pétanque et du mortier avec votre bénédiction pour un salaire d'à peine 2 000 euros par mois.
Mes chers collègues, vous vous levez pour soutenir les forces de l'ordre et, dans le même temps, vous refusez de voter pour une proposition de loi de Naïma Moutchou – qui appartient pourtant à votre majorité – visant à mieux lutter contre la récidive par un alourdissement des peines pour les auteurs d'agressions envers les forces de l'ordre et les élus. La prochaine fois, réfléchissez aux conséquences que cela engendre.
Qu'allez-vous faire pour fidéliser et remotiver les troupes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Je veux évidemment m'associer à l'hommage que vous avez rendu, après Mme la présidente et Mme la Première ministre, aux trois policiers, dont le décès touche beaucoup leurs collègues du Nord et tous les membres de la police nationale.
Au reste, vous étiez présent au commissariat de Roubaix, comme M. Chenu et d'autres députés, lorsque le major a pris la parole pour un témoignage très touchant. Je le remercie de ses mots. C'est dommage que vous ne les ayez pas cités ici.
Malgré la peine de ses collègues, il a remercié – je vous vois hocher la tête – les efforts que nous avons faits collectivement, notamment sous ce gouvernement, pour leur donner du matériel, des effectifs et du soutien. Il a dit que, pour rien au monde, lui et ses collègues ne changeraient de métier. C'est dommage de pas l'avoir rappelé ici, monsieur le député, alors que vous étiez dans ce commissariat.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.
C'est dommage car, indépendamment de l'émotion qui ne vous a manifestement pas étreint devant ce témoignage ,
Protestations sur les bancs du groupe RN
vous avez mal interprété les chiffres de la Cour des comptes.
Peut-être pensez-vous comme Churchill, qui disait : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées » ? Si un quart des policiers démissionnent, c'est parce que ce sont des policiers adjoints qui le font pour devenir gardiens de la paix, car nous avons ouvert 8 000 postes dans la police nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Si quelque 34 % des gendarmes démissionnent, c'est pour devenir sous-officiers parce que nous avons doublé le nombre de sous-officiers dans la gendarmerie nationale.
Si le nombre de départs augmente d'un tiers dans la police nationale, c'est que les gens partent à la retraite car nous leur permettons d'être officier de police judiciaire – OPJ – et de revenir dans la réserve opérationnelle.
Monsieur le député, la réalité est l'inverse de celle que vous dépeignez. Manifestement, vous devriez retourner sur le terrain.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Votre réponse est aussi mauvaise que votre bilan. J'étais acteur et policier de terrain, notamment à Roubaix. Ces collègues, je les connaissais très bien. Relisez le rapport de la Cour des comptes : les démissions sont un phénomène de fond. Mettez-vous d'accord avec M. Moscovici !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Manifestement, monsieur le député, il vaut mieux entendre un major du commissariat de Roubaix qu'un député du Rassemblement national qui a envie de faire de la démagogie.
Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Soixante jours de canicule par an, la quasi-totalité des forêts du pourtour méditerranéen touchée par les incendies, la disparition complète des glaciers de notre pays, un nombre plus important de maisons fissurées, jusqu'à 50 000 logements touchés par l'érosion côtière : tel est le scénario digne d'un film catastrophe où les températures augmenteraient de 4 degrés en 2100.
C'est pourtant cette hypothèse, certes pessimiste, que notre pays doit retenir pour anticiper les réponses à apporter, en responsabilité, à travers le plan d'adaptation au changement climatique annoncé par le Président de la République.
Depuis quelques années, nos concitoyens prennent conscience du réchauffement climatique mondial, dont les effets concrets se font déjà sentir jusque dans notre vie quotidienne. L'accord de Paris a posé les bases des mesures globales à appliquer sur l'ensemble de la planète pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré.
Mais les objectifs de différents pays sont déjà loin d'être tenus. Nous devons collectivement changer nos habitudes, adopter les bons gestes, appliquer de nouvelles normes techniques dans tous les domaines – transports, habitat, industrie, énergie. Les risques naturels vont s'intensifier et leur charge pour notre pays pourrait dépasser les 2 milliards d'euros par an.
La feuille de route du Gouvernement est claire pour accompagner cette transition écologique. Alors que s'ouvre une phase de consultation publique, pouvez-vous nous présenter les objectifs de cette démarche, vos axes d'intervention et les moyens octroyés pour lutter notamment contre la sécheresse qui s'installe dans notre pays ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Votre question me permettra d'achever de répondre à Mme Gatel. Comme l'Autriche, l'Allemagne, le Québec ou le Japon, nous devons considérer qu'assumer une trajectoire de réchauffement à laquelle nous devons nous adapter, non pas liée à l'accord de Paris mais correspondant aux estimations des experts, est une responsabilité politique de premier plan.
D'un côté, nous nous battons pour que le réchauffement n'excède pas 1,5 degré ; de l'autre, nous regardons en face les alertes de l'ONU et du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – Giec –, qui expliquent que le monde n'est pas sur la bonne trajectoire et que les émissions n'évoluent pas au bon rythme, la tendance actuelle étant celle d'une augmentation des températures qui atteindra 4 degrés en France.
L'objectif de la consultation lancée ce matin est de faire comprendre à nos concitoyens que le scénario d'une hausse de 4 degrés ne signifie pas simplement qu'ils pourront se passer de pull un soir de printemps ou rester en tee-shirt plus longtemps l'été.
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'enjeu n'est pas celui du réchauffement, mais bien du dérèglement climatique.
Ce à quoi nous nous exposons, ce sont des sécheresses cinq fois plus nombreuses,…
…une montée des eaux et une érosion du trait de côte deux fois plus importantes qu'actuellement, une perte d'enneigement qui privera les deux tiers des stations alpines de neige pendant une grande partie de l'hiver et une multiplication des jours de chaleur intense. Pour y faire face, nous devons accélérer la politique de baisse des émissions conduite sous l'autorité de la Première ministre,…
…et qui sera déclinée dans les semaines à venir.
En parallèle, il importe de décliner les trois axes prévus dans la consultation qui vient d'être lancée, à travers différentes actions : modifier les référentiels techniques afin que l'intégralité des infrastructures et des réseaux de transport tiennent compte des pics de chaleur ;…
…prévoir un plan de gestion des vagues de chaleur – il sera présenté dans les tout prochains jours ; modifier les documents d'urbanisme afin de prendre en considération l'érosion du trait de côte ; repenser les dispositifs d'assurance et le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles ; réviser notre politique en matière de retrait-gonflement des argiles. J'ajoute que les actions prévues dans le plan Eau constituent par ailleurs déjà des mesures d'adaptation au changement climatique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Réchauffement climatique
M. Béchu présente son scénario d'une France à + 4 degrés : cinq fois plus de vagues de chaleur, 5 degrés supplémentaires en été, davantage de pluies extrêmes, et ainsi de suite. L'objectif affiché est de sortir la France du déni climatique. Mais ce n'est pas la France qui est dans le déni, c'est vous ! Et cela fait six ans que ça dure !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous, nous avons entendu le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – Giec – quand il expliquait qu'il nous restait trois ans pour agir ; nous avons écouté Météo-France et le Centre national de la recherche scientifique – CNRS – quand ils s'alarmaient de ce que le dérèglement survienne plus vite que prévu. Nous avons vu les incendies se multiplier et la sécheresse sans précédent s'installer. Et vous, qu'avez-vous fait ? Rien. Si, pardon : vous avez démantelé le transport ferroviaire, rouvert une centrale à charbon et fait construire un port méthanier !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et qu'avez-vous fait quand l'Assemblée nationale a décidé de consacrer 12 milliards d'euros supplémentaires à la rénovation thermique et 3 milliards au train ?
Vous avez tout balayé d'un revers de 49.3. J'entends encore Gabriel Attal pleurer des larmes de crocodile sur la terrible dette que nous, irresponsables, entendions laisser à la jeunesse. Mais la véritable dette est écologique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Elle s'alourdit tous les jours, et elle n'est ni transférable, ni annulable. Même l'économiste Jean Pisani-Ferry, artisan du programme d'Emmanuel Macron en 2017, constate que le « champion de la Terre » a perdu un temps fou, appelle à investir au moins 66 milliards par an dans la transition écologique et propose d'imposer les riches !
Mêmes mouvements.
Or, depuis six ans, vous vous êtes acharnés à faire baisser continûment la fiscalité, toujours au bénéfice des plus riches et des actionnaires. En combinant inaction et obsession de la dette, le macronisme nous envoie dans le mur climatique à toute vitesse.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel est votre projet ? Nous mener au suicide collectif pour permettre à vos amis les riches de conserver leurs modes de vie destructeurs ?
Mêmes mouvements.
Mme Borne fait désormais mine de vouloir subitement respecter les accords de Paris en proposant un plan qui n'en est pas un, puisqu'il ne comporte ni stratégie claire, ni mesures contraignantes, ni budget associé.
Nous n'avons pas le temps d'attendre que vous sortiez de vos contradictions et de votre irresponsabilité criminelle. Comptez-vous imposer les plus riches et emprunter massivement pour engager la bifurcation écologique ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous faisons probablement face au plus grand défi que l'humanité ait connu : c'est de notre survie qu'il s'agit. Vous n'avez rien fait et tout s'emballe. Comptez-vous enfin instaurer le quoi qu'il en coûte écologique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Olivier Faure et Mme Marie-Charlotte Garin applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Vous avez raison : le dérèglement climatique est le plus grand défi de notre génération. Il mérite d'ailleurs qu'on sorte des postures.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre fascination pour la démocratie telle que vous la pratiquez à La France insoumise explique sans doute que vous estimiez possible de décréter un plan sans concertation.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Assumez-le : votre bifurcation écologique n'est en réalité rien d'autre qu'un greenwashing de la lutte des classes !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ce qui vous importe, ce sont les symboles : lorsqu'on évoque les baisses des émissions de gaz à effet de serre, vous répondez par des mesures symboliques ! Et que dire de la façon dont vous présentez les choses ? Regardons la réalité en face : qu'a annoncé la Première ministre ?
Que nous consacrerions 100 milliards d'euros au doublement des investissements dans le ferroviaire ! Le rapport Pisani-Ferry a été commandé par cette majorité.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La refonte du dispositif MaPrimeRénov', la possibilité de recourir au tiers-financement pour accélérer la rénovation des bâtiments publics, les plans Forêt et Eau, c'est cette majorité qui les a votés ! Pendant ce temps, vous refusez d'écouter et vous ne respectez ni les Français, auprès desquels vous usez de démagogie,…
…ni le débat, car vous préférez vous réfugier dans le prêt-à-penser ! L'inaction climatique, c'est vous !
Depuis que ce gouvernement est aux responsabilités, le rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre a doublé et les objectifs en la matière ont été tenus en 2019, en 2020, en 2021 et en 2022 !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cessez de mentir aux Français et acceptez de les traiter en adultes responsables ! Sortez des postures : je vous assure que vous y gagnerez en crédibilité et le débat en sérénité !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que le Gouvernement annonce préparer progressivement le pays à un scénario de réchauffement climatique de 4 degrés supplémentaires – contre 2 degrés prévus dans l'accord de Paris –, nous constatons que nos efforts en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre montrent des résultats qui nous encouragent à poursuivre dans cette voie. Pour ce faire, le verdissement du gaz constitue un pilier essentiel.
En 2021, le gaz naturel représentait 16 % du mix énergétique de la France. Au-delà des efforts massifs engagés en faveur de l'électrification, les gaz renouvelables et bas-carbone sont nécessaires au remplacement des énergies fossiles. Ils sont aussi la seule solution pour décarboner certains secteurs, comme l'industrie, le transport lourd et longue distance, ou encore l'agriculture. Le biométhane est une énergie locale, produite par les territoires, ainsi qu'une importante source de créations d'emplois directs et indirects.
Néanmoins, certains acteurs ont besoin d'être rassurés quant à l'ambition nationale en la matière et soulignent l'existence de freins à l'investissement, tels que l'affaiblissement de l'engagement de l'État à travers les tarifs d'achat, le manque de visibilité réglementaire, les délais de réponse, ou encore le manque de cohérence entre les différents services déconcentrés compétents sur des questions techniques comme le mélange des boues et des biodéchets ou l'installation d'ouvrages de stockage déporté de digestat en zone agricole.
La prochaine loi de programmation sur l'énergie et le climat – LPEC – permettra-t-elle de fixer dès 2023 des objectifs à la hauteur des enjeux, en portant par exemple de 10 % à 20 % l'objectif de production de gaz renouvelable à l'horizon 2030 ? Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il d'entreprendre pour valoriser ce secteur tout en assurant l'acceptation locale des projets et la promotion d'un modèle adapté aux réalités territoriales, notamment agricoles ? Enfin, le Gouvernement prévoit-il d'inclure la cogénération à partir de biogaz dans la revalorisation appliquée depuis septembre 2022 au tarif d'achat du biométhane pour lutter contre l'inflation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je vous prie d'excuser l'absence d'Agnès Pannier-Runacher, qui participe aux assises européennes de la transition énergétique qui se tiennent à Bordeaux.
Au-delà du seul biométhane, vous abordez la question du mix énergétique de la France. Dans ce domaine, nous avons une ambition : sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Deux voies peuvent nous permettre d'y parvenir : l'accélération du déploiement des énergies renouvelables et le réinvestissement dans le nucléaire. Ceux qui critiquent, avec parfois beaucoup de démagogie, la réouverture des centrales à charbon oublient que les pays qui ont décidé de sortir du nucléaire ont dû rouvrir, non pas une seule centrale – de façon temporaire –, mais des quantités,…
…ce qui entraîne d'ailleurs pour la santé humaine des conséquences que nous n'avons pas fini de mesurer.
Le biométhane, vous l'avez souligné, est une énergie renouvelable, produite localement, dont la production crée des emplois. À la minute où je m'exprime, grâce au programme conduit par le Gouvernement et à l'accélération du soutien apporté à la filière pendant ces dix dernières années, la France produit 10 térawattheures de biométhane. Cet été, dans le cadre de la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie – PPE –, nous devrons répondre à la question que vous soulevez : devons-nous conserver l'ambition actuelle consistant à produire environ 10 % de gaz naturel, ou aller plus loin et nous fixer pour objectif de doubler notre capacité de production de biométhane ?
Si je penche plutôt pour la deuxième option, je tiens à préciser que les utilisations potentielles du biométhane sont nombreuses : il peut certes remplacer le gaz, en particulier le gaz naturel, dans des chaufferies biomasse, mais il est aussi précieux dans des secteurs que nous peinons à décarboner, comme l'aviation, le transport maritime ou l'industrie lourde. L'un des enjeux consistera donc à définir quels gisements devront être consacrés à quels usages. D'ici-là, nous devons suivre le chemin de la planification balisé hier par la Première ministre, dont le plan fera dès aujourd'hui l'objet de discussions avec les parties prenantes, afin que nous soyons en mesure, à l'été, de répondre aux questions que vous soulevez.
Pourquoi tant d'acharnement contre la filière de l'élevage ? Hier, c'est la Cour des comptes qui, dans un rapport sur les élevages bovins, a appelé à une réduction importante du cheptel bovin en France.
Selon la Cour des comptes, cette baisse devrait s'accompagner d'une limitation de la consommation de viande, « un tiers [des Français] consommant davantage que le plafond de 500 grammes par semaine de viande rouge préconisé par le plan national nutrition santé ». Mais de quoi la Cour des comptes se mêle-t-elle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous aurions aimé entendre la Première ministre ou le ministre de l'agriculture remettre à leur place les magistrats de la Cour des comptes :…
…leur rôle n'est pas de dicter aux Français leur mode d'alimentation, ni de prescrire la taille de nos élevages.
On peut même se demander si cette attaque contre la filière viande n'est pas organisée délibérément. La semaine dernière, c'était en effet le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique…
…qui inaugurait en grande pompe une usine spécialisée dans les substituts végétaux à la viande.
À cette occasion, il assurait ouvertement la promotion des protéines végétales, tout en disqualifiant les protéines animales.
Plus inquiétant encore, il indiquait que cette nouvelle usine était « l'exemple parfait de ce que nous voulons construire avec le projet de loi Industrie verte ».
À quoi sert de vous rendre au Salon de l'agriculture pendant de longues heures pour rencontrer les éleveurs, si c'est pour mieux les poignarder dans le dos quelques semaines plus tard, madame la Première ministre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN. – M. André Villiers applaudit également.
Les éleveurs se battent chaque jour pour maintenir la viabilité de leurs exploitations.
Ils le font dans un contexte économique compliqué et en subissant des contraintes réglementaires excessives. Ils ont besoin de tout notre soutien. Quand ces attaques contre l'agriculture et l'élevage français cesseront-elles ?
Mêmes mouvements.
Je vous prie d'excuser l'absence de Marc Fesneau, retenu au Sénat, et de Bruno Le Maire, retenu par ailleurs.
Ils m'ont chargé de répondre à votre question. L'un et l'autre soutiennent depuis longtemps le secteur de l'élevage et, plus généralement, l'agriculture française. Comme vous le savez, Bruno Le Maire a été ministre de l'agriculture.
Il est désormais ministre de l'économie. Il défendait l'agriculture à l'époque et le fait encore aujourd'hui.
Ce gouvernement soutient l'élevage français, vous le savez. Vous ne les avez malheureusement pas votées, mais cette majorité a voté deux lois en ce sens : la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim 1 et la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi Egalim 2.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
S'il vous plaît, chers collègues, laissez le ministre délégué répondre !
Grâce à ces textes, nous avons lancé des plans de filières ambitieux, y compris pour la filière de l'élevage, à la fois en accompagnant la montée en gamme – car, ne vous en déplaise, la consommation de viande diminue…
Il faut consommer moins de viande, et surtout une viande meilleure. Nous accompagnons la filière dans cette direction. Il faut toutefois aussi reconnaître la captation de carbone assurée par les prairies et la protection de la biodiversité permise par l'élevage en montagne.
Vous dénoncez donc les conclusions de la Cour des comptes ? Très bien !
Pour autant, il n'y a aucune raison de se mettre la tête dans le sable comme le font les autruches : si le steak d'autruche est très bon, la politique de l'autruche ne l'est pas.
Arrêtez, soyez sérieux ! Défendez les éleveurs et l'agriculture française !
Le développement de la protéine végétale est une réalité.
Je souhaite que la France se positionne sur ce terrain et que des industries françaises créent de l'emploi en France, y compris pour produire des protéines végétales qui, vous le savez, sont parfois destinées à nourrir les animaux. Nous devons faire à la fois l'un et l'autre. Nous nous y emploierons, sans caricature ni division. J'espère que nous vous trouverons à nos côtés pour défendre réellement l'élevage français et son développement, y compris à l'international.
C'est ce gouvernement qui a ouvert le marché chinois aux éleveurs français. C'est la fierté de cette majorité et du Président de la République.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Aux images de chaos qui ont frappé Bakhmout ont succédé les images d'un camp uni, où les pays du G7 et le président Zelensky ont réaffirmé avec force leur parfaite unité face à l'agression de l'Ukraine par la Russie. Depuis que cette guerre a commencé aux portes de l'Europe, on trouve au moins une note d'espoir dans cette sinistre partition : les alliés du G7 ne sont jamais apparus aussi sûrs de leur unité – unis dans le soutien humanitaire que l'Europe ne cesse d'apporter aux Ukrainiens ; unis pour un renforcement inédit des capacités militaires européennes dans lequel la France prend toute sa part, comme en témoigne le projet de loi de programmation militaire (LPM) que nous examinons cette semaine ; unis aussi dans les sanctions que nous continuons d'infliger au régime russe, nous Européens, en parfaite coordination avec les États-Unis et les membres du G7.
Dans le cadre de mon rapport sur les sanctions internationales, j'étais à Bruxelles et à Washington la semaine dernière. Les acteurs que nous y avons auditionnés ont unanimement reconnu que jamais nos régimes de sanctions n'avaient été aussi bien coordonnés entre nos deux continents.
L'unité entre les pays du G7 s'arrête malheureusement aux portes de cet hémicycle. À l'extrême droite d'abord, la leader du Rassemblement national est passée d'une servitude financière à Vladimir Poutine à une connivence coupable tout aussi grave, dénonçant des sanctions économiques « qui ne servent à rien ».
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
À l'extrême gauche, le leader des insoumis, nostalgique de la guerre froide ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
se tient prêt à relancer son projet d'alliances altermondialistes et entretient par son obsession antiaméricaine un clivage Nord-Sud qui pousse à la division et fait le bonheur du Kremlin.
Arrêtez vos effets ! Vous êtes ridicules ! Vous n'avez même pas compris ce qu'avait dit votre président !
Pourtant, la réalité que vous refusez de reconnaître est que ces sanctions ont permis de frapper durement l'effort de guerre russe. Aussi, madame la ministre des affaires étrangères, pouvez-vous nous détailler les nouvelles mesures annoncées par l'Union européenne dans le cadre de ce onzième paquet de sanctions consacré notamment au contournement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Vous l'avez dit, le soutien de la France à l'Ukraine est sans faille et le sera aussi longtemps que nécessaire. La venue du président Zelensky à Hiroshima, pour présenter les vues de son pays non seulement aux dirigeants du G7 mais aussi à ceux d'autres pays comme l'Inde, l'Indonésie ou le Brésil, en est l'illustration. Je souligne que ce geste est pour la France un motif de fierté autant qu'un geste diplomatique utile.
Vous l'avez dit également, l'unité du G7 est précieuse. J'ajouterai que les principes que nous défendons – la souveraineté des États, leur indépendance et leur intégrité territoriale – sont universels. Ils figurent dans la Charte des Nations unies. Lors de chaque vote à l'ONU, plus de 140 États – donc bien au-delà du G7 – ont ainsi soutenu les résolutions demandant à la Russie de cesser son agression. La politique de sanctions trouve sa source dans ce cadre. Il faut amener la Russie à constater son échec et, parallèlement, lutter contre les contournements.
Après dix – bientôt onze – paquets adoptés par l'Union européenne, les effets des sanctions sont réels : désorganisation de l'activité industrielle, notamment dans des secteurs clés pour la défense, baisse des recettes budgétaires ou encore forte chute des revenus tirés des hydrocarbures. Toutes ces conséquences entravent l'effort de guerre russe – et tel est bien notre objectif.
Nous maintiendrons cet effort aussi longtemps qu'il le faudra car il est indispensable à la paix juste et durable…
…que nous défendons comme tous, dans cet hémicycle, devraient le faire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'épidémie de grippe aviaire flambe à nouveau dans le Sud-Ouest. La situation semble hors de contrôle face à un virus plus virulent que celui détecté en janvier.
Le 17 mai, trente-trois foyers étaient confirmés dans le Gers, un chiffre qui a doublé en une semaine.
Face à la déferlante, les abattages de foyers et les dépeuplements préventifs ont repris, au moment même où la filière finissait tout juste de repeupler les élevages en plein air. Sur le terrain, j'ai rencontré de nombreux éleveurs en situation de détresse psychologique mais aussi financière. Leurs trésoreries sont dans un état dramatique en raison du non-règlement du solde de la crise précédente – c'était déjà le sujet de ma question au Gouvernement, ici même, il y a trois mois.
Deux épisodes d'épidémie aussi rapprochés appellent des mesures de soutien renforcées mais surtout rapides en faveur de professionnels dont l'activité ne dépend plus désormais que d'autorisations administratives. Il faut ainsi accélérer le versement à 100 % de la VMO, la valeur marchande objective, pour 2022 et s'inscrire dans la même démarche pour les dossiers de ce début d'année ; faire une mise à jour immédiate des barèmes de 2022 pour les troisième et quatrième trimestres qui ont largement minoré l'impact financier subi par les producteurs en toute fin d'année ; soutenir les professionnels en créant auprès des organismes bancaires une cellule pour les accompagner ; enfin négocier un geste significatif, à défaut d'une année blanche, pour les cotisations de la MSA, la Mutualité sociale agricole, des professionnels touchés.
L'espoir des éleveurs repose désormais sur une stratégie de vaccination dont les modalités restent encore trop floues. Vous devez accélérer sa mise en place sans attendre l'automne prochain, en la rendant obligatoire et en prévoyant une prise en charge à 100 % par l'État. Le Gouvernement doit agir rapidement en faveur d'une filière qui refuse d'être la victime collatérale de ce nouvel épisode de grippe aviaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Marc Fesneau, retenu au Sénat. Il m'a demandé de vous répondre, ainsi qu'à votre collègue du Gers Jean-René Cazeneuve, lequel avait également sollicité les services de son ministère.
Depuis le 14 mars 2023, la situation nationale, s'agissant de l'influenza aviaire hautement pathogène, était assainie puisqu'aucun foyer n'avait été enregistré. En revanche, depuis le 4 mai – vous l'avez dit –, de nouveaux foyers en élevage sont apparus, principalement concernant des canards, dans votre département, le Gers, ainsi que dans les Landes. Au 22 mai, soixante-sept foyers sont recensés dans la région, dont quarante-huit dans le Gers.
Nous savons les difficultés que traversent nos éleveurs et la filière. La résurgence de la grippe aviaire dans le Sud-Ouest a donné lieu à une réponse immédiate des services de l'État en concertation avec les filières professionnelles.
Dès le premier foyer, la mobilisation a été totale pour appliquer les mesures de gestion sanitaire réglementaires. Comme cela se fait dans de tels cas, une zone de protection de 3 kilomètres a été mise en place autour de chaque foyer ; une zone de surveillance couvrant un rayon de 10 kilomètres vient la compléter. Les mesures de biosécurité, le recensement des élevages et la surveillance sanitaire sont par ailleurs renforcés.
Enfin, en concertation avec les filières professionnelles, des mesures complémentaires sont mises en œuvre dans une zone réglementée supplémentaire, dans un rayon de 10 à 20 kilomètres autour des foyers, avec pour objectifs la création d'une barrière sanitaire visant à contenir la contamination ainsi que la détection précoce d'éventuels foyers grâce à une surveillance active qui se traduit par des dépistages réguliers dans tous les élevages.
Le respect des règles de biosécurité dans l'ensemble des élevages est capital pour limiter le risque d'introduction du virus. La résurgence de ce dernier prouve qu'il est intéressant de poursuivre activement les travaux destinés à lancer une stratégie de vaccination, l'objectif étant de rendre celle-ci opérationnelle à l'automne prochain.
J'ai bien noté les questions que vous avez posées s'agissant du soutien financier qu'il faut apporter à la filière, notamment les mesures fiscales. Je les transmettrai évidemment au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire qui – si vous en êtes d'accord – vous fournira un complément de réponse par écrit.
M. Benoit Mournet applaudit.
Samedi dernier, France 2 a invité un témoin de la violence sociale qui règne dans le pays. Un de nos compatriotes a ainsi exposé les grandes difficultés qu'il éprouvait à nourrir ses quatre enfants, expliquant qu'il devait acheter de nombreux paquets de pâtes.
Cet homme, c'est évidemment Bruno Le Maire qui s'est livré à un numéro indécent et totalement démagogique…
…venant d'une personne qui est payée 10 000 euros par mois – sans compter les droits d'auteur chez Harlequin.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Une chose est juste, néanmoins : il reconnaît que sa politique orchestre le retour des privations et de la faim dans notre pays.
Que faites-vous face à cette situation ? Rien, si ce n'est promouvoir une réforme des retraites inique et scélérate. À chaque alerte, vous regardez ailleurs. Alors que les prix de la nourriture ont augmenté de 15 %, vous refusez de les bloquer. En revanche vous êtes prêts à voler deux ans de vie aux Français.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Une personne sur six ne mange pas à sa faim dans le pays. Accorderez-vous aux associations le milliard dont elles ont besoin pour venir en aide à ces personnes ? Non, vous êtes trop occupés à voler deux ans de vie aux Français.
La moitié de nos compatriotes renoncent à leurs courses et ne remplissent plus leur caddie. Vous êtes-vous efforcés de mettre en place une hausse des salaires ? Non, vous êtes mobilisés par une réforme des retraites.
Mêmes mouvements.
Les jeunes sont de plus en plus nombreux dans les files d'attente des associations qui proposent de l'aide alimentaire. Avez-vous accordé le repas à 1 euro dans les Crous, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ? Non, vous étiez occupés à nous imposer une réforme des retraites.
Mêmes mouvements.
Enfin, les associations d'aide ont été ruinées par vos réformes fiscales. Alors que l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, permettait aux super-riches de s'acheter une fois de temps en temps un brin de conscience en faisant des dons défiscalisés à ces associations, celles-ci éprouvent aujourd'hui les plus vives difficultés à lever de l'argent parce que vous consacrez tout votre temps à voler deux ans de vie aux Français.
Mêmes mouvements.
Que fait Bruno Le Maire ? Il se rend devant le siège du Medef et supplie certains chefs d'entreprise, un cierge à la main, de bien vouloir limiter leur marge personnelle. Or, mesdames et messieurs les ministres, vous êtes au pouvoir. Alors, s'il vous plaît, gouvernez !
Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les autres députés du groupe, ainsi que plusieurs députés du groupe SOC, applaudissent également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Vous avez raison, la hausse des prix a un impact sur les ménages les plus fragiles. C'est une réalité. Cette situation est bien sûr la conséquence directe de l'inflation qui touche actuellement les prix des produits alimentaires. Face à de telles difficultés, le Gouvernement agit depuis l'été 2022.
Premièrement, l'État a dépensé 46 milliards pour contenir la hausse des prix de l'énergie, qui a bien sûr un impact direct sur l'alimentation. Grâce à cette mesure, le niveau de l'inflation dans notre pays est l'un des plus bas d'Europe. Je pense également à la revalorisation anticipée des prestations de 4 %, une mesure complétée le 1er avril pour porter l'augmentation à 5,6 % par an.
Je citerai également le trimestre anti-inflation, une mesure que défendent en ce moment Bruno Le Maire et Olivia Grégoire…
…mais aussi deux actions menées en matière d'alimentation. La première est le renforcement exceptionnel des moyens accordés aux associations d'aide alimentaire.
« Ah bon ? » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Eh oui, les crédits de l'État ont triplé depuis 2022 pour atteindre 156 millions.
Cela a permis d'affecter en urgence 10 millions à l'aide alimentaire destinée aux étudiants…
…et d'apporter des réponses spécifiques aux outre-mer.
Deuxièmement, la lutte du Gouvernement contre la précarité alimentaire se concrétise en 2023 par le déploiement du programme Mieux manger pour tous.
Mme Farida Amrani s'esclaffe.
Pour cette année d'amorçage, 60 millions permettront de financer des paniers et des chèques verts et solidaires et surtout d'améliorer la qualité des produits distribués.
Alors oui, nous agissons avec pragmatisme sur le terrain plutôt que par des incantations comme vous le faites en permanence.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
J'ai compté : vous avez lu onze fiches. Cela avait l'air très intéressant. J'en retiens que vous croiserez les doigts en espérant que les estomacs se remplissent. C'est dommage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Dans le vacarme des promesses politiques du Gouvernement, le silence qui suit résonne plus fort. Dans une énième allocution, le président Emmanuel Macron nous a invités à engager un « dialogue social » et à bâtir un « nouveau pacte pour le travail ».
Dès lors, comment expliquez-vous la répression inacceptable qui s'abat actuellement chez Vertbaudet ? Les menaces de licenciement pour faute lourde, les actes d'intimidation, les violences physiques et les arrestations arbitraires se multiplient alors que les salariés ne se battent que pour une revalorisation modeste de 150 euros par mois. Il s'agit en majorité de femmes, qui ont commencé leur carrière au Smic et la termineront au Smic.
Est-ce là votre vision d'avenir pour les travailleuses françaises : une politique qui maintient les salaires au plus bas, jusqu'à épuisement ? Nous rejetons fermement ce projet de société.
Les travailleurs ne veulent ni de petits chèques de l'État ni de primes d'activité versées par la caisse d'allocations familiales pour simplement survivre. Ils veulent un véritable salaire versé par leur entreprise. Nous exprimons notre total soutien aux grévistes ainsi qu'au délégué syndical qui a été enlevé devant chez lui, sous les yeux de son fils, menacé et molesté.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Leur courage est immense et leur détermination forte, tout comme celle des milliers de travailleurs qui luttent contre la réforme des retraites, pour une augmentation des salaires ou pour de meilleures conditions de travail.
Dans ce contexte, comment expliquez-vous, monsieur le ministre du travail, le silence du Gouvernement et l'absence totale de l'État dans ce conflit social majeur qui est une lutte pour la justice sociale ? Ne serait-il pas temps de nommer un médiateur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
L'État n'est pas absent dans ce conflit. Je l'ai dit, il est intervenu dès le début. En effet, après le déclenchement de la grève le 20 mars, un accord majoritaire à 63 % – même si, je crois, vous n'en partagez pas forcément les termes – a été signé à la fin de ce même mois. L'État a alors entamé, à partir du 9 avril, une médiation par l'intermédiaire de la DDETS, la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités, ce qui a abouti à l'embauche d'une trentaine d'intérimaires, qui s'est concrétisée le 1er mai.
D'autres contacts ont été pris et encouragés par les services déconcentrés de l'État, par les services du ministère ou directement par mon cabinet, à la suite d'une discussion que j'ai eue avec votre collègue Fabien Roussel. Grâce à ces initiatives, des échanges ont eu lieu entre la direction générale du groupe Vertbaudet et la direction nationale de la CGT, ce qui s'est traduit par la tenue, hier matin, d'une réunion au cours de laquelle la direction générale a formulé de nouvelles propositions qui n'ont pas été acceptées par la CGT, syndicat qui n'avait pas signé l'accord majoritaire.
Je souhaite évidemment que le dialogue social puisse aboutir à la fin du conflit, et s'il aura permis d'améliorer la situation et les conditions de vie des salariés dont vous avez décrit, pour beaucoup d'entre eux, les difficultés, ce sera une bonne chose
Vous avez aussi évoqué les actes dont aurait été victime un délégué syndical il y a quelques jours. Mes services comme ceux de la préfecture ont fait toute diligence pour savoir ce qu'il s'est passé, le délégué syndical a été reçu par les services de l'État pour raconter ce qu'il lui était arrivé et il a été encouragé à déposer plainte. À l'heure où je vous parle, il ne l'a pas fait – mais cela peut changer –, ce qui n'a pas empêché le parquet – qui est indépendant – d'ouvrir une enquête. Je ne peux pas caractériser ces faits, ce n'est pas mon rôle, et j'en sais encore moins sur les auteurs des violences que ce délégué syndical a subies, ce qui m'invite évidemment à dénoncer toute forme de violence, mais aussi à demeurer prudent tant que l'enquête n'a pas abouti.
J'espère que l'accord majoritaire intervenu sera complété par d'autres mesures et qu'ainsi, le blocage sera levé.
J'associe Laurent Marcangeli, président du groupe d'amitié France-Italie, à cette question qui s'adressait au ministre de l'intérieur.
Je n'aime pas parler de la pluie et du beau temps, mais l'actualité m'y contraint malheureusement. Il y a quelques semaines, je questionnais ici même le Gouvernement sur la sécheresse hivernale que nous traversions ; je l'interroge aujourd'hui sur les pluies diluviennes qui se sont déversées sur l'Italie ces derniers jours – l'équivalent de six mois de précipitations tombées en quelques heures seulement dans la région de l'Émilie-Romagne. On y a vu plus de vingt cours d'eau quitter leur lit, des crues boueuses balayer des villages entiers, des ponts s'effondrer, 400 routes s'affaisser et des glissements de terrain se creuser. Voici quelles en sont les conséquences humaines : plus de 10 000 habitants contraints de quitter leur domicile et, malheureusement, 14 personnes décédées. L'ensemble de mes collègues du groupe Horizons et moi-même, comme j'en suis sûr l'ensemble de l'Assemblée nationale, présentons toutes nos condoléances à nos voisins.
La région touchée par ces pluies diluviennes se trouve à quelques kilomètres seulement de la frontière entre nos deux pays et pourtant, très peu de médias relaient la catastrophe naturelle, humaine et économique qui se passe en Italie. Comme la France, l'Italie est en situation de stress hydrique et l'eau tombée ces derniers jours ne permettra pas de le résorber. On sait que le changement climatique dû à l'activité humaine accroît l'intensité et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes. Notre pays a déjà vécu et vivra encore des catastrophes similaires. À cet égard, je salue le travail et les annonces faites par Christophe Béchu. Cependant, j'aimerais savoir si notre modèle de sécurité civile et de protection des populations, mais aussi de préparation des territoires aux conséquences du changement climatique, tient compte de ces nouveaux enjeux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR.
Vous nous interrogez sur l'action de soutien de la France suite aux inondations survenues dans le nord de l'Italie, en Émilie-Romagne, qui ont causé 14 morts et entraîné l'évacuation de plus de 36 000 personnes. Face à ce bilan dramatique, la France a souhaité, au-delà des messages de soutien, être pleinement solidaire et à proposer, dès samedi, l'engagement de moyens de secours. Si l'Italie n'a pas dans un premier temps souhaité faire appel à l'aide internationale, ses moyens de secours propres au sauvetage et à la mise en sécurité des populations étant suffisants, elle a tout de même sollicité hier l'aide européenne pour conforter ses moyens de pompage lourd. La France a donc fait partir, en fin de matinée, un groupe lourd composé de moyens de pompage d'une capacité de 5 400 mètres cubes par heure et armé par quarante personnes issues des formations militaires de sécurité civile ; leur engagement est pour l'instant prévu pour trois semaines.
Quant aux leçons à en tirer pour le territoire national, puisque c'est le sens de votre question, j'indique que les actions en cas d'inondation seront dirigées par les préfets des départements, qui s'appuieront essentiellement sur les services d'incendie et de secours et sur les moyens de la sécurité civile – les formations militaires comme les hélicoptères de sauvetage. Les services d'incendie et de secours disposent en effet de moyens adaptés aux risques qu'ils couvrent, en particulier de 6 325 agents formés au sauvetage en eaux vives et équipés pour affronter les situations particulièrement à risque. J'ajoute que dans le cadre de la solidarité nationale, le préfet peut faire appel aux services d'incendie et de secours des autres départements ainsi qu'au personnel militaire et de sécurité civile concerné. Ces engagements de renforts, financés par l'État, sont coordonnés au niveau zonal, voire national en fonction des situations. Les trente-sept hélicoptères de la sécurité civile répartis sur l'ensemble du territoire national sont également à disposition pour effectuer des actions de sauvetage ou mettre en sécurité les populations situées dans des endroits inaccessibles.
Je vous remercie. Nous le savons, la sécurité civile sera encore plus incontournable dans les prochaines années, et il est indispensable que l'ensemble des élus et l'ensemble des citoyennes et des citoyens prennent conscience de ces enjeux et se les approprient.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Notre école publique va mal, monsieur le ministre de l'éducation, mais vous la fragilisez davantage encore dans les territoires ruraux. Ils sont les symboles de l'abandon de l'État depuis la disparition de l'ensemble de ses services publics, et ils continuent d'être le paillasson de la politique du Gouvernement. À la rentrée prochaine, de nombreuses fermetures de classes interviendront, comme dans plusieurs communes de ma circonscription, notamment dans le village d'Eyragues.
Là comme ailleurs, les effectifs d'élèves seront pourtant à la hausse. Cette décision de fermeture aura pour effet de surcharger les classes et obligera à créer des classes à double niveau, un casse-tête sur le plan de l'organisation.
L'efficacité des effectifs réduits n'est pourtant plus à prouver, mais les écoles de nos villages n'ont pas bénéficié du dédoublement des classes pour permettre aux enfants un meilleur apprentissage des fondamentaux et, malgré cette situation, vous continuez de creuser les inégalités. Ainsi, ces écoles ont bien souvent créé des Ulis – unités localisées pour l'inclusion scolaire – afin d'inclure au mieux des élèves souffrant de divers troubles, mais vous allez fragiliser davantage leur scolarité en les répartissant dans des classes surchargées, aidés par des accompagnants d'élèves en situation de handicap – AESH – qui exercent eux-mêmes un métier précaire et sans statut.
Réduire le nombre d'écoles et de classes, c'est réduire les chances de succès de nos jeunes générations, car les Français ne mettent pas tous leurs enfants dans le privé, monsieur le ministre ,
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN
et nous sommes nombreux à vouloir croire encore en notre école publique.
Mêmes mouvements.
Il y a quelques semaines, la Première ministre annonçait un changement de méthode s'agissant de ces fermetures de classes en zone rurale. Au-delà des effets d'annonce, il faudra un jour passer aux actes ! Les enfants de nos villages doivent avoir les mêmes chances de réussite que les autres. Que comptez-vous faire pour mettre fin à ces inégalités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Votre département des Bouches-du-Rhône, comme malheureusement de nombreux autres, va connaître une baisse des effectifs scolaires à la rentrée, en l'occurrence de 1 500 élèves.
Votre circonscription comptera à elle seule 252 élèves en moins dans le premier degré. Si l'on avait appliqué une règle purement arithmétique, ce sont dix classes que nous aurions fermées, alors que nous n'en fermerons que deux pour en ouvrir deux autres dans des communes, Alleins et Orgon, qui connaissent une croissance de leurs effectifs scolaires. Pour ce qui concerne l'ensemble du département des Bouches-du-Rhône, mon ministère vient d'ajouter vingt-deux postes de professeurs des écoles à la dotation initiale de manière à améliorer le taux d'encadrement, qui va ainsi passer de 23,2 élèves à 22,3 élèves par classe.
Et dans les semaines à venir, en fonction des remontées des élus de terrain, nous allons bien entendu procéder à d'ultimes ajustements de manière que la situation soit stabilisée pour la rentrée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Vos chiffres ne sont pas les bons : il y a bien plus de deux fermetures de classes dans ma circonscription et à l'école d'Eyragues, les effectifs scolaires sont pourtant prévus à la hausse. Malgré tout, vous continuez à vouloir fermer une des classes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.
Vous vous êtes entretenu il y a quelques jours avec la directrice académique des services de l'éducation nationale – Dasen – que j'ai eue au téléphone et c'est elle qui m'a communiqué les chiffres que je vous donne. Nous pouvons vous les préciser si vous le souhaitez. Le ministère est bien entendu à l'écoute des élus, mais nous devons aussi tenir compte d'une réalité : la baisse accélérée des effectifs scolaires partout en France, soit moins 80 000 élèves à la rentrée.
Ma question s'adressait à Mme la Première ministre, mais je vois qu'elle est partie. Je vais donc la poser à tous les ministres encore présents au banc : où est passé le projet de loi visant à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le 24 novembre, l'Assemblée nationale a voté cette grande avancée pour le droit des femmes ; le 1er février, c'était au tour du Sénat ; enfin, le 8 mars, le Président de la République a annoncé un projet de loi constitutionnelle dans les prochains mois pour inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution. Et puis rien !
Rien dans la feuille de route des cent prochains jours dévoilée par la Première ministre le 26 avril, rien dans les discours télévisés du Président de la République qui appelait à l'apaisement. Mais nous, parlementaires féministes, n'avons pas oublié cette promesse ! Vous voulez apaiser ? Commencez par tenir vos engagements : 81 % des Françaises et des Français attendent cette inscription dans la Constitution. Le droit des femmes n'est pas un jeu ! Ce n'est pas un slogan politique et encore moins un prétexte pour faire une promesse, lâchée opportunément un 8 mars. L'enjeu est bien trop important pour la noyer dans une révision constitutionnelle fourre-tout. Nous attendons toutes et tous le texte de loi du Gouvernement. La constitutionnalisation de l'IVG doit en être le seul objet. Vous savez bien que le véhicule législatif le plus efficace pour modifier la Constitution demeure un projet de loi soumis au Parlement réuni en Congrès, et les parlementaires vous ont déjà démontré qu'ils le voteraient ! C'est désormais à votre tour de prendre vos responsabilités.
Vous semblez avoir des calendriers pour tous les sujets, qu'il s'agisse de la casse du lycée professionnel, de la stigmatisation des plus précaires ou encore de la diabolisation des étrangers.
« Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Dès lors, chers ministres, où en est le projet de loi pour faire entrer le droit à l'avortement dans la Constitution ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La réponse va être brève car elle est dans la question. Vous avez dit, madame la députée, que le Président de la République avait annoncé le dépôt de ce projet de loi constitutionnelle dans les mois à venir, précisant qu'il s'était alors exprimé le 8 mars. Et si je compte bien : mars, avril, mai…
Ne soyez pas impatientes, ça arrive.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Dans une démocratie, la connaissance et l'éducation permettent l'expression de la liberté. Les enseignants, en transmettant leurs savoirs et en valorisant les compétences des élèves, participent à la construction de notre société puisqu'ils permettent à nos enfants de préparer leur avenir. La revalorisation des salaires du corps enseignant que vous avez annoncée est l'expression concrète de cette juste reconnaissance. Garants des valeurs de la République qui nous unissent, nos professeurs sont depuis plusieurs années en première ligne quand la laïcité est attaquée. Une enquête publiée le 8 mars dernier par le SNPDEN-Unsa – le Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale, rattaché à l'Union nationale des syndicats autonomes – a révélé qu'un tiers des personnels de direction confrontés à des atteintes à la laïcité ne faisait pas remonter ces signalements.
C'est pour répondre à cette urgence républicaine et aux demandes des enseignants que le Conseil des sages de la laïcité a été créé en 2018 afin d'exercer auprès du ministère de l'éducation nationale une mission de conseil, d'expertise et d'étude relative à la mise en œuvre du principe de laïcité. C'est dans ce contexte, monsieur le ministre de l'éducation, que vous avez annoncé, le 14 avril, la nomination de cinq nouveaux membres tout en prenant un arrêté modifiant son fonctionnement et réduisant son autonomie. Parmi les nouvelles nominations figure celle d'Alain Policar, dont certains propos ont suscité des inquiétudes, notamment quand il a précisé : « la dimension émancipatrice de la laïcité qui consiste à imposer la lumière n'est pas ce que je défends », ajoutant lui préférer sa dimension anglo-saxonne.
La ligne du Président de la République et de notre majorité est claire : faire bénéficier à chacun de nos enfants de la force du principe de laïcité et de l'universalisme républicain. Quelle est votre feuille de route en la matière ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Comme vous le savez sans doute, c'est moi qui ai demandé à ce que, chaque mois, soient publiés les chiffres des atteintes à la laïcité. C'est ainsi que, depuis le mois de septembre, ces données sont en ligne sur le site du ministère de l'éducation nationale.
C'est moi également, en accord avec la Première ministre et le Président de la République, qui ai souhaité, là où c'était nécessaire, renforcer les équipes Valeurs de la République : nous les avons étoffées, et ce sont désormais plus de 650 personnes qui, partout sur le territoire, répondent aux sollicitations et forment les personnels. Cette formation a été renforcée, et plus de 5 000 chefs d'établissement et leurs adjoints ont été formés depuis le mois de novembre, y compris sur la manière de faire remonter les atteintes à la laïcité ; en la matière, nous avons progressé, particulièrement depuis le mois de janvier.
C'est moi qui ai renforcé les mesures disciplinaires en cas d'atteinte à la laïcité, en diffusant des circulaires très claires auprès des chefs d'établissement.
C'est enfin nous, au ministère de l'éducation nationale,…
…qui avons institutionnalisé le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République, en lui donnant une assise juridique qu'il n'avait pas jusqu'à présent, en confirmant ses membres – y compris la présidente – et en confirmant les principes mêmes qui régissent l'action et le travail de cette instance très précieuse, avec laquelle j'échange régulièrement.
Vous m'appelez à réaffirmer cet engagement sans faille : je le fais volontiers en rappelant – et j'y insiste – que le principe de laïcité ne doit pas uniquement susciter la crainte de la sanction mais susciter également l'adhésion. Comme le disait Jean Jaurès : « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu'elle aura su être sociale. »
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ma question s'adressait au ministre de l'intérieur, mais il n'est plus là ; c'est donc vers la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté que je me tourne. J'ai écouté avec consternation votre réponse à mon collègue François Piquemal au sujet du fichage des élèves musulmans le jour de l'Aïd car, encore une fois, vous répondez à côté, comme dans votre tweet d'hier. Nous vous posons la question clairement : avez-vous ciblé les élèves musulmans, le 21 avril ? Or vous répondez complètement à côté en donnant comme exemple la participation à une procession religieuse ou la messe, le dimanche, dans l'espace public, alors que nous vous parlons de l'école.
Vous vous permettez même de vous défausser sur les majorités précédentes…
…et vous bredouillez que, oui, la demande a peut-être été formulée de manière maladroite. Ce qui est inquiétant, c'est qu'avant que certains ne sonnent l'alerte, vous n'ayez rien vu de grave dans ces pratiques indignes de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Pourquoi, alors même que vous prétendez que cette demande avait seulement pour but le suivi du déroulement des fêtes religieuses dans la sphère publique, les services de l'éducation nationale et du rectorat se désolidarisent-ils en affirmant ne pas avoir été informés en amont de cette décision ? La réalité, c'est que demander un rapport sur l'absentéisme le jour de l'Aïd, c'est cibler les élèves musulmans pour leur pratique religieuse ; la réalité, c'est que le Gouvernement a franchi la ligne rouge.
Nous vous reposons solennellement la question au sujet de l'école, et non au sujet des messes dominicales ou des processions religieuses : les services du ministère de l'intérieur ont-ils demandé, le 21 avril, jour de l'Aïd, un bilan sur l'absentéisme des élèves ? Si tel était le cas, nous demandons à la Première ministre de garantir à la représentation nationale que ces pratiques ne pourront plus jamais se reproduire.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC, et GDR – NUPES.
Je le répète, il n'y a, ne vous en déplaise,…
…dans l'école de la République, aucun fichage des élèves en fonction de leur appartenance religieuse. Je le répète également, c'est le travail de nos services de renseignement de suivre les grandes fêtes religieuses dans la sphère publique. Le ramadan concerne une part importante de nos concitoyens, c'est aujourd'hui un fait sociétal qu'il nous appartient de suivre, y compris à l'école.
Je vous demande donc d'arrêter avec vos raccourcis sans fondement. Quand nos services suivent la fête des lumières célébrée par la communauté juive, ils ne sont pas antisémites, pas plus qu'ils ne sont islamophobes quand ils suivent le ramadan. C'est indigne de penser le contraire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre délégué chargé de l'action et des comptes publics, vous avez introduit une nouvelle obligation déclarative à la charge des propriétaires de locaux d'habitation. En effet, la loi de finances pour 2020, qui a supprimé, à compter de 2023, la taxe d'habitation sur les résidences principales, a institué cette nouvelle obligation déclarative. Codifiée à l'article 1418 du code général des impôts, elle doit être accomplie pour la première fois avant le 1er juillet 2023.
Cependant, la déclaration doit être effectuée par voie électronique, et l'administration indique même qu'elle s'effectue depuis le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers », à partir de l'espace sécurisé du site impots.gouv.fr. Malheureusement, elle n'a pas prévu de formulaire de déclaration papier, de type Cerfa.
Or de nombreux propriétaires ne disposent pas d'une résidence principale équipée d'un accès à internet, tandis que d'autres indiquent ne pas être en mesure d'effectuer la déclaration par voie électronique. Aussi, et dans la mesure où être obligé de se déplacer dans un centre des impôts – puisqu'il est de plus en plus difficile d'avoir quelqu'un au téléphone pour prendre rendez-vous ou obtenir un renseignement – ne saurait constituer une option, pas plus que faire la queue pendant des heures, a fortiori lorsque l'on travaille, pourriez-vous mettre à disposition des Français un formulaire de déclaration Cerfa, afin que nos concitoyens puissent l'envoyer par la poste au Trésor public ?
Par ailleurs, est-il prévu d'adresser un courrier papier aux personnes sans accès à internet ou ne sachant s'en servir, étant donné que jusqu'à présent, cette information n'a été que faiblement diffusée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Si les propriétaires doivent désormais remplir une déclaration d'occupation de logement, c'est à la suite de la suppression de la taxe d'habitation. En effet, l'administration fiscale doit pouvoir connaître le statut des biens immobiliers, pour deux raisons simples.
La première est que la taxe d'habitation est maintenue sur les résidences secondaires, et nous ne voudrions pas qu'elle s'applique par erreur à ce qui serait en réalité non une résidence secondaire mais une résidence principale. La seconde, c'est que les communes qui veulent majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires doivent pouvoir le faire, ainsi que les y a autorisées un vote du Parlement ; il faut donc, pour cela, qu'elles puissent les identifier.
Une procédure dématérialisée a en effet été mise en place pour cette déclaration, qui doit être effectuée avant le 1er juillet. Je voudrais insister sur un point qui n'est pas forcément très clair pour les contribuables : nous ne demandons pas à cette date l'intégralité des informations, dont certaines sont facultatives, mais simplement le statut du logement : est-il occupé ou non ? S'agit-il d'une résidence principale ou secondaire ? Est-il occupé par un locataire et, le cas échéant, qui est ce locataire ?
Je le dis car, parfois, certains contribuables sont restés perplexes sur les informations cadastrales à fournir. Qu'ils sachent que ces questions pourront être validées plus tard.
Ensuite, vous avez raison, il faut pouvoir accompagner les contribuables qui en ont besoin. Sur les 340 000 mails qui ont été reçus par la direction générale des finances publiques (DGFIP), 75 % ont déjà obtenu une réponse, tandis que 280 000 appels ont été traités, suite à quoi les agents de la DGFIP ont rempli 123 000 déclarations. J'insiste sur ce point : quand un contribuable n'a pas accès à internet ou qu'il ne parvient pas à remplir sa déclaration, on peut le faire pour lui, dans un centre des finances publiques ou par téléphone. Cela a été fait pour plus de 100 000 contribuables.
Quant au formulaire papier que vous demandez, cela fait partie des pistes que je m'engage à examiner, notre objectif étant évidemment d'accompagner les contribuables pour qu'aucune personne de bonne foi ne puisse être pénalisée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033, 1234 rectifié).
Il vise à repréciser les objectifs que devrait poursuivre cette LPM – loi de programmation militaire –, à savoir garantir l'indépendance de la France au service de la paix par l'anticipation des scénarios de demain, garantir des conditions de vie dignes à nos militaires, moderniser le concept de dissuasion, et donner à l'État la possibilité de ramener dans le giron public les industries de défense essentielles.
Dit autrement, par les quelques lignes que contient cet amendement, il s'agit de donner à cette LPM un contenu et un sens en faveur de l'indépendance et de la paix.
L'amendement n° 852 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
Ces amendements identiques, d'ailleurs très ramassés, contiennent de nombreux éléments, que nous avons évoqués hier, relatifs aux ressources humaines ou encore à la BITD – base industrielle et technologique de défense. Il me sera difficile d'y répondre en quelques mots, mais je puis vous assurer que ce projet de loi de programmation militaire a été élaboré de manière cohérente, en tenant compte non seulement des besoins capacitaires – c'est une évidence –, mais aussi des besoins humains, ce qui passera par la formation, le recrutement et la valorisation des métiers. Il me semble donc que nous avons pris la mesure des besoins s'agissant des ressources humaines.
Quant à la BITD et à l'économie de guerre, dont nous parlerons lors de l'examen d'amendements à venir, beaucoup d'éléments sont également déjà prévus – nous en avons discuté hier. Nous conserverons une agilité économique, sans toutefois aller jusqu'aux nationalisations que vous appelez de vos vœux dans le livret « La loi de programmation militaire : notre vision », que vous avez rédigé. L'avis est donc défavorable sur ces amendements.
La parole est à M. le ministre des armées, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je vous remercie pour ces amendements, qui couvrent différents aspects, même si je préfère l'actuelle rédaction de l'alinéa 2 du rapport annexé.
Cela étant, nous pourrons peut-être retenir de ces amendements l'idée de modernisation du concept de dissuasion. J'avais noté hier que ce point pouvait être intéressant, car si nous établissons ici une programmation pour les années à venir, nous prévoyons également des études dont le spectre va au-delà de l'échéance du projet de loi : nous avons eu cette conversation au sujet du spatial, par exemple.
Je serai en revanche défavorable à toute distinction entre dissuasion nucléaire et dissuasion conventionnelle qui viserait à abîmer le concept de dissuasion nucléaire. Je ne pense pas que ce soit votre volonté mais, une fois de plus, je tiens à être prudent.
S'agissant des conditions de vie des militaires, nous en parlerons lors de l'examen de nombreux amendements à venir – amendements également au rapport annexé.
Il en va de même de la BITD et je note d'ailleurs, messieurs les députés, que vous avez déposé une part importante des nombreux amendements sur cette question.
Je demande donc le retrait de ces amendements identiques, à défaut de quoi l'avis sera défavorable. Je le répète, si vous le souhaitez, nous pourrons apporter tout à l'heure des précisions en ce qui concerne la dissuasion. Le cas échéant, je vous demanderai simplement de bien vouloir rédiger votre sous-amendement en amont.
Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. Nous pensions utile de repréciser certains objectifs dès le début de la LPM, mais j'entends vos arguments, tout comme je prends bonne note de vos propos et de votre intérêt s'agissant de la dissuasion de demain. À cet égard, nous défendrons tout à l'heure un amendement visant à créer un commissariat à la dissuasion de demain. Dans l'attente de son examen et compte tenu de votre engagement à reprendre certains éléments, je retire mon amendement.
L'amendement n° 851 est retiré.
L'amendement n° 852 est retiré.
Plutôt que de confirmer les grands fondamentaux de notre défense, qui ont été définis dans les années 1960, par cet amendement, le groupe GDR – NUPES propose de les questionner. En effet, n'est-il pas temps d'avoir un grand débat sur notre stratégie en matière de défense, surtout au moment de se prononcer sur un projet de loi de programmation militaire de 413 milliards d'euros sur sept ans ? Ce montant n'est tout de même pas une paille et mérite que nous discutions. Quelles sont les priorités ? Quelle stratégie ces priorités serviront-elles et dans le cadre de quelles alliances ? L'examen de ce projet de loi est l'occasion de s'interroger sur ces points et il serait juste d'inscrire le principe d'un questionnement dans le texte.
Ouvrons, de manière sereine, le débat sur la dissuasion nucléaire. Il ne s'agit pas de dire stop ni de tout arrêter de manière unilatérale : je suis clair sur ce point, car je ne voudrais pas que nous soyons caricaturés. Nous demandons simplement un débat sur cette question, tout comme nous demandons que la France interpelle les autres puissances nucléaires afin de remettre à l'ordre du jour le désarmement mondial en matière nucléaire.
Interrogeons-nous aussi sur la question de la projection de nos forces dans le cadre d'opérations extérieures (Opex), c'est-à-dire dans d'autres pays. Au service de quelles alliances et de quelle politique les employons-nous ? Faisons le bilan des vingt dernières années d'interventions.
Enfin, il nous faut questionner la forme actuelle de notre industrie de défense. Nous souhaiterions qu'elle soit davantage souveraine, moins soumise aux lois du marché, et moins tournée vers un modèle d'exportation, grâce notamment à une plus grande diversification.
Ayons ces débats et inscrivons leur principe dans le texte !
Par cet amendement, vous évoquez trois points majeurs : les alliances, la dissuasion et la BITD. À l'image de M. Lachaud, vous ouvrez ainsi une séquence et des débats qui, je l'espère, répondront à vos questions.
À ce stade, je n'évoquerai que la dissuasion nucléaire, qui représente la clé de voûte de ce projet de loi de programmation militaire. En effet, 54 milliards d'euros y sont destinés et vous savez que les besoins technologiques et techniques qui entourent le nucléaire ont pour effet de tirer l'ensemble du texte vers le haut. Nous assumons les moyens que nous consacrons à la dissuasion – preuve en est qu'ils sont affichés dans notre LPM –, et je tiens à dire qu'ils sont limités de manière à assurer sa stricte suffisance.
Je ne serai pas plus long et laisse la parole au président de la commission de la défense nationale et des forces armées, qui a organisé un cycle sur la dissuasion nucléaire et qui pourra répondre à votre demande de débats. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut l'avis sera défavorable.
La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Je me dois effectivement de prendre la parole sur cet amendement par lequel, monsieur Roussel, vous appelez de vos vœux l'organisation d'un débat approfondi sur la dissuasion. Je tiens à informer nos collègues sur la manière dont ce débat, auquel je suis très attaché, a bel et bien eu lieu au sein de la commission que je préside. Il me semble en effet que la crédibilité et la durabilité de notre dissuasion reposent non seulement sur la volonté du Président de la République et sur un bon fonctionnement technologique, mais aussi sur son acceptation par l'ensemble des Français. J'insiste, ce dernier point constitue selon moi d'un gage de crédibilité.
Il me semble donc utile de rappeler qu'un cycle a eu lieu sur le retour d'expérience de la guerre en Ukraine, cycle au cours duquel la question de la dissuasion a été largement abordée et notamment la rhétorique de Vladimir Poutine au travers du concept de sanctuarisation agressive.
J'ajoute qu'en janvier, pour la première fois depuis des années, un cycle complet a été organisé sur la dissuasion nucléaire au cours duquel nous avons notamment donné la parole à certains de ses opposants, comme les représentants de l'Ican – campagne internationale pour abolir les armes nucléaires. Je vous ai en outre fourni en avant-première le rapport qui a découlé de ces rencontres, monsieur Roussel, rapport au sein duquel tous les groupes – sauf le vôtre – se sont exprimés.
En complément de ce cycle, notons que des visites ont été organisées, notamment auprès des forces océaniques stratégiques à l'île Longue. Et les commissaires qui le souhaitaient ont pu assister à une opération Poker de l'armée de l'air.
Enfin, nous avons organisé deux grands débats publics ces derniers mois à Brest et à Biscarrosse, au cours desquels la question de la dissuasion a été abordée.
Je sais que vous n'adhérez pas au principe de la dissuasion, monsieur Roussel, mais je ne pouvais vous laisser dire qu'aucun débat n'a eu lieu sur ce sujet au cours des dernières semaines, notamment en commission de la défense.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Cet amendement d'appel nous permet d'évoquer des points importants. En effet, si nous disposons de quinze jours de débats, je vous propose que nous abordions maintenant celui relatif à la dissuasion. Comme je le disais hier, il y a d'une part l'élection présidentielle et d'autre part le Parlement, et personne ne comprendrait que nous ne débattions pas de la dissuasion au moment de programmer nos dépenses militaires. À mon avis, nous passerions même à côté de l'essentiel.
À cet égard, je remercie le président Gassilloud pour ses propos et je tiens à préciser que lors de son élection à la tête de la commission de la défense, dont vous êtes membre, monsieur Roussel, j'ai immédiatement autorisé les forces armées à ouvrir, dans la mesure du possible et en préservant bien sûr le secret, non seulement leurs infrastructures, mais aussi leurs exercices. Je crois d'ailleurs que le seul fait de prononcer dans cet hémicycle les mots « opération Poker » est quelque chose de suffisamment nouveau pour être souligné. Il s'agit tout de même du grand exercice des forces aériennes stratégiques.
Vos travaux vous ont permis de comprendre le fonctionnement des deux composantes – océanique et aérienne – de la dissuasion et de leurs particularités, ainsi que celui de la Fanu – force aéronavale nucléaire.
La notion de stricte suffisance de la dissuasion est également importante. Elle concerne à la fois des questions de doctrine et de technologie. Les amendements sur le moratoire que vous aviez déjà déposés en commission, si ma mémoire est bonne, ne recevront pas un avis favorable de ma part. Il existe en effet une inertie, je l'ai rappelé lors de la discussion générale. Si vous étiez ministre de la défense, vous ne pourriez remettre en question la dissuasion et il vous faudrait moderniser ses moyens, sans quoi il ne serait plus possible de dissuader. D'autres amendements nous permettront d'en débattre.
La dissuasion est régie par des principaux internationaux, que vous avez évoqués hier, et par des principes français. Toutes les dissuasions – y compris au sein de pays de l'Otan – ne se valent pas. Ainsi, la dissuasion française n'obéit par exemple pas aux mêmes règles, dans le domaine de la souveraineté ou dans celui de la technologie, que la dissuasion britannique. Certains éléments de la doctrine se trouvent dans l'espace public, comme ceux concernant la défense des intérêts vitaux. Je rappelle d'ailleurs, parce qu'on n'en parle plus beaucoup, que les accords de Lancaster House prennent en compte les particularités des conceptions française et britannique des intérêts vitaux.
Nous pouvons débattre de la dissuasion aujourd'hui dans l'hémicycle sur ces questions concrètes. Ne repoussons pas ce débat à plus tard et prenons le temps nécessaire à sa bonne tenue.
Madame la présidente, je vais être un peu long, mais cela me permettra d'être plus rapide ensuite. Les Opex soulèvent deux questions : celle de la capacité pour les mener à bien et celle de la doctrine politique et diplomatique orientant l'engagement des militaires dans ces opérations. Ma réflexion sur les débats que nous avons eus hier me conduit à insister sur la nécessité de bien distinguer ces deux questions. Si vous étiez président de la République, il vous faudrait d'abord vérifier si vous disposez des moyens nécessaires avant de décider de leur emploi dans telle ou telle opération. Auriez-vous pris les mêmes décisions à cet égard que les présidents Sarkozy et Hollande ou que le président Macron ?
J'ai évoqué hier les contrats opérationnels, qui soulèvent des questions liées à la capacité à mener des Opex : réactivité, endurance et souveraineté. Cette dernière question, qui vous est chère, interroge sur la dépendance – concernant les capacités de projection ; la fourniture de pièces détachées, de munitions ou de carburant ; l'entraînement ou les vecteurs – vis-à-vis d'autres pays pour mener ces opérations.
Après l'avoir fait en commission, j'insiste ici sur l'impossibilité de dissocier la question des capacités de celle de la doctrine. Le projet de loi dont nous débattons engage nos capacités pour l'avenir. La question est de savoir – je la pose de manière triviale, pardonnez-moi – si le bouton sur lequel le président de la République en fonction en 2027 pourrait avoir à appuyer fonctionnera. La programmation militaire que nous vous proposons y répond clairement par l'affirmative, que ce soit pour déployer les forces terrestres, aériennes ou maritimes.
Je vous remercie pour cet amendement, qui permet de rouvrir le débat sur le fond et de le faire de manière noble à un bon niveau. Toutefois, sa rédaction me semble en faire un amendement d'appel. Je demande donc son retrait.
Je ne reviens pas sur le développement de la BITD, mais je pense que le débat doit avoir lieu maintenant sur les trois questions soulevées par l'amendement.
Au regard de vos réponses, je retire l'amendement.
Monsieur Gassilloud, je souhaite souligner la qualité des débats menés en commission, grâce aux auditions, notamment sur la dissuasion nucléaire, dont j'ai pris connaissance. Elles nous ont donné l'occasion – et c'est important – d'entendre tous les intervenants sur ce sujet.
Nous devons toutefois mener un débat plus large avec l'ensemble de nos concitoyens, car tous n'assistent pas aux débats de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, comme ils pourraient le faire pour le journal de 20 heures. On peut le regretter, mais c'est comme ça. De même, je me réjouis que vous puissiez organiser des débats publics dans nos communes, mais ils ne rassemblent pas les dizaines de millions de personnes que nous aimerions atteindre.
Nous allons donc mener ce débat ici, mais je souhaite qu'il sorte de ces murs car il engage beaucoup d'argent.
La question tourne autour de la nuance entre la nécessité de moderniser notre arsenal nucléaire – nous partageons ce choix car notre crédibilité en dépend – et l'augmentation de notre capacité, non en termes de quantité d'ogives, mais en termes de diversité des moyens de dissuasion, missiles sol-air ou sous-marins par exemple. L'augmentation risque en effet de se faire au détriment de la modernisation, car elle demande beaucoup d'argent.
Ce moment du débat est important. Monsieur le député et secrétaire national, vous manifestez clairement votre opposition à la dissuasion tout en reconnaissant la nécessité, à court et moyen termes, de la moderniser pour garantir sa crédibilité. Je le dis très sérieusement : vos propos vous honorent et permettent d'avancer dans les débats.
Ils m'engagent à vous dire en retour que la dissuasion restera défensive et strictement suffisante. Les sommes engagées par ce projet de loi sont destinées à financer des programmes – qui se poursuivront, par inertie, dans la prochaine programmation militaire à partir de 2030 – de modernisation et non de durcissement de la dissuasion. Ces programmes et les volumes financiers qui leur sont affectés n'ont pas vocation à changer la nature strictement suffisante et défensive – pour reprendre l'expression consacrée – mais bien à maintenir la crédibilité de notre dissuasion en lui permettant notamment d'accompagner les sauts technologiques – discrétion acoustique des sous-marins par exemple – ou le durcissement de la défense de certains pays.
Vous avez raison d'insister sur ce point et c'est pour moi l'occasion d'affirmer à nouveau que ce projet de loi ne change pas notre doctrine de dissuasion nucléaire.
Un débat citoyen sur la dissuasion est une bonne idée, mais attachons-nous pour l'instant à le mener ici avec un bon niveau, ce qui nous permettra de mobiliser l'ensemble de la population.
L'amendement n° 160 est retiré.
L'alinéa 2 du rapport annexé mentionne la « défense de notre métropole et de nos outre-mer ». Le terme « métropole » appartient au champ lexical de l'époque coloniale, qui est révolue. Par ailleurs, l'emploi du possessif dans l'expression « nos outre-mer » risque d'être mal interprété.
Nous proposons donc – et j'espère que nous serons rejoints par une large majorité – d'employer les termes de « territoire hexagonal » et « des territoires » d'outre-mer, qui nous semblent préférables à celui de « métropole » et à l'idée de possession des outre-mer.
En cette journée nationale de reconnaissance des victimes de l'esclavage colonial, je demande instamment et solennellement à M. le ministre ainsi qu'à l'ensemble des députés ici présents de ne plus employer le terme « métropole » dans les textes qu'ils produisent.
Le dictionnaire Le Robert définit en effet le terme de « métropole » comme le « territoire d'un État considéré par rapport à ses colonies ». Il peut arriver que des collègues l'emploient, par habitude, sans le vouloir. Je sais que M. le ministre, qui a été ministre des outre-mer, sera sensible à ma proposition d'employer le terme plus neutre et plus géométrique d'« hexagone ». La France est la France parce qu'elle est l'archipel France, composé de ses outre-mer couvrant trois océans et sur lesquels le soleil ne se couche jamais. Elle peut y mener des essais nucléaires, comme en Polynésie, lancer des fusées Ariane, faire de la géopolitique dans le canal du Mozambique et toute la zone indo-pacifique, ou encore profiter des plus belles plages du monde, aux Antilles ou en Polynésie, selon les goûts.
Je vous demande donc d'abandonner le terme « métropole » au profit de celui d'« hexagone ».
Je rejoins les propos de mes collègues Fernandes et Serva. Il est important que nos concitoyens, notamment ceux des territoires d'outre-mer, se sentent respectés. Ils doivent l'être par la politique traduite dans ce texte. Utiliser le mot « hexagone » plutôt que celui de « métropole » est un souhait largement partagé sur nos bancs. Employer le possessif pour désigner les outre-mer nous semble également dépassé et inapproprié.
Nous devons entendre ce que disent les citoyens de ces territoires et leurs représentants tels que mon collègue Tematai Le Gayic, député de Polynésie ; je salue à cette occasion Moetai Brotherson pour son élection à la tête de la région.
Sourires.
Nous devons respecter le rapport qu'ils ont avec la République. Tout indépendantistes qu'ils soient – je le respecte –, ils sont attachés à la coopération avec la France en matière de défense.
Avis favorable.
Personnellement, je trouve que l'emploi du terme « nos » pour désigner les outre-mer a une connotation affective.
Nous sommes sincèrement attachés à nos territoires d'outre-mer. J'aurais donc maintenu l'emploi du possessif.
Je l'avais déjà dit devant la commission : le terme « métropole » ne doit plus être employé dans les documents publics, qu'ils soient législatifs ou administratifs. M. Serva, qui a présidé la délégation aux outre-mer de l'Assemblée, a rappelé que j'ai été ministre des outre-mer. L'usage veut désormais que nous employions le terme « hexagone ». J'émets donc un avis favorable à l'amendement n° 2 et je suggère aux parlementaires, s'ils en sont d'accord, d'adopter cet amendement de M. Serva.
Quant au possessif, je suis plus réservé, car tout dépend de qui l'emploie. Il me semble, mais je le dis sous le contrôle du député Serva, que beaucoup d'ultramarins le font et parlent de « nos » outre-mer. Au cours de mes deux années de fonction en tant que ministre des outre-mer, j'ai souvent entendu le « nos » dans les territoires d'outre-mer.
Je demande le retrait des amendements n° 574 , 671 et 161 au bénéfice de l'amendement n° 2 , sur lequel j'émets un avis favorable.
M. le ministre a demandé l'avis des groupes : le groupe Écologiste se joint à cette demande pour soutenir l'amendement n° 2 de M. Serva. Il est utile de rappeler régulièrement l'origine et la signification du mot « métropole », pour que ceux qui ne les connaissent pas prennent la mesure de sa charge symbolique et concrète, et de veiller à son remplacement par le mot « hexagone ».
L'emploi du possessif peut surprendre. Je le serais si les documents que nous rédigeons mentionnaient « notre Île-de-France » ou « notre Bretagne ».
On parle bien de nos régions et de nos campagnes.
Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur ce point, mais l'emploi du possessif peut avoir une légère consonance paternaliste.
Si nous allons dans le bon sens, je suis prêt à retirer n'importe quel amendement.
Toutefois, un doute subsiste sur l'emploi du possessif : l'adoption de l'amendement n° 2 conduirait à une rédaction – « de notre hexagone et de nos outre-mer » – dont je ne suis pas sûre qu'elle soit heureuse. La formulation « du territoire hexagonal et des territoires d'outre-mer » me semble meilleure, mais j'accepte de retirer notre amendement afin d'assurer un vote unanime. Je propose une rectification de l'amendement n° 2 afin d'éviter l'emploi du terme « notre » hexagone.
M. Serva peut-il rectifier son amendement dans le sens indiqué par M. Lachaud ?
Dix secondes seulement seront nécessaires – je sous-amende vite, vous savez.
Sourires.
Je n'en doute pas ; il faut toutefois transmettre une version écrite de votre sous-amendement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
Je suis très heureux de m'investir – quoique modestement – dans ce débat essentiel, où les députés du groupe Les Républicains seront représentés par M. Jean-Louis Thiériot, qui connaît parfaitement ces questions, outre qu'il s'inscrit dans la tradition gaulliste du groupe.
Je me réjouis que ce texte nous donne enfin l'occasion de mener un débat essentiel – où il est logique que les gaullistes prennent leur part –, et ce pendant une longue durée. Cela nous change du futile, de l'accessoire, qui trop souvent nous occupent.
Venons-en à la défense opérationnelle du territoire (DOT), soit la défense de notre sol, le pendant logique de la capacité de projection et d'intervention à l'extérieur de notre territoire, auprès de nos alliés, pour défendre nos intérêts, et ainsi de suite.
Si la DOT rappelle bien des souvenirs, elle a peut-être été négligée durant les dernières années. Il convient par ailleurs d'affirmer le rôle majeur des réservistes en son sein – j'en profite pour leur rendre hommage.
Monsieur le ministre, à l'occasion d'un échange récent avec vous, j'ai noté la présence, dans l'antichambre de votre bureau, d'une statue de Lazare Carnot, défenseur du territoire s'il en est. Pour lui et pour les réservistes, je vous prie de soutenir cet amendement.
Je vous remercie pour votre amendement, car il nous permet d'évoquer la réserve. Vous souhaitez que son rôle dans la défense opérationnelle du territoire soit mentionné au même titre que celui des forces d'active – sachant que les réservistes peuvent également être projetés sur des théâtres extérieurs.
Si je comprends bien votre amendement, je le considère comme étant d'appel et vous demande de le retirer. En effet, il ne servirait à rien de mentionner ici spécifiquement les réservistes, car, en tant qu'ils sont des militaires de plein exercice, pleinement intégrés à des unités chargées d'une mission de protection du territoire ou de missions extérieures, ils sont déjà visés.
Monsieur Le Fur, vous faites une entrée remarquée dans le débat, avec cet amendement Carnot. Je vous en remercie, car il nous permet d'évoquer les contrats opérationnels, le modèle de constitution des armées – soit organique, soit définie selon les circonstances – et les finalités opérationnelles – je me suis suffisamment désolé hier que nous ne les mentionnions pas assez. Toutefois, je vous demande de retirer cet amendement, tout simplement parce qu'il n'est pas placé au bon paragraphe du rapport annexé – mais c'est un autre débat.
Sur le fond, la DOT est cruciale ; vous avez raison, elle appelle également le durcissement du modèle d'armée, grâce à l'intrant des réservistes – qui sont, comme l'a rappelé le rapporteur, pleinement des militaires et que leur uniforme ne distingue pour cette raison nullement des militaires d'active. En effet, il est clair que le projet des volontaires territoriaux, tel qu'imaginé dans le cadre de la montée en puissance de la réserve, permet d'envisager de nouvelles planifications de la DOT.
Je rappelle en outre à la représentation nationale que vous auriez également pu évoquer dans votre amendement la police du ciel, chargée d'une mission de sécurité aérienne permanente – contrairement à son pendant, la DOT, qui est une mission purement terrestre et dont le déclenchement n'est prévu que dans certaines circonstances, par exemple en cas de planification d'un contrôle de zone, comme vous le savez.
En commission, nous n'avons pas suffisamment évoqué – pour ne pas dire que nous ne l'avons pas du tout fait – le fait que la vie des forces est structurée par de grands contrats opérationnels. Ainsi, même si je n'ai pas eu le temps de présenter tous ceux qui sont liés à la dissuasion nucléaire lors de ma réponse à M. Roussel, il y en a un certain nombre, clairement identifiés, par exemple ceux consacrés à la dilution de l'un des sous-marins nucléaires lanceur d'engin – par exemple au large de votre Bretagne, que vous connaissez bien – ou au déploiement du groupe aéronaval.
Quant aux contrats opérationnels terrestres, ils sont parfois moins visibles. Certains sont prévus pour le cadre expéditionnaire, sur lequel nous reviendrons, et portent par exemple sur la capacité, cruciale, à exercer le rôle de nation-cadre ou à déployer une division ou des brigades ; d'autres, pour les scénarios de déclenchement de la DOT. C'est l'occasion de reposer une question qui n'a rien de médiocre, celle de la coordination entre les forces conventionnelles et celles de dissuasion, même si nous n'aurons pas l'occasion de tout traiter.
L'amendement ne manque pas de valeur, bien au contraire, mais je vous demande de le retirer, car nous examinerons plus tard des amendements portant sur les contrats opérationnels. Les paragraphes du rapport annexé dans lequel le vôtre s'insérerait sont consacrés aux grands principes – si nous y mentionnions la DOT, pourquoi ne pas y évoquer d'autres contrats opérationnels, par exemple, ceux liés à la posture permanente de sûreté aérienne ? Toujours est-il que nous raterons les débats sur ce projet de LPM, si nous n'évoquons pas très concrètement les contrats opérationnels ; je vous remercie de le permettre.
La question de la DOT est absolument cruciale, dans le cadre de la définition des contrats opérationnels. En effet, la DOT constitue un outil majeur face aux guerres hybrides qui pourraient demain combiner attaques cyber et territoriales.
Monsieur le ministre, je comprends parfaitement votre insistance sur les contrats opérationnels, car c'est bien le niveau pertinent de réflexion. Si, comme je le crois, vous partagez l'avis de M. Le Fur, qui a parfaitement raison, ne serait-il pas opportun – puisque nous autres parlementaires ne pouvons plus le faire, à ce moment du débat – que vous déposiez un amendement rappelant l'importance de la DOT dans les contrats opérationnels ?
Vous en avez tout à fait le droit, monsieur Le Fur. La parole est à M. le ministre.
M. Le Fur sait précisément, pour avoir été vice-président de l'Assemblée pendant quinze ans, à quel moment retirer ses amendements !
Je vous propose plutôt de sous-amender des amendements ultérieurs. Par ailleurs, allons au bout de la réflexion sur la DOT. Celle-ci avait beaucoup de sens pendant la guerre froide, car elle soutenait la voûte nucléaire – même si c'est encore le cas, nous la remettons à jour depuis plus d'un an.
M. Thiériot a mentionné la notion d'hybridité. De fait, alors que les frontières s'effacent pour certaines menaces sécuritaires, telles que les attaques cyber ou autres, il convient de moderniser la DOT. Je grogne quand certains prétendent que ce projet de LPM n'est pas de transformation, car, avec celui-ci, nous demanderons à 10 ou 15 000 soldats de l'armée de terre de changer de métier, pour adapter l'infanterie d'hier aux évolutions cyber et aux guerres électroniques, dans un choc de modernisation de la DOT.
Cette mission sera renouvelée tant pour tenir compte des menaces hybrides que pour intégrer l'intrant de la réserve ; elle sera secouée, dans le bon sens du terme, par ce projet de LPM. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Monsieur Le Fur je vous demande de retirer votre amendement, et vous invite à déposer plutôt un sous-amendement à ce sujet – mais en amont de la séance, pour ne pas avoir à la suspendre.
J'ai entendu les propos de mon collègue Jean-Louis Thiériot et les vôtres, monsieur le ministre. Je vous remercie de m'avoir répondu. J'accepte de retirer mon amendement sous réserve que la disposition soit insérée ailleurs – je vais en discuter avec vos équipes.
La guerre en Ukraine nous rappelle, malgré tout, que tenir l'espace et le sol est déterminant. D'une manière ou d'une autre, il faut le dire. Dans cette mission essentielle – cardinale, car il faut employer les mots les plus forts –, les militaires d'active, mais également les réservistes, ont toute leur place et doivent jouer leur rôle.
L'amendement n° 227 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 938 , qui fait l'objet d'un sous-amendement de M. Cinieri.
Il s'agit d'un amendement d'appel pour parler effectifs. En 2023, l'armée française est composée de 240 000 personnels, dont 205 000 militaires actifs et 35 000 réservistes ; à elle seule, l'armée de terre compte 130 000 militaires, soit environ la moitié de l'effectif de l'armée française.
Quatre pays caracolent toujours en tête en termes d'effectifs militaires – les États-Unis, la Russie, la Chine et l'Inde. Mais la suite du classement change selon les années. Ainsi, si la France se trouvait l'an dernier en septième position, elle est désormais neuvième, derrière la Corée du Sud, le Pakistan et le Japon. Je m'interroge sur ce déclassement. Étant donné le contexte géopolitique et, évidemment, la guerre en Ukraine, ne faut-il pas faire un effort supplémentaire et renforcer significativement les effectifs ?
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 1787 .
L'amendement n° 938 , défendu par l'excellente Emmanuelle Ménard, plaide pour un renforcement des effectifs de militaires actifs. Pour faire face aux difficultés de recrutement liées au temps nécessaire pour former des sous-officiers et des officiers, ce sous-amendement vise à préciser que les militaires à la retraite peuvent demander à être réintégrés dans la réserve opérationnelle jusqu'à la limite d'âge de leur grade.
Tous les Français peuvent se poser la question soulevée par cet amendement et ce sous-amendement : pourquoi ne pas renforcer les effectifs ? En fait, c'est un choix de cohérence et un choix d'armée. Il faut être conscient que ce ne sont pas forcément les armées les plus nombreuses qui gagnent sur le champ de bataille, mais celles qui disposent de la technologie, et donc de l'ascendant tactique.
En outre, vous comparez des pays très différents – les Russes ou les Chinois sont bien plus nombreux que les Français. Et il ne faut pas oublier les alliances : nous ne pourrons pas faire de tous les Français des soldats pour nous aligner sur le nombre de soldats chinois, d'où l'importance de ces dernières.
Il nous faut surtout une armée complète et cohérente. Cela nous permet d'être une nation-cadre, c'est-à-dire de tenir l'espace, de disposer de notre propre renseignement, afin de prendre nos propres décisions et de mener nos propres actions. C'est un tout, qui coûte de l'argent, mais c'est le choix cohérent de ce projet de loi de programmation militaire.
Je vous remercie d'avoir soulevé cette question mais vous demanderai, logiquement, de bien vouloir retirer amendement et sous-amendement.
Il existe deux niveaux de réserve dans le code de la défense nationale : la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) et celle de deuxième niveau (RO2), cette dernière permettant déjà le rappel des volontaires. En outre, le Conseil des ministres ou le Parlement peut parfaitement décider de rappeler tous les réservistes de la RO2. Ce soir ou demain, nous évoquerons sans doute les mesures de simplification et de relèvement des limites d'âge ; mais globalement, monsieur Cinieri, votre sous-amendement est satisfait, soit par le droit existant, soit par les amendements à venir. J'en demande donc le retrait.
Madame Ménard, je vous remercie pour cet amendement d'appel qui permet de revenir sur ce que nous souhaitons. S'agissant des classements entre pays, on ne peut pas comparer ce qui n'est pas comparable. Une puissance dotée de la dissuasion nucléaire ne saurait être comparée à un pays non doté. D'ailleurs, ce sont les gaullistes, dont tout le monde parle depuis le début de la discussion du texte, et notamment Pierre Messmer, qui, tirant les conclusions de la dissuasion, ont entrepris la diminution du format de l'armée de terre dans les années soixante. Ce fut assez douloureux, Pierre Messmer l'explique très bien dans ses mémoires.
Deuxième point, que personne n'a encore évoqué, et c'est heureux : vous ne bâtissez pas la même armée quand il s'agit d'agresser une autre armée ou de vous défendre. J'enfonce une porte ouverte, mais les pays qui nous devancent parfois dans ce classement ne disposent pas toujours du même niveau de diplomatie et d'attention à l'utilisation de leurs forces armées que nous.
Troisième point : l'articulation entre armée active et réserve n'est pas la même dans tous les pays. J'irai même plus loin – on en parle trop peu depuis le début de la discussion : aucun pays ne dispose de notre apport de civils au sein de sa défense nationale. Ainsi, dans le ministère dont j'ai l'honneur d'assurer la direction, 60 000 civils de la défense occupent des fonctions parfois extrêmement stratégiques à la direction du renseignement militaire (DRM), à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), etc. À l'inverse, beaucoup de soldats en uniforme sont employés à des fonctions de bureau, et ne sont donc pas combattants.
Il faudrait donc analyser, par exemple au sein de l'armée de terre, qui est employable au combat et qui ne l'est pas. Ce n'est pas tant le nombre organique qui importe que notre capacité à aligner sur le terrain, si besoin est, des brigades, une division, voire – potentiellement à plusieurs –un corps d'armée.
C'est une affaire de cohérence et de masse. On l'évoque beaucoup pour les équipements, mais cela vaut également pour le nombre de militaires : si vous avez beaucoup de militaires, mais qu'ils sont très mal organisés – regardez l'armée russe en Ukraine –, l'effet militaire sera réduit.
Les États-Unis sont le seul pays capable de déployer seul un corps d'armée sur un champ de bataille. Que vous propose-t-on dans ce projet de loi de programmation militaire ? Qu'en 2027, à la fin du quinquennat, l'armée française soit capable, dans un délai d'un mois, de déployer seule, en souveraineté, une division entière – autour de 12 000 hommes, soit deux brigades –, complètement équipée et soutenue par un service de santé, un commissariat, etc.
Le débat parlementaire doit répondre à cette question : qu'attend-on des armées ? Quelle est notre cohérence ? Je reprendrai ce débat avec vous, car vous avez déposé d'autres amendements d'appel, plaidant notamment pour le retour d'un service militaire. Pendant la guerre froide, il fallait masser des millions de jeunes gens aux frontières de l'est de la France, ou aux frontières de l'Otan, pour dissuader l'autre ; aujourd'hui, même avec le retour de la guerre en Ukraine, ce concept de dissuasion non nucléaire, par la masse, n'a plus lieu d'être.
Désormais, les menaces sont hybrides et il faut adapter le format de l'armée, en faisant évoluer les ratios entre officiers et sous-officiers ainsi que les métiers. Dans la marine nationale et dans l'armée de l'air, il y a plus d'officiers depuis les années soixante, la dissuasion nucléaire ayant conduit à créer de nouveaux métiers.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie pour vos explications. Loin de moi l'idée de comparer les effectifs militaires de la France avec ceux des pays qui caracolent en tête : ils n'ont évidemment pas la même nature d'armée que nous. Ce n'était pas le sujet.
Au début de la guerre en Ukraine, un chiffre avait frappé les esprits et m'avait interpellée : si la France devait répondre à une attaque à ses frontières, elle serait capable de tenir un front de 80 kilomètres – pas plus. Cela explique mon amendement d'appel visant à vous interpeller sur les effectifs et, accessoirement, sur notre déclassement, puisque la France est passée de la septième à la neuvième place.
J'entends que la nature de l'armée a changé et que les technologies utilisées sont de plus en plus pointues. Ces technologies impliquent probablement moins d'hommes, mais si nous n'avons plus d'hommes pour nous en servir, cela pose un problème.
Monsieur Cinieri, maintenez-vous ou retirez-vous votre sous-amendement ?
Les armées sont l'institution qui, en France, recrute le plus – près de 27 000 personnes par an. La précédente LPM avait fixé un objectif de recrutement supplémentaire de 1 500 personnels par an, et nous avons atteint 1 063. La présente LPM vise 6 300 équivalents temps plein ! Les chiffres l'illustrent, il faut surtout fidéliser nos militaires – nous y reviendrons sans doute.
En outre, il pourrait être intéressant de comparer le ratio entre le nombre d'habitants et le nombre de militaires selon les pays : ainsi, la Chine compte 1,4 milliard d'habitants pour 2 millions de militaires.
J'ai beaucoup de demandes de prises de parole. Je peux ouvrir le débat si vous le souhaitez,…
…mais j'attire votre attention sur le rythme de nos travaux.
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
Madame la présidente, reste-t-on à un orateur pour et un orateur contre l'amendement ? Le débat est-il au contraire ouvert à tous les groupes ? Je pose la question pour la bonne organisation de la suite du débat.
Pour le futur, je souhaiterais que seul un orateur pour et un orateur contre s'expriment. Mais si vous souhaitez faire autrement, je suivrai la demande de l'hémicycle.
J'en reviens à notre débat sur les effectifs. Il est évident que la défense française ne repose pas sur la démultiplication des effectifs. Le véritable problème, notre collègue Chenevard l'a subrepticement évoqué, c'est la fidélisation. On peut recruter à tour de bras, mais si les soldats ne restent pas, nous n'atteindrons aucun objectif. C'est le cas de la précédente LPM. Madame Ménard, vous plaidez pour des effectifs renforcés, mais nous ne sommes même pas sûrs de remplir nos objectifs.
Je martèle cette donnée, car elle est très importante : un tiers de nos soldats cassent leur contrat en cours de réalisation et un tiers ne le renouvellent pas, ce qui met le taux de turnover à deux tiers de l'effectif embauché ! C'est inédit, y compris au sein des services publics et de l'administration.
Nous devons donc surtout nous attacher à maintenir les effectifs, par la solde – et la réforme de l'indice – et par des conditions de vie décentes. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai visité des hébergements. Très sincèrement, je n'y logerais pas mon pire ennemi ! Les fenêtres sont cassées, les radiateurs en panne, les douches froides. Comment peut-on offrir de telles conditions à un jeune alors que la concurrence avec le secteur privé est exacerbée, les métiers de l'armée étant de plus en plus techniques ?
D'accord pour l'accroissement des effectifs, mais de grâce, focalisons-nous sur la fidélisation ! Il faut y mettre le paquet, car sans hommes et sans femmes dans nos armées, tout le reste est illusoire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je vous remercie, madame la présidente, de nous laisser le temps du débat sur ce sujet important. Prenons l'exemple de l'armée de l'air : elle recrute 3 000 personnes par an ; cette année, elle a pourtant perdu 500 soldats, car il y a eu plus de départs que de recrutements.
Cette hémorragie au sein de nos armées est un véritable problème. Elle s'explique par le tassement des grilles indiciaires depuis de trop nombreuses années. Le point d'indice n'étant plus revalorisé, un soldat du rang ou un sous-officier va attendre sept ou huit ans avant de bénéficier de la moindre augmentation. C'est totalement aberrant et cela ne permet pas de récompenser la progression dans les grades et les prises de responsabilité. Il faut revoir cela !
Il faut également revoir les conditions d'hébergement, comme l'ensemble des conditions de vie des militaires.
S'agissant plus précisément de l'amendement, l'armée n'a pas pour objectif de défendre un front à l'est : depuis que nous sommes dotés de l'arme nucléaire, la défense du territoire repose sur la dissuasion ; notre armée a d'autres missions que la défense d'une ligne Maginot qui n'a servi à rien en 1940.
Les femmes et les hommes qui constituent notre armée sont l'essentiel : vous avez raison de souligner qu'au-delà de la technologie, c'est l'humain qui fait la différence. Aussi ce projet de loi de programmation militaire prévoit-il d'affecter 97 milliards d'euros aux ressources humaines. Ces crédits financeront également la formation, car il faut en effet fidéliser le personnel, ce qui implique de bien le former. Par ailleurs, les soldats ont des familles : le plan « famille 2 » est doté de 750 millions. Les débats sur les mesures relatives aux familles seront intéressants.
Le sous-amendement n° 1787 n'est pas adopté.
L'amendement n° 938 n'est pas adopté.
Il vise à mentionner les coopérations industrielles européennes dès le deuxième alinéa du rapport annexé. Les écologistes défendent ce projet de longue date : autant qu'un moyen de garantir l'indépendance de la France, il s'agit d'un projet de civilisation. Il paraissait incongru et utopiste. Victor Hugo l'estimait déjà réalisable : selon lui, on ne pouvait que le freiner ou l'accélérer. Jusqu'ici, nous avons plutôt procrastiné. Le retour de la guerre sur le continent européen a malheureusement rendu concret l'intérêt de cette belle idée. Il serait beaucoup plus pragmatique de tendre à la faire aboutir que d'imaginer une France pleinement autonome, la conduisant à se recroqueviller sur elle-même. Loin d'être incompatible avec son indépendance, ce projet la favoriserait. Les industriels eux-mêmes veulent augmenter fortement la coopération dans le domaine des munitions. Nous avons signé un accord préliminaire sur un plan pour l'achat conjoint de munitions et de missiles, cofinancé par la Facilité européenne pour la paix.
La coopération se pratique donc déjà, de manière plus ou moins coordonnée. Cet amendement vise à dessiner une perspective en fixant un horizon de coopération industrielle renforcée dans les années à venir.
Autant que possible, nous devons travailler avec la base industrielle et technologique de défense européenne. Notre principe fondamental consiste à préserver notre souveraineté en tant que de besoin : dans certains domaines, comme la dissuasion nécessaire, aucun partage n'est possible. Par ailleurs, il peut être très intéressant de partager notre BITD avec des partenaires, même non européens, notamment pour diminuer les coûts ou pour augmenter l'interopérabilité.
Nous avons évidemment besoin de l'Europe. Si un projet est européen, allons-y, mais toujours en préservant notre souveraineté et avec le souci de mettre à disposition de nos soldats ce qu'ils veulent, à un coût raisonnable.
Avis défavorable : la mesure est utile, j'en comprends l'esprit, mais il serait excessif de nous emprisonner en Europe.
L'examen en commission a déjà abouti à la rédaction d'autres amendements sur ce sujet, que nous examinerons par la suite. Nous débattrons d'objets de coopération très concrets.
Si l'on est honnête, la « mutualisation de nos compétences » ne peut constituer un objectif en matière de défense. En effet, nous gardons nos compétences ; nous mutualisons certains programmes, lorsque nous y trouvons un intérêt, militaire – comme l'interopérabilité – ou politique.
Je vais susciter des divergences : selon moi, accomplir des projets avec ses voisins participe du sel de la paix, aspect dont nous devrons reparler, car il a son importance. Toutefois, notre BITD reste souveraine : elle est historiquement imbriquée dans notre modèle d'armée et nous ne mutualisons rien. Nous offrons des compétences dans le cadre de programmes éventuellement mutualisés, mais en toute rigueur, les compétences restent exclusivement françaises. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Nous proposons précisément de mutualiser nos compétences : nous maintenons donc l'amendement.
Le groupe Rassemblement national considère que l'Europe de la défense relève moins de la réalité que d'un discours d'intention franco-français ou, plus exactement, macrono-macroniste. Nos partenaires européens affirment régulièrement qu'ils sont pleinement satisfaits du parapluie américain ; ils écoutent avec réserve – pour ne pas dire avec ironie – les velléités du président Macron en la matière.
Où est l'Europe de la défense quand le seul pays européen à disposer, comme nous, d'une armée digne de ce nom, le Royaume-Uni, n'appartient plus à l'Union européenne ? Où est l'Europe de la défense quand les Allemands, nos partenaires commerciaux prétendument privilégiés, nous vendent des fusils d'assaut HK – Heckler & Koch –, mais achètent des armes américaines ?
Pour paraphraser le discours du cabri de de Gaulle, arrêtons les vœux pieux et les formules vaines, qui n'aboutissent qu'à dissoudre la souveraineté de la France.
Faut-il encore le rappeler, la dissuasion ne se partage pas. Nous sommes opposés à cet amendement hors-sol.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le gaullisme n'est pas à géométrie variable.
Approbations sur les bancs du groupe RE.
Le gaullisme consistait précisément à ne pas abandonner l'Europe et ses voisins au seul parapluie nucléaire américain. Dans C'était de Gaulle, Alain Peyrefitte raconte comment, lorsqu'il était ministre de l'information, le Général lui a expliqué par le menu que peu importaient les options de nos voisins immédiats, notre histoire et l'intérêt général de la France imposaient de toujours proposer une voie européenne. Il n'y avait là ni naïveté, ni volonté de remettre en cause la souveraineté française. Si le Rassemblement national devient gaulliste, il faut qu'il le soit jusqu'au bout !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 1415 n'est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 306 .
Il vise à inscrire à l'alinéa 2 du rapport annexé que la BITD bénéficiera du soutien de l'État, en étant prioritaire pour répondre aux commandes publiques de l'armée et en étant protégée des raids que mènent certains actionnaires étrangers qui ont décidé depuis quelque temps de faire main basse dessus : ces dernières années, 131 entreprises sensibles sont passées dans des mains étrangères, à l'exemple de Segault et d'Exxelia.
Des capitaux ni français ni européens sont entrés dans des entreprises qui participent à la défense de la France.
Nous allons demander à la BITD de consentir des efforts, nécessaires, en accélérant les cadences afin de constituer des stocks. Puisqu'elle vit de la commande publique, c'est la moindre des choses. En contrepartie, nous voulons graver dans le marbre que l'État s'engage à la protéger, aussi bien en résistant à la tentation d'acheter sur étagère des produits non européens qu'en s'opposant aux raids d'actionnaires plus attachés aux bénéfices qu'aux intérêts de la défense.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'important n'est pas d'empêcher les investissements étrangers, mais d'assurer la sécurité de la BITD. Bercy dispose déjà de moyens de contrôler les investissements étrangers. Je pense qu'il s'agit d'un amendement d'appel. En outre, il est satisfait. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer. À défaut, l'avis de la commission sera défavorable.
Le débat est important. D'abord, le rapport annexé ne concerne que les principes. Sur le fond, des dispositifs existent déjà, qui permettent de bloquer certains investissements étrangers.
Vous avez cité Exxelia et Segault : j'annonce ici publiquement qu'en vertu de ce dispositif de contrôle, le ministère des armées opposera son veto à la perte de contrôle opérationnel de Segault. C'est la preuve qu'il fonctionne : ayons l'humilité de considérer que d'autres avant nous ont résolu ces problèmes en droit.
Lors de l'examen en commission, vous avez soulevé d'autres questions relatives à la souveraineté, notamment en matière de données. Des amendements ont été déposés et des précisions pourront être apportées. Le présent amendement n'apporte rien à l'alinéa 2 et il est satisfait. Je vous demande de le retirer, sinon j'émettrai un avis défavorable.
Je veux répondre en deux points ; j'espère que l'hémicycle demeurera calme. Premièrement, il est problématique que le Front national se revendique gaulliste, alors que son doyen, M. José Gonzalez, a refusé de condamner les attentats terroristes de l'OAS – Organisation de l'armée secrète –, en particulier celui du Petit-Clamart, qui visait le général de Gaulle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Anna Pic et M. Nicolas Turquois applaudissent également.
Si vous voulez vous dire gaullistes, dénoncez les attentats terroristes de l'OAS.
Deuxièmement, vous osez évoquer dans un amendement les actes de prédation et d'ingérence étrangères, alors que devant la commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, créée et présidée par le Front national,…
…un ancien Premier ministre, qui n'est ni de mon bord ni mon ami – je lui demande régulièrement de rendre l'argent –, à savoir François Fillon, a qualifié le prêt russe visant à financer les campagnes présidentielles du Front national d'ingérence étrangère.
M. Charles Sitzenstuhl applaudit.
Se plaindre d'ingérences étrangères quand le Kremlin vous a financés, c'est particulièrement gonflé !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et RE.
Vous pouvez essayer la violence morale contre nous, ça ne marchera pas !
Décidément, le harcèlement, c'est votre truc ! Vous êtes un petit homme !
L'amendement n° 306 n'est pas adopté.
Il vise à compléter la première phrase de l'alinéa 2. Pour développer une économie de guerre, la BITD doit faire preuve d'agilité, or cela nécessite des engagements fermes de l'État.
Depuis quelques semaines, le terme « économie de guerre », qui a été beaucoup employé, l'est moins, cependant la situation n'a pas tant changé et la guerre en Ukraine ne s'arrêtera malheureusement pas à brève échéance. Pour que notre base industrielle de défense soit capable de la flexibilité que cela implique, il convient que l'État adopte une démarche volontariste, afin que les industries, y compris les PME, aient davantage de visibilité et qu'elles puissent surmonter les éventuelles difficultés liées aux contraintes économiques.
Il ne s'agit pas de fournir à la BITD un plan de commande ferme et définitif, solution que vous nous proposez à chaque fois, mais qui ne lui rendrait pas service étant donné sa nature. Un chef d'entreprise vit dans le monde économique : il n'attend pas que l'État lui fournisse un plan de charge pour les années à venir. Ce serait d'ailleurs néfaste pour nos concitoyens, puisque cela amènerait la BITD à dépendre d'un acheteur unique et à devoir assurer son avenir sans mise en compétition.
L'économie de guerre implique de conserver de l'agilité ; on attend de la BITD qu'elle soit capable de monter en puissance et de produire plus vite en cas de conflit de haute intensité. En aucun cas cela ne revient à la placer sous perfusion, ce qui serait néfaste pour elle, mais aussi pour nos concitoyens et pour les deniers publics – qui sont précieux. Avis défavorable.
Madame Pic, je ferai deux remarques sur le fond et une sur la forme. Premièrement, on parle toujours de l'économie de guerre, mais les entreprises ont su évoluer : en un peu plus d'un an, elles ont révisé plusieurs processus de production ; il faut le saluer. On ne peut pas leur rendre hommage lorsque des efforts notables sont produits et se dire en même temps insatisfait. J'en veux pour preuve ce qu'a réalisé l'entreprise Nexter : personne ne l'aurait crue capable d'accélérer autant les processus de production des canons Caesar – camions équipés d'un système d'artillerie –, ce qui nous a permis d'aider davantage l'Ukraine. Vous connaissez bien Naval Group, qui, en un an, a réalisé un important travail dans plusieurs segments du secteur naval, grâce à l'investissement de ses équipes. Ne caricaturons pas l'économie de guerre, qui a été coconstruite avec différents industriels.
Deuxièmement, depuis les débats en commission, et peut-être aussi devant la presse tout à l'heure, vous persistez à attaquer ce projet de loi avec des arguments inexacts. Le rapporteur, plusieurs députés et moi-même avons déjà démontré que vous vous en prenez à la cohérence du projet de loi sans être capable d'étayer votre démonstration, qu'il s'agisse de la construction budgétaire, du format des armées ou de la visibilité de la BITD.
Je vais communiquer à la représentation nationale des chiffres précis, qui contredisent certains propos entendus lors de la discussion générale sur les sommes débloquées dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire : le chiffre d'affaires d'Airbus a augmenté de 40 % ; celui d'Arquus également ; celui de Naval Group, basé dans votre circonscription, madame Pic, a augmenté de 15 % ; ceux des différents chantiers navals ont augmenté de 90 % ; celui de Dassault a augmenté de 75 % ; celui de MBDA, de 70 % ; celui de Nexter, de 90 % ; celui de Safran a doublé ; celui de Thales a augmenté de 70 %.
Troisième remarque : vous tenez de tels propos pour des raisons politiciennes, parce que vous ne savez pas comment justifier votre futur vote sur cette LPM vis-à-vis de vos amis de la plateforme électorale NUPES. Mais cessez de vous en prendre à la cohérence du texte avec des arguments inexacts !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le groupe Socialistes et apparentés est celui dont nous avons adopté le plus grand nombre d'amendements en commission ; nous continuerons à procéder ainsi en séance, ce qui démontre notre ouverture d'esprit. Mais répéter inlassablement des contrevérités en commission, devant la presse et en séance ne changera rien à la réalité et à la visibilité que donne ce projet de loi à la BITD française.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La visibilité financière est centrale : il faudrait que la présente LPM soit adossée à une loi de programmation des finances publiques, comme l'a recommandé le président de la Cour des comptes. Or à ma connaissance, chère collègue, vous faites partie de celles et ceux qui n'ont pas voté le projet de loi de programmation des finances publiques. Vous manquez donc de crédibilité, et c'est la première contradiction dans votre positionnement.
Deuxième contradiction : vous plaidez pour une visibilité dans les plans de charge. Nous sommes d'accord pour la fournir, comme le ministre l'a rappelé ; ces engagements figurent d'ailleurs dans le rapport annexé, aux pages 69 et 70 du texte. Mais il faut aussi de la cohérence entre l'ambition et les moyens ; vous pouvez avoir une grande ambition, mais sans moyens, un projet de loi de programmation militaire devient un écueil politique. Vous vous êtes heurtés à cet écueil lorsque vous étiez aux responsabilités ; le rapport du président Migaud sur la gestion de la loi de programmation militaire sous le quinquennat de François Hollande est à cet égard très sévère.
En voici des extraits : « [Cette] absence de cohérence entre ambitions et moyens […] a conduit le ministère des armées à devoir renégocier, de manière coûteuse, […] un certain nombre des contrats de grands programmes d'armement pour en réduire les cibles ou en étaler les livraisons et les paiements. […] Ces renégociations […] ont eu pour résultat une envolée des coûts unitaires des matériels. »
Par vos amendements, vous laissez croire que vous pourriez avoir une vision vertueuse, mais lorsque vous étiez aux responsabilités, vous avez fait exactement l'inverse. Ces amendements ne masqueront jamais les difficultés manifestes que vous avez à gérer ces enjeux au sein de la plateforme NUPES.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous entrons dans des discussions sur l'industrie et j'ai plusieurs observations à faire sur les propos du ministre. Je suis heureux d'apprendre qu'il a opposé un veto à la vente de Segault, mais je regrette que son volontarisme n'ait pas eu plus d'effets sur celle d'Exxelia, même si cette entreprise n'était pas française. Je connais bien ce sujet, que j'avais abordé en commission lors de l'audition du délégué général pour l'armement (DGA). Celui-ci avait alors indiqué qu'un tour de table français devait être constitué. Je constate malheureusement que vous n'y êtes pas parvenu : c'est dommage.
Vous parlez de visibilité ; comme notre collègue Pic, je remarque que nous ne connaissons pas le montant des dédits de commandes figurant dans cette LPM. Combien coûteront les annulations prévues dans ce texte ? Vous me répondrez peut-être qu'elles ne coûteront rien, puisque des renégociations sont en cours, mais il ne me semble pas que renégocier en permanence des contrats, qu'il s'agisse de tranches fermes ou de tranches optionnelles, relève d'une bonne gestion publique.
Nous avons besoin de visibilité, mais il ne s'agit pas pour nous de défendre la profitabilité des entreprises – je vous vois venir. Vous le savez, nous sommes prêts à les nationaliser et nous ne posons pas la question de leur profitabilité dans les mêmes termes que vous. La visibilité est nécessaire pour des raisons de production et d'approvisionnement en matières premières. Une ligne de production doit être lancée deux à trois ans avant le début de la fabrication de la première pièce. Nous devons être sérieux lorsque nous traitons de ces sujets : évitons de nous lancer dans un débat politicien contre ma collègue, qui soulève une question de fond.
Par ailleurs, j'observe que la LPM remet gravement en cause l'idée même de programmation financière : vous défendez des marches budgétaires qui sont d'après vous des planchers et qui pourraient encore augmenter. C'est se cacher derrière son petit doigt ! Par définition, les industriels ont besoin de visibilité et ne lanceront pas de programmes si les chiffres ne sont pas fermes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
On m'invite à ne pas caricaturer : je renvoie le conseil, parce qu'il serait bon que tout le monde en fasse autant. À aucun moment je n'ai parlé de chiffre d'affaires. Dans ma circonscription, je suis en effet bien placée pour savoir que nos industries de défense ne sont pas en difficulté, qu'il s'agisse de CMN Naval ou des petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) qui en dépendent. Le problème n'est pas là et ce n'est absolument pas ce dont j'ai parlé.
J'ai évoqué notre capacité à nous projeter pour former des gens. Je ne critique d'ailleurs en rien ce que font les industriels en la matière, puisque je reconnais qu'ils investissent et essayent de répondre aux commandes de l'État, ce qui est tout à leur honneur, y compris en matière de formation. Tous les députés dont les circonscriptions vivent de l'industrie de la défense ont entendu parler de renégociations ; les programmations sur cinq ou dix ans ne s'inscrivent pas dans le même temps qu'une carrière de professionnel. Il n'y a rien d'extraordinaire à ce que ceux qui investissent dans la formation initiale et dans la formation professionnelle, qui créent de nouvelles chaînes de production, plus agiles et plus flexibles, attendent un minimum de visibilité.
Je ne suis pas favorable à une nationalisation complète, mais le pilier de la commande publique me semble constituer un gage de souveraineté et offre la possibilité de ne pas dépendre de l'extérieur. Cela n'empêche absolument pas les entreprises de répondre à des commandes extérieures. Cet amendement, parfaitement équilibré, visait simplement à montrer que pour répondre favorablement à la demande d'agilité et de flexibilité, un minimum de visibilité est nécessaire aux entreprises concernées.
Afin que nos débats se déroulent au mieux et ne se prolongent pas inutilement, je tiens à dire à M. le ministre que je prendrai la parole à chaque fois qu'il interpellera les groupes de gauche et le groupe Écologiste pour souligner les différences ou les nuances qui peuvent exister entre eux.
De la même manière, je mettrai en avant les nuances de votre camp libéral.
Il ne vous aura pas échappé que nous n'avons pas passé d'accord électoral !
Vous êtes d'accord sur beaucoup de choses, mais il existe aussi des nuances entre le groupe libéral nationaliste, les libéraux et les ultralibéraux, très atlantistes.
Vous êtes tous d'accord pour augmenter fortement le budget des armées, pour vous aligner derrière l'Otan ou vous réfugier derrière des frontières.
Vous êtes d'accord sur le modèle économique que vous voulez pour nos armées. À gauche, il y a certes des différences entre les sociaux-démocrates, les écologistes et nous, qui souhaitons développer un pôle public de l'armement. Mais, voyez-vous, nous sommes tous d'accord sur un point : nous sommes soucieux qu'une commande publique donne de la visibilité aux entreprises. Demain, dans un gouvernement, nous saurons prendre les choses en main et garantir la sécurité de nos concitoyens sur l'ensemble de la planète !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame Pic, vos électeurs de Cherbourg seront contents d'entendre vos propos, surtout ceux qui travaillent pour Naval Group. Je vous invite à vous référer au tableau qui figure dans le rapport annexé, aux pages 69 et 70 du texte : vous y verrez les commandes et la visibilité assurée aux entreprises de la BITD – en particulier Naval Group. Vos propos sont en décalage avec votre territoire ; vous proposez la nationalisation, c'est votre choix,…
Ce n'est pas ce que j'ai dit ! je n'ai jamais proposé la nationalisation !
…mais je ne reconnais pas le parti socialiste que j'ai pu connaître à une époque.
le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 52
Contre 74
L'amendement n° 1331 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 436 .
Avant de le soutenir, je voudrais répondre à Julien Bayou, qui a critiqué l'un de nos collègues : en novembre 2019, c'est bien votre mouvement qui se tenait devant le Bataclan, sous les cris d'« Allah akbar », avec le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), reconnu comme un mouvement terroriste proche des Frères musulmans, n'est-ce pas ? Alors gardez vos leçons de morale !
Les rachats d'entreprises françaises stratégiques autorisés par Bercy dans de nombreux domaines, notamment celui de la défense, ont été au nombre de 130 en 2022 ; ce chiffre est en hausse par rapport à 2021. Nous avons évoqué celui d'Exxelia, parfait exemple d'une entreprise exerçant pourtant dans un secteur clé ; vous avez cité l'entreprise Segault, monsieur le ministre.
Le rapport annexé indique légitimement que notre défense doit s'appuyer sur une base industrielle et technologique de défense souveraine. C'est une évidence que vous avez ignorée pendant de nombreuses années. Marine Le Pen a insisté sur le grand pillage industriel qui résulte, à tout le moins, de la complaisance et de l'inaction du Gouvernement. Par cet amendement, nous proposons de mettre le Gouvernement face à sa responsabilité d'assurer la défense de notre souveraineté industrielle face à cette prédation internationale destructrice.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je comprends l'objet de votre amendement, qui rejoint l'amendement n° 306 de M. Jacobelli. Je vous fais la même réponse que tout à l'heure : des dispositifs existent. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 436 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous vous proposons une nouvelle rédaction de l'alinéa 3 du rapport annexé, qui évoque les évolutions auxquelles nous devrons faire face et nous adapter pour transformer le modèle de nos armées.
Je souhaite appeler votre attention sur le fait que le rapport annexé tire un peu vite les leçons de plus de vingt ans de lutte contre le terrorisme et de conflits asymétriques. En effet, celles-ci ne sont nulle part expliquées – pour ma part, je ne suis pas certain qu'elles aient vraiment été tirées.
Tout à l'heure, le ministre a consenti une ouverture en évoquant les opérations extérieures – Opex : il y a sans doute matière à revenir sur les doctrines sur lesquelles se fondait le lancement des Opex, a t-il dit, mais les moyens et les capacités doivent être maintenus.
En tout état de cause, nous vous proposons d'ajouter la question des ingérences, des nouveaux espaces de confrontation, de la crise écologique et de l'épuisement des ressources, qui est un enjeu majeur du point de vue de la conflictualité et du fonctionnement des armées. Bientôt, nous serons confrontés à des problèmes d'approvisionnement majeurs dans tous les secteurs de la fabrication industrielle. Il faut dès à présent y penser, car dans ce domaine aussi, nous devons engager une transition. Or, comme je le disais hier, le ministère des armées est sans doute le ministère le plus compétent pour élaborer une planification ; il doit le montrer dès maintenant.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne peux vous laisser dire que la revue nationale stratégique – RNS – et la LPM n'ont pas tenu compte de toutes les menaces. C'est faux : les menaces multichamps, multimilieux ou hybrides ont bien été prises en considération.
Par ailleurs, les premières leçons du conflit en Ukraine ont été pleinement tirées dans la loi de programmation militaire. Ainsi, les moyens alloués au système de défense sol-air, aux drones, aux unités de munitions télé-opérées, à l'artillerie lourde et aux blindés augmentent. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
Je trouve vos réponses un peu succinctes. Monsieur le ministre, pourriez-vous me détailler rapidement – ou non, vous êtes libre de votre temps – les leçons tirées de la lutte contre le terrorisme et des conflits asymétriques ? Nous serions édifiés si vous parveniez à nous les exposer. Malheureusement, aucun document officiel ne les a formalisées.
Nous le déplorons. Dès lors, ne l'affirmez pas !
J'anticipe un débat qui viendra en son temps : si nous pouvions déjà disposer d'un retour d'expérience – retex – sur l'Ukraine, cela se saurait. S'il avait été pleinement pris en considération, nous ne poursuivrions pas le programme MGCS – Main Ground Combat System, système principal de combat terrestre. En effet, le risque que fait peser la conduite de ce programme sur le segment lourd est qu'à terme, nous ne sachions bientôt plus construire de chars dans notre pays. Or une des grandes leçons du retex ukrainien est qu'une couverture blindée est nécessaire pour avancer dans des villes. Quoi qu'il arrive, nous aurons des besoins dans ce domaine dans les prochaines décennies. Je crains que les choix que vous vous apprêtez à faire conduisent à négliger cet aspect du retex ukrainien.
Cet amendement permet de révéler ce que contient votre loi de programmation militaire. Je cite la phrase que nous demandons de supprimer en partie et qui contribue à justifier le budget énorme consacré à la défense dans les sept années à venir : « D'importantes évolutions sont cependant nécessaires pour adapter cet outil militaire à l'évolution des menaces prévisibles à l'horizon 2035-2040 […] » La vache ! Avez-vous une boule de cristal pour prévoir à l'horizon de quinze ans ?
M. Jean-Charles Larsonneur s'exclame.
Il faut lire la revue nationale stratégique pour connaître ces menaces auxquelles la France doit se préparer : ce sont la Russie et la Chine.
Je souhaite qu'en 2035, nous ayons réussi à construire des relations pacifiques avec le peuple russe. À cet horizon, le sinistre Poutine aura 88 ans. J'espère bien qu'il ne sera plus là et qu'il aura été battu.
Quant à la Chine, rappelons que les Chinois sont reçus à l'Élysée pour venir investir dans notre pays. Ce pays reste en outre l'atelier de nos constructeurs automobiles, qui continuent de délocaliser là-bas une partie de notre industrie. En réalité, quelles sont les menaces auxquelles nous devons nous préparer à l'horizon de quinze ans, d'ici 2035-2040 ? Je veux bien que l'on se prépare à un monde de plus en plus turbulent, dangereux, fait de tensions. Mais au lieu de nous préparer à ces guerres, préparons donc la paix et faisons le choix de construire des relations pacifiées avec les peuples de ces pays plutôt que de les envisager toujours comme des menaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Bertrand Petit applaudit également.
Il ne faut pas confondre la RNS et la LPM. La RNS dresse un panorama de l'environnement international, alors que la LPM vise principalement à adapter notre défense aux bouleversements stratégiques, tels que le cyber ou la technologie quantique. Je comprends votre propos, mais je veux m'assurer que les personnes qui nous écoutent distinguent bien le projet de loi de la revue nationale stratégique, qui présente une analyse du contexte immédiat.
Bien entendu, personne n'a de boule de cristal, mais ces orientations de la LPM sont nées d'un travail nourri par l'analyse des scientifiques et du renseignement. Rien ne peut être gravé dans le marbre, mais si on ne choisit pas de cap, aucun vent n'est favorable. Tel est l'esprit de la RNS et de la LPM. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Vous prenez un ton scandalisé, monsieur Roussel.
La rédaction est pourtant claire. Ce n'est pas une affaire de boule de cristal. Non, les pays ne sont pas en eux-mêmes des menaces, mais ils peuvent le devenir en fonction de ceux qui les gouvernent.
Toutefois, il faudrait être naïf pour ne pas considérer qu'à l'horizon 2035 ou 2040, il existe une menace dans le domaine du cyber, de l'hybridité, en matière de détournement d'objets civils à des fins militaires « à la lumière du conflit en Ukraine » – la fin de la phrase est claire. Cette phrase n'est pas polémique. Votre amendement appelait cette précision, je viens de la faire à l'oral. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Si à chaque fois que je parle de la NUPES, vous prenez la parole, je me contenterai pour ma part, à chaque fois qu'un amendement propose des mesures évidentes, de répondre par « favorable » ou « défavorable ». Si l'amendement appelle un débat de fond, je suis bien entendu prêt à y participer.
L'amendement n° 162 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 1447 .
Parmi les différents éléments sur lesquels nous avons échangé à l'instant figurent la question de l'adaptation aux nouvelles menaces et les leçons à tirer de la guerre de haute intensité. Cet amendement vise à intégrer un troisième élément, à savoir l'impact du réchauffement climatique.
Si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre, nous suivrons une trajectoire qui nous conduira à vivre avec 4,4 degrés supplémentaires en 2100. Cela signifie que nous connaîtrons des chaleurs et des pluies extrêmes, une augmentation du niveau de la mer, des risques d'incendie beaucoup plus élevés. Cette perspective commande de changer de paradigme en matière d'équipements et de modifier profondément les conditions d'intervention. En effet, il faut prendre en considération ces changements importants qui pourront affecter les ressources, notamment les carburants. Comment peut-on avoir une armée performante s'ils se raréfient ?
La question de la course à la supériorité technologique se pose également. Si elle est nécessaire, elle nous conduit à avoir des équipements toujours plus consommateurs d'énergie, toujours plus complexes, et dont le maintien en condition opérationnelle est plus compliqué. Ainsi, une supériorité technologique n'assure pas nécessairement une supériorité opérationnelle. La question est de déterminer quels équipements pourraient être low tech. La prise en considération des impacts du réchauffement climatique dans notre stratégie de défense est indispensable.
Cet impact est pris en considération dans la revue nationale stratégique. Par ailleurs, nous avons débattu de cette question en commission et complété l'alinéa 10. Ainsi, nous avançons dans ce sens ; vous pouvez vous en réjouir. Nous reviendrons sur cette question lors des débats sur l'alinéa 10. Votre amendement est en quelque sorte satisfait, même si je reconnais que vos propos sont justes. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Cette question est liée au débat précédent. On ne voit malheureusement pas dans quel cas de figure la situation pourrait s'améliorer à l'horizon 2035-2040. Le dérèglement climatique durcira la doctrine d'emploi des forces. Nous avons commencé à évoquer la situation de nos territoires d'outre-mer, qui subiront des modifications majeures, notamment au niveau des réserves halieutiques, ce qui conduira par exemple la marine nationale à modifier son action.
Sur la forme, l'alinéa 10 revient longuement sur cette question – vous y êtes pour quelque chose, car votre amendement visant à la prendre en considération a été adopté en commission. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à y revenir à l'alinéa 10. Depuis que les LPM existent, c'est la première fois qu'un alinéa du rapport annexé est dédié aux effets du réchauffement climatique. Dès lors que cette question affecte tous les domaines, elle devrait d'ailleurs irriguer l'ensemble de la doctrine d'emploi des forces – nous devons prendre le réflexe, nous y reviendrons. Toutefois, votre amendement ne porte pas sur le bon alinéa.
Grâce à notre collègue Julien Bayou, la commission a en effet adopté un amendement créant l'alinéa 10, relatif à la question du réchauffement climatique. Vous l'avez dit, cette question doit irriguer la doctrine d'emploi des forces. Et pour que tel soit le cas, elle doit être soulevée dans l'introduction et replacée dans le contexte, marqué tant par le retour des conflits de haute intensité que par le réchauffement climatique.
Permettez-moi d'être un peu moins pessimiste que vous. Certes, les températures risquent d'augmenter de 4,4 degrés. Mais si c'est un vrai risque, ce n'est pas une fatalité. Pour l'éviter, il faudrait mener dès maintenant des actions très concrètes et très fortes. Nous ferons donc des propositions, dans le cadre de la discussion sur le rapport annexé, afin que nos armées prennent part à la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Je m'éloigne du débat. Malheureusement, la présentation du Gouvernement ne peut que nous conduire à être pessimistes, mais nous continuerons à défendre des propositions pour ne pas atteindre + 4,4 degrés.
M. Sébastien Peytavie applaudit.
L'amendement n° 1447 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l'amendement n° 1418 .
Nos décisions doivent être prises dans la transparence, de manière claire et responsable. Or, sur la stratégie d'action extérieure de la France, il est évident que notre assemblée n'est pas suffisamment consultée. Cet état de fait met en doute la légitimité de notre processus démocratique et soulève des interrogations importantes sur notre présence en Afrique.
Au-delà de la récente tournée catastrophique du président Macron sur ce continent, il est clair que les leçons de nos opérations extérieures passées, en particulier les opérations Serval et Barkhane, n'ont pas été pleinement tirées. Leur échec doit être reconnu et servir de catalyseur à un changement de perspective.
Nos relations avec le continent africain doivent évoluer ; nous devons aspirer à un équilibre, à une coopération, à des bénéfices et à un respect mutuels. L'Afrique n'est pas seulement un théâtre d'opérations militaires, c'est un partenaire essentiel pour la construction d'un avenir commun.
Pourtant, alors que nous envisageons son nouvel avenir, une incertitude plane sur la forme que prendra notre présence militaire. Alors que nous prévoyons de maintenir 2 500 militaires dans la région, le rôle exact et le déploiement de ces forces restent flous. Comment peuvent-elles contribuer à un avenir équilibré si nous n'avons pas une compréhension claire de leur rôle ?
Le groupe Écologiste demande donc des éclaircissements. Nous voulons comprendre comment nos armées seront utilisées dans le futur. Nous voulons garantir qu'elles serviront à la paix, à la stabilité et à la promotion de nos valeurs communes. Ces questions, nous y insistons, ne doivent pas être reléguées au second plan ; elles doivent être débattues ouvertement, de manière transparente, pour que nous puissions assumer pleinement notre rôle de représentants de la nation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
En fait, l'amendement tend à supprimer la phrase du rapport annexé relative aux retours d'expérience concernant les conflits en Ukraine, en Afrique, etc. J'y suis donc défavorable. Je comprends néanmoins qu'il s'agit d'un amendement d'appel, qui devait vous permettre d'évoquer la situation de l'Afrique, laquelle est un véritable enjeu, surtout si on l'examine à la lumière du changement climatique. Nous pourrons cependant en discuter lorsque nous aborderons, ultérieurement, la question des partenariats. Demande de retrait, donc ; sinon, avis défavorable.
Je serai un peu plus sévère que le rapporteur : cet amendement vise à supprimer la référence à la lutte contre le terrorisme menée depuis plus de vingt ans ! Autant je milite pour que l'on intègre l'ensemble des questions liées au réchauffement climatique dans le rapport annexé, autant j'estime que l'on ne peut pas ne pas voir que, actuellement encore, chaque semaine, des pays entiers sont victimes, en Afrique, du fléau qu'est le terrorisme islamiste.
Le fait de le nier dans le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire ne nous aidera pas à combattre ce terrorisme. La rédaction retenue me semble consensuelle. Jamais le gouvernement de la République et, je suppose, une partie de la représentation nationale ne s'en laveront les mains en estimant que ce n'est pas notre affaire.
Deuxièmement, faut-il dresser un bilan des opérations extérieures ? Oui, je l'ai dit devant vos commissions de la défense et des affaires étrangères. Nous sommes, les chefs d'état-major et moi-même, disponibles pour le faire.
Troisièmement, madame la députée, Serval et Barkhane ne sont pas des échecs militaires. Vous pouvez remettre en question la réussite politique de ces opérations, mais je demande – je prends exemple sur les députés Saintoul et Lachaud – que l'on me démontre en quoi elles ont été des échecs militaires sur le terrain. Il faut être précis : nous examinons, à l'Assemblée nationale, un projet de loi de programmation militaire.
Vous pouvez vous interroger sur les suites politiques de ces opérations – je suis disponible pour en parler au nom du Gouvernement, même si je ne suis pas ministre des affaires étrangères. Mais je souhaite que l'on s'accorde une bonne fois pour toutes sur ce point : indiquez-moi quel a été l'échec militaire de Serval et de Barkhane au cours des dix années durant lesquelles l'armée française a été employée sur le théâtre africain !
À mon tour de vous poser une question – des députés du groupe Socialistes sont présents : le président Hollande a-t-il eu tort de répondre à la demande des autorités maliennes en engageant nos forces armées pour venir les épauler dans leur lutte contre le terrorisme ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
On ne peut pas laisser nos collègues du groupe Écologiste dire que les opérations Serval et Barkhane ont été des échecs militaires : la première est une réussite foudroyante et la seconde est une réussite militaire incontestable. Nous pouvons, chère collègue, avoir tous les débats que vous voulez sur la politique africaine de la France et nos relations avec les États de ce continent, mais il est inacceptable de prétendre une chose pareille !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.
Monsieur le ministre, je vous ai effectivement demandé de nous apporter la preuve que ces opérations, en particulier Barkhane, sont des réussites. Nous ne parlons pas, quant à nous, d'échecs militaires, mais une succession de succès tactiques ne fait pas une victoire stratégique. C'est bien le problème que nous avons rencontré lors de l'opération Barkhane.
François Hollande a-t-il eu tort ? C'est la véritable question !
Vous ne pouvez pas le contester. Nous avons, durant plusieurs années, alerté nos concitoyens sur le fait que nous nous engagions dans une impasse, que Barkhane ne pouvait pas déboucher sur un succès stratégique et politique. Nous l'avons dit à maintes reprises.
Nous indiquions notamment qu'il manquait à la stratégie dite des 3D – diplomatie, défense et développement –, que l'État français développait alors, un quatrième « D » : la question démocratique. Au reste, ce pilier démocratique fait toujours défaut à la politique africaine et à la politique de défense françaises. Car si nous nous lavons les mains – pour reprendre l'expression que vous avez utilisée – de la situation démocratique des pays africains dans lesquels nous souhaitons disposer encore de bases demain, nous aurons des problèmes : nous serons détestés par la population africaine, qui nous considérera comme les alliés de despotes.
Je pense en particulier à la question de la présence de la France au Tchad, où nous conservons une base alors que nous ignorons les objectifs réels de cette présence. Il y a quelques années, je le rappelle, nous sommes intervenus au Tchad, en contradiction avec les accords de défense conclus avec ce pays puisque nous avons manifestement défendu les intérêts du dictateur en place contre une colonne rebelle. Ce faisant, loin de respecter les clauses de l'accord de défense, nous nous sommes ingérés dans la politique tchadienne.
C'est ce problème-là que soulèvent les forces de la NUPES, monsieur le ministre. Et vous ne pouvez pas nous renvoyer la responsabilité du raisonnement contrefactuel suivant : que se serait-il passé si nous n'étions pas intervenus ?
Force est de constater qu'aujourd'hui, les terroristes sont plus nombreux, que leur aire d'influence s'est étendue et que le nombre des victimes n'a cessé de croître.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis outré – ce n'est même pas le mot – par les propos que j'ai entendus et qui font écho à ceux qui ont été tenus en commission – peut-être de manière un peu plus claire, du reste, car il y avait moins de monde. Vous y avez en effet dénoncé la politique colonialiste de la France et remis en cause le rôle de nos soldats. Pas un mot pour ceux qui sont tombés afin de protéger des vies ! Pas un mot pour ceux qui sont tombés en luttant contre l'islamisme ! Pas un mot sur le fait que nous sommes au Mali à la demande de ce pays !
En revanche, des mots pour condamner nos militaires,…
Arrêtez votre chantage patriotique : personne n'y croit ! Tout le monde sait que nous sommes aux côtés des soldats français !
…des mots pour condamner le Gouvernement lorsqu'il a pris la décision d'envoyer des militaires au Mali, là, il y en a eu !
Pourquoi voulez-vous supprimer cette phrase alors qu'il s'agit de faire la lumière sur la lutte contre le terrorisme ? Quelles sont vos intentions ? Pourquoi, dès que l'on parle de terrorisme islamiste, vous révoltez-vous, vous cachez-vous ?
Arrêtez d'instrumentaliser la mort des militaires français, c'est indigne ! Démagogue !
L'islamogauchisme est-il à nouveau présent ? Les masques tombent ! Votre comportement n'est pas digne de la République !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Tout d'abord, je le dis très clairement, lorsque nous formulons des critiques sur la politique de défense française, il s'agit de critiques politiques. À aucun moment, elles ne visent à remettre en cause l'action de nos soldats, que nous saluons.
Lorsque nous parlons de colonialisme, nous critiquons la politique de l'État, et nous pouvons et devons le faire : c'est notre rôle. Il est nécessaire de se demander notamment quel est le legs de la politique française en Afrique. Mais nous ne confondons pas l'héroïsme de nos soldats et le débat politique que nous avons en ce moment même. Amalgamer l'un et l'autre, comme cela a été fait, c'est empêcher tout débat politique de ce type dans cette enceinte.
Par ailleurs, je le reconnais, la rédaction de l'amendement est plus que maladroite. À aucun moment, le groupe Écologiste n'a souhaité supprimer la mention du terrorisme dans le rapport annexé. Comme ma collègue l'a dit, notre objectif était de débattre de ce qui s'est passé au Mali. Nous demandons, et nous pouvons le faire, que soient tirées les leçons non seulement de notre intervention militaire dans ce pays mais aussi, plus fortement, de la stratégie, notamment diplomatique, de la France. Nous en avons débattu hier, notre armée ne peut pas agir seule.
En 2012 et 2013, la France était un allié du Mali ; lors du retrait de nos forces, notre ambassadeur était persona non grata. Cela doit nous amener à nous interroger. Si nous ne le faisons pas maintenant, quand le ferons-nous ?
Certes, le débat est quelque peu sensible, mais il doit pouvoir avoir lieu dans cet hémicycle, de manière sereine. C'était notre objectif en déposant cet amendement, et je trouve dommage que le Rassemblement national retombe si vite dans les caricatures à ce sujet. Nous devons pouvoir réfléchir, dans l'optique de la sécurité de nos soldats, à la stratégie de la France dans les États d'Afrique.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 4, relatif aux outrages et provocations.
Rires et exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Absolument !
Il n'est pas possible que l'extrême droite instrumentalise la mort de soldats français, notamment au Mali, pour empêcher la mise en question de choix politiques.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et RN.
Nous rendons hommage, avec toute la représentation nationale, aux soldats qui sont tombés dans l'exercice de leur profession,…
…en obéissant aux ordres que l'autorité politique leur a donnés. Il n'est pas possible de nous empêcher…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons entendu votre intervention sur le fondement l'article 70, alinéa 4.
Merci, madame la présidente Chatelain, pour la précision que vous avez apportée. Revenons, pour nous en tenir au fond, à la rédaction de la dernière phrase de l'alinéa 3 du rapport annexé : « Sont aussi prises en compte les évolutions et leçons tirées de plus de vingt ans de lutte contre le terrorisme et de conflits asymétriques en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe. » La rédaction me paraît satisfaisante – étant entendu, encore une fois, que votre amendement était un amendement d'appel.
Elle me conduit à formuler plusieurs remarques sur le fond car, vous avez raison, il faut que le débat politique ait lieu.
Premièrement, vous le constatez, il est tout de suite question de l'Afrique. Les Balkans n'ont pas été mentionnés une seule fois – pourtant, il y aurait beaucoup à dire sur ce qui s'y passe depuis vingt ou trente ans en matière de sécurité. D'autres enjeux et des conflits plus régionaux existent. On n'a pas prononcé une seule fois le mot « Iran » depuis hier après-midi. Or, on sait très bien que ce pays est impliqué dans les grands défis sécuritaires, notamment la prolifération nucléaire. Il y a des conflits auxquels nous avons participé – celui du Golfe, mais pas tout le temps, on en revient ici à nos alliances – et d'autres auxquels nous n'avons pas participé mais dont nous subissons parfois, hélas ! les effets, directs ou indirects. Bref, la rédaction retenue, si on la dépassionne un peu, me paraît satisfaisante.
Deuxièmement, en ce qui concerne Serval et Barkhane, je remercie le député Saintoul d'avoir rappelé le distinguo, qui me semble important, entre la manœuvre militaire et la manœuvre politique qui l'encadre. J'y tiens beaucoup car, si on oublie ce distinguo, on laisse entendre, alors que beaucoup de gens suivent nos travaux, que les députés de la nation reprocheraient aux forces armées de ne pas avoir fait correctement leur travail.
Je fais toujours le distinguo, monsieur le député : MM. Lachaud et Saintoul peuvent en témoigner en tant que membres de la commission de la défense. Au demeurant, nous avons tous une responsabilité en la matière. Être député, cela compte : parler précisément de nos forces armées, ce n'est pas exclusivement le boulot de l'exécutif, ou alors ce n'est pas la peine d'examiner un projet de loi de programmation militaire.
Troisièmement, j'ai discuté de la question avec le président Hollande depuis que j'occupe mes fonctions – j'étais élu local au moment où la décision a été prise, mais ce n'est pas une raison pour s'en laver les mains et se contenter d'inspecter les travaux finis. Fallait-il répondre à la demande des autorités maliennes, comme il l'a fait en son temps ? À titre personnel, je crois que oui ; nous ne pouvons nous exonérer de cette question. Cela ne signifie pas, monsieur le député Saintoul, que nous ne pouvons pas débattre de la suite – j'y reviendrai.
On ne peut pas agir comme Ponce Pilate, envoyer les forces armées et, une fois l'opération terminée, estimer qu'il aurait fallu faire autrement. Ces dernières ont besoin de sentir que le pouvoir, toutes sensibilités politiques confondues, n'avance pas masqué. Cependant, vous avez le droit de dire que si vous aviez été à la place de François Hollande, vous n'auriez pas répondu favorablement à la demande des autorités démocratiques maliennes de l'époque, qui souhaitaient lutter contre le terrorisme. On revient là au débat politique que vous appelez de vos vœux, mais il me semble ainsi plus clair, plus franc et plus net.
Quatrièmement, au Mali, nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir qu'entretemps, une junte militaire est arrivée au pouvoir de manière non démocratique. Et c'est cette junte qui préfère globalement Wagner à l'armée française ! Dès lors, nous ne pouvons pas avoir ce débat sur la situation dans laquelle nous nous trouvons sans donner l'impression qu'au fond, elle est de notre responsabilité alors même qu'elle est le fruit de la décision de la junte malienne !
M. Aurélien Saintoul s'exclame.
Il faut nommer les choses jusqu'au bout, comme vous l'avez fait il y a quelques jours, avec le député Haddad et quelques autres, à propos du rôle de Wagner et de ce que cette société représente en termes de menaces sur la sécurité.
Concernant la menace terroriste en Afrique, il faut aussi dire les choses, y compris lorsque les pouvoirs de transition sont non démocratiques et qu'ils décident de ne pas lutter contre le terrorisme. C'est ce qu'a fait la junte malienne et nous voyons la situation sécuritaire qui en résulte aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 1418 est retiré.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 307 .
Lorsque nous avons établi le rapport sur le bilan de la précédente loi de programmation militaire, nous avons constaté que la préparation opérationnelle de nos forces ne faisait malheureusement pas partie des objectifs atteints dans les quantités et la qualité espérées. Cet amendement a pour objet de mettre ce point en exergue en ajoutant, après l'alinéa 3, la phrase : « Les entraînements en condition réelle sont un corollaire à la préparation opérationnelle de nos militaires. »
Il y a une tentation lorsqu'on manque de munitions, et parfois de formateurs : utiliser le virtuel, le numérique ou la simulation à la place de l'opérationnel. Bien évidemment, il y a des domaines où il faut utiliser la simulation : on ne va pas détruire des avions et des chars tous les jours, c'est une évidence. En revanche, il y en a d'autres où il faut du combat humain, de la préparation humaine. Cela fait d'ailleurs partie intégrante des motivations de l'engagement de nos jeunes dans nos armées.
Le présent amendement tend donc à inscrire dans le marbre le fait que nous avons tous constaté cette défaillance et l'importance, dans le cadre de cette nouvelle LPM, de la préparation opérationnelle en conditions réelles, et non pas seulement en simulation.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Votre amendement reprend la nécessité de s'entraîner en conditions réelles et parfois en simulation. En réalité, la phase d'entraînement doit user de toutes les possibilités : ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques, on a parfois plus intérêt à s'entraîner en simulation ; dans d'autres cas, il est nécessaire, pour sentir ce que peut être le combat, de s'en approcher au plus près – sans mettre en danger qui que soit ni causer de malheureux accidents.
Quelquefois, certaines choses ne se font pas, mais de là à dire que l'armée française s'entraîne mal…
En effet, ce n'est pas ce que vous avez dit. En tout cas, il ne faudrait pas laisser penser à ceux qui nous écoutent que nos soldats s'entraînent mal. Le commandement, qui est responsable de femmes et d'hommes qui vont au combat, mesure tout cela. Cela étant dit, il est important de faire en sorte que la simulation, comme les conditions réelles, prenne sa juste place. Je comprends votre propos, mais je demanderai le retrait de cet amendement : de mon point de vue, la disposition envisagée n'a pas à apparaître dans une loi de programmation militaire – c'est vraiment une question de commandement et de pratique au quotidien.
Je vous remercie de revenir sur le fond de ce sujet, que vous aviez évoqué en commission. Il ne faut pas que l'ensemble des systèmes de simulation, soit tout ce qui peut permettre de s'entraîner différemment, vienne amoindrir le véritable effort de préparation des forces. C'est un sujet clé, nous y reviendrons tout à l'heure ; ce que nous avons vu concernant l'exercice Orion est d'ailleurs très intéressant à bien des égards.
Permettez-moi de revenir sur les termes de votre amendement : quelle différence faites-vous entre les « entraînements en condition réelle » et la « préparation opérationnelle de nos militaires » ? En fait, il semble que ce soit la même chose – je ne fais pas le distinguo, mais je suis intéressé par vos explications, monsieur Jacobelli. En attendant, je vous renvoie à la section 2.2.5 du rapport annexé – page 75 du texte –, intitulée « Des forces prêtes au combat ». Nous examinerons un certain nombre d'amendements, dont les vôtres, sur les équilibres entre la simulation et les conditions réelles, mais aussi sur les munitions.
Je fais ici le même travail qu'en commission pour remettre un peu d'ordre, sans quoi nous allons en mettre partout, si j'ose dire. Dans le rapport annexé, une section entière est dédiée à la préparation des forces. Je vous propose donc de retirer votre amendement, à moins qu'il ne s'agisse d'un amendement d'appel destiné à aborder ce sujet maintenant. Je serais en tout cas heureux d'entendre vos explications sur la distinction que vous faites sur le fond.
Monsieur le ministre, il ne faut pas non plus se dissimuler les choses. Je croise beaucoup de jeunes militaires déterminés, actifs, volontaires, très motivés ; les uns sont officiers ou sous-officiers, les autres, simples soldats – aviateurs, marins ou membres de l'armée de terre. Ils me disent des choses assez simples, à savoir que les chars restent bien souvent au garage, que les avions ne volent pas et qu'il est rare de se servir des canons. C'est donc une certaine frustration qu'ils ressentent à cet égard.
Que les choses soient claires, je ne fais aucun procès d'intention ! La seule chose raisonnable que j'attends de cette loi, c'est que demain, ceux qui ont vocation à se servir des équipements puissent mieux les utiliser et se les approprier dans des conditions optimales, c'est-à-dire dans des conditions dures, la nuit, qui se rapprochent le plus possible des terrains opérationnels. Il n'est peut-être pas nécessaire de passer par cet amendement ; son auteur en conviendra comme moi. Mais en tout état de cause, je souhaite que tous ces jeunes, déterminés et motivés, soient convaincus que demain, les choses évolueront.
Pour répondre au questionnement de M. le ministre, la préparation de nos soldats peut passer par la simulation : un certain nombre d'exercices, que nous n'allons pas décrire ici, peuvent ne pas être faits en conditions réelles – cela nous semble être une évidence. Mais dans d'autres cas, les membres de nos forces armées ont envie de s'entraîner en conditions réelles ; ils souhaitent notamment piloter ou conduire. Or nous les en privons.
Mon collègue l'a très bien expliqué : le matériel est parfois défaillant, voire manquant. La simulation devient donc un placebo qui remplace des moyens capacitaires vétustes ou absents. Tel est le problème sur lequel porte mon amendement. Chat échaudé craignant l'eau froide, je le maintiens. Si d'autres amendements sont défendus dans le même sens ultérieurement, j'en serai très heureux.
Je vous laisse maintenir votre amendement – c'est votre droit le plus strict. J'évoquerai juste un chiffre, dont on parle trop peu : le maintien en condition opérationnelle (MCO) représente une enveloppe de 35 milliards d'euros dans le cadre de la précédente LPM ; nous allons la porter à 49 milliards d'euros. M. Roussel en parlait tout à l'heure : le débat porte aussi sur le volume des chiffres et cette augmentation de l'enveloppe consacrée au MCO en dit quelque chose.
Je vous remercie, messieurs Jacobelli et Le Fur, de présenter le sujet comme tel, car cela nous ramène aux questions de cohérence et de masse. En la matière, je suis un peu têtu, parce que c'est là un poison qui s'était emparé de nos armées et nous a conduits à garder du matériel dans un hangar. Si j'étais taquin, je dirais que cela correspond davantage au modèle d'armées voisines. En tout cas, il est clair qu'il nous faut du matériel qui fonctionne – c'est vrai pour les opérations comme pour l'entraînement.
Je vous propose donc de maintenir votre amendement – c'est de toute façon votre droit. En revanche, il faudra que nous reparlions de l'entraînement tout à l'heure, car les impératifs en la matière très clairs. Vous l'avez dit vous-même : sur certains segments, la simulation a du sens ; typiquement, pour nos aviateurs, elle s'avère être un utile complément. Cependant, sur d'autres fonctions de combat, la simulation est devenue un placebo et là, c'est le maintien en condition opérationnelle qui nous permettra d'avancer.
L'amendement n° 307 n'est pas adopté.
Une nouvelle loi de programmation militaire a aussi pour objectif notre adaptation à des mutations techniques et technologiques appelées à devenir majeures dans les prochaines années ou décennies. Cela fait plusieurs années que nous évoquons ce sujet et les « nouvelles frontières de l'humanité ». Vous y venez petit à petit et c'est une bonne nouvelle. Mais l'alinéa 4 du rapport annexé, qui aborde ce sujet, manque non seulement d'ambition, mais aussi de précision et de détails. Je peux vous en donner quelques exemples. Parmi ces mutations et ces défis techniques et technologiques, il y a la question de l'après-pétrole pour nos armées. Tout à l'heure, vous avez répondu à la présidente Chatelain que l'impact du changement climatique sur les objectifs de nos armées était précisé dans le texte. En revanche, la question de son impact sur les ressources et les moyens de fonctionner est absente du texte : il s'agit donc de préciser celui-ci.
Ces dernières années, des initiatives ont été prises pour préparer l'après-pétrole et faire en sorte que notre armée puisse être appuyée et soutenue. Je pense aussi au développement de nos besoins en matière de souveraineté numérique et au défi du quantique, que vous évoquez ici à travers le prisme de l'informatique. Or le défi du quantique ne se résume pas à sa dimension informatique : vous savez sans doute que les Américains ont par exemple développé des objectifs en matière de cryptographie post-quantique. Bref, il nous faut préciser tous ces défis. Tel est l'objet de cet amendement.
Enfin, ces mutations techniques suscitent parfois des inquiétudes quant à leur impact sur les droits et les libertés individuelles : leur développement ne saurait justifier qu'elles y portent atteinte. Nous appelons donc aussi votre attention sur ce point.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. François Piquemal, pour soutenir l'amendement n° 856 .
Avant de compléter le propos de mon collègue Bompard, je tiens à vous dire, monsieur Jacobelli, qu'en tant que président du groupe d'amitié France-Mali, je trouve que vos propos ne sont pas à la hauteur.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
…et je pense que cela vaut autre chose qu'une instrumentalisation politicienne de votre part.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour ce qui est de l'amendement, nous le présentons dans l'objectif d'anticiper les technologies du futur – je pense par exemple à la flotte de drones sous-marins dans les fonds marins. Je sais que le ministère des armées a embauché des écrivains de science-fiction pour anticiper des scénarios du futur ; ils forment ce que l'on appelle la Red Team Défense. J'aimerais savoir si nous avons ces scénarios à disposition, si vous les avez étudiés et s'ils font partie des expériences que vous avez envisagées pour élaborer cette LPM.
La rédaction que vous proposez est incomplète, car beaucoup d'autres innovations ne sont pas citées. Elles ne pourraient du reste pas toutes l'être, puisque nous ne les connaissons pas encore. Le présent projet de loi consacre déjà 10 milliards d'euros à l'innovation : c'est cela qu'il faut retenir ! Avis défavorable.
Je vous remercie pour ces amendements. Ils font suite à un débat que nous avons eu en commission avec vos collègues de La France insoumise, qui a montré que nous avions besoin d'être plus précis. Parfois, il y a aussi une volonté de ne pas tout dire – vous le comprendrez sur certaines fonctions.
Pour revenir à votre question sur la Red Team Défense, plusieurs choses relèvent de l'innovation. Depuis les travaux en commission, nous avons réfléchi avec votre groupe à des amendements sur l'innovation qui seront défendus plus loin pour modifier d'autres alinéas du rapport annexé. Je vous propose donc de retirer ces amendements identiques, justement parce que nous examinerons des amendements similaires, dans une autre rédaction, et surtout au bon endroit, c'est-à-dire sur les chapitres relatifs à l'innovation.
Vous avez eu raison de citer le quantique, que je ne vais pas décliner ici – je pense tout de même aux armes à énergie dirigée. Le quantique est sûrement l'un des sujets les plus centraux dans les réflexions que nous devrons avoir dans les temps à venir, notamment en ce qui concerne la nouvelle politique de chiffrement. Un univers complètement nouveau s'ouvre pour ces applications militaires. Ces transformations correspondent à des sauts technologiques qui viennent bouleverser le modèle – ce n'est pas tant le Gouvernement ou le Parlement qui les souhaitent.
Enfin, je veux dire quelques mots du spatial, qui n'est pas une finalité en soi, mais plutôt un espace – c'est le moins qu'on puisse dire – dans lequel les sauts technologiques vont aussi être puissants. Je formule donc une demande de retrait, faute de quoi l'avis sera défavorable, pas tant pour des raisons de fond que pour des raisons de forme et d'emplacement dans le texte. Encore une fois, nous reparlerons de l'innovation plus tard.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir souligné l'intérêt des amendements. Leur mérite est aussi de mettre en exergue la nécessité de planifier. Le projet de LPM prend en considération les domaines que nous avons évoqués, mais il procède parfois à un saupoudrage, ce que l'on peut regretter. Nous avons vraiment besoin, à mon avis, de mutualiser certaines dépenses. Vous aurez de ce point de vue un défi à relever lors de l'exécution de la LPM.
D'autre part, certains sujets sont absents, par exemple la fonderie numérique, qui est mentionnée dans ces amendements. Je l'ai indiqué hier, il aurait été opportun d'élaborer dès cette année, plus encore qu'une LPM, une loi de planification et de protection de la souveraineté.
Nous retirons les amendements. Nous présenterons dans un instant un amendement de repli prévoyant une rédaction plus rigoureuse sur la question du quantique, car il ne suffit pas de parler d'informatique quantique. Je pense que vous pourrez lui donner un avis favorable. D'autres amendements nous permettront de développer notre vision de la question des fonds marins, notamment des câbles.
En tout cas, nous constatons avec satisfaction qu'il y a de votre part une vraie écoute sur ces sujets.
La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l'amendement n° 1103 .
Il porte sur la défense globale. Le projet de LPM tend à programmer des moyens très importants et nécessaires pour nos armées. Rappelons néanmoins que les effectifs restent limités : 300 000 personnes, si l'on additionne les militaires d'active, les réservistes et les personnels civils de la défense. La population active étant de 30 millions de personnes, les ressortissants du ministère des armées en représentent moins de 1 %. Or, vous le savez, la défense est l'affaire de tous. C'est un aspect particulièrement important, notamment du fait du retour des menaces hybrides. Mon amendement appelle dès lors au développement d'une culture de défense chez les 99 % de nos concitoyens qui ne relèvent pas du ministère des armées.
L'amendement n° 1103 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Nous en venons à l'amendement n° 1771 , sur lequel je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. José Gonzalez, pour soutenir l'amendement.
Il vise à permettre à la France d'assurer sa souveraineté dans les profondeurs océaniques.
De tout temps, depuis le royaume des Atlantes de Platon jusqu'à la découverte de nouvelles créatures dans les abysses, les profondeurs océaniques ont fait l'objet de fantasmes. C'est un truisme de le dire, elles demeurent à 95 % inexplorées. Si les fonds marins conservent encore de nombreux mystères, leur importance stratégique et économique n'en est plus un : ils s'imposent comme un des nouveaux lieux de puissance et de compétition stratégique entre États. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d'inscrire les fonds marins dans la liste des domaines où une transformation doit être entreprise pour maintenir la supériorité opérationnelle de nos armées.
L'importance des fonds marins n'est plus à prouver dans les domaines de l'énergie et de l'extraction de ressources minérales, gazières ou fossiles. Nous observons en outre chez nos compétiteurs une volonté grandissante de contrôler les nouvelles routes de communication. Les câbles sous-marins qui transportent la quasi-totalité du flux internet sont au cœur de nombreuses convoitises et exposés à la malveillance.
Possédant la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde, la France ne peut rester sur le rivage : elle doit prendre acte de ses responsabilités en la matière. La protection de nos intérêts et la garantie de la liberté d'action de nos forces nous obligent à saisir toutes les occasions d'apporter un appui à notre autonomie stratégique. Nous devons nous doter d'une stratégie de maîtrise des fonds marins de même portée que celles que nous avons adoptées pour le cyber ou pour l'espace.
La France dispose en outre d'une expertise historique en matière d'opérations et d'interventions sous-marines. Néanmoins, la détermination et l'énergie manifestées par nos homologues dans ce domaine, combinées à l'émergence de nouvelles technologies, nous conduisent à revoir notre approche concernant la place des fonds marins dans notre stratégie.
Inscrire pleinement dans cette LPM notre ambition pour les grands fonds marins permettra de soutenir le développement de l'innovation et l'émergence d'une filière nationale répondant à nos…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous avez abordé de nombreux sujets, dont certains sont essentiels pour notre pays. Il y a effectivement un véritable enjeu en la matière. Les fonds marins sont importants, entre autres, pour notre dissuasion nucléaire et pour de nombreuses infrastructures, notamment les câbles et les pipelines. Le Gouvernement fait le nécessaire, grâce à la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins et au programme Capacité hydrographique et océanographique future (Chof), dans le cadre duquel sont développés les drones sous-marins et l'analyse des colonnes d'eau. Selon moi, votre amendement est peu ou prou satisfait, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Pour la bonne conduite de nos débats, j'indique que nombre de précisions que vous souhaitez introduire par amendement risquent d'être redondantes avec des passages du rapport annexé que nous examinerons ultérieurement. Les avis que le rapporteur et moi pouvons exprimer ne procèdent pas d'un manque d'intérêt ; simplement, nous savons que nous allons revenir sur ces points.
La liste des domaines où une transformation doit être entreprise comprend l'espace, la cybersécurité, les drones, l'informatique quantique et l'intelligence artificielle. Vous souhaitez y ajouter les fonds marins, qui sont traités dans une autre section du rapport annexé. J'ignore si cette précision apporte quelque chose, mais elle ne fait pas de mal. Je m'en remets moi aussi à la sagesse de l'Assemblée.
Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur la question des câbles sous-marins, évoquée par le rapporteur. Ces câbles sont essentiels pour nos communications et, d'une manière générale, pour notre sécurité. De très nombreux câbles sous-marins passent à proximité des côtes de la Bretagne. D'autre part, des entreprises françaises sont à la pointe, voire sont des leaders, sur ces questions. Comment la sécurité de ces câbles est-elle assurée ? N'avons-nous pas, dans un passé récent, négligé certaines menaces à cet égard ?
Nous avons là une nouvelle illustration du fait que le débat en commission a été profitable : le RN a appris des choses sur les fonds marins et a décidé de déposer un amendement sur un sujet qu'il n'avait jamais abordé depuis le début de la législature !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je suis heureux d'avoir été le rapporteur d'une mission d'information qui a, d'une certaine façon, porté ses fruits, puisqu'elle a ensemencé même les esprits arides de l'extrême droite !
Mêmes mouvements.
Je suis heureux que nous ayons l'occasion de débattre de ces sujets. Sur le fond, monsieur Le Fur, je vais être un peu présomptueux…
…en vous suggérant de lire le rapport que Lysiane Métayer et moi avons remis sur la maîtrise des fonds marins.
Une fois n'est pas coutume, je préconise les mesures à prendre !
Il est illusoire de penser que la protection active de milliers de kilomètres de câbles sous-marins est une possibilité. C'est pourquoi je défendrai tout à l'heure un amendement visant à préciser qu'il est pertinent de travailler à la relocalisation des données. Si nous voulons disposer d'un réseau redondant, c'est-à-dire résilient, nous ne pourrons pas compter exclusivement sur les câbles sous-marins. Cela ne signifie pas qu'il faut renoncer à les utiliser. Je défendrai en outre le principe de la nationalisation d'Alcatel Submarine Networks, qui est passée entre les mains de Nokia ; elle devrait rejoindre le giron public. J'espère, monsieur Le Fur, que vous soutiendrez ces amendements.
La parole est à M. le ministre – qui va, j'en suis sûre, ramener le calme dans l'hémicycle, car tout le monde va l'écouter.
Le calme, je ne sais pas, mais l'ordre, c'est effectivement mon métier.
Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Bien sûr, sous votre autorité, madame la présidente.
Les débats que nous avons depuis hier ressemblent un peu à un apéritif qui n'en finit pas. La présente section du rapport annexé est intéressante intellectuellement, mais ne produira que très peu d'effets. Nous entrerons dans le concret, notamment sur ce point, lorsque nous aborderons les sections plus opérationnelles du rapport annexé.
Le rapporteur a mentionné la dissuasion nucléaire ; MM. Le Fur et Saintoul ont évoqué les câbles sous-marins. Il y a aussi la question des oléoducs et l'énorme enjeu de la guerre des mines.
D'où l'importance de certains types de bateaux en surface et, bien évidemment, des drones sous-marins, qui sont un élément clé. La DGA et nos industriels doivent travailler à la fabrication de démonstrateurs capables de descendre à 6 000 mètres de profondeur – ce point figure plus loin dans le rapport annexé.
M. Saintoul a raison, il y a une question de hiérarchisation des zones, les enjeux étant plus importants dans certaines parties de la ZEE ou des eaux territoriales. Il faut à cet égard développer un réflexe outre-mer.
Je réitère mon avis de sagesse.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir remis de l'ordre dans l'hémicycle.
C'est vous qui l'avez fait, madame la présidente.
Je ne respecte pas l'ordre des sujets abordés, mais permettez-moi de faire dès à présent un clin d'œil aux soignants des hôpitaux militaires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 89
Contre 36
L'amendement n° 1771 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il s'agit d'un amendement de repli relatif au quantique. Il ne faut pas se contenter d'évoquer l'informatique quantique ; il est plus pertinent d'évoquer l'ensemble des technologies qui découlent de la théorie et de la physique quantiques. Ces technologies ont trait à l'informatique, qui est effectivement un enjeu à part entière, mais aussi à la cryptographie et à bien d'autres aspects. Je suppose que vous me rejoindrez sur ce point, monsieur le ministre.
Je m'intéresse au fond des amendements. Ma position est donc analogue à celle que j'ai exprimée à propos des fonds marins. Le quantique est traité plus loin dans le rapport annexé, mais si vous estimez que cette précision apporte de la clarté, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Le quantique étant mentionné dans la présente section du rapport annexé, autant employer dès à présent des termes exacts.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 308 .
Il vise en quelque sorte à chasser le marketing qui revient au galop ! L'alinéa 4 est ainsi rédigé : « En cela, cette LPM […] est décisive pour l'avenir de nos armées. Elle permet à la France de tenir son rang […] » Nous saurons dans sept ans si la LPM a été décisive ou non ; l'affirmer dès aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est survendre votre travail ! Bien évidemment, je ne préjuge pas de l'avenir. Comme d'autres, nous avons souvent été gênés : nous n'avons pas pu abonder dans le sens de ce qui était écrit tant la promotion du Gouvernement et du Président de la République y était évidente.
Nous vous proposons une rédaction plus neutre : « En cela, cette LPM permet à la France de tenir son rang… » Il ne serait plus précisé que la LPM est un élément décisif ou historique. Certes, quand on élabore une LPM, on ne va pas dire qu'elle sera nulle, inefficace ou inopérante… C'est un amendement de simplification. Comme vous n'aimez pas le blabla, je suis sûr que vous y serez sensible.
Vous m'excuserez de ne pas être d'accord avec vous, mais nous sommes confrontés à des choix importants, aussi bien sur le plan géostratégique que sur le plan technologique. Si nous n'avions pas fait, dans les années 1950, le choix d'investir massivement dans le nucléaire, nous aurions manqué quelque chose et nous n'occuperions pas le rang que nous avons aujourd'hui. De même, la bascule technologique actuelle est forte.
La loi de programmation militaire n'appartient pas à un parti ; elle appartient à la France et se trace dans le temps. Il me semble que le moment est bel et bien décisif et, si cette évolution se fait, ce sera grâce à nous tous – je le dis avec tout le respect que j'ai pour M. le ministre.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Hélas, au vu des circonstances, la période est décisive et la loi qui la couvre l'est tout autant. Avis défavorable.
L'amendement n° 308 n'est pas adopté.
L'amendement n° 163 de M. Fabien Roussel est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je ne suis pas d'accord avec la rédaction de l'amendement. Néanmoins, je ne suis pas opposé à l'idée d'insérer dans le texte une référence à la rusticité. Nous pourrons sans doute trouver le bon équilibre avec le groupe communiste du Sénat.
Je sais que votre affaire est tenue et que le groupe du Sénat fera cela très bien. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 163 est retiré.
Il vise à créer une synergie entre la défense nationale et les quatre instituts 3IA que le Gouvernement a créés, lesquels concentrent la recherche, les industriels et les universités dans le domaine de l'intelligence artificielle. Ces instituts sont implantés sur le territoire national ; l'un d'eux se trouve dans ma circonscription, sur la technopole de Sophia-Antipolis. Il me semble important pour notre souveraineté future de créer une synergie entre la recherche en intelligence artificielle et nos armées et d'inscrire celle-ci dans la loi de programmation militaire. Nous parlons ici de l'avenir de la défense nationale.
L'intelligence artificielle est au cœur des bouleversements technologiques. C'est ce qui rend la loi de programmation militaire décisive : si nous ne prenons pas en compte l'intelligence artificielle dans toute notre technologie, d'autres le feront à notre place et nous serons déclassés.
Je comprends très bien votre amendement ; néanmoins, celui-ci est satisfait. Il existe déjà de nombreux mécanismes facilitateurs en la matière, comme l'agence de l'innovation de défense, à la DGA. C'est un bel amendement d'appel, que je vous demande de retirer.
Sur le fond, il s'agit d'un sujet clé. Quand on voit les applications existantes en matière civile, l'application en matière militaire peut donner le vertige, ce qui ne sera d'ailleurs pas sans impact éthique ; c'est l'un des points sur lesquels travaillent l'état-major des armées et les comités d'éthique.
Sur la forme, cet amendement, comme tous ceux de la série, n'est pas déposé au bon endroit. Comme le savent les membres de la commission de la défense faisant partie de votre groupe, nous retrouverons l'ensemble de ces sujets plus tard, sur les dynamiques d'innovation. Demande de retrait, uniquement pour la forme. Je vous rassure, le sujet est bien pris en compte.
Je prends acte de vos explications et je retire mon amendement. Toutefois, nous avons la chance d'avoir ces quatre instituts sur le territoire national ; il faut renforcer leur proximité. Il serait dommage de ne pas créer de synergies en matière de défense nationale au profit de notre souveraineté. La question est de savoir qui, des Américains ou des Chinois, maîtrisera l'intelligence artificielle à l'avenir. Je prends acte du fait que le sujet sera traité plus loin dans le texte, mais c'est un élément clé.
L'amendement n° 943 est retiré.
Le contexte géostratégique et géopolitique et, surtout, l'émergence de nouveaux champs de conflictualité tels que le cyber, ou même l'espace, nous obligent à repenser, dans un intervalle de temps réduit, l'importance donnée à l'analyse prospective dans l'élaboration de la stratégie de défense.
La création, en 2015, de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) a été l'occasion de rassembler en une seule entité les fonctions exercées par la délégation aux affaires stratégiques, l'état-major des armées et la direction générale de l'armement afin d'élaborer les grandes orientations stratégiques du ministère de la défense. Toutefois, cette initiative fait appel au strict milieu militaire.
Ne pourrait-on pas imaginer un comité de réflexion permanent qui, sur le modèle de la Red Team Défense, mêlerait acteurs civils et militaires ? Je pense notamment à l'apport que pourraient constituer les philosophes, les écrivains, le monde universitaire, les anthropologues ou encore, sur le plan plus technique, les développeurs de jeux vidéo. Il est particulièrement souhaitable que la société civile intervienne de manière régulière dans la théorisation des prospectives de défense aux côtés des infrastructures militaires référentes, au bénéfice du ministère des armées. Je pense notamment aux débats stratégiques à venir comme l'articulation de la dissuasion avec les nouveaux domaines de lutte et l'impasse doctrinale de ces derniers.
L'espace et le cyberespace, concernés par le recours à l'intelligence artificielle, sont autant de nouvelles zones de conflit qui, juxtaposées aux notions classiques de signalement stratégique, appellent à une plus grande anticipation des potentialités qui pourraient s'imposer à notre système de défense. C'est pour cette raison qu'il me semble pertinent d'envisager la mise en place d'une structure de réflexion. Je demande au Gouvernement de bien vouloir considérer cette idée – en la peaufinant, bien sûr. En deux mots : plus de réflexion pour nos armées, sachant que les technologies évoluent très vite.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet amendement reprend l'esprit de celui de M. Pauget. L'idée est de créer des synergies au niveau de la BITD pour élaborer des prospectives. C'est un véritable sujet. Il est néanmoins satisfait par le comité de pilotage de l'innovation de défense – pour lequel je vous invite à vous rapprocher de la DGA et de l'agence de l'innovation de défense –, par la Red Team Défense, que vous avez citée, ainsi que par l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), lequel est à l'origine de nombreuses synergies entre les acteurs civils, militaires et industriels.
Je comprends votre amendement, mais puisqu'il est satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, avis défavorable.
C'est en effet un point clé. Des espaces classiques de prospective et de réflexion existent déjà dans les armées : le Chem – Centre des hautes études militaires –, l'IHEDN, qui me semble le plus à même de construire ce que vous proposez dans l'amendement, ou encore les think tanks, dont certains sont soutenus par la DGRIS. En tant que membre de la commission de la défense, vous en avez auditionné un certain nombre, y compris dans la phase amont de la construction de la loi de programmation militaire. J'ajoute que la commission de la défense nationale est elle-même l'un des espaces dans lesquels il serait bon de stimuler les éléments de prospective.
Ce qui me frappe, au bout d'un an en tant que ministre des armées, c'est que le plus important n'est pas tant de constituer un comité que de voir comment tout ce monde travaille ensemble. L'élaboration de la loi de programmation militaire, par exemple, a permis d'agréger un certain nombre de services du ministère, dont la DGRIS, autour d'un même projet ; c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que le général Durieux, directeur de l'IHEDN, lance à l'École militaire un projet appelé Academ qui permettra de faire fonctionner tout ce petit monde ensemble, si je peux me permettre de le formuler ainsi.
Vous avez cité la Red Team ; c'est un autre point clé, de même que l'articulation de l'armement conventionnel avec la dissuasion, que vous avez eu raison de citer. Elle évite de voir écrire n'importe quoi, comme peuvent le faire certains collectifs ici ou là, parfois de manière anonyme – on trouve des choses absolument ubuesques sur le sujet.
Je pressens que les scrutins publics à venir obéissent à une autre logique qu'au fond de l'amendement, sur lequel nous pourrons revenir plus tard. Je ne m'en mêle pas. Quoi qu'il en soit, selon moi, l'amendement est satisfait et n'apporte rien de nouveau dans cette partie du rapport annexé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je me tiens à votre disposition pour vous rendre compte sur les questions de suivi.
Je partage la préoccupation de notre collègue Giletti concernant la nécessité d'un travail intellectuel qui permette d'anticiper les évolutions du monde. Chacun se souvient des mots du général de Gaulle, qui avait dit : « Parfois, dans les milieux militaires, on sous-estime l'importance de l'intelligence au point qu'on néglige de s'en servir. » Il faut évidemment se servir des organismes qui existent, et M. le ministre en a cité plusieurs. Je pense également à des organes indépendants qui dépendent de la DGRIS, comme l'Irsem – Institut de recherche stratégique de l'École militaire – ou la FRS – Fondation pour la recherche stratégique –, cette dernière produisant de nombreuses réflexions sur les sujets qui nous intéressent.
Je ne suis pas convaincu du besoin de créer un nouveau comité. En revanche, je partage votre analyse concernant la nécessité d'établir une véritable synthèse des différentes réflexions académiques réunissant des acteurs civils et des industriels sur la défense. L'IHEDN est probablement le lieu idoine pour le faire.
L'amendement visait effectivement à faire travailler ensemble tout ce monde qui, par une habitude un peu française, travaille en silo, afin de créer une synergie. Le Président de la République lui-même a reconnu que nous avions un train de retard sur les drones. Nous avons loupé cette technologie ; il n'est plus question de la rattraper, mais de l'anticiper. Ce genre de structure participerait à la réflexion dont nous manquons cruellement et derrière laquelle plusieurs dizaines, voire centaines de milliards sont en jeu ; elle permettrait aussi de prendre le temps de réfléchir, ce qui a pu nous manquer sur la loi de programmation militaire comme sur la revue nationale stratégique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l'adoption 39
Contre 89
L'amendement n° 563 n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Boccaletti, pour soutenir l'amendement n° 203 .
Comme d'autres ministères, le ministère des armées a recours à l'externalisation. Ce procédé consiste à confier à quelqu'un la réalisation d'une tâche que l'on faisait soi-même par le passé. Ce mécanisme peut être mis en place pour deux raisons : des raisons économiques, dans une logique de rationalisation des coûts, ou des raisons propres à l'activité sous-traitée.
Si certaines externalisations peuvent se justifier, d'autres posent problème. Je pense notamment à l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers-Pierrefeu, dans le département du Var, où il a été décidé d'externaliser le magasin du matériel, ce qui a créé des difficultés d'approvisionnement en pièces détachées pour la maintenance des avions ATL2, avec des conséquences sur l'ensemble de la supply chain et, in fine, des enjeux opérationnels.
Le soutien et le maintien en condition opérationnelle étant au cœur de la loi de programmation militaire, les avantages et les inconvénients de l'externalisation doivent être mieux appréhendés.
Sans remettre en cause son principe, il convient d'analyser les impacts opérationnels de cette pratique, notamment en matière de réactivité, de fiabilité et de sécurité. C'est la raison pour laquelle je vous propose de rendre obligatoire une étude d'impact pour tout projet d'externalisation dans les armées.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur la forme, votre amendement n'est pas à la bonne place. En outre, vous le savez certainement, le Gouvernement va présenter un amendement sur l'externalisation un peu plus loin dans le rapport annexé. Demande de retrait.
Merci beaucoup, monsieur Boccaletti ; nous avons débattu de ce sujet en commission et j'ai senti qu'un consensus émergeait pour cadrer les projets d'externalisation, en évitant toute confusion, d'ailleurs, entre ce qui relève de l'organique et ce qui a trait à l'opérationnel. La restauration, par exemple, ou encore les questions relatives au logement, doivent être distingués du cœur du sujet, c'est-à-dire de tout ce qui renvoie à la souveraineté et à la sécurité. C'est une distinction essentielle. À ce stade, nous nous trouvons encore dans une phase un peu fourre-tout de l'examen du rapport annexé, mais il y aura un moment où nous pourrons introduire un amendement du Gouvernement – nous en avons parlé en commission et je m'étais proposé de trouver une rédaction qui corresponde exactement à ce que nous souhaitons.
Je vous proposerai donc tout à l'heure cet amendement n° 1100 qui viendra compléter l'alinéa 76 – nous n'y sommes pas encore – du rapport annexé par la phrase suivante : « Si elles présentent un intérêt économique et financier avéré – c'est la première condition –, des externalisations pourront être conduites, sous réserve de rester compatibles avec les impératifs opérationnels inhérents à notre souveraineté. » Je pense que cette rédaction recouvre en tout point la discussion que nous avons eue en commission ; j'ai souhaité la défendre moi-même, au nom du Gouvernement, pour marquer notre engagement sur ce sujet.
Cette nouvelle rédaction, à cet endroit du texte, me conduit à vous demander de retirer votre amendement, même si j'ai bien compris que ce n'était pas votre intention ; à défaut, l'avis sera défavorable. Quoi qu'il en soit, vous serez satisfait sur le fond par cet amendement qui me semble mieux rédigé que le vôtre et plus conforme à nos échanges en commission – et pas seulement parce que c'est un amendement du Gouvernement !
Je voulais réagir sur la question de l'externalisation, qui rejoint d'ailleurs ce dont nous venons de discuter, à propos des modalités de la réflexion relative aux prospectives de la défense nationale. Jusqu'à présent, votre ministère n'a fait l'objet d'aucune critique sur ce plan, mais nous voulons être complètement rassurés. Vous le savez, plusieurs administrations ont peut-être fait exagérément appel à des cabinets de conseil, dont certains, en particulier, ont des attaches évidentes au sein de pays étrangers – je pense notamment à McKinsey. Je voudrais donc que vous nous rassuriez, monsieur le ministre : tout ce qui relève du cœur de la souveraineté, de l'indépendance au sens le plus crucial, doit être très clairement interdit à de telles structures, afin que nous gardions les éléments d'intelligence ici, en France, en utilisant les capacités dont nous disposons.
La question des externalisations constitue un véritable problème pour nos armées. Monsieur le ministre, vous nous dites qu'il est des domaines dans lesquels le ministère des armées peut externaliser. Je m'interroge.
« Et nous aussi ! » sur les bancs du groupe RE.
Quels sont les domaines dans lesquels le ministère pourrait externaliser sans remettre en question notre capacité opérationnelle ? Le soutien aux forces armées n'est-il pas un domaine dans lequel nous devrions être totalement souverains ? Y a-t-il des domaines dans lesquels les militaires opéraient et où ils pourraient ne plus opérer, sans que cela remette en question notre souveraineté ?
La sécurité des emprises militaires, et je pense notamment aux portiques de sécurité que l'on trouve à divers endroits de ces sites, peut-elle être externalisée ? N'est-ce pas un problème pour notre sécurité ? Nous devrions être fermes sur la question : toute externalisation en matière militaire, dans le domaine de compétence du ministère des armées, devrait être proscrite. Ainsi, le présent amendement ne va pas assez loin : d'une certaine manière, il valide le principe des externalisations. C'est bien le problème avec l'extrême droite : vous faites semblant de vous opposer, mais vous finissez par avaliser ce que fait le Gouvernement, en l'occurrence le principe des externalisations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je répondrai d'abord au député Le Fur, puis au député Lachaud, mais ma réponse portera sur le fond de l'amendement qui a été défendu par le député Boccaletti. Cela me permettra peut-être d'être moins bavard ensuite, quand nous reviendrons sur cette question à l'occasion d'autres amendements.
Premièrement, il est clair que le ministère des armées est très attentif à toutes les actions d'externalisation, notamment lorsqu'il s'agit d'activités de conseil ; d'ailleurs, ces dernières ont globalement diminué avec le temps – j'y veille personnellement. Je ne peux pas être plus direct.
Deuxièmement, j'ajoute que nous avons de la chance – nous en avons parlé à propos de l'amendement précédent, celui du député Giletti : avec l'IHEDN ou le Chem, nous disposons fort heureusement de capacités cérébrales internes. Il faut le dire : de ce point de vue, le ministère des armées a peut-être été plus préservé que d'autres ministères d'État. Là où certaines capacités ont malheureusement fondu ailleurs, lui a réussi à conserver les siennes, et c'est essentiel.
Troisièmement, j'attends aussi beaucoup de la réserve opérationnelle, qui n'est pas qu'une réserve tactique ou d'emploi sur les théâtres militaires ; c'est aussi, d'un point de vue plus intellectuel, une réserve d'experts – nous aurons l'occasion d'y revenir en examinant plusieurs amendements qui ont été déposés par le député Blanchet, entre autres. Je vous rassure donc à ce propos : c'est un point absolument crucial.
J'ajouterai encore un argument : la dissuasion nucléaire a permis, depuis qu'elle existe, de mieux définir les contours de ces capacités et de les guider, en quelque sorte, dans la bonne direction. Là encore, cela montre qu'elle tire l'ensemble de notre système de défense vers le haut.
Monsieur le député Lachaud, ensuite, vous posez une question précise. D'abord, je dirais que la radicalité, en matière d'externalisation, mérite une rédaction fine. Que faites-vous du MCO ?
Je vous pose la question sans aucune malice ! Voilà un bon exemple : sur nos bases militaires, des entreprises sont présentes !
Nationaliser ne veut pas dire qu'on n'externalise plus ! Quand on fait intervenir une entreprise qui appartient à l'État, c'est quand même une forme d'externalisation. Mais il y a des entreprises qui sont imbriquées dans le cœur de nos armées. C'est là que la distinction doit être faite – elle a été plutôt bien pensée par les anciens : quand on entre dans une logique de théâtre, une logique opérationnelle, ces entreprises ne sont plus là ; en tout cas, elles sont moins présentes. J'évoquais le MCO : puisque vous défendez la souveraineté, j'ai envie de vous dire que le modèle à la française, c'est aussi le fait que nous ayons notre propre BITD qui se trouve branchée au système des armées.
Pour résumer, et je le dis aussi pour vous, monsieur le député Boccaletti, s'agissant des externalisations, si on est trop radical – vous proposez d'effectuer une étude d'impact au cas par cas –, on ne va pas s'en sortir. Si à chaque fois qu'on veut produire un canon Caesar, il faut signer un bout de contrat de MCO…
Je pose la question : comment concilier l'absence d'externalisation avec le MCO ? Je le dis pour tout le monde : le débat est ouvert et c'est un point important, même s'il est vingt heures sept !
Sur cette question, mon deuxième argument renvoie à la doctrine d'emploi des forces. Oui, l'entretien des espaces verts du ministère des armées est essentiellement sous-traité. Faut-il employer des militaires pour tondre la pelouse ? Je ne le crois pas.
M. Jérémie Iordanoff s'exclame.
Il s'agit bien sûr d'une tonte raisonnée – je le précise d'emblée à l'intention des députés écologistes
Sourires sur divers bancs
–, respectueuse de la biodiversité et sans pesticides !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Néanmoins, pour être sérieux trente secondes, j'ajoute que nous devons nous mettre à l'écoute des forces armées. Le service militaire est derrière nous ; nous avons affaire à une armée de métier, une armée professionnelle, et il y a certaines tâches qu'on ne peut plus imposer au sein des régiments, sur les bases. C'est un bon exemple : on ne peut pas parler de fidélisation sans tenir compte de cette réalité.
Mon troisième exemple est très précis ; il a trait à l'entretien des logements. Le plan Ambition logement, dont on a beaucoup parlé à propos du Cegelog – contrat d'externalisation pour la gestion des logements du ministère des armées –, si ma mémoire est bonne, c'est un exemple d'externalisation. Le sujet, ce n'est pas le principe de l'externalisation en tant que tel, à moins que vous n'ayez une approche dogmatique de la question – ce que je ne peux pas croire un seul instant, monsieur le député Lachaud ; c'est plutôt la manière dont elle est conduite et les thématiques auxquelles elle s'applique, ce qui est essentiel. Il faut bien distinguer l'opérationnel de l'organique, si j'ose dire, sur le théâtre national, et bien veiller à ce que ces actions soient contrôlées. Avis défavorable à l'amendement tel qu'il est rédigé : on le voit bien en creusant le sujet, l'enfer est pavé de bonnes intentions. À mon avis, la rédaction que je vous proposerai un peu plus tard répond bien aux craintes légitimes que vous avez formulées en commission.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 41
Contre 82
L'amendement n° 203 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra