Cet amendement d'appel nous permet d'évoquer des points importants. En effet, si nous disposons de quinze jours de débats, je vous propose que nous abordions maintenant celui relatif à la dissuasion. Comme je le disais hier, il y a d'une part l'élection présidentielle et d'autre part le Parlement, et personne ne comprendrait que nous ne débattions pas de la dissuasion au moment de programmer nos dépenses militaires. À mon avis, nous passerions même à côté de l'essentiel.
À cet égard, je remercie le président Gassilloud pour ses propos et je tiens à préciser que lors de son élection à la tête de la commission de la défense, dont vous êtes membre, monsieur Roussel, j'ai immédiatement autorisé les forces armées à ouvrir, dans la mesure du possible et en préservant bien sûr le secret, non seulement leurs infrastructures, mais aussi leurs exercices. Je crois d'ailleurs que le seul fait de prononcer dans cet hémicycle les mots « opération Poker » est quelque chose de suffisamment nouveau pour être souligné. Il s'agit tout de même du grand exercice des forces aériennes stratégiques.
Vos travaux vous ont permis de comprendre le fonctionnement des deux composantes – océanique et aérienne – de la dissuasion et de leurs particularités, ainsi que celui de la Fanu – force aéronavale nucléaire.
La notion de stricte suffisance de la dissuasion est également importante. Elle concerne à la fois des questions de doctrine et de technologie. Les amendements sur le moratoire que vous aviez déjà déposés en commission, si ma mémoire est bonne, ne recevront pas un avis favorable de ma part. Il existe en effet une inertie, je l'ai rappelé lors de la discussion générale. Si vous étiez ministre de la défense, vous ne pourriez remettre en question la dissuasion et il vous faudrait moderniser ses moyens, sans quoi il ne serait plus possible de dissuader. D'autres amendements nous permettront d'en débattre.
La dissuasion est régie par des principaux internationaux, que vous avez évoqués hier, et par des principes français. Toutes les dissuasions – y compris au sein de pays de l'Otan – ne se valent pas. Ainsi, la dissuasion française n'obéit par exemple pas aux mêmes règles, dans le domaine de la souveraineté ou dans celui de la technologie, que la dissuasion britannique. Certains éléments de la doctrine se trouvent dans l'espace public, comme ceux concernant la défense des intérêts vitaux. Je rappelle d'ailleurs, parce qu'on n'en parle plus beaucoup, que les accords de Lancaster House prennent en compte les particularités des conceptions française et britannique des intérêts vitaux.
Nous pouvons débattre de la dissuasion aujourd'hui dans l'hémicycle sur ces questions concrètes. Ne repoussons pas ce débat à plus tard et prenons le temps nécessaire à sa bonne tenue.
Madame la présidente, je vais être un peu long, mais cela me permettra d'être plus rapide ensuite. Les Opex soulèvent deux questions : celle de la capacité pour les mener à bien et celle de la doctrine politique et diplomatique orientant l'engagement des militaires dans ces opérations. Ma réflexion sur les débats que nous avons eus hier me conduit à insister sur la nécessité de bien distinguer ces deux questions. Si vous étiez président de la République, il vous faudrait d'abord vérifier si vous disposez des moyens nécessaires avant de décider de leur emploi dans telle ou telle opération. Auriez-vous pris les mêmes décisions à cet égard que les présidents Sarkozy et Hollande ou que le président Macron ?
J'ai évoqué hier les contrats opérationnels, qui soulèvent des questions liées à la capacité à mener des Opex : réactivité, endurance et souveraineté. Cette dernière question, qui vous est chère, interroge sur la dépendance – concernant les capacités de projection ; la fourniture de pièces détachées, de munitions ou de carburant ; l'entraînement ou les vecteurs – vis-à-vis d'autres pays pour mener ces opérations.
Après l'avoir fait en commission, j'insiste ici sur l'impossibilité de dissocier la question des capacités de celle de la doctrine. Le projet de loi dont nous débattons engage nos capacités pour l'avenir. La question est de savoir – je la pose de manière triviale, pardonnez-moi – si le bouton sur lequel le président de la République en fonction en 2027 pourrait avoir à appuyer fonctionnera. La programmation militaire que nous vous proposons y répond clairement par l'affirmative, que ce soit pour déployer les forces terrestres, aériennes ou maritimes.
Je vous remercie pour cet amendement, qui permet de rouvrir le débat sur le fond et de le faire de manière noble à un bon niveau. Toutefois, sa rédaction me semble en faire un amendement d'appel. Je demande donc son retrait.
Je ne reviens pas sur le développement de la BITD, mais je pense que le débat doit avoir lieu maintenant sur les trois questions soulevées par l'amendement.