France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La parole est à M. Sylvain Maillard, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Cette semaine n'est pas une semaine comme les autres : nous célébrons l'Europe. À cette occasion, le groupe Renaissance a souhaité, avec cette proposition de loi visant à promouvoir l'Erasmus de l'apprentissage, envoyer un symbole fort à la jeunesse. Pour aimer l'Europe, il faut en effet mieux la connaître, en allant au-delà de ses frontières et en découvrant son histoire. Les Européens que nous sommes partagent un héritage commun consacré dans le traité de Lisbonne, qui mentionne les « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe », véritables sources d'inspiration. Nous avons construit notre Europe au fil du temps pour préserver la paix, pour renforcer l'économie, mais également pour protéger les emplois de demain notamment en développant un marché de la formation à l'échelle européenne.
Fruit d'une réflexion de plusieurs mois, réclamé par les acteurs du secteur, empreint de pragmatisme, le texte que je défends affirme notre volonté profonde et puissante de permettre à chaque jeune Français d'avoir une expérience en Europe. Cet engagement est celui à la fois de notre majorité et du Président de la République. Depuis 2017, notre majorité présidentielle a fait de la recherche du plein emploi l'un des objectifs prioritaires de son action.
Nous sommes tous conscients que la formation reste et restera le meilleur bouclier contre le chômage de masse des publics les plus éloignés de l'emploi, en particulier les jeunes. Nous réaffirmons sans cesse cette ambition et nous le faisons une nouvelle fois avec ce texte.
Outre une meilleure employabilité de nos jeunes, une expérience à l'étranger, comme un stage en entreprise ou une formation, a bien d'autres effets bénéfiques pour les apprenants et les étudiants. Selon une étude de l'Observatoire Erasmus +, publiée en décembre 2022, cette expérience hors du commun permet d'améliorer son niveau de langue, de développer ses compétences, son réseau à l'international ainsi que, grâce à l'ouverture à d'autres cultures, ses capacités d'adaptation et d'autonomie.
Sourires.
…mais cela ne nous rajeunirait pas. Plus récemment, le 13 mars dernier, avec ma collègue Fanta Berete, que je salue, nous avons discuté sur le campus d'Orly avec des élèves préparant le bac pro maintenance de véhicules et leurs professeurs. Ces élèves nous ont parlé de leur expérience inoubliable et très formatrice chez leurs homologues italiens. Au fil de l'eau, ils nous ont raconté ce court voyage qui les a transcendés. Leurs yeux brillaient. Ils nous ont fait part de techniques de réparation de véhicules et d'enseignements différents de ceux qui ont cours en France. À l'issue de nos échanges, ils nous ont confié qu'ils étaient impatients de renouveler cette expérience, pour une durée plus longue.
En 2018, la mobilité internationale des apprentis, y compris à l'intérieur des frontières de l'Union européenne, était très peu développée, puisque seulement 25 000 apprentis avaient bénéficié d'une expérience professionnelle hors de France, pour une durée oscillant entre deux et trois semaines, alors que plus de 600 000 étudiants français avaient pu se rendre à l'étranger. Le rapport que Jean Arthuis avait remis à Muriel Pénicaud en 2018, intitulé « Lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe », faisait d'ailleurs état de cet écart important.
Dans un rapport publié en novembre 2017, l'Igas – Inspection générale des affaires sociales – évoquait déjà l'existence de freins multiples au développement de la mobilité, liés pour l'essentiel aux obligations des entreprises françaises, tenues de rémunérer l'apprenti et de payer les cotisations sociales pendant la période de mobilité à l'étranger, aux calendriers pédagogiques des CFA – centres de formation d'apprentis –, aux difficultés de la certification des compétences et à la complexité des procédures administratives de mobilisation des crédits d'Erasmus +. Dans un autre rapport sur le développement de la mobilité européenne des apprentis, remis en décembre 2022, l'Igas formulait vingt et une recommandations visant à augmenter significativement le nombre des apprentis qui partent en mobilité. La présente proposition de loi s'inscrit dans l'esprit de ce rapport.
La loi du 5 septembre 2018 a opportunément donné un véritable cadre juridique à la mobilité internationale des alternants, mais les dispositions en vigueur ne laissent pas aux entreprises – à l'encontre de la volonté de certaines d'entre elles – la possibilité de continuer à rémunérer le jeune lorsque la mobilité dure plus de quatre semaines, ce qui peut le mettre en difficulté s'il ne perçoit aucune rémunération dans le pays d'accueil. L'article 1
L'article 2 facilite la conclusion de conventions pour les alternants effectuant une mobilité internationale dans un organisme de formation en supprimant l'obligation d'une convention individuelle de mobilité lorsqu'un partenariat existe déjà. Sur ma proposition, la commission a adopté un amendement étendant cette simplification aux structures assurant tout ou partie des enseignements dispensés par les CFA, notamment par les CFA « hors les murs ».
L'article 3 prévoit d'organiser une convergence des prises en charge financières par les opérateurs de compétences et de rendre la compensation des coûts liés aux cotisations sociales obligatoire et non plus facultative. J'ai tenu, comme plusieurs d'entre vous, à ce que cette obligation figure explicitement dans la loi. Je présenterai un amendement et un sous-amendement en ce sens afin de traduire la volonté d'assurer une couverture sociale minimale gratuite pour tous.
Dans un contexte où le marché du travail est de plus en plus mondialisé, la mobilité des alternants constitue un véritable levier pour favoriser l'insertion de nos jeunes dans l'emploi. L'année 2022 a permis à notre politique de l'apprentissage de franchir un nouveau cap avec 837 000 nouveaux contrats signés. N'oublions pas ce record historique ! Nous devons continuer à soutenir, à accompagner et à réguler la formation des parties prenantes de l'apprentissage : soutenir, en pérennisant l'aide de 6 000 euros à l'embauche des alternants pour tous jusqu'en 2027, comme cela a été annoncé par le Président de la République…
…accompagner, en développant le nombre d'apprentis pour atteindre un million d'apprentis par an d'ici à la fin du quinquennat ; réguler, grâce à la certification de France Compétences, pour améliorer la qualité des formations et mieux connecter l'offre et la demande.
Ce texte consensuel s'inscrit dans la continuité des politiques conduites en matière de formation et d'apprentissage et leur donne aujourd'hui une dimension européenne et internationale. Chers collègues, vous en conviendrez, chaque jeune devrait avoir une expérience européenne, car devenir un citoyen européen ne se décrète pas : cette relation doit se construire et se nourrir par de multiples rencontres au-delà des frontières de notre beau pays. Les étudiants et les apprentis ont tant à apprendre de leurs homologues européens et réciproquement !
L'Europe, c'est la solidarité, c'est défendre nos valeurs démocratiques et humaines, c'est à la fois libérer et protéger nos entreprises et nos salariés, c'est libérer et protéger nos jeunes en leur permettant de se former dans un autre pays européen. Nous sommes des Européens convaincus. Voilà le message que je souhaitais partager avec vous. Vive l'Europe ! Vive l'Erasmus de l'apprentissage !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.
L'Europe s'est dotée, il y a de cela vingt-trois ans, d'une devise qui m'est chère : Unie dans la diversité. Au-delà du symbole, cette devise nous oblige : États, représentants politiques, mais également citoyens de l'Union. Elle nous rappelle l'histoire d'un continent qui s'est déchiré à de trop nombreuses reprises, mais qui a su, par la force de ses convictions, bâtir une union d'États mue par les principes de respect des souverainetés, de partage et de coopération. Ce projet, il nous revient d'en porter l'héritage, mais, surtout, d'en inventer la destinée par les institutions européennes bien sûr, mais également par des décisions nationales qui permettent de rendre concrètes, pour l'ensemble de nos concitoyens, les avantages et les opportunités qu'offre l'Union.
Chers députés de la majorité, cher Sylvain, la proposition de loi que vous soumettez à l'Assemblée nationale ce matin fait partie de celles qui offrent à nos concitoyens la liberté de s'enrichir de cultures et de compétences diverses. Avec Erasmus, nous avons permis l'émancipation de nos jeunes étudiants à travers l'Union. Avec Erasmus +, nous leur avons ouvert l'accès au monde. Le succès de ce programme emblématique n'est plus à démontrer.
Par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, nous avons œuvré pour que nos apprentis bénéficient de périodes de formation dans un pays étranger, qu'il soit membre de l'Union européenne ou non. La tâche d'organiser et de financer la mobilité de véritables salariés d'une entreprise était loin d'être simple. Nous avons alors pris deux décisions fortes. La première a été l'instauration d'une obligation pour tous les CFA de se doter d'un référent mobilité dont le rôle est d'accompagner les apprentis dans leur projet, d'aider à la constitution des dossiers de visa, de demande de logement et de transport, d'organiser le financement et de faciliter les partenariats entre le CFA et les écoles ou entreprises étrangères. La seconde a été l'aide au financement de ces mobilités en garantissant aux CFA le financement de la fonction de référent, par les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage et par la possibilité laissée aux opérateurs de compétences (Opco)
Des progrès considérables ont été réalisés en la matière, grâce aux efforts de nombreux acteurs engagés, parmi lesquels les CFA et l'association Euro App Mobility, mais nous avons dû redoubler d'effort pour parvenir à l'objectif fixé par le Président de la République : faire en sorte que la moitié d'une classe d'âge puisse avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois à l'étranger.
Ce vœu repose sur un constat simple : la mobilité internationale enrichit les jeunes. Elle les rend plus employables, leur permet de gagner en expérience et d'acquérir des compétences transversales qui sont des richesses importantes pour les employeurs.
Tout cela, vous l'avez bien compris et avez donc souhaité favoriser l'accès à la mobilité des apprentis à travers cette proposition de loi. Je partage pleinement votre ambition d'accélérer et d'amplifier le mouvement lancé en ce sens lors du précédent quinquennat, en agissant sur deux leviers essentiels, la sécurisation des parcours de mobilité et la simplification des procédures. La sécurisation des parcours de mobilité renvoie à un enjeu capital d'égalité entre les apprentis. Quant à la simplification des procédures, elle présente un enjeu évident de facilitation et d'attractivité.
L'article 1er permettra de favoriser les mobilités longues, c'est-à-dire d'une durée supérieure à quatre semaines, et de sécuriser le parcours à l'étranger des apprentis français. Une disposition légale en vigueur, qui oblige à mettre en veille certaines clauses des contrats d'apprentissage – dont la rémunération et la protection sociale – pour les mobilités longues, fait perdre en souplesse, notamment à cause de la lourdeur des procédures qu'elle nécessite. Elle compte parmi les causes du non-recours aux dispositifs de mobilité pour beaucoup d'apprentis. Il fallait corriger cela. Votre texte permettra demain aux employeurs d'apprentis de choisir entre la mise en veille du contrat ou la mise à disposition de l'alternant auprès de la structure accueillante à l'étranger – modalité plus souple et surtout plus sécurisante pour l'apprenti, qui pourra conserver la rémunération et la protection sociale attachées à son contrat d'apprentissage. Les effets de cet article seront, j'en suis convaincue, importants et permettront de multiplier les mobilités longues.
L'article 2 de votre proposition de loi s'inscrit dans le même esprit de simplification et vise à faciliter le recours aux mobilités pour les apprentis, en simplifiant les démarches de partenariats pour les acteurs, notamment les CFA qui, grâce à leurs référents mobilité et à la force de leurs réseaux, démarchent des entreprises et écoles étrangères pour trouver des opportunités de mobilités à leurs apprentis. De nombreuses conventions cadres de coopération en matière de mobilité sont ainsi signées entre écoles, pour des mobilités académiques.
Toutefois, le droit français en vigueur oblige l'école étrangère à signer chacune des conventions individuelles de mobilité des jeunes apprentis français. Outre la difficulté administrative évidente que cela constitue pour les gestionnaires dans chaque pays, c'est un véritable frein à la conclusion de partenariats et in fine aux mobilités, notamment dans le supérieur, alors que, dans certains cursus – je pense notamment aux formations d'ingénieur –, une période de mobilité est nécessaire à l'obtention du diplôme. Vous ne vous en êtes pas satisfaits ; je vous approuve. L'article dispensera ainsi l'organisme de formation étranger de l'obligation de signer les conventions individuelles de mobilité dès lors qu'une convention cadre existe. Cette mesure pragmatique sera, je le sais, saluée par les réseaux de CFA pour la simplification qu'elle permet et le temps qu'elle permettra de dégager pour leurs équipes, afin que celles-ci accompagnent toujours mieux les jeunes.
Enfin, votre proposition de loi relèvera le défi de l'égalité entre les apprentis, en offrant un socle de protection sociale et en ouvrant la possibilité d'une harmonisation de la prise en charge des frais par les opérateurs de compétences. Les parcours seront sécurisés, grâce à différentes aides financières perçues par le CFA ou l'apprenti, lors de la construction de son projet de mobilité.
Pour les familles des apprentis, un point capital est la protection sociale. Actuellement, quand celle attachée au contrat d'apprentissage français est suspendue lors de la mobilité, il revient à l'apprenti lui-même d'en trouver une autre. Si certains opérateurs de compétences peuvent compenser une partie de ces frais, les pratiques sont inégales et ne permettent pas de gommer les inégalités. En effet, s'assurer socialement à l'étranger peut être particulièrement onéreux. Cette proposition de loi offrira une solution efficace, en garantissant à tous les jeunes en mobilité un socle de financement de leur protection sociale. Cette mesure forte, porteuse d'égalité, en rassurant parents et apprentis, permettra de favoriser les départs, en toute sérénité.
Vous l'aurez compris, il s'agit ce matin de voter pour le développement des mobilités des apprentis, avec cette proposition de loi pragmatique et efficace, qui lèvera les derniers freins empêchant certains de nos jeunes d'accéder à l'expérience unique d'une formation à l'étranger. Je salue à nouveau le travail transpartisan et d'intérêt général mené par le groupe Renaissance, qui a su rassembler au-delà des divergences politiques, grâce à la qualité des échanges menés en son sein et à son souci d'égalité, illustrés notamment durant les discussions concernant la mobilité des apprentis en outre-mer.
Ce texte élaboré par le groupe Renaissance entre pleinement dans l'objectif gouvernemental de démocratiser et de valoriser la formation en apprentissage. Il s'inscrit en outre dans l'ambition du Gouvernement de développer les apprentissages transfrontaliers, qui permettent à un apprenti d'effectuer l'intégralité de la partie pratique ou théorique de sa formation dans un pays frontalier de la France ou, pour les outre-mer, dans un pays géographiquement proche.
Je le répète avec force et conviction : en permettant à davantage d'apprentis d'étudier dans un pays de l'Union européenne ou dans le monde, nous leur offrons toutes les clés de la réussite sur le marché du travail français ; nous diffusons également notre savoir-faire, l'excellence de nos formations et un peu de notre culture. La France rayonnera plus fort grâce à ses apprentis.
Chers députés, vous l'avez compris, vous avez ici l'occasion de vous exprimer en faveur du développement des compétences des jeunes, en les ouvrant à de nouvelles manières de faire, de penser et d'apprendre. Outre les questions d'insertion sociale et professionnelle ou d'accomplissement personnel des jeunes concernés, l'enjeu est de renforcer le sentiment d'appartenance à l'Europe et la construction de la nouvelle génération Erasmus. Le texte permettra enfin d'apporter une nouvelle pierre à notre politique de plein emploi et de bon emploi. Je compte donc sur vous toutes et tous, pour voter largement ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous aurions pu parler d'Erasmus lors de la Journée de l'Europe. Cela aurait été un beau symbole tant le programme est un succès de l'Union européenne. Malheureusement nous avons perdu beaucoup de temps sur un autre sujet, dont l'intérêt m'échappe quelque peu : l'obligation de pavoiser le fronton des mairies.
Le programme Erasmus est justement le contraire d'un ordre vertical et jacobin : il participe assurément au sentiment d'appartenance européen, à la construction d'une identité européenne. Il permet de renforcer les liens entre les différents États membres, par la rencontre, les échanges, comme l'ont indiqué M. le rapporteur et Mme la ministre déléguée.
Au niveau individuel, il contribue à développer des compétences nécessaires à l'insertion professionnelle, mais aussi à l'épanouissement personnel et culturel. Malheureusement, son pendant Erasmus +, ouvert aux apprentis depuis 1995, ne rencontre pas le même succès. Rares sont ceux qui y recourent, alors même que le nombre d'apprentis augmente en France. En 2021, seuls 18 000 apprentis ont bénéficié d'une mobilité, d'une durée moyenne d'une quinzaine de jours seulement. Alors que dans l'enseignement supérieur 40 000 étudiants en ont bénéficié, pour une durée moyenne de plusieurs mois.
Soucieux de garantir à tous les étudiants – à l'université comme en apprentissage – les mêmes chances de partir à l'étranger, les membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiennent donc cette proposition de loi, qui permettra de lever les freins à la mobilité internationale des alternants.
Le texte lèvera un premier frein d'ordre juridique. Le droit en vigueur, qui prévoit deux types de mobilité pour les apprentis et les personnes en contrats de professionnalisation, empêche le maintien de la rémunération du jeune pour les mobilités de plus de quatre semaines. Aussi, nous considérons que la piste d'un droit d'option entre mise en veille et mise à disposition est intéressante, notamment pour les grandes entreprises qui disposent d'une filiale à l'étranger et souhaitent y envoyer les alternants en mission. Cela permettra à leur filiale française de continuer à rémunérer leur apprenti, tout en permettant à celui-ci de vivre une expérience à l'étranger. La mesure risque en revanche d'être sans effet sur les entreprises de taille plus modeste, qui seront sans doute peu nombreuses à mettre à disposition des alternants et à leur garantir une rémunération. Si nous sommes favorables à cette proposition, nous sommes donc lucides quant au nombre potentiellement limité d'apprentis concernés.
Le principal frein demeure financier. La priorité est de garantir des revenus suffisants aux apprentis. Il faut démocratiser Erasmus + au-delà de l'enseignement supérieur, en s'assurant que le programme profite à tous, particulièrement aux familles les moins aisées. La proposition de loi ne prévoit malheureusement rien sur ce point pourtant important.
Nous souscrivons à l'objectif de prise en charge par les Opco des coûts de la mobilité et de la protection sociale. L'article 3 mériterait toutefois d'être plus explicite sur ce point, plutôt que de renvoyer à un décret la fixation des règles de prise en charge forfaitaire. Il faut écrire noir sur blanc que les cotisations sociales seront bel et bien prises en charge par le CFA ou l'organisme de formation.
Le montant des bourses doit être revu, car il ne compense pas la perte de rémunération des apprentis. La récente réforme annoncée par le Gouvernement n'apaise absolument pas cette préoccupation ; nous le regrettons. Au-delà des freins financiers, il faut aussi tout mettre en œuvre pour faciliter l'accès à l'information et l'accompagnement. Les référents mobilité doivent être présents dans tous les CFA ; ils sont encore trop peu nombreux et inégalement répartis.
En commission, nous avons abordé la création d'un portail unique de la mobilité en apprentissage : nous souscrivons pleinement à un tel projet. Quels engagements ont été pris à ce stade en la matière ? Enfin, notre groupe appelle à poursuivre la réflexion sur les dispositifs d'échange pour les apprentis ultramarins et leur évaluation, car leur situation géographique et économique tout à fait particulière constitue un frein supplémentaire.
Même s'il reste donc des obstacles à lever pour démocratiser le programme Erasmus +, notre groupe soutiendra la proposition de loi.
Comme l'a souhaité le président Emmanuel Macron et comme le montrent les derniers chiffres de la Dares – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques –, l'apprentissage est devenu la voie royale pour trouver un emploi.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée grâce à la précédente majorité, a grandement boosté l'alternance. Les chiffres démontrent incontestablement les résultats obtenus par le Gouvernement en matière de plein emploi : nous comptions 500 000 apprentis dès 2019 ; nous approchons actuellement du million. Nous avons donné aux Français les moyens de se saisir de cette chance qu'est l'apprentissage pour transformer leur destin et ils l'ont fait ! Notre pays va de l'avant, les jeunes se forment et le chômage se réduit progressivement.
Dans le prolongement de cette réussite indéniable, nous devons transformer l'essai pour encourager les apprentis à vivre une partie de leur cursus au-delà de nos frontières. En effet, les bienfaits d'une mobilité ne sont plus à démontrer. L'apprentissage d'une langue, le développement de soft skills tels que l'adaptation ou l'ouverture à la nouveauté, l'immersion dans une culture différente et l'acquisition de nouvelles techniques professionnelles constituent autant d'atouts qui renforcent l'employabilité de nos jeunes.
Pourtant, le constat est sans appel : les alternants ne représentent que 10 % des apprenants en mobilité et ils sont encore trop peu nombreux à bénéficier d'une réelle expérience d'immersion dans un pays étranger.
Le cadre légal actuel, bien que consolidé peu de temps après son élaboration, ne présente pas la souplesse nécessaire pour faciliter et augmenter les départs. Lever les freins persistants au développement de la mobilité internationale des alternants, telle est l'ambition de la proposition de loi de notre collègue Sylvain Maillard.
Elle prévoit des mesures importantes, attendues par les employeurs, les CFA ou les associations comme Euro App Mobility, dans le fil des préconisations de l'Igas dans son rapport de décembre 2022 sur le développement de la mobilité européenne des apprentis.
L'article 1er propose deux modifications majeures. La première dispose que le contrat pourra être exécuté en partie à l'étranger, pour une durée qui ne pourra excéder la moitié de la durée totale du contrat, mais qu'il n'aura plus à être exécuté en France pendant une période minimale de six mois. La seconde revient sur la mise en veille systématique du contrat en cas de mobilité supérieure à quatre semaines, en créant un droit d'option. Ainsi, quelle que soit la durée du contrat, la mobilité s'accompagnera au choix, soit d'une mise en veille du contrat, soit d'une mise à disposition. Cette dernière solution permettra de sécuriser l'apprenti en ne suspendant plus de façon automatique la responsabilité de l'employeur et donc, en maintenant notamment la rémunération et la protection sociale des apprentis. Ainsi, nous l'espérons, ceux-ci pourront partir plus longtemps. En effet, selon les données de l'agence Erasmus +, entre 2014 et 2020, seuls 933 alternants sont partis plus d'un mois hors de France.
L'article 2 assouplit l'obligation de mettre en place une convention individuelle de mobilité dans le cas où une convention de partenariat préexiste entre les organismes de formation français et étranger. Cette convention individuelle, obligatoire pour les alternants, était jugée trop rigide par les acteurs de terrain, voire contre-productive, puisqu'ils observaient que les universités d'accueil à l'étranger privilégiaient souvent les étudiants, aux dépens des alternants, devant tant de complexité administrative.
Pour faire face à la disparité des prises en charge des coûts de la mobilité, l'article 3 encourage une convergence entre les opérateurs de compétences et encadre, au niveau réglementaire, leur caractère forfaitaire, leur périmètre, le nombre de versements par contrat, leur plafond et leur minoration en cas d'octroi d'une bourse. Cet article prévoit également que les frais engagés par les CFA ou les organismes de formation seront obligatoirement compensés par l'opérateur de compétences. Ainsi, aucun apprenti ne renoncera à partir en mobilité faute de couverture sociale.
Sur ce point, je tiens à saluer le travail de fond que nous avons mené, avec mon équipe, en lien avec les chambres de commerce et d'industrie (CCI) qui nous ont alertés sur cette hétérogénéité des prises en charge, ceci afin de veiller à ce que les frais de la mobilité pèsent moins sur les CFA et sur les apprentis.
Mes chers collègues, le législateur doit, entre autres, faciliter et simplifier la vie des Français. Ici, il s'agit de rendre leur vie professionnelle plus facile et plus mobile à l'international, en particulier pour les plus jeunes apprentis qui évoluent au sein des structures d'enseignement et de formation professionnels et qui ont vocation à entrer rapidement sur le marché du travail.
Il faut donc adopter cette proposition de loi afin de sécuriser leur départ.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La semaine dernière, en commission, nous avons eu l'occasion d'examiner cette proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, en rendant les programmes d'échange plus accessibles, notamment par le biais de la suppression des freins administratifs et l'attribution d'aides financières et logistiques.
De telles mesures sont essentielles, tant pour l'épanouissement personnel et professionnel de la jeunesse de notre pays que pour la santé et la compétitivité du marché du travail. Il est en effet difficile de comprendre la mise à l'écart des étudiants sous contrat d'apprentissage lorsque l'on voit les bénéfices du programme Erasmus pour les étudiants universitaires au cours des dernières années. Il est capital que les alternants de notre pays disposent des mêmes chances que les autres étudiants et puissent partir en échange à travers l'Europe, et le reste du monde. Alors que la concurrence internationale est féroce et que la France est progressivement déclassée sur le plan économique, de tels échanges sont indispensables.
En en bénéficiant pleinement, les alternants français pourront acquérir des compétences linguistiques et professionnelles, mais aussi développer un réseau de contacts internationaux qui leur sera utile tout au long de leur longue vie professionnelle.
La proposition de loi constitue une première étape pour parvenir à ces objectifs, en permettant aux alternants français de vivre une expérience enrichissante à l'étranger, et de découvrir de nouvelles méthodes de travail. Elle permettra également de développer un principe de réciprocité clair dans les échanges, et donnera aux entreprises françaises la possibilité de bénéficier, elles aussi, d'un afflux d'étudiants étrangers, faisant ainsi rayonner le génie et le savoir-faire français.
L'intérêt de ce texte est donc double : pour les étudiants qui pourront se former à l'étranger et ouvrir leur esprit à d'autres cultures ; pour les entreprises de notre pays qui bénéficieront à leur tour de l'apport d'étudiants étrangers désireux d'apprendre et de transmettre, eux aussi, de nouveaux savoir-faire.
Depuis longtemps, le Rassemblement national plaide pour un renforcement de l'action de l'État en faveur des jeunes, en proposant des mesures concrètes, telles que l'octroi de nouvelles aides financières. Nous sommes heureux de constater les améliorations apportées à cette proposition de loi, ainsi plus juste et plus égalitaire, en accord avec notre vision. Il faut que ces nouvelles mesures soient accessibles au plus grand nombre grâce à la mise en place d'aides financières destinées à favoriser le départ des alternants les plus précaires.
Mais les quelques avancées ne vont pas assez loin et présentent plusieurs limites. Il conviendra donc d'améliorer le dispositif dans les années à venir. L'une de ces limites, c'est le choix des destinations proposées aux étudiants. Nous déplorons que la mobilité s'effectue principalement au sein des pays de l'Union européenne, au détriment des autres régions du monde. Les trente-trois pays membres du programme Erasmus + ne sont pas suffisants – nous restons européanocentrés.
Il est indispensable de renforcer la mobilité de nos alternants dans le reste du monde en multipliant, par exemple, les accords d'échanges bilatéraux avec des pays qui se situent en dehors du continent européen. Ainsi, tant pour nos étudiants que pour notre économie, il serait bénéfique d'établir ou de renforcer nos partenariats avec le continent africain. Afin d'élargir les possibilités d'échanges en Afrique, en particulier dans les pays d'Afrique francophone, nous pourrions nous appuyer sur les accords existants avec certains pays d'Afrique de l'Est, qui permettent aux étudiants de Mayotte et de La Réunion de partir en échange. Ainsi, la création d'un Erasmus de la francophonie pourrait renforcer les bénéfices de cette proposition de loi, en offrant de nouvelles possibilités de mobilité à nos étudiants tout en renforçant nos liens avec les pays en question.
Bien qu'incomplète, cette proposition de loi constitue une première étape pour répondre à un véritable besoin des jeunes Français. Elle est globalement en adéquation avec la vision que porte notre présidente de groupe, Marine Le Pen. C'est pourquoi, en cohérence avec ce que nous défendons et avons toujours défendu, nous voterons en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Renforcer l'apprentissage en facilitant la mobilité, tel est l'objet de la présente proposition de loi. Qui s'opposerait à la mobilité des jeunes en Europe ? Les voyages ne forment-ils pas la jeunesse ? Rappelez-vous L'Auberge espagnole ! Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions et je suis toujours méfiant quand le prospectus est trop beau, surtout quand ceux qui vous vendent le produit sont des macronistes – on doit reconnaître que les députés de la start-up nation possèdent un véritable savoir-faire en termes de marketing, sauf peut-être pour les retraites…
Pour comprendre une politique, il faut commencer par en faire la généalogie et regarder l'ensemble de la logique qui la sous-tend. Pour comprendre le rôle que vous attribuez à l'apprentissage, il est d'abord nécessaire d'examiner votre politique concernant l'enseignement professionnel dans sa globalité.
Or les trois derniers quinquennats ont affaibli l'enseignement professionnel public, avec un cocktail dévastateur de mépris pour les qualifications et de soumission aux intérêts du grand patronat,…
…les déclarations récentes du Président n'y changeant rien. Entre 2010 et 2022, les effectifs des lycées professionnels ont baissé de 78 000 élèves tandis que, sur la même période, les voies générale et technologique en gagnaient 200 000.
En outre, les personnels de l'enseignement professionnel se mobilisent car ils sont les laissés-pour-compte d'un service public de l'éducation lui aussi asphyxié. Pourquoi le service public de l'enseignement professionnel est-il démantelé ? Le premier objectif est simple : faire place au privé afin que les plus riches fassent, comme sur notre santé, des profits sur l'enseignement professionnel – c'est par exemple le cas pour l'enseignement professionnel agricole.
Deuxième objectif, fournir une main-d'œuvre corvéable à merci
Mme Maud Petit s'exclame
grâce à l'apprentissage et, troisième objectif, il s'agit de remplacer les qualifications du système scolaire par les compétences requises par l'entreprise avec, au passage, une individualisation de tous les parcours.
Ajoutons quelques éléments de contexte : avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite Pénicaud, chaque branche professionnelle, chaque entreprise a la main sur la formation professionnelle et agricole ; avec la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants – la loi Ore – et Parcoursup, les formations privées du supérieur bénéficient d'un cadre avantageux – je suis bien placé pour le savoir – et prospèrent en profitant de l'apprentissage.
Le tout-apprentissage est la clé de voûte de votre système, du CFA au bac + 5 – d'ailleurs, vous le revendiquez –, financé par le contribuable, avec un déficit abyssal pour France Compétences de 5,9 milliards d'euros en 2022.
Le système est-il favorable aux jeunes ? Non, ils sont en réalité perdants : un contrat d'apprentissage sur trois se solde par une rupture avant terme – vous n'en parlez jamais –, un sur quatre par un abandon définitif sans diplôme.
Attachés à leur poste de travail, ces jeunes sont plus vulnérables que jamais en cas d'évolution de l'outil de production, de délocalisation ou de faillite de leur entreprise, car leur employabilité est locale et sa validité, limitée dans le temps. Les entreprises sont également perdantes : ce système alimente la pénurie de travailleurs qualifiés, alors que nous avons besoin d'eux, et rend plus difficile le recrutement. Rien ne remplace jamais la qualification…
Comprendre le contexte permet de se faire un avis sur ce texte qui ne constitue qu'une étape de plus dans cette politique d'ensemble. Cette étape supplémentaire peut être dangereuse : envoyer des jeunes qui connaissent mal la langue sur des chantiers à l'étranger risque de l'être pour leur sécurité.
Cette étape supplémentaire renforce les inégalités : tous les jeunes ne disposent pas des mêmes moyens pour se rendre à l'étranger. Ceux qui profiteront de cette mobilité, leur permettant d'ajouter une ligne à leur CV, seront avantagés par rapport aux autres. En outre, cette étape supplémentaire constitue une véritable aubaine pour les formations privées du supérieur, notamment dans le commerce.
Enfin, et surtout, cette mobilité doit être souhaitée, et non contrainte. La relation entre apprenti et employeur étant extrêmement inégale, rien n'indique que la mobilité ne sera pas contrainte.
Travaillant dans la recherche, j'ai connu trop de chercheurs obligés d'aller travailler à l'étranger, sacrifiant leur couple, voire leur famille, car la mobilité était un sésame pour un poste. Ne généralisons pas cette injonction dogmatique à la mobilité !
Eh oui ! Mais où sont les garde-fous pour éviter un usage contraint de la mobilité ? Je ne suis pas contre la mobilité, en Europe, aux États-Unis ou en Afrique francophone, nous en reparlerons. Mais le plus urgent, ce sont des moyens pour renforcer l'enseignement des langues étrangères, préalable à toute mobilité. Il faut également octroyer une allocation d'autonomie…
…et de vraies bourses pour accompagner les projets de mobilité. Si nous voulons renforcer l'enseignement professionnel, redonnons des moyens au CFA, aux lycées professionnels…
…et aux formations professionnalisantes du supérieur, comme les brevets de technicien supérieur (BTS) et les bachelors universitaires de technologie (BUT) qui, malheureusement, sont sous-dotés. Vous l'avez compris, pour l'instant, le groupe LFI – NUPES votera contre cette proposition de loi.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Quel dommage, madame la ministre déléguée, que vous ayez annulé votre visite demain à Marseille. Nous aurions pu en débattre, et vous auriez pu en discuter avec tous les personnels et les organisations syndicales…
Je salue cette initiative parlementaire qui vise à faciliter la mobilité internationale des alternants et des apprentis. C'est l'occasion de faire le point sur l'apprentissage et sur le soutien que nous devons lui apporter, ainsi qu'à toutes les formations en alternance.
La reconnaissance de l'apprentissage progresse depuis plusieurs années dans notre pays. Une autre culture est en train de l'emporter : celle du choix de l'apprentissage pour monter en compétence, pour apprendre un métier, pour acquérir des savoirs.
Depuis plusieurs années, les choses vont mieux, s'organisent et nous allons dans la bonne direction. C'est un choix politique opposé de celui de la fin des années 1980 quand, au nom d'un dogme égalitariste, et d'un postulat stupide, notre pays fait le choix d'amener toute une génération au baccalauréat, et de la confiner au sein de l'éducation nationale, plutôt que de favoriser l'apprentissage pour soutenir la montée en compétence.
Nous sommes nombreux à considérer que l'apprentissage est une voie de réussite, le chemin vers l'insertion professionnelle. Je suis donc favorable à la promotion, pour les apprentis aussi, de la mobilité internationale, qui reste pour eux une exception. Erasmus ne doit pas être le privilège des universités ; il ne doit pas être réservé à l'enseignement supérieur. La situation montre que les départs sont insuffisants car trop compliqués, ce que les rapports confirment.
Le groupe Les Républicains est d'accord pour simplifier l'accès au dispositif, pour sécuriser la mobilité en matière de rémunération, de protection sociale, de conditions d'accueil, pour ouvrir les possibilités de mobilité à tous les alternants.
La proposition de loi vise à répondre au constat que les apprentis sont peu nombreux à se rendre à l'étranger, notamment en Europe, et que leurs séjours sont plus courts que ceux de leurs homologues européens. Les raisons en sont connues : elles sont juridiques – le contrat d'apprentissage rend les mobilités difficiles ; relatives au manque d'autonomie de certains apprentis, en particulier ceux des niveaux 3 et 4 ; elles sont aussi linguistiques, puisqu'un niveau insuffisant peut faire obstacle au fait d'aller travailler et se former à l'étranger. En outre, certaines entreprises ne sont pas assez convaincues des effets bénéfiques de la mobilité, pour les apprentis et pour elles-mêmes. Enfin, les financements sont peut-être insuffisants ; le système de bourses, propre à chaque Opco, n'est pas assez lisible et fluide. Tout cela est trop compliqué.
Le texte tend à simplifier et à uniformiser ; il va dans la bonne direction. Nous sommes favorables à une promotion plus puissante et plus efficace de la mobilité des apprentis ; en ce sens, la proposition de loi est utile. Il s'agit d'une expérience bénéfique à la fois pour les apprentis, qui trouveront ailleurs une formation différente et enrichiront ainsi leur bagage, et pour les entreprises, qui recueilleront les fruits de l'expérience acquise. Les économies nationales aussi trouveront avantage à mieux se connaître et mieux se comprendre. Chacun y gagnera.
Le groupe Les Républicains soutient l'ouverture internationale pour favoriser la réussite des apprentissages et devrait donc voter le texte. Toutefois, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué un texte consensuel. Certes, il l'est par son esprit, même si nous avons compris qu'un des groupes ne le voterait pas, mais je veux dénoncer clairement, pour l'avenir, l'approche unilatérale, verticale – conforme à l'enseignement de votre maître –, peu propice à la coconstruction, que vous avez adoptée en commission. En effet, vous avez repoussé des amendements : il s'agit d'une façon de faire désuète et inopportune si nous voulons trouver des solutions pour faire avancer le pays. Votre attitude ne s'accorde pas aux concessions qu'une majorité relative doit accepter, tout particulièrement dans une période difficile pour le pays, lorsque les gens responsables et de bonne volonté cherchent des solutions à même de le sortir de la crise. Vous avez conservé l'approche qui prévalait lors du précédent quinquennat ; j'aspire à la voir évoluer pour l'examen des textes consensuels à venir.
S'agissant des conventions de mobilité Erasmus qui seront délivrées aux établissements, je souhaite que tous les établissements soient éligibles à la charte Erasmus, que personne ne soit exclu de la mobilité internationale. Or j'ai cru comprendre que certaines décisions n'allaient pas dans cette direction. Quelles sont vos intentions en la matière, madame la ministre déléguée ?
Malgré ces réserves, et en fonction du sort des amendements déposés, le groupe Les Républicains devrait voter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il y a fort longtemps, Montaigne écrivait que les voyages forment la jeunesse.
Le célèbre moine humaniste Érasme avait fait sien cet adage, voyageant à travers l'Europe pendant de longues années pour s'enrichir de ses différentes cultures. Le texte de Sylvain Maillard que nous examinons tend à l'appliquer concrètement aux alternants, en instaurant un Erasmus de l'apprentissage. Il vient ainsi à compléter les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La mobilité constitue une chance ; expérience enrichissante et gage d'autonomie, elle valorise le parcours personnel. Elle favorise l'acquisition de compétences nouvelles et utiles, atout non négligeable pour l'insertion professionnelle dans une société mondialisée. Comme leurs camarades étudiants, les alternants doivent pouvoir en bénéficier. C'est le cas de 7 000 à 10 000 d'entre eux ; 80 % de ces jeunes sont issus de l'enseignement secondaire et 45 % viennent d'un milieu social populaire. Nous devons encourager ce facteur d'inclusion et de justice sociale. Pour y parvenir, il faut lever certains freins administratifs et juridiques.
Les objectifs juridiques sont ambitieux. Il s'agit de simplifier le dispositif de mobilité internationale des apprentis et de garantir aux alternants des conditions d'accueil optimales, notamment en matière de protection sociale et de rémunération.
Voici les principales dispositions adoptées à l'issue de l'examen du texte en commission. L'article 1er permet de choisir le cadre de la mobilité, entre la mise en veille du contrat pendant la durée du séjour et une mise à disposition. Cette mesure facilitera les séjours à l'étranger, par exemple au sein de filiales de grandes entreprises. L'article 2 simplifie les signatures de conventions en prévoyant des délégations élargies. La formation théorique pourra ainsi se dérouler pour partie dans un autre pays. L'article 3 assure le droit à une couverture minimale gratuite pour les apprentis, quel que soit le pays. L'article 3 bis, ajouté en commission, prévoit l'établissement d'un rapport qui dresse un état des lieux des bourses et aides financières destinées aux apprentis qui souhaitent partir à l'étranger, et examine les perspectives en matière d'harmonisation.
En cherchant à simplifier et à améliorer les dispositifs de séjour à l'étranger pour les apprentis, votre texte, cher Sylvain Maillard, contribue à atteindre l'objectif du Gouvernement de permettre à la moitié d'une classe d'âge d'avoir passé, avant d'atteindre 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen. C'est une belle perspective.
Particulièrement attaché à l'émancipation et à l'épanouissement des jeunes, ainsi qu'aux échanges avec les pays étrangers, notamment en Europe, le groupe Démocrate soutient cette belle initiative du groupe Renaissance. L'unité dans la diversité est une force et le restera.
À l'issue de l'examen en commission, le texte a été adopté sans modification significative. Notre groupe n'a pas souhaité déposer d'amendement pour l'examen en séance, considérant que la rédaction était satisfaisante. Il salue une avancée pour la place des jeunes Français, de l'Hexagone et d'outre-mer, dans le territoire européen. Il votera donc la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Au lendemain de la célébration de la construction européenne, le 9 mai, nous nous réjouissons de discuter de l'un des projets européens les plus positifs : Erasmus. Ce programme est l'antithèse de l'organisation de l'Union européenne selon la logique de marché. Depuis 1987 et l'arrivée d'un socialiste, Jacques Delors, à la tête de la Commission européenne, cet outil d'émancipation profite à des millions de citoyens européens. Erasmus est aussi un formidable rempart contre l'idéologie de repli que prône l'extrême droite – le groupe Rassemblement national n'a proposé d'échanges qu'avec des pays francophones.
À ces apôtres du repli sur soi, nous opposons les mots de Léon Blum en 1948 : « Il y aurait une incroyable régression à considérer aujourd'hui un peuple quelconque comme une sorte d'unité close, dont la vie échappe à la connaissance et au jugement des autres peuples. Cette autarcie politique et intellectuelle serait aussi absurde et elle me paraît encore plus scandaleuse que l'autarcie économique. » Voir l'Europe, c'est sortir de l'autarcie intellectuelle et politique.
Au vu des chiffres cités lors de l'examen en commission, la question se pose néanmoins de l'accessibilité de cet outil d'émancipation pour toutes et tous, dans la durée. Depuis six ans, chaque année, 155 alternants en moyenne partent plus d'un mois en Erasmus, soit 933 en tout. Votre rapport le montre, monsieur le rapporteur : sur les 100 000 mobilités financées par l'agence française, on compte un peu plus de 7 000 alternants. L'inégalité est donc criante, ou les inégalités : outre celle qui concerne les alternants, il est évident que les coûts financiers d'un séjour de plusieurs mois à l'étranger sont plus difficiles à assumer pour les bénéficiaires issus des classes populaires.
Pourtant, nous connaissons tous les avantages du programme. Bien sûr des bourses et des financements existent, mais le titre de cette proposition de loi, « visant à faciliter la mobilité internationale des alternants », ne serait-il pas plus ambitieux que son contenu ? Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra les mesures proposées, mais nous regrettons que la question des moyens ne soit pas abordée, non plus que celle de l'expansion d'un projet dont trop peu d'alternants bénéficient, sans que les contraintes administratives soient seules en cause. Je profite donc de la présence au banc de la ministre déléguée pour suggérer que le Gouvernement s'engage envers les jeunes et moins jeunes qui ne sont pas issus de l'enseignement supérieur et qui souhaiteraient participer à l'aventure, mais qui rencontrent des difficultés économiques ou tout simplement qui pensent que le programme Erasmus est réservé à l'université. Il faut les accompagner économiquement et mieux communiquer. Madame la ministre déléguée, il faudrait donc plus d'ambition que vous n'en montrez avec ce simple texte, et plus de moyens. Pourquoi pas un Erasmus universel pour tous les Européens ?
Enfin, parce que cette proposition de loi nous offre l'occasion d'évoquer la situation des alternants et des apprentis, je dénonce avec force la réforme du lycée professionnel, engagée par Emmanuel Macron. Parce qu'elle nourrit la confusion entre apprentissage et enseignement, qu'elle allonge et rémunère les périodes en entreprise de lycéens, cette réforme est révélatrice de la vision du Président et de ses ministres successifs : loin de favoriser l'émancipation des lycéens, ils souhaitent les asservir aux logiques de marché, et ce aux frais de l'État et au détriment de leur orientation. Avec la réforme, les élèves de terminale devront choisir entre un stage prolongé en entreprise, en vue d'une insertion professionnelle immédiate après le bac, et un module de quatre semaines pour préparer une entrée en classe de préparation au BTS. Cette mesure institutionnalise le tri social comme une fatalité.
En supprimant quatre-vingts filières, vous fermez des portes menant à des métiers, des compétences. Que dire également de vos précédentes réformes du lycée professionnel qui ont diminué le nombre d'heures d'atelier et donc la qualité de la formation professionnelle, ainsi que celui des heures consacrées aux humanités, aux langues et aux sciences humaines, dont les connaissances sont pourtant le socle indispensable à la formation de tout citoyen européen ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Erasmus ne concourt pas à former des travailleurs corvéables et multitâches ; c'est un outil d'émancipation. Vous l'aurez compris, le vote du groupe Socialistes sur ce texte n'est pas un blanc-seing à votre politique à l'égard de la jeunesse et de la formation, bien au contraire. Nous soutenons les quelques mesures de votre proposition de loi qui favorisent l'Erasmus de l'apprentissage, mais nous défendrons, avec force, la justice sociale et la voie professionnelle, que vous détruisez méthodiquement, comme vous menacez, petit à petit, notre édifice social.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Depuis sa création en 1987, plus de 3,5 millions de jeunes ont bénéficié du programme Erasmus et ont ainsi enrichi leurs compétences linguistiques, découvert de nouvelles pratiques professionnelles et culturelles, et développé leur réseau international. Avec ces milliers de retours d'expérience très positifs, le programme a fait la preuve de son intérêt ; les jeunes comme les entreprises le plébiscitent.
Néanmoins, les apprentis ne représentent que 5 % des effectifs concernés ; ils participent généralement à des échanges beaucoup plus courts, aux moindres bénéfices. Freinée par des obstacles juridiques et financiers, la mobilité des apprentis s'est développée au ralenti, ce qui crée une forte inégalité d'accès au dispositif.
Par ailleurs, cette majorité a toujours œuvré pour renforcer l'apprentissage dans notre pays et en faire une voie d'excellence. D'abord, la réforme du gouvernement d'Édouard Philippe,…
…avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, a rendu ses lettres de noblesse à l'apprentissage. Ensuite, le plan « 1 jeune, 1 solution », entré en vigueur pendant la pandémie de covid-19, a instauré une aide exceptionnelle et ainsi facilité le recrutement de milliers d'alternants, pour tous les contrats conclus entre juillet 2020 et décembre 2022. Cette mesure a été prolongée pour tous les contrats d'apprentissage ou de professionnalisation conclus au cours de l'année 2023.
Enfin, la réforme des bourses, annoncée en mars dernier par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Sylvie Retailleau, permettra de revaloriser les bourses étudiantes et d'ouvrir de nouveaux droits à plus de 35 000 étudiants boursiers supplémentaires, pour un budget total de 500 millions d'euros. Ces nombreuses mesures ont contribué au succès de cette formation qui, depuis 2018, a séduit plus de 2,5 millions de jeunes.
Nous pouvons nous réjouir du développement de l'apprentissage, véritable pont entre enseignement général et enseignement professionnel. En découvrant le monde du travail, les apprentis acquièrent directement de nouvelles compétences. À la fin de leurs études, leurs formations expérimentées, qui sont un atout indéniable pour les entreprises, leur permettent une insertion de qualité dans la vie active.
Pour toutes ces raisons et conformément aux déclarations de la Première ministre Élisabeth Borne, notre objectif consiste à renforcer la dynamique enclenchée depuis 2017 et à former un million d'apprentis par an d'ici à 2027. Pour y parvenir, nous devons améliorer l'attractivité des formations en développant notamment la mobilité à l'étranger des apprentis. Si le cadre de l'apprentissage en France a été considérablement assoupli et adapté, ce qui a permis de multiplier par deux le nombre d'alternants, les dispositions permettant de réaliser une partie de son apprentissage à l'étranger demeurent trop strictes et limitent les possibilités d'internationalisation des cursus.
La proposition de loi de notre collègue Sylvain Maillard vise à simplifier les conditions d'accès au dispositif, afin de confirmer le succès de l'apprentissage dans notre pays – nous l'espérons. Son article 1er autorise l'employeur à mettre à disposition un apprenti pour une mobilité de plus de quatre semaines, tout en maintenant sa rémunération. L'article 2 clarifie le cadre juridique des conventions individuelles de mobilité. L'article 3 organise une convergence des niveaux de financement de la mobilité par les Opco et la garantie d'une couverture sociale minimale gratuite pour tous.
Enfin, un article additionnel, inséré par amendement en commission des affaires sociales, demande un rapport sur les financements et les bourses alloués à la mobilité internationale des apprentis. Madame la ministre déléguée, je vous invite à y voir un amendement d'appel visant à faire évoluer les modalités d'accompagnement financier des projets de mobilité internationale des apprentis. Nous connaissons votre attachement au renforcement des bourses allouées aux étudiants ; le Gouvernement l'a récemment démontré en leur octroyant une enveloppe supplémentaire de 500 millions. Nous ne doutons pas de votre volonté de prendre cet enjeu en considération.
Grâce à ces quatre articles, ce texte permettra de lever les freins juridiques qui empêchent certains jeunes d'améliorer leurs compétences linguistiques et d'enrichir leurs pratiques professionnelles en réalisant une partie de leur apprentissage dans un pays étranger.
Le groupe Horizons et apparentés partage la volonté du groupe Renaissance de faire de l'apprentissage un vecteur de transmission de compétences, et de la mobilité à l'international un outil de celle-ci. La présente proposition de loi, par le développement d'un Erasmus de l'apprentissage, serait pour la jeunesse un remarquable facteur d'intégration dans un marché du travail mondialisé et une formidable occasion de découvrir la diversité culturelle et professionnelle existante. Le groupe Horizons et apparentés la votera donc, comme l'ensemble des groupes ici présents – nous l'espérons.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
Les mobilités permises par le programme Erasmus sont l'occasion pour les jeunes européens de vivre ensemble, de s'entraider, de se respecter et de s'ouvrir aux autres. Elles sont l'occasion de vivre une expérience fondatrice pour tout Européen. Bien qu'imparfaites, elles forgent les citoyennes et les citoyens qui feront l'Europe de demain : plus inclusive, plus soutenable, plus résiliente et plus juste.
Le programme Erasmus est né en 1987 d'une ambition commune : coopérer en Europe dans le domaine de l'éducation. Le programme s'est transformé en 2014 en Erasmus + et regroupe l'ensemble des anciens programmes européens dédiés à l'éducation, à la formation, à la jeunesse et au sport. Pensé à l'origine pour les étudiants de l'enseignement supérieur, le programme Erasmus + concerne désormais des publics plus larges. Depuis 2014, près de 850 000 personnes ont bénéficié d'une mobilité pour étudier, faire un stage ou du volontariat, participer à un échange, suivre une formation ou enseigner, à l'étranger.
Le texte que nous nous apprêtons à examiner a pour objet de faciliter la mobilité Erasmus pour les étudiants et les étudiantes en apprentissage. Il corrige une inégalité dans l'accès à l'éducation et à la mobilité internationale pour tous les étudiants. En permettant de ne plus réserver les mobilités Erasmus aux seuls étudiants de l'enseignement supérieur, il est porteur d'égalité et de justice sociale – il faut le reconnaître. Si les voyages forment la jeunesse, ils doivent former toutes les jeunesses ! C'est un premier pas, qui ne lève cependant pas tous les freins à l'accès à ces mobilités : les étudiants en formation professionnelle ne représentent que 22 % de l'ensemble des demandes de mobilité Erasmus.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis la création de référents mobilité au sein des CFA. Toutefois, ceux-ci sont encore trop peu nombreux et les informations manquent pour construire de véritables projets de mobilité. Pour donner les mêmes possibilités à tous les étudiants, il faut leur fournir les moyens d'être accompagnés dans leur démarche. C'est à ce titre qu'en commission, mon collègue Sébastien Peytavie a déposé un amendement d'appel visant à créer un portail unique, qui inclurait une cartographie des dispositifs favorisant la mobilité européenne des apprentis et permettrait un recensement des bourses et des aides correspondantes. Sur ce point, nous sommes toutes et tous d'accord : il est évident qu'une demande de rapport ne suffit pas.
Le groupe Écologiste – NUPES espère donc vivement que le Gouvernement profitera de l'examen de ce texte pour annoncer un calendrier de développement de cette plateforme tant attendue. Pour que cet accompagnement soit effectif, notre groupe appelle également à disposer d'un état des lieux de la généralisation des référents mobilité au sein des CFA, clefs de voûte du dispositif.
Enfin, si les bourses du programme Erasmus + ont été augmentées, leur montant varie en fonction du pays de destination ; elles peuvent se révéler insuffisantes, en particulier pour les étudiants les plus précaires. Tous les étudiants et étudiantes devraient avoir la possibilité de partir se former à l'étranger, quels que soient leur milieu d'origine, leurs revenus et leurs études. À défaut de pouvoir demander une augmentation de la bourse Erasmus + ou un complément de ressources lorsque cela est nécessaire, nous avons cependant la possibilité d'agir en faveur d'une harmonisation des dispositifs de soutien financier existants. S'il y a aussi, à l'échelle régionale, des aides financières à destination des apprentis, ces dispositifs varient selon les territoires, ce qui engendre d'importantes inégalités d'accès.
Notre groupe se réjouit que son amendement visant à obtenir un état des lieux des aides financières existantes et de leurs perspectives d'harmonisation ait été adopté en commission : c'est un enjeu d'égalité d'accès aux opportunités et de réduction des inégalités entre les territoires, dont la puissance publique doit pleinement se saisir. Bien sûr, un rapport ne suffira pas, mais c'est un premier pas.
À l'issue de l'examen de ce texte, les freins juridiques, financiers et administratifs au développement de la mobilité internationale des apprentis seront encore nombreux, mais la proposition de loi aura eu le mérite de s'attaquer à certains d'entre eux. Nous aurions aimé qu'elle aille plus loin, afin que l'idéal européen soit accessible à toutes et à tous, que le programme Erasmus soit un acte fondateur de la jeunesse européenne et qu'il reste un succès européen.
Parce que ce programme est le premier fondement d'une Europe des citoyennes et des citoyens, notre groupe votera ce texte.
Je me fais ce matin le porte-parole de mon collègue réunionnais Frédéric Maillot, empêché au dernier moment d'être présent :
« Depuis La Réunion, on compte 15 000 kilomètres pour aller au Canada et 2 000 pour aller en Inde faire son alternance ; sachant que la logique est une manière méthodique de se tromper en toute confiance, qu'est-ce qui vous semble le plus logique ? La logique européocentrée est favorisée et rendue prioritaire. La proposition de loi le souligne : durant l'expérience à l'étranger des alternants, leurs droits sociaux et leur rémunération ne sont pas garantis. Pendant leur mobilité, seule une mise en veille du contrat est possible, puisqu'elle dure moins de quatre semaines – une ineptie quand on connaît les prix d'un billet et d'un logement ! Les entreprises ont alors le choix de se dédouaner de leurs responsabilités sociales ou de les maintenir.
« Cette proposition de loi donne une chance aux alternants de suivre leur formation théorique ailleurs que dans un CFA français. C'est une occasion à saisir ! Pourtant, il existe plusieurs écueils sur le chemin de leur réussite.
« Un million d'alternants, 6 000 euros par an et par apprenti : ce sont les chiffres voulus par le Gouvernement, mais la taxe d'apprentissage n'est pas suffisante pour permettre un tel niveau de financement. La dette structurelle de France Compétences s'élève à 9 milliards d'euros ! Depuis la libéralisation des CFA en 2018, 1 500 CFA ont été créés, mais sont-ils vraiment efficaces ?
« Le deuxième écueil porte sur la protection des alternants. Ici comme à l'étranger, ils doivent être payés et protégés ; ils ont donc besoin d'une mise à disposition et non d'une mise en veille de leur contrat. L'excellence de nos alternants passe par la garantie de leurs droits, parce qu'ils ne se contentent pas de traverser la route pour travailler : ils traversent des océans.
« Le troisième écueil est leur rémunération. Il faudrait une garantie de ressources, comme Jean Arthuis l'a préconisé. Nous devons surtout sortir des schémas de pensée actuels. En tant que fervent défenseur de la préférence régionale, je défends l'opinion suivante : la mobilité ne peut plus être uniquement européocentrée. Jusqu'à maintenant, le Canada et les pays européens sont les premiers pays mis en avant pour la mobilité. Dès lors qu'il s'agit d'un choix réfléchi et désiré par l'alternant, je n'y vois pas d'opposition. Mais le bassin océanique est riche de possibilités et de compétences. Nos voisins de l'océan Indien sont des puissances émergentes et nous avons tout à gagner à accroître nos liens avec eux.
« Nous devons œuvrer à la coopération régionale. À titre d'exemple, la région Réunion soutient un Erasmus de l'océan Indien, en partenariat avec le Mozambique, le Kenya et l'île Maurice. Nous vous invitons à prendre exemple sur cette initiative, car nous devons et nous pouvons aller plus loin. Un paradoxe persiste : des dispositifs existent, mais sont trop peu connus, alors qu'ils apportent des solutions. Ainsi, pour favoriser une mobilité indo-océanique, nous pourrions améliorer l'identification des structures d'accueil et la sensibilisation des jeunes et des entreprises.
« Si faire partir nos jeunes nécessite l'accompagnement des politiques publiques, il est important et cohérent de déployer la même énergie pour les faire revenir, afin que la porte de la mobilité ne soit pas celle du non-retour. Telles sont nos propositions, qui n'attendent que votre approbation, puisque nous ne sommes pas opposés par principe à cette proposition de loi, qui a du sens. Nous attendons cependant que nos amendements reçoivent des avis favorables. Mes chers collègues, ne jouons pas aux apprentis sorciers et aux politiciens avec l'avenir de nos apprentis. »
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Sylvain Maillard, rapporteur.
Mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous remercier pour vos propos et vos encouragements. Il me semble que cette proposition de loi fait l'unanimité sur nos bancs, ou quasiment. Je m'en réjouis, en particulier pour les apprentis.
Aimer véritablement l'Europe, c'est la vivre : il faut que chaque jeune puisse avoir un rendez-vous avec elle, pour l'aimer et la construire. Concrètement, il nous revient, secteur par secteur – aujourd'hui nous parlons de l'apprentissage –, d'identifier les freins qui empêchent les jeunes de partir.
Notre collègue Castellani est favorable à ce texte et s'inquiète de son succès. Je me souviens des discussions sur nos bancs en 2018, lors de l'examen de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et des inquiétudes qui s'étaient exprimées de part et d'autre de l'hémicycle. Nous constatons désormais qu'elle est un vrai succès. Il nous fallait transformer l'apprentissage : c'est ce que nous avons fait. Il importe désormais de transformer l'Erasmus de l'apprentissage : c'est ce que nous ferons.
Ma chère Fanta Berete, je vous remercie pour vos propos, mais surtout pour votre engagement à mes côtés pour élaborer cette proposition de loi. Ce que nous avons vécu il y a quelques semaines au CFA d'Orly – je l'ai évoqué à la tribune – a renforcé notre conviction : il est essentiel que les jeunes souhaitant partir – et ils sont nombreux – puissent le faire. Les apprentis que nous avons rencontrés sont revenus différents de leur expérience à l'étranger ; ils ont même poussé leurs enseignants à changer leur façon de faire en matière de mécanique automobile, parce que les Italiens réparent les voitures différemment des Français. Cette façon de travailler et d'expérimenter l'Europe, à titre non seulement à titre personnel, mais aussi professionnel, les a profondément transformés. Les six apprentis avec lesquels nous avons discuté ne souhaitaient qu'une seule chose : repartir, notamment pour apprendre une langue étrangère. Nous en reparlerons.
Monsieur Catteau, je me réjouis de vous voir satisfait que des apprentis étrangers viennent étudier et travailler en France – j'ai bien fait de me lever ce matin –, alors qu'il me semblait que vous souhaitiez plutôt fermer les frontières. J'espère qu'à compter de ce matin, votre parti changera vraiment de doctrine. Nous verrons bien.
…commence son discours en demandant qui peut s'opposer à la mobilité des jeunes en Europe. C'est très simple : lui et vous, députés du groupe LFI – NUPES, assumez d'être depuis toujours opposés à l'apprentissage pour de nombreuses raisons. En effet, vous estimez qu'un jeune ne doit pas travailler en entreprise, c'est une véritable différence politique entre nous. Je suis surpris et ne comprends pas le cheminement politique qui conduit le parti de Jean-Luc Mélenchon à s'opposer à l'apprentissage,…
…alors même que celui-ci fut ministre délégué à l'enseignement professionnel, chargé des questions relatives à l'apprentissage.
M. Davi s'est demandé si on ne forcerait pas les jeunes à partir à l'étranger.
Plusieurs d'entre vous sont en relation avec les CFA. Je connais peu de jeunes qui, lorsqu'ils sont aidés et accompagnés, notamment au niveau financier, ne veulent pas vivre une aventure à l'étranger. Quand on est jeune, on a envie de découvrir le monde ; c'est triste si tel n'est pas le cas. Je n'ai pas bien compris cette phrase, qui est hors de propos ; du reste, je ne suis pas convaincu que l'ensemble de votre groupe y souscrive.
Monsieur Viry, je connais votre engagement en faveur de l'apprentissage et me souviens des doutes que vous aviez exprimés en 2018 lors de l'examen de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Vous l'avez dit : ces mesures ont eu un succès incroyable, au-delà des dispositions de la loi de 2018, car, à chaque fois que l'on rapproche le monde de l'apprentissage de celui de l'entreprise, cela fonctionne. Nous avons regardé ce qui fonctionnait à l'étranger, notamment en Allemagne ou en Suisse. Ce que nous voulons, c'est transformer la culture de l'apprentissage, qui a déjà évolué – vous l'avez dit. Je me souviens que nous en avions discuté avec Muriel Pénicaud, en nous demandant comment nous financerions ces mesures si le nombre d'apprentis dépassait 500 000, ce qui serait un bon problème. Nous y sommes. Nous devons donc trouver des financements et continuer à avancer.
Vous avez soutenu que le système de prise en charge des coûts par les Opco doit être plus homogène ; nous partageons cet objectif. S'agissant de la demande de rapport au Gouvernement, vous m'avez reproché de ne pas avoir retenu en commission des amendements que vous défendrez à nouveau en séance. J'ai toujours considéré – je suis constant depuis six ans – qu'il revient aux parlementaires de se saisir de l'application d'une proposition de loi, alors que je conçois qu'on demande au Gouvernement la remise d'un rapport sur l'application d'un projet de loi.
Néanmoins, nous ferons preuve d'ouverture sur des points fondamentaux. En commission, j'ai déjà émis des avis de sagesse sur la demande de rapport au Gouvernement ; nous aurons l'occasion d'en parler lors de l'examen des articles.
Je remercie Maud Petit pour son soutien constant. Je sais à quel point le MODEM est attaché à l'Europe, attachement qui est un pilier fondateur de son groupe.
Mme Pic, députée du groupe Socialistes et apparentés, a souligné que la question essentielle était celle des moyens. Donner aux jeunes apprentis les moyens financiers de partir est précisément au cœur de la proposition de loi, dont les trois premiers articles sont consacrés à cette question. En effet, lorsqu'on parle de lever les freins, il s'agit également des freins financiers. Je n'ai donc pas vraiment compris sa position. Néanmoins, je me réjouis qu'elle ait apporté son soutien à la proposition de loi. Par ailleurs, nous discuterons prochainement dans l'hémicycle de la formation et des lycées professionnels.
Je remercie Paul Christophe pour son soutien. Pour que l'apprentissage soit un succès, c'est une affaire de volonté – vous l'avez souligné. Pendant des années, nous avons tous entendu que l'apprentissage était une voie royale. Depuis six ans, nous le développons, nous lui allouons des moyens, nous levons les freins ; nous continuerons à le faire. Dans les années à venir, nous ne manquerons pas d'identifier d'autres obstacles.
Monsieur Raux, vous avez dit que le texte était porteur d'égalité. Je suis convaincu que les apprentis ont également le droit de bénéficier d'une mobilité européenne, que nous avons le devoir de garantir. Le texte propose des solutions afin de les accompagner.
Vous avez également souligné que le nombre d'apprentis qui bénéficient d'une expérience d'immersion dans l'Union européenne est faible, notamment lorsque la durée du séjour est supérieure à quatre semaines – le cadre juridique est un véritable obstacle aux mobilités excédant cette durée. Nous leur permettrons de partir longtemps, de vivre une expérience, notamment humaine, qui les transformera, leur apportera des compétences supplémentaires et leur permettra de découvrir le monde, au-delà de la formation technique – je m'en réjouis avec vous.
Enfin, notre collègue Monnet a évoqué la mobilité des apprentis d'outre-mer, qui représente une des grandes avancées que nous défendons depuis quelques mois. Nous avons abordé cette question en commission, nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des amendements. Vous avez notamment évoqué Mayotte et La Réunion. L'ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier a ouvert aux apprentis la possibilité d'effectuer une partie de leur formation avec tous les pays de la façade orientale de l'Afrique et l'ensemble des archipels – madame la ministre déléguée y reviendra ; il s'agit d'une véritable avancée.
Vous avez raison de souligner que la mobilité coûte très cher, notamment dans les outre-mer. Les séjours qui excéderont quatre semaines, voire atteindront deux à trois mois, seront plus faciles à organiser. Bien entendu, monsieur Lecoq, la proposition de loi prévoit des mesures relatives aux apprentis d'outre-mer ; les outre-mer sont essentiels.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Il vise à ajouter l'information sur la mobilité nationale et internationale des apprentis aux missions des entreprises les accueillant. Cet accompagnement doit se faire en lien avec les référents mobilité des CFA, dont le rôle doit être renforcé.
Nous avons déjà discuté de l'objet de cet amendement, sur lequel j'émets un avis défavorable. Pour essentielle que soit la délivrance d'une bonne information aux apprentis, il ne paraît pas indispensable d'en faire une obligation légale pesant sur l'employeur.
Alors que la loi prévoit que ce dernier s'engage à faire suivre à l'apprenti la formation dispensée par le CFA ou qu'il veille à son inscription et à sa participation aux épreuves du diplôme, l'organisation d'une mobilité ne répond pas à la même logique puisqu'elle ne constitue qu'une faculté pour l'apprenti.
Pour mémoire, la loi confie au CFA la mission d'encourager la mobilité nationale et internationale des apprentis « en nommant un personnel dédié » à cette tâche. Il revient aux CFA de dispenser cette information.
La loi du 5 septembre 2018 prévoit déjà l'obligation pour les CFA de nommer un référent mobilité. En vertu des alinéas 10 et 11 de l'article L. 6231-2 du code du travail, la mobilité internationale doit être encouragée et le suivi pédagogique des apprentis assuré.
De plus, la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, et la proposition de loi précisent le contenu de la convention-cadre, notamment l'obligation pour l'employeur d'informer sur les conditions d'apprentissage et certaines modalités liées à l'apprentissage européen ou international.
Enfin, je souhaite rappeler la démarche d'Euro App Mobility, association qui organise le partenariat entre les entreprises et les écoles, encourage le développement de l'apprentissage au sein des CFA et anime un réseau de référents, qu'elle professionnalise. La volonté d'informer les jeunes est largement partagée, afin de susciter chez eux le désir de mobilité. Ce sont probablement les CFA qui en assureront la meilleure transmission, notamment auprès des employeurs. Certains se sont déjà engagés dans ce sens, à l'instar des entreprises membres du Global Deal, que j'ai réunies hier au ministère, et qui devraient partager leur expérience relative à la mobilité. Avis défavorable.
Madame la ministre déléguée, je vous entends bien et serais tenté de dire que je bois vos paroles. Je suis un enfant des lycées techniques, j'ai été en contact avec l'entreprise. Dans mon métier d'électricien, de nombreux aspects des rencontres avec mes maîtres de stage en entreprise m'ont passionné, du reste, bien davantage que l'apprentissage théorique.
Le fait que les entreprises promeuvent l'intérêt d'aller à l'étranger afin de découvrir ce qui se passe ailleurs et qu'elles organisent des échanges avec ceux qui ont bénéficié de la mobilité est une richesse. Cette mesure est complémentaire – et non antagoniste – à ce que vous défendez, à savoir le rôle que doivent jouer les CFA et les professionnels qui y travaillent.
Les CFA comme les entreprises doivent prendre part à cette promotion. Faisons en sorte que, y compris dans l'entreprise, cette question soit abordée calmement. Les employeurs savent comment s'y prendre, ils sont organisés, ont l'appui des chambres de métiers, et sont parfois gestionnaires de CFA. Il s'agit de mettre au cœur du projet de loi non pas l'obligation – car il est impossible de contrôler son respect – mais la responsabilité, pour les employeurs, de porter ce message. Tel est le sens de l'amendement. Ne le rejetez pas car il présente une mesure complémentaire à ce que vous suggérez. Réfléchissez bien !
C'est tout réfléchi !
L'amendement n° 10 n'est pas adopté.
Les amendements rédactionnels n° 26 et 25 de M. le rapporteur sont défendus.
L'amendement n° 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1, amendé, est adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 9 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Le groupe Socialistes, vous l'avez compris, soutient l'initiative de la majorité. Par cet amendement technique, mais important pour les alternants ou les apprentis, nous proposons de rendre obligatoire la transmission de la convention conclue en France à l'organisme de formation d'accueil situé dans ou hors de l'Union européenne. Cette transmission est importante au regard du continuum du projet de formation, de la connaissance que doit avoir l'organisme d'accueil des qualités et des éventuelles faiblesses de l'apprenti et du projet pédagogique dans lequel s'inscrit son apprentissage hors de nos frontières.
La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir le sous-amendement n° 39 .
Il s'agit de préciser que la transmission de la convention doit se faire dans le respect de la législation applicable en matière de protection des données à caractère personnel.
L'amendement va à l'encontre de l'objectif de la proposition de loi, qui est de simplifier.
L'accord de partenariat comportera plusieurs stipulations relatives aux engagements de l'organisme d'accueil vis-à-vis de l'alternant en mobilité. Il est également prévu qu'une liste nominative des alternants concernés soit annexée à ces accords. Toutes les garanties leur seront donc apportées pour qu'ils jouissent d'une protection similaire à celle dont ils bénéficient actuellement.
Encore une fois, le texte vise à lever tous les freins qui entravent la mobilité des alternants. Gardons-nous donc de complexifier un dispositif qui, précisément parce qu'il est trop complexe – au-delà de la question des moyens –, ne fonctionne pas comme il le devrait et n'est pas à la hauteur des enjeux.
C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement et du sous-amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis que le rapporteur.
Si l'on veut simplifier les choses en Europe, mieux vaut intervenir dans d'autres domaines que celui-ci. Il s'agit tout de même de plusieurs mois de la vie d'un jeune.
La transmission de la convention, notamment de son objet, est un élément important du continuum pédagogique. Notre proposition me semble frappée au coin du bon sens ! Grâce au numérique, il s'agit d'une simple formalité, qui représenterait une sécurité pour tous, notamment pour le jeune, lequel est au cœur de nos préoccupations. Je maintiens donc l'amendement, et j'appelle nos collègues à le soutenir.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas construire des propositions de loi de manière consensuelle en refusant le dialogue sur des éléments aussi importants. Votre refus me paraît incongru.
J'entends ce que vous dites, monsieur Potier. Mais notre objectif est simple : il est de lever les freins. On pourrait ajouter plein d'éléments et accepter des amendements venant de partout, car il y a beaucoup de bonnes idées. Mais nous avons étudié la manière dont les choses se passent concrètement, en nous rendant dans les CFA, en rencontrant les différents acteurs, et ceux-ci nous demandent de simplifier le dispositif, pour qu'il fonctionne.
Il ne s'agit pas de concevoir un système idéal, qui serait parfait vu d'ici, mais de faire en sorte qu'il fonctionne. Encore une fois, j'entends vos arguments. Toutefois, si nous ne levons pas les freins, le dispositif sera magnifique, voire parfait, mais personne ne s'en saisira. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 39 n'est pas adopté.
L'amendement n° 9 n'est pas adopté.
L'article 2 prévoit que la signature de la convention individuelle de mobilité par l'organisme de formation d'accueil ne sera pas nécessaire lorsqu'une convention de partenariat liera déjà cet organisme aux organismes de formation français. Par cet amendement, nous proposons d'étendre cette simplification – vous êtes nombreux à l'avoir demandé, avec raison – au contrat de professionnalisation afin que celui-ci soit soumis au même traitement que le contrat d'apprentissage.
Ainsi, la signature de la convention individuelle de mobilité par l'organisme de formation d'accueil ne sera pas nécessaire lorsqu'une convention de partenariat liera déjà cet organisme à toute structure française chargée de dispenser des enseignements généraux, professionnels et technologiques du contrat de professionnalisation.
Cet amendement va dans le sens de l'évolution que souhaite promouvoir le Gouvernement en facilitant la mobilité européenne et internationale des apprentis. Nous souhaitons réfléchir avec les partenaires sociaux à une alternance tout au long de la vie. L'amendement contribue à la progression des droits de l'ensemble de ces actifs, notamment en alternance. Avis favorable.
L'amendement n° 36 est adopté.
Sur les amendements n° 20 rectifié et identique, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'article 2, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 20 rectifié et 34 rectifié .
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 20 rectifié .
Il s'agit d'écarter l'application de la limite d'âge d'entrée en apprentissage, qui est de 29 ans révolus, dans le cadre de l'accueil d'apprentis d'autres États de l'Union européenne en mobilité.
Il est admis que la mobilité européenne des apprentis, notamment la mobilité longue, sera facilitée par le développement de partenariats permettant l'échange d'apprentis entre structures d'accueil et structures d'envoi. Il y va de l'application d'un principe fondamental de l'Union européenne : la réciprocité. Or les législations des États membres comportent des dispositions variables concernant la limite d'âge d'entrée en apprentissage sur leur territoire. Ainsi, en l'état du droit français, les CFA sont contraints de refuser l'échange d'alternants européens âgés de plus de 29 ans, ce qui limite l'application du principe de réciprocité et rend plus complexe la conclusion de véritables partenariats entre écoles en matière de mobilité. Cette situation constitue un frein au développement des parcours d'échange européens.
L'amendement permet de tenir compte de la diversité des situations pour l'accueil d'apprentis de l'Union et de multiplier les partenariats sur notre continent. Il me paraît essentiel pour favoriser les échanges au sein de l'Union européenne. En outre, il manifeste la volonté de la France de s'inscrire pleinement dans le cadre ambitieux défini par la Commission européenne, qui se traduit par l'organisation de l'année européenne des compétences, que nous avons lancée cette semaine.
J'en suis convaincue : la mobilité internationale de nos apprentis ne peut pas être envisagée à travers le seul prisme du droit national. Nous devons tenir compte de la diversité des situations juridiques existant sur notre continent. C'est par l'attention que nous portons aux règles qui régissent l'alternance chez nos voisins que nous favoriserons le sentiment d'unité qui doit guider notre action en la matière.
Pour ces différentes raisons, je vous demande de voter cet amendement essentiel au développement de l'espace européen de l'apprentissage que nous appelons de nos vœux.
La parole est à Mme Fanta Berete, pour soutenir l'amendement n° 34 rectifié .
Vous connaissez la devise de l'Union européenne : Unie dans la diversité. Cette diversité est une richesse mais elle nécessite parfois une coordination pour supprimer les contraintes qui freinent la mobilité des Européens. Ainsi, en matière d'apprentissage, les États membres appliquent, sur leurs territoires respectifs, des dispositions différentes concernant la limite d'âge d'entrée en apprentissage.
Vous n'êtes pas sans savoir que la mobilité européenne est fondée sur le principe selon lequel, pour qu'un apprenti parte, il faut qu'un autre apprenti vienne. L'amendement, soutenu par le groupe Renaissance, vise donc à écarter la limite d'âge, qui est de 29 ans révolus, pour faciliter l'accueil d'apprentis de ceux des États membres de l'Union européenne qui, comme l'Allemagne, autorisent l'apprentissage après 29 ans.
Je remercie Mme la ministre déléguée d'avoir déposé l'amendement n° 20 rectifié , sans quoi l'amendement n° 34 rectifié aurait subi le couperet de l'article 40. Il s'agit d'un point fondamental : en Europe, chaque pays a, du fait de son histoire, un rapport différent à l'apprentissage, de sorte que la limite d'âge, notamment, varie d'un État à l'autre. Or, Erasmus repose sur le principe de réciprocité : pour que nos jeunes puissent partir, il faut que des apprentis européens viennent en France. Nous devons donc offrir à ceux d'entre eux qui sont âgés de plus de 29 ans et 364 jours – qui est la limite d'âge actuelle – la possibilité de venir se former dans notre pays. C'est l'objet de ces amendements.
Je salue Fanta Berete, qui a défendu l'amendement soutenu par groupe Renaissance, lequel souhaite profondément l'adoption de cette mesure, et le président Anglade, dont la présence dans l'hémicycle souligne la dimension européenne du texte. Celui-ci a été conçu pour permettre aux Français de partir à l'étranger mais aussi aux Européens de venir se former en France. Il s'agit d'une belle avancée !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 20 rectifié et 34 rectifié .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 54
Contre 6
Les amendements identiques n° 20 rectifié et 34 rectifié sont adoptés.
Je présume que M. le rapporteur jugera cet amendement satisfait. Cependant, j'ai estimé nécessaire de le déposer car, si, aux termes de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, un référent mobilité existe, en principe, dans chaque CFA, avec pour rôle d'être la cheville ouvrière en matière de mobilité – il a pour mission d'organiser les projets, d'encourager la mobilité, de faire le lien avec les pays étrangers, de gérer les demandes de financement… –, je ne suis pas certain qu'il soit opérationnel et efficient partout en France.
En proposant de réaffirmer le rôle-clé du référent mobilité, je souhaite susciter un débat, provoquer une mobilisation concrète, pour que des directives soient données. Je présume que chaque CFA est doté d'un tel référent, mais j'attends avec impatience les avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre.
Vous exprimez une inquiétude, mais il ressort de nos échanges avec les acteurs de terrain qu'ils ne rencontrent pas de difficultés pour désigner des référents mobilité. Faut-il former ces référents, les accompagner et leur donner davantage de moyens ? Probablement. C'est le rôle des centres de formation d'apprentis. Mais il ne nous a pas semblé – en tout cas, cette question n'a pas été évoquée lors des auditions – que leur désignation se heurtait à des difficultés. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
L'amendement est effectivement satisfait puisque la loi de 2018 impose déjà à chaque CFA de se doter d'un référent mobilité. J'ai cependant entendu votre appel, et je tiens à vous apporter les éléments complémentaires suivants.
Selon une étude de 2022 sur les besoins de professionnalisation des CFA diligentée par le ministère du travail, plus de 77 % des CFA n'ont pas rencontré de difficultés pour désigner un référent mobilité. Au-delà, nous avons la volonté d'accompagner la professionnalisation, comme je l'ai indiqué, et le développement des partenariats avec les écoles comme avec les entreprises au niveau international, pour favoriser la mobilité des apprentis français et accueillir des apprentis étrangers.
Par ailleurs, je sais que vous avez déposé un autre amendement, que nous examinerons bientôt et qui a pour objet de demander au Gouvernement de remettre un rapport sur la bonne application de cette disposition de la loi de 2018. C'est plutôt de cet aspect-là que nous pourrons discuter. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Qu'il y ait des référents mobilité désignés dans 77 % des CFA est une chose, mais je suis soucieux d'efficacité. Néanmoins, compte tenu de votre réponse, je retire mon amendement, quitte à revenir sur cette question par la suite afin que nous nous assurions du bon fonctionnement du dispositif.
L'amendement n° 3 est retiré.
J'ai omis de préciser qu'il y a bien un référent mobilité dans tous les CFA. L'étude montre simplement que 77 % des CFA n'ont pas rencontré de difficultés pour leur installation.
En l'état actuel du droit et en cas de mise en veille du contrat d'apprentissage à des fins de mobilité internationale, les coûts correspondant aux cotisations sociales sont actuellement pris en charge de façon facultative par les opérateurs de compétences. Cela entraîne une double inégalité entre les apprentis et il nous appartient de la corriger. D'abord, les Opco ont établi des forfaits différents : un apprenti dans le commerce ne percevra pas le même montant qu'un apprenti dans l'industrie. Ensuite, en l'absence de garantie de prise en charge de ses frais, il revient à l'apprenti de se couvrir personnellement lors de sa mobilité à l'étranger. Or celle-ci peut coûter cher et, en l'absence de soutien familial, les apprentis sont contraints de renoncer à leur projet.
Le présent amendement entend par conséquent rendre obligatoire, au niveau législatif, la prise en charge de ces frais lorsqu'ils sont supportés par le CFA ou l'organisme de formation. C'est une mesure importante pour que chaque apprenti bénéficie d'un départ en mobilité sécurisé et serein. C'est aussi la condition d'une égalité entre les apprentis essentielle au développement des mobilités, en particulier des mobilités longues que le Gouvernement entend favoriser afin que chaque jeune d'une classe d'âge puisse passer six mois à l'étranger avant ses 25 ans, ainsi que l'a souhaité le Président de la République.
Aussi, pour mieux protéger tous les apprentis lors de leur départ, je vous demande de voter cet amendement d'égalité.
La ministre déléguée vient de présenter excellemment la proposition. Je me contenterai d'ajouter que nous voulons lever les freins, homogénéiser les prises en charge – c'est fondamental et répond à un souhait de l'ensemble des bancs. Il ressort de nos discussions avec les opérateurs de compétences – discussions auxquelles Fanta Berete a participé – qu'il faut en effet uniformiser les prises en charge afin de ne pas démultiplier les coûts. L'idée est simple : faire en sorte que chaque jeune puisse partir dans le cadre d'Erasmus et vivre une expérience européenne, ce qui suppose, j'y insiste, la prise en charge pour tous des cotisations sociales. J'espère que ces amendements identiques seront adoptés à l'unanimité.
Nous soutenons les deux amendements identiques qui viennent d'être présentés. Reste que si l'article 3 supprime le caractère facultatif de la prise en charge, ce qui est évidemment positif, il renvoie les modalités de la mise en œuvre de la mobilité au domaine réglementaire. C'est pourquoi nous entendons nous assurer que le coût des cotisations sociales sera bien inclus dans le forfait obligatoire pris en charge par l'opérateur de compétences.
L'article 3, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 23 , portant article additionnel après l'article 3.
Par le biais du présent amendement, le Gouvernement propose la ratification de l'ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier. Reconnu par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, l'apprentissage transfrontalier permet à un jeune d'effectuer l'intégralité de la partie pratique ou théorique de sa formation en apprentissage dans un pays frontalier. Un jeune pourra ainsi se former dans un CFA français et être employé en apprentissage dans une entreprise allemande. La loi prévoit que ces apprentissages feront l'objet de conventions binationales conclues entre la France et ses voisins directs. Une convention franco-allemande sera ainsi signée avant l'été et nous avons entamé la rédaction de conventions avec le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, l'Italie et l'Espagne.
C'est un véritable espace privilégié de l'apprentissage que nous allons ainsi construire avec nos voisins. La loi 3DS prévoit que nous prenions par ordonnance les mesures permettant d'abord de détailler les règles d'application et d'exclusion de certaines dispositions de la législation française relative à l'apprentissage afin de tenir compte du caractère international de l'apprentissage transfrontalier, mais aussi afin de confier la gestion des contrats transfrontaliers à un opérateur de compétences unique dans le but de simplifier les démarches, et enfin d'adapter les dispositions de la loi aux territoires ultramarins qui ne disposent pas, pour certains, de frontières physiques avec un autre pays.
Sur ce dernier point, l'ordonnance permet aux territoires d'outre-mer de conclure des conventions visant à ouvrir des apprentissages transfrontaliers avec des pays situés dans leur environnement géographique direct. Pour les territoires antillais, l'ordonnance permet la conclusion de conventions d'opérationnalisation des apprentissages transfrontaliers avec les pays de l'Amérique du Nord ainsi qu'avec les pays de la côte Est de l'Amérique du Sud.
Mme Maud Petit applaudit.
Pour La Réunion et Mayotte, des conventions peuvent être signées avec l'Afrique du Sud.
Cette ordonnance permet donc aux territoires d'outre-mer de développer ou d'approfondir des partenariats structurants en matière d'apprentissage et ainsi de renforcer l'attractivité de la formation pour leurs apprentis. Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir voter cet amendement de ratification.
Voilà une belle ordonnance que nous serons heureux de ratifier et d'intégrer au texte. Moi qui ai la chance de présider le groupe d'amitié France-Allemagne, j'ai été sensible au fait que vous ayez pris l'exemple de l'Allemagne, madame la ministre déléguée. De nombreux apprentis vont en effet pouvoir se former en France et travailler en Allemagne de façon plus automatique.
En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, la proposition de loi et l'ordonnance constituent une vraie avancée. La Réunion et Mayotte, ainsi que les archipels alentour pourront renforcer leurs nombreux échanges avec l'île Maurice. La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane pourront pratiquer des échanges avec toute la façade Est de l'Amérique du Sud mais aussi avec l'Amérique du Nord. L'Erasmus de l'apprentissage concernera par conséquent presque l'ensemble du monde, ce dont je me réjouis.
Deux raisons nous conduisent à ne pas partager la vision idyllique de Mme la ministre déléguée et de M. le rapporteur.
La première est que nous n'avons pas un goût très prononcé pour les ordonnances, surtout quand elles sont ratifiées par voie d'amendement. La seconde, sur le fond, est que quand on examine l'ordonnance en question, on peut craindre que ne se créent des dérogations au régime du droit commun en ce qui concerne la protection des jeunes, lesquelles iront vers le moins-disant.
Mme la ministre déléguée fait un signe de dénégation.
Nous sommes en la matière instruits par l'expérience. Je souhaite par conséquent que vous nous apportiez des garanties, ou tout au moins des éléments de réponse, car pour l'heure nous ne sommes guère rassurés.
Il faut de temps en temps savoir se satisfaire de certaines avancées. J'aurais souhaité que, lors de ce débat, les députés ultramarins soient plus nombreux. Depuis le début de la législature, lors de l'examen de chaque texte, ils nous reprochent de ne pas avoir pensé à l'outre-mer, alors même que les députés du groupe Renaissance s'en préoccupent. Vous pouvez sourire, monsieur Legavre, mais il se trouve que ce texte constitue une proposition de la ministre déléguée et du rapporteur.
Je ne suis pas originaire de ces territoires, je le rappelle, mais je fais partie de ceux et celles…
…qui, pas après pas, texte après texte, tentent de trouver des solutions pour que le sentiment d'inégalité éprouvé par certains soit pris en compte lorsqu'on fait la loi. Aussi, j'y insiste, vous pourriez de temps en temps applaudir ce que nous proposons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.
L'amendement n° 23 est adopté.
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l'amendement n° 1 rectifié .
Je souhaite promouvoir la mobilité internationale et nous allons vraisemblablement voter la proposition de loi. Encore faut-il qu'il ne s'agisse pas que d'un simple texte et que le dispositif monte effectivement en puissance. La France fait-elle le nécessaire ? Je n'en suis pas certain. Nous entendons donc proposer qu'on touche directement les jeunes dans les collèges afin qu'ils sachent qu'ils pourront renforcer leurs compétences, s'ils ont choisi la voie de l'apprentissage, grâce à une expérience à l'étranger.
Nous partageons tous votre intention de mieux faire connaître ce dispositif afin qu'il se déploie le plus largement. Seulement, l'amendement concerne l'éducation nationale, donc seulement 66 000 jeunes sur 837 000 apprentis au total. Ensuite, il ne me semble pas que votre proposition de campagne de promotion relève du domaine de la loi – même si, encore une fois, je partage votre intention. Je suis persuadé que le Gouvernement lancera de telles campagnes, l'intérêt de tous étant que le dispositif fonctionne et soit connu. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Le Gouvernement partage pleinement votre volonté, monsieur le député, de mieux promouvoir la mobilité européenne des apprentis, notamment de ceux qui étudient dans les lycées professionnels. Un nombre croissant de lycéens professionnels partent en mobilité, et je tiens à saluer le travail extraordinaire réalisé par les équipes pédagogiques auprès de ces jeunes. Je rappelle à cet égard que 64 000 apprentis sont actuellement inscrits dans un lycée professionnel.
Si elle doit prendre encore davantage d'ampleur, la promotion de la mobilité en formation professionnelle est déjà une réalité. Il est possible de la retrouver, entre autres, sur les sites de l'Onisep – Office national d'information sur les enseignements et les professions – du Centre Inffo, du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ainsi que sur celui du ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion. Je tiens aussi à rappeler l'action de l'agence Erasmus +, qui dispose d'une équipe d'experts dédiée à l'enseignement et à la formation professionnels, équipe qui promeut la mobilité et qui accompagne les acteurs souhaitant développer des partenariats. Notons enfin que l'association Euro App Mobility promeut et préfigure en quelque sorte la création d'un espace européen de l'apprentissage et de la mobilité.
Nous adhérons donc pleinement à cette dynamique et lancerons d'ailleurs d'ici à la fin de l'année une campagne d'information et de promotion de l'apprentissage en dehors de nos frontières. Votre amendement étant satisfait, j'en demande le retrait : dans le cas contraire, j'émettrai un avis défavorable.
En ce qui le concerne, le groupe LFI – NUPES est en désaccord avec cet amendement de notre collègue Viry,…
Étonnant !
…et ce pour une raison très simple : il fait dangereusement écho à l'actuel projet de réforme de la voie et des lycées professionnels.
Pour répondre à M. le rapporteur, qui s'étonnait tout à l'heure de notre cohérence ou de notre manque de cohérence vis-à-vis de l'apprentissage, je précise que nous ne sommes pas contre l'apprentissage, mais contre sa généralisation et son utilisation en vue de mettre en concurrence les centres de formation privés avec l'enseignement public, qu'il s'agisse des lycées professionnels publics ou des universités. À cet égard, les personnels des lycées professionnels et leurs organisations sont vent debout contre ce projet de réforme, car ils y voient une véritable entreprise de démantèlement et de destruction de l'enseignement professionnel.
Vous avez raison, c'est moche ce que je fais !
Or par cet amendement, M. Viry nous propose de prêter un concours, certes modeste et s'apparentant à un simple saupoudrage, à des objectifs que nous contestons.
Pour le dire franchement, au collège comme au lycée, qu'ils enseignent à des classes de quatrième, de troisième ou de seconde, il me semble que les professeurs ont bien mieux à faire que de participer à des campagnes de promotion telles que celles qui nous sont proposées. Il serait selon moi urgent, entre autres, de rétablir toutes les heures de cours qui ont été supprimées par le Gouvernement lors du dernier quinquennat ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ainsi que par les précédents gouvernements, que nous n'avions pas davantage soutenus.
Pour ma part, je prends note de votre rappel, madame la ministre déléguée, sur ce qui existe déjà, et accepte de retirer mon amendement, en espérant que, si elle est votée, la proposition de loi sera correctement appliquée.
Merci.
L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Vous conservez la parole, monsieur Viry, pour soutenir l'amendement n° 8 .
Il porte sur le rôle des référents mobilité internationale dans l'ensemble des CFA – rôle dont nous venons de parler. En effet, ne serait-il pas utile de faciliter le recours à la mobilité internationale non en nous appuyant sur des référents que l'on pourrait qualifier d'administratifs, mais sur des tuteurs qui seraient présents pour les alternants, les apprenants, avant, pendant et après leur séjour.
Ce rôle relèvera-t-il bien des compétences, du champ d'attributions des référents tel que vous prévoyez les choses, monsieur le rapporteur ? Si la réponse est oui, je reconnaîtrai qu'il n'est pas nécessaire de désigner des tuteurs, mais je tiens vraiment à m'assurer que les gamines et gamins qui partiront à l'étranger ne seront pas livrés à eux-mêmes, et ce par souci que cette expérience, qui doit être profitable à toutes et tous, soit une réussite.
Je vous rassure, monsieur Viry, il relèvera bien de la compétence du référent mobilité d'accompagner les étudiants, apprentis et alternants partant en mobilité.
Je rebondirai par ailleurs sur les propos que vous avez tenus tout à l'heure : en effet, il convient de ne pas multiplier le nombre de tuteurs ou de référents. Au contraire, il faut professionnaliser ce rôle – vous l'avez également dit.
Ce sera donc bien à ces référents d'accompagner les jeunes tout au long de leur mobilité : ce sont eux qui auront les réponses et qui les soutiendront. Ils sont déjà prévus par la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel – ils sont même au cœur de ce texte –, donc professionnalisons-les, accompagnons-les et formons-les. Leurs attributions étant conformes à ce que vous souhaitez, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement, à défaut de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 8 est retiré.
L'article 3 bis, amendé, est adopté.
Par cet amendement, Christopher Weissberg et moi-même souhaitons étudier les conditions d'un élargissement du programme Erasmus, dont nous connaissons l'ambition, aux pays de la francophonie, notamment africains.
En 1990, en effet, nous comptions 9 000 coopérants, contre moins de 900 désormais. Nous voyons donc bien que de moins en moins de personnes – Français, membres de la diaspora ou Africains venant travailler en France – participent à ces échanges. Or, si nous voulons concrétiser la stratégie du Président de la République, nous avons besoin que ceux-ci soient nettement plus nombreux, aussi bien dans le domaine professionnel que dans les autres domaines de la société, par exemple le sport ou la culture. Il faut multiplier les points de passage, les interactions et donc développer les relations au-delà du cadre actuel d'Erasmus, en créant un tel programme avec les pays de la francophonie.
Si la France ne fait pas cet effort, si elle ne promeut pas cette idée, il ne se passera rien, ou presque, alors qu'il y a urgence. C'est pourquoi nous estimons que, dans le cadre de ce texte, le Gouvernement pourrait, sous six mois, produire un rapport sur les conditions de déploiement dans d'autres pays de cet excellent programme Erasmus.
Il est similaire et vise également à créer un Erasmus francophone. Il s'agit aussi d'une nouvelle occasion de débattre de nos conceptions de l'Europe et des relations internationales, l'enseignement professionnel constituant un autre point de désaccord entre nous dans le domaine européen, après celles qui ont pu être constatées ces derniers jours.
Plusieurs blocs font montre d'un comportement impérialiste, en l'occurrence la Chine, les États-Unis et la Russie, et il me semble que, dans ce contexte, vous considérez l'Europe comme une forteresse : une forteresse vouée soit à lutter contre ces impérialismes, soit à y apporter votre soutien lorsqu'il s'agit des États-Unis. Selon nous, il importe que l'Europe soit un espace ouvert, et cette proposition de loi sur la mobilité peut être l'occasion de reprendre la discussion sur la nécessité d'ouvrir le programme Erasmus à l'ensemble des pays de l'espace francophone, avec notamment la venue d'apprentis en France ou leur envoi à l'étranger.
Je me permets d'être quelque peu solennel : notre ambition a été abîmée par la loi obligeant à pratiquer des frais d'inscription tout à fait exorbitants pour les étudiants étrangers. Si le rapport que nous demandons dans cet amendement pouvait nous conduire à réfléchir de nouveau à cette question et à proposer la création d'un véritable Erasmus francophone, ce serait une très bonne chose.
Le sous-amendement n° 41 de M. Victor Catteau est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements et ce sous-amendement ?
Nous en venons donc aux amendements portant article additionnel après l'article 3 bis, lesquels visent à obtenir des rapports.
Vous souhaitez la création d'un Erasmus de la francophonie. Nous ne pouvons qu'adhérer à cette idée, mais je me permettrai de vous renvoyer la question, car il me semble que ce serait plutôt à l'Assemblée parlementaire de la francophonie de se saisir du sujet. En tant que secrétaire général parlementaire, vous occupez d'ailleurs un poste éminent au sein de cet organisme, si bien que vous pourriez y proposer la conduite de travaux sur le développement d'un programme Erasmus de l'apprentissage, ou même d'un Erasmus général de la francophonie. Il s'agirait d'un bon objectif, d'un bel objet politique, derrière lequel nous pourrions tous nous unir, mais qui, je le répète, devrait plutôt être défendu par l'Assemblée parlementaire de la francophonie.
Je demanderai donc le retrait de ces amendements visant à obtenir des rapports et, dans le cas contraire, j'émettrai un avis défavorable.
Je rappellerai simplement que le programme Erasmus relève de l'échelon communautaire et non de l'échelon national, ce qui renforcera l'argument énoncé par M. le rapporteur. Comme lui, j'estime que le rapport que vous demandez, monsieur Fuchs, pourrait être réalisé par cet organe consultatif qu'est l'Organisation internationale de la francophonie. Il revient en effet plutôt à cette instance de réfléchir à un telle démarche.
Je demande donc le retrait de ces amendements, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.
Nous avions eu cette discussion lors de l'examen d'un amendement déposé par la présidente Fiat, lequel avait retenu notre attention. En effet, nous avons toujours essayé de promouvoir la francophonie, élément que je trouve important dans les rapports Nord-Sud.
Le programme Erasmus doit permettre à des apprentis d'aller travailler dans un autre pays. S'agissant des pays dont il est question dans ces amendements, notamment ceux d'Afrique de l'Ouest, la difficulté à laquelle pourrait aussi réfléchir votre assemblée, monsieur Fuchs, est celle de la concrétisation, du financement de la démarche. Faire venir chez nous un Guinéen ou un Malien pour une période d'apprentissage serait formidable, mais certaines questions matérielles sont à envisager. Pour ma part, je serais heureuse que vous puissiez instruire ce dossier et nous faire un retour le moment venu.
Je vous remercie de me renvoyer la balle, mais je crains qu'il n'y ait une confusion, que vous entretenez peut-être à dessein, entre francophonie et pays francophones. Nous parlons ici de la relation de la France et de l'Europe avec les pays francophones, mais pas dans le cadre de la francophonie.
Depuis dix ou vingt ans, nous assistons à un désengagement de la France vis-à-vis de la francophonie. Le principal avantage d'Erasmus est l'apprentissage de l'anglais en Europe. Dit autrement, nous finançons largement ce programme pour que nos jeunes, avant toute chose, apprennent l'anglais, si bien que le revers de la médaille, c'est que cet engagement budgétaire n'est pas nécessairement utile à la France.
Les meilleurs défenseurs de la langue française sont les Canadiens, les Africains, bref tout le monde sauf les Français. Nous utilisons des slogans comme « Choose France » et de nombreux anglicismes dans nos communications internationales. Si nous ne nous saisissons pas du sujet, nous aboutirons à une réelle démission.
Quant à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, il s'agit d'une belle instance, forte de quatorze permanents. Si nous lançons un rapport, il sera terminé dans un an et demi, et sans moyens derrière.
Je le répète, si la France ne joue pas un rôle moteur, l'espace de la francophonie se délitera. Il y avait 9 000 coopérants français dans les pays africains en 1990 : désormais, il y en a moins de 900 dans le monde, dont environ 600 en Afrique. Si nous n'investissons pas réellement dans des relations, des échanges avec les pays de l'espace francophone, les Chinois, les Turcs ou les Russes, qui y sont déjà nombreux, le feront.
Nous ne demandons ici qu'un rapport de faisabilité et non un engagement budgétaire. Il est évident que l'Assemblée parlementaire de la francophonie soutiendra ensuite l'idée, mais la responsabilité incombe bien à la France. Depuis des dizaines d'années, le pays reporte sur les autres sa responsabilité et son engagement en Afrique et dans l'espace francophone. Il est temps de montrer que la France est présente et honore les engagements qui lui incombent, à elle particulièrement.
Erasmus est un programme européen auquel participe la France. Ce n'est donc pas un rapport du Gouvernement ni même de l'Assemblée qui pourrait apporter une réponse. Vous avez cependant tout à fait raison, monsieur Fuchs ; nous entendons et partageons vos préoccupations. Je vous le répète, je pense qu'il convient de saisir l'Assemblée parlementaire de la francophonie. Celle-ci me semble le bon vecteur, car son rôle consiste notamment à porter des idées et à fixer des caps à l'ensemble des pays de la francophonie, dont la France. C'est à vous, dans le cadre de vos prérogatives, de vous saisir pleinement du sujet. Je réitère la demande de retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 37 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 41 n'est pas adopté.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Aujourd'hui, les rares occasions de mobilité à l'étranger pour les étudiants apprentis se cantonnent aux CFA les plus volontaristes en la matière. Si la levée des freins juridiques à la mobilité est une nécessité, il convient avant tout de donner aux apprentis les moyens administratifs d'y accéder.
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, déjà évoquée, a élargi les missions des CFA en proposant la création d'un référent mobilité nationale et internationale. Force est de constater cependant que, faute d'accompagnement, ces référents sont encore trop peu nombreux et les informations sur les occasions de mobilité encore trop éparses. Cela engendre, pour les apprentis, des inégalités territoriales d'accès à la mobilité ; comme je l'ai dit tout à l'heure, ceux-ci ne sont à l'origine que de 22 % des demandes de mobilité Erasmus.
Avec cet amendement de notre collègue Sébastien Peytavie, le groupe Écologiste propose donc d'obtenir un état des lieux de la présence effective des référents mobilité dans les CFA.
Il est de moins en moins aisé, depuis 2018, d'évaluer la situation. Je conviens qu'une demande de rapport n'est pas toujours recevable – vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, votre doctrine s'agissant de cette proposition de loi. Il semble toutefois qu'en l'occurrence, un rapport nous permettrait d'être éclairés sur le sujet des référents mobilité, raison pour laquelle j'en fais la demande.
S'agissant d'une proposition de loi, je pense que c'est aux parlementaires d'établir les rapports. J'entends bien que la nomination et le travail des référents sont un sujet particulier, mais il me semble que l'Igas a apporté de nombreuses réponses dans son rapport de décembre 2022. Ces amendements me semblent donc largement satisfaits. Des avancées peuvent encore être réalisées, mais je pense que nous avons davantage besoin de volontarisme que d'un rapport. C'est la raison pour laquelle je demande le retrait des amendements ; j'émettrai à défaut un avis défavorable.
Nous avons eu de nombreux échanges, monsieur le député Viry, sur la question de la promotion de la mobilité internationale des apprentis, sur la communication à ce sujet et sur l'animation du dispositif, au sein notamment des organismes de formation. Nous nous sommes largement accordés sur l'importance de la fonction des référents mobilité : leur nomination effective est clairement la clé de voûte de la réussite de la mobilité des apprentis. Le temps qui s'est écoulé depuis la mise en œuvre de cette obligation, issue de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, rend possible aujourd'hui une évaluation de son déploiement. J'émets donc un avis favorable à la demande de rapport formulée par l'amendement n° 4 et un avis défavorable à l'amendement n° 12 .
Je précise que, s'agissant de l'amendement n° 4 , sur lequel nous avons déjà échangé et au sujet duquel j'ai exprimé l'avis défavorable de la commission, j'émettrai à titre personnel un avis de sagesse.
Notre groupe est favorable à l'encadrement de l'apprentissage et considère qu'il est très important d'obtenir un rapport sur les référents mobilité. Je voudrais répondre à M. Maillard au sujet de l'injonction à la mobilité, dont nous avons débattu. Je pense pour ma part que de nombreux jeunes sont motivés pour partir à l'étranger et que ce peut être intéressant pour eux s'ils sont accompagnés, d'où l'importance de ce rapport.
Mais vous n'avez pas vraiment répondu, monsieur Maillard, à la question de la mobilité contrainte – qui peut prendre deux formes. La contrainte peut venir d'un employeur qui aurait intérêt à envoyer un apprenti dans une filiale à l'étranger alors que ce dernier n'en aurait pas envie, par exemple parce que ce ne serait pas le bon moment pour lui. Mais la mobilité peut aussi devenir une injonction ; c'est ce que nous vivons dans le milieu de la recherche, et je vous demande de m'entendre sur ce point. C'est le cas lorsque la candidature d'une personne à un poste commercial, par exemple, est refusée au prétexte qu'elle n'a pas d'expérience à l'étranger.
Cette injonction est problématique pour les jeunes, et plus encore, depuis que vous avez levé la barrière d'âge, pour les personnes ayant des enfants : en les contraignant à partir en Suède, en Norvège ou je ne sais où, vous risquez de briser des vies. Je voudrais savoir comment vous comptez garantir que personne ne sera contraint de partir à l'étranger contre son gré, tout en rappelant que nous ne sommes évidemment pas contre la mobilité en général.
La présente proposition de loi améliorera justement l'information des apprentis et leur permettra de savoir dès le début ce à quoi ils s'engagent en intégrant un CFA, notamment en termes de mobilité. À l'inverse de vous, monsieur Davi, je pense que c'est la possibilité de partir à l'étranger qui motivera le choix de l'immense majorité des jeunes en faveur d'un CFA en particulier. Je retourne donc votre argument. La majorité d'entre eux voudront partir parce qu'il est formateur d'avoir une expérience à l'étranger, sur le plan professionnel comme sur le plan personnel. Vous parlez d'obligation ; je vous invite à me présenter les cas d'apprentis que l'on aurait forcés à partir à l'étranger. Je crois au contraire que de nombreux jeunes souhaitent partir mais n'en ont pas les moyens. J'entends vos propos mais l'exemple que vous avez cité, celui des chercheurs que l'on oblige à partir, n'a rien à voir avec la situation des apprentis qui rejoignent une formation en espérant partir à l'étranger. C'est une problématique différente de celle qui sous-tend ce texte.
Nous sommes en 2023 et nous savons, pour l'avoir lu dans la presse notamment, que les jeunes d'aujourd'hui changeront certainement dix à quinze fois de métier au cours de leur vie professionnelle. Notre vision de la formation initiale doit en tenir compte ; toutes les expériences, qu'elles se déroulent à l'étranger ou ici, selon d'autres modalités d'apprentissage, sont à cet égard importantes.
Vous nous invitez très souvent, chers collègues, à aller voir sur le terrain. Nous avons eu l'occasion, avec M. le rapporteur, de rencontrer des jeunes en CFA. On peut certes imaginer que certains ont un peu enjolivé les choses parce qu'ils rencontraient deux députés, mais je puis vous assurer que les élèves du lycée professionnel de l'automobile nous ont expliqué, avec force et conviction, combien une expérience à l'étranger était importante pour eux. Pour certains, c'était l'occasion de voyager en Europe alors qu'ils n'en avaient jamais eu l'occasion. Je crois qu'il nous faut « ouvrir nos chakras », comme dirait la présidente de la commission, et réajuster le dispositif si cela s'avérait nécessaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'amendement n° 12 n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 est adopté.
Il concerne l'un des éléments que j'ai évoqués lors de la discussion générale : l'accréditation des centres de formation d'apprentis pour le programme Erasmus +. Je m'interroge sur l'existence d'un goulet de sélection, qui pourrait être source d'inéquité, et souhaiterais qu'un rapport puisse faire la lumière sur cette question. Je présume néanmoins que les services de l'éducation nationale disposent des éléments d'information nécessaires et, dans cette hypothèse, j'aimerais que ceux-ci soient rendus publics plus aisément. Dans ce cas, je retirerai mon amendement.
Les données relatives aux accréditations des CFA sont déjà mises à disposition par les services du ministère de l'éducation nationale. À défaut du retrait de l'amendement, j'émettrai donc un avis défavorable.
L'amendement n° 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 6 de M. Stéphane Viry est défendu.
L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Les étudiants et étudiantes en apprentissage ont des difficultés à partir suffisamment longtemps en étant couverts par un régime juridique protecteur. Mais ils ont aussi, et d'abord, des difficultés dans l'accès aux mobilités Erasmus. Lever les freins juridiques à la mobilité des apprentis est un premier pas, mais donner les mêmes chances à tous les étudiants de pouvoir construire leur propre projet de mobilité, quelle que soit leur filière, c'est mieux.
Le groupe Écologiste propose ainsi d'étudier la possibilité de créer un portail internet unique de la mobilité en apprentissage, décliné par région. Il inclurait une cartographie des dispositifs favorisant la mobilité européenne des apprentis et un recensement des bourses et des aides à la mobilité qui leur sont destinées. Nous rappelons également que, pour développer la mobilité des apprentis, les CFA ont besoin d'un soutien territorial significatif, tant sur le plan financier que s'agissant de l'adaptation de leur offre et de leur mise en réseau avec les entreprises.
Vous souhaitez la création d'un portail unique, décliné par région, consacré à la mobilité des apprentis. Le rapport de l'Igas a mis en évidence l'existence d'une information très abondante et peu lisible. C'est un constat que nous pouvons partager : l'information doit être améliorée. Je ne suis pas favorable, néanmoins, à ce que nous déterminions la forme que pourrait prendre le support car cela ne relève pas du niveau de la loi ; laissons les différents opérateurs de l'écosystème s'organiser. Tous sont d'ailleurs conscients de l'existence d'un problème d'information, qui a été évoqué au cours de l'ensemble des auditions que nous avons menées. Cela étant, nous devons évidemment rester très vigilants quant à la bonne diffusion de l'information.
À défaut du retrait de l'amendement, j'émettrai un avis défavorable.
Je saisis l'occasion de cet amendement d'appel demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la création d'un portail unique de la mobilité en apprentissage pour faire le point sur notre projet d'améliorer la lisibilité des informations relatives aux bourses et aux aides financières pouvant être octroyées aux apprentis qui souhaitent partir à l'étranger.
Le Gouvernement a d'ores et déjà rassemblé les informations essentielles sur la mobilité internationale, notamment grâce à la plateforme « 1 jeune, 1 solution », qui comprend un volet sur l'Europe, de mieux en mieux connu par les jeunes, les entreprises et les partenaires de formation.
D'autre part, le Gouvernement a confié à l'association Euro App Mobility la mission de constituer une plateforme de recensement des offres de mobilité en apprentissage, en complément des bourses et des aides financières les plus connues telles que les bourses Erasmus et les financements des Opco ou d'autres organismes bilatéraux. L'association Euro App Mobility a notamment recensé les aides proposées par les régions. Tous ces éléments seront bientôt communiqués aux CFA afin que les référents mobilité disposent des outils nécessaires pour accompagner les projets d'alternants, y compris sur le plan financier.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 11 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 21 , visant à supprimer l'article.
Il vise à lever le gage.
Je remercie la ministre déléguée et le Gouvernement : cet amendement nous permettra de financer la mise en œuvre du texte. Son adoption est donc essentielle.
L'amendement n° 21 est adopté ; en conséquence, l'article 4 est supprimé.
Non, elles ne sont pas systématiques et je n'ai été saisie d'aucune demande en ce sens.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 65
Contre 7
La proposition de loi est adoptée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole (n° 905).
Nos modèles agricoles sont confrontés à de nombreux défis économiques, environnementaux et sanitaires. La souveraineté alimentaire est au cœur de nos priorités. L'agriculture est au carrefour de multiples politiques, qui façonnent notre pays en matière d'alimentation, d'aménagement du territoire, de ruralité ou encore de commerce extérieur.
La France dispose d'une agriculture sûre, saine et durable, reconnue par tous les pays européens et au-delà. Elle défend une ambition forte : réduire l'utilisation des produits phytosanitaires et garantir une alimentation de qualité à l'ensemble de nos concitoyens.
En 2016, après l'adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, elle a interdit l'usage des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018, alors que certaines substances étaient toujours autorisées par l'Union européenne moyennant des dérogations possibles jusqu'en 2020. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie de questions préjudicielles posées par le Conseil d'État belge, a rendu, le 19 janvier dernier, une décision excluant la possibilité de mettre en œuvre le mécanisme dérogatoire à une interdiction prévue expressément par le règlement européen, comme c'était le cas depuis 2018 pour les principales substances néonicotinoïdes. Cela place les filières dans de grandes difficultés et fragilise les outils industriels coopératifs, notamment ceux qui produisent en France du sucre répondant aux normes de qualité exigées sur notre territoire.
Au-delà de la situation de la filière de la betterave, d'autres interdictions de produits phytosanitaires ont été prises au niveau national sans harmonisation européenne. Elles ont conduit de nombreuses filières dans des impasses techniques et agronomiques. Les exemples sont nombreux : le 1,3-dichloropropène (1,3-D) pour les carottes des sables dans la Manche, le diméthoate pour le traitement des cerises dans le Rhône et en Ardèche, sans parler de la filière de la pomme de terre dans l'Aisne et la Somme. Les producteurs de pommes pourraient connaître les mêmes difficultés que les betteraviers français, et certains territoires d'outre-mer pourraient même être concernés.
C'est pourquoi nous ne pouvons plus accepter que des distorsions de concurrence fragilisent nos producteurs tout en laissant entrer sur notre territoire des produits alimentaires qui ne répondent pas à nos exigences sanitaires.
Je remercie la présidente de notre groupe, Aurore Bergé, et le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, qui nous ont permis, grâce à cette proposition de résolution, d'avoir ce débat important pour l'avenir de nos filières agricoles, sans jamais renier nos ambitions en matière de réduction du recours aux produits phytosanitaires.
Agir en Européens, renforcer la recherche de solutions alternatives à ces produits et les clauses miroirs dans le droit communautaire, c'est aussi reprendre la maîtrise de nos choix pour mieux accompagner nos agriculteurs afin d'atteindre nos objectifs de souveraineté alimentaire, française et européenne.
Pour nous qui défendons une agriculture de qualité et compétitive, ce texte apporte la démonstration que nous ne pouvons plus continuer à avancer seuls et que nous devons sans tarder invoquer la responsabilité de tous les États afin de sauvegarder et de protéger les modèles agricoles européens qui ont l'ambition de nourrir le monde.
Cette proposition vise non seulement à limiter les surtranspositions, mais aussi à renforcer les clauses miroirs dans le droit communautaire et la recherche de solutions techniques alternatives, tout en proposant un soutien financier face aux pertes de rendement.
L'interdiction en France de substances toujours autorisées par d'autres États membres pose problème pour la cohérence du marché européen. Cette distorsion est préjudiciable pour nos producteurs, qui ne peuvent utiliser les mêmes moyens de production, et elle affecte la compétitivité de la ferme France. Nous sonnons donc l'alerte pour que les clauses miroirs soient renforcées, notamment dans le futur règlement sur l'usage durable de pesticides.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, vous nous trouverez toujours à vos côtés – le Gouvernement le sait – pour mettre en place des mesures ambitieuses sans amoindrir notre ambition de réduire de moitié l'utilisation de produits phytosanitaires dans l'Union. Ces mesures s'appliqueront dans tout le champ communautaire, sans distorsion de concurrence. Vous nous trouverez à vos côtés pour créer les conditions du soutien à la recherche et à l'innovation, afin de ne plus laisser nos filières dans les impasses techniques qui les pénalisent.
C'est un enjeu majeur pour assurer la compétitivité de la ferme France, pour répondre aux défis du changement climatique et aux attentes de nos concitoyens. Nous devons agir avec détermination afin de défendre la biodiversité à l'échelle européenne et de montrer l'exemple au monde entier.
Agir en Européens, soutenir une agriculture sûre, saine et durable, préparer le renouvellement des générations et croire dans la capacité de la ferme France à s'adapter aux défis environnementaux : c'est dans ce cadre que nous souhaitons agir pour que les décisions prises par les autorités sanitaires nationales et européennes ne puissent plus être en contradiction avec les engagements politiques, notamment législatifs, conduisant à des revirements qui discréditent l'action publique aux yeux de nos concitoyens.
Par cette proposition de résolution, nous devons envoyer un message clair. C'est pourquoi je vous demande de la soutenir pour garantir le maintien des performances économiques, environnementales, sociales et sanitaires de notre agriculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cette proposition de résolution présentée par de nombreux députés de la majorité ne manque pas d'audace. La surtransposition, rappelons-le, consiste à durcir le cadre juridique européen lors de la transposition des directives européennes dans le droit national. Depuis plus de dix ans, la Commission européenne désapprouve ce procédé de surenchère.
Le zèle de la France à surtransposer est bien connu. Il a de graves conséquences, notamment pour notre agriculture. En 2018, le Parlement avait fait figurer dans la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite loi Essoc, un rapport sur la surtransposition. Le Gouvernement a d'abord nié l'existence de ce phénomène avant de l'évacuer en le minimisant puis en se refusant à reconnaître l'existence d'effets pervers. Il a d'ailleurs remis le rapport avec deux ans de retard.
En 2017, on ne comptait pas moins de 137 directives ayant fait l'objet d'une surtransposition, ce qui a eu de graves conséquences pour la compétitivité des entreprises, le pouvoir d'achat, l'emploi ou encore les services publics. Nous pourrions pourtant nous inspirer de ce que font nos voisins allemands, italiens ou suédois pour lutter contre ce dangereux phénomène d'inflation normative aux effets pervers que votre majorité a feint d'ignorer.
Votre proposition de résolution traite plus particulièrement de l'agriculture et je tiens à rappeler que c'est votre collègue Mme Pompili qui a inscrit l'interdiction de l'utilisation des néonicotinoïdes dans sa loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Cette mesure est allée au-delà des directives européennes qui limitaient l'interdiction à l'application aux semences.
En janvier dernier, la fin des dérogations autorisant l'enrobage des semences en France a mis le feu aux poudres. C'est toute la filière betteravière et sucrière française que cette décision a mise en péril. L'interdiction totale des néonicotinoïdes dans le droit français a été prise en dépit du bon sens, en l'absence de toute autre solution scientifique crédible. Bien que motivée par un souci de protection de l'environnement, cette loi « biodiversité », en condamnant la filière betteravière et sucrière française, a provoqué des effets désastreux en matière d'écologie. Citons l'importation de sucre produit au Brésil dans des conditions effrayantes qui contribuent à la déforestation massive de l'Amazonie.
Sur ce sujet, le Rassemblement national déposera une proposition de loi défendue par M. Timothée Houssin, qui y reviendra dans son intervention.
Alors même que le principe de non-régression environnementale a été introduit dans cette loi « biodiversité », certaines de ses dispositions ont abouti au résultat inverse !
Dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, vous citez Emmanuel Macron qui déclarait en 2020 : « Déléguer notre alimentation est une folie ». Mais qu'a fait M. Le Foll, ministre de l'agriculture en 2015, date à laquelle M. Macron était ministre des finances ? Il a donné à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) le pouvoir de décider seule de l'autorisation de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. L'interdiction de la phosphine, finalement abandonnée, aurait pu tuer notre filière céréalière.
Cette folie de votre majorité, consistant à surtransposer pour jouer les élèves modèles à Bruxelles, conduit la France à importer 50 % des denrées alimentaires qu'elle consomme et place nos agriculteurs dans une situation de concurrence déloyale absolument intenable. Le Rassemblement national déposera une proposition de loi, défendue par M. Grégoire de Fournas, visant à rendre ce pouvoir de décision au ministre de l'agriculture ainsi qu'une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête établissant les causes de la perte de notre souveraineté alimentaire.
Parce que nous défendons les Français, nous voulons rendre à la France sa souveraineté alimentaire. Pour cela, nous refusons toute interdiction sans solution alternative crédible. Nous exigeons également que des mesures soient prises pour protéger notre agriculture de la concurrence déloyale, notamment en interdisant l'importation de produits qui ne respectent pas les normes que nous imposons à nos agriculteurs.
Les Français sont las des effets de manche et des déclarations de principes sans engagement, sans lendemain. Vous avez fait le choix d'une proposition de résolution – que l'on peut assimiler à un vœu pieux – plutôt que d'une proposition de loi, qui aurait pu être efficace, d'autant que des solutions existent. Vous les connaissez : il s'agit de revenir sur la totalité des surtranspositions, d'abandonner le principe même de surtransposition, de rendre aux représentants du peuple le pouvoir de décision, d'investir massivement dans les technologies innovantes telles que le phénotypage haut débit. Toutefois, pour ce faire, il importe, mesdames et messieurs les membres de la majorité, de préférer l'action à la posture !
Bien que nous regrettions que cet enjeu crucial ne fasse pas l'objet d'une proposition de loi, nous voterons cette proposition de résolution dont nous partageons l'intention.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Réduire de moitié l'usage des pesticides en dix ans, c'était l'un des engagements pris par la France en 2009 – souvenez-vous, c'était le Grenelle de l'environnement du président Sarkozy. Que s'est-il passé depuis ? Non seulement le recours aux pesticides n'a pas diminué mais il a augmenté ! En 2012, 64 000 tonnes de substances actives étaient déversées, contre 65 000 en 2020. En ce domaine, notre pays occupe en Europe une triste deuxième place, juste après l'Espagne. Eh oui, c'est une faillite monumentale de l'État !
Il faut se rendre à l'évidence : le modèle agricole productiviste, qui passe par toujours plus de pesticides, est dans une impasse totale. Plus on utilise de pesticides, plus les insectes ou les mauvaises herbes résistent. Entraînés dans cette spirale toxique, les agriculteurs utilisent encore plus ces produits, mettent encore plus en danger leur santé, celles des riverains, celle des consommateurs. Combien de cancers et de maladies neurodégénératives faudra-t-il pour que l'on décide de mettre fin à ce phénomène ? Les seules qui en profitent, ce sont les multinationales de l'agrofourniture. Sinon qui d'autre ?
Vous nous parlez des agriculteurs. Ils auraient, selon vous, besoin de ces pesticides pour résister aux importations de produits traités avec ces mêmes substances, autorisées à l'étranger. Au fond, vous leur proposez quoi ?
Je vais vous le dire : de risquer leur santé, leur vie même, pour faire face à une concurrence internationale que vous-mêmes organisez. Car c'est vous, la Macronie, qui depuis six ans soutenez la multiplication des accords de libre-échange, c'est vous qui refusez d'actionner la clause de sauvegarde de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), vous qui nous mettez dans l'impasse, vous qui refusez qu'on en sorte.
M. Sylvain Carrière applaudit.
Pourtant, vous savez très bien qu'il est possible de s'en extraire : lorsqu'une molécule est interdite en France alors qu'elle reste autorisée ailleurs, la solution pour protéger les agriculteurs consiste à suspendre pendant quatre ans les importations de produits traités avec la substance concernée. Vous le savez. Pourquoi ne le dites-vous pas ? Pourquoi ne le faites-vous pas systématiquement ? Certes, vous avez eu recours à cette mesure pour les cerises de bouche traitées au phosmet mais vous ne l'avez pas appliquée aux cerises d'industrie ni à bien d'autres produits, malheureusement. Pourquoi rester dans l'impasse ? Pourquoi ne pas bloquer les importations ? Parce qu'au fond vous ne connaissez que la course du néolibéralisme économique. Vous ne voulez pas changer de route !
Vous enfermez les agriculteurs dans cette impasse en les plaçant devant un dilemme aussi effroyable qu'aberrant : mourir des pesticides ou mourir de la concurrence. Personne n'est obligé de choisir entre la chimie ou la survie.
Pire encore, non seulement vous restez dans l'impasse mais vous foncez droit dans le mur. Quand l'Anses interdit l'usage du S-métolachlore, herbicide classé très toxique qui a massivement pollué nos eaux, vous bataillez contre sa décision. Vous tentez même de remettre en cause les compétences de cette agence, pour que ce ne soit plus elle mais le ministre de l'agriculture qui ait le pouvoir d'autoriser la vente des pesticides ; non plus le scientifique mais le politique, et tous les lobbies qui vont avec.
Voici le sens de votre proposition de résolution : empêcher toute ambition, revoir à la baisse les règles françaises et, ainsi, nous faire foncer droit dans le mur, tous ensemble, vers le profit, main dans la main avec l'agrobusiness, qui rêve de revenir sur les dernières interdictions de pesticides.
Alors, j'aime bien courir – j'ai pratiqué la course à pied de manière intensive –, mais pas pour foncer dans le mur. Nous, nous refusons de choisir entre chimie et survie. Quand la NUPES gouvernera, nous actionnerons systématiquement la clause de sauvegarde et, à plus long terme, nous transformerons le droit du commerce.
Enfin, vous nous dites qu'il faut des solutions alternatives sans pertes de rendement ni surcoûts. Mais que faites-vous pour les trouver ? Où sont les importantes hausses de moyens destinées à la recherche et au développement ? Nous avons eu la preuve, en auditionnant la semaine dernière le secrétaire général pour l'investissement, chargé de France 2030, que ce n'était pas une priorité pour la Macronie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Où sont les hausses de moyens pour l'agriculture biologique, qui est en train de s'effondrer – rappelons que c'est un des gouvernements de la Macronie qui a supprimé les aides au maintien ? Quand nous gouvernerons, nous entamerons le tournant agroécologique, parce que nous refusons de foncer dans le mur, main dans la main avec l'agrobusiness.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Dominique Potier applaudit également.
Le 18 janvier dernier, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu une décision visant à empêcher toute dérogation à l'interdiction de l'usage des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière.
Paradoxalement, nombreux sont les pays à poursuivre et à autoriser l'utilisation de ces insecticides sous une autre forme que l'enrobage de semences mais ce n'est pas le cas de la France qui surtranspose, laissant seule toute une filière dans l'impasse et mettant en péril notre souveraineté dans le domaine du sucre.
À la suite de cette décision, le mercredi 8 février, à quelques mètres d'ici, sur l'esplanade des Invalides, les agriculteurs, les betteraviers manifestaient leur désaccord et criaient leur désarroi. Comme depuis le début de mon mandat, je me tenais à leurs côtés. En pleine manifestation, au gré de multiples interventions, la présidente du groupe majoritaire de notre assemblée a déclaré fièrement : « Nous allons déposer une proposition de loi pour interdire les surtranspositions de normes européennes en matière agricole. »
Première déception : la proposition de loi tant promise n'est qu'une proposition de résolution, un vœu, une motion sans effet, un énième texte qui n'engage à rien et qui connaîtra, par le biais d'un classement vertical, sa belle mort.
Les intentions, c'est bien, mais les actes, c'est mieux. Vous n'allez créer que déception et frustration en décourageant les paysans, en renforçant les contraintes normatives. C'est tout un secteur qui se voit menacé par votre terrible manque d'ambition. Cette proposition de résolution n'est qu'une chimère : les surtranspositions se sont tant succédé ces dernières années que la France s'est hissée, en la matière, sur la plus haute marche du podium européen.
Les autorités nationales restent responsables de l'application des textes communautaires et de leur contrôle et ces interprétations restrictives sont bien trop souvent appliquées au désavantage des agriculteurs. Cette course à l'échalote pénalise et annihile la productivité de la ferme France.
Dernièrement, c'est l'interdiction du recours à la phosphine pour les céréales exportées, alors même que son utilisation figure dans le cahier des charges des pays acheteurs, qui était en jeu. Une décision administrative a menacé de ruiner les exportations de céréales françaises et a failli sonner le glas de toute la filière. Cette bataille homérique entre juristes des agences nationales et du Gouvernement préfigure de longues confrontations. Or seule une proposition de loi claire, ferme et audacieuse contre ces surtranspositions mettra fin à ce voyage constant en absurdie !
Cet exemple tiré de l'actualité montre qu'on ne peut pas faire reposer la responsabilité de la décision sur le seul dos d'un directeur d'agence nationale. C'est au politique d'assumer les décisions.
On pourrait doter le ministre de l'agriculture d'un droit de véto qui, tout en ne remettant pas en cause les décisions scientifiques, lui permettrait d'assumer la responsabilité d'empêcher ces surtranspositions. Nous ne pourrons pas parler de souveraineté alimentaire si nous offrons si peu de perspectives aux agriculteurs. Il importe de le rappeler alors que nous sommes à la veille de débattre d'un projet de loi qui décidera des orientations à donner à la politique agricole et donc à leur avenir.
Il est urgent d'apporter de la cohérence à la recherche et de financer les investissements, dans la perspective de développer de véritables capacités de production et une vision de long terme. Céréales, betteraves, pommes, pommes de terre, endives sont autant de filières en difficulté qui voient leurs moyens de production se réduire dramatiquement et souvent du jour au lendemain, sans solution alternative !
L'agriculture française est torpillée par des prises de décisions hors-sol et par le manque de courage. On ferme les yeux sur cette situation avec une naïveté coupable. On laisse mourir notre agriculture en important des denrées étrangères qui, elles, sont produites avec des molécules dont on ne veut pas en France. L'absence d'initiatives, de prises de décision et de concertation concourt à susciter un découragement généralisé chez nos paysans.
Les agriculteurs s'estiment insuffisamment associés à l'élaboration des réglementations, qui ont pourtant un impact décisif sur leur activité. Le risque est réel d'entraîner un affaissement du potentiel productif agricole français au détriment de notre souveraineté alimentaire. La France est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent, alors même que le commerce agroalimentaire mondial n'a jamais été aussi dynamique.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir déposé une proposition de loi, comme cela avait été annoncé le 8 février dernier devant des centaines d'agriculteurs ? Je vais vous proposer quelques pistes. Premier principe législatif : écarter par principe toute surtransposition susceptible de nuire aux intérêts économiques de la France, de ses filières agricoles et industrielles, de ses services et de ses entreprises. Deuxièmement, développer une stratégie qui permette aux parlementaires, au Gouvernement et aux acteurs économiques de participer activement aux négociations européennes : notre rôle d'influence au sein du Comité européen de normalisation est en jeu. Troisièmement, évaluer l'impact économique des surtranspositions, notamment lorsque le Parlement habilite le Gouvernement à transposer les directives par voie d'ordonnance. Quatrièmement, traiter le stock des surtranspositions en vigueur, notamment lorsque la législation évolue.
Nous voterons cette proposition de résolution, bien qu'elle ne soit qu'une stratégie de communication. L'allégement des normes agricoles doit être érigé en véritable priorité de la politique agricole, tant au niveau européen qu'au niveau national.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La préservation de la planète, de l'environnement et de sa biodiversité est une priorité pour les membres du groupe Démocrate, et je sais que cette conviction est très largement partagée au sein de cet hémicycle.
Interdire en France des substances phytosanitaires autorisées chez nos voisins européens pose de réels problèmes aux agriculteurs français, en créant une vraie distorsion de concurrence préjudiciable à notre agriculture comme à notre souveraineté alimentaire. C'est pourquoi nous sommes convaincus qu'il est possible de concilier les impératifs de souveraineté alimentaire, d'un côté, et de préservation de l'environnement et de la biodiversité, de l'autre. Mais, pour cela, nous devons donner à nos agriculteurs les moyens d'avancer.
Cette conciliation constitue l'un des objectifs majeurs de la majorité, avec le soutien du ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, dont nous saluons l'action déterminée. Mais elle demeure vaine et inefficace lorsque les interdictions de substances phytosanitaires se font de manière plus drastique en France que chez nos partenaires européens.
C'est le cas en France, lorsque les directives européennes sont transposées de manière plus large que dans les pays voisins, phénomène que l'on appelle communément la surtransposition. Malheureusement, cette pratique bien française ne date pas d'hier et ne concerne pas que le domaine agricole.
Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, cette pratique est décriée à raison par les agriculteurs, qui y voient une puissante injustice par rapport à nos partenaires au sein de l'Union européenne. Depuis 2017, la majorité a pris ses distances vis-à-vis de cette pratique délétère et inefficace, aussi bien pour la conquête de notre souveraineté alimentaire…
…que pour la préservation de l'environnement. En effet, d'une part, les surtranspositions placent les producteurs agricoles français dans une situation de concurrence déloyale, en réduisant les volumes de production et la qualité des récoltes – et donc la valeur des produits agricoles. Parfois, des impasses techniques résultant d'interdictions conduisent à l'impossibilité de produire – je pense en particulier aux filières fruits et légumes.
D'autre part, une surtransposition appliquée uniquement en France est inefficace pour protéger la planète car elle conduit à utiliser des produits phytosanitaires qui ne sont pas forcément moins nocifs que ceux qui sont interdits, comme certaines huiles végétales naturelles. Pendant ce temps, nos partenaires profitent de la compétitivité obtenue. Sans oublier les dégâts sur l'environnement que provoque le transport de produits importés, la nocivité de certains pour les Français qui les consomment, et j'en passe. Ces faits, bien visibles dans de nombreuses filières agricoles, constituent de plus en plus une menace pour les exploitants français, déjà confrontés aux attaques délétères, aux pénuries de main-d'œuvre et au changement climatiques.
Même si cette proposition de résolution n'a pas rencontré une unanimité au sein du groupe Démocrate,…
…nous soutenons néanmoins l'esprit de la résolution, présentée par l'ensemble des groupes de la majorité, à l'initiative de notre collègue Stéphane Travert, que nous remercions.
Nous saluons en particulier la triple exigence qu'elle pose : ne plus transposer de manière plus stricte en France que dans le reste de l'Union européenne, sauf lorsque les impératifs dirimants de la santé ou de l'environnement l'exigent ; intégrer des clauses miroirs et des clauses de réciprocité dans l'ensemble des instruments juridiques de l'Union européenne, afin de niveler par le haut les conditions de concurrence et d'éviter que l'on ne produise moins cher ailleurs grâce à des produits interdits chez nous ; prolonger et renforcer les financements pour que la recherche permette d'aboutir à des substituts efficaces permettant d'allier quantité et qualité de la production, d'une part, et protection de l'environnement, d'autre part.
N'opposons pas les différentes formes d'agriculture : qu'elles soient biologiques ou sous signe de qualité, écoresponsables ou conventionnelles, nous devons toutes les accompagner.
Je ne suis pas le défenseur des produits de synthèse, loin de là. Mais faisons confiance aux scientifiques et aux chercheurs pour trouver les meilleures solutions, dans des délais rapides. Rappelons et saluons le fait que la France assure la production la plus saine au monde et qu'elle est régulièrement contrôlée. Laissons aux agriculteurs la possibilité de produire une alimentation saine, de qualité, accessible à tous, tout en respectant la planète. Personnellement, je ne connais pas d'agriculteur qui n'aime pas sa terre. Interdire en France pour produire ailleurs ce que nous ne voulons pas chez nous et consommer ces produits importés, traités avec des substances interdites sur notre sol ? Eh bien, non !
Soyons courageux, agissons en politiques et appliquons les clauses miroirs. Ne pas combattre la surtransposition en France, c'est un peu comme demander à un athlète en compétition de courir le 100 mètres avec ses concurrents, mais en lui attachant un boulet aux pieds. Accompagnons, encourageons, préservons la planète grâce à une plus grande sobriété et à moins d'exigences esthétiques, mais n'interdisons pas sans avoir trouvé au préalable des solutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ce n'est pas mon tempérament habituel, mais vous m'avez mis en colère, aujourd'hui. Je suis en colère parce que votre proposition de résolution repose en grande partie sur une fiction, qu'elle provoque une illusion et trompe le peuple paysan qu'elle entend servir.
Je suis en colère parce qu'il s'agit d'une proposition de résolution idéologique et que, comme Emmanuel Mounier, je préfère le réel à l'idéologie. De quoi s'agit-il derrière les grands mots ? De surtransposition. À ce sujet, s'il faut garder de la mesure, référons-nous en plutôt à deux députés qui ont publié, en avril 2021, un rapport d'information très circonstancié et mesuré : je veux parler de deux de nos meilleurs parlementaires, André Chassaigne et Jean-Louis Bourlanges. Ils révèlent que ce phénomène est en grande partie extrapolé et fantasmé, même si des progrès restent à faire en matière de coordination entre les États membres et l'Union européenne, et que la France souffre tout autant de sous-transposition, notamment dans le domaine de l'environnement, que de quelques surtranspositions, en particulier dans le domaine agricole.
De surcroît, le terme peut faire l'objet de critiques. En effet, de quoi s'agit-il sur un plan non pas idéologique, mais juridique ? Que dit le règlement n° 1107/2009 du Parlement européen concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – d'ailleurs, envisagez-vous de le remettre en cause, deux jours seulement après la Journée de l'Europe ? Ce règlement prévoit qu'il revient à l'Union européenne d'arrêter des positions sur les molécules, mais que les pays sont souverains quant à l'utilisation des produits. Souhaitez-vous remettre en cause la souveraineté nationale sur les produits ?
Sur quoi repose en effet la souveraineté en matière d'autorisation de mise sur le marché des produits ? Elle repose sur un acte politique très fort engagé par la gauche, dans un débat quasi unanime avec Les Républicains, à l'occasion de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de Stéphane Le Foll, en 2014. Un acte politique majeur, introduit à l'article L. 1313-1 du code de la santé publique, prévoyant que les arrêtés de retraits de produits – même s'ils sont signés par la Première ministre – sont instruits par l'Anses, sans autre influence, dans un cadre fixé par la puissance publique. Cette décision politique majeure – j'insiste – nous protège de tous les lobbyings qui, à court terme, peuvent être en contradiction avec la santé des sols, des végétaux, des animaux et, bien sûr, des hommes.
Je considère que le règlement n° 1107/2009 du Parlement européen est un point d'équilibre, certes perfectible, mais que nous devons respecter. J'estime que l'article L. 1313-1 que vous entendez remettre en cause, au prétexte illusoire qu'il nuit à la compétitivité, est un acte majeur. Voulons-nous donner au ministre de l'agriculture, contre les ministres de la santé et de la transition écologique, la capacité d'autoriser des produits que l'Anses aurait considérés comme dangereux pour la qualité des eaux souterraines – je pense aux métabolites du S-métolachlore – ou pour la santé humaine, notamment à cause des risques de cancers pédiatriques ? Ce serait une décision funeste.
MM. Gérard Leseul et Jérémie Iordanoff applaudissent.
Si nous voulons parler de compétitivité sans démagogie, soyons réalistes et abordons les vrais sujets de l'agriculture française. Attaquons-nous avec courage à la répartition des aides de la politique agricole commune (PAC) et remettons en cause une fiscalité qui a trop largement encouragé le surinvestissement pour les plus puissants économiquement. Parlons du partage de la valeur
M. Gérard Leseul applaudit
et de la capacité de réintroduire des régulations sur le marché européen, insuffisamment exploité par la France par rapport aux possibilités offertes par la nouvelle PAC.
Réfléchissons surtout à reconquérir notre autonomie en matière de protéines et à gagner sur le plan de l'énergie, qui sera demain l'un des facteurs de compétitivité majeur. L'un des sujets qui combine environnement et compétitivité, c'est celui de l'ammonitrate sur lequel nous ne faisons rien alors que les révélations scientifiques récentes sur le protoxyde d'azote constituent une véritable bombe à retardement réglementaire.
Nous pourrions également nous attaquer sans démagogie à la question de la régulation du marché foncier. J'ai ouï dire à ce propos qu'il existait, au sein du groupe Renaissance, un projet, défendu par notre collègue Jean Terlier, visant à détricoter le statut du fermage. Celui-ci, comme les régulations du foncier, est l'un des premiers facteurs de compétitivité de l'agriculture française : il garantit un partage entre le capital et le travail, qui préserve au mieux la compétitivité de ceux qui exploitent et qui entreprennent. Voulez-vous enrichir les propriétaires au détriment des entrepreneurs ? Est-ce là votre dessein ?
Je suis en colère. Vous me demandez souvent pourquoi je suis de gauche : je le suis parce que je crois en la démocratie et en la science, je crois en l'intérêt général.
Le vrai courage, c'est d'accompagner les agriculteurs vers les voies de la transition. Cela suppose de la recherche et de l'investissement. Pour en revenir à la question des néonicotinoïdes, à laquelle votre prédécesseur n'a jamais répondu, monsieur le ministre : combien de réunions se sont-elles tenues, dans le cadre du plan Écophyto, entre la décision de 2016 et la dérogation ? Et, après cette dernière, combien de réunions scientifiques et techniques ont-elles été organisées au ministère afin de trouver des solutions ? Nous avons, en tant que socialistes, produit un plan B pour les néonicotinoïdes et nous avons ouvert, dans le domaine des régulations, des innovations techniques et scientifiques, des voies d'avenir.
Voici le chemin qu'il faut suivre. Nous ne devons en aucun cas opposer agriculture, santé et écologie.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'agriculture est au cœur de notre identité collective, et singulièrement de celle de ma circonscription rurale du Cher : de nos histoires familiales aux paysages qui façonnent nos campagnes, du savoir-faire et du travail du monde paysan à la souveraineté et à la qualité des produits que nous consommons au quotidien.
Merci ! Depuis 1962 et l'instauration de la politique agricole commune, la prospérité de l'agriculture française se construit à l'échelle de l'Union européenne, permettant d'établir des règles communes entre États membres. Ce modèle, gage d'efficacité sur le plan économique et protecteur du monde agricole, a su démontrer ses forces. L'Union européenne est aujourd'hui la première puissance agricole mondiale et la France, le sixième pays exportateur mondial et le premier pays producteur en Europe. L'excellence de notre production agricole et alimentaire est reconnue, et nous le devons à l'exigence, sans cesse réaffirmée, en matière de qualité sanitaire et environnementale de notre production.
Néanmoins, la colère gronde dans les campagnes, face aux trop nombreuses surtranspositions du droit européen. Mettant à mal l'unité de la politique européenne, ces interdictions en France de substances autorisées au niveau européen posent problème du point de vue de la cohérence globale du marché unique. Surtout, cette distorsion de concurrence est préjudiciable à l'agriculture française, qui ne peut utiliser les mêmes moyens de production que les autres États membres pour assurer ses rendements, affectant ainsi sa compétitivité.
Ces surtranspositions ne protègent d'ailleurs qu'à la marge les consommateurs français, qui restent exposés à des produits contenant les mêmes substances mais issus d'importations en provenance d'autres États membres voire, dans certains cas, de pays tiers. Comme nombre d'agriculteurs, nous ne supportons plus cette situation incompréhensible.
La présente proposition de résolution vise ainsi à lutter contre les surtranspositions en matière agricole, à renforcer les clauses miroirs dans le droit communautaire, à renforcer la recherche de solutions alternatives pratiques aux produits phytosanitaires et à soutenir financièrement les pertes de rendement pour les filières touchées par des interdictions.
Conformément à la stratégie européenne « de la ferme à la table », notre objectif reste de cheminer collectivement, à l'échelle de l'Union européenne, vers une réduction de moitié de l'utilisation des pesticides et des engrais, tout comme des ventes d'antimicrobiens. Pour y parvenir, nous appelons de nos vœux des mesures ambitieuses prises à l'échelle communautaire, sans distorsion de concurrence : c'est un enjeu majeur pour répondre aux problèmes soulevés par le changement climatique, à l'effondrement de la biodiversité et aux attentes sociétales de nos concitoyens, qui nous obligent plus que jamais à agir avec détermination.
La proposition de résolution insiste également sur la nécessité de renforcer les moyens alloués à la recherche en matière de substituts durables, efficaces et opérationnels aux produits susceptibles d'être interdits – plusieurs d'entre vous l'ont souligné. D'aucuns ont jugé excessives certaines formulations du texte ; elles visent néanmoins à souligner la nécessité de développer au plus vite des substituts pratiques, viables et durables aux produits phytosanitaires. Plus largement, l'esprit général de la proposition de résolution – qui ne revêt pas de caractère prescriptif – est d'insister sur une indispensable approche européenne, sur le besoin d'appliquer des clauses miroirs, et sur la nécessité de rechercher des produits alternatifs aux phytosanitaires.
Au-delà de la surtransposition, se pose la question du poids des normes, qui contraignent parfois jusqu'à l'absurde ceux qui travaillent dur, sans apporter aucun gain aux consommateurs. Les textes sont trop nombreux, trop précis, et appliqués de manière trop tatillonne et zélée, en particulier pour les agriculteurs qui jouent le jeu de l'État de droit. Nous avons le sentiment que c'est aux meilleurs élèves qu'on demande de jeter leurs emballages, au motif que le poids du fromage blanc est imprimé sur la mauvaise face, quitte à leur faire perdre des dizaines de milliers d'euros, alors que tant de violations graves de la loi restent impunies.
Engagé, déterminé et cohérent avec la stratégie européenne, le groupe Horizons et apparentés soutiendra la proposition de résolution, comme il soutient toute initiative visant à renforcer la cohérence et l'ambition de notre action en matière agricole à l'échelle européenne. Nous le devons à ceux qui, tous les jours, se lèvent pour nous nourrir.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem – M. Nicolas Forissier applaudit également.
La France se comportera-t-elle, vis-à-vis des plus élémentaires principes de protection de la santé humaine et de la biodiversité, comme d'autres pays européens se comportent en matière de droits humains, de libertés fondamentales, de droits des femmes et de refus du racisme, de l'homophobie et de la lesbophobie ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – M. Dominique Potier applaudit également.
D'une certaine façon, à l'image de la Hongrie de Viktor Orban, en dissidence avec les valeurs fondamentales de l'Union européenne, vous voulez que la France rejoigne la cohorte des États membres qui contestent le droit européen, cette fois sur le plan environnemental.
Dès le premier considérant de cette proposition de résolution, vous commettez un acte de défiance à l'égard de la Cour de justice de l'Union européenne. Vous contestez la décision qu'elle a rendue le 19 janvier dernier, qui censure, de fait, votre funeste loi de décembre 2020 autorisant à nouveau le poison des néonicotinoïdes dans la filière de la betterave – loi que nous avions combattue. La justice européenne nous a donné raison. Elle a dit le droit. Étant dans une impasse juridique, il vous reste cette proposition de résolution, que vous entendez brandir aux firmes productrices des pesticides en leur disant : « Regardez, nous sommes à vos côtés ! »
M. Grégoire de Fournas s'exclame.
Vous revendiquez le droit de tuer les abeilles et d'empoisonner la santé humaine, au nom du productivisme agricole, comme d'autres revendiquent le droit de ne pas respecter les droits des femmes ni les libertés fondamentales.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Habituellement, lorsque l'Assemblée nationale vote une résolution, c'est pour défendre une grande cause : la cause de la paix et du refus de la barbarie, avec la résolution adoptée mardi dernier pour mettre le groupe Wagner au ban de la communauté internationale ; la cause de la vérité historique et de la dénonciation des crimes contre l'humanité, avec les résolutions que nous avons votées pour reconnaître des génocides, notamment celui des Ouïghours ;
M. Dominique Potier applaudit
la cause de la résistance, avec la résolution votée en soutien à l'Ukraine et à sa défense héroïque ; la cause des femmes et de la démocratie, avec la résolution qui exprime notre engagement viscéral aux côtés de la révolution féministe en Iran, sous la devise « femme, vie, liberté ».
Je ne vois pas le rapport avec la surtransposition en matière agricole !
Il en va ainsi de bien d'autres résolutions par lesquelles l'Assemblée nationale a accompli des actes fondamentalement politiques, pour faire entendre sa voix en Europe et dans le monde. Or il n'y a aucune grandeur dans la résolution que vous proposez, mais au contraire un pitoyable abaissement. Pour la première fois, l'Assemblée nationale utilise l'outil de la résolution pour signifier sa capitulation devant les lobbys.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC. – M. Grégoire de Fournas s'exclame.
L'acte politique qui sous-tend ce texte consiste à affirmer : « Ça suffit d'interdire les pesticides notoirement dangereux ! Ça suffit de vouloir changer les pratiques agricoles ! » En d'autres termes : « Ça suffit, l'agroécologie ! » Plus qu'une entorse, c'est une rupture non seulement avec la tradition des résolutions de l'Assemblée nationale, mais encore avec la culture de progrès collectif du droit européen. Mardi dernier, vous célébriez la Journée de l'Europe. Mercredi, vous votiez le pavoisement des mairies avec le drapeau européen. Aujourd'hui, vous tournez le dos à l'Europe.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
En dépit de toute vérité juridique, vous assénez jusqu'à plus soif la fable d'une prétendue surtransposition – terme d'autant plus fallacieux que, s'agissant d'un règlement européen d'application directe, il n'y a rien à transposer. Les prérogatives de l'Union et des États membres sont clairement exprimées dans le règlement de 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Elles ont été respectées quand la France, pionnière, a interdit les produits à base de néonicotinoïdes dans la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. C'est d'ailleurs la décision française qui a entraîné la décision européenne.
Cette proposition de résolution est une rupture, enfin, avec le sens de l'histoire et les principes de la Charte de l'environnement. À l'heure de l'extinction massive et vertigineuse du vivant, cette résolution obscurantiste nie les preuves scientifiques relatives à la toxicité aiguë des néonicotinoïdes. Elle nie la gravité des alertes sanitaires concernant les produits cancérigènes suspectés, comme le S-métolachlore qui a contaminé massivement les nappes phréatiques et l'eau potable. Elle nie également l'existence de solutions alternatives qui portent un nom : l'agriculture biologique.
Vous allez jusqu'à écrire, dans le quatrième point de la proposition de résolution, qu'il est interdit d'interdire des produits chimiques dangereux, et que le rendement prime sur la santé – bref, qu'il faut fermer les yeux sur la nocivité du poison, pourvu qu'on ait le pognon.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Ce texte est celui d'un groupe Renaissance affolé, abandonné par un président de la République à la dérive et coupé du peuple, qui n'a plus pour seule boussole que le clientélisme. Il est le symptôme de la décomposition de ce qui se présentait comme une troisième force, prétendument équilibrée, de la vie politique française. Les députés du groupe Écologiste – NUPES voteront résolument contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
La majorité nous propose d'approuver une résolution dont l'objet est de lutter contre les surtranspositions en matière d'interdiction des pesticides. Ce texte invite le Gouvernement à défendre, au niveau européen, la généralisation des clauses miroirs dans les traités internationaux et dans les réglementations communautaires. Il lui demande également d'accroître les financements attribués aux programmes de recherche et de renforcer l'accompagnement et le conseil individuel auprès des agriculteurs, pour accélérer la diffusion de pratiques alternatives. Jusqu'ici, pas de problème.
Nous souscrivons aussi à l'idée que la réglementation européenne peut parfois être aberrante, comme lorsqu'elle considère qu'il revient au pays exportateur d'arrêter la définition de la qualité de ses produits. Cela conduit par exemple à ce que les bananes de République dominicaine importées en Europe, qualifiées par leur pays producteur de bananes bio conformément à sa législation, soient vendues en France sous cette appellation, alors qu'elles subissent des traitements phytosanitaires. À l'inverse, des bananes françaises provenant de Martinique et de Guadeloupe ne peuvent pas être vendues comme « bio » au titre de la législation française, bien qu'elles ne subissent pas les mêmes traitements phytosanitaires que les précédentes. C'est une vraie rupture d'égalité. De ce point de vue, la clause miroir est une bonne chose. Ce problème vaut aussi pour les fraisiers français, confrontés à des fraises polonaises infectées à souhait, ou pour les pommes de terre allemandes qui bénéficient d'une législation laxiste, quand celle de la France est stricte.
Pour remédier à ces difficultés bien réelles, votre texte suggère cependant d'adopter une logique de moins-disant environnemental et sanitaire. Vous laissez notamment entendre qu'en interdisant cinq néonicotinoïdes dès 2016, la France n'a pas joué un rôle de précurseur mais a porté inutilement préjudice aux producteurs. Ce raisonnement nous conduit sur une pente dangereuse, celle du renoncement, alors que, depuis 2008, les pouvoirs publics s'efforcent – sans succès – de réduire l'utilisation des pesticides et d'engager la transformation de notre modèle agricole.
Avec ce texte, vous mettez vos pas dans ceux du Gouvernement qui, sous prétexte de respecter le cadre européen et rien que le cadre européen, assume ouvertement de privilégier le statu quo dans la protection de la santé et de l'environnement. Cette nouvelle stratégie s'illustre depuis quelques mois dans une campagne à peine voilée de dénigrement à l'encontre de l'Anses.
Fin mars, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a ainsi demandé à l'Anses de revenir sur sa volonté d'interdire les principaux usages de l'herbicide S-métolachlore, qui est encore autorisé dans l'Union européenne. Bien que l'Anses ait mis en évidence que ce pesticide est responsable d'une vaste pollution des nappes phréatiques à des niveaux inacceptables, le ministre a ouvertement déclaré : « L'Anses n'a pas vocation à décider de tout, tout le temps, en dehors du champ européen et sans jamais penser aux conséquences pour nos filières. » Autrement dit, vous choisissez ouvertement de privilégier les intérêts économiques de court terme plutôt que de défendre l'intérêt général, la santé et l'environnement.
M. Dominique Potier applaudit.
Nous ne pouvons évidemment vous suivre dans cette voie. Avec 85 000 tonnes de pesticides répandus chaque année, la France en est le premier consommateur européen et le troisième consommateur mondial. Elle se doit de réduire de manière volontariste sa dépendance à ces produits. Promouvoir une agriculture économe en pesticides suppose des moyens de recherche et d'accompagnement, mais aussi une transformation plus générale de l'écosystème agricole, pour le mettre au service de notre souveraineté alimentaire et en finir avec le dumping social et environnemental à grande échelle qui prévaut actuellement. Vouloir, comme vous le faites, qu'aucune interdiction de substances ne vienne jamais contrarier la course aux volumes et au rendement, c'est renoncer d'avance à la transformation durable de notre système agricole ; c'est mettre le programme de lutte contre les pesticides entre les mains du pouvoir économique, et priver le Parlement de ses prérogatives dans ce domaine.
Si nous partageons en partie les préoccupations exprimées dans la proposition de résolution, nous refusons d'en rabattre – comme vous le proposez – sur nos ambitions en matière de réduction des pesticides. Nos priorités sont les suivantes : protéger notre agriculture des logiques mortifères de la mondialisation libérale, accélérer la transition agroécologique, accompagner les agriculteurs techniquement et financièrement, soutenir les programmes de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), développer les formations et garantir des revenus décents aux paysans. Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES s'abstiendront donc sur ce texte.
Lutter contre les surtranspositions en matière agricole : on pourrait y voir un marronnier, tant le sujet a été abordé dans l'hémicycle – sans réelle efficacité, malheureusement. L'administration française se caractérise souvent par un excès de zèle : en interprétant les textes, elle se plaît à surtransposer certaines normes européennes, pénalisant en dernier ressort la compétitivité de la ferme France. Il s'agit là d'un excès de zèle bureaucratique.
Interdire les substances dangereuses pour protéger les agriculteurs, les consommateurs et l'environnement est une nécessité – un impératif, même. Mais interdire en France des produits qui restent autorisés ailleurs en Europe, et qui continuent d'être importés dans notre pays, c'est non seulement dangereux et sacrément hypocrite pour les consommateurs qu'inefficace pour l'environnement. Ces interdictions nuisent gravement à la compétitivité de l'agriculture française et menacent notre souveraineté alimentaire, en plaçant les agriculteurs dans des situations difficiles, voire inextricables. Nous en savons quelque chose dans l'Hérault, avec l'importation de vins espagnols issus de vignes assaisonnées de produits phytosanitaires interdits en France. Comment croyez-vous que réagissent nos viticulteurs ? Cette absurdité législative concerne pas moins de 200 caves coopératives et 18 000 exploitations viticoles dans le Gard, l'Hérault, l'Aude et les Pyrénées-Orientales.
L'Union européenne autorise l'utilisation en agriculture de 454 substances actives. Ce nombre est en diminution constante : il a diminué de près de 20 % en moins de dix ans et devrait encore baisser dans les années à venir. La France est plus stricte que l'Union européenne, puisqu'à la fin de l'année 2021 elle n'autorisait que 309 substances actives. Bref, seules 68 % des substances actives autorisées et utilisées en Europe sont agréées en France.
Ainsi, au sein même du marché européen, les agriculteurs français avancent avec un sacré boulet au pied : ils n'ont pas le droit d'utiliser les mêmes substances que leurs voisins, sans que les produits agricoles desdits voisins soient le moins du monde pénalisés lorsqu'ils sont vendus en France – cherchez l'erreur. Ils subissent d'ailleurs une double peine, car les solutions alternatives aux produits interdits sont souvent plus chères ou, dans le pire des cas, inexistantes, ce qui place les paysans français dans une impasse technique. Il en résulte une baisse de rendement et, par conséquent, une perte de compétitivité.
J'ai mentionné les viticulteurs ; j'aurais pu également évoquer la filière arboricole, qui a recours à l'aspersion pour contrecarrer les effets désastreux du gel sur les récoltes. Las ! Selon un rapport sénatorial de septembre 2022 relatif à la compétitivité de la ferme France, « nombre de projets sont aujourd'hui bloqués […] par certaines contraintes réglementaires […]. En revanche, ces pratiques ne posent aucun problème dans d'autres pays d'Europe, où les tensions relatives à l'eau sont pourtant plus importantes qu'en France. »
Face à ce constat, prenant acte que ces interdictions ne protègent pas les consommateurs français, nous devons instaurer une règle simple : la réciprocité. Ce principe devrait d'ailleurs nous guider non seulement en matière agricole, mais dans toutes nos politiques. En effet, les mesures miroirs, qui permettraient d'imposer aux produits importés les mêmes normes qu'aux produits français, constitueraient un moyen efficace de rectifier la distorsion de concurrence, non seulement avec les autres membres de l'Union européenne, mais aussi avec les agriculteurs hors Union européenne, qui ne sont pas contraints de respecter l'ensemble de nos règles. Elles seraient d'autant plus utiles que l'Union européenne négocie des accords de libre-échange facilitant l'entrée sur le marché européen de produits dont le processus de production n'est pas conforme aux règles en vigueur en France.
Le Pacte vert pour l'Europe et son volet agricole, en promouvant la stratégie « de la ferme à la table », renforcent les exigences environnementales appliquées à l'agriculture européenne, en vertu du sacro-saint principe de précaution consacré par l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Très bien, à condition que cela ne soit pas toujours nos paysans qui trinquent !
Au sein de la commission de l'environnement du Parlement européen, un compromis semble émerger – et c'est tant mieux – pour inclure dans le règlement sur l'usage durable des pesticides la possibilité d'appliquer les normes européennes aux produits importés grâce à ces fameuses mesures miroirs. Il est également prévu de systématiser la suppression des tolérances à l'importation pour les pesticides interdits dans l'Union européenne pour des raisons environnementales et non plus seulement à ceux interdits pour des raisons sanitaires. Peut-être allons-nous enfin pouvoir avancer !
Je voterai bien évidemment cette résolution, même si je regrette que nous ne soyons pas plus ambitieux.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Cette proposition de résolution nous fournit l'occasion de débattre une nouvelle fois de l'adaptation des moyens de production à nos ambitions partagées : préserver, valoriser et pérenniser notre production agricole nationale, qui est l'une des plus exigeantes sur le plan sanitaire, environnemental et social, et reconnue comme telle dans le monde entier. L'enjeu du texte – dont je tiens à saluer les auteurs, en particulier Stéphane Travert – consiste à déterminer la meilleure façon d'accompagner les transitions pour conserver une agriculture française souveraine, de qualité, respectueuse de l'environnement, capable de répondre aux besoins alimentaires de nos concitoyens tout en contribuant à garantir la sécurité alimentaire mondiale, qui n'est pas assurée. Je me permets de souligner ce dernier point important, récemment mis en lumière par le conflit en Ukraine.
Il s'agit donc de dépasser les polémiques dont je constate souvent l'existence pour avancer au service de notre souveraineté, des enjeux de santé publique et de la préservation de l'environnement. Ces trois enjeux ne s'opposent pas et ne sauraient être traités séparément : ils vont de pair.
Ce gouvernement et cette majorité sont engagés de longue date dans la recherche de solutions pour accompagner les transitions agricoles à l'œuvre, dont la nécessité et l'urgence sont mises en relief par les effets délétères du dérèglement climatique sur la production agricole. Je sais que cette préoccupation est partagée sur de nombreux bancs. D'ailleurs, nous serions tous d'accord pour refuser toute dépendance envers d'autres pays qui produiraient davantage que la France, mais sans respecter nos normes sanitaires et environnementales et en s'appuyant sur un modèle bien différent de nos élevages familiaux. Pour ce faire, nous entendons accélérer les transformations à l'œuvre et les changements indispensables grâce à une logique de planification écologique.
La proposition de résolution se concentre sur la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, qui constitue pour nous une priorité. Cette ambition nous a guidés pendant plusieurs quinquennats : ainsi, l'usage des produits les plus préoccupants – les CMR, substances cancérogènes, mutagènes et toxiques, de catégorie 1 – a diminué de 93 % depuis 2016. Il faut reconnaître à la fois le chemin parcouru en la matière et le travail qui nous reste à accomplir. Nous devons définir les moyens et un calendrier adéquat de déploiement pour accompagner les agriculteurs vers le changement nécessaire de certaines pratiques. Il convient de leur donner davantage de visibilité à long terme, comme pour toute profession dont les conditions d'exercice se trouvent bouleversées. Nous pourrons ainsi préserver les productions françaises de qualité et nous assurer que, demain, de nouveaux agriculteurs croiront encore en l'avenir.
Il importe par ailleurs d'équilibrer le débat : éviter la surtransposition conduisant à des impasses techniques et économiques ne doit pas nous empêcher d'anticiper la modification de pratiques et de règles pour répondre aux attentes des consommateurs et des acteurs agricoles eux-mêmes.
Je souhaite d'ailleurs faire quelques précisions au sujet de la surtransposition. J'entends souvent dire que la France interdit l'usage d'une centaine de molécules autorisées partout ailleurs en Europe, mais il faut être exact : l'impact de ces interdictions est assez mineur.
Si un grand nombre des molécules en question ne sont pas utilisées en France, c'est parce que la production agricole française ne comprend pas les mêmes filières et n'est pas soumise aux mêmes contraintes ou au même climat que la production d'autres pays, comme la Grèce. La surtransposition constitue un sujet de débat légitime – quelques cas méritent qu'on les examine –, mais non central.
La suradministration, en revanche, c'est-à-dire les lourdeurs administratives qui freinent le développement de nouveaux projets, pose un problème majeur. Nous ne saurions faire évoluer la réglementation relative aux produits phytosanitaires tout en refusant les nouvelles techniques génomiques et en n'accélérant pas le développement du biocontrôle. Il serait tout aussi incohérent d'affirmer la nécessité d'une agriculture plus résiliente tout en refusant de débattre de la question de l'eau. Cela reviendrait à entraver notre capacité à produire. Il convient donc de lutter non seulement contre les surtranspositions de directives européennes, mais aussi contre notre propre propension à nous mettre des boulets aux pieds – je reprends la très bonne image d'Éric Martineau – dans le cadre national, alors même que personne ne nous le demande.
Je pense donc qu'au-delà du sujet des produits phytosanitaires nous sommes capables d'assumer pleinement les prétendues surtranspositions, dès lors qu'elles sont partagées, construites avec les acteurs et anticipées. Ce fut par exemple le cas en matière de bien-être animal, sujet cher à la présidente Aurore Bergé, sur lequel la position française trouvera sans doute bientôt des échos au niveau européen. La question délicate des nitrites constitue un second exemple : le plan d'action que ma collègue Agnès Firmin Le Bodo et moi-même avons présenté fin mars place la France en tête des pays les plus exigeants en la matière, et nous défendrons cette position lors de la prochaine révision des textes européens. La méthode que nous avons employée lors de ces diverses occasions est la bonne : s'appuyer sur la confiance et la coopération entre les agriculteurs, les acteurs de la recherche, les citoyens et les pouvoirs publics, et agir selon la science et selon la raison.
Nous devons faire preuve d'ambition en matière environnementale ; pour une efficacité maximale, nous devons agir au niveau européen, comme nous l'avons fait lors de la réforme de la PAC en rendant obligatoire l'application d'un écorégime dans tous les États membres – je signale que cette mesure ne figurait pas dans la proposition initiale de la commission. Nos agriculteurs ne sauraient être mis plus longtemps dans une position de concurrence défavorable sur notre marché. Il faut donc toujours garder à l'esprit qu'une décision nationale en matière agricole peut entraîner un report des consommateurs de produits nationaux vers des produits importés, sans gain environnemental ni gain de qualité.
La présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022 a été l'occasion d'affirmer, au-delà du marché européen et dans le même esprit de concurrence loyale avec les produits importés de pays tiers, la nécessité d'éviter ce qu'on appelle parfois des fuites environnementales. Pour ce faire, il est indispensable d'instaurer des mesures miroirs, comme celles que nous défendons dans le cadre du règlement européen relatif à l'utilisation durable des pesticides, dit règlement SUR, mais aussi d'introduire des conditionnalités tarifaires dans les accords de libre-échange.
Enfin, soyons force de proposition pour trouver des solutions adaptées à chaque pays du marché unique. Compte tenu des enjeux liés à l'utilisation des produits phytosanitaires, nous devons absolument obtenir des résultats en matière de nouvelles techniques génomiques si nous souhaitons préserver tant l'abondance que la qualité de notre production agricole. Il faut également défendre des alternatives crédibles comme le biocontrôle.
Le projet de résolution propose, en son paragraphe 7, l'instauration d'une planification relative aux produits phytosanitaires, dont je dirai quelques mots. Cette disposition fait écho à l'action lancée par la Première ministre lors du Salon de l'agriculture, consistant à travailler selon une méthode de planification en ce qui concerne les produits phytosanitaires, à prévoir l'arrêt ou l'évolution de l'usage de certaines molécules et à y préparer les filières. Comme l'a dit la Première ministre à cette occasion, cela signifie qu'il ne saurait y avoir de surtransposition – ou simplement d'évolution juridique – en la matière, sauf motif de santé publique. Cette exigence essentielle constitue un point d'équilibre auquel, je le sais, l'Assemblée nationale se montrera attentive.
Un défi majeur nous attend : sur les 450 substances actives autorisées dans l'Union européenne, près de la moitié feront l'objet d'un nouvel examen dans les cinq ans à venir. Il nous faut affronter résolument la situation telle qu'elle se présente à nous, examiner les risques d'impasse et développer des solutions alternatives fiables.
De façon générale, la tendance européenne au retrait des substances phytosanitaires est incontestable ; ce serait faire erreur que de la nier. Les retraits sont relativement harmonisés, hormis en ce qui concerne quelques éléments évoqués lors de la discussion générale. En revanche, la réglementation relative aux conditions d'utilisation des produits phytosanitaires – je pense aux diverses chartes et aux ZNT, zones de non-traitement – est plus contraignante en France que dans la plupart des autres pays européens. C'est pourquoi l'harmonisation européenne de la transition agroécologique grâce au règlement SUR répond à des enjeux majeurs. J'estime préférable que nous tenions ce débat et défendions ces exigences au niveau européen ; c'est pourquoi le règlement SUR me semble un véhicule intéressant.
En effet, il nous faut absolument avancer en Européens sur ces sujets, car nous évoluons – je crois utile de le rappeler – dans un marché unique. Aligner les règles et les calendriers français et européens revient à nous assurer que nous n'importons pas et ne consommons pas, au détriment de nos agriculteurs et plus généralement des Français, des produits non conformes à nos normes sanitaires et environnementales.
Nous souhaitons donc impulser un changement de méthode. Pour ce faire, le premier chantier consiste à planifier, à permettre aux agriculteurs de se projeter dans l'avenir et à accepter la temporalité du changement. On accepte de donner quinze ou vingt ans à des secteurs économiques tels que l'aéronautique, l'automobile ou le logement pour faire évoluer leur modèle ; comment exigerait-on de l'agriculture qu'elle accomplisse cette transition en un ou deux ans ? Nous avons besoin d'une planification crédible, d'objectifs ambitieux et d'une temporalité tenable, sous peine de faire s'effondrer le système.
Il est également nécessaire de travailler plus intensément à la mise au point et au déploiement d'un ensemble de solutions qui, si elles peuvent parfois avoir recours à des méthodes chimiques – car c'est parfois la seule solution : pour ma part, je l'assume –, ne reposent pas uniquement sur elles.
Nous devons aussi faire front commun pour défendre la souveraineté alimentaire de la France, la santé publique et l'environnement, qui relèvent de l'intérêt collectif. À cette fin, il convient d'éviter les silos et de faire collaborer l'ensemble des acteurs du secteur, qu'il s'agisse de l'Anses, de l'Inrae, des instituts techniques ou encore des représentants des filières agricoles, afin qu'ils trouvent ensemble des solutions alternatives.
Par ailleurs, la planification doit concilier notre capacité à produire et l'impératif climatique. Je suis convaincu que si notre modèle n'évolue pas, notre souveraineté alimentaire en sera menacée et que, par conséquent, le statu quo serait la pire des politiques, y compris pour les agriculteurs. Je le sais, personne n'a réellement envie de changer ses méthodes ; tout système économique tend à conserver son fonctionnement. Il s'agit simplement de trouver les bons mots pour expliquer cette nécessité – en se gardant de dénigrer ou de montrer du doigt les uns et les autres – et de prévoir des mesures crédibles auxquelles nous dédierons les moyens nécessaires.
On m'a d'ailleurs interpellé sur les moyens consacrés à la recherche. Je rappelle que France 2030 a permis d'augmenter de près de 2 milliards d'euros les crédits spécifiquement dédiés à la recherche de solutions alternatives en matière agricole. Grâce à cette somme significative, l'Inrae, les instituts techniques et les structures similaires pourront accélérer leurs travaux.
La planification comporte trois défis, dont le premier réside dans la sauvegarde de la souveraineté alimentaire. Il faut éviter de remplacer une production européenne ou française par des produits importés, car il s'agirait à la fois d'une défaite économique et d'une défaite environnementale ; le travail au niveau européen prend donc toute son importance.
Le second défi réside dans la formulation des objectifs. En effet, ceux-ci doivent être à la fois ambitieux et réalistes, ce qui implique des moyens adéquats. Il me paraît donc nécessaire de concevoir la politique agricole de manière globale, car nous ne saurions multiplier les évolutions juridiques et changer chaque année les règles du secteur, traitant tour à tour et indépendamment la question des produits phytosanitaires, celle du bien-être animal et celle de la biodiversité. Cela ôterait aux agriculteurs toute visibilité sur l'avenir.
Aucun système économique ne peut tenir avec des règles qui changent tous les ans. Nous avons donc besoin d'une planification pour nous donner des règles et avancer. Il faut évoluer, mais il ne faut pas que les règles changent tout le temps. Je ne connais pas un acteur économique qui puisse supporter de changer de règles tous les ans, voire tous les six mois, quand on est bien fâché, si vous me permettez cette expression.
Il faut sortir des représentations simplistes.
Troisièmement, il faut assumer que la transition prend du temps. Dire que cela prend du temps ne veut pas dire qu'on ne veut pas le faire. Il faut être réaliste et reconnaître que certaines transitions sont nécessaires, y compris dans l'intérêt du monde agricole.
Il faut assumer que ces transitions prennent du temps.
Je sais que beaucoup se contentent de dire « y a qu'à, faut qu'on » ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
mais on aurait intérêt à se mettre autour de la table pour prendre en considération la réalité plutôt que de déclarer à une tribune ce qu'il faudrait faire à des gens qui gagnent, pour nombre d'entre eux, assez peu d'argent.
Enfin, il faut aborder cette transition à hauteur d'homme. Nous devons incarner cette transition dans les exploitations. Il n'est pas suffisant que la recherche fondamentale ou appliquée ait trouvé des solutions ; il faut également qu'on puisse convaincre les agriculteurs.
La question de la massification des innovations est centrale, car si les agriculteurs ne sont pas eux-mêmes convaincus, on aura du mal à avancer et à massifier les avancées. Il faut donc se saisir de cette question, en particulier dans la phase de renouvellement des générations que nous devons accompagner. Ce qui est en jeu, c'est donc l'avenir de l'ensemble de la société,…
…notre capacité à continuer de garantir aux Français l'accès à une alimentation saine, sûre et durable, et notre souveraineté alimentaire.
Je reviens donc pour finir à ce par quoi j'avais commencé : la souveraineté alimentaire n'est jamais gagnée. Avec la politique agricole commune, nous avons construit en Européens une politique pour assurer l'alimentation de l'ensemble du continent européen. Mais cela n'est pas gagné, car le dérèglement climatique posera des problèmes.
Assumons donc notre capacité à produire, tout en menant les grandes transitions nécessaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Nicolas Forissier applaudit également.
S'« il est parfois nécessaire de changer certaines lois », comme l'écrivait Montesquieu, « il ne faut y toucher que d'une main tremblante ». C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de surtransposer des normes européennes. Dans le contexte des tensions commerciales internationales que nous connaissons, la France, premier pays producteur agricole d'Europe, s'emploie depuis des années à sur-réglementer un secteur économique indispensable. Surtransposer, c'est aller au-delà de la norme établie, en l'espèce pour contraindre, toujours plus, les agriculteurs et la production alimentaire française.
Si les objectifs de cette sur-réglementation, souvent guidée par le principe de précaution, sont toujours louables, ils sont aussi malheureusement très éloignés de la réalité du terrain et fortement préjudiciables aux agriculteurs mais aussi aux consommateurs. En tant que législateurs, nous avons le devoir d'assurer une juste conciliation de grands impératifs nationaux. Dans le cas présent, il s'agit d'assurer, d'une part, la préservation de la santé, mais aussi, d'autre part, le fonctionnement de l'appareil agricole français, la préservation de notre souveraineté alimentaire, ainsi que celle de notre indépendance stratégique en Europe et dans le monde.
M. Pascal Lavergne applaudit.
C'est pourquoi il nous appartient de préserver les producteurs français des multiples interdictions d'usage de produits phytopharmaceutiques pourtant autorisés dans certains autres pays européens.
Le problème auquel nous sommes confrontés, c'est que, bien souvent, lorsqu'un principe actif est interdit en France, cette interdiction ne fait pas l'objet de clauses miroirs qui imposeraient la même contrainte aux autres États européens. De surcroît, il n'est pas non plus interdit de commercialiser sur le territoire national des produits qui auraient été exposés au même traitement pourtant interdit en France.
Par conséquent, ces interdictions conduisent, dans le meilleur des cas, à des situations de concurrence déloyale et, dans le pire des cas, à un arrêt pur et simple de la production française, tout en laissant le libre accès à des produits importés souvent exposés aux molécules dont nous avons interdit l'usage chez nous.
On peut illustrer aisément mes propos par l'arrachage récent de milliers de cerisiers, suite à l'interdiction du diméthoate, pourtant indispensable pour lutter contre la mouche drosophile asiatique qui ravage les récoltes de cerises.
Je pense également aux épidémies de jaunisse de la betterave blanche, victime des attaques de pucerons, suite à l'interdiction des néonicotinoïdes par enrobage qui protégeaient historiquement les cultures nécessaires à la production sucrière française.
Les chercheurs n'ayant pas encore trouvé de molécule pour remplacer celles qui font l'objet d'une interdiction, de nombreux agriculteurs se posent la question de la pérennité de leur exploitation, pourtant essentielle pour produire l'alimentation des Français. Ces arrêts de production ont également des conséquences industrielles concernant l'élaboration des produits dérivés comme l'éthanol, carburant écologique et économique, dont l'usage permet de lutter contre le réchauffement climatique tout en soutenant le pouvoir d'achat des Français. Cette situation ubuesque vient mettre à mal tant nos objectifs de santé publique que la souveraineté agricole française, la pérennité de nos exploitations, mais aussi nos objectifs de protection de l'environnement.
Dans ce contexte, la présente proposition de résolution vise à réaffirmer la nécessité de ne pas surtransposer, tout en invitant le Gouvernement à défendre à l'échelle européenne et internationale une généralisation de l'usage des clauses miroirs pour les pesticides.
Par ailleurs, il apparaît indispensable de conditionner les interdictions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques à l'existence de solutions alternatives efficaces, qui n'entraînent ni perte de rendement ni surcoût inacceptable de production et qui peuvent être déployées à grande échelle et dans des délais raisonnables.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons nécessairement renforcer les financements destinés à la recherche, notamment dans le cadre du plan national de recherche et d'innovation. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance soutiendra cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Sur la proposition de résolution, je suis saisie par les groupes Renaissance, Rassemblement national et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Timothée Houssin.
Le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition, car nous en partageons le constat. Il n'en reste pas moins que ce texte ne prend aucune mesure concrète et est avant tout une opération de communication de la Macronie.
Le 9 février dernier, nos agriculteurs manifestaient à quelques centaines de mètres d'ici pour protester contre la surtransposition des normes européennes en matière agricole. Ce jour-là, les députés de la Macronie sont allés les voir en leur promettant une loi concrète pour lutter contre cette surtransposition.
En fait, vous, députés macronistes, revenez avec une simple proposition de résolution qui n'engage à rien, pour dénoncer une surtransposition dont vous êtes responsables.
La France est actuellement le seul pays d'Europe à interdire tous les néonicotinoïdes pour la betterave sucrière. Vous êtes les seuls à tous les interdire et à laisser nos producteurs sans défense face la jaunisse de la betterave. C'est une menace grave pour les 23 000 betteraviers, pour les 45 000 emplois de la filière sucrière, pour la place de la France, qui est le premier producteur mondial de sucre de betterave, mais aussi pour notre souveraineté alimentaire. Les conséquences s'en font déjà ressentir, puisque la sucrerie d'Escaudœuvres a supprimé 123 emplois dernièrement.
Face à cette situation, vous ne nous proposez rien de concret. En plus, vous continuez à exposer notre filière sucrière au dumping environnemental de pays sans aucune norme, comme le Brésil.
Pourtant, des solutions concrètes existent pour protéger la filière. Une solution qui serait meilleure que le sucre d'importation pour notre agriculture, pour notre environnement, pour notre économie et pour nos emplois consiste à agir comme les autres pays d'Europe, à faire ce qui est autorisé par l'Union européenne mais que vous interdisez en France : réautoriser temporairement l'acétamipride en cas d'attaque de pucerons sur la betterave.
J'ai déposé une proposition de loi dans ce sens ; ayez le courage de l'inscrire à l'ordre du jour.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En matière de surtransposition, Mathilde Paris vous le disait, il faut privilégier l'action par rapport à l'imposture. Arrêtez donc les opérations de communication, proposez des textes de loi concrets et nous les voterons.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous propose de renommer cette proposition de résolution « pesticides », ce sera plus clair. Avec cette proposition de résolution, vous prétendez que nous serions contraints de choisir entre protéger la santé et l'environnement ou protéger les agriculteurs de la concurrence. C'est un faux dilemme ! Nous pouvons protéger les deux.
Vous instrumentalisez la détresse des agriculteurs et vous agitez le chiffon rouge de la concurrence pour défendre les pesticides.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est indécent, d'autant plus que c'est vous qui, depuis des années, abandonnez le revenu des agriculteurs à la sauvagerie du marché.
Mêmes mouvements.
En supprimant les quotas, en laissant les petits se faire manger par les gros dans les négociations commerciales, en signant les accords de libre-échange, en réalité, ce que vous défendez ici, ce sont les profits de l'agrochimie.
Mêmes mouvements.
Jean-Claude a travaillé vingt-sept ans comme technicien de coopérative. Il enrobait les semences de pesticides. Il souffre maintenant d'un Parkinson dévastateur.
Christian, qui assiste à la séance depuis les tribunes, éleveur laitier en Bretagne, a utilisé des pesticides de son adolescence à ses 45 ans. Atteint d'un cancer de la prostate, reconnu il y a quelques semaines comme une maladie professionnelle, il souffre de récidives régulières. Il me disait tout à l'heure : « Toutes les semaines, on enterre un copain. »
Denis était salarié dans une entreprise agricole. Il épandait des pesticides pour le compte d'agriculteurs. Il nous a quittés cette semaine, à l'âge de 58 ans, après onze ans de bataille contre un myélome. J'ai une pensée particulière pour sa famille et ses amis.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Chaque fois, les médecins ont reconnu le lien direct avec les pesticides. La concurrence brise les revenus, les pesticides brisent les vies.
Mêmes mouvements.
Il faut donc sortir des pesticides et de la concurrence.
À l'automne, nous débattrons d'une loi d'orientation agricole qui a fait du renouvellement des générations sa priorité. Mais avec une telle résolution, quel horizon offrez-vous aux jeunes agriculteurs ? Celui d'une vie de compétition permanente avec le reste du monde, où la seule façon de s'en sortir est d'utiliser toujours plus de pesticides ?
Celui d'une vie sous la menace de maladies professionnelles comme celle de Jean-Claude, Christian, Denis et tant d'autres ? Celui d'un revenu qui ne dépend pas de son travail mais des aléas du marché ?
Avec un tel tableau, comment comptez-vous installer les milliers de paysans et paysannes dont nous avons besoin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Dominique Potier applaudit également.
Pourtant, les solutions existent : décider de prix planchers pour retrouver la maîtrise des prix et des volumes, imposer nos normes de production aux produits importés et instaurer des prix d'entrée, planifier la transition vers l'agriculture biologique en réorientant les aides de la PAC.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors, les revenus seront garantis et nous pourrons nous permettre de produire moins mais mieux. Nous refusons de participer à cette fausse opposition entre agriculture et protection de la santé et de l'environnement. Nous voterons contre cette proposition de résolution.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Au cours des multiples interventions à la tribune, personne n'a remis en cause le rôle de la science,…
…ni celui de l'Anses, puisque la science est essentielle dans la prise de décision. C'est parce que nous avons confiance dans les décisions et dans les choix faits par l'Anses que la France présente les plus hauts standards de culture. Nous remettons en cause le fait que c'est sur la tête du seul directeur de l'Anses que repose la responsabilité. C'est parce que le politique a fui sa responsabilité qu'on a fragilisé le rôle et les choix faits par la science au travers de l'Anses.
Dans quelques interventions, on nous a reproché de réagir par idéologie. Mais nous n'avons vu que des déversements d'idéologie dégouliner sur l'autel de cette tribune. L'idéologie de l'entrave à la production,…
…de l'entrave à l'agriculture, tout simplement l'idéologie qui défend la décroissance de l'agriculture française. Deux visions de l'agriculture s'opposent et celle que nous défendons nous conduit à voter cette proposition de résolution sans hésiter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE.
Les propos du ministre de l'agriculture m'ont plutôt rassuré. Si j'ai bien compris – vous me direz si ce n'est pas le cas –, le groupe Renaissance et les droites en général ne remettent pas en cause le droit européen.
Ils ne l'ont pas fait.
En effet, le règlement 2009/1107 n'est pas remis en cause.
La souveraineté nationale en matière d'autorisation de produits n'est pas non plus remise en cause, puisque vous n'entendez pas revenir sur l'ordonnance portant création de l'Anses – une grande décision politique, cher Julien Dive – sur un cahier des charges public et sur signature de la Première ministre, pour ne laisser prise à aucun intérêt économique à court terme, alors que des questions de santé majeures sont en jeu. Voilà en quoi consiste le vrai courage politique.
C'est une démission du politique ! C'est le politique qui doit décider, pas les agences.
Le vrai courage ne consiste pas à obéir aux pressions économiques. Je voudrais dénoncer une forfaiture intellectuelle. Tous ceux qui veulent remettre en cause la décision de l'Anses invoquent la balance bénéfices-risques mais, en l'état, c'est surtout les bénéfices pour quelques-uns et le risque pour tous les autres.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
On calcule toujours la balance bénéfices-risques pour les mêmes : quelle forfaiture intellectuelle !
Je suis rassuré par les propos du ministre, et je pense qu'au regard de la conjoncture politique actuelle, c'est pour lui une souffrance de soutenir cette initiative malheureuse de la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Pour sa part, le groupe Socialistes et apparentés fait de la politique au meilleur niveau. Il faut le dire au monde paysan : la solution ne passe pas par votre proposition démagogique, mais par l'agriculture-santé – l'agroécologie.
« C'est faux ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Et j'entends bien que, dans ce domaine, la France soit championne en Europe et dans le monde, car elle en est tout à fait capable et l'a déjà prouvé.
S'agissant de l'utilisation des néonicotinoïdes, je rappelle une fois encore que d'autres solutions existent : si nous nous étions vraiment mis au boulot tous ensemble – filière, État, scientifiques – dans le cadre du plan Écophyto, nous aurions pu les déployer en à peine trois ans.
Aujourd'hui, la plus grande menace pesant sur la betterave, ce n'est pas un virus, mais la dérégulation des quotas européens…
Décision prise sous le quinquennat Hollande ! Les socialistes sont responsables !
…et la faiblesse du rôle que l'Union européenne confère aux organisations de producteurs, que la France n'a toujours pas remise en cause à cette heure. Au nom de notre amour du monde paysan et de nos engagements envers lui, nous voterons donc résolument contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
…et sans aucune conscience du sérieux et de la réalité des faits, vous continuez, chers collègues, à parler de surtransposition, alors que votre proposition de résolution est en réalité fondée sur la contestation d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. Cette décision, d'application directe dans tous les États membres, est pourtant très importante. Selon certains, je serais « décroissante » : dans ce cas, la CJUE l'est aussi ,
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
puisqu'elle indique dans sa décision que « l'objectif de protection de la santé humaine et animale et de l'environnement, en particulier, devrait primer l'objectif d'amélioration de la production végétale. » C'est clair, c'est net, c'est du droit.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement : il n'y a pas de souveraineté alimentaire possible sans insectes et sans vers de terre.
Je n'ai pas dit le contraire ! Sans agriculteurs non plus, d'ailleurs.
L'effondrement du vivant est en cours, et nous n'avons pas dix, vingt, ou trente ans pour faire face à cette menace.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Les agriculteurs travaillent avec un vivant en voie d'extinction : on n'a pas le temps dont vous auriez besoin pour appliquer votre programme.
Ensuite, le modèle chimique fait-il le bonheur des agriculteurs ? Combien sont-ils à vivre sous le seuil de pauvreté ? Combien sont-ils à faire un burn-out ? Combien sont-ils à se suicider ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Enfin, comme d'autres collègues ayant une certaine ancienneté ici, je suis ravie de vous entendre défendre l'application des clauses miroirs, que nous avons réclamées lors de tant de batailles parlementaires et que vous avez systématiquement refusées. Nous avons même dû nous battre pour interdire l'exportation de pesticides fabriqués en France, où ils sont pourtant interdits.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Le principe de la clause miroir est la réciprocité : appliquer une clause miroir, c'est interdire l'importation de produits interdits chez nous, mais c'est aussi interdire la fabrication en France de l'atrazine exportée partout dans le monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 68
Contre 21
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble de la proposition de résolution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Prochaine séance, lundi 15 mai 2023, à seize heures :
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra